evaluation et prophylaxie anti-infectieuse en chirurgie

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EVALUATION ET PROPHYLAXIE
ANTI-INFECTIEUSE EN CHIRURGIE
PROTHÉTIQUE :
Quel bilan ? Quels sites évaluer pour la recherche d’une colonisation ?
Décontamination (si oui, quel produit) ? Quelle stratégie pour les patients à risque ?
Antoine Lefevre-Scelles, Thomas Clavier, Benoît Veber
Pôle Réanimation-Anesthésie-SAMU, CHU Charles-Nicolle, 1 rue de
Germont, 76000, Rouen, France. E-mail : [email protected]
INTRODUCTION
L’incidence des infections en chirurgie en orthopédie prothétique oscille de
1 % à 3 % [1]. La mise en place d’un matériel étranger représente un facteur
de risque important d’infection du site opératoire (ISO) chez des patients
souvent âgés. Les principaux germes impliqués dans ces infections sont les
Staphylococcus aureus et les staphylocoques à coagulase négative qui représentent 40 à 65 % des infections de prothèse des membres inférieurs [1, 2].
La prévalence de certains facteurs de risque est en nette progression dans la
population (obésité, diabète, accroissement de la moyenne d’âge) et le nombre
de prothèses implantées est en constante augmentation. L’infection de prothèse
est également une complication grave de la chirurgie vasculaire, grevée d’une
lourde morbi-mortalité. Ainsi, la prévention des ISO en chirurgie prothétique est
un enjeu majeur des équipes de chirurgie orthopédique et vasculaire. L’objectif
de ce chapitre est de présenter les stratégies de prophylaxie anti-infectieuse à
mettre en place chez les patients bénéficiant d’une chirurgie prothétique.
1.FACTEURS DE RISQUE LIÉS AU PATIENT ET BILAN D’ÉVALUATION
Certains facteurs de risque infectieux liés aux conditions chirurgicales
sont peu modifiables : chirurgie prothétique bilatérale en un temps, reprise
chirurgicale, temps opératoire prolongé, arthroplastie du genou. Les facteurs de
risque liés au patient sont par contre plus facilement optimisables en pratique
clinique quotidienne. Dans ce contexte, la Mayo Clinic a récemment développé
un score multifactoriel prédictif d’infection prothétique incluant des facteurs
de risque liés au patient et à la chirurgie : index de masse corporel, antécédent
de chirurgie ou d’arthroplastie, durée de la procédure, score ASA et immunodépression [3]. Ce score n’a cependant pas encore été validé dans de grandes
110
MAPAR 2014
cohortes prospectives. La recherche de facteurs de risque spécifiques d’ISO
en chirurgie prothétique doit bien évidemment rester associée aux mesures
préventives habituelles pour toute chirurgie orthopédique : antibioprophylaxie,
salles opératoires à flux laminaire, asepsie stricte, préparation, détersion et
antisepsie cutanée minutieuse, limitation des entrées-sorties dans la salle
d’intervention, prévention de l’hypothermie, optimisation de l’hémodynamique
et de l’oxygénation peropératoire.
1.1. PATIENTS COLONISÉS PAR UNE FLORE BACTÉRIENNE NOSOCOMIALE
ET/OU BÉNÉFICIANT D’UNE RÉ INTERVENTION PRÉCOCE POUR UNE
CAUSE NON-INFECTIEUSE
Les patients hospitalisés plus de 48 heures avant l’intervention, résidants
dans une structure de moyen/long séjour ou récemment hospitalisés sont à
risque de colonisation par des germes multirésistants, en particulier par le
Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM). Il semble logique
d’intégrer les patients ayant bénéficié d’une antibiothérapie récente par fluoroquinolones ou pénicilline et les personnels travaillant dans le milieu de la
santé humaine ou animale, dans le groupe de patients « nosocomiaux » [4]. Le
dépistage du SARM doit être effectué au minimum par un écouvillonnage nasal.
D’autres sites ont également été décrits en complément de ce prélèvement :
aisselles, périnée, plaies/cicatrices, gorge, sonde urinaire à demeure [4]. En l’absence de dépistage préopératoire, ces patients doivent être considérés comme
porteurs de SARM. Certains travaux nord-américains explorent le dépistage
systématique du SARM pour tous les patients admis à l’hôpital. Cette stratégie
reste discutée et semble peu pertinente en France où le taux de portage de
SARM dans la population communautaire est nettement plus faible [4]. Il est
important de souligner que ce dépistage ne concerne que les staphylocoques
aureus et ne s’applique pas aux souches de staphylocoques à coagulase négative
qui sont fréquemment résistantes à la méticilline. L’incidence des bactéries à
béta-lactamase à spectre élargie (BLSE) dans les infections prothétiques est
mal documentée et reste probablement assez faible. Ainsi, leur dépistage par
écouvillonnage rectal ne saurait être recommandé de façon systématique mais
peut-être envisagée au cas par cas selon les antécédents de colonisation du
patient ou l’écologie bactérienne du service d’origine [5].
1.2.PATIENTS IMMUNODÉPRIMÉS
Ce groupe recouvre plusieurs catégories nosologiques différentes : infection
à VIH, traitements immunosuppresseurs, corticothérapie prolongée, dialyse
au long cours, cirrhose, dénutrition sévère. Ces patients sont particulièrement
concernés par des problèmes d’ostéonécrose (corticoïdes, traitements anti-rétroviraux, éthylisme) pouvant conduire à la nécessité d’une chirurgie prothétique. Il
n’existe pas de recommandations précises concernant l’évaluation préopératoire
du risque infectieux prothétique chez ces patients [6]. Au-delà du bilan préopératoire « habituel », il semble licite de vérifier l’absence de syndrome infectieux
(examen clinique, NFS, CRP), le statut virologique (taux de lymphocytes CD4,
charge virale) et l’état nutritionnel (albuminémie, pré-albuminémie). Enfin dans
certaines situations, il peut être envisagé de décaler, voire de récuser, le patient
pour une chirurgie prothétique fonctionnelle quand le risque infectieux et/ou
général apparaît comme majeur : VIH au stade SIDA, transplantation récente,
cirrhose Child C, dénutrition sévère. Il est à noter que ces patients sont à consi-
Questions pour un champion en Anesthésie
111
dérer comme potentiellement porteurs d’une flore bactérienne nosocomiale,
en particulier les patients dialysés, et sont donc à évaluer selon les modalités
exposées au paragraphe précédent.
1.3.COMORBIDITÉS
L’âge, l’obésité de grade III, le diabète de type 2, un score ASA ≥ 3, une
arthrite inflammatoire ou une ostéonécrose sous-jacente sont des facteurs
de risque infectieux documentés [7-9]. Ces facteurs sont cumulatifs, avec un
taux d’ISO qui atteint 10 % chez les patients obèses morbides présentant
un diabète. Il est difficile d’agir sur ces facteurs de risques constitutionnels,
d’autant que certains (obésité, ostéonécrose, arthrite) sont souvent à l’origine
de la nécessité de mise en place d’une prothèse. Il convient d’adapter les
posologies de l’antibioprophylaxie chez les patients obèses en doublant les
doses habituelles, conformément aux recommandations de la SFAR [10]. Chez
les patients diabétiques mal équilibrés, qui présentent un risque infectieux plus
de deux fois supérieures à un non diabétique, un bilan clinico-biologique de la
maladie et l’équilibration glycémique préopératoire avec l’aide d’un diabétologue
sont des préalables indispensables à une chirurgie orthopédique prothétique.
L’anémie préopératoire semble être également un facteur de risque d’ISO en
chirurgie prothétique et le caractère non urgent de cette chirurgie impose donc
de normaliser le taux d’hémoglobine avant l’intervention : cure de fer, EPO,
traitement étiologique [9]. Enfin, au-delà de ces éléments, le tabagisme reste
un facteur de risque global d’infection postopératoire. Ainsi, l’information du
patient sur le risque infectieux lié au tabagisme et la proposition d’un sevrage
péri-opératoire sont nécessaires dans ce contexte de chirurgie fonctionnelle.
2. STRATÉGIES DE PRÉVENTION DES ISO
Sans antibioprophylaxie, la fréquence des ISO en chirurgie prothétique
articulaire est de 3 à 5 %. La prophylaxie anti infectieuse permet actuellement
de réduire ce taux à moins de 1 % et de limiter l’émergence de résistances
bactériennes [11]. Ainsi, l’impact bénéfique de l’antibioprophylaxie sur l’incidence des ISO orthopédiques est démontré depuis plus de 40 ans [12]. Le
succès de l’antibioprophylaxie dépend de quelques principes clés. Les agents
antimicrobiens doivent être actifs contre les organismes les plus susceptibles de
provoquer une ISO. Il faut également maintenir des concentrations adéquates qui
dépassent la concentration minimale inhibitrice dans le site contaminé pendant
toute la durée de la procédure, sans induire d’effets secondaires pour le patient,
à la dose recommandée [13].
2.1.DÉPISTAGE DU SARM ET DÉCONTAMINATION
S. aureus est l’agent pathogène le plus fréquemment à l’origine des ISO en
chirurgie prothétique. La colonisation par le SARM, essentiellement au niveau
des fosses nasales, multiplie jusqu’à 9 le risque d’ISO à SARM [14].
Le dépistage préopératoire de SARM permet d’identifier les patients porteurs et d’initier une décolonisation afin de diminuer le taux d’ISO [15]. Il n’y a
actuellement pas de recommandation sur le choix d’une méthode diagnostique
par rapport à une autre pour le dépistage préopératoire à S. aureus [16]. Il n’est
pas recommandé de dépister d’autres sites que le site nasal dans le cadre
d’une stratégie de dépistage/décontamination préopératoire [16]. Néanmoins,
112
MAPAR 2014
l’augmentation du nombre de sites de détection prélevés pourrait optimiser la
capacité à détecter le portage de SARM. Ainsi un écouvillon multi-site, notamment naso-inguinal, est proposé par certaines équipes [17].
La technique de choix pour la décolonisation consiste en l’utilisation de
mupirocine intranasale (BACTROBAN®) en préopératoire [18]. Le moment et
la durée optimale d’administration ne sont pas standardisés dans la littérature.
Nous proposons de débuter la décolonisation 5 jours avant le début de la chirurgie
à raison de 3 applications par jour de mupirocine en intra-nasal. Le portage de
S. aureus n’étant pas exclusivement nasal, il est également possible de retrouver
des SARM au niveau de la sphère oro-pharyngée et cutanée. Il faut donc associer
à la décolonisation nasale par mupirocine, une décolonisation corporelle et oropharyngée par un produit antiseptique efficace contre S. aureus (chlorexidine
par exemple) [19]. Ainsi, la double décontamination nasale et cutanée en préopératoire de chirurgie orthopédique semble diminuer le taux d’ISO à SARM [20].
Le risque de développement d’une résistance du SARM à la mupirocine
impose de surveiller régulièrement la sensibilité des souches bactériennes [21].
Par contre, la validation de l’efficacité de la décontamination par un nouvel écouvillon nasal en fin de décontamination n’est pas actuellement recommandée par
des études de puissance suffisante. Une étude montre néanmoins que, malgré
un screening de S. aureus et une décontamination bien menée, la persistance
de S. aureus est possible sur les prélèvements après traitement [22].
2.2.CHOISIR LA BONNE ANTIBIOPROPHYLAXIE Les sociétés savantes recommandent l’utilisation d’une céphalosporine de
première ou deuxième génération telle que la céfazoline ou le céfuroxime en première intention pour l’antibioprophylaxie des arthroplasties en orthopédie [10, 23].
En effet, ces céphalosporines sont efficaces contre les cocci à Gram positif, à
l’exception des SARM et des entérocoques. Elles sont également actives contre
les bacilles à Gram négatif (E. coli) communautaires. Ces deux agents ont une
assez bonne pénétration dans l’os, la synovie et les muscles quelques minutes
après le début de la perfusion [24]. Ils présentent une activité bactéricide et
des caractéristiques pharmacodynamiques favorables pour l’antibioprophylaxie.
Actuellement il n’existe pas d’argument pour favoriser l’une ou l’autre des deux
céphalosporines [25]. Par ailleurs, il n’est pas recommandé d’administrer en
1ère intention un glycopeptide pour la prophylaxie anti infectieuse des prothèses
articulaires. En effet, il n’est pas démontré que l’utilisation d’un glycopeptide soit
bénéfique par rapport à l’utilisation d’une céphalosporine pour les patients sans
portage connu de SARM, y compris dans les hôpitaux avec une forte prévalence
de SARM [26]. Ainsi, pour la prévention du risque d’ISO liée au S. aureus sensible
à la méticilline, la pharmacocinétique peu favorable, le faible pouvoir bactéricide,
et la toxicité potentielle des glycopeptides doivent conduire à la prescription
exclusive de céfazoline ou de céfuroxime. Chez les patients allergiques aux
céphalosporines, il est recommandé d’utiliser la clindamycine ou la vancomycine en association avec la gentamicine [10]. Il faut préférer la clindamycine en
première intention sauf si le patient a des antécédents connus de colonisation
par le SARM. En revanche, en cas de colonisation à SARM avérée ou fortement
suspectée, une prophylaxie par vancomycine est indiquée [13]. Il est important
de noter que le linézolide n’a pas de place en prophylaxie anti-infectieuse.
Questions pour un champion en Anesthésie
113
Les doses d’antibiotiques doivent être répétées si l’opération se poursuit
au-delà de deux demi-vies après la dose initiale, afin d’assurer des concentrations
supérieures à la CMI pour toute la durée de l’intervention. Les doses utilisées
au bloc opératoire sont présentées dans le tableau I.
Tableau I
Antibioprophylaxie en chirurgie orthopédique prothétique (d’après [10])
Antibiotique
Dose
Dose
Durée Réinjection
2ème
2
(BMI > 35 kg/m )
(min)
(h)
dose
Céfazoline
2 g
4 g
15-30
4
1 g
Céfuroxime
Clindamycine
Vancomycine
Gentamycine
1,5 g
600 mg
15 mg/kg
5 mg/kg
3 g
900 mg
15 mg/kg
5 mg/kg
15-30
15-30
60
30
2
0,750 g
4
600 mg
Dose unique
Dose unique
Nous proposons dans la Figure 1 un algorithme de dépistage et de stratégie
anti-infectieuse chez les patients bénéficiant d’une chirurgie prothétique.
Consultation pour chirurgie prothétique
FDR de colonisation à BMR
particuliers ?
• Ecologie du service d'origine
• Colonisation connue du patient
OUI
Dépistage ciblé (BLSE,
Pseudomonas...) ±
discuter d'un protocole
d'antibioprophylaxie
adapté
OUI
Ecouvillonnage nasoinguinal non réalisé
NON
FDR de colonisation à SARM ?
• Hospitalisation > 48 h
• Travailleur en milieu médical
• Antibiothérapie récente (Péni,
FQ)
• Moyen/long séjour
• Ré intervention précoce
Ecouvillonnage nasoinguinal lors de la CPA
NON
Patient colonisé à SARM ?
• Décontamination nasale par
mupirocine (BACTROBAN®) :
3 applications par jour pendant
5 jours
• Toilette quotidienne à la chlorhexidine pendant 5 jours
Vancomycine 15 mg/kg IV
sur 60 min avant l'incision +
Gentamicine 5 mg/kg IV
OUI
Céfazoline 2 g IV 30-60 min avant
incision puis 1 g toutes les 4 h
OU
Céfuroxime 1,5 g IV 30-60 min
avant incision puis 0,75 g toutes
les 2 h
Figure 1 : Proposition d’algorithme d’évaluation et de gestion préopératoire de la
colonisation bactérienne chez les patients bénéficiant d’une chirurgie prothétique.
BLSE : Beta-lactamase à spectre élargie, BMR : Bactéries multirésistantes,
CPA : Consultation pré-anesthésique, FDR : Facteurs de risque, FQ : Fluoroquinolones, Péni : Pénicilline, SARM : Staphylococcus aureus résistant à la méticilline
114
MAPAR 2014
2.3.MODE D’ADMINISTRATION
Outre le choix de la molécule, les modalités d’administration sont primordiales. Les erreurs dans le dosage, la durée et les modalités de la prophylaxie
antibiotique sont très fréquentes, allant jusqu’à augmenter le risque d’apparition
d’une ISO [27]. L’activité antibactérienne doit être optimale entre 0 et 3 h après l’incision. Il y a significativement moins d’ISO lorsque l’injection d’antibiotiques est
terminée avant l’incision par rapport à une injection après l’incision cutanée [28].
Malgré toutes ces données, dans près de 20 % des cas l’antibioprophylaxie n’est
pas débutée à l’incision. Il est donc recommandé de perfuser les antibiotiques
dans les 30 à 60 minutes qui précèdent l’incision de la peau. La vancomycine doit
être administrée sur 60 minutes et sa perfusion doit être terminée au moment
de l’incision.
2.4.DURÉE DE L’ANTIBIOPROPHYLAXIE
L’antibioprophylaxie doit être courte, généralement inférieure à 24 h. Cela
permet de diminuer les phénomènes de résistance sans pour autant augmenter
l’incidence des ISO [23]. Par ailleurs, en cas de mise en place d’un redon en
postopératoire, il n’y a aucun argument dans la littérature suggérant une poursuite
des antibiotiques jusqu’à l’ablation du redon.
2.5.ANTIBIOPROPHYLAXIE ET CIMENT OSSEUX
Le ciment osseux est un matériau à base de polymère pouvant être utilisé lors
de l’arthroplastie pour la fixation de l’implant articulaire. Ces biomatériaux utilisés
lors d’une arthroplastie augmentent le risque d’adhérence bactérienne à la surface
de l’implant. L’incorporation d’un antibiotique au ciment est une technique utilisée
depuis plus de 30 ans dans le traitement des infections sur prothèse mais cette
stratégie reste débattue en prophylaxie. Actuellement, les antibiotiques les plus
couramment ajoutés au ciment pour un usage prophylactique sont la gentamicine,
la tobramycine et le cefuroxime. La gentamicine serait l’agent anti infectieux le
plus efficace sur les bactéries ciblées en cas d’incorporation au ciment [29]. La
majorité de l’antibiotique diffuse au cours des premiers jours après l’intervention
mais la libération peut se poursuivre jusqu’à un an après l’implantation. Certaines
études ne retrouvent pas d’arguments recevables pour recommander l’emploi
en routine de ciment imprégné d’antibiotiques en plus de l’antibioprophylaxie
par voie intraveineuse lors de la pose de prothèse articulaire [30]. Les résultats
d’une récente méta-analyse sont cependant en faveur de l’emploi de ciment
imprégné d’antibiotiques en association à une antibioprophylaxie intraveineuse,
les auteurs retrouvant moins d’ISO dans le groupe avec un ciment imprégné en
comparaison du groupe bénéficiant d’une antibioprophylaxie seule [31].
En pratique, et au vu de ces différentes études, s’il y a une indication
chirurgicale à l’utilisation de ciment, celui-ci devrait contenir un antibiotique de
type aminoside. Il ne faut pas y recourir sans antibioprophylaxie systémique par
voie intraveineuse associée.
3. POINTS SPÉCIFIQUES CONCERNANT LES INFECTIONS PROTHÉTIQUES EN CHIRURGIE VASCULAIRE
L’essentiel des stratégies d’évaluation et de prophylaxie présentées dans les
paragraphes précédents s’appliquent à tout type de chirurgie prothétique. Nous
développerons brièvement dans cette partie les quelques spécificités liées à la
Questions pour un champion en Anesthésie
115
chirurgie vasculaire. Dans cette chirurgie, les interventions avec mise en place
de matériel se compliquent d’infection de prothèse dans 1 à 4 % des cas [32].
Au-delà du sepsis, il existe un risque thrombotique élevé pouvant mettre en jeu
le pronostic vital et fonctionnel du patient à court terme. La microbiologie des
infections prothétiques vasculaires est proche de celles des infections orthopédiques avec une prédominance de Staphylococcus [33]. Ainsi, une stratégie
basée sur le dépistage du SARM en chirurgie vasculaire semble pertinente en
termes de réduction de la morbi-mortalité [34]. Cette stratégie pourrait être
dirigée notamment sur les sites concernés par la chirurgie (dépistage du SARM
au niveau du nez, aisselles et périnée dans le cas d’un pontage axillo-bifémoral
par exemple). Les molécules recommandées pour l’antibioprophylaxie en
contexte communautaire sont la céfazoline et la céfuroxime [10]. Chez les patients
hospitalisés plus de 48 h, bénéficiant d’une ré intervention précoce ou porteurs
de SARM, une antibioprophylaxie par vancomycine sera instaurée selon les
modalités exposées précédemment. Il convient de noter qu’il n’est pas recommandé d’ajouter une molécule anti-BGN en cas d’utilisation de vancomycine. De
même, contrairement à la chirurgie orthopédique prothétique, en cas d’allergie à
la pénicilline, la vancomycine utilisée seule est l’alternative de choix [10]. Enfin,
l’utilisation de prothèses imprégnées d’antibiotiques pourrait présenter un intérêt
anti-infectieux mais il n’existe pas à ce jour de séries concernant l’utilisation
éventuelle de ces matériels chez l’homme [35].
CONCLUSION
L’antibioprophylaxie des chirurgies prothétiques doit répondre à des critères
de qualité bien établis. Le dépistage du portage de SARM chez les sujets à risque
puis la décontamination et l’utilisation de vancomycine chez les patients porteurs
de SARM, est une stratégie logique et étayée par plusieurs études. Son impact
sur l’écosystème doit faire l’objet d’une attention particulière.
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