« Le défi de l`évangélisation à l`aube du nouveau millénaire dans le

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Conférence de Monseigneur Gérald Cyprien Lacroix
Archevêque élu de Québec et Administrateur diocésain
CONFÉRENCES NOTRE-DAME DE QUÉBEC
Basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec, Québec, 13 mars 2011
« Le défi de l’évangélisation à l’aube du nouveau millénaire
dans le Diocèse de Québec »
Permettez-moi de débuter en vous invitant à accueillir la Parole de Dieu.
Actes des Apôtres – extraits des chapitres 1 et 2
112 « Quittant alors la colline appelée «Mont des Oliviers», ils regagnèrent Jérusalem. 13À leur retour, ils montèrent dans la chambre haute où ils se retrouvèrent. Il y
avait là : Pierre, Jean, Jacques et André ; Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu ; Jacques fils d’Alphée, Simon le zélote et Jude fils de Jacques. 14Tous, unanimes, étaient assidus à la prière, avec quelques femmes dont Marie la mère de Jésus,
et avec les frères de Jésus. (…)
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Il y a des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a marché à notre tête, 22à commencer par le baptême de Jean jusqu’au
jour où il nous a été enlevé : il faut donc que l’un d’entre eux devienne avec nous témoin de sa Résurrection.»
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On en présenta deux, Joseph appelé Barsabbas, surnommé Justus, et Matthias.
Et l’on fit alors cette prière : «Toi, Seigneur, qui connais les cœurs de tous, indique
celui des deux que tu as choisi, 25pour qu’il prenne, dans le service de l’apostolat, la
place que Judas a délaissée pour aller à la place qui est la sienne. 26On les tira au sort
et le sort tomba sur Matthias qui fut dès lors adjoint aux onze apôtres.
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21Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble.
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Tout à coup survint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent : la maison où ils se tenaient en fut toute remplie ; 3alors leur apparurent comme des langues
de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux. 4Ils furent tous remplis
d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnait de
s’exprimer. (…)
Et ils sortent sur la place publique…
14
Alors s’éleva la voix de Pierre, qui était là avec les Onze ; il s’exprima en ces
termes : «Hommes de Judée, et vous tous qui résidez à Jérusalem, comprenez bien ce
qui se passe et prêtez l’oreille à mes paroles.
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Non, ces gens n’ont pas bu comme vous le supposez : nous ne sommes en effet qu’à neuf heures du matin. (…)
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Israélites, écoutez ces paroles : Jésus le Nazôréen, cet homme que Dieu avait
accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au
milieu de vous, comme vous le savez, 23cet homme, selon le plan bien arrêté et la
prescience de Dieu, vous l’avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main
des impies ; 24mais Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il
n’était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir.
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Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité, nous tous en sommes témoins. »
Il me semble que ce texte des Actes des Apôtres est, pour nous, un guide précieux. Pour
bien regarder en avant, pour discerner le comment nous devons vivre la grande mission de nouvelle évangélisation, nous avons avantage à plonger dans la Parole de Dieu, source intarissable de
lumière et d’inspiration. Parole vivante et efficace, révélation du plan d’amour de Dieu pour
l’humanité.
Les Apôtres et les disciples venaient de vivre les années exceptionnelles de la vie publique
de Jésus. Ils ont vécu en sa présence, fait route avec lui. Ils l’ont écouté, regardé longuement et
Jésus les a conduits à Jérusalem où il a vécu sa passion, sa mort et sa résurrection.
Après quelques apparitions et quelques moments partagés avec le Ressuscité, voilà
qu’arrive le jour de l’Ascension, où Jésus est élevé aux cieux et retourne auprès du Père, mais pas
sans avoir dit aux disciples : «Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant
au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » (Mt 28, 1-20)
Les voilà donc entre eux et « seuls » pour la première fois : apôtres, disciples, hommes et
femmes, avec Marie, la mère de Jésus. Ils se sont sûrement posés cette question : maintenant, que
fait-on ? Ils sont conscients d’avoir entre les mains un trésor, une vie nouvelle, leur foi en Jésus
Christ, mort et ressuscité. Leur vie est changée à tout jamais à cause de Jésus. En plus, ils ont
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reçu une grande mission, celle de proclamer cette Bonne Nouvelle à toutes les nations, de baptiser et faire des disciples.
Ce n’est pas surprenant qu’ils commencent par se réunir, tous ensemble, pour prier, pour
être en communion profonde avec le Seigneur présent, mais désormais invisible et pour implorer
la venue de l’Esprit Saint que Jésus leur a promis. Ils sont investis d’une grande mission mais ils
sont incapables de la réaliser sans l’aide de l’Esprit.
Voilà qu’arrive le jour de la Pentecôte qui change tout. « Tout à coup survint du ciel un
bruit comme celui d’un violent coup de vent. » (Ac 2, 2) D’en haut arrivent le soutien, la force,
l’audace et les dons de l’Esprit. Nous en voyons les fruits. Pierre et tous les autres sortent sur la
place publique et se mettent à proclamer la Bonne Nouvelle du Christ mort et ressuscité, le cœur
de l’Évangile, le kérygme. Débute alors la grande aventure d’évangéliser le monde. C’est grâce à
ce souffle de l’Esprit, grâce à cette foi enracinée en Jésus, et dans le cœur d’une multitude
d’apôtres et de disciples que la Bonne Nouvelle qu’est l’Évangile est parvenue jusqu’à nous, ici,
à Québec. À leur suite, des femmes et des hommes profondément enracinés dans la foi sont venus
sur nos terres vivre le mandat missionnaire pour que soit fondée ici une communauté de baptisés,
de croyants, de disciples de Jésus.
Aujourd’hui, nous nous retrouvons un peu comme les apôtres et les premiers disciples, sûrs
de notre foi car nous avons fait la rencontre du Christ ressuscité. Il est vivant au milieu de nous et
nous voulons le faire connaître, aimer et servir. Nous voulons proclamer cette Bonne Nouvelle à
nos frères et sœurs, cependant nous sommes parfois un peu craintifs, timides.
Devant les transformations rapides que la société québécoise a connue et que Mgr Couture
nous a brillamment illustrées, devant les défis qui sont les nôtres aujourd’hui, comment pouvonsnous proposer la fraîcheur de l’Évangile au monde de notre temps ? Nous portons un trésor dans
des vases fragiles. Nous avons vieilli mais l’Évangile reste jeune. Nous demeurons convaincus
que le message du Christ, son invitation à vivre en communion avec Lui, avec le Père et l’Esprit,
à vivre en communion entre nous et en enfants de lumière au milieu du monde, est un appel qui
nous conduit à la vie, nous libère et nous ouvre à une espérance fiable.
On a beau nous redire sur tous les tons que la foi et l’Église nous ont menés à la grande
noirceur, ce n’est pas ce que nous vivons bien au contraire. Notre foi au Christ, notre vie en
Église ici, dans notre Diocèse, nous exhortent sans cesse à aller de l’avant, à choisir la vie, à nous
relever, à vivre en fils et filles de Dieu. En un mot, notre vécu nous confirme que la foi conduit au
bonheur, à la vie en abondance, tel que Jésus nous l’avait promis : « Je suis venu pour que vous
ayez la vie et la vie en abondance. » (Jn 10, 10).
Comment allons-nous vivre cette nouvelle évangélisation ? À l’exemple des premiers disciples, nous puiserons des forces neuves dans la prière « Tous, unanimes, étaient assidus à la
prière. » (Ac 1, 14). C’est assis aux pieds de Jésus, du Maître, pour nous nourrir de sa Parole, de
l’Eucharistie et du pardon que nous deviendrons davantage une communauté de croyants, unis
dans la foi et l’amour, disponibles pour aller vivre et témoigner au monde de notre temps.
Comme les Apôtres et les premiers disciples, nous n’arriverons jamais à sortir sur la place pu-
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blique sans l’intervention de l’Esprit Saint. Lui, le Défenseur, le Père des pauvres, peut nous prodiguer les dons, les charismes, l’audace, le courage et la persévérance pour accomplir cette
grande mission.
Chers frères et sœurs, ne nous leurrons pas. Si nous comptons sur nos propres forces, nous
ne construirons rien de durable. Les temps actuels requièrent des personnes saintes et fortifiées
par la grâce du Saint-Esprit. Soyons assez humbles pour reconnaître notre pauvreté et assez disponibles afin que l’Esprit de Dieu nous guide et nous conduise là où Il le voudra, pour la gloire
de Dieu et le salut du monde.
Je vous ai lu dans l’extrait des Actes des Apôtres, la scène où les Apôtres vont chercher de
l’aide avant de partir pour la mission. Pour compléter le collège des Apôtres, Matthias se joint au
groupe. Pierre affirme : « Il faut donc que l’un d’entre eux devienne avec nous témoin de sa Résurrection. » (Ac 1, 22) Nous aussi, nous devrons inviter et former d’autres personnes pour
qu’elles se joignent à nous car la mission est trop grande, trop belle et trop urgente pour que nous
la portions seuls. Comment allons-nous relever le défi de la nouvelle évangélisation chez-nous ?
En appelant et en formant des évangélisateurs, des évangélisatrices, des hommes et des femmes
qui ont rencontré le Christ, qui ont entrepris un chemin de formation pour raffermir leur foi et qui
désirent partager la mission de l’Église.
Ce matin, nous avons ajusté nos montres et nos horloges pour être à la bonne heure. Il est
plus que temps que nous nous ajustions tous et toutes à l’heure que vit notre Église. Cette heure
exige que l’évangélisation soit au cœur de toutes nos décisions et de toutes nos actions pastorales,
administratives et organisationnelles dans nos paroisses, nos Instituts de vie consacrée, nos
groupes et mouvements. Si vos montres ne sont pas encore ajustées, voyez-y ! Si on vous demande : « Quelle heure est-il ? » N’hésitez pas à répondre : « C’est l’heure d’évangéliser ! »
Nous avons besoin des forces vives de toute la communauté diocésaine. C’est facile à dire, mais
c’est très exigeant de nous convertir à cette grande œuvre missionnaire.
Enfin, une dernière piste et non la moindre qui nous indique comment nous pouvons relever
le défi de l’évangélisation chez-nous. Comme saint Pierre et les apôtres, nous devrons avoir
l’audace de proclamer à nos frères et sœurs le cœur de notre foi : Jésus, le Christ, mort et ressuscité. Le père Henri Roy, fondateur de la J.O.C. au Canada et de l’Institut Séculier Pie X, auquel
j’appartiens, disait : « Jésus n’est pas aimé parce qu’il n’est pas connu ! »
Nous n’avons pas à trouver des trucs, à inventer des discours novateurs. Nous sommes envoyés prêcher et vivre l’Évangile de Jésus Christ. Notre mission n’est pas d’augmenter le pouvoir
et l’extension de nos institutions, mais de nous mettre au service du bien des personnes et de
l’humanité en faisant place à Celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie, Jésus Christ. Notre mission nous envoie proclamer une Bonne Nouvelle au monde. L’Église doit être missionnaire par la
proclamation de l’Évangile de Jésus Christ et par son témoignage de vie, cohérent avec le message du Christ. Il y a là tout un champ d’action qui s’ouvre devant nous, où chacun et chacune
peut participer, y apporter le don de sa vie, à partir de sa vocation propre, de ses talents et du ministère que le Seigneur lui a confié.
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Frères et sœurs bien-aimés, je suis convaincu que le christianisme est un chemin de vie, de
bonheur, de liberté pour l’humanité. La soif profonde qui habite le cœur des hommes et femmes
de notre temps trouvera en Jésus Christ l’Amour et l’espérance qui font vivre, et qui permettent
de se relever et de regarder l’avenir avec enthousiasme.
La nouvelle évangélisation à laquelle nous invite avec beaucoup d’insistance le Saint-Père
Benoît XVI est, dans le fond, le « comment » nous pouvons proposer à nouveau à nos frères et
sœurs cette Bonne Nouvelle.
Nous le savons, même si 90% de notre population se déclare catholique, même si on célèbre encore de nombreux baptêmes et des sacrements d’initiation à la vie chrétienne, un grand
effort doit être déployé pour que la foi s’enracine dans la vie de tous les jours et que l’Évangile
du Christ éclaire toute la vie. Un de nos grand défis en Église c’est de trouver les moyens pour
que les baptisés deviennent des disciples et que ces disciples deviennent des apôtres.
Le Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, récemment créé, va sans doute nous
stimuler à nous engager encore davantage dans cette grande œuvre missionnaire. Le pape Benoît
XVI écrivait à ce sujet :
La diversité des situations exige un discernement attentif; parler de «nouvelle
évangélisation» ne signifie pas, en effet, devoir élaborer une unique formule identique pour toutes les circonstances. Et, toutefois, il n’est pas difficile de percevoir que
ce dont ont besoin toutes les Eglises qui vivent dans des territoires traditionnellement
chrétiens est un élan missionnaire renouvelé, expression d’une nouvelle ouverture
généreuse au don de la grâce. En effet, nous ne pouvons oublier que le premier devoir
sera toujours celui de nous rendre dociles à l’œuvre gratuite de l’Esprit du Ressuscité,
qui accompagne tous ceux qui sont porteurs de l’Évangile et ouvre le cœur de ceux
qui écoutent. Pour proclamer de façon féconde la Parole de l’Evangile, il faut avant
tout faire une expérience profonde de Dieu.
Chers amis, la route qui se trace devant nous est exigeante mais passionnante. Les défis
sont de taille, mais nous mettons notre confiance en Dieu. Celui qui appelle à le suivre est le
même qui envoie à la mission et qui soutient ceux et celles qu’il envoie. J’aime répéter cette
phrase qui me console et me rassure : « Dieu ne choisit pas des gens capables. Il rend capables
ceux qu’il choisit ! »
Poursuivons dans la joie et la confiance la route que bien d’autres ont parcourue avant
nous. Depuis le premier évêque de Québec, François de Laval, jusqu’à ce 25e qui s’apprête à être
installé comme pasteur de cette grande et belle communauté du Diocèse de Québec, c’est la fidélité de Dieu et le soutien de l’Esprit Saint qui a fait avancer l’Église, en comptant sur des femmes
et des hommes qui ont accepté de donner toute leur vie. Rien de moins nous est demandé.
Gardons bien vivant en notre cœur les quatre pistes tirés de la Parole de Dieu des Actes de
Apôtres. Ces pistes nous montrent déjà un chemin sûr pour évangéliser. Vivre réunis, assidus à la
prière, en profonde communion avec Dieu et entre nous. Compter sur l’Esprit Saint qui nous renouvelle et nous donne tout ce dont nous avons besoin pour la mission. Appeler et former des
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évangélisateurs et évangélisatrices pour accomplir cette grande mission. Proclamer au monde de
notre temps Jésus Christ, mort et ressuscité. Proclamer la Bonne Nouvelle de l’Évangile par la
Parole et par notre témoignage.
Quelle belle mission à poursuivre ensemble !
Quelle heure est-il ? C’est l’heure d’évangéliser !
† Gérald Cyprien Lacroix
Archevêque élu de Québec
Administrateur diocésain
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