UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE, d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE 2008-2009 UNIVERSITE DE NANTES La valve aortique : bases anatomiques des complications per et post opératoires de l’intervention de Ross Par Bescond Charles LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. R.ROBERT Vice-Président : Pr. J.M. ROGEZ Enseignants : Laboratoire : • Pr. O. ARMSTRONG • Pr. O. BARON • Pr. G. BERRUT • Pr. C. BEAUVILLAIN • Pr. D. CROCHET • Dr. H. DESAL • Pr. B. DUPAS • Dr E. FRAMPAS • Dr A. HAMEL • Dr O. HAMEL • Pr. Y. HELOURY • Pr A. KERSAINT-GILLY • Pr. J. LE BORGNE • Dr M.D. LECLAIR • Pr. P.A. LEHUR • Pr. O. RODAT S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique 1 UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE, d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE 2008-2009 UNIVERSITE DE NANTES La valve aortique : bases anatomiques des complications per et post opératoires de l’intervention de Ross Par Bescond Charles LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. R.ROBERT Vice-Président : Pr. J.M. ROGEZ Enseignants : Laboratoire : • Pr. O. ARMSTRONG • Pr. O. BARON • Pr. G. BERRUT • Pr. C. BEAUVILLAIN • Pr. D. CROCHET • Dr. H. DESAL • Pr. B. DUPAS • Dr E. FRAMPAS • Dr A. HAMEL • Dr O. HAMEL • Pr. Y. HELOURY • Pr A. KERSAINT-GILLY • Pr. J. LE BORGNE • Dr M.D. LECLAIR • Pr. P.A. LEHUR • Pr. O. RODAT S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique 2 REMERCIEMENTS Je tiens à remercier le Professeur LEBORGNE pour son soutien et sa disponibilité tout au long de cette année. Merci à l’ensemble des intervenants du Master pour la qualité de leurs cours et leur désir de nous transmettre leur passion. Merci au Professeur CROCHET pour son aide iconographique. Merci à Yvan BLIN et Stéphane LAGIER pour leur aide , soutien constant au cours de cette année, et leur patience. Merci à l’ensemble des étudiants du Master pour l’excellente ambiance du laboratoire. 3 Plan : INTRODUCTION………………………………………………………………………………………………….p3 I. RAPPELS ANATOMIQUES………………………………………………………………………….p4 A. Structure de la valve aortique…………………………………………………………...p4 B. Principaux rapports……………………………………………………………………….…….p5 1. Externes : artère pulmonaire et sinus transverse………………………..p5 2. Coronaires : vascularisation superficielle et intra-septale….………..p6 3. Nerveux intrinsèques : faisceau de His……….………………………………..p6 II . MATÉRIEL ET MÉTHODES…………………………………………………………………………p7 A. Matériel……………………………………………………………………….……………………….p7 B. Méthodes………………………………………………………………………………………………p8 1. sujet 1……………………………….…………………………………………………………...p8 2. sujet 2…………………………….……………………………………………………………...p8 3. sujet 3……………………………….…………………………………………………………...p8 4. sujet 4……………………………………….…………………………………………………...p9 5. sujet 5…………………………….………………………………………………………….…..p9 6. sujet 6………………………….………………………………………………………………...p9 III. RÉSULTATS…………………….….……………………………………………………………………..p9 IV. IMAGERIE CARDIAQUE.................................................................p16 V. PATHOLOGIES DE LA VALVE AORTIQUE…………………………………………….…p20 A. Valvulopathies congénitales……………………………………………………………..p20 1. Rétrécissement aortique congénital…………………….………………………p20 a) Signes cliniques………….……………………………………………….…………..p20 b) Evolution………………….…………………………………………………….………..p20 c) Traitement………….…………………………………………………………….……..p20 2. Insuffisance aortique congénitale….………………………………….………..p20 a) Signes cliniques……….……………………………………………………………….p20 b) Evolution……….……..………………………………………………………………….p21 c) Traitement……………….…………………………………………………………..….p21 4 3. Dyscuspidie……………………………….……………………………………….………..p21 a) Signes cliniques……………………….……………………………………………..p21 b) Evolution………………………………………………………………………………...p21 c) Traitement……………………..………………………………………………..…….p21 4. Canal aorto-ventriculaire……..……………………………………………….…….p21 a) Signes cliniques………….…………………………………………………………….p21 b) Evolution………………………………….…………………………………………..….p22 c) Traitement……………….……………………………………………………………...p22 B. Valvulopathies acquises…………………………………………………………………….p22 1. Rétrécissement aortique du sujet âgé (maladie de Mönckeberg)p22 a) Etiologies………………………………………………………………………………….p22 b) Signes cliniques…….………………………………………………………………….p22 c) Evolution…………………………………………………………………………………..p22 d) Traitement……………………………………………………………………………..…p22 2. Insuffisance aortique acquise…………….………………………………….…….p22 a) Etiologies………………………………………………………………………………....p23 b) Signes cliniques……………………………………………………………………....p23 c) Evolution………………………………………………………………………………....p23 d) Traitement……………………………………….………………………………..……p23 VI. VII. CONCLUSION…………………………………………………………………………………………p23 ANNEXE : L'INTERVENTION DE ROSS : INDICATIONS ET COMPLICATIONS PER ET POST OPERATOIRES..………………… ……………………………………………………………………………p23 VIII. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES…………..…………………………………………p27 5 INTRODUCTION La valve aortique est l’une des quatre valves du cœur. Elle fait partie avec la valve mitrale de l’appareil valvulaire du cœur gauche, responsable de la grande circulation également appelée circulation systémique. On voit aisément que toute atteinte de la valve aortique aura un retentissement sur la circulation générale ; elle est donc une cible privilégiée des traitements (notamment chirurgicaux) qu’ils soient à visée préventive ou curative. La chirurgie cardiaque et en particulier la chirurgie valvulaire a connu un essor extrêmement important au cours de la seconde moitié du vingtième siècle grâce au développement de la Circulation Extra-Corporelle (CEC) et grâce à des prothèses valvulaires de plus en plus perfectionnées. L’une des étapes importantes de cet essor fût la description par Ross en 1967 d’une technique chirurgicale consistant à remplacer une valve aortique défaillante par une auto greffe de la valve pulmonaire. Cette technique éponyme a par la suite, subie de nombreuses améliorations. L’intervention de Konno visait notamment à diminuer les risques per et post opératoires et à augmenter les indications. Aujourd’hui encore, l’opération de Ross reste l’une des principales stratégies thérapeutiques de la valve aortique aussi bien chez l’enfant que chez l’individu plus âgé. Cependant la longue expérience des chirurgiens thoraciques concernant cette technique la rendant de plus en plus sûre est contrebalancée par l’existence de complications postopératoires notables aux conséquences importantes sur la morbi-mortalité des patients. Nous commençons juste à comprendre la physiopathologie exacte de ces complications et leurs éléments déclenchants. C’est donc dans le but de comprendre les bases anatomiques qui pourraient être à la base de ces complications que j’ai décidé de réaliser ce mémoire dont je suis heureux de vous présenter les résultats. Je vais dans un premier temps faire un bref rappel de l’anatomie de la valve aortique, indispensable pour mieux appréhender les complications de l’intervention de Ross. Je présenterai par la suite le matériel et les méthodes employées pour obtenir les résultats de mes recherches que j’exposerai dans un troisième temps. Ce mémoire se terminera par le résumé des principales pathologies de la valve aortique, qu’elles soient d’origine congénitale ou acquises au fur et à mesure de la vie de la personne. Vous trouverez également en annexe, une fiche de présentation de l’opération de Ross avec ses principales indications et ses risques per ou post-opératoires. 6 I. RAPPELS ANATOMIQUES Dans un premier temps, il est nécessaire de replacer la valve aortique au sein de l’architecture cardiaque et des quatre cavités qui la composent. La valve aortique fait partie des cavités dites gauches du cœur. Elle se situe au sommet d’un cône formé par le ventricule gauche. Ce cône a comme face droite la paroi gauche du septum interventriculaire et comme face gauche la paroi gauche du ventricule gauche (paroi hérissée des muscles papillaires, points d’insertion des piliers de la valve mitrale). Cette formation correspond au cône artériel, véritable voie de chasse du sang contenu dans le ventricule. Valve aortique Septum interventriculaire Insertion des piliers mitraux Figure 1 : schéma du ventricule gauche en partie réséqué (1) A. Structure de la valve aortique Comme on peut le voir sur la figure 1, la valve aortique est composée de trois cuspides, fines pellicules fibreuses dont la souplesse et la transparence diminuent avec l’âge jusqu’à devenir plus ou moins calcifiées (cf partie IV.B.1). Particularité des cuspides aortiques : chacune des cuspides est surmontée à l’apex de son bord libre par un petit nodule appelé nodule d’Arantius. Ces nodules sont d’importance considérable pour la continence valvulaire car ils servent de points de coaptation entre les cuspides lors de la diastole, évitant ainsi une régurgitation aortique. Les cuspides possèdent également une mince bande semi-lunaire située sous leur bord libre, plus ou moins marquée et que l’on nomme lunule. Cette bande n’est cependant visible que sur une vue latérale d’une valve réséquée et ouverte (figure2). 7 Nodule d’Arantius Lunule Figure 2 : vue latérale d'une valve aortique réséquée et ouverte B. Principaux rapports 1. Externes : artère pulmonaire et sinus transverse La valve aortique est une structure cardiaque située en intra péricardique. Ses principaux rapports externes sont donc représentés par les autres structures intra péricardiques et par les réflexions de ce même péricarde. En avant de la valve, se trouve le feuillet séreux du péricarde antérieur. En avant de celui-ci on trouve le thymus ou son reliquat graisseux chez l'adulte, ce qui constitue le rapport antérieur extra péricardique de la valve aortique. En arrière, le principal rapport se trouve être la partie supérieure de l'atrium gauche ainsi que le sinus transverse que nous détaillerons plus bas. A droite, on retrouve la partie intra péricardique de la veine cave supérieure qui s'abouche dans la partie supérieure de l'atrium droit. Plus en avant, se trouve l'auricule droit ou excroissance plus ou moins triangulaire de l'atrium droit qui regarde en haut, à gauche et en dedans de la valve aortique. A gauche et en avant, on retrouve l'ostium de la valve pulmonaire. Cette valve plus fine et plus souple que la valve aortique possède des nodules et des lunules cuspidiens moins marqués que pour leurs homologues aortiques. Le diamètre de l'ostium est le plus souvent comparable à son pendant aortique (lorsque celui-ci est physiologique), soit environ 25mm de diamètre. Cette similitude des diamètres des ostia est d'une importance chirurgicale majeure pour l'intervention de Ross(cf VI annexe). Le dernier rapport externe de la valve aortique est sans conteste le sinus transverse du péricarde, anciennement nommé sinus de Theile. Ce sinus, dédoublement entre lame viscérale et lame pariétale du péricarde séreux est normalement quasi virtuel, juste rempli par un fin film liquidien assurant les glissements entre les deux lames séreuses. Il possède cependant une importance clinique extrême lors des épanchements péricardiques, pouvant entraîner des 8 complications hémodynamiques gravissimes. En effet, le sinus transverse se moule autour de la valve et de la racine de l'artère pulmonaire. Son orifice droit est le rapport le plus intime de la valve aortique, limité à gauche par l'ostium aortique et à droite par la veine cave supérieure intrapéricardique et l'auricule droit. Le corps du sinus est quant à lui limité par la racine de l'aorte en avant et les atria en arrière. Son toit est lui, formé par l'artère pulmonaire droite. (2) (3) 2. Coronaires : vascularisation superficielle et intra septale L'aorte dans sa portion supra valvulaire est le lieu de naissance des artères coronaires, unique vascularisation artérielle du cœur, de type terminale. Chacune des deux coronaires naît d'une des cuspides aortiques. L'artère coronaire droite naît de la cuspide antéro droite(ou antéro septale) de la valve, l’artère coronaire gauche de la cuspide antéro gauche. La cuspide postérieure est quant à elle dite acoronarienne. La naissance des coronaires se fait au niveau de petites évaginations de la paroi aortique : les sinus coronariens ou sinus de Valsalva, situés en regard des cuspides aortiques. Ces sinus sont occlus lors de la systole ventriculaire gauche par les cuspides sousjacentes. Ainsi le cœur n'est perfusé que lors de la diastole, la valve s'étant refermée pour éviter une régurgitation. Sinus de valsalva gauche Coronaire droite Cuspide antéro droite Cuspide antéro gauche Cuspide postérieure acoronarienne Figure 3 : vue latérale d'une valve aortique réséquée et ouverte Le rapport principal de la valve, en ce qui concerne le parcours des artères coronaires, est le trajet de l'interventriculaire antérieure (IVA), elle-même issue de la coronaire gauche et qui assure la vascularisation du septum interventriculaire dans ses deux tiers antérieurs. Cette vascularisation est de type terminale par une douzaine d'artères intraseptales. Le tiers postérieur du septum est vascularisé par les pendantes postérieures des artères intraseptales, issues de l'interventriculaire postérieure, elle-même issue de la coronaire droite. 3.Nerveuses intrinsèques : faisceau de His Le cœur dispose de son propre système d'innervation interne : le système 9 cardionecteur ou tissu nodal. Ce tissu est responsable de la propagation de l'influx électrique le long des couches musculaires du cœur. Il assure le contrôle du rythme cardiaque et donc de la contraction . Le système cardionecteur est en fait composé de myocytes surspécialisés dans la propagation des signaux électriques. De ce fait, ils sont indiscernables macroscopiquement des autres myocytes rendant leur étude et leur localisation exacte impossibles. Cependant ils apparaissent plus pâles et plus gros sur une coupe sériée en histologie, après coloration. Nœud sinusal de Keith et Flack Nœud atrio-ventriculaire d’Aschoff et Tawara Branche gauche du faisceau de His Branche droite du faisceau de His Figure 4 : système cardionecteur (4) II. MATERIEL ET METHODES A. MATERIEL Pour réaliser cette étude, j’ai utilisé le matériel suivant : • Pour les dissections sans techniques particulières : -porte lames numéro 4 et lames de 23 -porte lames numéro 5 et lames de 15 10 -pinces à dissections à griffes -pinces à dissections -ciseau à lames recourbées -canules -latex -ficelles • Pour les injections : • Pour les prélèvements : -pinces à clamper -écarteurs -ficelles -sécateur -porte lames numéro 4 et lames de 23 -pinces à dissections -ciseaux B. METHODES La méthode de prélèvement fût toujours identique pour l’ensemble des sujets prélevés : - - - - Tout d’abord, une incision allant de la région sous costale droite à la région équivalente controlatérale, suivie d’une désinsertion de la partie antérieure du diaphragme. Division médiane dans le plan sagittal du sternum jusqu’au niveau de la fourchette sternale à l’aide d’un sécateur, les deux hémisternum étant refoulés par des écarteurs. Désinsertion du ligament sterno-péricardique et du ligament xiphopéricardique permettant une mobilisation dans le plan sagittal du cœur. Section des muscles intercostaux de manière bilatérale au niveau des 2 ème ou 3ème espaces intercostaux dans le but de former des volets costaux. Fractures artificielles des côtes droites et gauches pour former les volets costaux. Ouverture du sac péricardique, isolement et clampage des gros vaisseaux intrapéricardiques. Section de ces vaisseaux, prélèvement et fermeture. 1. Sujet 1 Sujet de sexe féminin, âgée de 78 ans, à l'état frais. Le coeur fût prélevé pour une étude de la structure valvulaire. Résection puis ouverture de la valve aortique. 2. Sujet 2 Sujet de sexe masculin âgé de 83 ans et 3 mois, à l 'état frais. Après prélèvement et nettoyage de la pièce, il s'est avéré que le sujet avait subi une intervention à type de pose de prothèse valvulaire à deux aillettes. L'architecture de la racine aortique ainsi que l'organisation du réseau coronaire avaient été très altérées. De plus, le sujet présentait de multiples pontages coronariens, notamment en territoire interventriculaire antérieur. Le squelette fibreux avait également été plus ou moins endommagé. Le sujet fût donc récusé de l'étude. 3. Sujet 3 Sujet de sexe féminin âgée de 93 ans et 11 mois, à l'état frais. Pièce ayant servi à 11 l'étude du squelette fibreux du coeur après résection bi-atriale au niveau de la jonction atrioventriculaire. A noter également la présence d'une dilatation à type d'anévrisme de Valsalva en territoire cuspidien postérieur. Ouverture de la paroi antérieure des deux ventricules suivie de sections étagées du septum interventriculaire à la recherche du faisceau de His ou d'un tissu fibreux qui lui servirait potentiellement de gaine conjonctive. 4. Sujet 4 Sujet de sexe masculin, âgé de 60 ans et 7 mois, à l'état frais. Etude de la vascularisation coronaire et intraseptale par injection de latex rouge au niveau du départ des artères coronaires. Nettoyage de la pièce et résection des parois artérielles. Puis résection ventriculaire gauche et sections sagittales du septum interventriculaire pour la mise en évidence de la vascularisation intraseptale. 5. Sujet 5 Sujet de sexe masculin, âgé de 86 ans et 6 mois, à l'état frais. La pièce fût placée dans un seau d'eau après exsanguination, arrimée à des contrepoids placés le long du bord externe du seau afin que la pièce reste en suspension dans l'eau, en position anatomique. Le seau fût ensuite placé à -20°C pendant 48 heures pour congélation. A l'issue de cette étape, réalisation de coupes successives de la pièce encore congelée suivant un plan oblique orienté en bas et en avant. 6. Sujet 6 Sujet de sexe masculin, âgé de 69 ans et 7 mois, à l'état frais. Même procédure que pour le sujet 4 à la recherche d'une événtuelle variation anatomique de la vascularisation coronaire et intraseptale. III. RESULTATS Comme explicité dans l’introduction, j’ai orienté mon étude de la valve aortique sur son implication dans les complications de l’intervention de Ross. Les grands principes de cette chirurgie seront accessibles dans l’annexe de ce mémoire (cfVII). La principale critique formulée envers l’intervention de Ross est qu’elle transforme une valvulopathie unique en une double valvulopathie de part l’utilisation de la valve pulmonaire du sujet pour faire office de greffe.(5) Cependant, les complications touchent de manière préférentielle la néo valve aortique. Cette physiopathologie n’est pas encore comprise de manière totale mais plusieurs explications semblent prédominer : - La valve pulmonaire, est de part sa conformation quasi identique à son homologue aortique, la meilleure structure anatomique pour remplacer une valve aortique déficiente. Cependant il ne faut pas oublier le différentiel de pression entre circulation pulmonaire et circulation systémique (respectivement 15 et 120 mmHg en systole). La valve pulmonaire et particulièrement sa paroi vasculaire est d’une souplesse trop importante pour résister au régime de pression qui règne au sein de la circulation systémique. Ceci prédispose la néo racine aortique à une dilatation de type anévrismale.(6) - La valve pulmonaire est à l’origine, dépourvue de sinus de Valsalva qui doivent donc être replacés lors de la mise en place de l’homogreffe. Bien que perfectionnée avec le temps, cette technique ne reconstitue pas de manière parfaite la racine de l’aorte ascendante intra péricardique. On 12 voit donc ici aussi une autre prédisposition à la dilatation à long terme. - Notion d’une importance particulière, notamment chez le sujet plus âgé, le principe de « mismatch » (7) de la valve à sa racine. La valve aortique et la valve pulmonaire sont en théorie de diamètre comparable, cependant en pratique clinique, il est très fréquent que la valve aortique voit son diamètre augmenter en cas d’HTA ou d’insuffisance cardiaque gauche. Cet écart de diamètre semble représenter un facteur pronostic important dans la survie et la survenue de complications. Passons maintenant aux complications à proprement parler. Les complications per opératoires sont dominées par les saignements inhérents à l’aspect vasculaire de cette chirurgie et notamment l’hémopéricarde. Comme expliqué dans les rappels anatomiques, la valve est une structure intrapéricardique, et donc tout saignement à localisation valvulaire peut potentiellement se compliquer d’un épanchement dans la cavité péricardique. Les complications post opératoires précoces sont dominées par les troubles de conduction, les accidents ischémiques cardiaques (ces derniers étant présents dès lors que l’on réalise une intervention cardiaque majeure) et les infections endocardiques.(8) Le faisceau de His est en effet une structure nerveuse en rapport intime avec la valve aortique. Son atteinte peut être primaire, si le chirurgien lors de la suture de l’homogreffe pulmonaire étrangle tout ou partie du faisceau de His dans l’un des points d’ancrage de la valve. Ce risque de lésion directe est d’autant plus important que le tissu cardionecteur est indiscernable à l’œil nu du reste du myocarde. L’autre circonstance de lésion du faisceau de His est secondaire à l’ischémie du territoire cardiaque dans lequel il circule, à savoir le septum interventriculaire. 1 2 3 4 13 Figure 5 : vue latérale droite de la vascularisation du septum interventriculaire Ventral Cranial 1. 2. 3. 4. Artère marginale gauche Artère diagonale Artère interventriculaire antérieure Rameaux septaux de l’interventriculaire antérieure La figure 5 montre la vascularisation artérielle du septum interventriculaire. On remarque aisément le caractère terminal de cette vascularisation, toutes les branches vascularisant le septum sont issues de l’interventriculaire antérieure. Ce type de distribution vasculaire représente un danger chirurgical majeur, notamment lors de la suture de l’homogreffe : toute lésion d’une branche septale entraînera l’ischémie puis la nécrose de la région septale correspondante. Les conséquences sont d’aspect double : - La nécrose sera remplacée par la suite, par un tissu fibreux aux propriétés mécaniques nettement inférieures à celles du myocarde initial. Il en résulte des hétérogénéités de contraction et donc, un retentissement hémodynamique possiblement majeur à long terme. - L’ischémie d’une zone contenant du tissu cardionecteur se compliquera par la destruction de cette voie de conduction et donc des anomalies de conduction telles que le bloc auriculo-ventriculaire. Ce trouble exposant encore une fois à des troubles d’hémodynamique (risque de formation de thrombi et d’embols) Les complications à long terme sont quant à elles dominées par le problème de dilatation de la néo racine de l’aorte, et plus particulièrement les anévrismes de Valsalva et les anévrismes de la partie intrapéricardique de l’aorte. Cette complication est sans doute la plus fréquente à long terme (apparaissant en général 5 à 10 ans après l’intervention). Il en résulte une régurgitation importante en position aortique qui se complique rapidement par l’apparition d’une insuffisance cardiaque gauche, contraignant à réopérer les patients. Plusieurs hypothèses furent formulées concernant cette complication : - Le « mismatch » de diamètre entre l’homogreffe pulmonaire et son support, favoriserait une dilatation assez globale de l’anneau valvulaire. Cette hypothèse bien qu’expliquant la régurgitation, ne prend que partiellement en compte la localisation préférentielle des dilatations que nous aborderons plus bas. - Les troubles hémodynamiques fréquents et précoces en post opératoires accéléreraient l’usure de la valve. De nombreuses études ont montré la présence de calcifications valvulaires au niveau de l’homogreffe. Ces troubles semblent dus à des imperfections dans la reconstruction de la racine de l’aorte entraînant un écoulement non laminaire du sang, responsable de l’usure prématurée de la valve. Cette hypothèse est apparemment vérifiée par une équipe japonaise, qui en utilisant un tronc pulmonaire hybridé avec une plaque de polymère munie de pseudo sini a réduit de manière drastique les anévrismes importants de l’artère pulmonaire et donc de manière potentielle ceux de l’homogreffe en supravalvulaire.(9) 14 Cependant, une étude a démontré le rôle non négligeable de la bonne fonction de la valve mitrale,(10) certains patients développant des signes d’insuffisance mitrale massive de manière concomitante à la régurgitation aortique. Elle explique en particulier la localisation plus fréquente des dilatations et calcifications au niveau de la cuspide postérieure, pourtant acoronarienne. De plus, la technique originelle décrite par Ross montrait de meilleurs résultats en insérant le greffon en base d'insertion de la grande mitrale. Pourquoi une telle différence d'efficacité entre la technique originelle et celle utilisée de nos jours ? Anévrisme Dorsal Dt Auricule gauche Figure 6 : vue supérieure de la jonction atrio-ventriculaire après plicature des atria 15 La compréhension de ce phénomène nécessite de rappeler le rapport étroit entre les deux valves du cœur gauche. Cuspide postérieure acoronarienne Grande valve mitrale Petite valve mitrale Figure 7 : schéma du ventricule gauche et de la valve ouverts (1) La figure 7 nous montre la relation intime entre la cuspide aortique postérieure et la grande valve mitrale, cette dernière s’insérant à la base du cône d’éjection du ventricule gauche. Cette insertion est en fait située au niveau de l’anneau atrio-ventriculaire gauche du squelette fibreux du cœur. Le squelette est à la base de l’architecture cardiaque, véritable point d’ancrage pour les trois tuniques musculaires du cœur ainsi que les quatre valves. Son anneau gauche sert de point de fixité aux deux valves du cœur gauche, preuve la plus flagrante de l’interdépendance tant anatomique que fonctionnelle entre valve aortique et valve mitrale. La capacité de déformation du squelette, associée à sa relative rigidité, autorise la déformation partiellement séquentielle du ventricule gauche. En diastole, il permet à la grande valve mitrale de jouer un rôle de clapet évitant la diffusion trop grande du sang vers la chambre de chasse du ventricule. En systole, il retient la valve aortique dans sa remonté, limitant une déformation verticale trop importante de cette même chambre de chasse. 16 Ht Gauche 1 2 3 Figure 8 : vue postérieure du cœur, atria réséqués et ventricule avec encart 1. Anneau atrio-ventriculaire gauche 2. Valve mitrale 3. Triples tuniques musculaires La figure 8 montre l’insertion mitrale au niveau de l’anneau fibreux du cœur gauche, la cuspide aortique postérieure ici marquée par un anévrisme s’y insère également. 17 Cette communion des insertions valvulaires explique assez simplement les résultats de l'étude concernant le développement d'insuffisances mitrales concomitantes aux dilatations de la néo racine aortique. La chirurgie valvulaire classique tend à favoriser la réinsertion musculaire à une réinsertion centrée sur le squelette fibreux pour des raisons de sécurité peropératoires évidentes. Le squelette se trouve être également le lieu d'insertion des couches musculaires. Toute tentative de néo insertion sur le dit squelette présente donc un risque d'atteinte d'une part vasculaire, potentiellement nécrosante pour le myocarde, et d’autre part musculaire, augmentant la morbi-mortalité post-opératoire à court terme. Cependant, récuser cette réinsertion sur le squelette, tend à favoriser la survenue de complications à long terme, pouvant alors contraindre à une réintervention plus complexe. Trigone gauche Avant Gauche Anneau fibreux gauche Figure 9 : schéma d'une vue supérieure du cœur, atria réséqués (d’après Netter) La figure 9, bien que schématique, nous expose une vue d'ensemble des anneaux et trigones fibreux liant les diverses valves cardiaques. L'étroite relation anatomique aortomitrale y est bien visible et nous laisse déjà supposer du lien fonctionnel entre ces valves. Afin de mieux appréhender cette relation, j'ai réalisé une vue inférieure de la partie haute de la chambre de chasse ventriculaire gauche et du début de la racine aortique par exérèse ventriculaire, afin de visualiser à la fois, la grande valve mitrale et la valve aortique en vue endocavitaire. Le résultat de cette dissection est obtenu sur la figure 10 suivante. 18 Cuspide aortique postérieure Grande valve mitrale Figure 10 : vue endocavitaire d'un ventricule gauche réséqué La figure 10 montre la continuité endocavitaire entre la partie sous valvulaire et la partie inférieure de la chambre de chasse ventriculaire. Bien que non transposable sur le papier, la relation fonctionnelle entre les deux valves est flagrante : toute déformation à type d'étirement de la grande mitrale entraînait une descente accompagnée d'une rétraction de la partie sous valvulaire. Il en devient aisé de percevoir la nécessité d'un bon fonctionnement mitral pour éviter des complications dilatatrices de l'aorte à long terme. Ainsi la principale complication à long terme de l'intervention de Ross pourrait potentiellement être en partie réduite si la chirurgie actuelle permettait cette réinsertion sur l'anneau fibreux gauche la plus importante possible. IV. IMAGERIE CARDIAQUE Au vue du développement de plus en plus rapide des techniques d’imagerie, désormais véritable outil à visée diagnostique, pré-opératoire, ou de suivi thérapeutique, il est nécessaire de présenter brièvement ces diverses techniques. 19 L’imagerie cardiaque est dominée par 3 type d’examens : -l’échocardiographie -le scanner -l’IRM 1. L’échocardiographie L’imagerie échographique est sans conteste la principale technique employée de part sa simplicité, sa rapidité, son accessibilité et son caractère non invasif pour le patient. L’échocardiographie est basée sur l’émission d’ultrasons au travers des structures explorées, suivie de la réception de l’écho renvoyé par les tissus. Pour la réalisation d’une échocardiographie, la sonde émettrice peut être placée en contact avec la paroi thoracique (échographie transthoracique), au niveau des espaces intercostaux ou au dessus de la fourchette sternale. Ce positionnement permet une étude globale du cœur, des structures environnantes et des gros vaisseaux. L’autre positionnement possible, nécessite le passage de la sonde par l’œsophage du patient, sous anesthésie locale (échographie transoesophagienne ou ETO). Bien qu’invasive, cette technique permet une étude beaucoup plus fine des structures gauches du cœur, celles-ci étant plus postérieures (l’œsophage marquant l’atrium gauche par un sillon). Elle permet également une étude de la cinétique et de la mécanique valvulaire, ainsi que l’étude de la contraction ventriculaire. Figure 11 : échographie aortique normale (11) L’imagerie échographique est principalement utilisée pour les suivis des patients souffrant de cardiopathies chroniques, ou bien en post-opératoire. L’échocardiographie est à la fois, une imagerie anatomique dont l’intérêt dans les valvulopathies calcifiantes et cardiopathies dilatatrices n’est plus à démontrer et une imagerie fonctionnelle, grâce au développement des appareils de doppler autorisant une étude des flux sanguins (vitesse et débit du flux) qui ont permis la quantification et le suivi des valvulopathies comme le rétrécissement ou l’insuffisance aortique. 20 Figure 12 : doppler aortique normal (11) B. Le scanner cardiaque Au vue de la place prépondérante de l’échographie dans l’imagerie cardiaque, le scanner voit ses indications plus que réduites. Le scanner, bien que largement répandu à l’heure actuelle n’en reste pas moins un examen d’imagerie à utiliser avec parcimonie, il ne faut pas oublier son caractère irradiant 100 fois supérieur à celui d’un cliché thoracique standard. Le scanner est un examen tomodensitométrique, c’est à dire que l’on visualise une coupe de la structure explorée, même si désormais les capacités de reconstructions numériques lui ont redonné un nouvel essor. Le scanner cardiaque et plus largement le scanner thoracique est une imagerie avant tout anatomique dont les indications en matière de cardiologie valvulaire sont plus ou moins restreintes à l’étude pré-opératoire des valves et de leurs lésions, chose encore difficile avec l’échographie. Cependant, le scanner a récemment amené une part d’étude fonctionnelle : l’étude de la fonction coronarienne grâce à la scintigraphie myocardique et donc une étude indirecte de l’état de la valve aortique. Figure 13 : scanner aortique, coupe frontale (12) 21 C. L’IRM L’IRM cardiaque souffre encore plus que le scanner de la place prépondérante de l’échographie dans l’imagerie cardiaque du fait de sa faible disponibilité et de son coût important. Figure 14 : IRM, plan de coupe de la valve aortique (12) Cependant, l’IRM est un examen de choix en pré-opératoire pour l’étude de la valve aortique et de la racine de l’aorte qui sont moins bien visualisées au scanner. Elle permet également une étude dynamique et fonctionnelle très précise de la mécanique valvulaire que n’offre pas le scanner ainsi que l’analyse hémodynamique des flux sanguins. Figure 15 : IRM cardiaque, coupe frontale (12) 22 V. PATHOLOGIES DE LA VALVE AORTIQUE A. Valvulopathies congénitales 1. Rétrécissement aortique congénital a) signes cliniques La clinique du rétrécissement aortique congénital est basée sur un socle sémiologique constant auquel se rajoutent des éléments spécifiques en fonction de la localisation précise de la sténose (sous ou sus valvulaire, ou encore valvulaire). Dans tous les cas cependant, le diagnostic est assuré par l'échocardiographie, l'imagerie radiologique n'étant d'aucun secours. On peut également observer des troubles de la repolarisation ventriculaire à l'ECG ou lors d'une épreuve d'effort.(13) La clinique est peu marquée, le diagnostic souvent retardé, le rétrécissement étant le plus souvent bien toléré s'il n'est pas majeur. L'élément qui doit faire suspecter ce diagnostic est une fatigabilité vespérale importante ou lors d'efforts prolongés. Le syndrome d'effort (syncope, angor et douleurs abdominales) bien que très spécifique, n'est présent que dans 10% des cas. A l'auscultation, on retrouve un souffle systolique au niveau du deuxième espace intercostal droit. La forme grave est marquée par une asystolie majeure compliquée d'une hypertrophie du ventricule droit et nécessite une prise en charge la plus rapide possible b) évolution Les formes cliniques précoces (néonatales) sont marquées par une mortalité d'environ 25%, celle-ci diminue à moins de 1% pour les formes de l'enfant et de l'adolescent. Cependant, la sténose tend à s'aggraver avec l'âge dans un tiers des cas et évolue fréquemment en insuffisance ventriculaire gauche qui marque la fin de la bonne tolérance clinique et le début d'apparition de syncopes voir de mort subite. c) traitement Le traitement peut être médical dans les cas de rétrécissement bien toléré, il vise surtout à diminuer la fatigue cardiaque afin de prévenir l'apparition de complications graves liées à l'insuffisance cardiaque. La chirurgie est indiquée dans les formes graves du nourrisson ou après l'apparition de troubles fonctionnels majeurs afin de diminuer l'usure valvulaire. La chirurgie doit au maximum préserver la valve existante, si le changement de valve est nécessaire, l'intervention de Ross est de plus en plus indiquée. 2. Insuffisance aortique congénitale a) signes cliniques Les formes à symptomatologie précoce sont marquées par un nouveau-né rapidement en asystolie avec des pouls périphériques bondissants, une différentielle élargie. La radiographie de thorax montre une hypertrophie ventriculaire gauche retrouvée à l'ECG. L'auscultation retrouve un souffle diastolique au foyer aortique souvent accompagné d'un souffle systolique. Il existe fréquemment un frémissement de la fourchette sternale. Le diagnostic est échocardiographique. Les formes plus latentes ne diffèrent pas des insuffisances 23 aortiques acquises. (14) b) évolution L'évolution est souvent latente et nécessite un suivi régulier de la fonction ventriculaire pour détecter l'insuffisance cardiaque gauche. L'autre complication est l'endocardite d'Osler. c) Traitement Il y a nécessité de mettre en place une prophylaxie contre le risque d'endocardite d'Osler. Le traitement devient chirurgical dès que le retentissement fonctionnel devient majeur. L'intervention de Ross est indiquée. 3. Dyscuspidies Les dyscuspidies sont une part importante des malformations de la voie aortique proximale. On décrit différentes formes selon le nombre de cuspides présentes. La forme la plus fréquente reste cependant la bicuspidie. a) signes cliniques La forme bicuspide est très bien tolérée (on estime que 2% de la population générale serait touchée), la clinique se résumant à un souffle aortique protosystolique qui peut être absent. L'ECG et la radiographie de thorax sont strictement normaux. De plus, elle est le plus souvent isolée, mais peut être associée à un anévrisme de Valsalva ou une sténose dans 25% des cas. Les autres formes sont de clinique plus franche mais très variable, allant d'un simple souffle aortique à l'asystolie néonatale en cas d'agénésie valvulaire.(15) b) évolution La forme bicuspide est le plus souvent d'évolution latente. Cependant, la présence d'un nombre anormal de cuspides entraîne des troubles hémodynamiques amenant à terme à une usure prématurée de la valve et donc à une sténose valvulaire. Une insuffisance aortique est parfois observée. c) traitement Le traitement de la forme bicuspide est uniquement médical et se résume à une prophylaxie anti-Oslérienne. Les autres formes peuvent porter l'indication d'une chirurgie selon l'importance du retentissement fonctionnel. 4. Canal aorto-ventriculaire Le canal ou tunnel aorto-ventriculaire est une malformation rare mais grave, décrite pour la première fois par Edwards en 1961. Elle réalise un chenal liant l'aorte ascendante à la partie supérieure de la chambre de chasse ventriculaire gauche. a) signes cliniques Le canal est deux fois plus fréquent chez le garçon et entraîne un syndrome d'insuffisance aortique sévère chez le nouveau-né. Le retentissement est majeur avec souvent un bébé en asystolie ; les pouls périphériques sont bondissants et la différentielle augmentée. Il existe un double souffle diastolo-systolique. Le diagnostic est purement échocardiographique et souvent posé en anténatal dans les formes graves. Les formes plus modérées sont diagnostiquées dans l'enfance devant des signes d'insuffisance cardiaque gauche. b) évolution 24 La progression vers l'insuffisance cardiaque gauche est inéxorable et souvent rapide. Le pronostic est souvent très péjoratif. c) traitement La prise en charge est uniquement chirurgicale et de manière la plus précoce possible. L'intervention de Ross est indiquée mais bien que relativement sûre, la mortalité reste élevée (20%) quelque soit la technique utilisée. La morbidité à long terme est également moyenne, une grande part des patients développant une insuffisance aortique.(16) B. Valvulopathies acquises 1. rétrécissement aortique du sujet âgé (maladie de Mönckeberg) Le rétrécissement aortique du sujet âgé est l'une des plus fréquentes valvulopathies dans les pays occidentaux. Elle est devenue la part la plus importante des opérations valvulaires. Son incidence est deux fois plus importante chez l'homme que chez la femme mais celle-ci tend à augmenter avec l'âge. a) étiologies Les trois étiologies principales sont la dégénérescence calcifiée ou maladie de Mönckeberg dans au minimum un tiers des cas, cette part augmentant à 80% après 80 ans. Dans 20 à 50% des cas, le rétrécissement est lié à une bicuspidie congénitale. Enfin dans 10 à 25% des cas, il s'agit d'une complication à long terme d'un rhumatisme articulaire aigu. Il existe des étiologies plus rares comme la maladie de Paget, l'origine congénitale ou encore la xanthomatose tendineuse hypercholestérolémique. b) signes cliniques La clinique est centrée sur la triade : angor, dyspnée d'effort et syncope. A l'auscultation, on retrouve un souffle systolique au foyer aortique, au maximum mésosysolique, accompagné d'une diminution voir d’un abolissement du second bruit. Les pouls sont faibles et il existe un choc apexien en cas de dilatation ventriculaire secondaire. La radiographie thoracique reste longtemps normale et ne montre que tardivement la dilatation ventriculaire gauche. L'élément le plus évocateur est la présence de calcifications visibles en radiographie. La quantification du retentissement fonctionnel est échocardiographique. (17) c) évolution L'évolution est divisée en deux phases : l'une totalement asymptomatique, correspondant à une compensation hypertrophique du ventricule gauche. L'autre, symptomatique, est la traduction clinique d'une aggravation de la sténose. d) Traitement Il n'existe aucun traitement médical du rétrécissement, la prise en charge est complètement chirurgicale. Les méthodes allant de la valvuloplastie percutanée à la prothèse valvulaire, seul traitement à l'efficacité durable. 2. insuffisance aortique acquise a) étiologies 25 On retrouve des étiologies communes avec le rétrécissement acquis, à savoir la dystrophie, la bicuspidie congénitale ou encore l'origine rhumatismale. Les étiologies propres à l'insuffisance aortique acquise sont l'endocardite infectieuse, la dissection aortique, les étiologies traumatiques, radiques ou médicamenteuses ou encore le syndrome de Marfan (18). b) signes cliniques La clinique est de présentation tardive du fait de la compensation hypertrophique du ventricule gauche. Les signes évocateurs seront ceux de l'insuffisance cardiaque gauche et notamment l'orthopnée voire un véritable tableau d'oedème aigu du poumon. A l'auscultation, le souffle aortique holodiastolique et le roulement de Flint sont des éléments caractéristiques, mais peut fiables pour quantifier le retentissement fonctionnel. Il existe un choc apexien lié à l'hypertrophie ventriculaire. La radiographie thoracique montre une dilatation ventriculaire gauche et une cardiomégalie. L'évaluation et la quantification de la régurgitation valvulaire sont faites par échocardiographie. c) évolution La régurgitation aortique tend à progresser avec le temps, amenant à une dilatation progressive du ventricule et de l'aorte à point de départ Valsalvien, source potentielle d'anévrismes de l'aorte ascendante. d) traitement La prise en charge associe une part médicale visant à diminuer les complications liées à l'hypertrophie ventriculaire gauche (diurétiques et vasodilatateurs) et une part chirurgicale la plus précoce possible, ayant pour but de prévenir la survenue d'une insuffisance cardiaque gauche. Les techniques vont de la valvuloplastie si le diagnostic est précoce au changement de valve dans le cas contraire. L'intervention de Ross est indiquée chez l'enfant et l'adulte jeune (de moins de 40ans) ayant une fonction ventriculaire relativement préservée. VI. CONCLUSION L'intervention de Ross a révolutionné la chirurgie valvulaire, bien que d'une efficacité incroyable, ses complications à long terme et sa complexité de réalisation rebutent souvent les jeunes chirurgiens à la maîtriser. Les nombreuses variantes ont élargi son spectre d'indications, la plaçant comme l'un des pivots de la chirurgie moderne. VII. ANNEXE : L'INTERVENTION DE ROSS : INDICATIONS, COMPLICATIONS PER ET POST OPERATOIRES. L'intervention de Ross fût décrite par le chirurgien britannique Donald Ross pour la première fois en 1967 bien que la technique ne se développa qu'à la fin des années 1980. Malgré ses 40 ans d'histoire, cette intervention reste considérée comme celle qui marque une révolution dans la prise en charge des valvulopathies congénitales. De nombreuses variantes et améliorations y ont été apportées avec le temps et encore aujourd'hui de nombreuses 26 équipes tentent de l'améliorer à nouveau. Cette intervention est d'une grande complexité d'exécution, rebutant nombre de jeunes chirurgiens de part la rigueur et l'entraînement qu'elle exige. Nous pouvons cependant la diviser en 6 grandes étapes (19): Dans un premier temps, les valves aortiques et pulmonaires sont mesurées en détail. Il est généralement admis que pour éviter une morbidité post-opératoire trop importante, la valve pulmonaire doit disposer d'un diamètre compris entre celui de son équivalente aortique et plus 3 mm au maximum. En dehors de ces normes, on parle de « mismatch » entre le greffon et l'hôte, synonyme de morbidité accrue à long terme. Cependant une modification créée par Konno permet d'agrandir cet intervalle en réalisant une aorto-ventriculoplastie. Cette variation est la plus utilisée de nos jours (intervention de Ross-Konno) Les valves sont ensuite inspectées pour s'assurer du bon état de la valve pulmonaire, toute atteinte de cette dernière contre-indiquant l'intervention. La valve aortique déficiente est alors réséquée, les sinus de Valsalva ainsi que leurs coronaires sont séparés de la racine de l'aorte. La valve pulmonaire est quant à elle prélevée avec la partie proximale de l'artère pulmonaire. 27 Les voies d'éjection gauche et droite sont alors reconstruites et la CEC retirée à l'issue de cette reconstruction. Une échocardiographie est réalisée pour s'assurer de la bonne fonction des deux valves. Les résultats post-opératoires sont excellents, la mortalité étant de 7,4% à 24ans. Les indications de l'intervention de Ross sont assez précises (20) : rétrécissement aortique de l'enfant ou de l'adulte de moins de 40 ans (femme ou sportif), les insuffisances aortiques rhumatismales ou dystrophiques de l'adulte jeune, les malformations de l'appareil valvulaire aortique telle la bicuspidie. Elle est cependant contre-indiquée en cas de syndrome de Marfan ou d'anomalies de la valve pulmonaire. 28 Les avantages : - une valve naturelle, sans risque de rejet ou de thrombogénèse - possibilité de croissance à la puberté - hémodynamique quasi parfaite Les inconvénients : - la complexité et la durée de l'intervention - la durée de hypoperfusion myocardique - passage d'une valvulopathie unique à une double valvulopathie Complications : en per-opératoire : - saignement et ischémie myocardique en post-opératoire : - troubles de conduction et arythmies (peuvent aussi survenir en per-opératoire) - dilatation valvulaire à long terme et régurgitation 29 VIII. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES (1) www.santé-nantes.fr/med/anatomie (2) R.DEPREUX, schémas de travaux pratiques, tome 6 la cavité thoracique et son contenu, VIGOT (3) KAMINA, précis d’anatomie clinique, tome 3 : thorax et abdomen, 2ème édition, MALOINE . 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