Simon MOUGNOL UN PEU DE LOGIQUE POUR TOUT LE MONDE (Une initiation à la Logique moderne) UN PEU DE LOGIQUE POUR TOUT LE MONDE © L’HARMATTAN, 2014 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.harmattan.fr [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-03296-2 EAN : 9782343032962 Simon MOUGNOL UN PEU DE LOGIQUE POUR TOUT LE MONDE (Une initiation à la Logique moderne) Au lecteur, Ce petit livre, ami lecteur, n’est pas un traité pur et dur de Logique. Il est juste une introduction, une initiation que je limite aux deux calculs à la base de cette branche de la connaissance : celui des propositions et celui des prédicats. On y découvre les fondamentaux avec lesquels doit se familiariser toute personne qui souhaite fouler le sol de cet univers peu connu ; la présentation, quant à elle, est puisée à des cours donnés, mais revisités pour que la matière soit moins rebutante. Pour me donner la bonne conscience d’avoir réussi à rendre le domaine accessible à tout venant, j’ai opté pour une explication littérale : les rappels historiques et philosophiques récurrents, les efforts pour littérariser des lignes d’habitude truffées de symboles et formules hiéroglyphiques se sont imposés à ce projet, au moment si déstabilisant où je me demandais à qui j’allais le destiner. Et la réponse fut courte, précise et claire : au lecteur ordinaire. Ce lecteur est ma cible certes, mais je ne le connais pas aussi bien que je connais les jeunes gens de mes cours : à la longue, en effet, et c’est le cas pour chaque maître, je me fais une idée du niveau de leurs savoirs dans tel domaine ou tel autre et peux, par conséquent, m’empêcher de revenir sur les sujets que des années de lycée leur ont permis d’apprivoiser. Pour ne pas faire d’envieux, je mets tout le monde au même pied d’égalité et, tout en allant au fond des choses, le propos reste discursif même là où une connaissance des Mathématiques peut être d’un apport déterminant : les concepts et les formules impliqués sont décortiqués pour que le lecteur ne soit exposé au genre de traités ardus dont raffolent l’écrivain virtuose, spécialiste des Mathématiques et le logicien sagace. Avec cet outil, j’ai la prétention de mettre la Logique à la portée du premier venu : il ne reste pas moins indiqué pour l’étudiant outillé et même pour d’autres maîtres désireux de revoir un point de ce champ. A celui qui s’engage à étudier ce texte la promesse d’une progression assurée et maîtrisée est faite : - des exercices d’application éclairent le propos ; - le manuel condense dans ses dernières pages des problèmes qui, corrigés, achèvent de le rendre lisible à ceux qui le veulent bien. Enfin, j’espère de tous, savants ou néophytes, une critique positive : elle seule peut aider à la mise en route d’une meilleure édition, pour le bonheur des logiciens en herbe. Et c’est vous tous qui, alors, serez les auteurs de cette œuvre collective ! Simon MOUGNOL 6 Introduction Par où, par quoi commencer ? Il n’est pas aisé de faire irruption, aussi facilement qu’on le voudrait, dans un domaine de la connaissance : un difficile effort d’explication s’impose ainsi à celui qui tient à mettre la Logique à la portée de tous, et spécialement à la portée de ceux qui n’ont qu’une pratique sommaire des Mathématiques ; mais plus qu’au maître, une réelle implication est nécessaire à celui qui veut se familiariser avec un tel univers : attention, exercice, …, sont les maîtres mots qui ouvrent les portes d’accès à la Logique. Dans mes échanges quotidiens, une question s’affiche parfois sur les lèvres de l’un de mes interlocuteurs : « C’est quoi même la Logique ? » Certains autres, se montrant un peu plus futés, m’intiment l’ordre de dire si la Logique fait partie des Mathématiques ou de la Philosophie. Ce manuel apporte des éléments de réponse à ces questions. La Logique a commencé par se préoccuper du langage de tous les jours. Elle essayait alors de savoir : - à quoi il devrait ressembler pour que l’expression de nos pensées soit plus efficace ; - si les règles de la syntaxe, que nous nous employons à respecter au mieux, facilitent ou compliquent, améliorent ou limitent notre exposition d’une idée ; - si l’observance ou l’inobservance des lois de la Grammaire permet ou obère la compréhension d’un propos par un auditeur ; - si la simple disposition des mots dans une phrase joue un rôle déterminant dans le langage humain ; -… Le parler courant et ses problèmes liés à une syntaxe et à une sémantique amenèrent ainsi le Grec à s’interroger sur la formulation de sa pensée. On pourrait se hasarder à dire que la Logique naît pour aider l’homme à mieux organiser son expression. Chacun comprend pourquoi la proto Logique, celle des promoteurs antiques, qualifiée d’aristotélicienne, tout comme celle du Moyen Âge, fut un secteur de la Philosophie. Mais elle a évolué, même si, de temps en temps, le langage fait des incursions remarquées dans ses exposés. En effet, des auteurs ont pendant longtemps, au moins jusque vers 1930, pensé que la Logique au Moyen Âge ne comporte que quelques développements chétifs des travaux d'Aristote (384-322). Pour rétablir la vérité, marquons une distinction entre la logique de la période allant du IVe au XVe siècles, encore désignée logique médiévale, et la logique scolastique : la logique scolastique prend son essor aux deux derniers siècles de l’époque médiévale et maintient son influence jusqu’au XVIIIe ; quand on lit Amo (v.1700-1754), on note vite qu’il fut un lecteur assidu de Shyreswood (1190-1249) que la Tradition range, avec le pape Jean XXI [Pierre d’Espagne (v.1220-1277)@, en tête de liste des logiciens de l’Ars Nova (XIIIe et XIVe siècles). La Logique servait surtout de propédeutique aux études supérieures, dont le point culminant était la Théologie, même si le théologien ne la considérait pas comme un secteur spéculatif, mais comme un recours pour argumenter ou confectionner des preuves solides. Elle baignait donc dans la Philosophie, l’Ontologie, la Théologie : il n’y a pas un penseur de cette belle époque qui soit indifférent à cette logique à laquelle la Tradition associe le prédicat de philosophique ; un tel engouement a donné naissance à plusieurs querelles dont celle des universaux. Elle s’est affranchie désormais pour devenir un domaine de la connaissance qui a ses problèmes spécifiques. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, elle s’était établie à bonne distance des Mathématiques. Mais au cours de son histoire, des promoteurs ont voulu l’algébriser. Le souci de l’éloigner du tropplein de paroles cher à la philosophie fut déjà obsédant chez un logicien britannique, Guillaume d’Occam (v.1285-1348) : il mit sur pied un échafaudage qui ambitionnait de rompre avec la philosophie. La première vraie esquisse est à attribuer à Leibniz (1646-1716), d’autres vont suivre. Quand on scrute cette évolution, 8 Les mordus ont pris le pli de lui accoler des épithètes : - Logique classique : pour évoquer l’œuvre d’Aristote, des Stoïciens, …, poursuivie par l’Antiquité tardive et l’Ecole ; - Logique mathématique : pour évoquer les tentatives de mathématisation de la Logique par des logiciens tels que Leibniz, Boole, etc. ; - Logique moderne : lancée par Frege et Russell, elle renvoie aux travaux d’une spécialité qui semble avancer d’un pas assuré, s’assumant en tant que domaine spécifique de la connaissance, tel qu’on l’explore et l’exploite de nos jours, un domaine qui nourrit d’autres branches de l’activité cognitive et particulièrement, les Mathématiques, l’Informatique, ... on constate donc des tentatives successives dont certaines se sont avérées significatives : retenons que la mathématisation apporta et apporte au domaine qui, bien sûr, continue sa route. Mais cet apport ne fait pas de la Logique une petite excroissance des Mathématiques dont dépendrait sa survie. Disons que Mathématique et Logique ont en commun tout de même le fait de ne pas être des sciences : une science porte sur un objet (la biologie est une science : elle a pour objet la vie). Mais ces deux-là n’ont pas d’objet spécifique : elles sont des langages grâce auxquels on peut décrire la nature. C’est ce qui poussa Ludwig Wittgenstein (1889-1951) à déclarer que la Logique n’est nullement un corpus de doctrines, mais une image du monde reflétée par un miroir. Même s’il y a des raisons d’affirmer qu’elles se distinguent l’une de l’autre, l’on trouve des passerelles entre elles et des éléments du calcul logique qui sont transposables en Mathématiques : calcul logique Calcul ensembliste la conjonction L’union l’addition aˉb ab a+b 9 calcul algébrique Chacun doit comprendre que : conjonction logique algébrique union ensembliste addition Logique et Mathématique recourent parfois au même matériau, bien que, pour des raisons de procédure inhérentes à chacune, elles le désignent par des mots différents : le cas de ‘classe’ (Logique) et ‘ensemble’ (Mathématique). Parfois, elles le désignent par le même nom : le cas de la ‘variable’ et de la ‘constante’. La constante dispose d’une signification déterminée, communément admise et ne variant pas : ‘1’, ‘deux’, ‘3’,, ‘somme’, ‘+’, ‘maison’, …, sont des constantes. L’Algèbre qui naît à l’aube du XVIIe siècle utilise des quantités inconnues qu’elle remplace par des lettres, les variables : la variable ne colporte aucun sens par elle-même. On la reconnaît à sa provenance alphabétique, a, b, c, d, …, x, y, z Ces variables n’étant pas des constantes, elles peuvent changer de valeurs numériques pour peu que change le système d’équation ; mais quand des variables figurent dans un même système, leurs valeurs pourtant réputées inconnues demeurent concrètement fixes. La logique classique connaît-elle la variable ? La réponse est : oui ! Elle recourt aux variables dont elle n’a pas emprunté l’idée à la Mathématique : dans les propositions que l’on qualifiait de ‘prédicatives’, celles qui comportaient des prédicats (sujets ou attributs), ces prédicats pouvaient être remplacés par A, B, C, D, …, lettres écrites en majuscule. Quand, par ailleurs, on essaie de se familiariser avec la logique des Stoïciens, on constate leur recours aux chiffres pour représenter des propositions : les variables propositionnelles. Lettres et chiffres jouaient le même rôle que les variables de l’algèbre. Ce propos insinue un rapprochement des deux domaines, rapprochement caractérisé par Boole (1815-1864) dans son Analyse mathématique de la logique (1847) et dans ses Lois de la pensée (1854). Il est de bon ton d’ajouter ici le nom de De Morgan (1806-1871). 10 Ce rapprochement par l’algébrisation fait-il d’elles des branches sœurs ? Prenons l’exemple du zéro et des signes en algèbre : - en Logique, 0 renvoie à une proposition toujours fausse ; en Maths, 0 est simplement un élément de Գ, l’ensemble des entiers naturels ; - Boole s’impose le devoir de traduire en langage mathématique les ‘lois de la pensée’, en somme, les procédures à la base du raisonnement humain, en recourant à trois types de signes : - littéraux, x, y, …, remplaçant les objets que nous concevons, percevons ; - d’opérations -, +, x, jouant un rôle dans les opérations de la Raison pour lesquelles elle combine les objets conçus, perçus et représentés par les signes littéraux ; - d’identité =. S’il ne concerne pas des ensembles infinis, le calcul algébrique s’emploie à changer la valeur de ce qui est additionné, multiplié : a + a 2a (addition algébrique) a.a a2 (multiplication algébrique) La Logique ne connaît guère ces changements quantitatifs : a+a a a.a a En Mathématiques, un assemblage d’énoncés obéit à un ordre défini par le domaine : cet assemblage repose sur des considérations qui ont pour mission d’établir sa validité. De telles considérations sont à percevoir comme des preuves, tandis que les nouveaux énoncés et assemblages construits sur la base de ces preuves sont admis comme théorèmes. Qu’on les nomme preuve ou théorème, ces énoncés comportent des éléments, souvent des symboles, qui sont ou des variables ou des constantes. Voici un énoncé formé de variables, ces signes dont parle Boole : a+b b+a En lisant cette équation, on se rend bien compte de trois choses : 11 - elle peut être lue de la même façon par le logicien et le mathématicien ; - elle a tout d’une loi ; - elle nous jette brutalement, en plein visage, l’idée d’identité qui est une idée de la première importance dans les deux domaines. En fait de loi, celle-ci veut dire que n’importe quelle paire de nombres peut la satisfaire. Quant à elle, l’identité ou égalité s’exprime là où on porte son signe entre deux objets, mais encore si l’énoncé ainsi construit est vrai : a a;a b on peut le rendre par les expressions : a est égal à a ou a est identique à a ; a est identique à b. On peut aussi avoir à dire : a est différent de b, soit a ≠ b. Je confirme l’existence d’une loi, inscrite dans la théorie de l’identité, attribuée à Leibniz et valable en Logique et en Maths. Commençons par : - admettre qu’un objet ne peut pas ne pas être égal à lui-même ; - comprendre que l’élément qui se trouve à la gauche du signe d’égalité n’est pas différent de celui qui se trouve à sa droite ; - saisir que l’on peut remplacer l’élément de gauche par l’élément de droite, sans que cela influence l’évolution du calcul. Ainsi donc, tout ce qu’on dit, fait de l’élément de gauche, on peut le dire ou le faire de celui de droite. C’est ce qu’il faut retenir de la loi de Leibniz dont l’une des formulations est : a = b si, et seulement si, a possède chacune des propriétés de b et si b possède chacune des propriétés que a possède. Selon la Tradition, c’est Parménide (v.400-v.330) qui, le premier, énonça pour la première fois le principe d’identité que les travaux de Leibniz transforment en une loi qui invite à voir dans l’identité une équivalence entre des éléments liés par le signe d’égalité. C’est une loi riche, à l’origine de bien d’autres lois que réunit la théorie de l’identité. J’évoque ce point sur l’identité pour montrer, par un exemple, que Mathématique et Logique utilisent le même matériau. 12 Pour la question du difficile mariage de la Mathématique et de la Logique, lire avec avantage : Beth, Les fondements logiques des mathématiques, Paris, 1950 Dubarle, Initiation à la logique, Paris, 1957 (voir Section III). Meigne, La consistance des théories formelles et le fondement des mathématiques, Paris, 1959 (voir chap. 7 ‘Logiques et mathématiques’). Reymond, Les principes de la logique et la critique contemporaine, Paris, 1957. Portons-lui un point final provisoire, en alignant des formules que ce propos aide à comprendre : a si a a a (Réflexivité) b, alors b b et b a (Commutativité) c, donc a c (Transitivité) En opérant un passage en revue des deux secteurs, on peut identifier ces convergences, mais aussi des spécificités bien flagrantes. Il devient clair qu’avec les évolutions, un rapprochement marqué des deux domaines a lieu, même si la spécialisation reste en vigueur ici comme ailleurs. Retenons, stricto sensu, qu’un mathématicien n’est pas un logicien et vice-versa. 13 PREMIERE PARTIE GENERALITES Chapitre 1 La Logique : un domaine de l’activité cognitive Objectif pédagogique Présenter la Logique comme : . un univers obsédé par la vérité, par l’accès à la vérité, un univers au service d’une vérité qui se construit avec des prises de position énoncées dans des conclusions ; . un domaine qui revendique un rapport à d’autres secteurs de l’activité de connaissance et qui recourt à des concepts qu’il utilise selon ses propres procédures. Après l’étude du chapitre, l’étudiant doit être capable de : - cerner le champ de la Logique ; - percevoir la problématique de la vérité, une problématique qui mobilise toute l’industrie du logicien ; - commencer à se familiariser avec certains concepts courants en Logique ; - comprendre l’enjeu de la conclusion ; - se faire une idée claire des rapports de la Logique avec des domaines voisins. La Logique est une branche de la connaissance. Elle a ses problèmes propres, revendique son autonomie et nourrit de nombreux autres secteurs de l’activité intellectuelle. Faisons connaissance avec la Logique en la rapprochant d’autres domaines ou, encore, en observant certains de ses concepts de base. Mais, commençons par rappeler son premier souci : l’accès à une conclusion logiquement valable. I- La conclusion ou conséquence logique Il n’est pas faux de dire que la Logique est le lieu où l’on s’exerce à la prise de décisions. Toute l’activité du logicien vise un seul objectif : proposer les décisions les plus fines, les plus séduisantes, les plus utiles, les plus à même de l’aider à aller de l’avant. Ces décisions, on les appelle aussi ‘conclusions’. C’est la conclusion, plutôt, l’accès à la conclusion, qui impose à l’esprit humain la complexe mise en scène qu’est la Logique. Pour bien cerner ce domaine, la Tradition a pris l’habitude de diviser son champ en trois ensembles : un exposé portant sur le concept, un autre sur le jugement et un dernier sur la conclusion. Le point de départ de tout ceci est le concept. Ce concept, il faut l’explorer, le démanteler, nommer les êtres qu’il traîne avec lui. Un raccordement de concepts constitue une proposition que l’on appelle aussi jugement ; un jugement a pour rôle d’identifier, de désigner ce qui est vrai et ce qui est faux. Bâti à l’aide de concepts, le jugement n’a lieu que parce qu’il rend possible une analyse préalable de ces concepts. Cette analyse devient, par la suite, l’occasion où s’énonce un verdict, un jugement en somme. La Logique apparaît dès lors comme un art qui aide à conclure un jugement. Mais ici, on n’accepte pas n’importe quelle conclusion : à quoi doit alors ressembler une conclusion logique ? On passe ainsi de la question initiale ‘qu’est-ce que la Logique’ à une autre, non moins intéressante : qu’est-ce qui détermine une conclusion logique ? Une conclusion en Logique est la conséquence logique de ce qui la précède : une conséquence logique est donc une conclusion correcte. En fait, toute l’activité du secteur tourne autour de la conclusion. Nous venons d’indiquer qu’une conclusion correcte est conséquence des propositions qui la précèdent, ses ‘prémisses’ : elle hérite sa vérité ou sa fausseté de la vérité ou de la fausseté des prémisses. Disons qu’il y a comme un transfert qui a lieu pendant le processus menant des prémisses à la conclusion : elles exportent ainsi leur vérité vers la conclusion qui, dans ces conditions, ne peut être que correcte. Comment être sûr et certain que la conclusion est vraie ? En y regardant de plus près, on comprend que le fait que la conclusion est vraie veut surtout dire qu’elle est correcte. Ce constat est une faillite du système, faillite qui pousse le logicien à la modestie ; elle l’oblige à se contenter d’une conclusion qui ne peut être que logiquement valable : il doit juste s’assurer qu’elle affiche son lien 18 de dépendance de ses prémisses. Il lui suffit d’être correcte : qu’elle soit correcte peut aussi dépendre d’autre chose que de la vérité des prémisses. Nous verrons bientôt d’ailleurs que ce transfert de la vérité ne marche pas toujours. Mais l’exigence d’une conclusion valable continue à inscrire, sans bruit, la vérité dans les préoccupations du logicien. On le voit, il n’est pas naïf : il a très vite compris que l’accès à la vérité peut comporter des complications parfois insurmontables. Elles sont d’une telle complexité qu’il les cède au philosophe pour que celui-ci les épluche. C’est une esquive épistémique exécutée pour que la quête puisse aller de l’avant, mais aussi un aveu d’échec : il reconnaît ainsi que ces questions difficiles sortent de ses compétences. I.1- L’omniprésente vérité Une conclusion logique valable est valide ; elle est valide parce qu’il y a du liant entre elle et ses prémisses : repérer, identifier ce liant, voilà ce qui préoccupe le logicien ; on comprend qu’il est davantage question de correction d’une procédure que de vérité des énoncés. C’est pourquoi, en Logique, on parle plus de la validité d’une conclusion que de sa vérité : dès qu’une conclusion satisfaisante est produite, on peut espérer, en se fondant sur elle, construire de nombreux autres enchaînements dont on tire d’autres conclusions tout aussi valides. Sans exclure la vérité de son propos, il préfère parler de validité. Ceci veut dire qu’il ne tient pas à évacuer la vérité de ses discours ni de ses efforts pour l’établir, des efforts qu’exigent les conditions qu’il convient de remplir à cet effet. La vérité reste donc présente, même si elle n’est plus en première ligne : elle s’est fait doubler par une validité adossée sur un arrière-fond qui n’est autre que la vérité que l’on peut avoir cru répudier. Bien que tout se ramène à la validité, l’ombre de la notion de vérité plane donc malgré tout et l’omniprésence du mot vérité convainc bien vite l’observateur qu’en Logique, il est uniquement question de vérité, même si l’on parle à peine d’elle : l’obsession de la confection d’une conclusion à partir de ce qui la précède ou de l’accès à une conclusion satisfaisante joue dans le camp de la 19