Le diabète, une maladie qui pèse lourd

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Pour mieux comprendre
M E RC RE DI 30 MAR S 201 6
L ' AL S A CE
SANTÉ
Le diabète, une maladie qui pèse lourd
Cette maladie multifactorielle, au cœur d’enjeux sociétaux et économiques, progresse à un rythme moins rapide en France qu’au niveau mondial.
Présenté comme « l’épidémie silencieuse » du XXIe siècle, le diabète touche 9 % des adultes dans le
monde. Avec un taux de prévalence de 4,7 %, la France n’est pas le
pays le plus touché mais avec
3,5 millions de patients traités et
700 000 malades qui s’ignorent, le
diabète, reste, en effectifs, la première des affections de longue durée, devant le cancer. Donc un
enjeu de santé publique.
Après avoir flambé de + 5 % par an
pendant 10 ans, la progression de
la maladie s’est ralentie à 2,7 %
l’an passé, parallèlement à celle
de l’obésité.
Les Français ont-ils amélioré leur
hygiène de vie ? Il est difficile
d’identifier les causes de ce ralentissement qui doit être confirmé.
« La hausse du diabète provient
pour moitié du vieillissement de la
population et pour moitié de la
malbouffe et la sédentarité », précise le Pr Philippe Moulin, organisateur du Congrès annuel de la
Société francophone du diabète
qui a rassemblé 3 600 participants
à Lyon du 22 au 25 mars.
pas oublier les autres complications », souligne le Pr Moulin.
Si l’éducation thérapeutique s’est
fortement développée, l’observance des mesures hygiéno-diététiques reste décevante aux yeux de
ce chef d’un service de diabétologie au CHU de Lyon : « On obtient
de bons résultats les deux premières années mais il y a souvent un
abandon. Il faut un accompagnement permanent. » Les structures
et les éducateurs sportifs manquent mais la motivation des patients est parfois aussi
problématique. Au sein du réseau
lyonnais Dialogs, les adhérents ne
suivent en moyenne que 1,5 consultation diététique sur les 3 offertes. Quant au programme Sophia
de l’Assurance-maladie, s’il « améliore le suivi de l’ensemble de la
population diabétique, il n’a pas
d’impact significatif à court terme
sur la dépense totale de soins »,
selon sa dernière évaluation.
Les patients traités
pour le diabète
Densité par région*
en France en 2013
Amiens
Metz
HAUTE PICARDIE
NORMANDIE
Châlon-en Ch.
PARIS
BASSE
LORRAINE Strasbourg
NORMANDIE
ILE
CHAMPAGNE
DE-FRANCE ARDENNES
ALSACE
Caen
BRETAGNE
Rennes
Orléans
PAYS
DE LOIRE
GUADELOUPE
MARTINIQUE
Disparités socio-économiques
Depuis vingt ans, l’amélioration
du contrôle de la glycémie, de la
pression artérielle et des lipides
ont permis de réduire la survenue
de certaines complications, selon
l’Institut de veille sanitaire. Mais
la prise en charge reste l’objet de
controverses. « Certains médecins
généralistes estiment que l’équilibre du diabète est un complot de
l’industrie pharmaceutique. Certes, cet équilibre ne réduit pas le
risque d’infarctus mais il ne faut
C’est le premier poste de dépense
de la maladie dont le coût annuel
est estimé à 10 milliards d’euros.
En 2013, 20 500 malades ont été
hospitalisés pour une plaie du pied
dont 8 000 pour une amputation,
17 000 pour un AVC et 11 700 pour
un infarctus, soit 2,2 fois plus que
la population non diabétique. La
forte augmentation des cirrhoses
non alcooliques inquiète aussi les
diabétologues et les hépatologues.
LA REUNION
CENTRE
Nantes
Dijon
BOURGOGNE
Cinquième médicament le plus
vendu au monde, le Lantus a rap-
Course au pancréas artificiel
Plusieurs biotechs françaises sont
aussi sur le marché comme la lyonnaise Adocia, introduite en bourse
en 2012, qui a signé avec l’américain Eli Lilly, 3e leader du marché, le
plus gros partenariat entre une bio-
Les dangers du fructose
FRANCHE
COMTÉ
Besançon
Poitiers
POITOUCHARENTES
Limoges
Clermont-Ferrand
LIMOUSIN
Lyon
RHÔNE-ALPES
AUVERGNE
Bordeaux
GUYANE
AQUITAINE
MIDI
PYRÉNÉES LANGUEDOC
ROUSSILLON
Toulouse
PROVENCEALPES-CÔTE
D'AZUR
Montpellier
Marseille
CORSE
Taux dans la population
Plus de 5,2%
De 4,6% à 5,2%
Ajaccio
Inferieur ou égal à 4,6%
* Découpage des régions d’avant la réforme territoriale
(Date de l’enquète)
Un marché lucratif pour l’industrie
porté 35 milliards d’euros en dix ans à Sanofi et coûté 236,8 millions
à la Sécu en 2014 (au 7e rang des
médicaments qui ont lui coûté le
plus cher). Le laboratoire doit sortir
un autre traitement mais s’est aussi allié avec Google pour créer une
société dédiée au diabète.
Le diabète de type 1
NORDLille
PAS
DE CALAIS
Rouen
C’est dans les milieux favorisés
que le suivi clinique est le
meilleur, soulignant le poids des
disparités socio-économiques de la
maladie, tant au niveau individuel
que territorial comme le montre la
carte de France du diabète et de
ses complications avec un taux
plus élevé dans le nord et l’outremer.
Capteurs de glycémie, pompes à insuline, antidiabétiques… Évalué à
548 milliards de dollars en 2013, le
marché du diabète est l’un des plus
compétitifs du secteur pharmaceutique. Derrière le leader danois Novo Nordisk, le français Sanofi a
réalisé un quart de son chiffre d’affaires grâce au diabète en 2015
mais avec un résultat en recul de
près de 7 %. Le brevet de son insuline phare, le Lantus, est tombé dans
le domaine public alors que son successeur, le Toujeo, a été jugé par les
autorités sans réelle amélioration.
Repères
tech française et un grand laboratoire, afin de développer une
formule d’insuline ultra-rapide.
Actuellement, la course se joue
autour du pancréas artificiel. Constitué d’un capteur, un logiciel et
une pompe, cet ensemble doit être
autonome pour mesurer en continu la glycémie et injecter de l’insuline si besoin. Une étude clinique
démarre avec un dispositif français
piloté par le CHU de Montpellier.
Mais deux sociétés américaines
sont sur les rangs. Le coût devrait
s’élever à 9 500 euros par an et par
patient soit 10 % de plus qu’une
pompe à insuline seule. Comme
pour les autres dispositifs, se posera la question du remboursement.
« Il faudra sans doute des quotas »,
remarque le Pr Philippe Moulin, qui
souligne qu’après le remboursement des pompes à insuline, il y a
eu une « inflation » des forfaits.
Si associations de patients et industriels demandent désormais le remboursement des capteurs de
glycémie dans le diabète de type 1,
pour le diabétologue, cette mesure
continue n’est justifiée que pour
10 % des malades, qui ont un diabète instable.
Mon œil !
Du côté de la malbouffe, l’étau se resserre autour du fructose,
abondamment ajouté dans les aliments transformés, et considéré
aujourd’hui comme un moteur du diabète de type 2. Très bon
marché, il a remplacé peu à peu le saccharose (glucose + fructose)
dans les aliments industriels, sous la forme de « sirop de fructoseglucose » ou de « sirop de maïs à haute teneur en fructose ».
Les Américains dont 40 % seraient en état « pré-diabétique » en
consomment 25 kilos par an contre 0,5 pour les Français. Certains
mécanismes moléculaires du fructose provoquent une altération de
l’action de l’insuline dans les tissus de l’organisme et augmentent le
développement de la masse grasse viscérale, le « mauvais tissu
adipeux ». Par ailleurs, le fructose a un effet plus faible que le
glucose sur la sécrétion d’incrétines, hormones intestinales qui
favorisent l’action de l’insuline et la régulation de la glycémie. Il est
aussi moins efficace pour déclencher la satiété.
Source: Institut de veille sanitaire - BEH novembre 2015
Sylvie Montaron
S.M.
Infographie : P. Villard
Précédemment appelé « diabète insulino-dépendant », la
cause du diabète dit de type 1
n’est pas connue. Il nécessite
une administration quotidienne d’insuline, l’hormone qui
régule la concentration en sucre dans le sang, en raison
d’une production insuffisante
par le pancréas. Il est habituellement découvert chez les sujets jeunes : enfants,
adolescents ou adultes jeunes.
Le diabète de type 2
Appelé aussi « diabète non insulino-dépendant » ou
« gras », le diabète de type 2
représente 90 % des diabètes.
Il résulte d’une mauvaise utilisation de l’insuline par l’organisme et peut parfois passer
inaperçu durant des années.
Les symptômes
Ils peuvent apparaître brutalement : excrétion excessive
d’urine, sensation de soif et
faim constante, altération de
la vision, fatigue…
Journée de dépistage
L’association L.I.D.E.R Diabète
organise une campagne de dépistage dans 70 villes le
23 avril. Liste
sur : http://liderdiabete.org/
evenements/
12 C’est en moyenne le nombre d’années de vie en
moins d’une personne atteinte d’un diabète de type 1, par rapport à une personne qui ne souffre pas de cette maladie. Un homme de 20 ans vivra en moyenne 11 en de moins s’il a ce diabète et une femme 13 ans de moins, selon une étude de l’université de Dundee (Ecosse), publiée en 2015.
Questions à
Philippe Moulin, professeur en médecine, organisateur
du Congrès de la SFD à Lyon
« Certains labos ont abandonné la France »
Propos recueillis par Sylvie Montaron
Pourquoi vous inquiéter de l’accès à l’innovation en diabétologie ?
Il y a une situation propre à la diabétologie : certains médicaments ont
des autorisations de mise sur le
marché mais pas de remboursement. Certains laboratoires ont abandonné la France car ils trouvent qu’elle descend trop les prix.
C’est le cas pour l’empagliflozine.
Cette nouvelle molécule a montré
des résultats dans la baisse de la
mortalité cardiovasculaire. Elle est
disponible dans de nombreux pays
mais nous ne l’avons pas car l’industriel et la Haute autorité de santé
Photo Le Progrès
n’ont pas trouvé d’accord sur le prix.
Mais si on descend trop les prix les
grossistes allemands viendront ment qui coûte 1 à 2 € par jour pas
acheter en France pour se faire des 10 000 €. Mais il y a trois millions de
diabétiques…
marges…
Pour les médecins généralistes, les
diabétologues sont vendus à l’industrie mais il ne faut pas être angéPotentiellement. Les diabétologues lique. Les mesures hygiéno ont aussi quitté les discussions avec diététiques ne suffisent pas : on a
la HAS sur la gliptine, une nouvelle besoin de médicaments. Il faut que
classe de médicaments que nous les industriels puissent s’autofinanconsidérons plus sûrs que les sulfa- cer. La mise sur le marché coûte de
mides mais la HAS a fait le choix de plus en plus chère car il faut prouver
que la molécule est bénéfique ou
garder ces anciennes molécules.
neutre sur le plan cardio-vasculaire.
Certains cancérologues jugent les Cela veut dire des études sur
5 000 ou 10 000 malades pendant 3
prix des industriels indécents. Ce ans. Cela coûte une fortune, donc le
n’est pas votre cas ?
prix des médicaments est de plus en
Pour la gliptine, on parle d’un traite- plus élevé.
Estimez-vous qu’il y a une perte de chance pour les malades ?
Toujours dans le diabète de type 2, quelques études suggèrent un
lien avec la consommation de certains acides gras et des soupçons
pèsent sur les polluants. Certains de ces polluants comme les PCB
multiplieraient également par 4 le risque de développer un diabète
gestationnel. Lié également au recul de l’âge des maternités, ce
diabète a doublé entre 2004 et 2012 pour toucher 8 % des femmes
enceintes.
LII02
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