Bernard Nemitz Professeur émérite (Anesthésie -­‐ réanimation – médecine d’urgence) Médecin médiateur du CHU d’Amiens Ancien expert près la Cour d’appel d’Amiens B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 1 Plan de l’exposé 1 -­‐ La typologie et les modalités de la gestion des situations conflictuelles avec les patients en milieu hospitalier 2 -­‐ La prévention de l’installation de situations conflictuelles patient-­‐ médecin: ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 2 1 -­‐ La typologie et les modalités de la gestion des situations conflictuelles avec les patients en milieu hospitalier B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 3 Les principaux motifs d’apparition de situations conflictuelles patient-­‐médecin La peur : déficit de confiance La défiance: impression d’une information cachée La revendication: préjudice lié à un acte pratiqué Le déficit d’information Le déficit d’empathie B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 4 Les différents modes d’expression de situations conflictuelles Agression verbale (voire physique…) Demande de communication du dossier médical Réclamation formulée par visite, appel téléphonique, courriel, courrier (au praticien concerné, à la direction de l’établissement, à l’ARS, à un élu politique, au ministre de la santé, au président de la république) Demande indemnitaire auprès de l’établissement, de la Commission de conciliation et d’indemnisation Plainte auprès de l’Ordre, au civil (tribunal administratif pour le secteur public, tribunal de grande instance pour le secteur libéral), au pénal B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 5 Evolution générale des plaintes pour fautes médicales en France Evénements survenus en milieu hospitalier (Source SHAM): -­‐ Demande de règlement amiable: 92 % des cas > indemnité accordée dans un 1/3 des cas -­‐ Ouverture de contentieux judiciaire: 8% des cas > si passage devant tribunal: CH reconnu responsable dans 48 % des cas (coût moyen d’une condam. 195 130 €) Institut droit et santé (étude de 50000 décisions de justice 1999-­‐2009) : stabilité voire baisse des contentieux judiciaires médicaux, report sur les procédures amiables B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 6 Vue d'ensemble des plaintes et réclamations reçues au CHU Amiens-­‐Picardie 180 plaintes et réclamations /an 82% par écrit, 18% par oral. Motifs: -­‐ 50% relatives aux soins médicaux -­‐ 34% relatives aux soins infirmiers -­‐ 11% relatives à l’hôtellerie (déplacements, nourriture, confort) -­‐ 5% relatives aux relations administratives B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 7 Principaux motifs de réclamations concernant les soins médicaux 22% en lien avec la qualité des soins 22% en lien avec les relations avec les médecins 20% pour défaut d’information du patient ou de sa famille 13% pour erreur de diagnostic ou de traitement 10% pour report de rendez vous de consultation , d’un examen d’imagerie ou d’une intervention chirurgicale 6.5% pour attente trop longue pour une consultation ou aux urgences 6.5% pour prise en charge insuffisante de la douleur B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 8 Principaux motifs de réclamations relatives aux soins médicaux Réclamations relatives aux actes médicaux Réclamations relatives au fonctionnement médical des services Réclamations relatives à un déficit de communication avec le personnel soignant B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 9 Principaux motifs de réclamations relatives aux actes médicaux Méconnaissance ou retard de diagnostic de la pathologie initiale ou d’une complication Séquelles douloureuses ou fonctionnelles d’un acte technique Insuffisance de prise en charge de la douleur B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 10 Principaux motifs de réclamations relatives au fonctionnement des services Insuffisance de coordination des soins interservices lors d’un transfert ou du recours à une autre spécialité Insuffisance du suivi post opératoire Insuffisance d’information sur la conduite à tenir après la sortie du CHU B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 11 Principaux motifs de réclamations relatives à un déficit de communication Insuffisance d’information préalable sur les complications possibles d’un acte technique Insuffisance d’information sur les actes réalisés à visée diagnostique ou thérapeutique (intérêt, résultats, gestion d’une complication) Insuffisance d’information sur la gravité de l’état d’un proche B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 12 Le suivi des réclamations au CHU Amiens-­‐Picardie Tous les 15 jours: réunion de la “cellule de médiation”, comprenant: -­‐le directeur de la qualité et de la clientèle et son équipe, -­‐le médecin médiateur et le médiateur non médecin -­‐2 représentants des usagers Tous les 3 mois: réunion de la Commission de la relation avec les usagers et pour la qualité des prises en charge (CRUQPEC) Tous les ans: rapport à l’Agence régionale de santé B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 13 Différents types de suites que peut avoir une réclamation Accusé de réception par direction de l’établissement (< 8 J) Demande d’éléments de réponse au service concerné puis lettre de réponse de la direction au patient (< un mois) Proposition d’un entretien de médiation Demande d'indemnisation par l'assurance de l'hôpital Demande d’indemnisation auprès de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux ou d’infections nosocomiales (ITT> 6 mois, IPP> 24%) Plainte judiciaire contre l'hôpital ou le médecin concerné (délai de prescription 10 ans) B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 14 Les objectifs de la médiation à l’hôpital Dédramatiser des situations devenues conflictuelles et retrouver la confiance par la voie du dialogue et de l’explication, sans omettre, le cas échéant, l’orientation éventuelle du patient ou de sa famille vers une voie juridique. Formuler des recommandations visant à l’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients. B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 15 Qui assure les médiations à l’hôpital? • Depuis la loi du 4 mars 2002 (dite loi Kouchner) il y a dans tous les hôpitaux publics et privés français: ØUn médecin médiateur pour effectuer les médiations relatives à des réclamations liées aux soins médicaux ØUn médiateur non médecin (infirmière responsable ou directeur),pour effectuer les médiations relatives à des réclamations liées aux soins infirmiers ou à d’autres aspects de l’hospitalisation Les médiateurs sont nommés par le directeur de l’établissement. B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 16 Qui peut solliciter le médecin médiateur? Le médecin médiateur ne peut être saisi que par: Le directeur de l’établissement le patient lui-­‐même, son responsable légal (patient mineur ou incapable majeur) ou ses ayants droits en cas de décès B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 17 Les limites de compétence du médecin médiateur Le médecin médiateur ne peut être saisi pour: -­‐ des réclamations faisant déjà l’objet d’une démarche contentieuse -­‐ des réclamations relatives à une prise en charge dans le service dans lequel il est ou a été en activité > transfert de la saisine au médecin médiateur suppléant -­‐ des réclamations non médicales (Toutefois si la réclamation porte à la fois sur des aspects médicaux et non médicaux, il y a possibilité de médiation conjointe avec le médiateur non médecin) B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 18 Les étapes d’une médiation médicale Examen de la réclamation en cellule de médiation Proposition au plaignant d’un entretien de médiation et demande d’autorisation d’accès au dossier médical Acceptation par le patient > Fixation d’un rendez-­‐vous Examen du dossier médical Echanges avec le(s) médecin(s) concerné(s) Entretien de médiation Rédaction du rapport de médiation (incluant des propositions d’amélioration pour la qualité des soins) Envoi du rapport à la direction de la clientèle et de la qualité, au(x) médecin(s) concerné(s) et au patient Présentation synthétique du rapport à la réunion trimestrielle de la CRUQPEC B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 19 2 -­‐ La prévention de l’installation de situations conflictuelles patient-­‐ médecin: ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 20 Trois principes généraux pour prévenir l’installation d’une situation conflictuelle Avoir toujours en tête que: Ø le droit à l’information médicale et au consentement aux soins est désormais inscrit réglementairement dans le mouvement général de reconnaissance des droits des patients Øce n’est pas au patient de s’adapter au médecin mais au médecin de s ’adapter au patient Øle devoir d’information du patient s’étend à ses proches dans le respect des règles déontologiques B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 21 Prévenir la situation conflictuelle: ce qu’il ne faut pas faire face à une complication Adopter l’une des classiques (mais néfastes) attitudes de défense des soignants: ØMentir, ØFuir le patient, l’éviter, retarder son information ØDonner l’information de façon négligente (rapidement, entre deux portes…) ØVouloir rassurer à tout prix en minimisant les conséquences de la complication B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 22 Prévenir la situation conflictuelle: ce qu’il faut faire Adopter un comportement professionnel rigoureux: Ø Informer le patient et son entourage sur avantages, inconvénients, risques principaux des procédures et techniques utilisées Ø Respecter les procédures et les protocoles techniques validés scientifiquement Ø S’il y a lieu, donner au patient et à son entourage une information claire sur les complications survenues et les mesures prises pour y remédier ou en atténuer les conséquences B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 23 Prévenir la situation conflictuelle: s’adapter à la personnalité du « plaignant » (1) « To my patients who have paid to teach me » (D.W.Winnicott) > Passons en revue la confrontation avec 9 types de personnalités de patients dans le contexte suivant: « Contrairement à ce qui était prévu le médecin AR n’a pas reçu les résultats des examens complémentaires qu’il avait prescrits pour faire le bilan d’une complication » d’apres I.Moley-­‐Massol, Relation médecin-­‐malade, enjeux, pièges et opportunités, situations pratiques, Le Pratique, Ed DaTeBe, 2007 B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 24 Prévenir la situation conflictuelle: s’adapter à la personnalité du « plaignant » (2) • Hystérique (Cherche à attirer l’attention): « Il n’a pas pris la peine de chercher. Pourquoi ne s’intéresse t il pas plus à moi? » Ø A ne pas faire: surmédicaliser, tourner ses propos en dérision, tomber dans le piège de la séduction Ø A faire: montrer de l’intérêt tout en gardant la bonne distance, accepter la dramatisation du discours mais poser des limites B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 25 Prévenir la situation conflictuelle: s’adapter à la personnalité du « plaignant » (3) • Obsessionnelle (Perfectionnisme): « J’ai bien noté qu’il devait les recevoir il y a 3 jours. Ce n’est pas sérieux. Je vais demander à l’infirmière » Ø A ne pas faire: se laisser envahir par son souci de détails, ses doutes et questionnements Ø A faire: donner des explications précises, se montrer fiable B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 26 Prévenir la situation conflictuelle: s’adapter à la personnalité du « plaignant » (4) Narcissique (Grande estime de soi): « C’est inadmissible. Pour qui se prend-­‐il? » Ø A ne pas faire : établir un rapport de force, se laisser manipuler Ø A faire: se comporter comme avec les autres patients, pas de traitement de faveur B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 27 Prévenir la situation conflictuelle: s’adapter à la personnalité du « plaignant » (5) Anxieuse (Crainte du pire): « Il y a un problème grave et il ne veut pas me le dire » Ø A ne pas faire: donner trop d’informations qu’il ne pourrait pas gérer, lui faire partager vos propres questionnements Ø A faire: écouter, informer en allant à l’essentiel, cadrer l’entretien B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 28 Prévenir la situation conflictuelle: s’adapter à la personnalité du « plaignant » (6) Dépendante (Besoin d’être soutenu): « Cela me donnera l’occasion de le revoir. C’est plutôt bien finalement » Ø A ne pas faire: le critiquer, se laisser envahir Ø A faire: rassurer, accompagner sans trop materner B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 29 Prévenir la situation conflictuelle: s’adapter à la personnalité du « plaignant » (7) Evitante (Dévalorisation de soi): « Il ne me croit pas capable d’affronter les résultats des analyses » Ø A ne pas faire: ironiser, « secouer » le patient Ø A faire: apprivoiser la relation, assurer le patient de son soutien B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 30 Prévenir la situation conflictuelle: s’adapter à la personnalité du « plaignant » (8) Impatiente (Sentiment d’urgence): « On me fait perdre mon temps » Ø A ne pas faire: établir un rapport de force Ø A faire: donner des explications précises, aller droit au but B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 31 Prévenir la situation conflictuelle: s’adapter à la personnalité du « plaignant » (9) Paranoïaque (Méfiance): « Qu’est ce qu’il me cache? Il me met à l’épreuve » Ø A ne pas faire: l’agresser, être familier, devenir soi même paranoïaque… Ø A faire: éviter le rapport de force, éviter les malentendus, passer la main si la relation devient impossible ou hostile B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 32 Prévenir la situation conflictuelle: s’adapter à la personnalité du « plaignant » (10) Antisociale (Impulsivité): « Si je n’ai pas mes résultats, je m’en vais » Ø A ne pas faire: juger, montrer trop de complaisance Ø A faire: rester aussi neutre que possible, savoir refuser B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 33 Au total, pour prévenir l’installation d’une situation conflictuelle, il faut écouter, entendre, expliquer… Se garder d’un a priori négatif sur la pertinence des informations données par le patient ou son entourage, y compris dans un contexte d’agressivité Se garder de formuler des conclusions hâtives insuffisamment étayées Préciser ce que l’on va faire et pourquoi on va le faire Indiquer clairement les précautions à prendre B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 34 …et, pour faire face dans les meilleures conditions possibles à une situation conflictuelle, tout écrire dans le dossier médical Plus vous aurez relevé d’informations, mieux vous serez armé pour faire face aux éventuels conflits Ne pas oublier l’importance de relever les signes négatifs. B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 35 Anticiper la gestion des difficultés… Ne pas faire « l’autruche » Rassembler et conserver soigneusement tous les documents relatifs à « l’affaire » Prévenir la direction de l’établissement du risque de contentieux (secteur public) ou votre assurance professionnelle (secteur libéral) B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 36 …et quand la situation conflictuelle n’a pu être évitée Ø Réagir rapidement et ne jamais parler d’erreur, de faute, de responsabilité, d’indemnisation (Rôle de l’assurance) mais Ø Parler de complication et informer clairement le patient de la possibilité d'accéder à son dossier médical Ø Lui proposer éventuellement une rencontre avec le chef de service pour échanges et explications Ø Suggérer à la direction de l’établissement de lui proposer un entretien de médiation. Ø Intérêt d’un protocole de gestion des accidents médicaux ou de gestion de crise dans chaque service B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 37 Pour conclure: si les patients sont de mieux en mieux informés de leurs droits… B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 38 …il est indispensable que les médecins les connaissent également! Loi n°2002-­‐303 du 4/03/2004 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. JO du 5 mars 2002 Pages 4118 à 4159 B.NEMITZ -­‐ XXXIIème JARP -­‐ 17 juin 2015 39