Le Nouvelliste du mardi 13.11.2012 – Valais Poussée de fièvre pour l'eau du Rhône ENVIRONNEMENT Malgré son débit, le fleuve connaît une poussée de température que ses affluents ne parviennent pas à tempérer. Les années de fortes chaleurs, il peut même gagner jusqu'à 3°C, à son arrivée au Bouveret, hausse que l'on retrouve à la sortie du Léman. MAILLARD Les températures des cours d'eau augmentent à cause du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique commence à avoir des effets sur la température des cours d'eau. Les scientifiques ont observé une augmentation de la température du Rhône en France, comme le révélait dernièrement nos confrères du "Dauphiné libéré". Ils mettaient en lumière les résultats d'une étude conduite par l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse, réunissant 300 experts et gestionnaires de l'eau. Le thermomètre d'EDF, qui surveille le fleuve, est catégorique: en trente ans, le Rhône a gagné 2°C. Malgré son débit, le fleuve connaît une poussée de fièvre que l'apport de ses affluents ne parvient pas à tempérer. Les années de fortes chaleurs, il peut même gagner jusqu'à 3°C. A la sortie du Léman, sa température moyenne est passée de 20 à 23° en été. "Ce qui est frappant, c'est la vitesse du changement. Et ce n'est pas fini, la température va augmenter d'encore autant d'ici à 2030" , explique Martin Guespereau, directeur général de l'Agence de l'eau. Les experts ont croisé leurs données et leur verdict est sans appel : le réchauffement climatique est en marche. L'enneigement diminue En France, les rejets des centrales nucléaires ont leur part dans ce phénomène sur les eaux du Rhône (entre 1,5 et 3,2°C selon les lieux et les années), mais ils n'expliquent pas tout (ndlr: ce n'est pas le cas en Suisse). Tout d'abord, la neige est moins abondante dans les Alpes, et ce en particulier en moyenne montagne entre 1200 et 1800 mètres. "La neige est même en voie de disparition au printemps sur toutes les Alpes à basse et moyenne altitude" , n'hésite pas à avancer Martin Guespereau. Les scientifiques estiment une diminution de 20 à 50% de la durée annuelle d'enneigement dans les Alpes du sud et de 10 à 15% au nord d'ici à 2030. Non seulement, la neige sera plus rare, mais sa fonte sera plus rapide. Conséquence immédiate: la chute du débit des affluents du Rhône, comme en France l'Isère ou la Durance. Toutes les rivières seront logées à la même enseigne : en été, leur débit devrait chuter de façon spectaculaire. En 2050, les affluents non méditerranéens du Rhône, comme la Saône, pourraient perdre jusqu'à 50% d'eau en été et en automne. A cette échéance, les prévisions sont encore plus pessimistes pour, par exemple, la Durance et l'Isère: jusqu'à -75% en été. Sécheresse En France, sur le littoral méditerranéen, les signes du réchauffement climatique seront les plus inquiétants. Les sécheresses seront plus intenses avec une diminution de 60% des pluies d'ici à 2080. Elles seront plus longues et plus intenses, selon les experts. L'agriculture sera la première touchée par ce bouleversement. L'évapotranspiration sera le facteur aggravant avec des sols qui sèchent plus tôt et plus vite, et des cultures plus précoces. Et plus généralement, la végétation va subir le même sort. Des étés plus torrides Les scientifiques prévoient également des étés toujours plus torrides. Les températures vont grimper de 1 à 2°C d'ici à 2030 dans le sud de la France, par exemple, et de 3 à 6°C à l'horizon 2080. Des pointes de +10°C par rapport aux moyennes actuelles pourraient être enregistrées au mois d'août. Les conséquences sur la faune et la flore suivront. Il s'agira notamment de la disparition d'une quinzaine d'espèces de poissons en mer. D'autres espèces comme les perches ou les ablettes vont croître et se multiplier, alors que d'autres vont migrer vers le nord. Partager l'eau Pour Martin Guespereau, la conséquence de ce chamboulement est "qu'il va falloir apprendre à vraiment partager l'eau" . Ce n'est pas une petite affaire tant les intérêts peuvent être contradictoires, "voire conflictuels" , souligne le directeur de l'Agence, entre l'agriculture, l'alimentation des populations, l'industrie et le tourisme. A l'avenir, il faudra éviter les gaspillages d'eau et protéger au mieux les nappes phréatiques. L'eau deviendra une denrée rare. "LES RIVIERES SONT VOUEES A DISPARAITRE" THIERRY LARGEY, CHARGE D'AFFAIRE DE PRO NATURA VALAIS Du point de vue biologique, l'eau du Rhône, limoneuse et froide, est pauvre. A part les poissons, il n'y a pas beaucoup de vie. Je crois qu'un ou deux degrés supplémentaires ne vont pas avoir un impact très fort, sauf peut-être sur les poissons. Certaines espèces pourraient disparaître et d'autres s'adapter à ce nouvel environnement. D'ailleurs, pour avoir des milieux intéressants pour le biotope, nous avons plutôt tendance à rechercher un étalement du fleuve avec des eaux plus chaudes. A mon avis, ce réchauffement de la température du Rhône n'est pas dramatique, du moins pas directement. Il découle du réchauffement climatique qui, lui par contre, a des effets directs sur les réserves d'eau. C'est très inquiétant car cela est un bien essentiel à notre existence. Concrètement, la diminution des stocks de neige et la fonte des glaciers vont engendrer des problèmes de réserves à terme. De même, les rivières sont vouées à disparaître si l'eau se réchauffe plus rapidement. Quant à l'évapotranspiration, elle peut avoir un impact positif vu que davantage d'eau part dans l'atmosphère créant des nuages, puis de la pluie, mais en même temps, cela signifie qu'il y a moins d'eau dans les zones de stockage, comme la nappe phréatique. LF Par LYSIANE FELLAY AVEC LE DAUPHINE LIBERE