1 Les rues de Paris… Promenade habituelle à partir de ... Avenue Victoria Place du Châtelet Rue Sainte Croix de la Bretonnerie Rue du Bourg Tibourg Rue Vieille du Temple Rue de Moussy Rue des Archives Rue Aubriot Rue des Rosiers Rue des Hospitalières Saint Gervais Rue des Francs Bourgeois Rue Simon le Franc Rue Rambuteau Rue du Roi deSicile Rue des Lombards Rue Quincampoix Rue grenier sur l’eau Rue Geoffroy l’Asnier Le centre Pompidou Rue de Rivoli Place de l’Hôtel de Ville Quai de l’Hôtel de Ville Rue de la Monnaie Rue Saint-Antoine Rue Saint Benoit Boulevard Saint Michel Rue de Médicis Rue Madame Place de l’Odéon Rue Vaugirard Rue de l’Observatoire Rue Saint-Andrédes Arts Rue du Vieux Colombier Pont neuf Rue du ChercheMidi Rue Mouffetard Rue des Canettes Rue Auguste Comte Rue de la Huchette Rue du Mont Thabor Rue Castiglione Place Vendôme Place AndréMalraux Avenue Franklin D. Roosevelt Quai Branly Rue de Valois Rue du Louvre Boulevard du Temple Rue du Faubourg Saint Honoré Place de la Sorbonne Rue Champollion Rue Gay Lussac Rue de l’Epée deBois Rue de Charenton Avenue de Suffren Rue Daunou Rue Charonne Le jardin des plantes Rue Poliveau Rue Geoffroy Saint Hilaire BoulevardSaint-Germain Rue Daguerre Rue des Bernardins Rue de la Bièvre Rue du Puits de l'Hermitte Rue Notre Dame de Lorette. Rue Labruyère (Théâtre) Rue Monge Rue Lacépède Rue Cluny Rue de Poitou Rue Le Regrattier Place de la Bastille Rue de Lutèce Boulevard Sébastopol Boulevard de Strasbourg Boulevard Bourdon Boulevard Beaumarchais Rue Charles V Rue Notre Dame des Champs Boulevard du Montparnasse Rue Saint Fiacre Rue du Docteur Goujon Quai François Mauriac Promenade habituelle à partir de la rue de la Gaîté Montparnasse, avec ses restos où nous sommes allés, vous et moi, Chers amis, si souvent, ensemble pour le partage de moments Privilégiés où la parole tenait une place si grande dans nos relations, Les rendez-vous avec le psy de ma mère, intermède pour nous deux, Elle avec son fils, ailleurs que dans son appartement, et moi, ici dans Ce quartier que j’aime et parcours toujours avec joie, sans jamais me Lasser. Garer ma voiture rue de la Gaîté, puis la descendre, elle que Je connais si bien pour y avoir travaillé il y a trente ans dans deux théâtres : Le Montparnasse Gaston Baty et la Gaîté Montparnasse. Curieusement, Ils produisent aujourd'hui le même genre de spectacles, comme si le travail Du temps n’avait eu aucun impact sur eux. Le marchand de glace installé depuis quarante ans dans la rue d'Odessa, avait Dans ses bacs un sorbet à la rose à mourir de plaisir. Plaisir également de voir Et revoir cet homme et sa femme, connus tous deux jadis lorsqu'ils étaient beaucoup Plus jeunes, malaxer dans leur sorbetière géante cette matière riche en calories et En couleurs. Tout récemment, je les ai rencontrés près de chez Inno et nous avons Bavardé ensemble. Ils se sont trouvés obligés de quitter leur boutique pour je ne Sais plus quelle raison, mais j'ai bien senti qu'ils souffraient de ne plus être ce Qu'ils étaient, cela les a vieillis de dix années et paraissaient foncièrement triste. 2 Je ne me lasse jamais de faire ce parcours. Je traverse la place de Montparnasse Et descends la rue de Rennes, de préférence lorsque les boutiques sont fermées, Les voitures moins nombreuses et la marche à pied possible, agréable même. Je suis souvent seul à faire cette promenade, autrefois, il m’arrivait d’en faire Profiter un ami, mais cela devient de plus en plus difficile maintenant, car je Marche si lentement, si péniblement … Marche, temps trait d’union pour se Ressourcer, se retrouver à la vue des vitrines, des immeubles et des gens. Au bas de la rue de Rennes, la place Saint Germain des Près où nous avions Jadis le Drugstore avec sa pharmacie, ouverte même tard le soir, idéal endroit Pour les médicaments et les préservatifs de dernières minutes. La Hune, célèbre librairie où l'on peut farfouiller les livres posés là comme Sur l'étal de mon épicier les fruits et les légumes. Rester là quelques instants Pour le plaisir, faire le tour avec méthode et terminer àla caisse si besoin. Regarder, toucher, manipuler ces livres de poche, ces revues ou d’autres Fascicules qui au fond ne m’intéressent pas beaucoup. Pas mon genre ces Trucs de bourgeois, d'intellectuel que je suis devenu contre mon gré, me dis-je Parfois, ces mots tournent en boucle dans ma tête d'obsessionnel, mais que Voulez-vous c'est ainsi, faut s'y faire. Ces libraires sont des gens de métier, La connaissance qu’ils ont du profil type de leur clientèle fait froid dans le dos. Celui qui entre là, on le sait, est un gars en manque, à la recherche de quelque Chose, de quoi, il ne le sait pas encore, mais ça viendra, ça viendra… Il tient le livre comme substitut à tout ce qu'il ne vit pas, mais également comme Ouverture au monde nécessaire à sa survie. L’escalier menant là haut me fait Penser à feu le café Costes des Halles, où j’allais le soir m’encanailler un peu, Beaucoup, passionnément à la folie… J'y monte rarement, presque jamais, car J’ai trop peur de m’y casser la figure… Prenons la rue Bonaparte et ses sales boutiques de luxe, le fric dans ce quartier Est puant. Entrons à l’école des Beaux arts si la porte est ouverte pour faire un P'tit tour, y voir ces sculptures de corps parfais et complètement nus, exposés Dans le jardin impunément, propice à des photos érotiques dont je vous laisse Le soin et puis, aux alentours, vous avez toujours ces galeries d’art où je Ne vais jamais, car pour moi, l’art et l’argent n’ont rien à faire ensemble… Le pont des Arts, les bateaux-mouches où le mouvement de l’eau réveille Un souvenir futile : Deauville, la mer avec le sable fin, les enfants, les vacances … Longer la Seine avec ses bouquinistes, où, quand j’avais quatorze ans, Je voulais me défaire d’une terrible perversion, celle de lire des bandes Dessinées qui n’avaient pas à l’époque l’aura que l’on connaît aujourd’hui, C’était plutôt la honte, le signe que l’on était encore un gamin. Alors, Je m’étais donc décidé à mettre tous mes “Akim” et tous mes “Tarzans” Dans une cagette pour les vendre quatre sous dans un de ces kiosques. C’est ainsi que je devins grand garçon et me mis à lire Jean Paul Sartre, Auteur en vogue à ce moment-là où Brigitte Bardot montrait son cul partout Et où la télé était en noir et blanc. Je marche comme un touriste dans ma Propre ville. Je prends la Seine comme on prend une fille, par le pont du Carrousel, l’Esplanade du Louvre, la Pyramide de Pei, la rue de Rivoli, Les magasins, les foulards, les tours Eiffel miniatures, les tax-free, les Bureaux de changes, la place du Palais Royal, la Comédie française, en face, 3 Le RUC, restaurant où j'aimais bien aller dîner avec un ami bien particulier. Avenue des Pyramides, place de l’Opéra, boulevard des Capucines, Puis à droite le boulevard des Italiens, la rue de Richelieu, et Retour à la case départ : rue de la Gaîté. Avenue Victoria Je ne me souviens pas du premier jour où je franchis la porte de L’entrée des artistes du théâtre Sarah Bernhardt ,devenu aujourd’hui Le "Théâtre de la Ville", mais je sais qu'il s'agissait d'un après-midi de La fin du mois d'août 1964, j’avais dix-sept ans et déjà, j'avais eu Ma première expérience de comédien-figurant à l'Opéra de Paris dans "La Norma" avec la Callas, rien de moins… Je m’étais adressé au concierge de cette maison de l'Avenue Victoria pour Lui dire mon envie de monter sur scène pour devenir plus tard acteur, Il m'adressa alors au régisseur dont le nom me revient maintenant : Jean Sayous, qu'il doit être à la retraite au jour où je vous parle… Comme le temps passe pour nous tous, c'est fou ! Je lui demandais s'il cherchait un figurant pour jouer, même pas Grand-chose, dans la pièce qu’ils répétaient actuellement. Il a dû me trouver sympathique ou mignon ou alors ma demande était D’actualité, toujours est-il qu’il me présenta au metteur en scène, Raymond Rouleau, homme de théâtre renommé et acteur de cinéma des années 40, Genre jeune premier séducteur, beau gosse, tombeur de ces dames. Je suis pris pour faire l’un des quatre pages dans “Lorenzaccio” de Musset Avec Pierre Vaneck pour le rôle-titre. Par la suite, tout au long de ma carrière De spectateur, je n’ai jamais revu jouer "Lorenzo" d’une façon aussi Magistrale que là. Les répétitions m’ont appris plus de choses que toutes Ces années passées à l’école à ne rien faire, à ne rien apprendre. Tout y était Et d'ailleurs, Jacques Lang, plus tard, ne s'y est pas trompé, il fit entrer le Théâtre à l’école et ça, c’était une bonne idée. Bravo Jacques ! Nous avions donné en tout soixante représentations. Je vécus cette nouvelle vie Au théâtre avec jubilation. Sur le plateau, l'énergie dégagée par les comédiens, Tant pendant leurs prestations qu'en dehors, me contaminaient positivement. Ça grouillait de tous les côtés. Il y avait quelque chose de magique à vivre avec Ces gens-là. Ils étaient tous amoureux de ce métier un peu fou, pourtant si Éphémère. Je me souviens de là où nous étions installés, nous les figurants. C 'était au dernier étage de ce magnifique bâtiment et moi, je partageais une loge Avec trois autres comédiens : nous étions de jeunes pages en culottes très courtes. Les cascadeurs, eux, jouaient au poker entre les scènes et me reviennent aussi Ces histoires de cul entre tous ces gens-là. Des noms, Laurence Bourdil, Alain Devaux, Dominique Labourier, Claire Nadeau, Armand Meffre et ce Grand dadais de Jean-Luc Bideau avec sa démarche de géant voulant se faire Tout petit, souffrant d'un complexe probablement et puis l'illustre Roger Blin Regardait fixement ses mains à chaque fois avant d’entrer en scène comme pour se Détendre ou conjurer le sort. Françoise Lugagne, la femme de Raymond Rouleau Jouait le rôle d'une salope : Catherine de Médicis. Le concierge était un parfait cuisinier, il servait le soir à dîner, et pour un prix 4 Modeste, vous aviez droit au plat du jour puant l'ail et l'oignon. Le principal Client de cette cantine improvisée se nommait Jean Gras. Acteur au gabarit Imposant et à la verve fracassante portant bien son nom : il adorait la fourchette Et le cochon, d'ailleurs, quelques années après, il s'était converti en restaurateur, Du côté de Saint-Germain-des-Près. Comme j'avais étudié la comptabilité à L'école, je fus engagé par la direction du théâtre à un poste d’aide-comptable à Mi-temps. Financièrement, pendant deux années, j’ai pu subvenir à mes besoins, Tout en restant chez mes parents, rue des Rosiers. Place du Châtelet Il y a donc le théâtre de la Ville dont nous avons parlé plus haut et en face, Celui du Châtelet. En 1962-1963, j’y ai vu l’Aiglon de Maeterlinck où Pierre Vaneck, toujours lui, donnait une prestation exceptionnelle dans ce rôle qui lui Allait comme un gant. N’ayant pas les moyens de me payer une place pour Assister au spectacle tous les soirs, j'avais fait une fixation bizarre, mais enfin Que voulez-vous, le contrôle étant plutôt cool, j’avais décidé d’y aller en Resquillant à l’entracte. Ainsi, je pouvais voir et revoir autant de fois que Je le désirais la deuxième et troisième partie de la pièce en montant discrètement, Comme un petit voleur, l'escalier en colimaçon menant à l’amphithéâtre. J’étais subjugué de voir cet acteur répéter tous les soirs le même texte, les mêmes Gestes, les mêmes mouvements comme si c’était toujours la première fois. Aujourd'hui encore je reste émerveillé par cette faculté louche qu'ont les hommes À être si disponible à reproduire le même au théâtre, mais pas seulement, Dans le travail, la vie intime, aussi. Emerveillé de cette disponibilité à faire Semblant comme des enfants jouant à… Ils acceptent de mettre de côté leur propre personnalité, pour jouer quelqu’un D’autre, un double, un autre soi-même et donner ainsi dans le mensonge Impunément. Le théâtre c’est ça, un miracle mis en scène, renouvelé en Permanence dans ce cadre, comme disent les psychanalystes, où tout est Possible et où se mettent en jeu les univers conscients et inconscients de Chacun nous tous, tant acteurs que spectateurs. Rue Sainte Croix de la Bretonnerie Au 24 de la rue, Nous avons vécu une année entière dans une chambre au sixième étage. J’avais à l’époque huit ans et sur le palier régnait au quotidien la pauvreté, La nôtre et surtout celles des voisins, les bagarres, les odeurs, l’alcool, Le vin, la bière, c’était l’étage où les bourgeois étaient exclus. Les waters se situaient à l’étage inférieur ainsi que l’eau froide courante. Nous avons vécu là à cinq, mon père, ma mère, mon frère, ma soeur et Moi. Seulement voilà, il nous arrivait de “recevoir” des oncles, sans logements Le jour, pour qu’ils puissent se reposer un peu de la nuit qu'ils passaient dans Des boîtes à danser et à ne pas dormir dehors, car chez nous… c'était complet. Je me souviens avoir joué un jour avec mon frère et après l’avoir mis sur Mon dos, ma respiration s’est trouvée bloquée et mon corps se paralysa. Ma mère paniquée, appela au secours l’un de nos voisins qui avait fait La guerre et sut immédiatement me sortir de là en me massant le dos. Pendant le rude hiver de 1956, avec tous les occupants de l’immeuble nous Allions dans la cave nous fournir en eau. Les canalisations de la cage D’escalier avaient gelées. L’eau, que l’on montait à pied dans des seaux Jusqu’au sixième étage , parfois débordait sur les marches et formait Immédiatement des plaques de glace tellement il faisait froid, alors, vite, vite, 5 Il fallait s’arranger à faire disparaître ces stigmates de notre passage très Rapidement, avant que les voisins ne disent quelque chose … Nous les craignions Beaucoup, car nous étions des étrangers nouvellement installés dans le pays. Comme nous n’étions pas loin des Halles de Baltard, nous récupérions, À la fin des marchés, certaines marchandises jetées sur le pavé en attente Du service de nettoyage. Des tomates, des pommes de terre, des poires, Des bananes, par cagettes entières, en plus ou moins bon état, étaient Abandonnées comme mis à notre disposition exprès, et nous, nous les Rapportions, mon père et moi, à la maison . Il n’y avait rien de misérable, De pathétique là-dedans, nous le faisions, car d’autres le faisaient Autour de nous, nous n’avions pas honte, il fallait nourrir la famille et Mon père était seul à travailler avec un salaire de misère. Notre chambre de bonne était éclairée par une petite lucarne qui donnait sur Ces fameux toits de Paris en zinc dont on a tiré tant de films. Nous avions un Coin de cuisine qui nous servait à tout faire, une petite table en bois et un grand Lit pliant pour toute la famille. C'est con à dire, mais nous étions tous très heureux Là dedans, et aujourd'hui encore, je me demande ce qui motivait un tel bonheur. Ma mère avait des amies. Soit elles venaient à la “maison”, soit elles nous Invitaient chez elles pour la confection des “boscotos”, gâteaux à base de farine, de Sucre, d’œufs et de levure alsacienne, parfois aromatisé d'un zeste d'orange, mais pas Toujours, puis aussi il y avait du chocolat et des bonbons que nous partagions tous. Les hommes, eux, travaillaient et n’étaient jamais à ces rendez-vous. …Les pauvres et les étrangers s’organisent comme ils peuvent, Ils ne sont pas que malheureux... Dans cette rue, il y avait la marchande de vin où nous allions régulièrement Pour nous fournir en bière ou en limonade Dumesnil à cinquante centimes la Bouteille et en vin Postillon à soixante-seize centimes. Cette dame avait adopté L’ensemble des gens du quartier, ce devait être dans sa nature d’aimer tout le monde, Pourtant, elle ne donnait pas l’impression de boire autre chose que de l’eau… Ma mère se socialisait un peu ici en parlant avec cette dame, mais allait aussi en Face, chez Monsieur et Madame MARTIN, marchands de couleurs où elle achetait Le savon de Marseille, l'eau de javel, le mir pour la vaisselle, les serpillières pour Nettoyer le sol, et l'alcool à brûler… Dans ce magasin, on pouvait tout trouver. Leur fils était un copain de classe, mais pas un ami, il y avait chez lui une certaine Retenue naturelle vis-à-vis des autres. Je me souviens aussi d’un camarade de classe, Heck. Il avait réuni chez lui, dans un immeuble bourgeois pas du tout comme Le notre crasseux, quelques copains pour son anniversaire et je ne sais pourquoi, J’y avais été convié. Seulement, je me sentais fondamentalement à l’écart de ce Monde-là : les petits soldats, les petites voitures, leurs jeux m’étaient étrangers. Ils ont dû le sentir, les vrais sentiments se sentent toujours, alors, Alors, ils m’ont foutu à la porte. À quatorze ans, j’allais chez « Noirot », établissement de produits aromatiques, Pour me fournir en fioles d'extraits de plantes servant à la fabrication de Liqueurs destinées à toute la famille et dont la préparation devait être respectée Scrupuleusement. Faire un sirop de sucre, y ajouter l’alcool à90° acheté Préalablement à la pharmacie et le contenu de la petite bouteille Noirot Pour donner un goût génial. Nous n’achetions pas les liqueurs toutes faites des Magasins, car nous les réalisions nous-mêmes, c’était moins cher. En face, il y avait la SITAP, fabricant d'objets en matière plastique et où à Quinze ans j’y avais fait mes premières armes d’employé de bureau Pendant les périodes de vacances scolaires. Il y avait une supérieure en Chef qui me demandait de faire mon travail en silence, de bien classer les factures Plutôt que de distraire le personnel avec mes parlotes de pipelettes. Nous avions un avantage à travailler dans les bureaux de cette usine, tous les fins De mois, nous pouvions commander les produits du catalogue. Alors, j'arrivais à La maison avec des services à orangeade de toutes les couleurs ou des assiettes, des Couverts et je ne sais quoi d'autre … Bref, c'était le début du plastique en France ! 6 Et puis, comble de commodité, il y avait dans cette rue deux “bains douches”, pour Rester bien propre. Comme chacun sait ou ne sait pas, il n’y avait pas encore de Salles d’eau dans les petits appartements parisiens, en général. Le premier Établissement était privé et un peu cher, mais ça dépannait lorsque l’autre était fermé. À la fin des années soixante s’est installé à sa place un restaurant végétarien “l’Aquarius”, plats sans viandes ni poissons, mais composés de boulgours, lentilles, Riz complet, tourtes aux légumes, jus de carotte et pain bon pour la santé. L’autre établissement de bains était municipal et l'est toujours d'ailleurs. Il se situe Au bout de la rue et fait face au centre Pompidou, près du commissariat. Vous pouvez y aller, car je viens d’apprendre que maintenant ce n'est plus payant. Moi, je n'irai plus, car j'ai une salle de bains pour moi tout seul, les temps Changent… Les femmes se lavaient en bas, les hommes au premier étage. Il fallait acheter son ticket au rez-de-chaussée, monter et attendre dans une salle Notre tour car il y avait très souvent du monde, nous avions à la main notre numéro De passage et un pourboire pour le garçon. La cabine comprenait un endroit pour Se déshabiller et un autre pour se laver. Nous apportions notre serviette de toilette Avec à l’intérieur un gant et une savonnette Palmolive, parfois on achetait un Berlingot individuel de shampoing, jaune, bleu, rouge ou vert. Nous y allions Une fois par semaine. Nous, c’était toujours le samedi ou le dimanche matin… Pourquoi la mémoire garde-t-elle tant de trucs dont on n'a rien a faire ? Rue du Bourg Tibourg Gérard habitait dans le milieu de cette rue. Lui, William et moi formions trois bons Copains inséparables, c’était l’époque des «400 coups » avec Jean Pierre Léaud, Mais la comparaison s’arrête là, car nous étions en fait très raisonnables. Sa mère à Gérard était malade psychiatriquement. Il s’en occupait beaucoup, Mais ne disait rien. Je me souviens aussi, c'est affreux, nous sommes restés Quelques longues années à ne pas s'adresser la parole suite à un malentendu Dont franchement je ne me rappelle plus quelle en était la teneur. Sa grand-mère, Elle, fréquentait la terrasse de café “l’Etincelle”, situé à l’angle de la rue de Rivoli. Tous les après-midi, elle y était installée avec d’autres amies et ça parlait, ça Parlait en français, en yiddish et en je ne sais quoi encore, et ça buvait un café à Deux balles pour cinq heures d'affilée non-stop, le garçon devait devenir fou. Elle était jolie, en 1968, dans cette robe de mariée qu’elle voulait blanche à Tout prix. Pour l’occasion, disait-elle, il faut marquer le coup c’est important. Elle était jolie avec sa mine d’éternelle étudiante, ses chaussures de soie et ses Bas de chez monoprix. Elle était heureuse et moi, et bien moi aussi. J’étais Émus, troublé, malade, mais quand même heureux. C’est dans un petit restaurant De cette rue du Bourg Tibourg que nous eûmes l’idée de fêter cet événement Majeur. Nous avions organisé cette fête dans un registre plutôt discret, intime. Il y avait nos deux familles, la sienne et la mienne, elles ne se connaissaient Pas encore, alors, elles ont bu et mangé ensemble. Dans le fond, c’est pas mal Les réunions familiales, ça rapproche les gens. Étaient présent également Les patrons de mon père, c'était important pour lui de montrer que nous étions Quelque part aussi bien qu'eux. Mon père, vous savez, c'était un cas… Et puis, Nous avions invité quelques-uns de nos amis, avec qui d'ailleurs, nous Terminâmes la soirée au Pub Renault des Champs-Elysées. Depuis, je ne me suis jamais remarié. Quelques années avant, ma mère nous amenait quand nous étions petits, Chez une jeune fille, une copine d’une copine à elle. Je me souviens qu’elle Lui avait dit à cette étudiante : " Plus on va loin dans les études et plus on devient fou..." Ma mère avait une drôle de conception du développement intellectuel… 7 Rue Vieille du Temple Le pétrole. En 1956, comme je vous l’ai déjà dit, l’hiver était rude, il fallait réchauffer la Chambre de la rue Sainte Croix de la Bretonnerie. Pour se faire, nous utilisions Une bassine en métal, c’était fou, dangereux, nous étions inconscients, une petite Bassine avec du pétrole dedans ou alors de l’alcool à brûler, je ne sais plus trop bien, Une allumette et hop le chaud dans la pièce tout de suite. Qui nous avait conseillé cette façon de faire ? J’étais le fils aîné de la famille et la charge me revenait de trouver le liquide en Question, devenu rare, car nous n’étions peut-être pas les seuls à nous chauffer De la sorte et c’est chez un marchand de couleurs de la rue Vieille du Temple Que je trouvais mon bonheur, il devint mon principal fournisseur, j’avais sept ans. Il y avait aussi… Une boucherie chevaline faisant angle avec la rue du Roi de Sicile. Nous y allions de temps en temps acheter des biftecks bien rouges quel e Docteur Schaffer nous avait ordonné de manger pour avoir de la force parce que le cheval C’est bon pour ça et ça a du goût. Depuis, je suis devenu végétarien. À l'autre angle de la rue, se trouvait un café où nous allions jouer au Flipper avec des copains, c’était vingt centimes la partie et les consommations Au comptoir n'étaient pas obligatoires. Ce jeu avait pris une importance Pathologique dans ma vie d’adolescent et j’allais de café en café, De flipper en flipper, les essayer tous. Zizi Jeanmaire et Roland Petit habitaient un hôtel particulier. Les portes étaient Bien fermées, on ne pouvait pas y entrer pour visiter la cour. Moi, j'avais vu Au cinéma de mon quartier : “Folies bergère” et “Mauvais garçons” et je dois Vous faire un aveu : Zizi a été mon premier amour… Taisez-vous j’ai honte ! Formidable une fille comme ça, avec son truc en plumes, me disais-je. Elle avait l’âge de ma mère, mais pas le même genre. J’étais tout content de La voir boire son café au comptoir avec sa fille, j’aurai bienvoulu être son fils Moi aussi, être avec eux, dans ce bistrot à l’angle de la rue des Rosiers. J’étais fier d’habiter le même quartier que cette grande vedette. Cela gonflait mon ego et je me disais : « Nous n’avons pas le même type De vies, d’appartements, certes, mais qu’importe je suis jeune et j’ai l’avenir Devant moi », alors j'ai passé ma vie à essayer de la réussir ! Je garde également en mémoire, mémoire inutile, ce souvenir d’un homme M’ayant pris en photo en culotte courte devant un porche d'immeuble qu’il Devait trouver rustique. C’était peut-être un simple touriste, mais à l’époque Il n’y en avait pas tellement dans ces rues-là, à moins que ce ne fût un Doisneau quelconque des années 55/60 ? Rue de Moussy L’école primaire obligatoire. Je n’y ai pas coupé dès notre installation rue Sainte-Croix-de la Bretonnerie. Les classes se sont succédé jusqu’au certificat D’études primaires, que j’ai obtenu, je le signale, car c’est le seul diplôme que j’ai eu De ma vie, la cour pavée, les chiottes, les copains, la mauvaise Madame Ségélas avec Ses images et ses bons points et ses punitions, habillée en noir, en deuil pour toujours. Il y avait aussi un certain monsieur Boulinier qui me donna une sacrée raclée pour L’avoir bousculé à la récré, une vraie vache. C'était pas moi, c’était les autres qui M’avaient poussé sur lui et c’est moi qui ai tout pris. Merde, l’école est une saloperie, 8 Faudra en finir, mais restons réaliste, je n’ai aucun espoir là dessus. Tous les jours je me dis : quelle chance j’ai eue de m’en être sorti ! Dans cette école, j’ai fait des ateliers de bois et de fer. J’étais doué pour le travail Manuel, mais je ne suis pas devenu un ouvrier pour autant. Nous allions chez un grossiste spécialisé dans les produits exotiques, bonbons Et chocolats en tout genre qu'on ne trouvait pas chez Monoprix. Nous y faisions Nos courses, nos provisions surtout pour Noël, car nous avions pris l’habitude de Recevoir dans notre petit deux pièces de la rue de Charenton toute la famille pour ces Périodes de fêtes. Nous avions un impératif : faire le plein avec le minimum d’argent... Rue des Archives Sur le parvis du BHV, dehors, il y avait un vendeur très gentil. Il nous offrait Pour la dégustation, des verres d’eau avec pour parfumer, de la poudre au citron ou à L’orange à l’intérieur, c’était juste avant l’arrivée du Fanta et de l'Orangina, moi, J’aimais bien, j’ai même acheté une boîte une fois, mais c’était meilleur gratuit. En face, la boutique de dragées où je n'ai jamais mis les pieds, mais elle est là présente Dans ma mémoire comme une image fixe, à se demander pourquoi ? La pharmacie Et le fils du pharmacien, un copain, et surtout notre Docteur Schaffer, sorte d’Orson Welles venant fidèlement visiter, bon pied bon œil, toute la famille pendant plus D’un quart de siècle. À partir de 1966, il devint mon psy pendant une année entière. J’avais un problème à régler.. En fait, ça s’est arrangé tout seul, avec le temps. Il était l’animateur du groupe psy des Adlériens de Paris et nous y allions Chez lui le mercredi soir après le turbin, assister à des cycles de conférences avec Ma femme, qui l’avait pris, elle aussi comme thérapeute parce qu’elle avait Un problème particulier, mais aujourd'hui, je ne sais plus duquel il s'agissait. Rue Aubriot Juillet 1964. Première aventure amoureuse dans un appartement situé au Premier étage d’un immeuble un peu rustique et prêté par des amis à cette fille, Rencontrée par hasard un jour d’été à la Samaritaine. Nous avons essayé D’en profiter pour nous aimer, c’était pas mal, mais les amis en question, Sont rentrés plus tôt que prévus de leurs vacances…Ça tombait bien, Car je voulais rompre avec cette hystérique : elle était amoureuse d'un gars et Voulait se suicider pour lui. Je n'avais pas encore dix-huit ans, alors, alors… J’en ai profité pour quitter Paris, elle et ma famille et suis allé, tout seul, Faire le tour de France en auto-stop. Là, j'ai rencontré Françoise et nous avons Dévoré un poulet de Bresse tout entier en nous regardant les yeux dans les yeux. C'était la première fois que je parlai vraiment à une personne… Rue des Rosiers Les premiers souvenirs me venant à l’esprit, sont ces images de poulets. Des poulets bien vivants, criants, enfermés dans mille caisses posées à même le Sol, en attente d’être tués par des spécialistes assermentés. Ce spectacle intervenait principalement aux périodes des fêtes religieuses de Pâques ou de Kippour. Les boutiques, avec la viande tamponnée kasher à l’étal Des bouchers et les épiceries de toutes les couleurs, de toutes les odeurs, étaient Bondées de monde tous les jours jusqu’à fort tard dans la nuit, car à l'époque, Il n'y avait pas d'autres endroits à Paris pour s'approvisionner. Il fallait faire la Queue et attendre des plombes pour être servi. Comme nous habitions dans la rue, Nous avions le privilège de pouvoir y aller aux alentours de minuit. Les gens 9 Venaient pour acheter ces produits Ashkénazes ou Séfarades selon leurs goûts Et leurs pays d'origines, sans oublier les galettes rondes et carrées qu'il fallait Manger à la place du pain sous peine de commettre le pire des péchés, et cela Pendant les huit jours de Pâques. Pour ne pas risquer de culpabiliser, il fallait choisir Son sucre, son chocolat et tout le reste avec le sceau du rabbin, vendu plus cher, Puisque kasher... Un pur scandale, mais que voulez-vous les hommes sont Partout les mêmes… pas terribles ! Voilà, nous habitions là, au premier étage, De cet immeuble ancien, au fond de la passerelle, à gauche. Notre emménagement a dû avoir lieu à la fin de 1956 ou au début de 1957. C’était dans la nuit, pourquoi n’avons-nous pas fait ça en plein jour ? Nous avions peur, mais peur de quoi ? Venant de la chambre de bonne, située Au sixième étage de la Rue Sainte Croix de la Bretonnerie, dont nous parlerons Plus loin, ce deux pièces cuisine nous paraissait grand et surtout il y avait un Water-closet à l'intérieur de l’appartement. C’était la première chose qui me Marqua, lorsqu’au petit matin je m’en étais rendu compte. On ne peut imaginer Ce que c’est que d’avoir des chiottes chez soi lorsqu’on a été dans le manque Pendant une longue période. Notre palace faisait trente-deux mètres carrés. Au fond de la passerelle à droite, en face de chez nous, habitaient une Voisine et ses deux enfants. Très vite nous fîmes parti de la même famille, Eux et nous. Son mari fut déporté et tué pendant la dernière guerre, deux de Ses filles ont été placées à Izieu pour être prises ensuite par les Allemands et mourir Comme tant d’autres. Puis, comble de l'horreur, l'un de ses fils lui a été arraché De ses propres mains et tué lâchement par Klaus Barbie en personne, devant elle. Comment ne pas devenir fou avec tout ça ? Elle a contribué énergiquement à l’arrestation de ce barbare avec Serges Klarsfeld Et on l’a vu se démener jusqu’à sa mort au travail de la mémoire. En utilisant l'écrit, ma mémoire m'offre des images de ce temps-là. Je la revois, Si hospitalière, si gentille, offrant en permanence ses gâteaux et son thé russe. Sa porte était ouverte à tout le monde, tous les jours. Beaucoup de gens venaient La voir, probablement de la famille ou des relations dont on ne savait rien... Elle n’avait pas été la seule a souffrir de la guerre, alors ils venaient tous Pour se retrouver un peu, en parlant le Yiddish et du temps passé. Chez eux, j’allais tous les soirs regarder la télévision : les trente-six chandelles de Jean Nohain, Cinq colonnes à la une, des Pierre Dumayet, Desgraupes, Lazareff Et Igor Barrère, les émissions de variétés du couple Carpentier, les films... Nous étions confortablement installés dans un large fauteuil, pendant « qu’elle » Préparait les repas du lendemain. Sa fille et son fils avaien trespectivement Dix-huit et vingt-sept ans. Je me sentais plus chez moi chez eux que dans ma Propre famille, je vivais au fond “à côté”. Comment expliquer cela ? À Côté, pour ne pas vivre chez moi, pour sortir, ne pas étouffer. Ils étaient devenus Ma famille d’adoption. Chez moi, j'étais l’aîné de la famille et j'avais un rapport Plutôt distant avec mes propres frères et sœurs. Ce n’est que bien plus tard, Que je compris la raison de cette froideur à leur égard: À l’âge de cinq ans j'avais perdu un frère et, je n’en avais pas encore fait le deuil… Alors, avoir à nouveau de l'affect pour quelqu'un d'autre n'était pas facile du tout. Il ne me vient pas à l’esprit qu’ils aient parlé de la perte des leurs. Ils vivaient 10 Le moment présent comme il venait. Elle travaillait à la fois chez Goldenberg, Restaurant bien connu dans le quartier et chez d’autres “patrons” également. Je sais qu’elle se levait très tôt, qu’elle ne comptait pas les heures qu’elle faisait. Ses mains étaient toujours en action, les voir travailler relevait du spectacle. Sa fille prenait des cours de philosophie avec un drôle de rabbin. Il m’avait "Aidé" à faire ma communion, je n’étais pas doué pour l’hébreu et lui plutôt Arrangeant avec les pauvres garçons comme moi. Monique et Françoise, Ces demoiselles, tous les samedis soir, fréquentaient le Chalet du Lac et le Caveau de la Huchette. Avant de s'y rendre, il y avait un rituel : elles se Mettaient devant la glace de la p'tite armoire de pharmacie pour se faire "Les plus belles pour aller danser", comme disait la chanson, à l'époque. Mon père travailla longtemps à domicile, car il supportait difficilement les autres. Je me souviens, un jour, j’avais acheté un coupon de tissu anglais magnifique pour Qu’il me fasse une veste à la mode. Il s’arrangea auprès d’un de ses employeurs, Pierre Balmain, pour obtenir un modèle à ma taille, il coupa la pièce, L’assembla et me la fit essayé. Malheur à moi, j’avais trouvé à redire je ne sais Quoi sur son travail. Alors, mon père de rage, prit la veste et la mit en mille Morceaux avec une paire de ciseaux toute neuve. Mais comme ce n’était pas un Mauvais bougres, quelques mois plus tard, pour se faire pardonner, ilme fit Cadeau d’une superbe veste en cuir que j’ai longtemps porté. Merci Papa. Rue des Hospitalières Saint Gervais Le hareng gras de Klapisch est le même que celui vendu dans certains kiosques D'Amsterdam. C'est le meilleur des poissons, dommage qu’il soit si salé et qu’avec Mes prises quotidiennes de corticoïdes, il ne fait pas bon ménage avec ma santé. À l’époque, nous l’achetions à l’unité. Le hareng chez Klapisch a toujours été très Cher, sans parler du saumon fumé, pour nous c’était inabordable, inaccessible. Maintenant tout le monde ou presque en mange souvent et c’est tant mieux, Parce que le saumon c’est bon, je dirais même c’est délicieux... Naturellement, ce n’était pas dans nos habitudes d’ingurgiter des poissons crus, Ou, de faire nos achats dans des boutiques de riches avec leurs bons produits, Car pour nous, la nourriture c’est de la nourriture et c’est pas la peine de payer Plus quand on n’a pas les moyens. Nous, nous n’étions pas spécialement snobs. Nos voisins ne l'étaient pas non plus, mais Mémé, Alex et Monique en mangeaient, Alors, on faisait comme eux, par esprit de solidarité… Pour nous, un seul hareng Faisait l'affaire : un p’tit morceau pour chacun… Je ne fréquente plus ce quartier, mais j’ai dû y aller récemment par obligation, À contrecœur. Ce n’est plus mon royaume, ce n'est plus mon domaine. Je suis Etranger maintenant à mon propre quartier. En traversant les rues, j’ai reconnu Certains personnages, certaines têtes d'avant, vieillies par le temps et Curieusement, cela m'a donné plus de tristesse que de joie. Ces gens sont là, Fidèles, encroûtés à leur sol, aux trottoirs de ces rues étroites, à ces magasins Qu’ils connaissent trop bien et depuis si longtemps. Ils ont fait le choix de garder Ces repères-là et dans le fond, qui peut le leur reprocher ? Ils n’ont pas fait comme moi, passant de ville en ville, de déménagements en Déménagements, de chambres de bonnes en appartements divers et variés. 11 Rue des Francs Bourgeois Aujourd’hui c’est branché à mort, la rue des Francs Bourgeois. Avant, Il y avait l’appartement de William ( vous savez mon copain avec Gérard, la Fine équipe du marais ) un taudis sombre, une tombe au sixième étage sans Ascenseur… William il serait content d’entendre ça. Avec ma femme, nous L’avons croisé par hasard à Trouville sur mer, il était avec sa petite famille et avait Bien changé. Que voulez-vous, c’est la vie, le temps passe pour tout le monde. Dans une cour classée de cette rue des Francs Bourgeois, nous avons Failli louer un somptueux appartement. C’était une combine d’une amie de Ma soeur qui a foiré pour une question d’argent... Comme nous commencions Dans l'existence, nous n’avions pas la somme nécessaire pour « entrer », alors nous Nous sommes rabattus sur un logement plus modeste, mais pas mal non plus, Au 225, rue de Charenton, escalier F, rez-de-chaussée gauche. La mémoire se promène dans le passé comme dans un jardin. Elle dit ce qu’elle veut Sans se soucier du bien-fondé de son discours. J’ai longtemps considéré ces flashs Comme inutiles, mais je me rends compte maintenant qu’il s’agit là peut-être de Quelque chose d'important . Ces petites histoires, ces associations, ces images fortes, Nous construisent au jour le jour. Elles se renouvellent, se réactualisent en permanence. Probablement, est-ce la base même de notre personnalité ? La contrainte dans le travail que je fais ici sur la mémoire est de ne pas chercher à Vérifier quoi que ce soit, de ne pas aller sur place pour se rappeler. Je ne veux utiliser Que le plan de Paris et tirer de ces rues le témoignage d’une petite parcelle du contenu D’un cerveau humain, le mien. C’est là toute la règle du jeu. Proposer à la mémoire De s'exprimer pour le plaisir, de chercher, les mots pour dire une promenade. Dans mon enfance, j’ai souffert d’un manque de place, c'est évident. Il m’est arrivé quelques fois de rêver à l’espace d’une DS, voiture mythique à L’époque, d'une DS pour moi tout seul. J’aurai pu m’organiser un appartement dans Ces vastes fauteuils, faire un coin lit pour dormir, un endroit pour manger, un autre Pour vivre sans personne autour de moi, déjà la solitude m'attirait ombrageusement. Cette problématique du logement a dû jouer un rôle important quand au choix de ma Profession par la suite. J'ai travaillé dans l’immobilier pendant près de vingt années. J’ai passé mon temps à « tourner autour de ça », surtout après mon divorce, lorsque Je me suis senti libre de faire ce que je voulais. J'ai cherché à compenser ce qui me Tennaillait aux tripes, j'ai habité tantôt une chambre de bonne, tantôt un Château avec des pièces immenses. Souffrance, tu m'as obligé à me dépasser Et c’est tant mieux. Tu as pris ta revanche sur les injustices de l’existence, tu as Cherché à la maîtriser, avec le temps, tu es devenu l’acteur de ton propre destin. Rue Simon le Franc J’ai découvert la musique de Django Reinhardt en quelques heures, là, rue Simon le Franc. Il y a des rencontres magiques qui vous marquent à vie, celle-ci En fut une, à un moment de mon adolescence où il ne se passait pas grand-chose D’intéressant. Un soir que je me promenais sur les quais de la Seine pour aller 12 Faire un “petit tour” à Saint Michel, un attroupement de jeunes s’était Constitué autour d’un guitariste. Je m’y suis approché en bon curieux que j’étais. Ma première surprise fut de voir la chaleur humaine que dégageait ce groupe, cette Musique que je ne connaissais pas, ça ne passait pas à la télé, c’était formidable. Le musicien nous invita à venir chez lui écouter son Maître, il en avait la totalité De l'œuvre sur des disques en vinyle noir. Je n’ai pas hésité un seul instant, le Bonhomme, jeune, pédagogue, sympathique, inspirait la confiance, pourtant j’étais Tellement méfiant en général…Nous nous sommes donc trouvé une bonne douzaine De personnes à envahir son petit studio dans un respect œcuménique. À l’intérieur de cette petite pièce, sur des étagères trônait un tourne-disque Et des piles de trente-trois tours qui n’attendaient pas mieux qu’à fonctionner Et à se faire entendre toute la nuit. Rue Rambuteau Un ami habitait la rue Rambuteau et j’allais le chercher avec d’autres copains Pour faire les imbéciles dans ce Paris que nous connaissions comme notre poche. C’était le temps d’Elvis Presley, de Paul Anka, lui, était un pur fan de tout ça, Moi, pas mon genre cette musique-là. Je cachais déjà un fond de l'âme plus Sophistiqué, j'étais plus précieux comme gosse, plus intellectuel, quoiqu'étant Dans les derniers de la classe pour fautes d’orthographe dépassant les limites Du tolérable. Je préférais de très loin fréquenter les Théâtres de Paris. Nous allions tous les jeudis après midi à la Gaîté Lyrique, savourer avec des tas D'autres enfants, les yaourts Danone, publicité oblige, à l’entracte du spectacle De variétés offert généreusement à tous. Un matin, pour un concours auquel Je m'étais inscrit auparavant, nous sommes allés avec les organisateurs de Kodak Daire des prises de vues aux puces de la Bastille. J'avais fait de belles images D'un crocodile empaillé et des stands que je connais bien, ce n'était pas mon Quartier pour rien, alors comme j'avais tout bon, j'ai gagné. L’après-midi, L’ensemble des photos était présenté dans la salle du théâtre, j’étais fier comme Un coq d'entendre mon nom et de recevoir le magnifique appareil Kodak cubique Des années 60. J’étais pour la première fois le premier quelque part, j’avais donc Du talent pour quelque chose. Dans cette salle, on a entendu les Rika Zaraï, Petulla Clark, Banjos Boys et tant D'autres encore. On les a tous vu gratis, aux jeudis de la Gaîté Lyrique. Rue du Roide Sicile Ionesco a habité cette rue et je ne pourrai pas vous dire depuis quand il vivait là, Je ne l’ai jamais rencontré, malgré tout l’amour que j’avais pour son théâtre et Sa personne. Lorsqu'il a commencé à vieillir un peu, il a préféré nous quitter pour Aller s'installer définitivement Boulevard du Montparnasse près de la Coupole. Là non plus je ne l’ai jamais croisé malgré ma fidélité à ce restaurant où en 1990, j’avais organisé une exposition de mes oeuvres picturales. Le roi est donc mort Maintenant, il est mort comme mon père est mort il y a quelques mois. Mon père était-il Ionesquien ? Je ne le sais pas, seulement ce que je sais, c’est qu’à L’origine, il était cordonnier comme une bonne partie de sa propre famille, Il s’est ensuite converti dans la fabrication des vêtements de peaux, il a travaillé Pour Pierre Balmain et Jean Claude J3. C’était un bridgeur effréné, tous les Week-ends et certains soirs, il allait dans un club à l’Etoile ou dans d’autres 13 Endroits avec ses amis Stunia et Marc. Aurai-je voulu d’un père comme Ionesco ? Avait-il comme lui le sens de l’absurde ? Questions stupides qui n’ont aucun sens, Car on ne choisi ni son père, ni sa mère, ni personne d'autre d’ailleurs, Car tout est tellement illusoire dans le fond. Ah, Madame, si vous saviez ! Rue des Lombards Encore maintenant, c’est la rue des putes, mais moins fréquentée qu’avant. Mes Copains et moi avions de la pudeur et ces choses du sexe ne faisaient jamais l'objet De discussions ou de plaisanteries… Rue des Lombards, nous n’y allions pas, il y Avait un interdit implicite, à la rigueur nous y passions pourvoir … Lorsque je grandis, marié, j’avais relevé une annonce dans le Figaro concernant La vente d’un immeuble situé là et j’étais arrivé à convaincre mon ex-épouse à venir Le visiter, car nous rêvions parfois de quitter notre banlieue pour venir nous Installer à Paris. Si je relève ce fait sans importance, c’est qu’il est le signe avant Coureur d’un talent bien caché en moi, que j'allais exploiter plus tard. En effet, j’avais une arrière idée en tête : je pourrai diviser cet immeuble en petits Appartements et les revendre individuellement en faisant un bénéfice. Ma femme était Une intellectuelle de gauche et ces histoires immobilières, fallait pas trop lui en parler. Ceci étant, lorsque nous nous quittâmes pour des raisons inutiles à développer ici, Je me suis senti beaucoup plus libre dans tous les domaines et sur ce point précis aussi. Je vous raconterai plus tard comment j'ai bien gagné ma vie en achetant un château. Rue Quincampoix Une galerie d'art avec un marchand de tableaux à l'intérieur, toujours assis Derrière son bureau. Pourquoi avais-je tant d'animosité à l'égard de cet homme ? Pourquoi faisais-je une fixation obsessionnellement négative sur un inconnu Portant la jaquette d'une profession comme une autre, ni plus, ni moins, Car ne l'oublions pas, la vie est dure : il faut la gagner tous les Jours à la force du poignet ou d'un autre membre, si vous me Permettez cette expression à la limite du convenable ! De cette rue Quincampoix donc, il y a quelques années, j'avais retenu pour la décrire, L'image de ce marchand d'art implanté aux alentours du centre Pompidou et que j'avais qualifié : "De sale mec ne se prenant pas pour de la merde". Tout de même, comment moi qui suis si respectueux envers mes Semblables, même les plus vils. Comment ai-je pu succomber à la Tentation de juger ainsi quelqu'un de moins bien que moi ? Il est vrai, de ces lieux d'art plutôt marchand, je n'ai pas une image Valorisante à vous offrir, ce qui eu été dommageable si j'avais voulu Me faire reconnaître d'eux pour vendre mes tableaux, mais ce ne fut Pas nécessaire, j'en été arrivé à me convaincre qu'il n'y avait aucune Chance dans cette voie pour mon œuvre, alors, j'ai fait le choix de rejeter Ce monde-là tout en bloc, considérant ma peinture comme de la peinture Ayant un rapport avec mon âme, et non avec mon porte-monnaie. Rue grenier sur l’eau Un grenier sur l'eau. Image d'un film où de l'autre côté d'une rive se trouverait 14 Une bicoque dans un jardin imaginaire plutôt japonisant, où l'on irait visiter un Amant, une maîtresse, une ghesha, pour un moment décisif pour notre bien-être Et donc celui de l'humanité. Seulement, si les mots peuvent nous faire rêver, La réalité est toute autre. Dans cette petite rue du marais, il n'y a pour ainsi dire Rien d'autre que l'école de commerce de mon adolescence. J'ai passé là mes trois Dernières années dans un établissement scolarisant. De laquelle expérience, J'ai tiré cette question existentielle fondamentale : ont-elles servi à quelque chose ? Inquiétude non fondée, dans la mesure où je n'avais aucun choix comme souvent à Cet âge-là, alors que plus tard, les choses évoluent, du moins en avons-nous L'impression… Par contre, la seule évidence qui me vient maintenant, Est d'avoir grandi de trois années de toute façon. Ce temps écoulé m'a permis D'apprendre à survivre dans ce milieu hostile de l'école. Des profs de français, De mathématiques, de commerce et de comptabilité, tous ces gens étaient mis à Notre disposition par l'éducation nationale. En prime, nous avions la jouissance D'une cour de récréation et les chiottes, terrifiants souvenirs, où lorsqu'on est malade Comme je l'ai été tout le temps, il faut savoir négocier avec ces "maîtres" qui acceptent Ou refusent de nous laisser quitter la classe pour aller chier tranquillement le trop Plein de nos émotions. Bien qu'étant un élève très moyen, je me souviens M’être installé au deuxième rang de la classe, donc tout près du lieu où les choses Se passaient, je n’étais pas en retrait au fond de la pièce, mais devant. Pourquoi ma position dans la classe a une importance aujourd’hui pour moi ? Rue Geoffroy l’Asnier L'école des filles faisait angle avec la nôtre. Elle se trouvait dans cette rue-là, Pas ailleurs. En 1960, la mixité n’existait pas encore, alors les mecs bécotaient Les nanas à la sortie. Je me souviens d’un prof pervers demandant à certains Élèves trop entreprenant d’aller faire ça un peu plus loin. Tout près, il y avait Une salle pour se déshabiller, je m'explique. Avant d’aller faire du sport, les élèves Devaient se mettre en short. Il fallait donc un endroit pour cela et c’était là. La porte était protégée par une grille pour éviter les effractions de je ne sais qui, De je ne sais quoi. Seulement voilà, tout n'est pas rose dans l'enseignement. J’ai toujours eu de très mauvaises notes à la gym. Quelques dizaines d’années plus Tard, je compris le pourquoi de ces difficultés. J’avais une anomalie qui ne se Devinait ni à l’oeil nu, ni autrement, mais elle m’empêchait de faire du sport Normalement : mes releveurs étaient défectueux. Les releveurs sont des muscles situés sur le devant du pied, entre la cheville et le Genou. Sans ces bidules-là, vous ne pouvez pas marcher et faire du sport comme Tout le monde. Aujourd’hui, sachant tout ça, dois-je faire un procès à l’Education Nationale pour les mauvaises notes subies et les humiliations qu’on m’a infligées ? Je n’insisterai pas trop là dessus, ayant déjà abusé pas mal de votre temps ! Le centre Pompidou L’architecture du Centre Pompidou, je l’avais imaginée autrement, pas comme ça. À l’époque je trouvais le parti pris d’une raffinerie de pétrole en plein centre de Paris un peu à côté de la plaque, on était en droit de s’attendre à quelque chose De moins agressif... Avec le temps, on s’est habitué, comme on s’habitue à tout. On s’est adapté et au fond l’extérieur du bâtiment comptait bien sûr, mais le plus Important était ce qui allait se passer à l’intérieur. Là, ce fut pour moi bien plus Qu’un p'tit évènement, c'était un choc, un boum dans la tête. Ce lieu était génial Par sa gratuité comme aux douches d'en face, ensuite l'immensité des choses à voir, S’adressant à chacun de nous tous et surtout à ceux dont la culture n’a rien à faire 15 D’eux et eux d’elle. Une porte ouverte avec des escalators pour monter au ciel et En descendre quand on veut, pour le plaisir, rien que pour cela, ouvrir ses yeux, Regarder partout, redevenir comme des enfants, faire comme eux, s’amuser de Rien, de tout. Y aller sans se lasser, en profiter, faire des rencontres et jouir de Vivre tout simplement. Toujours mes pas se dirigent dans ces mêmes lieux D’expositions : rez-de-chaussée surélevé à droite de l'entrée principale, les Quatrième, cinquième et sixième étage, avec ces grandes rétrospectives pas Toujours, mais parfois bien faites. Je n'ai pas envie de faire un compte rendu Des oeuvres vues depuis tant d'années, seulement je me dois de dire combien Ces visites furent fondatrices de mon amour pour l'art et surtout la peinture … Pourquoi le tairai-je, puisque c'est la vérité ? J’ai absorbé l’ensemble des tableaux, j'ai intégré toutes les couleurs, comme un cannibale Mange un ogre. Ensuite, plus tard, j’ai pu ressortir, vomir cette chose qui était en moi, Cette bête immonde, en une oeuvre impressionnante. Grâce à elle, ma vie a un sens… Bon, je vais me faire un thé maintenant, il est minuit. On drague beaucoup dans les musées, le saviez-vous ? Si à votre tour, vous désirez tenter votre chance dans une expo, évitez l’art brut, Ce n’est pas là que vous risquez de faire la rencontre du siècle. Ceux qui regardent Ces objets, sont généralement des spécialistes, je dis bien généralement, parce qu’il Ne faudrait pas généraliser. Il peut bien entendu y avoir des exceptions, des fous, Mais en général, ce sont de riches collectionneurs, pour la plupart vivant un Appartement dans le septième arrondissement avec vue sur de magnifiques jardins Intérieurs, calme et tout. Certains sont de bonnes personnes, de belle nature, sortant De l’ordinaire, des personnes avec qui on passerait volontiers des heures agréables À farnienter à la terrasse de brasseries à la mode, à bruncher, à parler de tout et de Rien et pourquoi pas, de l'art brut, s'il le faut ? Louise Bourgeois, au départ, je ne la connaissais pas. Je me promenais dans Ce dédale d’œuvres d’art que tout le monde connaît à Beaubourg. C’était un Dimanche, le pas un peu lent, tranquillement j'entre dans cette pièce, un tonneau Gigantesque tout en bois, à l’intérieur duquel il n’y a presque rien, Un lit métallique, deux, trois objets, de l'eau, un filet d’eau, et … Cette impression étrange, évidente, la mort c’est ça, c’est comme ça ! Rue de Rivoli « La joie de vivre » . Une boutique toute simple, mais moins poétique que son nom Ne pourrait le supposer. On y vendait des frigos, des machines à laver et d’autres Électroménagers, dont la télé qui commençait à accrocher pas mal les gens. C’est là que j’ai fait mes classes dans le métier de la vente à domicile, après mes Études. Comme je n’étais payé qu'à la commission, il fallait y aller. Alors, J'y allais, avec mon cartable, celui de l'école, prospecter des immeubles récents, particulièrement ceux des années 50/60, car ils offraient un ascenseur et Beaucoup de portes à frapper pour un minimum d'effort et de temps passé. Mon Patron et son épouse étaient tout petits, c’était ce qui les caractérisait le plus. Sinon pour les affaires, j’ai dû en faire, pas beaucoup, un peu, mais j’ai laissé Tomber ce job, pour me consacrer au métier d’acteur de complément. Avant la Samaritaine, sur le trottoir de gauche de la rue de Rivoli, Je me suis arrêté devant cet immeuble occupé par des squats. Dans un premier Temps surpris, dans un second, je comprenais qu'ils y montraient leurs œuvres D’art, exposées là comme des symptômes. Des hommes et des femmes, largués Par la vie, ayant trouvé ce moyen pour se positionner dans ce bordel dans lequel Nous sommes. Ce n'était pas la première expérience dans le genre, cette visite 16 M'a rappelé cette extraordinaire installation du côté de la gare de l’Est, au Couvent des Récollets, aujourd’hui récupéré par « l’Institution » avec un grand I. Retour rue de Rivoli, il y a six ou sept étages à monter sans ascenseurs, déjà pour moi C’est un exploit, d'autant qu’en haut il y a une fuite d’eau : le toit s’écroule. À chaque étage, des gens donnent à voir leurs œuvres sur les murs, sur le sol, Accrochées aux plafonds. Il y a de la violence, de la couleur, du dire explosif Libérateur, et aussi le désir de montrer quelque chose d'anarchique volontairement. L'expression de désordre de cet immeuble dans ce quartier vient contraster avec Les boutiques de fringues de cette avenue parisienne. Y a-t-il des points communs entre ces gens et les élèves de l’école des beaux arts ? Ils sont jeunes et ne veulent pas entrer dans le moule social classique en vendant Par exemple des chaussures ou des voitures, être employé de bureau ou je ne sais Quoi d'autre, ce qu'ils veulent c'est être reconnus et comme cette demande de Reconnaissance est insatiable, alors évidemment, ils en veulent à tout le monde. La haine est la conséquence de l'insatisfaction. Je me sens partagé entre la compréhension, la compassion et la désolation. J'éprouve de la tristesse, car je sens avant tout de la souffrance là dedans, je sais, Il y a pire dans ce monde, mais tout de même, ça me paralyse, car je suis impuissant À changer quoi que ce soit. J’ai pensé, ils ne sont pas à leur vraie place qui est Peut-être du côté de la politique. Ne sont-ils pas les représentants des hommes qui vont mal ? Qui les représente au Sénat, à l'Assemblée nationale ? Place de l’Hôtel de Ville Lorsque nous étions petits, ma mère nous amenait sur cette place où la pelouse verte nous Attendait, et nous, pour remercier le Maire qui n’était pas encore Monsieur Chirac, Nous donnions à manger aux pigeons de Paris. Nous arrivions avec le pain rassis sec que Maman avait trempé préalablement la veille à la maison pour ne pas étouffer l’animal. Nous formions avec nos petites paluches de gosses des boulettes de l agrosseur d’un Pépin de raisin, surtout pas plus gros, histoire de faire durer le plaisir. Nous n’étions pas les seuls à nous adonner à cette activité. Je me suis demandé si Nous l'avions adoptée par bienveillance naturelle à l'égard de ces petites bêtes dont On n'avait rien à faire, car dans ma famille ce n'était pas dans nos coutumes d'aimer Les animaux, t'as qu'a demander à ma mère et tu verras.. ou si c'était tout simplement Un moyen de se débarrasser du pain trop sec, car lorsqu'on croit en Dieu, c'est Péché de jeter… À la vérité, voilà une occupation bénéfique pour la santé puisque La tête est concentrée sur ce qu'elle fait et ne pense pas aux saloperies de la vie Ordinaire et de nos jours encore, il m'arrive souvent, à la terrasse d'un restaurant, De jeter par terre quelques-unes de mes miettes. Alors, pourquoi ne pas répertorier Dans un livre sérieux tous les endroits où ce sport peut s’exercer librement pour Le bien des hommes, des femmes, des enfants et des pigeons ?... Quai de l’Hôtel de Ville Vous avez fait vos courses au BHV et en sortant côté rue de Rivoli, Vous ne savez quoi faire. N'hésitez pas un instant, traversez la grande place De la rue Lobau, passez devant l'entrée arrière de la mairie de Paris et Dirigez vos pas vers la Seine. Lorsque vous aurez traversé le quai sans vous Faire écraser, penchez-vous et regardez la voie sur berges. Avant, cette voie-là N’existait pas. Il y avait à la place un petit jardin où nous allions avec ma mère. 17 Un simple square où elle amenait ses marmots jouer avec d'autres gosses du Quartier, leur donner leurs casse-croûtes tout en parlant de tout et de rien avec Ses copines du moment. Les péniches passaient et repassaient inlassablement Plein de leurs marchandises. Nous fuyions l'exiguïté de la chambre de bonne Que nous habitions alors rue Sainte Croix de la Bretonnerie ... Mon Dieu, mon Dieu, je vais arriver à vous faire pleurer, moi aujourd'hui ! Rue de la Monnaie Brunch au Kong. Je ne sais pas si vous êtes brunchy, moi oui, je le suis et j’aime assez. J’en ai Déjà essayé quelques-uns, de ces endroits branchés, dans ce Paris que j’aime Et vous aussi, j'en suis certain. Les brunchs, on peut se les faire soi-même bien Sûr, mais faut sortir de chez soi pour voir un peu comment c’est qu’ils font pour Vous bruncher le dimanche midi, à pas moins de quinze euros par tête de pipe. Il y en a une que je ne peux me priver de vous signaler, car c’est letop. Il est Vrai, je me suis laissé tenté par la critique de Zurban. Je m'y suis pointé dans Les premiers à douze heures quinze précises et, vers treize heures, vous, Vous êtes arrivés en famille, entre amis et vous avez tous commandé le fameux Menu à quatorze euros, signalé dans l’article du journal susnommé. T’arrives. Y a un hall avec une hôtesse normale qui te regardent, tu passes, Tu avances, tu prends l'ascenseur tout en verre, génial franchement, t’as rien Payé encore, mais déjà t’es en condition pour. Mais pas d'état d'âme, ce n'est ni Le moment, ni l'endroit. Appuyons sur le bouton cinq. Une fois arrivé, il faut Prendre un escalier très étroit, si tu veux vraiment suivre à la lettre la visite Conseillée dans Zurban. Là, c’est vrai, tu as l’impression d’être dans un Bateau Avec la vue plongeante sur la Seine, c'est pas mal… Ne dites pas le contraire, Vous l’avez fait aussi, le Kong, je vous y ai vu, alors, bon ! Un jeune homme me demande de redescendre et de voir l’hôtesse de l’étage Inférieur. Moi je lui dis : je voudrais plutôt manger ici. Oui Monsieur, me dit-il, Voyez avec elle. Je redescends l’escalier comme un con, ne voulant pas faire un Esclandre, la queue entre les pattes et là je demande une table pour une personne, Pour une personne seule… Déjà là on se fait remarquer, mais heureusement Un garçon très aimable m'informe que là-haut tout est réservé, les gens vont Arriver un peu plus tard, par contre, il reste encore cette table près de la fenêtre, Vous va-t-elle ? Elle me va, Monsieur, elle me va, lui dis-je, ne soyons pas trop Difficile, surtout lorsqu’on est Célibataire. Petite remarque, on me donne souvent du « Monsieur » depuis quelque temps, Je ne sais si je dois m’en inquiéter ? Passons, je m’installe. Pourquoi suis-je venu ici ? Ils disaient du bien de la déco de Philippe Stark, Vous vous souvenez comme moi du café Costes ! Ça, c’était quelque chose, Mais là, je suis perplexe… Et puis, mon siège est tellement proche de la fenêtre Que mon coude cogne sur une enseigne plastique avec la photo d’une pauvre Chinoise façon Kenzo. Mais bon, tu es assis devant cette fenêtre, La vie est belle, tout va bien, y’a rien à dire. Y a rien à dire, mais tout de même. J’étais prêt mentalement, physiquement pour un bon brunch, j’avais faim. Seulement, lorsque je mis mon nez dans la carte, tout m’apparut si compliqué, Alors, j'ai paniqué un instant, comme cela m'arrive trop souvent au restaurant. 18 Rue Saint-Antoine En 1958, à la sortie du métro Saint Paul, mon père tentait sa chance àla grande Roue. Aujourd'hui encore ce genre de tombola existe toujours, malgré les lotos Et grattages en tout genre. On y gagnait des kilos de sucre et il arrivait parfois Qu’il vînt à la maison avec cinq paquets que ma mère mettait derrière la gazinière Où nous avions une réserve pour y déposer l’huile, la farine, les boîtes de haricots Verts et de petits pois. Après, le sucre a été remplacé par des bons donnant droit à Des tablettes de chocolat, des paquets de bonbons et d'autres gâteries, puis à De vilains nounours, de quoi vous dégoûter de jouer à la loterie pour le reste de Votre vie. Mais enfin, soyons compatissant envers nos semblables et surtout à L'égard d'un homme ayant bossé toute la journée et voulant un instant se détendre Un peu le soir avant de rentrer chez lui. Sur le trottoir allant du métro Saint Paul à la Bastille, il y avait deux cinémas. Le premier, tout près de cette fameuse loterie, projetait principalement des westerns où, Lorsque j'allais dans une école religieuse pour m'occuper les jours sans classes, on nous Emmenait régulièrement voir des films plutôt que de nous faire chier avec des histoires De la Bible, auquel je n'avais rien à faire… Que Dieu me pardonne si je pèche en parlant ainsi. L'autre cinéma était un Gaumont. Lui, donnait dans un registre plus sérieux. Un soir, C’était la première de “Fortuna” et la première fois aussi que j'assistais à un tel Évènement. Génial, un monde fou et bien habillé, j'avais mis mon nouveau pantalon Gris tout neuf acheté pour l'occasion. Pour moi, cette salle était la plus belle de Paris après celle du Rex où le ciel est bleu, avec des étoiles partout. Ce film avait Bourvil et Michèle Morgan pour acteurs principaux, accompagnés de deux gosses Dont Frédéric Mitterrand que tout le monde connaît, car il passe régulièrement à La télé, mais là, il avait quatorze ans, mon âge. C'était marrant de voir toutes ces vedettes en chair et en os. Je voyais pour La première fois Rosy Varte, avec qui j’allais jouer dans Ubu Roi de Jarry, monté pour la télévision par Jean Christophe Averty, en 1965 où j'allais Être Ladislas, l'un des trois fils d'Ubu Roi. Rue Saint-Benoît L'humiliation. Ca arrive, ça peut arriver à chacun de nous, ça m’est arrivé, rue Saint-Benoît. Nous étions convoqués, mon épouse et moi, par la direction de l’école de notre fils. Au premier étage, le directeur en personne nous a reçu aimablement pour nous Dire des choses pas très agréables à entendre au sujet du travail très moyen de Notre progéniture. J'étais paralysé, émotif comme jamais, je n’entendais plus rien De notre conversation, cela me rappelait trop inexorablement mes propres échecs Scolaires, impression de revenir vingt ans en arrière, impuissant face à ce pouvoir Féroce lorsqu'on n'est pas du bon côté de la barrière…Et aussi, heureusement, pour Me sortir du gouffre dans lequel j'étais, j'ai pensé à la libération qu’a représenté, Pour moi, la fin de l’école, la fin du goulag. Ma femme, elle n’a pas eu cette impression, il faut dire qu’elle est d’une famille D’enseignants, alors elle distance, elle distance, mais tout de même, elle aurait Préféré que son fils travaillât mieux, mais, enfin une mère, ça comprend. Boulevard Saint Michel Le jardin du Luxembourg. C’est là qu’au début d'un mois de juin d'une certaine Année, je me suis installé confortablement dans un de ces sièges, mis à la disposition De public, muni d'un cahier acheté dix minutes auparavant sur le Boul'mich. 19 J'avais à écrire une lettre à mon fils. Tout ce qui était à dire fut mis à plat sur ces Feuillets blancs avec une telle facilité, une dextérité, une aisance surprenante De ma part. Je ne peux reproduire cette correspondance pour des raisons que vous Comprendrez, seulement c’est elle le moteur de ce travail d’écriture sur Paris, Ce qui est déjà pas mal ! Sinon, au jardin du Luxembourg, j’y vais très régulièrement pour dérouiller mes jambes, Mais vous ne m'y verrez jamais faire un jogging : je ne peux plus courir. J'y fais des photos, des films parfois, c'est un endroit idéal pour se promener et Je me dis souvent : pourquoi partir en vacances et quitter Paris ? Devant le Musée de Cluny, j'ai distribué en 1970 un prospectus aux passants. J'avais le projet de créer un journal : " le journal des Inédits". Je voulais rassembler en vue d'édition des textes d'inconnus et dont Personne ne s'intéressait. J'ai eu quelques réponses, des écrits plus ou Moins bien, mais étais-je à même de juger, moi qui n'avais obtenu de l'école Que le certificat d'études primaires ? Je savais à peine lire, mais les mots M'impressionnaient beaucoup. Le journal des inédits ne vit pas le jour, Je ne savais pas deux choses : éditer est un métier et il faut de l'argent. Rue de Médicis J’ai longtemps fréquenté le café "Le Rostand" faisant face au jardin du Luxembourg, le dimanche matin. Paris, à ce moment là de la journée, dégage Une atmosphère de Nouveau Monde. Il y règne une certaine tranquillité avec Les préparatifs du jour qui vient, des gens qui commencent à arriver calmement, Impression de début de quelque chose, de nouvelle saison, de p'tits bonheurs. J’y buvais mon café paisiblement, dégustant un croissant en regardant ces Intellectuels dont j'avais l'impression d'appartenir tout en sachant bien que jamais Je ne ferais parti de cette caste pour des raisons dont nous parlerons plus tard. Après, j'allais faire quelques courses dans le quartier pour ma petite famille. Sur le trottoir de cette petite avenue, la rue de Médicis, j'ai imaginé ces derniers Jours, la fermeture de tous ces boutiquiers de livres et autres "balivernes" Pour les voir remplacer par des restaurants avec terrasses, genre le Sénéquier à Saint-Tropez… Quand j'ai des idées comme celles-ci, je me demande si ce n'est Pas une envie qui passe ? Envie d'aller voir la mer, le soleil, la Côte d'Azur ! Rue Madame Un jour, jefus invité chez lui. La neige avait recouvert toute la ville de Londres, dimanche, Portobello Road... Traverser ces petites rues, une journée entière à la recherche d'un café ouvert, Puis marcher encore et encore. Une station de métro, Hyde park, petit déjeuner Copieux, voir les Anglais se réveiller, discuter, ne rien comprendre, être étranger. Dans le quartier chinois, une manifestation impressionnante envahit toutes Les rues, guirlandes et poupées gigantesques, population joyeuse en fêtes, Une note de vie et de bonne humeur se dégagent, un pur bonheur! À la TATE GALERIE je me régale à la vue de certains tableaux du 19e siècle. Paysages dessinés avec tant de finesse, de délicatesse, l'oeil s'approche et Parcours les tableaux pour en retenir l'essentiel, absorbe les lumières et contourne Les moindres détails. Les TURNER surtout, dont les couleurs jaillissent et crient 20 Leurs formes insaisissables. Depuis, j'aime à me promener dans les musées, à Se demander si finalement les artistes ne parlent pas à notre inconscient ? Chez lui, il y avait dans la pièce, un plateau posé sur deux tréteaux, Encombré de milles livres et objets divers, des kilims enroulés, posés à Même le sol. L'appartement était très froid, un petit radiateur chauffait à lui Seul ce logement, alors ma toilette fut rapide. Le lit était formé de deux Matelas ordinaires superposés, d’épaisses couvertures de laine ainsi que de Nombreux coussins aux formes bizarroïdes. Tout cela donnait à l’endroit une Impression étrange pour qui aime les espaces zen, blancs et nus. Après le Coup de fil, il sortit quelques livres et objets divers, fit quelques gestes Et dit que son ami… l’homme des tapis… n’était pas bien. Place de l’Odéon En 1968, les universités étaient ouvertes à tout le monde, même à moi qui n'étais Ni étudiant, ni ouvrier. Dans une salle de cours servant pour les meetings à Censier, S’était formé un groupe de personnes franchement exaltées, qui, en fin de soirée Ont décidé d'aller prendre le théâtre de l’Odéon. Je m’en souviens, il y avait en Première ligne Laurence Bourdil, comédienne dont j'ai parlé et qui jouait dans Lorenzaccio. Y avait-il derrière elle son ami du moment : le metteur en scène Raymond Rouleau ? Je n’en sais rien, et puis ce n'est pas mon affaire, mais celle Des historiens. Qui en avait après Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud ? D'ailleurs, ils n’ont pas apprécié d'être foutu à la porte de leur maison comme Des malpropres, et ça se comprend, envahir un théâtre, c'est pas pensable, Seulement là si, à ce moment-là ce fut possible, les révolutionnaires vous savez, Ont tous les droits. C'était ouvert jour et nuit, on prenait en permanence la parole, Partout dans la salle et sur le plateau. Il y avait des réunions, des conférences Improvisées, le bordel généralisé et moi j'adorais ça. Rue Vaugirard À chaque fois c’est la même comédie, la même frustration lorsque je passe devant La porte de l’entrée des artistes du Théâtre de l’Odéon. Ce n’est pourtant pas grand Chose, une porte, derrière laquelle vous avez une loge avec un concierge que l’on Devine picoler un peu et sa femme en train de tricoter des chaussette pour les enfants De la tante Lucienne, et, des hommes, des femmes, tous intermittents, comédiens, Comédiennes, machinistes, électriciens, régisseurs, directeur de théâtre, metteurs En scène et bien entendu des figurants comme jadis je l'ai été. Des gens, comme Vous et moi, rien de plus, rien de moins, mais à chaque fois cette envie est là, fixe, Récurrente : y entrer, y aller pour voir, revoir si c'était comme avant… Pourtant, S'il m'était donné aujourd'hui de satisfaire ce désir quelque peu archaïque, je ne Suis pas certain de vouloir accepter, ce n'est plus d'actualité. Mais, reste en mon for intérieur, comme dit mon Amélie chérie (voir annexe) qui Ne pense qu'à une seule chose actuellement, c'est de boucler son prochain bouquin Pour Albin qui trépigne d'être en retard, toujours la même histoire, toutes les Années, il nous fait le coup, on ne peut pas vivre tranquillement, elle et moi. Bref, il y a toujours ces traces d'un temps passé, ce résiduel où la frustration d'hier S'est incrustée dans notre cerveau à tout jamais, nous rendant plus son esclave qu'on Ne l'imagine. Mais laissons de côté la psychanalyse pour l'instant... Rue de l’Observatoire Deux petits mètres carrés de rien du tout dans un renfoncement d'un immeuble de 21 Briques, d'une université je crois, où est posé sur le sol un matelas usagé et quelques Affaires repliées d'un SDF qui viendra passer la nuit là. Des endroits comme celui-ci, Il y en a des centaines à Paris. Parfois je me propose d'essayer de me mettre à leur Place, histoire de voir comment c'est, mais cela relève tellement de l'indécence ! Pourquoi ai-je donc ce genre de questionnement ? Je trouve tout cela inhumain, inacceptable de la part d’un pays comme le nôtre, Si riche, si bien portant. Je suis conscient qu’ils sont un peu leurs propres metteurs En scène, et qu’ils doivent, au nom de la liberté, à ce jeu, y trouver quelques avantages, Et comme disait Bruno Bettelheim, les malades mentaux profitent des bénéfices Secondaires à leurs maladies… D'accord, mais pourquoi n'y a-t-il pas la volonté de Trouver des solutions plus réparatrices, autre chose qu'un lit pour une nuit ou un Repas pour l'hiver ? Alors, je milite devant mon clavier pour cette cause : Plus jamais un seul homme sur le bas côté de la route. Les hommes politiques sont coupables de ne pas remédier à ce mal. Ils méritent Tous une baffe dans la gueule, bien que n’étant pas un violent, ma colère sur ce Point n’a pas de limite. C’est pourquoi je demande pour chacun de ces hommes et Ces femmes, un logement de 15 m2 par personne et un salaire de 600€ par mois. Rue Saint-André des Arts Vous qui passez par là sans le savoir, sachez qu'au-dessus du cinéma Le Saint André des Arts, avant, il y avait un hôtel et il me faut vous raconter Confidentiellement ce qui m'y est arrivé et ne peut pas vous arriver à vous, À cet endroit précis puisqu'il est fermé maintenant. Au premier étage vous avez de toutes petites fenêtres et si vous levez la tête Vous les verrez. Elles sont toujours là, histoire de me narguer, me faire un clin D'œil chaque fois que je passe devant. Chiotte ! Elle et moi, nous y sommes allés pour notre première nuit d’amour. Pas de Chance, vraiment pas de bol, en pleine action, des flics sont entrés dans la Chambre sans avertir, pour je ne sais quelle raison, voir si tout se passait bien... Moi, ça m’a traumatisé... J’en fus quitte pour une psychothérapie Adlérienne Avec le docteur Schaffer de la rue des Archives et un mariage avec Consentement mutuel, rue du Bourg Tibourg. Rue du Vieux Colombier Au théâtre du Vieux Colombier, là où Jacques Copeau et Louis Jouvet ont fait leurs Armes, bien avant que la Comédie Française ne mette son grappin dessus, moi, J’ai suivi des cours d’improvisations. Je le rappelle pour ceux qui ne le savent pas Encore, j'ai fait du théâtre dans mon jeune temps. La misère régnait solidement dans Cette maison. Ça faisait pauvre partout là-dedans. L'administration se plaignait de Manquer d'argent pour faire tourner normalement cette grosse machine. Je le compris plus tard, l’état n’aime pas financer les petites salles, elles n'ont pas Le fameux retour sur investissement que nous a enseigné Bernard Tapie, Comme ces mégas théâtres prestigieux où le peuple peut en masse se rassembler, J'allais dire se reproduire… Pourtant, les petits théâtres, ce sont des lieux D’expérimentation formidable. Celui-ci vivotait, la salle était délabrée, Hors des normes de sécurité, certes, mais il y avait des gens qui y croyaient. Il s’y passait souvent des choses très intéressantes. De ces quelques mois de cours, je me souviens de peu de choses. On allait Boire un verre après, à la terrasse du café qui fait l’angle avec la rue de Rennes. J’ai connu là le fils d’André Reybaz. Le père, je me souviens l’avoir vu dans “Le joueur” de Dostoïevski, grand comédien que personne ne connaît aujourd'hui, Ce n’est pas grave, le théâtre c’est éphémère, comme la vie et les installations de Christo. 22 Pont neuf Avec son pont Neuf, Christo a révolutionné l'histoire de ce pont, emballé Qu'il fut avec de la toile de bâche. Ce symbole protecteur avait-il un rapport Avec la "Capote du Sida" ? Seul l'intéressé pourra nous le dire franchement. Les familles y allaient toutes. C'était la promenade de tous les instants, le Monde affluait de toute part, même les touristes ne pouvaient y échapper, Il fallait marcher dessus pour se rendre à pied ou en voiture de l'autre côté de la Seine et aller faire son shopping à la Samaritaine ou descendre l'escalier menant Aux bateaux-mouches pour voir Paris sous un autre angle et vivre un moment Romantique exceptionnel dont nous sommes tous si friands. L'aspect éphémère de l'œuvre réveille en moi cette tendance toute personnelle À être un peu triste de savoir qu'il va y avoir une fin à quelque chose de bon… Plus je vieillis, plus je comprends, mais quand même ! Rue duCherche Midi Il était zen, mon baisodrome, au cinquième étage. Un studio de 15 m2 avec le Minimum de choses pour vivre, rien d'accroché aux murs, deux fenêtres neuves, Je m'en souviens, c'est moi qui les ai changées. J’étais heureux de retrouver une Nouvelle jeunesse, un nouveau cocon entre Montparnasse et Saint- Germain-des-Près. Je sortais tous les soirs et me couchais toujours très tard. Le matin, je n'avais pas De problèmes, j’étais mon propre patron, j’allais à mon bureau vers midi… Il faut oser changer sa vie quand c’est le moment, car sinon on risque d’être Malheureux jusqu’à sa mort, alors que moi, je peux mourir à cent ans, ça m’est égal ! Rue Mouffetard “La maison pour tous” était le nom marqué devant la porte d’entrée, mais On l’appelait “la Mouffe”, ce n’était pas une fille de joie, mais un théâtre, À la fois maison de la jeunesse et de la culture dans la pure tradition d'un dénommé Malraux et salle de spectacles où se donnaient des pièces originales pour public averti. Je l’ai connu en 1964 par Claude Berthelot, assistant-metteur en scène de Raymond Rouleau, déjà nommé. Claude administrait cet endroit, les bureaux étaient au Cinquième étage et j'y Allais passer mes après-midi pour faire pas grand-chose : Grandir un peu. Là, en 1966, j’ai joué dans une pièce de Raymond Bantze, montée par Ram Goffer, illustres inconnus. "Job ou l’anneau d’or" en était le titre et j’y jouai le Rôle du Serviteur souffrant : une blague, lorsqu’on sait combien la souffrance et La maladie m'ont tenaillées le corps par la suite... Peu importe, il n’y avait personne dans la salle, ce fut un fiasco, je ne sais même pas Si le spectacle était bon ou mauvais, mais pour moi ce fut le dernier, car il m'a fallu Gagner ma vie par la suite… ce qui n’est pas évident dans le domaine du spectacle. J’ai l’impression de faire des rédactions comme à l’école. J’ai passé l’âge me direz-vous, Certes, mais enfin… moi j'aime bien. Rue des Canettes 23 Dimanche dernier, je suis passé devant et j'y ai repensé. C'était il y a quelques Années, nous avions rendez-vous dans cet hôtel de luxe, pas dans une chambre, Mais au rez-de-chaussée, dans un salon de thé très chic avec jardin, véranda et tout Le toutim. Il voulait parler avec moi, avoir mon avis sur une rencontre qu’il avait Faite, une femme, savoir s’il pouvait envisager quelque chose ?... Après notre Discussion et quelques mois écoulés, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Dois-je en être fier ou me sentir coupable ? Rue Auguste Comte Ce n'est pas un regret, Mais au lycée Montaigne, je n’y suis jamais allé... Rue du Mont Thabor. Au milieu des années 50, mon père avait trouvé son premier emploi dans une Cordonnerie orthopédique située dans cette rue. Je me souviens qu’il se plaignait D’avoir été exploité au maximum par ses patrons et du peu d’argent dont il disposait Pour se nourrir. Il avait pris l'habitude d'apporter, pour manger le midi, du pain Et du chocolat, alors que ses collègues ouvraient de grandes gamelles qu’ils Réchauffaient dans un coin de l’atelier. Il éprouvait de la haine lorsqu’on se moquait De lui et de sa maigre pitance. Soit dit en passant, je le soupçonne bien aujourd'hui D’avoir pris son pied de cette situation où il faisait jouer aux autres le rôle de “riches” Et à lui celui de “pauvre”… Avec le temps, dans cet atelier il était arrivé à se faire des copains et ils s’amusaient Tous à un jeu que je peux dévoiler sans remords, il y a prescription... Lorsqu’une Jeune femme entrait dans la boutique, que le patron y était absent et si, elle voulait S’acheter une paire de chaussures sur mesure, car ses pieds étant un peu hors-norme, Il fallait qu’elle donnât ses empreintes pour préparer le modèle qui allait ensuite Servir à la fabrication du soulier. La jolie personne de sexe féminin, l'idiote, Devait se mettre debout sur un socle, une glace sans teint, appareil semblable à Un pèse-personne en plus grand. Pendant ce temps là, qui durait, durait, durait Les loustics descendaient à tour de rôle au sous-sol et regardaient les dessous De la jeune femme à travers cette glace piège. Conclusion : les hommes sont tous les mêmes ! Dans un de ces immeubles Haussmanniens bien bourgeois, j'allais deux fois par Semaine faire des écoutes à SOS Amitiés, de 1989à 1991. Je m’y rendais souvent Le soir après mon travail, les séances duraient généralement de 4 heures et j'appris À écouter autrui autrement... Là, nous étions confrontés à la parole de l’appelant Qui pouvait être aussi notre propre miroir, mais aujourd'hui, Je reste perplexe face à cette démarche. Rue Castiglione Vous pouvez très bien si vous le désirez et si vos pas vous y mènent, Entrer librement à l’hôtel Intercontinental, vous promener dans le Jardin intérieur un peu rétro, plein de charme, parcourir les longs Couloirs desservant les salles de réception, les salons, les bars qui vous Tendent les bras, des water-closets luxueux, gratis, toujours propres Avec petites serviettes individuelles... Un pur bonheur que ce genre D’endroit, ouvert à tous, à la seule condition de faire comme si vous Étiez un habitué des lieux. Ainsi, après cette première expérience, Vous pourrez visiter tous les grands hôtels parisiens, c’est d'un pratique Fou pour les commodités et beaucoup plus confortable que les WC 24 Ordinaires des vulgaires bistrots où on vous regarde de travers si vous N'avez pas commandé une boisson avant d'aller vous soulager au sous-sol. Place Vendôme Allons tous en cœur faire pipi à l’hôtel Carlton. En bas, au sous-sol, il y a, Paraît-il, une piscine où l'on peut prendre un brunch, le dimanche midi, sur Une terrasse donnant directement sur des bonnes femmes argentées faisant Giligili dans l'eau chauffée, filtrée de la Seine. J'en ai vu des photos, c'est le CLUB MED en mieux, faudra essayer ce truc un jour avec un ami ou tout seul, Avant mon installation définitive dans une maison de retraite, car à partir de Ce moment-là, je ne sais pas ce qui me sera autorisé… Il n'y a pas plus triste que d'être en permanence dans ces ghettos où le luxe Ne fait que mettre en relief la misère de la connerie humaine. Et d'abord, Quel intérêt y a-t-il à être riche et à fréquenter ces lieux-là ? Et puis, Cet argent d'où vient-il ? Au détriment de qui est-il le complice ? Ces questions fondamentales me tournent la tête. Place André Malraux À la Comédie-Française, le régisseur était un vieux pervers, je ne sais pas Ce qu’il me voulait exactement, j’avais pas dix-huit ans… Un jour, il s'est présenté chez moi en personne déposer une convocation M'informant des dates de répétitions au sujet d'une pièce où j'avais à traverser La scène sans me casser la figure. Ma mère l'a reçu pas spécialement aimable Pour deux sous, car pour elle, les gens de théâtre… Ce n'était pas très net dans Sa tête à ce sujet. Elle a pris la convoc. et lui, il n’est jamais plus revenu, Je ne saurai jamais pourquoi. Je me souviens du titre, Donogoo de Jules Romain. Et puis dans cette grande maison, j'ai fait aussi une apparition dans le Cid de Corneille. C'est à peu près tout, À la vérité, je n'ai pas fait carrière à la Comédie Française. Avenue Franklin D. Roosevelt Théâtre du Rond-Point Jean Michel Ribes, auteur, metteur en scène et directeur du théâtre, nous Présente son spectacle " Musée haut, musée bas " dans la pure tradition de ses Emissions " Palaces », vues et revues à la télévision, pour la grande joie de ses scribes. Il a donc écrit cette pièce sur la vie d'un musée, de ce qui s'y passe à l'intérieur, Mais, en fait, il n’en est rien. Si vous lisez les critiques ou écoutez ses interventions, Personne ne fait état du réel sujet de la pièce…Alors, permettez-moi de vous Donner ma version, en toute subjectivité. Ce musée, dont il nous raconte l'aventure, N’est pas un musée, mais un théâtre, le sien. Il nous fait part de ce qu’il vit tous Les jours, c'est presque un journal de bord, un constat. Ce qu'il nous montre est un Rêve, pire un cauchemar et son objectif est de nous divertir avec, ce qui est le Comble. Qu’y a-t-il de plus déprimant que de voir quelqu’un gesticulant pour nous Amuser avec son désespoir ? C’est le cas chez lui, tout le monde sort de là Bien content : ils ont bien rigolé. Mais je ne lâcherai pas ma plume avant D’avoir analysé, un peu, ce qu’il nous jette à la figure. Dans la réalité de sa vie quotidienne, il est confronté aux êtres humains, et à Tout ce qui va avec, surtout lorsqu'on a le pouvoir, c'est à dire empêtré jusqu’au Cou dans « son théâtre », du matin jusqu'au soir, comme un concierge ! Alors, parler ou écrire de ça paraît difficile, il est trop dans l'action, trop in situ Et n'a donc pas le recul, la distance nécessaire. Néanmoins, comme tout cela Doit sortir d'une manière comme d'une autre, il va donc pour explulser le mal, Chercher et trouver un substitut au théâtre, il choisit le musée et au lieu de nous 25 Présenter "Théâtre haut, théâtre bas" nous avons "Musée haut, musée bas". Comme par hasard, ce lieu théâtral est composé d’une grande salle et de deux Petites. La première, "en bas", est celle, honorable, où se jouent sa pièce et les Spectacles des grands de ce monde du spectacle, histoire de faire l’argent Nécessaire à la bonne marche de l’entreprise. Et puis "en haut", vous avez deux Bons petits théâtres affectés aux « p'tits nouveaux ». Jean Michel Ribes nous parle de la peinture et des rapports qu’entretiennent les gens Du musée à l'égard des maîtres et de leurs toiles… Moi, j’entends surtout la voix De ce gardien de théâtre, avec ces " Vieux Acteurs Renommés", qu’il engage, Pour faire venir du monde, des bourgeois… Tu n’as qu’à voir le restaurant d’en bas, Impossible de se nourrir pour moins de trente à quarante euros. Où est le temps Où on allait manger un sandwich au théâtre de la Ville pour quatre sous ? Pourquoi a-t-il du mal à nous montrer les hommes et les femmes qu’il côtoie En permanence ? Pourquoi est-ce si difficile de s’impliquer à fond dans la Dénonciation des difficultés de sa fonction, car c’est bien de cela dont il veut nous Parler ? Quel danger y avait-il à parler ouvertement de ce qui le tracassait comme Dans le fauteur d'un psychanalyste ? Quelle peur bloquait cette confidence plus Proche de sa réalité ? Il aurait mis sur la scène, les jeux et les enjeux du théâtre D'aujourd’hui… Un nouveau débat pouvait s’ouvrir… Il a préféré qu’il en fût autrement, sacré Jean Michel Ribes. Quelques jours avant ce spectacle, j’avais assisté à "L'Amélioration" de David Lescot avec Scali Delpeyrat pour acteur, dans une de ces petites salles où je ne Te dis pas le bonheur dans lequel j’étais pendant et après la représentation. Après le spectacle, j'ai eu la chance, de rencontrer toute l’équipe de la pièce. Je leur disais avec fougue et enthousiasme tout le bien que je pensais de Leur travail et nous avons pu échanger quelques mots sur tout et sur rien, en Buvant quelques verres de coca-cola au bar… C'est pour ça que je suis rentré tard ce soir-là. C’est quoi la fonction du directeur de théâtre ? Est-ce de faire venir un Maximum de gens, de remplir les salles, de faire du chiffre d’affaires comme N’importe quel commerce, de divertir ? Ou est-ce avant tout de faire un choix Des choses qu’il est important de montrer aujourd’hui, parce qu'il est encore Temps, de faire voir ce qu'il y a de meilleur ou d'expérimental ? Si le spectacle de Ribes avait été bon, j’aurais été satisfait et aurais classé l’affaire, Et il n'y aurait pas eu ce discours. Ce n’est pas de la mauvaise foi de ma part, mais C’est ainsi que je fonctionne. Quai Branly Ils viennent d'ouvrir à Paris, le long de la Seine, sur le quai Branly-branlette, Situé sur l'un des trajets le plus touristiques du monde avec cars et bateaux-mouches À tickets forfaitaires, sans oublier les sourires d'hôtesses en prime. Ils viennent donc D'inaugurer un musée pour montrer tout ce qu'ils ont en stock des objets pillés ou Acquis, ce qui revient à la même chose, tout au long de leurs pérégrinations au long Des siècles, à travers le monde et particulièrement des contrées les plus pauvres, Des peuples les plus faibles, les plus démunis… En y allant, vous apprécierez Cette architecture magnifique, le jardin paysagé et surtout la terrasse de la Cafétaria. Seulement, qui sommes-nous, nous les Occidentaux, avec nos concepts, Nos valeurs, notre culture et l'idée qu'on se fait de l'art en général et son tralala à Embobiner tout le monde ? Je suis volontairement provocateur, mais quel autre Moyen ai-je pour essayer d'y voir un peu plus clair dans cette sale affaire ? Rue de Valois Il y a là un hôtel pour fonctionnaires. Mes beaux-parents étaient profs. et Lorsqu'ils venaient de leur province à Paris pour faire une cure de cinéma 26 Ou la visite des musées, c'était là qu'ils se posaient. Ma belle-mère est décédée Maintenant il y a quelques années. Je m’en suis voulu de n’être pas allé à son Enterrement. Je ne l’avais pas vu depuis plus de dix années, toutefois j’avais de Ses nouvelles par mon ex-épouse, sa fille. Je veux lui rendre hommage ici, si vous le permettez. C’est elle qui, un jour, prit l’initiative d’une visite familiale à la FIAC (Foire Internationale d’Art Contemporain). C’était la première fois que j’y mettais Les pieds. Toutes ces oeuvres folles étaient exposées à notre regard comme des corps Mis là nus, sans tabous. Explosion de l’imaginaire des artistes matérialisé par des Formes et des couleurs si nouvelles à nos yeux, nous vivions tous cela comme une Fête sans limites. Je fus conquis immédiatement. Cette exposition m'initia à l'art contemporain et à la peinture en particulier, J'en avais pris mon parti en devenant plus tard, peintre moi-même. Rue du Louvre Un homme se présentait régulièrement à la maison tous les fins mois et ma Mère, la sainte femme, lui donnait de l’argent contre des bons de la Semeuse Qui lui permettait ensuite d'acheter tout ce qu'elle voulait avec son propre argent… Les bureaux de la Semeuse existent toujours dans cette rue du Louvre et je me Demande vraiment à quoi et à qui cela peut encore servir ? Ce doit être parce qu'il y a toujours des zozos comme ma mère sur terre ! Boulevard du Temple À deux pas de la place de la République, l'ancien théâtre le Dejazet s'était transformé en cinéma pendant un certain temps. À l'époque, je me reconstruisais une nouvelle vie, après celle, Très normale, d'un homme vivant dans une famille tout ce qu'il y avait De plus standard. Tous les jours, en permanence, défilaient en boucle Des films non-stop sur le thème de la musique. J'y ai passé des heures à Écouter et à voir dans cette salle vétuste, les plus grands groupes qu'il Existait sur cette terre de merde. Ça crachait un maximum de sons à vous Arracher les tympans bien avant l'arrivée de l'ipod, je vous dis pas, mais J'avais besoin de me défaire de la réalité, alors là, c'était parfait, j'avais mon Compte. Je découvris un Dieu de la musique, Bob MARLEY. Il y a quelques jours, je le comparais à un autre Dieu, celui de la peinture, Jean Michel BASQUIAT… Mais n'allez pas imaginer que je sois croyant… Quelle horreur ! Je suis tout le contraire, que Dieu me préserve ! Rue du Faubourg Saint Honoré Me réveillant un matin avec l'envie d'aller voir de la peinture, je pris le journal Et vis la photo d'un jeune mec que je ne connaissais pas, Jean-Michel Basquiat. Merde ! C’était une galerie, je n’y vais jamais, mais pour ce coup, je n'avais pas Le choix, du Basquiat, y en avait pas dans les musées de Paris, nous étions en 1989. Ce jour-là, face à cette œuvre, tout de suite je compris qu'il y avait eu quelqu'un D'autre que moi ayant été confronté à l'essentiel en passant par le médium de la Peinture (sic). Vous sautez au plafond, et la modestie, qu'en faîtes-vous ? Du tac au tac, je vous réponds : la modestie est l’apanage des imbéciles (re-sic). Basquiat est sans conteste le plus grand de tous les artistes d’hier et D’aujourd’hui. Il a absorbé tous les malheurs du monde pour tout recracher sur Ses toiles. Après, il est mort à vingt-huit ans, bêtement d'une overdose, quel con ! Des gens dans le privé, pas vous, pas moi, ont des œuvres d’art d’une Valeur inestimable, des millions de francs, d’euros maintenant. En 1996, ils les ont mises à la disposition du Musée d’Art Moderne 27 De la ville de Paris pour une expo méga monstre, digne des plus belles, Car les « privées », vous savez, ça sait de quoi ça parle, les arts, faut Pas leur en raconter. Oui, mais où veux-je en venir avec ce discours ? À l’époque, et même aujourd’hui, je trouvais intéressante l'idée selon laquelle Toutes les œuvres actuellement stockées dans les sous-sols de nos musées Nationaux soient vendus à des particuliers, pour financer les jeunes artistes Et maintenant je dirais volontiers à venir en aide à tous nos SDF, avec Obligation pour ces nouveaux propriétaires de les mettre à la disposition Des musées, pour les monter au public, gratuitement. En face, au musée Galliera, j'y ai vu récemment Sylvie Vartan nous montrer Ses robes de scène, ses bigoudis et les images de sa jeunesse, de sa gloire passée Auquel elle s’accroche terriblement comme une gourde. N’a-t-elle donc pas compris qu’il fallait passer son chemin, qu’elle avait peut-être Autre chose à faire, ailleurs. Où ? je ne sais pas, mais ailleurs. Elle a quoi à Prouver, encore ? Si elle nous montre ses frasques, est-ce pour s’en débarrasser ? Se vider en montrant, se vider à s’en rendre malade. Peut-être n'a-t-elle fait que Cela toute son existence, cacher sa vraie peau pour nous montrer à nous, pauvres Spectateurs cannibales, cette tarte à la crème aux marrons comme si ça nous Concernait... Pourquoi je vous parle de tout ça ? Est-ce le fait d'avoir Entre les mains le livre de Didier Anzieu, " Le moi-peau " ? Place de la Sorbonne Mai 1968. Une foule extraordinaire, là plantée sur le macadam, à ne faire Qu'une chose, parler, parler, parler. Je me souviens de l'intervention de Jean-Paul Sartre dans l'amphi de la Sorbonne, j'y étais ce jour-là, il disait être Trop vieux pour aller sur les barricades, mais invitait énergiquement tous les Étudiants, les ouvriers à se rassembler pour faire la révolution. Sacré Sartre, encore une fois il m'avait séduit, mais cette fois-ci, c'était En chair et en os. J’avais vingt et un ans. J'étais, comme je vous l'ai déjà dit, Employé de bureau, aide-comptable, premier échelon et travaillais dans Une entreprise tenue par un couple, les Martin, dont le mari était un industriel Polytechnicien d'extrême droite, même qu'ils se foutaient des torgnoles pas Possibles lorsqu'ils n'étaient pas d'accord… Mais j'en reparlerai une autre fois, Au moment opportun. Je pouvais donc entrer librement dans ce temple de La culture. À l'intérieur de moi, j'avais le fameux sentiment d'infériorité Universel avec mon modeste Certificat d'études primaires, pourtant eu en toute Légalité, mais ça ne suffisait pas à calmer cette frustration de ne pas être Quelqu'un d'autre... La population à l’intérieur comme à l'extérieur, était composée principalement D’étudiants et de professeurs. Il y avait aussi le tout venant, ceux qui étaient pour Et ceux qui étaient contre cette révolte. Il y avait de la fougue sur les trottoirs, Tout le monde pouvait l'ouvrir, on pouvait même dire des conneries si l'on voulait, À l'époque, ça n'avait aucune importance ! En mai 1997. Première sortie après une intervention chirurgicale béton. Vivant à Chartres, j'avais rassemblé toutes mes forces pour me rendre en voiture A Paris. Le programme était motivant, des Sartriens invitaient Julia Kristeva pour Nous parler de Sartre. Je fus terriblement déçu d’entendre la diva faire son exposé. Parler un tel langage incompréhensible, ou pire, adressé uniquement à quelques-uns, N'est-ce pas le meilleur moyen de sélectionner les gens à la base ? Comment voulez-vous que les choses puissent évoluer si l’on ne commence 28 Pas par çà, essayer d'être clair. Ne soyons pas démagogues, mais enfin, soyons Raisonnable, quel plombier-électricien-maçon-peintre, peut comprendre ce charabia ? Vous vous en foutez, il n’y a pas d’ouvriers à la Sorbonne. Certes, mais tout de même Madame Kristeva… Je crains fort que vous n’ayez de mauvaises influences avec ce Monsieur Philippe Sollers… Rue Gay Lussac Dix ans après notre mariage, j’éprouvais le besoin pour la première fois, lors D’une “Crise de couple” de prendre du recul, d’avoir un endroit pour m’isoler du Reste du monde. J'avais acheté rue Gay Lussac, au sixième étage, cette chambre De huit mètres carrés avec les WC et l’eau froide sur le palier. La vue donnait sur Le ciel et j'y avais mis un lit, un frigo, c’était tout, je crois. J’y allais rarement, Presque jamais à vrai dire, c'était triste à mourir, alors, je m'en suis débarrassé En la revendant avec un p'tit bénef. Rue del’Epée de Bois Le théâtre de l’Epée de Bois n'est plus là depuis belle lurette. Il y a maintenant Une crèche à la place, c'est plus pratique pour les parents qui habitent et travaillent Dans le coin, elle fait l' angle avec la rue Mouffetard. Mais quand c'était un théâtre… On a vu tout ce qu'il y avait de plus vrai, pas "pose ton cul sur la commode chérie". On y a vu Grotowski et les marionnettes du Moumenkrantz, le Bread and Poupet Donnant même en guise d'ouverture à leur spectacle un morceau De pain à tout le monde, de la main à la main, tout un symbole. Et aussi "Notre petite ville” de Thorton Wilder monté par Raymond Rouleau où Je devais jouer le premier rôle, mais le destin ne l'a pas voulu. Que voulez-vous ! Il y a eu le fabuleux "Eva Péron" de Copi monté par Alfredo Arias, plus .. Plus tous les autres. J'étais ce qu'on appelle un ami du théâtre, toujours là, présent Un peu partout et nulle part et à l'évidence, j'avais l'impression d'être aimé ! Avenue de Suffren Vers six heures du matin, je suis parti. J’ai dévalé les sept étages de son immeuble et je l’ai laissé seul, récupérer Son lit qu’il m’avait donné pour dormir par terre. J’étais surpris de ne pas Me voir triste après ce moment passé ensemble et dont la joie était si absente. J’acceptais mieux maintenant ce genre de situations désagréables. Ils ne Me détruisaient plus comme avant... J’éprouvais maintenant, après coup, Le besoin de marcher pour m’aérer et purger sa souffrance récupérée par Osmose, par empathie, m'en défaire, me retrouver en respirant tout L'oxygène de ce jardin du Champ de Mars, si désert en cette heure matinale. Cette chambre, la sienne, je l’ai toujours beaucoup aimée. Elle était le Symbole d’un minimum vital idéal. Il y avait ce qu’il fallait pour vivre, un Coin-lit, un coin table, un coin lavabo, un coin rangement et les waters Sur le palier, heureusement le couloir était peu habité. Me faisait-elle penser à Cette chambre mansardée de la rue Sainte Croix de la Bretonnerie où à celle de La rue Gay Lussac ? Réveillait-elle en moi ma tendance à chercher la solitude 29 Pour trouver un peu de tranquillité ? Elle n’avait pas de lucarne, comme c’est Souvent le cas à Paris. Elle avait une grande porte-fenêtre donnant sur un Petit balcon donnant sur les arbres de l’avenue de Suffren et l’hôtel Hilton situé juste en face. Bref, lui habitait une simple chambre d’étudiant et Moi un appartement dans un château. Nous étions tous deux dans une telle Différence quant aux lieux où nous vivions, quant à l’âge aussi, mais reste Aujourd'hui encore et plus que jamais ce lien si important pour lui comme Pour moi : notre amitié. Rue Daunou le 20 avril 2006 Hier, je suis sorti, je voulais aller au restaurant. Vers dix-huit heures, je me suis garé dans la rue Daunou juste à l'angle de L'avenue de l'Opéra. Une heure de parking, trois euros. J'ai toujours deux cartes Pour ça dans mon portefeuille, pas la peine de subir une contravention, d'autant Qu'elles sont maintenant à payer obligatoirement, car ils veillent sur nous : Ça leur rapporte gros et ne leur coûte presque rien. Heureusement, après dix-neuf Heures, vivre à Paris est gratuit, mais ne le crions pas trop fort, ils risqueraient de Nous entendre et donc de nous pénaliser. Bref, je mets mon ticket fiscal sous mon Pare-brise et me sens libre d'aller où bon me semble, c'est à dire chez Fragonard le Parfumeur, m'acheter une savonnette que je pourrai me l'avoir moins cher dans Mon Intermarché et comme je suis, avouons-le, un peu snob, c'est un peu con, Mais c'est la vérité, surtout ces jours-ci où je me décide pour la unième fois à lire Proust avec sa recherche éperdue de je ne sais quoi, alors qu'il est mort Depuis au moins un siècle. Une savonnette… en réalité, je mens, j'ai honte : J'ai pris une boîte tout entière, avec plein de parfums à l'intérieur. Dans la même rue, en face chez Old-England, pour épanouir mon snobisme Jusqu'au bout, j'ai gravi les marches de l'escalier pour me prendre quelques Thés de chez "fortnum and mason". Par maniaquerie obsessionnelle incorrigible, Il me faut toujours dans ma cuisine un certain nombre de boîtes pour avoir Cette impression du choix, calmant mon angoisse de mort comme dirait notre Ami Freud. Celui que je préfère c'est le Yunnan, mais je rêve souvent D'en découvrir un qui viendrait supplanter tous les autres… Voilà Comment se passent les choses dans la tête d'un adolescent ayant Pris de l'âge et des mauvaises manières d'intellectuels. Bref, je Prends cent grammes de Ceylan, tout un ramdam, une première vendeuse Me présente le produit, une seconde me le met dans un sachet, une Troisième m'accompagne du premier flor au rez-de-chaussée pour Payer trois euros cinquante, un quart d'heure de passé, Ce n’est pas cher finalement ce quartier de riche, sauf le parking. Retour voiture, ouverture du coffre, dépôt de mes achats à l'intérieur. Maintenant, marchons tout légers à la recherche d'un bon resto. Je fais le tour de tous les menus du coin, il n'est pas encore dix-neuf heures, Certes j'ai le temps, mais j'ai faim, car je mange tôt, comme ma mère ! Je fis une étude approfondie des possibilités s'offrant à moi et je ne pus Repousser cette évidence, cette loi implacable en la matière : 30 S'il y a du monde, ce doit être bon. Alors là, pas de problèmes, il n'y a qu'un seul endroit où aucune place n'est Disponible dehors, alors j'entre et demande une table pour une personne. La serveuse veut me mettre dans un coin de la salle, comme au piquet, puni Pour n'être pas accompagné, la prochaine fois vous viendrez à deux… Non, mais ! Je refuse, car j'aime être dans un endroit agréable assis sur un siège confortable, Mon dos bien calé et une vue ouverte sur l'extérieur, c'est tout. Seulement voilà, Au moment du repas, j'eus une grande surprise. Généralement, vous, Vous avez quoi dans votre assiette ? Là, non, c'était vraiment très bon. Un bar entier frit, frais comme à Marseille, un régal, accompagné de quelques Pommes de terre et deux boulettes de Bretagne, car les propriétaires sont de Bons bretons, c'est marqué sur la carte. Rue Charonne Je me baisse pour lui donner un euro et lui demander si ça va. Elle me demande de lui rendre un service, pourquoi pas, aller Lui chercher un café au bar d'à côté, je n'hésite pas trop, Je lui dis être trop fatigué, en réalité j'ai peur de me casser la Figure avec la tasse à la main, qu'elle trouvera une autre Personne pour ça, je voulais discuter avec elle, mais je me Suis rendu compte rapidement qu'il n'en était pas question, Je la regarde en face, elle aussi, j'ai honte de savoir cette Femme vivant dehors, dans cette situation dégueulasse, C'est impossible, elle pourrait être ma propre mère Ma sœur ou n'importe qui d'autre que j'aurai aimé, elle a Un visage si extraordinaire, celui des fous peut-être, Un visage qu'on ne peut oublier, cette femme dans la rue Un humain parmi les humains avec, c'est dingue, Un sourire comme on aimerai en voir plus souvent, Si ouvert au monde, si épanoui, elle rit, de plus en plus Elle rit, probablement dans une autre vie, elle était une Princesse ou pire une simple infirmière au service des hommes Et des femmes comme vous, comme moi. L'état est sans conteste le principal coupable de Cette saloperie d'organisation sociale qui travaille au Bien de l'humanité, tu parles, la laisser là ainsi c'est L'aveu d'un échec cuisant de toutes les politiques D'hier et d'aujourd'hui. Il y a non assistance à personne en danger, Mais en danger de quoi de plus que ça ? Elle ne mourra pas demain, après-demain peut-être. Rue de la Huchette Jean-Pierre a joué pendant plusieurs décennies au théâtre de la Huchette le rôle De pompier dans la "Cantatrice chauve" d'Ionesco. Je l'ai connu au sous-sol de la Mouffe, au moment des répétitions de "Job". La Cantatrice se joue depuis 1947. Les comédiens se sont constitués en une association 31 Permettant à chacun d'organiser son emploi du temps en fonction des aléas du métier. S'il avait un rôle à jouer ailleurs, m'avait-il dit, il y avait toujours un autre gars pour Éteindre le feu à sa place ce soir-là. RueChampollion Que s'est-il passé dans cette rue où tous les cinémas ont survécu Au passage du temps et aux multiplexes américains auxquels on Doit notre abêtissement généralisé, complices que nous sommes De notre goût pour les pops-cornes biens craquants et je ne sais quoi D'autre qui n'a rien à voir avec le cinéma. Je ne veux plus voir ces films Commerciaux de merde. Ils m'ennuient terriblement. J'aime aller à l'Arlequin quelquefois, malgré ce putain d'escalier qu'il faut descendre et Monter à chaque fois. Dans la rue Champollion, il y a deux ou trois salles Faisant partie du même groupe, je le sais pour deux raisons. La première, Lorsque vous êtes abonnés à la salle de la rue de Rennes, les tickets sont valables Là aussi. Deuzio, la patronne, je l'ai contacté un jour, car j'avais une sacrée idée Pour animer ses cinémas. Je voulais créer à l'entracte des "levés de rideaux", Petites scènes de théâtre jouées par des comédiens-amis que je croyais fidèles… Elle avait trouvé ça intéressant, mais seulement fallait entrer dans le concret, Organiser le projet et faire en sorte qu'il tienne la route, et ça, ça m'est impossible, Car ma santé est plus que merdique, je ne peux plus rien envisager … C'est toujours ainsi avec moi, j'ai des envies, je fais chier tout le monde, Ensuite, pour les réaliser, mon corps malade ne suit plus. Alors, pour me consoler, je me dis… C'est l'intention qui compte. Tient bon la barre, camarade ! Le jardin des plantes Au jardin des Plantes, je n’y vais pas assez souvent. Pourtant, on Peut y voir des belles fleurs et de magnifiques plantes tout en se promenant Le long des allées, des contres allés. "Les serres nous dépaysent" avais-je écrit Un jour sur ce jardin, que voulais-je dire au juste ? Je n'en sais rien, peu importe, Mais j'en profite pour vous faire part de ce que je pense. Jamais nous ne devrions Quitter Paris où il y a tout ce qu'il faut pour survivre, plein de choses à faire Et gratuitement. Je regrette aujourd'hui de n'avoir pas acheté ce Livre faisant l'inventaire de tous ces lieux où des portes s'ouvrent comme des sésames Si vous en connaissez les secrets et les codes d'accès. Ainsi, on peut manger et boire Tout son saoul sans bourses déliées. On oublie que cela existe, mais aussi, Tout ce qui est à notre portée, il y a tant de choses, près de chez nous, chez nous, Dans nos placards, nos tiroirs, nos pièces habitées de nos habitudes… Nous sommes des zombis accablés par leurs occupations parfois, souvent factices, Aveugles de ce qui nous entoure, nous est proche, nous est palpable à tout moment. Nous avons trop peur d'ouvrir les yeux sur des choses qui nous toucheraient, Peur de trouver un brin de folie, de bonheur à partir de presque rien. Rue Poliveau Très rapidement après notre rencontre, la jeune fille qui devint par la Suite mon unique épouse, habitait là, rue Poliveau, une chambre Indépendante chez un couple ayant un enfant à garder le soir, 32 Nicolas. Dans un de ces bistrots de la rue, je ne sais plus Pour quelle raison, j'avais piqué une colère d'enfer : elle m'apprenait Quelque chose qui n'avait pas dû me plaire, alors, je me souviens, J'ai renversé volontairement sa tasse de chocolat, que Dieu me pardonne, Qui inonda son manteau, plutôt moche, mais aujourd'hui Je me dis, ce n'est pas bien de faire ça à une jeune fille, promis, Je ne recommencerai plus jamais… Faut-il encore qu'une personne Se présentât encore à moi ! Rue Geoffroy Saint Hilaire Lieu et Dieu. De ces deux mots, seule la première lettre les sépare. Cette remarque a-t-elle quelque chose à voir avec ce qui va suivre ? La mosquée de Paris. J'aime entrer dans ce jardin intérieur où est installé Un vaste salon de thé, m'y asseoir, commander un grand verre de thé à la menthe Accompagné d'un loukoums, parler avec un ami ou, si je suis seul, lire un journal Pour ne pas donner l'impression de m'ennuyer. À l'intérieur, dans le restaurant, On y va surtout l'hiver ou lorsque le jardin est complet. Il y a toujours un monde fou Installé sur des poufs orientaux devant des tables rondes en cuivre. Le garçon avec Son plateau, vous sert du thé en permanence et vous tend la carte si vous avez faim D'un bon couscous au poulet. Par association me reviennent ces images de mon enfance à Sfax. Je revois un Vieil homme assis devant la porte de sa maison voisine à la nôtre, dehors, avec Son "canoun", réchaud en terre cuite avec de bonnes braises bien chaudes à L'intérieur et une théière métallique posée sur le dessus. Inlassablement, il transvidait Le contenu de ce récipient dans un grand verre oriental et puis du verre à la théière Moult fois pour arriver à faire son thé. C'était du grand art, seulement moi, Je l'ai jamais goutté, c'est là mon plus grand regret ! Boulevard Saint-Germain Le 11 septembre 2001, avant d'aller prendre mon métro pour rentrer chez moi, Je suis passé boire un café à la Closerie des Lilas. L'après-midi, il y a peu de Monde dans les salles. Au comptoir, debout, le chanteur Renaud, pilier de l'endroit À se demander s'il n'a pas quelques accointances avec la direction, car il boit tout Le temps, et ce n'est pas du thé ou de la limonade ! Je suis attablé devant mon Décaféiné, j'entends de vagues commentaires sur l'Amérique, les tours s'écroulent, Et moi je ne me demande même pas ce qui se passe dans le monde, j'ai mon Nez dans ma tasse. Ce n'est qu'en entrant, devant mon poste de télé, que J'ouvre les yeux sur l'horreur absolue. Beaucoup d’hommes et de femmes ont trouvé satisfaction à voir les Américains en prendre plein la poire, sauf eux, qui dans les rues des Immeubles de Manhattan, ont tout fait pour sauver leur peau et ne pas Mourir ce jour-là. Les hommes sont ainsi faits, du malheur des autres, Ils aiment à s'en lécher les babines… Nous avons tous, en mémoire, ces terribles images de l'inacceptable, Mais de ces tours réduites en poussière, nous pouvions nous attendre À voir des centaines de films, de documents, retraçant la vie régnant En ces lieux avant l'attentat, curieusement, ce ne fut pas le cas. Lorsque j'emménage dans un nouvel appartement et cela m'est arrivé Très souvent depuis vingt ans, je vais me fournir, pour éclairer "mes homes", 33 En bon snob que je suis, chez Electrorama où l'on trouve tout, mais à un prix Beaucoup plus cher qu'ailleurs. Avant, je connaissais une équipe fort sympathique, Me faisant une sacrée réduction sur mes achats pour ma bonnemine, et ma Fidélité à leur maison. Seulement maintenant que j'y vais beaucoup moins, Je ne sais pas pourquoi, avec moi, ils ne sont plus pareils ! Sur le trottoir d'en face, dans une boutique clean, à la mode, un jour j'ai acheté Un plateau métallique de couleur noire de vingt-quatre centimètres sur Trente-deux, très design. Je l'utilise tous les jours que Dieu fait, et, chose Rare par les temps qui courent, il est resté intact. C'est agréable d'avoir chez Soi des objets qu'on aime, à défaut de personnes, de toute façon je n'ai pas L'intention de prendre un chat ou un chien, ça non pas question. J'aime à me concocter des repas zen sur ce plateau surtout l'été. J'y mets des coupelles de toutes les couleurs, sur le noir ça ressort bien et Surtout ça donne de l'appétit, non que j'en manque, je suis corticoïnomane, J'ai donc toujours faim, mais ces fameuses coupelles c'est plus agréable pour Se trouver en harmonie avec les autres, même si l'on sait tous les difficultés De la réalité de "l'autre", dont notre ami Sartre a fait ses choux gras… En fait de choux, ce légume m'est déconseillé pour éviter tout souci dans le Travail du transit intestinal, que maintenant, ça va mieux merci, je suis stabilisé, Je ne sais si c'est grâce à ce petit plateau noir porte-bonheur, du moins considéré Comme tel dans mon esprit, c'est bête, comme on a de drôles d'idées parfois, Mais j'assume, de toute façon je n'ai pas le choix. Donc, j'y mets, dans ces petites Assiettes, du poisson cru, habitude prise dans ces restaurants japonais qui Fleurissent partout maintenant dans notre pays, mais pas seulement, j'y ajoute Quelques légumes cuits directement dans ma Seb, des petits cubes de fromages achetés chez un vrai fromager, et des fruits lavés, coupés en petits dés pour rafraîchir, Le tout sur ce fameux plateau acheté par hasard un jour de promenade, de glandouille Aussi, un jour comme les autres, mais qui fut marqué du sceau de la bénédiction Des grands jours, cet objet en était la preuve. Mais manger, manger C'est bien, mais faut boire et pour moi boire est capital, je bois du Thé et je le veux à volonté. Alors, pourquoi attacher tant d'intérêt à des Ustensils de cuisine qu'on devrait mettre à leur juste place, sans autres Considérations à connotations affectives excessives pour ne pas dire Maladives ? Et bien, je vais vous le dire. Je pense avoir été fortement impressionné par un ami dont le rapport aux Objets était vraiment charnel. Tout trouvait entre ses doigts, par la concentration Qu'il y mettait, par l'importance qu'il donnait à chacun de ses mouvements, Une réalité matérielle très proche de l'action d'un artiste devant sa toile ou Sa sculpture. Un melon, des fruits rouges, quelques gouttes de porto, une tranche De pain… C'était un artiste sans talent pour la peinture ou la terre glaise, Mais un artiste encore plus merveilleux, tendance parfaite ménagère. On se donne parfois rendez-vous le lundi à treize heures, devant la FNAC. Il travaille dans le coin un jour par semaine et n'a qu'une heure pour déjeuner, Alors, on se voit pour casser la croûte ensemble, le reste du temps, il vit dans Une banlieue à l'opposée de la mienne. Ce moment n'est pas assez long pour Nous parler vraiment, on se téléphone beaucoup moins depuis qu'il a une copine. L'amitié c'est formidable, mais les copines c'est mieux, d'après ce que je vois ! 34 Rue Daguerre Un samedi matin, j’étais attablé à la terrasse d’une brasserie, à l’angle de la Rue Daguerre et de l’avenue qui mène à la porte d’Orléans. J’avais fait mes Courses au monoprix du coin, où j’aime aller pour changer mes habitudes. À la terrasse, en face de moi, trois hommes au soleil, discutent comme Tout le monde, plutôt que de se regarder en chien de faïence, bouche bée. L’un d’eux parlait assez fort, comme c'est souvent le cas lorsqu'on est à Plusieurs, mais, là, c’en était un qui avait de la tchatche et pour public deux Coéquipiers, dont l’un n’était pas moins que Monsieur André Glucksmann. Le sujet de la conversation tournait autour de la peinture, ce qui justifiait Que je tendisse l'oreille. Il était question des bons et des mauvais vernis et Des sales marchands qui vous vendent de la merde… Puis, il a été question De renouveler la bière. À ce moment-là, il y eu entre eux, quelques paroles Grivoises qui les ont fait rire très fort… Surtout le macaque, bien sûr ! Rue des Bernardins J'ai une chose à vous dire ayant un rapport avec cette rue, seulement, c'est enfoui Je ne sais où. Cela n'a aucune importance, sauf pour la question du pourquoi de ces Restes inutiles qui pourraient disparaître de ma mémoire pour faire place à de Nouvelles histoires, un peu comme l'on fait avec la poubelle de notre ordinateur, Mais ce n'est pas si simple, cette matière grise gélatineuse n'est pas une machine, Elle est vivante. Elle nous révèle sournoisement combien on est peu maître de Nous-mêmes, et de cela j'en ai dit deux mots à mon ami Sigmund et … J'attends toujours sa réponse. Rue de la Bièvre Mitterrand était un homme tout ce qu'il y a de plus normal. Il habitait à A Paris dans un sobre hôtel particulier, rue de la Bièvre, le reste du temps Il le passait à son bureau de l'Elysée avec parcs et jardins, cuisiniers et ministres Pour la tambouille quotidienne. Tout ce monde, mis à sa disposition à partir Du jour où il accepta cette très haute fonction de l'état, c'est à dire aussi la Plus merdique, seulement faut bien que certains se dévouent, sinon comment Ferions-nous ?… Prenons un exemple, Chirac. Si ce n'est pas une guigne D'avoir été élus plusieurs fois de suite à servir la France et qui, lorsqu'il Sera parti, recevra un coup de pied au cul, peut-être même ira-t-il en prison ? Y a pas de justice pour lui ! Le côté sacrificiel c'est terrible, ça peut vous Bouffer un homme, une nation même des fois… Moi, la politique, j'ai Mis du temps à m'y intéresser. C'était en 1974. J'avais pour métier de vendre Des appartements dans Boulogne sur Seine, à ne pas confondre avec Boulogne-sur-Mer et toutes ces sales affaires de pédophilies qui polluent Actuellement nos journaux, notre télé, etc.... Donc Mitterrand. J'enviais son talent de sacré négociateur et je me disais, S'il avait été comme moi dans l'immobilier, il aurait fait fortune et ses enfants N'auraient pas tous les problèmes qu'ils connaissent aujourd'hui, que même Leur mère est obligée de vendre ses biens pour leur venir en aide de toutes 35 Les difficultés dans lesquelles ils se sont mis parce qu'ils avaient un nom qu'ils N'ont pas choisi, un nom pas facile à porter. Conclusion : être le fils d'un Homme puissant n’est pas de tout repos, le contraire même ! Rue du Puits de l'Hermitte Le 31 décembre 1970, nous étions réunis avec des amis à "La vieille grille", Petite salle de spectacle genre café théâtre avant la lettre, qui existe encore Aujourd'hui et si vous passez par là, vous pourrez la voir. On donnait en ce Beau soir de fin d'année, une petite pièce écrite et jouée par un inconnu, Rufus, " Les quatre cents dernières". Après le spectacle, enthousiaste comme Je peux l'être parfois lorsque c'est vraiment bon, j'ai eu envie d'aller le voir Pour lui donner un conseil d'ami. Déjà j'avais cette sale habitude de me mêler De ce qui ne me regardait pas, combien mon père me l'a reproché, mais cette Fois-ci, je me suis abstenu. La raison essentielle à ce renoncement n'était nullement Dû à une gène quelconque, à un ordre moral me disant je ne sais quoi, non, mais Je ne voulais pas déranger l'assistance avec mes caprices. Que voulais-je donc Lui dire à ce pauvre Rufus, vous demandez-vous ? et là vous avez raison de Vous poser cette question. Je voulais lui dire de continuer dans cette voie Beckettienne. À l'époque, je ne connaissais pas Beckett, mais ce type d'écriture Dévoilant un intime très intime, poussant les limites des variations de l'absurde À l'extrême, c'était jouissif, comme disait Lacan. A la Vieille Grille, ce soir-là, Nous avons assisté en famille à un spectacle où un homme nous parlait de lui à La première personne, faisant une introspection très pointue. Il disait ses difficultés avec le monde et ses tares les plus secrètes, les nôtres en quelque sorte, cachées Dans le placard de nos intimités… Déjà je vouais pour la psychanalyse une passion Sans borne. Vous l'avez remarqué sans rien dire, merci c'est sympa de votre part, Alors, je voulais lui passer le message, lui dire de ne pas avoir peur d'entrer dans Cette histoire, son histoire, de s'y engager sans crainte de se noyer. Ainsi année Après année, nous viendrions voir son évolution, mais je n'y suis pas allé, et lui, Ne sachant rien de tout cela, il a pris une autre direction, Il a préféré faire le con avec d'autres, plutôt que tout seul… Rue Notre Dame de Lorette. Il y a avait une boîte de strip-tease fort connue des hommes : "La Tomate". J'ai connu la patronne, elle s'était rabattue après faillite dans un autre métier, C'est ainsi qu'elle devint ma collègue de travail, rue des Plantes. Elle avait Tenu ce lieu de la jambe légère, mais ne couchait pas avec les clients, m'a-t-elle Juré de ses grands yeux, un jour de grande déprime, car elle n’arrivait pas à Trouver un repreneur pour ce bordel qui finissait par lui coûter la peau des fesses. Moi, bonne âme, toujours près à rendre service, j’eu l’idée de demander au Directeur du théâtre de la Vielle Grille (voir au dessus), Monsieur Alézera de Venir voir cette salle pour en faire un café théâtre d’un type nouveau avec du cul… Sur place, lors de la visite, il m'avait dit avoir été très sensible qu’on ait pensé à Lui, très intéressé par mon idée géniale, mais l’affaire ne s’est pas faite pour Des raisons qui m’échappent complément aujourd'hui. Rue Labruyère (Théâtre) 36 Te souviens-tu, mon cher Jacques Audiberti, combien à Paris on t’a honoré Dans les années soixante. Maintenant, je ne sais pas s’il y a encore beaucoup De gens pour te faire la fête à nouveau. Probablement, te considèrent-ils trop Vieux, pas trop dans le coup... Les traîtres. Enfin que veux-tu, c’est ainsi, dès Qu’on meurt, il n’y a plus personne. Mais dans le fond, dans le fond de ta Tombe, tu dois, j’en suis certain, t’en foutre comme de ta première chemise, Et là, là tu n’as pas tort ! Rue Monge Personne ne pourra me le contester jamais, pas même Da Vinci Code. Je suis né de l'union d'un homme et d'une femme, mon père et ma Mère. Mon père, dans les années soixante, travaillait pour une boutique de La rue Monge, une cordonnerie spécialisée dans le domaine des pieds Orthopédiquement pas tout à fait aux normes des boutiques André, Bata Et compagnie, et comme mon père, les trucs tordus c'était sa spécialité… Il fabriquait le dessus de la chaussure que l'on appelle la tige, je vous en ai Déjà parlé au paragraphe "Rue des Rosiers". Je dois faire attention aux Répétitions, à la longue, elles peuvent décourager le lecteur. Ma mère et moi, étions chargés de livrer la marchandise que Monsieur Confectionnait à la maison, dans notre palace de trente-deux mètres carré. On y allait au moins deux fois par semaine, tu vois le genre ! "Exploitation des enfants dans les familles" qu'on Pourrait appeler cette Rubrique littéraire. Avec mon ballot sur le dos, je prenais le métro à Pont-Marie, c'était direct pour Monge. Je me demande à l'instant où je vous Parle, si ce n'est pas ça qui fut à l'origine de mes maux dorsaux … Mon père est mort, que Dieu ait son âme ! Rue Lacépède Nous avons quatorze ans, je viens te chercher chez toi, nous dévalons la rue Lacépède pour aller rejoindre les filles et jouer à la marelle sur la place de la Contrescarpe, mais il y en a une, elle est chieuse… Alors, on prend la rue Mouffetard et comme des gosses à la Doisneau, On s’amuse avec l’eau des caniveaux. Dans un esprit de confidentialité, je ne vous donnerai pas l'adresse exacte De cet immeuble où habite encore mon copain des années 66/67. Marc était Un Rimbaud magnifique, qu'aujourd'hui j'aimerai revoir, avais-je écrit un Jour, innocent que j'étais, car lorsque nous nous sommes retrouvé l'année Dernière ce fut une catastrophe, je rechercherai pour vous le compte rendu Ecrit récemment de ces retrouvailles pas terribles, des fois on ferait mieux De se recroqueviller dans son coin plutôt que de vouloir remuerles vieilles Histoires qui peuvent, avec le temps, s'être détériorées, et j'avais de surcroît écrit : Je sais que pour lui aussi le temps a passé et que sûrement nous serions déçus, J'avais tout bon, déçu, nous le fûmes tous les deux. Des Rimbaud, j'en ai rencontré dans ma vie, mais surtout, surtout dans mes Phantasmes … Que cherchais-je en eux ? Nous avions à peu près le même âge, il habitait chez ses parents, des juifs 37 Polonais. L'appartement donnait directement sur la rue, au rez-de-chaussée, C'était très sombre, il y avait une alcôve servant de coin chambre aux parents Et comme incrustée dans la pièce principale. Nous nous sommes rencontrés Lorsque, jadis, je jouai au Théâtre de la rue Mouffetard. Nous passions des Heures à discuter dans un de ces cafés de la place de la Contrescarpe, Je ne me souviens pas que nous ayons eu d'autres activités. Rue Cluny Lorsqu'on rencontre une jeune fille, il vient un moment où on n'y coupe pas, Il faut rencontrer ses parents. Et bien pour moi ce fut chez "Chouchen", restaurant Chinois aux murs tout rouge devenu maintenant le "Watt" aux murs toutgris, Un lieu de dieu pour être entre copains et y rester le temps que l'on veut. Là dedans, Tout le monde est jeunement sympas, mais revenons à nos moutons, mes Beaux parents. Repas simple avec des gens d'une gentillesse extrême. Lui était professeur d'histoire, je tremblais dans ma culotte, je ne connais rien à Ces histoires-là, n'ayant pas de mémoire, c'est pathologique, mais à l'époque Je ne le savais pas et ne pouvais le faire valoir pour me déculpabiliser, alors Je culpabilisais à mort, mais enfin j'étais jeune et beau et ça m'a aidé, surtout Vis-à-vis de ma belle-mère qui m'a tout de suite aimé. Mon mariage dura tout de même près de vingt années, un bail comme me dit Souvent Amélie (voir annexe), la Nothomb de ma vi. Avec moi, elle a parfois de L'humour, surtout lorsqu'elle ne sait pas comment occuper son temps à la maison Et qu'elle a fini d'écrire. Alors moi pour la calmer, j'invente un poème. Au bois de Noémie Sans raison ni rancœur Les fleurs du jardin Pleurent avec joie le temps Qui passe, point d'ancrage Où, aubépines et jonquilles Sourient à la face du monde Leurs inutiles clapotis. Elle me dit que je devrais laisser tomber la poésie… Rue de Poitou Je ne me souviens plus du numéro de la rue où nous avions emménagé pour La première fois en France, à Paris ? Il y avait une pièce et une grande cuisine, C'est là où je dormais dans un lit pliant avec mon oncle, près de l'évier… Il n'y avait ni ordinateur, ni internet, alors mon père pour occuper son fils, me Ramenait de son travail des paquets de buvards publicitaires. Je manipulais Cette masse de billets avec un bonheur d'enfant, ce que j'étais d'ailleurs puisque Je devais avoir huit ans à tout cassé. Ce trésor, je me le rangeais dans un grand Placard. Curieusement aujourd'hui, j'ai besoin d'avoir en réserve plusieurs Ramettes de papier blanc d'avance… On ne change en rien, Nous en reparlerons avec plaisir à la rubrique psychanalyse. Rue Le Regrattier Dans leur appartement de l'île Saint Louis, je n'y suis pas allé pour une 38 Raison simple, ils ne m'y ont jamais invité. Je ne suis pas rancunier, mais Quand même ! Ils auraient pu… C'était bien là qu’ils habitaient tous les deux Avec Sapha, leur chienne. Elle, avait été engagée, en même temps que moi en 1972 pour vendre, dans la joie et la bonne humeur, des logements neufs à Juan les Pins, à la limite de Golfe-Juan, plus exactement aux Eucalyptus, Information que je donne volontiers à l'attention des p'tits curieux, et ça, Je le sais, ils sont nombreux parmi vous actuellement, vous pouvez y aller, C'est chouette comme endroit. Le promoteur avait fait les choses en grand, Nous avions un appartement témoin magnifique donnant sur un jardin paradisiaque. Il y avait des fleurs partout et pour nous qui vivions à Paris, ça nous changeait Pas mal… Purée qu'elle était jolie cette fille ! Seulement, j'étais marié et Terriblement fidèle. Aux visiteurs, toute la journée nous offrions à boire, car Il faisait chaud dehors. Le frigo était plein à craquer de coca-cola, de jus de fruits Et de bière aussi. Pour chacun de nous, on avait mis à notre disposition un studio, Le patron nous gâtait pensant probablement à son chiffre d'affaires. À faire ce boulot, nous nous sommes beaucoup amusés, nous y passions douze Heures par jour, sans que cela ne soit désagréable. Nous étions célibataires, Je veux dire sans nos conjoints respectifs, alors tous les soirs, nous faisions la Fête dans toutes les boîtes du coin. Le succès commercial fut concluant, à tel Point qu'on me mit à la porte de l'entreprise à la fin de l'opération. Je ne me souviens plus pour quelle raison, en fait, ce n'était pas grave, les échecs, Ça oblige à passer à autre chose. Parfois, son mec venait passer un week-end Avec elle, que voulez-vous c'est un peu normal, faut pas exagérer. Il est bon, Dit-on, qu'un couple se retrouve de temps en temps pour durer... mais lui, il était Jaloux de moi. Ses bureaux étaient à Paris, au-dessus du théâtre Gramont, il n’existe Plus maintenant, une cordonnerie a pris sa place, tu t'en fous, d'accord. La mission de Juan les Pins dura quatre mois. Monsieur Jean Bardin, animateur TV vachement Connu des années soixante, en commun accord avec notre promoteur patron, avait Donné à cette jeune femme un pseudonyme : dorénavant elle s’appellerait Françoise Aubry pour la radio et la télévision Monte-Carlo… Alors, évidemment avec tous ces Spots publicitaires, il y eut foule dans le bureau de vente, nous étions débordés, mais Heureusement, nous avions la chienne Sapha qui nous tenait compagnie. Place de la Bastille Jamais personne ne m'a proposé de monter la Bastille, Splendide colonne phallique et lieu de tous les rendez-vous, Galants ou militants. Maintenant, il est trop tard, je n'aurai Plus la force de grimper toutes ces marches à pied, à moins Qu'ils n'installent un jour l'ascenseur… Avant, à la place de l'Opéra de la Bastille, il y avait une gare. Elle nous amenait à la plage bleue, je ne me souviens pas y avoir Été personnellement, mais mes parents oui, ils y sont allés, l'été Évidemment. Entre pauvres, ils en parlaient beaucoup de ces Journées faciles à organiser. Dans un panier, ils mettaient quelques Tomates, des œufs durs, du pain frais, parfois un poulet cuit et des Fruits. Alors, ils allaient à cette plage, à défaut d'aller voir la mer. Le trajet Paris-Trouville étant trop cher pour eux, et puis, ça ne se Faisait pas à l'époque de consacrer tant d'argent pour une seule journée De plaisir. Plus tard, ils avaient pris l'habitude de louer chez madame 39 Je ne sais plus son nom, une usurière pas possible, une chambre pour Six personnes avec un coin-cuisine et un lavabo pour se laver les pieds Du sable de la plage qu'on avait partout. Margueritte Duras, où étiez-vous en ce temps-là ? Après, la gare de la Bastille s’est transformée en lieu d'expositions. Nous y sommes allés quelquefois avec la famille que je m'étais Construite par moi-même, dès les premières manifestations écolos de "Marjolaine". J'étais très attiré par le végétarisme, ma femme, pas du Tout ! Nous aimions le côté soixante-huitard, le désordre, les bonnes Petites choses à manger, les galettes de légumes et les gâteaux Au chocolat. Ils militaient pour des tas de causes nouvelles, Aujourd'hui, c'est notre quotidien, la récup. des bouteilles Plastiques, des vieux journaux… Rue de Lutèce La Cité. Que ce soit pour avoir vos papiers ou pour les renouveler, Si vous êtes étrangers, vous devez faire la queue à la Cité. Ensuite, Vous aurez une salope qui vous dira qu'il manque un document à Votre dossier. Il faudra donc revenir et refaire la queue. Boulevard Sébastopol Pour le peintre abstrait que je suis, ce souvenir de la fin des années cinquante M'impressionne pas mal. Il se passe dans ma mémoire à l'angle de ce boulevard Et de celui de Saint Denis. Sur le trottoir, de nombreux artistes peignaient le Paris des touristes, ses rues, ses immeubles, ses voitures, ses gens. Petit garçon, J'observais leur travail. Ils ébauchaient de quelques couleurs les grandes lignes De leur tableau. Je me disais qu'ils devraient s'arrêter là. Probablement n'étaient-ils Pas conscients que cela puisse suffire à nous laisser imaginer la suite. Beaucoup Plus tard, l'art contemporain est venu et m'a happé, mais bizarre est cette Impression de gosse... Comme quoi tout se tient ! Boulevardde Strasbourg (Théâtre) Delphine Seyrig entre en scène. C’est fini, il n’y a plus qu’elle. Le temps s’arrête pour je ne sais combien de temps. Je suis ébloui par cette femme, amie de Margueritte Duras. J'étais assis tout en haut, dans l’amphithéâtre du théâtre Antoine. Elle joue "Se trouver". Sa présence décape la solitude universelle des Hommes, c’est la seule femme au monde à pouvoir faire ça. La vie Bascule. Luigi Pirandello devait bander dans sa tombe, moi pas, J’étais paralysé. Après le spectacle, je suis resté cloué devant la Porte de sortie des artistes, je m’en souviens bien, je ne savais quoi faire. L’attendre pour lui parler, mais lui dire quoi, quels mots, après tous Ceux qu’elle venait de nous donner pendant deux heures ? Je me souviendrais toujours de cette entrée en scène, la première, de cette Apparition sur ce praticable. Sa voix rauque, sa beauté si particulière, Resteront gravées dans ma mémoire comme le symbole du divin en art. 40 Boulevard Bourdon Au début, pour gagner ma vie, il m'a fallu travailler. J'ai fait du porte à Porte, pourquoi en aurais-je honte aujourd'hui ? je l'ai fait et je le dis. Donc, dans un de ces immeubles des années soixante, putain c'est toujours Cette période qui revient à la surface de ma mémoire, j'ai frappé aux portes Pour vendre des frigos et des machines à laver le linge et la vaisselle, vous En ai-je déjà parlé ? C'était l'époque de la démocratisation du confort pour Tous, on vendait tout à crédit, les gens étaient heureux, ils achetaient, ils Achetaient… Maintenant c'est différent, tu as Darty, pas de problèmes, tu N'as plus personne pour te déranger dans ton immeuble, avec les digicodes, La prospection est devenue un métier fini. J'y avais quelques clients fidèles et J'y allais souvent. Plus de deux cents portes à frapper, il y avait de quoi faire, En plus, c'était à deux pas de chez moi, alors plutôt que de jouer au flipper, Là au moins, je sortais des bons de commande et donc un p'tit salaire. Un jour, j'ai du mal à faire cet aveu, je voulais faire carrière dans la prise de Photos de bébés à domicile. Après les frigos et les machines à laver, la photo M'apparaissait aller de soi…Mais en fait, c'en était trop. Alors, Je n'ai pas insisté, j'ai su faire ce virage capital, j'ai tout laissé tombé et Me suis prostitué, pour garder le moral et ne pas avoir le Bourdon. Boulevard Beaumarchais Ce café, si vous ne le connaissez pas, vous passerez devant sans même Le remarquer, mais si par hasard vous y entrez, n'hésitez pas, traversez le Comptoir, allez au fond de la pièce, poussez une porte branlante et accédez À la salle de billard. Là, avec mon copain William, nous avons fait des Centaines de parties dans cet endroit glauque et nous sommes devenus avec Le temps et la ténacité, des champions en tapis vert en version trois boules, On finissait par gagner des parties même contre d'autres joueurs encore Plus expérimentés que nous. Nous étions alors contents, Contents comme des chats contents. Rue Charles V Nous y sommes tous allés en délégation, entre midi et quatorze heures, Voir le studio qu'Adly avait l'intention d'acheter pour investissement Personnel à un promoteur, amant fiévreux de notre collègue Evelyne, Une bombe sexuelle, une Bardot-bis, que même un soir notre patron a Voulu en profiter le cochon. Nous travaillions alors tous dans une agence Immobilière située à Bourg la Reine et formions une sacrée équipe, très Dynamique, très bons vendeurs, très jeunes aussi, sauf Adly la pauvre, et Toujours prêts à sabler le champagne à la première occasion, surtout le Samedi soir, après les signatures des promesses de vente. Nous éprouvons du plaisir à nous rappeler des souvenirs anciens, pensant Ce temps là meilleur que celui d'aujourd'hui. Il n'en est rien, la bonne raison De ce plaisir relève plutôt de cette évidence : nous étions beaucoup plus jeunes Et c'est probablement cela qui nous attire le plus. 41 Rue Notre Dame des Champs La première fois, c'était chez son frère, à l'angle de cette rue et de la Place, près du théâtre. Comme c'est charmant les premières fois. Toujours ce côté nouveau, cette excitation, cette curiosité de savoir Comment cela se passera et malgré toutes les expériences d'hier et D'avant-hier, on reste un gamin tout neuf, tout nouveau comme si rien N'avait été vécu avant ce jour-là, ce moment palpitant : la monté de L'escalier où nous passerons une nuit ensemble. À chaque fois, lorsque Je passe devant cet immeuble, je pense à ça. Ma mémoire ne pourrait-elle Pas, au moins pour cet événement, somme toute anecdotique, passer son Chemin l'esprit libre ? Non, nous sommes ainsi faits, faits comme desrats, Nous avons une corbeille pleine de millions d'images fixées à tout jamais Dans cette matière déjà qualifiée de gluante, gluante puisque vivante. Boulevard du Montparnasse La coupole est un restaurant où j'allais régulièrement. J'en avais fait Ma cantine lorsque, devenu célibataire après ma séparation, je n'avais pas Envie d'aller manger tout seul dans mon studio de la rue du Cherche Midi, Qui me servait soit à dormir soit à autre chose. En 1990, la direction avait Accepté d'accrocher mes tableaux sur les murs de ce lieu mythique et pendant Quelques semaines, j'ai vu mes toiles régner là, entre les merlans-frites et les Succulents milles feuilles. Il croisa ce jeune SDF, installé depuis quelques mois à cet endroit-là, Près du tabac, sur la grille de la bouche du métro, peut-être l’avez-vous Remarqué et lui avez donné la pièce ou la parole qui remonte le moral, Ou rien du tout, que voulez-vous il y a tellement de gens comme lui Dans la rue actuellement…. Le jeune homme l’appelait souvent Monsieur le Professeur. Ils se connaissent et avaient eu déjà de bonnes conversations Ensemble, car c'est comme ça avec lui, les conversations sont Toujours de qualité . Ils dirent à peu près les mêmes choses que Les fois précédentes. Quoique, pas tout à fait. Il insista cette fois-ci Sur le rôle social qu’il pouvait avoir, lui le SDF, sur les gens qui Passent et lui adressent la parole : peut-être sont-ils eux aussi en Manque, avec un besoin de parler, de communiquer ? L’homme jeune lui demanda s’il croyait en Dieu. Lui, il y croyait et dit que s’il était là, dans la rue, Même la nuit, c’est que le seigneur l’a voulu ainsi, Que c’était dans la souffrance qu’on se réalisait… Le Christ ne fut pas évoqué à cette occasion. Il rentra chez lui malheureux de n'avoir pu faire mieux. Ah, comme il aurait voulu voir tous ces hommes et femmes sortir De la misère. Il trouvait que l'état n'assumait pas sa fonction D'assistance à personnes en danger... Pourquoi était-il si révolté des souffrances des autres ? N'avait-il pas assez des siennes, l'obligeant en permanence à faire 42 Des choix drastiques sur ses activités, ses frustrations ? Rue Saint Fiacre Mon père avait pour patrons deux associés d'une entreprise De vêtements de cuir. Ils y ont laissé leurs peaux, tellement Ils ont travaillé. Lui, mon père, le travail, il le faisait, Mais juste ce qu'il fallait pour vivre et jouer au bridge, c'était Pas le genre à mettre de l'argent de côté où à se constituer un Patrimoine immobilier, comme ses enfants l'ont fait plus tard. Rue Saint Fiacre, maman et moi, toujours les mêmes, nous y allions Livrer les pièces comme d'hab… et, curieusement, je ne me souviens Pas si nous prenions un taxi ou si nous y allions en bus ou en métro. De ses amis, il était arrivé à s'en faire des amis. Il y avait Marc, un petit Gros et l'autre dont le nom m'échappe, petit et maigre. Ils passaient au Moins trois soirées à jouer dans un club de bridge au métro Étoile. Ce qui m'a toujours surpris, c'est que mon père étant pauvre, avait des Amis très riches. Il a toujours aimé ça… Être pauvre, était sa jouissance. Pourquoi ? A quoi cela correspondait dans sa tête de champion de cartes ? Et bien ce soir, avec votre permission, j'en resterai là, mais tout de même Il faudra bien qu'un jour, j'essaye de comprendre. Rue du Docteur Goujon Mon père tenait une boutique de vêtements de peaux à cet endroit-là. Il était au départ cordonnier, puis il improvisa comme il a pu, tout au long De son existence, d'ailleurs, je vous en ai déjà parlé, rue du Mont Thabor, Mais je sais, je sais, vous ne retenez rien de ce que je vous raconte, à se Demander pourquoi je me donne autant de mal. Alors donc, mon père un Jour, comme tous les hommes, à l'occasion de sa deuxième puberté, trompa Ma mère avec son ouvrière travaillant avec lui durant huit heures d'affiliées Par jour et souvent six jours par semaine, jamais il n'aima autant le travail Que pendant ce temps-là sauf que, je ne sais à la suite de quoi, il décida de Partir avec elle en Italie, probablement à Venise, car Venise c'est bon pour Ça et il nous laissa, nous, toute la famille, avec la boutique sur les bras. Maman prit les rênes et moi la machine à coudre pour confectionner, c'est Con d'avoir des souvenirs aussi dégradants, mais enfin c'est la réalité toute Crue de la vie, alors n'ayons pas de gênes, écrivons comme ça vient, pour la Première fois de ma vie, je cousais avec sa machine, Lacan tait-toi, laisse-moi Continuer sinon je vais craquer. Je cousais des morceaux de cuir en Patchworks pour faire des housses de coussins que l'on mettait en devanture Pour les vendre quatre sous. Heureusement, Venise n'a duré qu'un temps et il Revint, comme c'est souvent le cas avec les hommes en général, et reprit ses Affaires, mais pas pour très longtemps. Il décida de jeter sa femme de la maison Et la remplaça par la nouvelle, histoire d'occuper son temps et d'attendre Tranquillement le jugement dernier qui n’arriva pas tout de suite, mais arriva Quand même. C'était à l'Hôpital de la Salpétrière, j'avais bien voulu y aller, Mais j'étais resté dans le couloir à jacter avec mon frère, car les morts à Vrai dire ce n'est pas mon fort, mais pas mon fort du tout. 43 Quai François-Mauriac Hier, j'ai eu envie de sortir de mon home douillet personnel pour aller de Ma banlieue, quelque part dans Paris, ville dont le poète disait, elle se Donne toute, si on sait la prendre avec calme et sérénité, si on reste zen. Bon, d'accord, seulement, vous voulez en savoir plus sur le programme de Ma journée et je ne vois rien qui puisse empêcher les confidences qui vont Suivre, sinon ma tendance toute naturelle à prendre de la distance face aux Choses de la vie courante, mais puisqu'en ces lieux tout est permis et Qu'entre nous, il n'y a aucune raison de faire tout un ramdam pour si peu, Comme me le disait Amélie l'autre jour lors d'une promenade dans une rue Dont le nom m'échappe pour l'instant. Me voilà donc à la Bibliothèque de François Mitterrand, homme mort bêtement, je ne sais à quelle occasion ! Au MK2, je prends l'escalator avec une méfiance au ventre, je suis claustro. J'ai peur de paniquer, d'avoir ce qu'on appelle un scénario catastrophe … J'essaye de contenir cette tension qui fait monter l'angoisse. J'entre dans la Salle trois, le film commence heureusement, ça calme ! Par hasard, j'avais Décidé pour : "Un voyage en Arménie" de Robert Guédiguian. Dès les premières images, une idée récurrente, obsédante, vient prendre place À côté de moi comme un critique roncheux et malveillant, je me trouve face À une glace me reflétant l'aspect sombre d'un moi-même ne me lâchant plus D'une semelle. Je ne supporte plus de voir des acteurs. C'est gênant me dites-vous, Car sans eux il n'y a plus de cinéma, c'est clair, mais cela est ma vérité à moi. Les Depadieux, les Deneuves et compagnies, ratatinés ou pas, j'en ai ras le bol, Mais l'idée fixe, le virus en moi, est plus prosaïque, elle relève de l'inexorable Question du cinéma et de son rapport à l'argent, encore lui, toujours lui, Partout dans tous les arts, l'art et l'argent, plus terrifiant encore, l'art c'est L'expression du pouvoir de l'argent, du pouvoir par l'argent... Cette question ne sera jamais résolue ni par moi ni par personne et c'est donc Indépendamment de ma volonté qu'elle vient à mon esprit, quelquefois Malade de ces titilleries inutiles et usant pour la santé. Et là, dans ce film, dès le début, il y a plein de comédiens déjà vus ailleurs Dans d'autres histoires auquel je n'ai rien à foutre, envie de partir, de quitter La salle tout de suite, seulement voilà, des gens sont installés près de moi Et pour m'échapper, il faudrait les déranger et ça, Madame, ce n'est pas bien Voyez-vous, faut être correct. Votre obligé est donc resté assis, à attendre la Fin, il a dû patienter éveillé, car il n'avait pas sommeil, puis, comme Zorro Dans certains films anciens, tout à coup une fille, une enfant de je ne sais plus Quel pays de là-bas, sort de l'écran et vient par son regard, son jeu, nous Poignarder en plein cœur. Pour elle, pour le merveilleux voyage qu'elle nous Offre là, il ne faut pas hésiter un seul instant… Faut y aller. Je parle, je parle, et en attendant, je n'ai pas dévoilé mon idée fixe. Alors la Voilà toute horrible, méchante et résumée en quelques lignes. Lorsque nous Allons au cinéma, nous ne pensons pas à cette évidence : "Sans argent, tu ne Fais pas un film". Ce dictat, vous pouvez l'attribuer à tous les arts, à peu près : Sans argent tu ne peux rien faire, tu n'es rien. Il est le Dieu de tout et ça, tout 44 Le monde l'a intégré, accepté et personne ne bouge. En sortant du cinéma, j'étais content d'avoir vu un beau film commercial de Merde qui aurait pu être un chef d'œuvre, s'il n'y avait cette question du Comment montrer un film intéressant au plus grand nombre. Vous voyez, les idées obsessionnelles fonctionnent ainsi. On tourne autour Sans concession, on ne lâche pas prise facilement. Faut vite passer à autre chose, Briser, casser l'engrenage dans lequel on est sinon c'est l'engouffrement assuré. Heureusement, dans le hall, j'étais accoudé sur ce balustre donnant sur deux Jeunes adolescents se bécotant, non sur un ban public, car ils savaient la chose Éculée, mais dans un de ces doubles-fauteuils-rouge signés MK2, mis exprès à Leur intention par un directeur pervers, et moi, moi, j'avais un appareil photo Dans ma poche de pantalon rétro, acheté rue de l'Ancienne Comédie. Avec mon Outil à la main, je les ai regardés en face et eux firent de même. Il y eut un certain Regard complice entre nous, alors j'ai demandé l'autorisation de les prendre, ils Ont accepté et j'ai par-devers moi de magnifiques images d'eux, que je garde en Secret et ne peux donc vous les montrer, car je l'ai promis, je ne les divulguerai Nulle part, pas même à vous. Bon ! Seulement il est treize heures et c'est le moment de déjeuner. Ça tombe bien, Sur place il y a ce qu'il faut, je choisis le restaurant le plus "clin" de la dalle BNF. Je m'assois et trouve sur la carte un plat mangeable entrant dans le cadre de mon Régime. Un monsieur et une dame sont installés à ma droite. Ils donnent l'impression D'être amants comme Duras l'a été en son temps, mais là il y avait deux gosses, Ceux de la femme, pas ceux de l'homme, ça crève les yeux ! C'est toujours chiant ces témoins encombrants d'histoires anciennes qui vous Pompent toute votre énergie à faire la vie pas possible à ce "nouveau" que vous Aimez présentement, peut-être pas pour toujours, mais enfin, il a l'avantage d'être Là, lui, à vous tenir la main, assis tout près de vous sur cette banquette, on se sent Comme transporté … Ça fait du bien, surtout quand on n'a plus vingt ans… Et les gosses en face, à vous regarder, à vous juger pire que Dieu ne pourrait Le faire, mais il est vrai, c'est fou comme on peut souffrir quand on est gosse ! L'homme profita de l'absence de sa maîtresse, partie faire un p'tit tour au sous-sol, Pour régler son compte au plus grand, lui jetant à la figure des tas de mots, Humainement inacceptables. Que croyez-vous que ce genre de comportement de la part d'adultes puisse Produire dans l'âme d'un jeune, avec sa sensibilité, son trauma dû à ces vies multiples À facettes variables, subies plus que choisies ? Croyez-moi, de la haine en réserve, Beaucoup de haine, et comme nous sommes dans un complexe de cinémas, Il n'est pas inutile de rappeler cette question de la violence des films Projetés à tout berzingue, tous écrans confondus, mais là, restons vigilants, Nous ne sommes pas loin de la question de départ, celle de la puissance de L'argent, de la toute puissance des Américains... Bref, ça revient, l'obsession ne me quitte pas. Mais attendez ce n'est pas tout, je commence à peine à manger mes frites sans sel, Que deux hommes s'assoient à ma gauche et commencent à jacter assez fort pour Être entendu de toute la salle et comme j'étais aux premières loges, je ne pu faire Autrement que d'entendre leurs paroles venant tristement alimenter ma névrose. L'homme assis sur la banquette dit avoir reçu une commande. Écrire trois livres De toute urgence pour une riche milliardaire qui a de l'argent à ne savoir qu'en 45 Faire et doit se rendre, pour ce travail, là-bas dans son palais, en Grèce… Déjà, Tu vois le bonhomme auquel tu as à faire, la grande gueule. Ilva pendant tout Le temps du repas, parler de tous ses bouquins faits ou à faire, citer des noms de Photographes, de journalistes, tous prestigieux pour se gloser le fond de la luette… Tu parles qu'est-ce que j'en ai à foutre de tes conneries… Bref, j'étais tout seul, J'avais bientôt fini mon repas. Par chance la jeune fille me servant, paraissait Beaucoup plus sympa qu'eux, elle était de la banlieue… Alors, Je lui ai laissé un bon pourboire en lui parlant aimablement, mais très fort. Rue de Charenton Il me faudrait consacrer moins de temps à certains évènements inutiles et En passer plus à provoquer ma mémoire lorsque j'ai envie de me promener à Amsterdam, à Florence, à Lille ou à Bordeaux. Devoir et de parler à untel, Unetelle, personnes vivantes ou non. Je pourrais donc à tout moment, lorsque La volonté l'aura décidé, de faire intervenir cet outil en moi, ma mémoire … Seulement, soyons lucides, je crains fort qu'il s'agisse là encore, d'une idée Symptomatique, d'une fuite en avant… Alors, la rue de Charenton ? J'y ai vécu quelques années, j'ai failli écrire heureuses. Le bonheur se comptant En p'tits moments et non en années, il m'est difficile de dire si c'était le cas. Quand j'y vais maintenant et ça m'arrive quelques fois, est-ce par nostalgie ? Pourtant, la nostalgie n'est pas mon fort. La dernière fois, j'y ai pris des photos Dont quelques unes dans un bistrot donnant sur le métro Dugommier. Muni de mon Sony Cybert-shot, je prends le carrefour, les passants, le Monoprix, Je joue avec la réverbération de la glace me séparant du trottoir pour réaliser une Photo géniale, mais pas de bol, de cet endroit je n'ai rien eu d'intéressant. Une fois entré à la maison, tout est passé à la poubelle de mon iMac. Seulement, quelques instants avant, j'avais avec moi, la bénédiction en Personne, dans cette cour magique où je vécus avec ma petite famille, les toutes Premières années de notre mariage… Avant d'aller plus loin dans cette introspection Et pour mieux comprendre l'animal qui vous parle, sachez au moins une chose : Pour des raisons de santé et par voie de conséquence de manque de confiance En moi, je ne voyage quasiment presque plus aujourd'hui. Alors, me rendre à Paris c'est ma façon d'aller voir ailleurs, souvent dans des Quartiers connus afin ne pas être trop dépaysé, généralement dans la partie Sud de Paris et ne pas m'éloigner de mon fief : la Roseraie de l'Hay … Quel sens a ce tourisme douteux, à quoi je m'accroche ? … Dans ce majestueux 225 de la rue de Charenton, j'ai fait de belles photos Avec ses tonneaux de vin, servant depuis des lustres de réceptacles à des Arbustes datant du temps où je n'étais pas encore né. J'ai croisé un homme habitant l'escalier F, celui là même où nous avons vécu. Il logeait au dernier étage alors que nous, nous étions au rez-de-chaussée. Comme Nous avons sympathisé un peu, il me fit part d'un problème qu'ils avaient dans la Copropriété : des carrières se trouvent sous les bâtiments et il faut les combler de Béton, et ça, ça coûte très cher, un pur bordel pour le porte-monnaie.. De cette question, je crois bien en avoir eu écho lors de l'achat de notre appartement En 1968, mais heureusement, nous quittâmes les lieux bien avant l'arrivée de ces Travaux ruineux. Sinon, m'a-t-il dit, l'immeuble est très bien, nous sommes très Contents de vivre là, c'est calme, mais regardez, il y a plein de fissures partout, C'est lorsqu'ils ont construit tous ces nouveaux immeubles aux alentours, alors Évidemment, ça a fait bouger l'ensemble du quartier.