É D I T O R I A L La thérapie de la maladie de Parkinson par GDNF est-elle une thérapie du futur ? Is GDNF therapy for Parkinson’s disease the therapy of the future ? ● M. Savasta, C. Carcenac* e traitement de la maladie de Parkinson (MP) par le Glial cell line-Derived Neuro t rophic Factor (GDNF) a-t-il un avenir réaliste ? Sur la base de récentes données expérimentales et cliniques, on serait tenté de répondre à cette question par l’affirmative. Toutefois, cette réponse doit être nuancée sur la base de quelques interrogations qui concernent le mode et le moment opportun de l’administration de ce facteur neurotrophique au patient parkinsonien. On sait que la MP est une affection neurodégénérative caractérisée par la destruction progressive des neurones dopaminerg i q u e s (DA) nigro-striés et que l’étiologie de cette maladie reste encore, à ce jour, inconnue. De même, les traitements substitutifs (par administration de L-dopa) et plus récemment neurochirurgicaux (par stimulation cérébrale profonde) ont des effets fonctionnels extrêmement bénéfiques qui soulagent le malade, voire lui rendent son état fonctionnel quasi normal. Cependant, en dépit de ces traitements, la maladie progresse invariablement et aucune de ces approches thérapeutiques, tout aussi efficaces qu’elles soient sur le plan symptomatique, ne s’est révélée être à ce jour neuroprotectrice vis-à-vis des neurones DA épargnés par la maladie. De ce fait, ces dernières années ont vu l’émergence d’une nouvelle stratégie thérapeutique visant à stabiliser et/ou compenser, chez le malade, la perte des terminaisons DA nigro-striées en induisant à leur niveau une réinnervation DA “réparatrice” fonctionnelle, par le biais d’un bourgeonnement axonal. La transmission DA, ainsi restaurée, aurait l’avantage d’une fonctionnalité DA réglée par l’activité neuronale endogène. En effet, la délivrance de DA exogène administrée par voie générale, dans le cas d’un traitement à la L-dopa, est rythmée par l’administration orale et ne suit pas la dynamique physiologique de la sécrétion endogène du neurotransmetteur, ce qui explique l’origine des fluctuations motrices rythmées par la dopathérapie. Cette remarque est également valable pour les cellules exprimant de la DA greffées dans le striatum, que ce soient des neurones embryonnaires ou des lignées cellulaires capables de produire de la DA et qui ne disposent pas de capacités de régulation de leur activité comparables à celles des neurones DA d’origine, inclus dans un réseau neuronal adapté. C’est pourquoi une réinnervation fonctionnelle effectuée à partir des neurones DA endogènes est sans aucun doute une L * Laboratoire de neurochimie et de neuroplasticité fonctionnelles, JE MRNT 2414, université Joseph-Fourier, INSERM IFR N°1, département de neurologie, CHU Grenoble. La Lettre du Neurologue - n° 5 - vol. VIII - mai 2004 stratégie pertinente. De plus, les données concernant la dynamique temporelle de la dénervation DA chez le patient parkinsonien et les adaptations fonctionnelles qui existent au sein des neurones DA restants montrent qu’il n’est pas nécessaire que l’innervation DA soit complète pour demeurer asymptomatique : l e s symptômes moteurs semblent n’apparaître que lorsque plus de 60 % au moins, en moyenne, des neurones DA ont disparu. Ainsi, une réinnervation, même incomplète, permettrait de restaurer une fonctionnalité DA suffisante chez le malade parkinsonien. Dans le cas de la MP, de telles potentialités thérapeutiques, fondées sur la “réinnervation réparatrice” du système DA, reposent essentiellement sur les propriétés du GDNF, dont le gène a été cloné par Lin et al. en 1993. On sait depuis plusieurs années, grâce à des expériences de culture cellulaire, que ce facteur neurotrophique est capable de stimuler la croissance des neurones DA mésencéphaliques. Malheureusement, le GDNF n’étant pas capable de franchir la barrière hémato-encéphalique, la seule possibilité de l’administrer reste la voie intracérébrale. C’est ainsi que plusieurs stratégies (injection intermittente, infusion continue grâce à des mini-pompes, relargage par des cellules génétiquement transformées et encapsulées ou encore transfection du gène codant pour le GDNF via des vecteurs viraux directement injectés dans le tissu cérébral) ont été élaborées. Il a été montré, sur diff é r e n t s modèles animaux de la MP (rat traité à la 6-hydroxydopamine, souris ou primate non humain traités par injection de 1-méthyl4-phényl-1-2-3-6-tétrahydropyridine [MPTP]) que le GDNF induisait un effet protecteur et régénérateur sur les neurones DA nigrostriés lésés expérimentalement ainsi qu’une réduction significative, chez le singe MPTP, des principaux symptômes moteurs parkinsoniens. Ces résultats expérimentaux encourageants ont logiquement conduit à des premiers essais cliniques réalisés chez des patients parkinsoniens, chez lesquels le GDNF était mensuellement injecté sous forme de bolus au niveau des ventricules cérébraux. Cependant, et probablement à cause d’une concentration insuff isante de GDNF, liée à sa dispersion dans le liquide céphalorachidien, aucun effet bénéfique n’a pu être observé sur le plan clinique. Afin de pallier en partie ces problèmes de concentration, et grâce aux stratégies de thérapie génique, le gène du GDNF a été introduit dans un lentivirus (lenti-GDNF), afin de transfecter le tissu cérébral cible et d’obtenir une expression durable et suffisante de ce facteur neurotrophique. Les premières expériences, réalisées sur des souris puis chez le singe traité au MPTP, ont montré effectivement que l’expression du GDNF persistait 131 É D I T O R I jusqu’à 6 mois dans le parenchyme cérébral et protégeait les neurones DA des effets délétères du MPTP. Ainsi, trois mois après l’injection par voie intraventriculaire de lenti-GDNF dans la substance noire (SN) et dans le striatum, il a été observé une disparition complète des déficits moteurs, une préservation quasi complète des neurones DA dans la SN et des terminaisons DA dans le striatum, dont la fonctionnalité était démontrée par des expériences de recapture de la 18-fluorodopa. Cependant, bien que très efficaces chez le primate, l’alternative de la thérapie génique et l’utilisation de vecteurs viraux, restent encore, à ce jour, inappropriées chez l’homme car des études complémentaires sont nécessaires pour en vérifier l’innocuité. L’étude clinique de phase I publiée en 2003 dans Nature Medecine par Gill et al. montre clairement que l’administration continue de GDNF à l’aide de pompes au niveau du putamen postérodorsal chez des patients parkinsoniens est bien tolérée jusqu’à un an et conduit à une augmentation significative du stockage de la DA au niveau du putamen. De plus, sur le plan clinique, une réduction significative des dyskinésies et une amélioration de l’odorat, du goût et de la sexualité chez certains patients ont pu être observées, bien que le mode d’action du GDNF à ce niveau reste encore inexpliqué. Même si l’étude de Gill et de ses collaborateurs représente une démonstration convaincante de l’efficacité thérapeutique du GDNF, il semble toutefois difficile d’envisager l’implantation de pompe à GDNF à demeure chez les patients parkinsoniens de façon confortable. En effet, l’utilisation d’un système mécanique pour sa libération est soumise à des risques potentiels lors de l’implantation, des risques d’infection et une d i ffusion limitée de la substance active de l’extrémité du cathé- ✂ O A L ter vers la cible. C’est pourquoi la question du mode d’administration du GDNF reste ouverte et laisse penser que la voie de la thérapie génique et le développement des vecteurs viraux libérant du GDNF représentent certainement la stratégie thérapeutique du futur… encore faudra-t-il s’assurer de son innocuité chez l’être humain. De plus, personne ne sait aujourd’hui si les effets obtenus chez le primate par thérapie génique pourront être reproduits chez l’humain, puisque les mécanismes et les causes de la MP humaine restent inconnus. Enfin, et parallèlement au mode d’administration, une autre question à résoudre sera celle du moment opportun pour débuter l’administration de GDNF afin ■ d’obtenir un effet clinique bénéfique optimal. P O U R E N S A V O I R P L U S . . . ■ Bjorklund A, Rosenblad C, Winkler C et al. Studies on neuroprotective and regenerative effects of GDNF in a partial lesion model of Parkinson’s disease 1997. Neurobiol Dis;4:186-200. ■ Bjorklund A, Kirik D, Rosenblad C et al. Towards a neuroprotective gene therapy for Parkinson’s disease: use of adenovirus, AAV and lentivirus vectors for gene transfer of GDNF to the nigrostriatal system in the rat Parkinson model. Brain Res 2000;886:82-98. ■ Gash DM, Zhang Z, Ovadia A et al. Functionnal recovery in parkinsonian mon keys treated with GDNF. Nature 1996;380:252-5. ■ Kordower JH, Emborg ME, Bloch J et al. Neurodegeneration prevented by len tiviral vector delivery of GDNF in primate models of Parkinson’s disease. Science 2000;290:767-73. ■ Gill SS, Patel NK, Hotton GR et al. Direct brain infusion of glial cell line-derived neurotrophic factor in Parkinson disease. Nature Medicine 2003;9:589-95. ■ Lin LF, Doherty DH, Lile JD, Bektesh S, Collins F. GDNF: a glial cell line-derived neurotrophic factor for midbrain dopaminergic neurons. Science 1993;260(5111): 1130-2. À découper ou à photocopier UI, JE M’ABONNE AU MENSUEL La Lettre ET À SES SUPPLÉMENTS Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ................................................................................. ABONNEMENT : 1 an ÉTRANGER (AUTRE FRANCE/DOM-TOM/EUROPE ❐ ❐ ❐ à l’attention de .............................................................................. ❐ ❐ ❐ 145 E collectivités 116 E particuliers 73 E étudiants* *joindre la photocopie de la carte ❏ Particulier ou étudiant M., Mme, Mlle ................................................................................ Prénom .......................................................................................... 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