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N° 55
Quel bilan devant un possible lymphome primitif
du système nerveux central ?
Sous la responsabilité de leurs auteurs
Quel bilan devant un possible lymphome primitif
du système nerveux central ?
A. Benouaich-Amiel, K. Hoang-Xuan
(Service de neuro-oncologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
L
d’organe, etc.), la majorité des cas surviennent chez des
patients apparemment immunocompétents. Malgré un
grand polymorphisme radiologique, la présentation clinicoradiologique permet le plus souvent d’évoquer le diagnostic
de LPSNC (figure 1).
La démarche diagnostique devra alors se concentrer sur trois
points (figure 2) :
– confirmer le diagnostic de lymphome cérébral ;
– rechercher une éventuelle immunodépression favorisante ;
– documenter le caractère primitif du lymphome cérébral.
es lymphomes primitifs du système nerveux central
(LPSNC) représentent 5 % des tumeurs cérébrales. Ils
se définissent par une atteinte exclusive du système
nerveux central (SNC) [parenchyme cérébral essentiellement, mais aussi œil, moelle épinière et méninges]. S’ils sont
favorisés de manière considérable par l’existence d’une
immunodépression (sida, patients porteurs d’une greffe
Fiche à détacher et à archiver
Figure 1. IRM, séquence T1
avec gadolinium.
Lésion périventriculaire envahissant
le corps calleux, prenant le contraste
de façon homogène.
Aspect évocateur de lymphome
cérébral. Diagnostic confirmé
par une biopsie cérébrale.
Établir le diagnostic
Biopsie cérébrale
Deux points sont importants.
✔ Le diagnostic repose sur un examen anatomopathologique
obtenu le plus souvent par une biopsie cérébrale. Le diagnostic
morphologique doit être conforté par une immunohistochimie
Suspicion clinico-radiologique de LPSNC
Éviter corticothérapie
Bilan diagnostique extension SNC
Fond d’œil
lampe à fente
Normal
Ponction lombaire
Uvéite
Biopsie vitré
Chercher lymphome systémique
Chercher immunodépression
NFS et RT
± BOM
± TDM TAP
± écho testiculaire
Sérologie VIH
Traitement chimio/RT
Corticoïdes
+
c lymphome
–
+
c lymphome
Diagnostic positif
de LPSNC
+
–
Recherche PCR EBV
dans le LCR
Clonalité IP
Clonalité IL-10
Biopsie cérébrale
Biopsie négative
Absence de diagnostic formel :
discuter le traitement au cas par cas
Figure 2. Démarche devant une suspicion de LPSNC. LPSNC : lymphome primitif du système nerveux central ; TDM TAP : tomodensitométrie thoraxabdomen-pelvis ; Écho : échographie ; BOM : biopsie ostéo-médullaire ; NFS : numération formule sanguine ; ¢ : cellule ; IP : immunophénotypage ; IL-10 :
interleukine 10 ; Clonalité : recherche de clonalité par PCR ; RT : radiothérapie.
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 9 - novembre 2005
I
Quel bilan devant un possible lymphome primitif
du système nerveux central ?
Examen ophtalmologique
Une uvéite, préférentiellement postérieure, est associée de
façon concomitante à l’atteinte cérébrale dans 10 à 20 % des
cas de LPSNC (dans 10 % des cas, elle précède l’atteinte du
SNC). Il faut penser à la rechercher, car elle est souvent
asymptomatique (dans près de la moitié des cas dans certaines séries). Le bilan doit comporter un fond d’œil et un examen à la lampe à fente. Ces examens peuvent être complétés
dans certains cas par une angiographie de la rétine à l’initiative de l’ophtalmologiste. La découverte d’une uvéite peut
conduire à une biopsie du vitrée (vitrectomie). L’identification de
cellules lymphomateuses dans le vitré (examen cytologique
et immunocytochimique) peut permettre de conclure au
diagnostic de LPSNC sans recourir à la biopsie cérébrale si,
bien entendu, l’imagerie cérébrale est compatible avec le
diagnostic. Cependant, le diagnostic cytologique n’est pas
toujours aisé, et il peut être aidé par un dosage de l’IL-10
(un taux élevé argumente très fortement en faveur d’une
uvéite lymphomateuse) et la recherche par PCR de l’origine
monoclonale de la population cellulaire étudiée.
Analyse du LCR
La dissémination méningée est fréquente dans les LPSNC
mais difficile à affirmer, car la présence de cellules lymphomateuses dans le LCR n’est retrouvée que dans 10 à 40 %
des cas selon les expériences. Une immunocytochimie est
recommandée, car le diagnostic cytologique est parfois difficile à porter. Dans 80 % des cas, l’étude du LCR retrouve
des anomalies non spécifiques comme une pléiocytose ou
une hyperprotéinorachie. L’immunophénotypage lymphocytaire et
la recherche d’une monoclonalité par l’étude du réarrangement
des gènes d’immunoglobulines (par technique de PCR) dans
le LCR peuvent alors contribuer au diagnostic (sans toutefois
remplacer l’anatomopathologie). Il faut cependant une réaction cellulaire suffisante (au moins 20 à 50 cellules/mm3)
pour que ces examens soient informatifs. L’augmentation
des LDH et de la -2-microglobuline dans le LCR est peu
spécifique, et le dosage de l’IL-10 dans le LCR semble moins
fiable que dans le vitré.
II
Rechercher une immunodépression
L’immunodépression est un facteur favorisant reconnu de
LPSNC. Elle peut être congénitale (syndrome de WiscottAldrich), mais elle est le plus souvent acquise (en particulier
par le sida, mais aussi chez un patient transplanté sous
immunosuppresseurs, lors d’une maladie de système). En
pratique, il faudra réaliser de façon systématique une sérologie du VIH dès la suspicion d’un lymphome cérébral. La
détection du virus EBV (qui est impliqué dans la physiopathogenèse du LPSNC de l’immunodéprimé) par PCR dans
le LCR pourrait constituer, selon certains auteurs, un argument diagnostique en faveur du lymphome chez les patients
atteints du sida.
Éliminer un éventuel lymphome systémique
Une fois le diagnostic de lymphome du SNC confirmé, la
question de son caractère primitif se pose. En effet, les lymphomes systémiques peuvent se compliquer d’une dissémination dans le SNC (5 % des cas). Celle-ci se fait généralement
tardivement au cours de la maladie et, le plus fréquemment,
sous la forme d’une méningite lymphomateuse, beaucoup
plus rarement par des lésions du parenchyme cérébral.
L’intérêt de pratiquer un bilan d’extension approfondi reste
ainsi très controversé. L’expérience de la Mayo Clinic montre
qu’un bilan exhaustif devant un lymphome révélé par une
lésion cérébrale ne permet de retrouver une localisation systémique que dans moins de 5 % des cas. Compte tenu de ce
faible rendement, beaucoup d’auteurs se limitent à un examen clinique attentif (en particulier des aires ganglionnaires),
une numération formule sanguine et une radiographie du thorax.
Dans la mesure où la découverte d’un lymphome systémique
est susceptible de modifier la prise en charge thérapeutique
des patients, nous préconisons de réaliser systématiquement
une biopsie ostéo-médullaire, un scanner thoraco-abdomino-pelvien
et une échographie testiculaire. Ce bilan, s’il ne peut être réalisé
dans des délais raisonnables au regard de l’évolutivité des
lésions cérébrales, ne doit toutefois pas retarder le début du
traitement.
Pour en savoir plus...
■ Louis E, Camilleri-Broët S, Crinière E, Hoang-Xuan K. Lymphomes
intracrâniens du sujet immunocompétent. EMC Traité de Neurologie 2005;17270-A-10.
■ Batara JF, Grossman SA. Primary central nervous system lymphomas. Curr
Opin Neurol 2003;16:671-5.
■ Hoang-Xuan K, Camilleri-Broët S, Soussain C. Recent advances in primary
CNS lymphoma. Curr Opin Oncol 2004;16(6):601-6.
La Lettre du Neurologue - vol. IX - n° 9 - novembre 2005
Fiche à détacher et à archiver
(les LPSNC étant, dans 90 % des cas, des lymphomes à grandes
cellules B, on recherche généralement des anticorps anti-B,
par exemple les anti-CD20). La biopsie cérébrale ne s’avère
pas nécessaire si l’on parvient à obtenir une cytologie positive à l’analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) ou du
vitré (par une biopsie du vitré en cas d’uvéite).
✔ Les corticoïdes possèdent une activité cytolytique sur les
cellules lymphomateuses, avec un délai de réponse parfois
très court. Leur prescription avant confirmation anatomopathologique entraîne un risque de faux négatif et doit donc
être, dans la limite du possible, évitée.
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