TECHNIQUE ÉTUDE CINÉMATIQUE DE DEUX ARTICULATEURS ANATOMOFONCTIONNELS 4È (ET DERNIERE) "L'ÉQUILIBRATION" ME PARTIE Hugues BORY Maître artisan Diplômé en kinésiologie Maître conférencier Benoît GOBERT Prothésiste dentaire Diplômé en technique Condylator : 1 2 L a dernière partie de cette série s'achève par la mise en pratique des observations visuelles de l'étude. C'est par l'intermédiaire d'une équilibration d'un groupe de diatoriques que les différences mécaniques de l'articulateur défaillant pourront encore être constatées (photo 1 Condylator, photo 2 Condar). Le type de montage, d'occlusion et surtout d'équilibration sont des facteurs clés pour la stabilité d'une prothèse totale. Introduire un mouvement parasitaire lors de l'équilibration dû à une malposition du verrou sur la face externe de la plaque latérale engendredait une instabilité des bases lors des mouvements de Bennett et d'Ackerman. 3 Nous utiliserons ces dents Condyloformes (photo 3) car elles ont été conçues selon la théorie du marteau pilon, d'après le Pr Gerber. Par le biais d'une occlusion dent à dent, la cuspide primaire supérieure jouerait le rôle de la tête de condyle et la fosse inférieure serait l'équivaProthèse Dentaire N° 79 - Mai 1993 lent d'une micro-cavité glénoïde (photos 4 et 5). Ce type d'occlusion permet d'augmenter la stabilité de la prothèse puisque, lors de l'équilibration, l'arc gothique se dessinerait dans chaque fosse. 17 Photo 4 : Zahnaufstellung in der Total prothetik, R. Horn/J. Stuck, Quintessens TECHNIQUE 4 Le protocole défini est scrupuleusement identique pour chaque équilibration. Il est composé de cinq étapes codées, d'une couleur différente. Les points de contact en relation centrée physiologique sont les premiers contacts obtenus au sein de chaque fosse, à l'aide de papier d'articulation rouge. La force exercée au fond de chaque micro-cavité glénoïde doit être projetée perpendiculairement au sommet de la crête inférieure. 5 Le meulage sélectif ne se fera que dans la fosse inférieure et supérieure mais en aucun cas, les cuspides primaires, supérieures et inférieures ne devront être meulées. La deuxième étape sera l'équilibration du côté travaillant droit en utilisant du papier d'occlusion de couleur verte. La cuspide primaire supérieure se déplacera au niveau de la première molaire inférieure diagono-transversalement en direction mésio-linguale. 6 La troisième étape sera l'équilibration du côté balançant en utilisant du papier d'occlusion de couleur bleue. La cuspide primaire supérieure se déplacera diagono-transversalement en direction disto-vestibulaire. 7 La quatrième étape sera la propulsion tracée à l'aide de papier noir. Ce tracé se situe sur la partie postérieure de la fosse c'est à dire que la cuspide primaire supérieure marquera la partie postérieure de la micro-cavité glénoïde car la mandibule aura un déplacement antérieur. La cinquième et dernière étape sera la rétropulsion qui a lieu lors de la déglutition 1200 fois par jour et lors de la rétroflexion de la tête. C'est sur la partie antérieure de la fosse que la cuspide primaire supérieure marquera le déplacement à l'aide de papier d'occlusion blanc. Connaissant les exigences de la future équilibration comparative, un pro18 Prothèse Dentaire N° 79 - Mai 1993 TECHNIQUE tocole de montage des dents postérieures droites est réalisé. En premier lieu, les mêmes modèles d'édentation totale sont mis identiquement en articulateur à l'aide de maquettesd'occlusion en résine époxy sur le Condylator et le Condar. Le repère principal est le triangle de Bonwill. 8 1 1 R.C. 2 P.M.S. 3 O.C. 4 Propulsion 5 Latéralité gauche sans I.S.S. 6 Latéralité gauche avec I.S.S. 2 3 Il est visualisé à l'aide du pointeau inter-incisif et à l'aide d'un élastique placé dans les repères spécifiques qui sont à leur tour parallèles au plan de Camper. Un premier montage idéal, ayant comme référentiel des maquettes d'occlusion, est réalisé sur le Condylator. Des clés en plâtre (linguales et palatines) du montage sont réalisées et transférées sur le Condar pour le deuxième montage ; l'ensemble ayant été réalisé avec de la cire spéciale comportant une faible rétraction. Superposition des deux tracés schématiques des pantographies horizontales des articulateurs Condylator (en vert) et Condar (en rouge) 45 9 10 11 12 6 L'équilibration comparative se référera toujours aux enregistrements horizontaux des embouts bicônides droits du Condylator en vert (photo 6) et du Condar en rouge (photo 7). La photo 8 est une superposition graphique et l'on visualise mieux l'erreur cinématique issue de la malposition du verrou d'occlusion sur la face exter ne de la plaque latérale du Condar. (photo 9 Condylator, photo 10 Condar). Cette erreur de positionnement se répercutera directement sur les mouvements balançants et travaillants de la surface occlusale équilibrée. Sur les mouvements de propulsion et de rétropulsion, le verrou n'entre pas en action, il n'y a donc pas d'erreur cinématique sur la dent équilibrée. Pour toute équilibration, en général, une surocclusion minime est nécessaire pour obtenir les points de contact en relation centrée, perdus lors des variations dimensionnelles de polymérisation. Comparons côte à côte les résultats de chaque étape d'équilibration du Condylator et du Condar. (photo 11 et 12 Prothèse Dentaire N° 79 - Mai 1993 19 TECHNIQUE Condylator, photo 13 et 14 Condar). Nous obtenons dans chaque fosse, centralement, les points de contact rouge caractérisant la relation centrée physiologique. La similititude existant entre les dents Condyloformes et l'articulation temporo-mandibulaire en relation centrée physiologique est flagrante lorsque la tête du condyle est la plus haute et la plus médiane dans la cavité glénoïde, alors, les cuspides 13 14 RELATION CENTRÉE : (photo 15 et 16 Condylator et photo 17 Condar). primaires supérieures sont à l'endroit le plus bas et le plus médian dans les micro-cavités glénoïdes dentaires. Puisque le verrou n'entre pas en action, les impacts sont identiques pour l'un et pour l'autre. MOUVEMENT TRAVAILLANT : (photo 19 Condylator et photo 20 Condar). Le verrou, une fois relevé, entre en action et les différences sont marquantes. Le tracé vert représente le mouvement de Bennett. Il fait partie du référentiel de base qu'est le tracé horizontal au niveau des embouts bicônides du Condylator en ver t (voir photo 6 Condylator vert). Ce tracé horizontal est la copie conforme d'un tracé horizontal naturel. Il faut visualiser qu'une occlusion de type marteau pilon est en position centrale par rapport à la topographie de la dent prothétique. L'occclusion une dent à deux dents selon Lundeen est décalée par rappor t à l'occlusion cuspidefosse. 15 20 16 17 Prothèse Dentaire N° 79 - Mai 1993 TECHNIQUE Dans la technique Lundeen, les sillons d'échappement travaillants et balançants sont les sillons inter-cuspidiens linguaux et le sillon de Stuart. Lors de la technique marteau pilon, le mouvement est diagono-transversal, il s'agit donc du mouvement de Bennett. Son orientation est mésiolinguale et c'est le pan distal de la cuspide mésio-linguale qui sera meulée. Par contre, sur la photo 20 du Condar, l'orientation du tracé est horizontale. Aucune composante diagonale n'est notable et c'est le sillon intercuspidien lingual qui sera meulé. La cause de ce recul est la mauvaise position du verrou sur la plaque latérale en face externe. série de quatre photographies en un immédiat side shift. Les références cinématiques et fonctionnelles sont les mêmes que dans le paragraphe du mouvement travaillant. Le mouvement d'Ackermann représente la deuxième moitié du mouvement diagono-transeversal, dans le cas des photos 21 et 23 du Condylator. Son orientation est disto-vestibulaire et c'est le pan distal de la cuspide centro-vestibulaire qui sera meulé pour le premier mouvement qui est l'immédiat side shift (photo 21 Condylator). 19 20 21 22 Les répercussions sont d'ordre cinématique puisque les mouvements de Bennett et d'Ackermann sont inversés (voir photo 7 Condar en rouge). MOUVEMENT BALANÇANT : (photo 21 et 23 Condylator et photo 22 et 24 Condar). Le verrou est toujours dans sa position la plus haute. Le tracé bleu correspond au mouvement d'Ackerman. Ce dernier est décomposé sur la 18 Prothèse Dentaire N° 79 - Mai 1993 21 TECHNIQUE 23 24 Le second mouvement, le progressif side shift, prolonge le mouvement transversal curviligne distribué distalement (photo 23 Condylator). 25 En comparant les tracés des photos 21 et 23 à ceux des photos 22 et 24, nous constatons premièrement que l'orientation du tracé balançant est horizontale pour l'IMS. C'est le plan mésial de la cuspide centro-vestibulaire qui devra être meulé (photo 22 Condar). 26 Deuxièmement, le départ du progressif side shift se fait à angle droit avec l'immédiat side shift en direction distale linéairement (photo 24 Condar). La cause de ce décalage est la même que pour le mouvement travaillant : un positionnement parasitaire du verrou sur le Condar sur la face externe de la plaque latérale, donc un inversement de la cinématique horizontale (voir tracé rouge photo 7). 27 PROPULSION : (photo 25 Condylator et photo 26 Condar) C'est le tracé noir qui représente la propulsion. Aucune différence n'est notable puisque les verrous n'entrent pas en action, malgré leur position haute. Les tracés sont dans la partie postérieure de la fosse (distalement) ; le condyle naturel se déplace sur la partie antérieure articulaire de la cavité glénoïde. 28 RÉTROPULSION : (photo 27 Condylator et photo 28 Condar). La tracé blanc représente la rétropulsion. Au même titre que la propulsion, les tracés des deux articulateurs tridimensionnels sont identiques en rétropulsion car les verrous n'interviennent pas lors des mouvements tridimensionnels. 22 Prothèse Dentaire N° 79 - Mai1993 TECHNIQUE RÉSUMÉ : Les trois photographies principales sont mises en parallèle pour mieux visualiser les répercussions traumatiques d'une malposition d'un verrou du Condar en face externe de la plaque latérale sur l'équilibration postérieure (photo 31). Le référentiel physiologique possède une composante diagono-transversale (photo 30) se répercutant pantographiquement sur l'équilibration des dents prothétiques (photo 29) du Condylator. traumatique engendrerait des blessures au niveau de la muqueuse pouvant entraîner une résorption accélérée de l'os ainsi que des pathologies au niveau des articulations temporo-mandibulaires. Hugues BORY Maître artisan Diplômé en kinésiologie Maître conférencier Benoît GOBERT Prothésiste dentaire Diplômé en technique Condylator Par contre, l'équilibration représentée sur la photo 31 Condar, possède une composante horizontale traumatique. Conclusion Une erreur mécanique se répercutera sur la forme anatomique des dents prothétiques ainsi que sur la stabilité des prothèses totales. A long terme, ce type d'équilibration Par l'intermédiaire de ces quatre articles, nous avons essayé de démontrer que le choix d'un articulateur dépend avant tout des connaissances techniques et anatomiques du prothésiste. Le savoir acquis de nos aînés, couplé aux nouvelles technologies, devraient donner naissance à des bijoux tridimensionnels. Il est regrettable qu'à une époque où les techniques les plus sophistiquées voient le jour, nous ayons encore des lacunes au niveau des matériels utilisés. Les fabricants ne devraient pas ignorer les bases élémentaires de la cinématique mandibulaire. T : travaillant NT : Non travaillant P : propulsion RP : rétropulsion Equilibration physiologique Condylator Référentiel physiologique 29 30 Equilibration traumatique Condar 31 T RP RP T RP T NT P NT P NT P Prothèse Dentaire N° 79 - Mai 1993 23