2017.02_Loi sur l`intégration et l`aide sociale_MES_CE

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Message
accompagnant le projet de décret concernant le contrôle relatif à
l'obtention illicite de l'aide sociale ainsi que la prolongation du délai de
prescription du remboursement de l’aide sociale du…
Le Conseil d’Etat du canton du Valais
au
Grand Conseil
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Nous avons l’honneur de vous soumettre avec le présent message le projet de décret
concernant le contrôle relatif à l'obtention illicite de l'aide sociale ainsi que la prolongation du
délai de prescription du remboursement de l’aide sociale modifiant la loi sur l’intégration et
l’aide sociale du 29 mars 1996 du… .
Ce décret a pour but la mise en œuvre de dispositions transitoires permettant d'instaurer un
dispositif de contrôle relatif à l'obtention illicite dans le domaine de l'aide sociale ainsi que de
répondre à la demande du Grand Conseil exigeant de prolonger le délai de prescription du
remboursement de l’aide sociale à 20 ans 1.
1. Contexte général
1.1. Contrôle relatif à l'obtention illicite de l’aide sociale
De nombreux cantons, de même que la plupart des grandes villes suisses, disposent depuis
plusieurs années d’enquêteurs spécialisés dans le domaine de l’aide sociale. En Suisse
romande, la Ville de Lausanne a joué les précurseurs dès 1999. A ce jour, seuls les cantons du
Jura et du Valais ne disposent pas en Suisse romande de collaborateurs spécifiquement dédiés
au contrôle relatif à l'obtention illicite de l’aide sociale. A titre d’exemple, on dénombre une
douzaine de collaborateurs dans le canton de Vaud et 6.5 postes à Genève dédiés à cette tâche.
Par décision du 18 décembre 2015, le Grand Conseil a décidé la création de deux postes
d'inspecteurs chargés du contrôle relatif à l'obtention illicite de l'aide sociale 2.
Cette décision faisait suite aux débats parlementaires relatifs à la situation dans le domaine de
l'aide sociale et à la réalisation durant le deuxième semestre de l'année 2015 par le Service de
l'action sociale (ci-après : SAS) - en collaboration avec le Service de protection des
travailleurs et des relations du travail (ci-après : SPT) - d'un projet pilote qui a permis la mise
en évidence de plusieurs cas d'obtention illicite de l'aide sociale.
1
2
Motion urgente 2.0105 du 11.09.2015
Bulletin des séances du Grand Conseil du Canton du Valais, Session ordinaire de décembre 2015, p. 360
2
Il faut relever en préambule que, depuis plusieurs années, une collaboration a été initiée et
poursuivie entre le SAS et l'Inspection cantonale de l'emploi (ci-après : ICE), rattachée au
SPT. Le principe de cette collaboration, prévu à l'article 15bis de la Loi sur l'intégration et
l'aide sociale du 29 mars 1996 3, reposait néanmoins sur le postulat que l'obtention illicite de
l'aide sociale était liée au travail au noir et que les enquêtes et contrôles en la matière
pouvaient être opérés sur la base des dispositions de la Loi fédérale sur le travail au noir du 17
juin 2005 4.
Le projet pilote évoqué ci-avant a permis d'établir que le lien entre l’obtention illicite de l'aide
sociale et le travail au noir n'est de loin pas systématique et que ces abus sont davantage liés à
des dissimulations d'informations, par le bénéficiaire de l'aide sociale, relatives à sa situation
personnelle, sa domiciliation ou sa situation financière.
Il convient dès lors d’introduire dans la LIAS - à l’instar d’autres cantons - des dispositions
spécifiques relatives notamment aux compétences octroyées aux inspecteurs spécialisés, à la
procédure et à l’administration des preuves ainsi qu’aux obligations incombant aux
bénéficiaires de l'aide sociale ou à leurs proches vis-à-vis de ces inspecteurs. En l’espèce, les
dispositions du présent décret sont fortement inspirées des dispositions édictées sur le même
sujet par le canton de Berne 5.
1.2. Relèvement du délai de prescription des créances d’aide sociales
Le 1er juin 2015, le Département de la santé, des affaires sociales et de la culture présentait les
conclusions de l’analyse du domaine social en Valais qu’il avait mandatée au bureau d’étude
Ecoplan 6. Les principales causes de la hausse du coût de l’aide sociale y ont été identifiées.
Le 10 juillet 2015, les Commissions des finances et de gestion du Grand Conseil ont à leur
tour rendu public un rapport concernant l'aide sociale en Valais avec un certain nombre de
propositions financières 7. L'évolution du coût de l'aide sociale en Valais a amené le Grand
Conseil à prendre des décisions en vue de contenir cette hausse. Parmi celles-ci, l’on compte
le relèvement du délai de prescription des créances d’aide sociales de dix à vingt ans (art. 24
LIAS). La justification avancée par les Commissions des finances et de gestion était que
certains bénéficiaires de l'aide sociale ne reviennent à meilleure fortune que grâce à un
élément externe, notamment la perception d'une succession, et qu’il paraît ainsi juste que cet
événement soit l'occasion de restituer à la collectivité les montants de l'aide perçue.
Le présent décret permet la mise en œuvre rapide de la décision du Grand Conseil du
11.09.2015 faisant suite à la motion urgente déposée le 08.09.2015 par les Commissions des
finances et de gestion 8.
3
LIAS – RSVS 850.1
LTN – RS 822.41
5
art. 19a et 50a à 50g de la Loi sur l’aide sociale du 11 juin 2001
6
Analyse de l’aide sociale dans le canton du Valais, rapport final, 21.05.2015
7
Rapport COFI/COGEST du Grand Conseil sur l’aide sociale en Valais
8
Motion 2.0105 du 08.09.2015
4
3
2. Urgence
Selon l’article 42 alinéa 3 de la Constitution cantonale 9 (ci-après : Cst. cant.), le Grand
Conseil peut prendre des dispositions urgentes par la voie du décret, pour un temps limité,
lorsque les circonstances l’exigent (art. 32 al. 2). Aux termes de l’article 32 alinéa 2 Cst. cant.,
les décrets sont mis en vigueur immédiatement; ils sont soumis au vote du peuple dans
l’année qui suit si 3'000 citoyens actifs ou la majorité du Grand Conseil le demandent; s’ils
n’ont pas été ratifiés, ils perdent leur validité et ne peuvent être renouvelés. On notera que la
Constitution cantonale place le décret au même niveau que la loi (cf. art. 31 al. 1 ch. 1 Cst.
cant.).
La loi sur l’organisation des Conseils et les rapports entre les pouvoirs du 28 mars 1996
(LOCRP) 10 précise la notion de décret. D’après l’article 42 LOCRP, les actes législatifs, d'une
durée maximale de cinq ans, dont l'entrée en vigueur ne souffre aucun retard, peuvent être
déclarés urgents et sont édictés sous la forme de décret soumis au référendum résolutoire
(al. 1). L'urgence est admise lorsque, notamment, le respect de la procédure ordinaire
d'élaboration d'une loi entraîne des inconvénients majeurs ou ne permet pas la mise en œuvre,
à temps, du droit de rang supérieur (al. 2).
Dans le cas d’espèce, compte tenu des propositions faites par la COFI/COGEST, une révision
plus fondamentale de la LIAS devra être entreprise. Cette démarche doit s’inscrire dans le
cadre d’une réforme législative ordinaire, ce qui nécessitera un laps de temps qui n’est pas
encore connu. Si l’on veut respecter la volonté du Grand Conseil concernant le contrôle relatif
à l'obtention illicite de l’aide sociale et l’allongement du délai de prescription des créances
d’aide sociale, il n’est pas possible d’attendre.
L’urgence se justifie ici pour les raisons suivantes :
− Les inspecteurs dévolus à cette nouvelle mission sont entrés en fonction le 1er août 2016. Il
est dès lors impératif qu'ils disposent dans les meilleurs délais d'un cadre juridique élargi
leur permettant d'agir sans entrave et sans risque d'être exposés à une procédure pénale
pour des agissements illicites ; dans l’intervalle, les inspecteurs sociaux agiront
essentiellement sous l’angle du travail au noir, comme l’ont fait les inspecteurs dans le
cadre du projet pilote.
− En lien avec les objectifs d’assainissement des finances cantonales, il y a aussi un intérêt
public manifeste à éviter que des créances d’aide sociale se prescrivent.
En fonction des premières expériences faites sur la base du présent décret, il sera évidemment
possible d’apporter si nécessaire des correctifs dans le cadre du processus de révision de la
LIAS actuellement en préparation.
Au vu de ce qui précède, la mise en œuvre de ce dispositif est jugée urgente, au sens de
l’article 42 de la LOCRP, et permet de justifier l’adoption du décret proposé.
9
10
Constitution du Canton du Valais du 9 mars 1907 (RS 131.232)
Loi sur l'organisation des Conseils et les rapports entre les pouvoirs (RS-VS 171.1)
4
3. Commentaires
Article 12 Demande d'aide sociale
Cet article fixe les obligations des bénéficiaires de l'aide sociale. Il est proposé de compléter
cette disposition afin de préciser l’obligation de collaborer, dans le sens de permettre, lors de
contrôles inopinés, l’accès au domicile et au(x) véhicule(s) d’un bénéficiaire ainsi qu’à ses
propres locaux de travail en présence de ce dernier. Cette prérogative sera consentie par écrit
par le bénéficiaire, préalablement à l’octroi des prestations, soit en principe au moment du
dépôt de sa demande, à l’instar de ce qui se pratique dans d’autres cantons. Cette autorisation
préalable pourra évidemment être révoquée en tout temps puisque le bénéficiaire conserve la
faculté de refuser l’accès à son domicile lorsqu’un inspecteur se présente à sa porte. Les
conséquences d’un refus pourront, après octroi d’un droit d’être entendu, être cas échéant
sanctionnées par la diminution des prestations selon l’article 19bis LIAS. La loi fixe en outre
un cadre à ses visites inopinées en précisant que celles-ci doivent se faire durant des horaires
convenables car les irruptions dans la vie privée des bénéficiaires doivent être limitées au
strict nécessaire pour les besoins de l’enquête.
Le projet précise en outre le devoir d’information des organes de l’aide sociale vis-à-vis des
bénéficiaires qui doivent être rendus attentifs ab initio au fait qu’ils pourront faire l’objet
d’une enquête en cas de soupçons de fraude.
Article 15bis Collaboration et entraide
L'alinéa 3 de la version actuelle est supprimé et la numérotation des alinéas suivants est
modifiée.
Cet alinéa 3 disposait que l'obtention illicite de l'aide sociale est assimilée à un abus
d'assurance sociale et qu'il existe un lien avec le travail au noir, ce qui permet à l'Inspection
cantonale de l'emploi de procéder à des investigations dans ce domaine, sur la base des
dispositions de la Loi fédérale sur le travail au noir 11. Comme indiqué précédemment,
l’obtention illicite de l'aide sociale et le travail au noir ne sont pas forcément liés. Il convient
dès lors de supprimer cet alinéa 3 et d'introduire des dispositions spécifiques à la répression
de l'obtention illicite de l'aide sociale dans un nouvel article, à savoir l'article 15ter dont il est
question ci-après.
Article 15ter Mandat d’inspection
Cet article pose le principe essentiel de la subsidiarité de l’action des inspecteurs spécialisés.
Ceux-ci n’agissent jamais d’eux-mêmes, mais uniquement sur la base d’un mandat écrit
délivré par le SAS et uniquement lorsque cela s’avère nécessaire.
Alinéa 1 : Il n’est pas inutile de rappeler que ce sont les assistants sociaux qui sont en contact
direct avec les bénéficiaires et, de manière générale, ils connaissent très bien les « dossiers
critiques ». Il appartient en premier lieu à l’assistant social de vérifier à intervalles réguliers
que le bénéficiaire remplit toujours les conditions d’octroi de l’aide sociale. Pour ce faire, la
11
LTN – RS 822.41
5
collecte des informations se fait de manière échelonnée. Il appartient en premier lieu au
bénéficiaire de l’aide sociale de fournir spontanément aux services sociaux les renseignements
requis. Les assistants sociaux peuvent ensuite compter sur des obligations légales de
renseigner pour compléter leurs informations ainsi que, lorsque le bénéficiaire ne collabore
pas, sur la procuration que celui-ci aura signée pour lever le secret bancaire, fiscal ou
médical 12. Le refus de collaborer pourra aussi justifier l’ouverture d’une enquête plus
approfondie et, cas échéant, la délivrance d’un mandat en faveur du service chargé des
enquêtes.
Un refus de collaborer de la part d’un bénéficiaire de l’aide social vis-à-vis du service des
enquêtes sera sanctionné selon la procédure de l’article 19bis LIAS. Ce dernier point a été
précisé par l’ajout d’une lettre d à l’article 19bis LIAS et la modification de l’article 23 al. 3
RELIAS.
Alinéa 2 : Selon le projet, le mandat d’inspection est toujours donné non pas directement par
les communes ou les centres médico-sociaux (ci-après : CMS), mais par le SAS en vertu de
ses tâches de surveillance et de coordination qui lui sont dévolues par la LIAS. Il s’agit entre
autre d’assurer une unité de doctrine entre les différentes communes ou les CMS.
Le mandat d’enquête doit reposer sur des soupçons qui peuvent naître par exemple à la suite
d’un entretien personnel entre l’assistant social et le bénéficiaire, ou à la suite d’une
dénonciation ou de renseignements administratifs collectés auprès d’autorités telles que le
Service de la circulation routière et de la navigation, l’Office des poursuites et faillites, le
Registre foncier, etc. Ces documents doivent être annexés au rapport succinct adressé au SAS
en vue du mandat confié aux inspecteurs spécialisés.
Alinéa 3 : Cet alinéa consacre l'engagement d'inspecteurs spécialisés et leur rattachement au
SPT, plus précisément au sein de l’Inspection cantonale de l’emploi. Ce choix se justifie car il
permet, d’une part, de poursuivre la collaboration instaurée entre le SAS et le SPT et, d’autre
part, de mettre à profit des synergies avec le domaine de la lutte contre le travail au noir. Ce
système permet de bénéficier des compétences acquises en matière de fraude par l’Inspection
cantonale de l’emploi. Le processus de collaboration entre les organes de l'aide sociale et
l'Inspection cantonale de l'emploi, qui figurait à l’article 27 alinéa 2 RELIAS, n’est plus
nécessaire, puisqu’il est désormais mieux détaillé dans le nouveau chapitre 4bis de la LIAS.
L’article relève enfin la nécessité de faire appel à des inspecteurs spécialisés qualifiés
disposant de compétences particulières dans le domaine juridique, social ainsi qu’en matière
d’enquête. En d’autres termes, le personnel d’enquête doit avoir des qualifications suffisantes
pour saisir la différence entre les informations nécessaires et celles étrangères à une affaire.
Afin de renforcer l’autorité des inspecteurs spécialisés, ceux-ci sont assermentés, ce qui
permet aussi de les rendre particulièrement attentifs au respect de leurs obligations légales.
Article 15quater (nouveau) Enquêtes et administration des preuves
Alinéa 1 : Cette disposition précise les compétences octroyées aux inspecteurs spécialisés
chargés de cette nouvelle mission et les domaines sur lesquels peuvent porter leurs
12
art. 24 al. 1 RELIAS
6
investigations, à savoir : l’activité lucrative des bénéficiaires, leur situation de logement, leur
capacité de travail, leur revenu et leur fortune.
Alinéa 2 : A l’instar de la législation du canton de Berne 13 et de la plupart des législations
cantonales romandes, les inspecteurs spécialisés n’ont pas qualité d’agents de la police
judiciaire. A ce titre, ils n’agissent pas sur la base - plus contraignante - des dispositions du
code de procédure pénale (CPP), mais uniquement sur la base des dispositions de la Loi
sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA). En matière de preuve,
conformément à l’article 28 lettre a LPJA, ce sont les dispositions du code de procédure civil
suisse qui s’appliquent à titre subsidiaire.
Alinéa 3 : L'échange d'informations entre les organes de l'aide sociale et les inspecteurs
spécialisé est essentiel. Ces derniers doivent pouvoir accéder gratuitement aux renseignements
utiles à leurs investigations, notamment auprès des administrations communales et cantonales
et des institutions d'assurances sociales. Cette disposition leur permet de recevoir les mêmes
informations que celles prévues à l’article 15bis LIAS.
Alinéa 4 : Selon l’article 12 LIAS, l’obligation de collaboration du bénéficiaire de l’aide
sociale vis-à-vis de la commune ou du CMS s’étend à tous les membres de l’unité familiale.
L’alinéa 4 du nouvel article 15quater LIAS prévoit la même obligation pour le bénéficiaire de
l’aide sociale, mais vis-à-vis cette fois des inspecteurs spécialisés. Il étend cette obligation
non pas seulement aux membres de l’unité familiale, mais aussi aux proches ou familiers au
sens de l’article 110 alinéa 1 et 2 du code pénal suisse 14 (ci-après : CP). Selon cette
disposition, les proches d’une personne sont son conjoint, son partenaire enregistré, ses
parents en ligne directe, ses frères et sœurs germains, consanguins ou utérins ainsi que ses
parents, frères et sœurs et enfants adoptifs. Les familiers d’une personne sont ceux qui font
ménage commun avec elle. L’article 23 alinéa 3 RELIAS, dans sa version modifiée, prévoit
que s’il refuse de donner suite à convocation, le bénéficiaire de l'aide sociale pourrait être
sanctionné par l’autorité compétente pour refus de collaborer.
Alinéa 5 : Cet alinéa traduit la volonté du législateur de s'assurer que l'atteinte à la sphère
privée des bénéficiaires demeure proportionnée. La surveillance de la personne concernée à
son insu, la visite inopinée sur son lieu de travail ou à son domicile doivent se justifier par la
nécessité d’établir les faits (principe de finalité).
Alinéa 6 : Cette disposition ne fait que traduire dans les faits la collaboration déjà existante
entre les inspecteurs de l’emploi et les polices municipales ou intercommunales dans le
domaine de la lutte contre le travail au noir. Même si cette collaboration reste limitée et
subsidiaire, elle se justifie également pleinement dans le domaine du contrôle relatif à
l'obtention illicite de l’aide sociale. Du moment que l’aide sociale relève essentiellement du
budget des communes et que celles-ci sont les principales bénéficiaires des enquêtes en
matière d'obtention illicite d’aide sociale, il paraît adéquat que l’intervention de la police
communale ou intercommunale ne soit pas indemnisée.
13
14
art. 50c de la Loi sur l’aide sociale du 11.06.2001 (RS-BE 860.1)
Code pénal suisse (RS 311.0)
7
Article 15quinquies (nouveau) Observation
Alinéa 1 : Aux fins d'administrer les preuves de manière efficace, les inspecteurs doivent
pouvoir recourir à une observation des personnes concernées à leur insu, sur le domaine
public ou sur une portion du domaine privé visible de tout un chacun depuis le domaine
public. De telles observations sont déjà pratiquées dans les cantons disposant d’un service
d’enquête en matière d’aide sociale. Les offices AI pratiquent également de la même manière
en ayant recours à des détectives privés. Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de préciser
que des enregistrements vidéos d’une rentière AI sur son balcon étaient légaux du fait que la
personne avait été filmée depuis le domaine public. Dans ce cas précis, le TF a qualifié
l’intrusion dans la sphère privée comme étant « mineure ». Selon lui, l’article 59 alinéa 5
LAI 15 constituait une base légale suffisante pour restreindre les droits fondamentaux au sens
de l’article 36 de la Constitution. Pour le TF, l’intrusion était proportionnée parce que
l’observation s’était déroulée sur une période courte et définie. Le TF justifie également la
mesure par un intérêt public à la lutte contre les abus et conclut que cet aspect prévaut sur
les intérêts privés de la personne 16.
Comme indiqué plus haut, les inspecteurs spécialisés ne sont pas soumis aux dispositions du
code de procédure pénale, en particulier à l’article 282 CPP. Certains cantons 17se sont limités
à prévoir qu’il appartenait au Service chargé des enquêtes de veiller à ce que les observations
secrètes restent de durée limitée et en conformité aux principes de proportionnalité et de
finalité. Dans le présent projet, les notions de proportionnalité et de finalité sont mieux
concrétisées en fixant la durée maximale des mesures d’observation à deux mois. En cas de
nécessité, ce qui devrait rester l’exception, le Service devra requérir l’autorisation du Chef du
Département en charge des affaires sociales pour prolonger les mesures d’observation. Il
s’agit d’une cautèle supplémentaire pour éviter d’éventuels abus.
Alinéa 2 : Dans le cas où un bénéficiaire est suspecté de s’adonner à une activité
commerciale, les enquêteurs peuvent prendre discrètement des renseignements, par exemple
sollicitation d’un rendez-vous, pour prouver l’existence de l’activité. En revanche, il est
interdit d’inciter à commettre des actes que le bénéficiaire n’aurait jamais perpétrés sans
l’influence de l’enquêteur.
Alinéa 3 : La prise d’image est admise pour autant qu’elle s’effectue sur ou depuis le domaine
public. La question du floutage des tiers soulevée par le préposé à la protection des données et
à la transparence devra faire l’objet d’un choix opérationnel, en tenant compte notamment des
contraintes techniques et financières. Le cas échéant, les inspecteurs pourront faire l’objet
d’une formation spécifique relative au droit à l’image.
Article 15sexies (nouveau) Visite à domicile ou sur le lieu de travail
Comme indiqué déjà à l’article 12 alinéa 1 LIAS, les visites à l’intérieur du domicile du
bénéficiaire, de son véhicule ou de son lieu de travail ne peuvent avoir lieu qu’avec le
consentement des ayants droits et uniquement dans le but de vérifier des éléments en relation
avec la détermination du droit à l’aide sociale (composition du ménage, éléments de fortune).
15
Loi fédérale sur l’assurance invalidité, du 19 juin 1959 (RS 831.20)
ATF 137 I 327 du 11 novembre 2011
17
Berne : art. 50d de la loi sur l’aide sociale du 11.06.2001 ; Fribourg : art. 21b ch. 2 de la loi sur l’aide sociale
du 14.11.1991).
16
8
Il ne s’agit donc en aucune façon de procéder à une « perquisition », au sens pénal du terme,
mais plutôt d’effectuer une reconnaissance des lieux.
Les visites à domicile sont à limiter au strict nécessaire pour l’enquête et à des horaires
décents. Sur le modèle du canton de Vaud, une directive précisera ce qu’il faut considérer
comme des horaires convenables. En principe, ces visites auront lieu durant les jours
ouvrables, y compris les samedis, entre 07:00 et 20:00. Exceptionnellement, et en cas de
nécessité, il sera possible de faire une visite à domicile à partir de 06:00 et jusqu’à 21:00. Ces
démarches ont pour objectif de déterminer si ces espaces sont bien utilisés par le bénéficiaire
pour son seul usage privé et, cas échéant, celui de ses proches et familiers, selon un niveau de
vie correspondant à celui décrit dans sa demande initiale. Ces espaces peuvent ainsi être
visités, mais aucun document ou objet ne peut être emporté, sauf consentement exprès de son
propriétaire. Au besoin, certaines prises de vue pourront être réalisées (art. 27bis al. 2
RELIAS).
En principe, notamment pour des raisons de procédure (administration des preuves), mais
aussi pour des raisons de sécurité, les visites inopinées au domicile ou sur le lieu de travail des
bénéficiaires de l’aide sociale s’effectueront à deux. Lors de contacts avec des tiers, les
enquêteurs spécialisés peuvent demander aux proches ou familiers de justifier de leur identité
au moyen d’un document officiel. Ils doivent demander aux personnes concernées si elles
sont d’accord de répondre à leurs questions et le cas échéant, si elles sont prêtes à témoigner.
Article 15septies (nouveau) Résultat des enquêtes
Cette disposition pose le principe fondamental que toute enquête se termine par un rapport
final qui est remis au SAS pour l’informer du résultat de ses investigations. Le rapport
contient les moyens de preuve exploitables, alors que ceux qui ne sont pas utilisables sont
détruits. Deux cas de figure sont principalement envisagés :
− si les soupçons à l’origine du mandat d’inspection n’ont pas pu être confirmés, les
inspecteurs spécialisés délivrent un rapport succinct qui mentionne les vérifications faites
avec les périodes concernées, de manière à éviter de refaire les mêmes contrôles si une
enquête devait être reconduite ultérieurement. Dans la version proposée, la personne ayant
fait l’objet d’une enquête n’est pas tenue informée du résultat de l’enquête si celle-ci n’a
rien donné. Les données collectées sont versées au dossier personnel du bénéficiaire de
l’aide sociale qui peut y accéder en tout temps sur demande.
− Si par contre les soupçons sont confirmés, les inspecteurs spécialisés rendent un rapport
suffisamment détaillé pour appuyer une éventuelle dénonciation ou plainte. Dans ce cas de
figure, la personne concernée ayant fait l’objet d’une enquête est - conformément à loi sur
l'information du public, la protection des données et l'archivage (LIPDA) 18 - informée des
données personnelles collectées et versées à son dossier personnel. Il ne faut pas perdre du
vue que, dans un tel cas, la personne concernée aura en principe été entendue par le service
chargé des enquêtes et qu’elle aura donc de toute façon été informée du déroulement de
l’enquête.
La durée de conservation des données personnelles a été fixée à cinq ans par application
analogique de l’article 9 de l’Ordonnance fédérale sur le travail au noir 19.
18
19
art. 19 LIPDA
Art. 9 OTN (RS 822.411)
9
Pour les infractions poursuivies d’office, les faits sont dénoncés aux autorités compétentes
directement par le service chargé des enquêtes, conformément à la loi sur le personnel de
l’Etat du valais 20. C’est le cas par exemple lorsque les conditions de l’article 19quinquies
LIAS ou de l’article 146 CP (escroquerie) sont remplies, voire de l’article 148a CP (Obtention
illicite de prestations d’une assurance sociale ou de l’aide sociale) 21. Au regard de cette
nouvelle disposition fédérale, qui entrera en vigueur le 1er octobre 2016, la question de
l’abrogation de l’article 19quinquies, voire à tout le moins de sa modification, devra être
discutée dans le cadre de la révision ordinaire de la Loi sur l’intégration et l’aide sociale. Dans
l’immédiat, rien n’impose une modification urgente de l’article 19quinquies.
Dans les autres cas de figure, il appartiendra aux autorités de l’aide sociale, principalement
aux communes ou aux CMS, de prononcer les sanctions prévues par la loi et d’en informer le
SAS.
S’agissant de la collaboration avec le Ministère Public, il faut rappeler qu’à l’instar des
rapports de police, les rapports des inspecteurs spécialisés n’ont pas de valeur probante
particulière 22. Il appartient donc au juge d’apprécier librement les preuves qui lui sont
soumises et, le cas échéant, de prononcer une ordonnance pénale (art. 352 al. 1 CPP) sans
forcément devoir requérir la police cantonale pour procéder à des investigations
complémentaires. Ce système, qui est déjà appliqué dans le domaine du travail au noir, a fait
pleinement ses preuves.
Article 16 al.1 let. d Charges soumises à la répartition
Cet ajout tient compte du fait que selon la LIAS, ce sont les communes qui sont responsables
de l’organisation et de l’application de l’aide sociale. En outre, les inspecteurs spécialisés
devraient mettre en évidence certaines infractions qui permettront de diminuer, voire de
stopper l’aide accordée aux personnes ayant obtenu illicitement des prestations d’aide sociale.
La réduction des coûts engendrée par de telles démarches sera donc profitable non seulement
pour les finances cantonales, mais également communales. A ce titre, il est légitime que les
coûts d’un tel service soit partagé entre ces deux collectivités.
Article 19bis al. 1 let. d Réduction
Cette adjonction est nécessaire pour permettre de sanctionner le défaut de collaboration du
bénéficiaire de l’aide sociale avec les inspecteurs spécialisés. Ce devoir de collaboration a
également été précisé à l’article 23 al. 3 RELIAS.
20
art. 21 al. 5 de la Loi sur le personnel de l’Etat du Valais (RS-VS 172.2)
En ce qui concerne l’obtention illicite de l’aide sociale, si cette disposition devait être acceptée par le peuple,
existerait à l’avenir trois niveaux d’infractions: les infractions mineures seront sanctionnées par le droit pénal
cantonal en matière d’aide sociale et par le droit fédéral régissant les assurances sociales. Lorsque l’auteur aura
induit autrui en erreur ou l’aura conforté dans son erreur, on appliquera l’art. 148a P-CP. Enfin, s’il trompe
quelqu’un astucieusement, c’est l’escroquerie au sens de l’art. 146 CP qui sera réalisée (Message concernant une
modification du code pénal et du code pénal militaire (Mise en œuvre de l’art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi
des étrangers criminels) du 26 juin 2013 (RO 13.056), par. 2.1.6 in fine, p. 5435).
22
ATC P3 14 242 du 13.07.2015
21
10
Article 24 Remboursement
Alinéa 2 : Suite à la motion urgente du 08.09.2015, le Grand Conseil a décidé le 11.09.2015
de prolonger de 10 à 20 ans les délais de prescription concernant le remboursement de l’aide
sociale.
Une disposition transitoire est introduite afin que ce nouveau délai s’applique à toutes les
prescriptions qui ne sont pas encore acquises.
4. Incidences financières
Les expériences des autres cantons ayant introduits un tel système ainsi que le projet-pilote
mené en 2015 en Valais, ont démontré que les coûts générés par un tel service seront
autofinancés. En effet, les enquêtes permettent non seulement de demander le remboursement
des prestations indûment versées aux personnes les ayant obtenues, mais également de
diminuer ou de stopper les prestations qui leur étaient versées jusqu’alors. Le Grand Conseil a
d’ailleurs tenu compte de cet aspect, puisque les Fr. 250'000.- nécessaires à la mise en place
d’un tel service ont d’ores et déjà été retranchés de l’enveloppe budgétaire dévolue aux
prestations d’aide sociale.
5. Conclusion
Vu les développements qui précèdent, le Conseil d'Etat invite le Grand Conseil à adopter le
décret concernant le contrôle relatif à l'obtention illicite de l'aide sociale ainsi que la
prolongation du délai de prescription du remboursement de l’aide sociale.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,
l’assurance de notre haute considération et vous recommandons, avec nous, à la protection
divine.
Sion, le 7 décembre 2016
La présidente du Conseil d‘Etat: Esther Waeber-Kalbermatten
Le Chancelier d‘Etat: Philipp Spörri
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