Fiche n°285 - Janvier 2008 Vers une meilleure compréhension du volcanisme de point chaud © Clouart Valérie es connaissances scientifiques sur l’origine des points chauds sont encore très incomplètes. Lorsque ce type de volcanisme est localisé au cœur même des plaques tectoniques océaniques, il donne naissance à des édifices volcaniques tels que l’archipel d’Hawaii ou l’île de la Réunion. Si l’on sait désormais qu’un point chaud classique, comme les deux précédents, résulte de remontées magmatiques générées à la frontière entre le noyau et le manteau terrestre, l’origine de certains d’entre eux fait encore débat. Des chercheuses de l’IRD et de l’université du Chili ont tenté d’en savoir plus sur les phénomènes ayant conduit à l'activité récente de sept points chauds localisés dans le Pacifique central. En s’appuyant sur des modèles mécaniques, elles ont montré que des variations de déplacement de la plaque pacifique, générant des phénomènes de cisaillement dans cette dernière, pourraient faciliter la remontée du magma vers la surface. Cette découverte, si elle se confirme, indiquerait que la formation de certains points chauds dépendrait du mouvement des plaques tectoniques. Ce type de volcanisme serait ainsi moins statique qu’on le pensait et pourrait parfois évoluer à des échelles de temps relativement rapides de l’ordre de la dizaine de millions d’années. L Carte montrant la limite des plaques tectoniques dans le Pacifique. Le cadre noir correspond à la zone géographique sur laquelle les chercheuses ont appliqué différents modèles numériques. Les points rouges symbolisent les points chauds référencés dans cette région, les flèches noires le mouvement de la plaque pacifique. La plupart des volcans en activité répertoriés sur la planète se situent aux frontières entre deux plaques tectoniques, favorisant les remontées de magma en provenance du manteau. Lorsque ces remontées magmatiques apparaissent au niveau d’une zone de subduction, là où une plaque tectonique s'enfonce sous une autre, elles donnent naissance à des massifs volcaniques tels que la cordillère des Andes. D’autres chaines volcaniques se forment le long des dorsales océaniques, régions sous-marines d’extension du plancher océanique. Mais quelques volcans obéissent à un mécanisme tout à fait différent : c’est le volcanisme intraplaque. Comme leur nom l’indique, ces édifices volcaniques apparaissent au cœur même des plaques tectoniques. Les scientifiques savent désormais que certains d’entre eux, comme l’archipel des îles Hawaï/ Empereur ou l’île de la Réunion, résultent de remontées magmatiques générées à la frontière entre le noyau et le manteau située à 2 900 km de profondeur. D’autres, comme ceux du Pacifique central, présentent en revanche des caractéristiques différentes. A la fois trop nombreux, trop proches les uns des autres et d’une durée de vie trop courte, ils poussent les scientifiques à chercher d'autres hypothèses qu'un panache mantélique profond pour expliquer les causes du volcanisme intraplaque. Des chercheuses de l’IRD et de l’université du Chili se sont intéressées à un groupe d’îles et d’archipels situés dans l’océan Pacifique central (Samoa, Cook, Rurutu, Austral, Tahiti, Marquises, Pitc airn), chacun étant répertorié comme résultant de l’activité d’un point chaud. Ces scientifiques ont voulu savoir si les mouvements >> Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr Retrouvez les photos de l'IRD concernant cette fiche, libres de droit pour la presse, sur www.ird.fr/indigo Fiche n°285 - Janvier 2008 Pour en savoir plus CONTACTS : Muriel GERBAULT Laboratoire des mécanismes de transfert en géologie Adresse : Departamento de Geologia, Facultad de Ciencias Físicas y Matematicas Universitad de Chile Plaza Ercilla 803 Casilla 13518 correo 21 Santiago Chili Tél : (56-2) 236 3464 [email protected] Valérie CLOUART [email protected] RELATIONS AVEC LES MÉDIAS : Gaëlle COURCOUX +33 (0)1 48 03 75 19 [email protected] INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD : Daïna RECHNER +33 (0)1 48 03 78 99 [email protected] www.ird.fr/indigo RÉFÉRENCE : VALÉRIE CLOUARD, MURIEL GERBAULT, Break-up spots : Could the Pacific open as a consequence of plate kinematics?, Earth and Planetary Science Letters, 2007 Doi : 10.1016/ j.epsl.2007.10.013 MOTS CLÉS : Point chaud, plaque tectonique, magma, cisaillement de la plaque pacifique sur laquelle sont localisés ces sept points chauds pouvaient intervenir dans leur formation. Pour cela, elles ont utilisé des modèles numériques mécaniques permettant de simuler l'effet du déplacement vers l'ouest de la plaque pacifique sur ses déformations internes au cours de ces 10 derniers millions d’années. Ce modèle incorpore notamment une force de traction différentielle qui s’exerce sur la plaque pacifique, la partie nord se déplaçant plus rapidement que la partie sud, cette dernière se trouvant en quelque sorte freinée par le bloc de la plaque australienne (voir schéma en 3D). Le modèle produit alors, dans cette région, une zone de cisaillement orientée est/ouest qui se superpose avec la zone géographique qui regroupe les sept points chauds de l’étude. Un autre modèle a ensuite été construit en tenant compte du refroidissement de la plaque tectonique en fonction de l’éloignement de la ride océanique qui lui donne naissance. Bien que ce second modèle mette également en évidence une zone de cisaillement, elle apparaît plus diffuse vers l'est que lors de la première simulation. Par ailleurs, cette zone de cisaillement plus diffuse se superpose avec une anomalie de la surface terrestre classiquement attribuée au bombement de la lithosphère océanique. Celleci, provoquée par la poussée du manteau sous-jacent, s’accompagne d’une variation inexpliquée de la profondeur du plancher océanique. Ce second modèle numérique permettrait donc, indirectement, de concilier la localisation géographique des points chauds sur une ligne de fragilisation de la lithosphère orientée est/ouest avec une variation de son épaisseur. On considère habituellement que l’existence d’un point chaud est liée à un phénomène de panache mantellique, sorte de bulle géante de magma générée par les courants thermiques survenant dans le manteau. Cette bulle magmatique exerce une poussée sur la base de la lithosphère océanique qui, lorsqu’elle se rompt, permet au magma de percer la croûte terrestre. Alors que ce processus permet effectivement d’expliquer l’origine des points chauds profonds, il n’apporte pas de réponse satisfaisante à d’autres formes de volcanisme intraplaque tels que le rift africain ou certains points chauds d’âge plus récent situés dans la partie centrale de l’océan Pacifique. Les résultats de cette étude proposent un scénario alternatif qui accrédite l'implication des déformations cisaillantes à l'intérieur des plaques tectoniques lors de la formation d'un certain type de volcanisme de point chaud. Dans le Pacifique central, celui-ci pourrait alors être le prélude à une scission en deux de la plus grande plaque tectonique terrestre d’ici à une dizaine de millions d'années. Par ailleurs, si les mouvements d’une plaque tectonique devaient effectivement jouer un rôle dans la formation d’un point chaud, cela pourrait signifier que ces derniers ne seraient pas aussi stationnaires qu'on le croyait jusqu’alors. En effet, l'échelle de temps caractéristique des processus de transferts de chaleur dans le manteau est d'un ordre supérieur à 100 millions d'années alors que le mouvement des plaques implique des temps géologiques plus courts de l'ordre de la dizaine de millions d'années. Certains points chauds pourraient ainsi évoluer relativement rapidement dans l’espace, au gré des déplacements des plaques tectoniques. Rédaction DIC - Grégory Fléchet ©IRD/ Gerbault Muriel En venant buter contre la plaque australienne, la partie sud de la plaque pacifique progresse moins vite que la partie nord, provoquant une zone de cisaillement (représentée en pointillé) orientée est/ouest. Grégory Fléchet, coordinateur Délégation à l’information et à la communication Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]