2016-2017 Université Lille 1 Master 1 M401 4 janvier 2017 14h-17h Examen d’algèbre 1ère session Tous documents, calculatrices, téléphones portables, etc, interdits. Toutes les réponses devront être justifiées. La notation tiendra compte de la qualité de la rédaction et de la clarté de la copie. Le barème est donné à titre indicatif. Exercice 1 (3 points). Soit K ⊃ k une extension séparable. 1. Soit une extension intermédiaire K ⊃ k 0 ⊃ k. Rappeler la démonstration du fait que K ⊃ k 0 est séparable. 2. Rappeler, sans démonstration, le théorème de l’élément primitif. 3. On suppose désormais k de caractéristique p > 0. Soit x ∈ K tel que K = k(x). (a) Montrer que K = k(xp ). (Indication : on pourra calculer le polynôme minimal de x sur k 0 := k(xp ) en s’aidant de la première question). r (b) Montrer que pour tout entier r > 1, on a K = k(xp ). Exercice 2 (8 points). Q Soit P ∈ Z[X]. On suppose que dans C[X], on a P = ni=1 (X − αi ). ∗ 1. On définit Qn pour r r∈ N un nouveau polynôme dans C[X] en posant Pr = i=1 (X − αi ). (a) Soit K = Q(α1 , · · · , αn ) ⊂ C. Montrer que K/Q est une extension galoisienne, et que G := Gal(K/Q) induit une permutation des αi . (b) Montrer que Pr ∈ Q[X]. (c) Montrer que Pr ∈ Z[X]. 2. On suppose désormais que toutes les racines de PPsont de module 1 : |αi | = 1 pour i = 1, · · · , n. On note Pr = X n + ni=1 (−1)i ar,i X n−i , où chaque ar,i est dans Z. (a) Montrer que ∀r ∈ N∗ , ∀i ∈ {1, · · · , n}, on a : |ar,i | 6 ni . (b) En déduire que #{Pr , r ∈ N∗ } < ∞. 3. On fixe une suite infinie strictement croissante d’entiers 1 6 r1 < r2 < · · · < rj < · · · telle que Pr1 = Pr2 = · · · = Prj = · · · (a) Montrer qu’il existe une suite (ij )j>1 d’éléments de {1, · · · , n} r vérifiant i1 = 1 et α1r1 = αir22 = · · · = αijj = · · · . (b) En déduire que P est un produit de polynômes cyclotomiques. 1 4. Soit P ∈ Q[X] non constant dont toutes les racines dans C sont de module 1. Est-ce que P est un produit de polynômes cyclotomiques (on pourra considérer P = Pα,Q le polynôme minimal de α = 3+4i 5 )? Exercice 3 (9 points). 1. Soit P ∈ Z[X] un polynôme unitaire tel qu’il existe un nombre premier p tel que l’image P de P dans Fp [X] (obtenue en réduisant les coefficients modulo p) est irréductible. Montrer que P est irréductible sur Q. 2. Montrer que le polynôme P = X 4 +1 ∈ Z[X] est irréductible sur Q (on pourra l’identifier à un polynôme cyclotomique que l’on précisera). 3. On regarde dans cette question P = X 4 + 1 comme un polynôme de F2 [X], où F2 est un corps à deux éléments. Donner la décomposition de P en produit de polynômes irréductibles dans F2 [X]. 4. Dans cette question, on fixe un nombre premier p 6= 2 et on regarde P = X 4 + 1 comme un polynôme de Fp [X], où Fp est un corps à p éléments. On note Fp une clôture algébrique de Fp , et d l’ordre de Z ∗ p dans le groupe 8Z (groupe des éléments inversibles de l’anneau Z 8Z ). (a) Montrer que le polynôme X 8 −1 ∈ Fp [X] est séparable. En déduire le nombre de racines 8-ièmes de l’unité dans Fp . (b) Rappeler quelle équation caractérise les éléments de Fpd parmi les éléments de Fp . (c) Montrer que le corps Fpd contient les racines 8-ièmes de l’unité de Fp , c’est à dire que montrer que Fpd ⊃ µ8 (Fp ) (on pourra utiliser le fait, en le justifiant, que 8|pd − 1, et la question précédente). (d) Soit ζ ∈ µ8 (Fp ). Montrer que le degré de son polynôme minimal sur Fp divise d, c’est à dire montrer que deg Pζ,Fp |d. (e) En gardant les notations de la question précédente, on suppose que ζ est une racine primitive 8-ième de l’unité. Montrer que Pζ,Fp divise X 4 + 1. Z ∗ (f) Montrer que le groupe 8Z n’est pas cyclique. (g) Déduire de la dernière question que P = X 4 + 1 n’est pas irréductible sur Fp . 5. Que peut-on dire de la réciproque de la première question ? 6. Soit n un entier naturel, n > 2. Montrer que le polynôme Pn = n X 2 + 1 ∈ Z[X] est irréductible sur Q mais est réductible, pour tout nombre premier p, lorsque vu comme élément de Fp [X] (on pourra reprendre la démarche du cas déjà traité n = 2 et utiliser ce cas et n−2 l’égalité Pn = P2 (X 2 )). Pour un corrigé voir : https://niels-borne.frama.io/master1-algebre/. 2 Correction 1. 1. Si x ∈ K, alors Px,k0 divise Px,k , qui est séparable car x ∈ K et K/k séparable. Donc Px,k0 est séparable, comme c’est vrai pour tout x ∈ K, on a K/k 0 séparable. 2. Si K/k est une extension finie séparable, elle admet un élément primitif : il existe x ∈ K tel que K = k(x). 3. (a) On a Px,k0 |X p − xp = (X − x)p , donc Px,k0 = (X − x)l , avec 1 6 l 6 p. Mais d’après la première question K/k 0 est séparable, donc Px,k0 est séparable, ce qui impose l = 1. Donc x ∈ k 0 , ce dont il découle k(x) = k 0 , c’est-à-dire K = k(xp ). (b) On fait une récurrence sur r. Le cas r = 1 a fait l’objet de la question précédente. On suppose l’hypothèse de récurrence vraie r−1 au rang r − 1 > 1 : donc K = k(xp ). En appliquant la quesr−1 tion précédente en replaçant x par xp , on obtient que K = r−1 r k((xp )p ) = k(xp ). Correction 2. 1. (a) L’extension K/Q est normale, car c’est le corps de décomposition de P sur Q. Elle est séparable car Q est de caractéristique 0. Elle est donc galoisienne. Soit G := Gal(K/Q), ce groupe agit sur K[X] en agissant sur les coefficients des polynômes. De plus P ∈ Z[X] ⊂ Q[X], donc, comme G fixe Q, le polynôme P estQinvariant par G. On en déduit Q que pour tout g ∈ G, on a on a ni=1 (X − gαi ) = gP = P = ni=1 (X − αi ). Donc g induit une permutation des αi . (b) On note que chaque αir appartient à K, Q donc Pr ∈ rK[X]. On gαi ). Comme peut donc calculer, pour g ∈ G, gPr = ni=1 (X Q− n r gQpermute les αi , g permute aussi les αi , donc i=1 (X − gαir ) = n r i=1 (X − αi ). En conclusion gPr = Pr . Comme c’est vrai pour tout g ∈ G, on a donc Pr ∈ Q[X]. (c) On note que comme P ∈ Z[X] et P est unitaire, chaque αi est un entier algébrique : αi ∈ O. Donc, d’après la dernière question, chaque coefficient de P est dans O ∩ Q = Z. 2. (a) D’après le lien entre coefficients et racines, on a X ar,i = αjr1 · · · αjrn . 16j1 <···<ji 6n Par l’inégalité triangulaire, on en déduit que : |ar,i | 6 X 1. 16j1 <···<ji 6n Or, toujours d’après le lien entre coefficients et racines, si bi est le P deuxième terme, on a (X −1)n= X n + ni=1 (−1)i bi X n−i . D’après la formule du binôme, bi = ni . 3 (b) Chaque polynôme Pr est uniquement déterminé par les n entiers relatifs ar,i pour 1 6 i 6 n. Or d’après la question précédente, pour i fixé, ar,i est borné indépendamment de r, donc comme ce coefficient est un entier relatif, il existe une nombre fini de choix. Comme un produit fini d’ensembles finis est fini, on en déduit que l’ensemble des polynômes Pr est fini. 3. (a) On pose i1 = 1. Le nombre complexe α1r1 est par définition une racine de Pr1 . Comme pour j > 1 on a Pr1 = Prj , c’est aussi une racine de Prj . Donc il existe un entier ij ∈ {1, · · · , n} tel que r α1r1 = αijj . (b) On commence par montrer que α1 est une racine de l’unité. Comme la suite (ij )j>1 prend au plus n valeurs, il existe j < j 0 tel que ij = ij 0 . Comme de plus par construction r r 0 r αijj = αi j0 = αijj 0 j et rj < rj 0 , on en déduit que αij est une racine de l’unité. Comme r enfin α1r1 = αijj et r1 ∈ N∗ , α1 est aussi une racine de l’unité. Comme on peut procéder de même avec tous les αi , tout ces nombres complexes sont des racines de l’unité. On en déduit que P divise (X k − 1)N pour k multiple des ordres des racines de l’unité intervenant Qparmi les αi et N entier naturel assez grand. Comme X k − 1 = l|k Φl , et les Φl sont unitaires et irréductibles dans Z[X], et de plus P est unitaire, on en déduit que P est un produit de polynômes cyclotomiques. 4. Un calcul direct donne α + α = 65 et αα = 1. Donc α et α sont de module 1, conjugués sur Q et de polynôme minimal P = Pα,Q = X 2 − 56 X + 1 à coefficients rationnels. Comme Pα,Q ∈ / Z[X], on en déduit que α (et de même α) n’est pas entier, c’est à dire α ∈ / O, en particulier α (et de même α) n’est pas une racine de l’unité. Correction 3. 1. On note que deg P 6 deg P , et comme P est unitaire, on a même égalité. Supposons que P est réductible sur Q, donc sur Z : P = QR, où Q et R sont des éléments non inversibles de Z[X]. Comme P est de contenu 1, car unitaire, ni Q ni R n’est constant, donc deg Q < deg P et deg R < deg P . On en déduit que P = Q R avec deg Q 6 deg Q < deg P = deg P et deg R 6 deg R < deg P = deg P . Donc P est réductible. 2. De X 8 − 1 = (X 4 − 1)(X 4 + 1), X 8 − 1 = Φ2 Φ4 Φ8 et X 4 − 1 = Φ2 Φ4 , on déduit que X 4 + 1 = Φ8 . Or d’après le théorème de Gauss, Φ8 est irréductible sur Q, d’où la conclusion. 3. Dans F2 [X], on a P = X 4 + 1 = (X + 1)4 . 4 4. (a) Si Q = X 8 −1, alors Q0 = 8X 7 . Comme p 6= 2, on a 8 6= 0, et le seul diviseur irréductible de Q0 est X (à multiplication par un inversible près). Mais X n’est pas un diviseur de Q, car Q(0) = −1 6= 0. Donc (Q, Q0 ) = 1. Donc P est séparable et il admet deg P = 8 racines dans Fp . (b) Les éléments de Fdp sont ceux de Fp vérifiant l’équation d Xp − X = 0 . Z ∗ (c) Par hypothèse, d est d’ordre p dans 8Z , donc en particulier Z ∗ d d p = 1 dans 8Z , et donc 8|p − 1. Soit ζ ∈ µ8 (Fp ), on a ζ 8 = 1, d d et donc ζ p −1 = 1 ce qui implique ζ p = ζ, ce qui d’après la question précédente, signifie que ζ ∈ Fpd . (d) D’après la question précédente Fp (ζ) ⊂ Fpd , donc d’après le théorème de la base télescopique : deg Pζ,Fp = [Fp (ζ) : Fp ]|[Fpd : Fp ] = d (e) On a (ζ 4 + 1)(ζ 4 − 1) = ζ 8 − 1 = 0, et ζ 4 − 1 6= 0 (car sinon ζ ne serait pas primitive), donc ζ 4 + 1 = 0, et donc comme X 4 + 1 est à coefficients dans Fp , le polynôme Pζ,Fp divise X 4 + 1. (f) On a pour tout entier naturel impair n que n2 − 1 = (n − 1)(n + 1) est divisible par 8 : car les deux facteurs sont pairs, et l’un est divisible par 4 (soit n − 1, soit n + 1 est congru à 0 modulo 4). Z ∗ Donc tout élément de 8Z est d’ordre divisant 2. Comme ce groupe est d’ordre 4, il n’est donc pas cyclique. (g) D’après les questions précédentes, Pζ,Fp divise X 4 +1 , est de degré divisant d, qui divise 2. Donc X 4 + 1 n’est pas irréductible. 5. La réciproque de la première question est fausse, car X 4 + 1 est irréductible sur Q, mais il n’existe pas de nombre premier p tel que X 4 + 1 soit irréductible sur Fp . Q 6. Comme pour tout m ∈ N∗ , on a X m −1 = d|m Φd , on a en particulier Q n X 2 − 1 = 06l6n Φ2l . Donc n+1 n X2 + 1 = X2 −1 = Φ2n+1 n 2 X −1 n−2 est irréductible sur Q. L’égalité Pn = P2 (X 2 ) montre que Pn est réductible dès que P2 l’est, donc le cas n = 2 permet de conclure que Pn est réductible modulo p pour tout nombre premier p. 5