GROUPE « MÉMOIRE(S) » Compte rendu du séminaire du 8 avril Thème : Mise en récit du travail de mémoire. Déroulement de la séance Étaient présents : Emmanuel Alcaraz, Doctorant, INALCO Judith Aquien, Assistante éditoriale, Centre Alberto-Benveniste, EPHE, Sorbonne Esther Benbassa, Directrice d’études à EPHE, Sorbonne ; directrice du Centre Alberto-Benveniste Mathieu Bouchard, Doctorant, Université Paris I-Sorbonne Andrea Brazzoduro, Doctorant, Universités Paris X-Nanterre / La Sapienza (Rome) Joël Candau, Professeur, Université de Nice, Sophia-Antipolis ; directeur du Laboratoire d’Anthropologie et de Sociologie « Mémoire, Identité et Cognition sociale » (LASMIC) Marion Charpenel, Doctorante, Sciences-Po Paris Corinne Crettaz, Chargée de cours, IEP Lille Laurence De Cock, Formatrice, IUFM Versailles, Université de Cergy-Pontoise Sébastien Ledoux, Chercheur associé, Centre Alberto-Benveniste, EPHE, Sorbonne Patricia Legris, Doctorante, Université Paris I-Sorbonne Alexandra Loumpet-Galitzine, Chercheur associé, Centre Alberto-Benveniste, EPHE-Sorbonne Anne Pasques, Enseignante, Lycée Marceau (28) Agnès Sandras-Fraysse, Chercheur associé, Centre Émile-Zola, CNRS Hugo Vermeren, Étudiant en Master II, Université Paris I-Sorbonne Eugenia Vilela, Professeur, Université de Porto Esther Benbassa a annoncé l’organisation d’un colloque les 28 et 29 mai 2010. En outre, une demi-journée d’études sur le thème « À l’ère des mémoires, quel avenir pour l’oubli ? » est prévue pour le mercredi 14 ou le samedi 17 octobre. Sébastien Ledoux a quant à lui précisé que la présentation de l’équipe était désormais en ligne sur le site du groupe Mémoire(s). Enfin, Sébastien Ledoux a annoncé l’intervention, lors de la prochaine séance (le 6 mai 2009), d’Alexis Nouss, Chair of Modern Cultural Studies, School of European Studies à l’Université de Cardiff, sur le thème : « Poétique de la mémoire chez Paul Celan. » La séance du 8 avril 2009 s’est centrée sur l’intervention de notre invité, Joël Candau, professeur d’anthropologie à l’Université de Nice, Sophia-Antipolis, directeur du Laboratoire d’Anthropologie et de Sociologie « Mémoire, Identité et Cognition sociale » (LASMIC) et auteur de l’ouvrage Anthropologie de la mémoire (Paris, Armand-Colin, 2005). La communication de Joël Candau était intitulée : • « La métamémoire, ou la mise en récit du travail de mémoire. » Discussion Il est nécessaire de questionner le terme de « mémoire collective » pour éviter toute essentialisation. Le terme de « mémoire » est passé dans un langage courant pour désigner et légitimer l’identité des groupes (femmes, descendants d’esclaves, déportés, résistants, victimes de régimes totalitaires, de génocides, etc.). Cela a conduit à établir la mémoire comme une valeur absolue, et non comme un objet de construction et en construction. L’anthropologie est une approche parmi d’autres (linguistique, psychanalyse, sociologie ou sciences cognitives) de ce questionnement, et le travail de Joël Candau se situe précisément dans notre démarche interdisciplinaire. La mémoire collective se définit-elle par le partage réel de souvenirs ou par la croyance en ce partage ? Autant une mémoire réellement partagée, collectivement, ne va pas de soi, autant la croyance collective dans le partage d’une mémoire est beaucoup plus facile à construire. Cette croyance en une mémoire partagée est facilitée par le besoin des individus de s’engager dans des comportements coopératifs. Elle est un élément constitutif de notre identité sociale qui demande un discours de partage qui nous fasse tenir ensemble. Il nous est en effet indispensable d’exister en tant que groupe. En tant qu’être sociaux, « on a besoin d’être un “nous” », a observé Joël Candau. La mémoire collective fait également écho à la mémoire des peuples, notamment du peuple juif : s’agit-il d’être un peuple ou d’être vu comme tel ? La mémoire collective seraitelle en fait une manière d’éveiller un sentiment de collectivité1 ? Dans ce cadre ainsi défini, le travail scientifique conduit à dissocier le partage réel d’une mémoire et le discours social et/ou politique qui cherche à établir ce partage comme une réalité. Pour autant, la facilité avec laquelle une mémoire peut être partagée collectivement peut être nuancée. Certaines mémoires réussissent à être partagées et d’autres non. Il s’agit donc de s’interroger sur ce qui conduit justement une mémoire à être partagée ou non dans une croyance commune. Cette distinction est tangible quand on s’attache au témoignage livré par l’expérience du souvenir dit « commun ». Concernant la mémoire historique, on se rend compte que la mémoire « partagée » l’est finalement sur un plan uniquement conceptuel et non factuel : le souvenir reste une expérience individuelle et non collective. Mais le fait de croire à ce partage de souvenirs communs fabrique une mémoire dite partagée, qui contribue à la création du groupe. Cette réflexion nous mène à la fonction éminemment politique de la mémoire qui se résume – mais ne se réduit pas – aujourd’hui par l’expression « politique de mémoire ». Ainsi les États, à la recherche d’une cohésion nationale, apparaissent comme des sociotransmetteurs de premier ordre pour imposer la croyance en une mémoire partagée. Pour étudier une mémoire collective, il faudrait par ailleurs se pencher sur la distinction et le lien entre ce qui, dans un groupe, est porteur ou vecteur de mémoire. 1 Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, trad. de l’hébreu par Sivan Cohen-Wiesenfeld et Levana Frenk, Paris, Fayard, 2009.