Document - CECILLE, Lille 3

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‫ أﺑﺤﺎث ﰲ اﻟﻠﻐﺔ واﻷدب‬- ‫اﻟﻜﺮﻣﻞ‬
Le brouillage autobiographique dans
les romans de Shimon Ballas
By Françoise Saquer
« Je ne suis pas un romancier. J’écris sur moi-même, c’est la seule
histoire que je sois capable de raconter. » (Un monde clos, 142)
L’écrivain Shimon Ballas (né en 1930 à Bagdad), à l’instar de
son héros qui se déclare incapable de construire une fiction à
partir de son expérience, élabore, dans son œuvre, une stratégie
narrative qui décline à l’infini les variations d’une identité éclatée.
Plus hardi que ses personnages confrontés à la difficulté d’écrire
leurs mémoires, Shimon Ballas a fini par risquer l’exercice1 dans
une autobiographie étonnante où l’espace personnel et familial est
occulté pour faire place à une distance intellectuelle2. Cet article
tentera de montrer, à travers l’œuvre romanesque de Ballas,
comment se révèle la dimension autobiographique. Il ne s’agit
pas de débusquer les composantes de la propre biographie de
l’auteur, qui sont à la fois évidentes, pour les grandes lignes, et
aussi obscures qu’il veut bien les rendre, pour le rapport intime,
mais d’étudier la construction romanesque.
Shimon Ballas, BeGuf rishon. (1e ed ; Tel-Aviv : ha-qibbutz ha-méhuhad, 2009).
cf. l’article de Mati Shmueloff et Yuval Ivri, « BeGuf rishon rabim, sur les traces
de l’autobiographie de Shimon Ballas », ‘Iton 77 n° 345 (avril 2010), 26-28.
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Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
La critique littéraire, portée par la pensée unificatrice de
l’Establishment sioniste, a marginalisé l’œuvre littéraire de Ballas
en le classant dans la catégorie « auteur oriental », mais aussi en
raison de ses positions non consensuelles et notamment de son
entêtement à garder une double appartenance dans un espace
culturel, idéologique et politique homogène3. A la différence
d’autres auteurs irakiens, comme Sami Michaël ou Eli Amir,
qui se définissent également comme « Juifs-Arabes »4 et défient
l’homogénéité de l’identité israélienne5 en explorant les différentes
tendances des deux parties et en pénétrant profondément dans
l’univers de « l’autre », Shimon Ballas retourne l’expression dans
les deux sens, « Juif-Arabe - Arabe-Juif », persiste dans un rapport
complexe à la langue6 et manifeste, parfois de façon radicale, sa
méfiance vis-à-vis du sionisme.
Les variations d’un modèle identitaire
La thématique des romans de Ballas se situe dans un espace
intermédiaire, un entre-deux qui définit la position du personnage
dans l’espace. Quels que soient son origine et ses lieux de passage,
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Ibid.
La question de savoir s’il faut écrire le mot « juif » avec ou sans majuscule est
très délicat dans cet article, en raison de la difficulté à déterminer la frontière entre
l’ethnique et le religieux. Lorsqu’il est question de la dimension « nationale »,
nous mettons une majuscule, lorsqu’il s’agit du rapport religieux, nous n’en
mettons pas. Force est de reconnaître que l’appréciation est parfois discutable.
Cf. article de Hanan Hever et Yehuda Shenhav, « Yehudim-Aravim, gilgulo shel
munah », http://zmanpedia.com (2008).
Si lui-même s’est résolu à écrire en hébreu, alors qu’il s’y refusait dans les
premiers temps de son arrivée en Israël, ses personnages entretiennent un
plurilinguisme de circonstance.
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l’univers fragmenté du héros est illustré par la définition appliquée
au personnage de Saïd : « Un pont au-dessus de l’abîme »7. La
critique s’est souvent focalisée sur un système binaire fondé sur des
différenciations catégorielles dichotomiques : le Juif et l’Arabe, le
Juif oriental et la société ashkénaze, la langue arabe et la langue
hébraïque, l’écriture revendicative communautaire et l’écriture
universelle8. Les passages entre les différents mondes, souvent
dramatiques et pas toujours choisis, accentuent les fragmentations
et la déchirure.
Les variations de cette situation d’instabilité et d’impossible
ancrage apparaissent comme multiples et susceptibles de se
décliner à l’infini. La seule solution proposée, mais encore estelle un no man’s land, est le choix d’une diaspora « neutre », la
France, l’Angleterre9. La conversion à l’Islam10 dans un souci
d’intégration politico-ethnique est présentée comme un vecteur
identitaire, mais l’intégration à peu près réussie qui en découle11
ne résout pas les problèmes d’étrangeté de celui qui de « juif du
dehors » est devenu « un musulman venu du dehors »12. Shimon
Ballas a toujours présenté l’inconfortable position du « JuifArabe » du point de vue de l’Oriental face au volontarisme de
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Shimon, Ballas, Heder na’ul (Chambre close) (1e ed ; Tel-Aviv : Zemora Bitan,
1980), 28.
Shmueloff et Ivri, « BeGuf », 26.
Chambre close, Fin de la visite. Shimon, Ballas, Tom ha-Biqur (Fin de la visite)
(1e ed ; Tel- Aviv : Ha-Qibbutz ha-méhuhad, 2008).
Shimon Ballas, Ve-Hu Aher (L’Autre). (1e ed ; Tel-Aviv : Ha-Qibbutz haméhuhad, 2005).
L’Autre, 128.
L’Autre, 99.
Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
l’idéologie sioniste13. Là, il inverse le modèle identitaire, avec
le choix de la diaspora et la conversion à l’Islam comme moyen
de combattre le sionisme. Rejeté par les siens, Hahmad Savsan
fonde une famille musulmane à Bagdad et s’emploie à défendre
l’Islam contre l’Occident, appelant les Juifs à abandonner leur
particularisme pour épauler leurs frères musulmans et chrétiens
contre le sionisme, symbole de la domination occidentale et
« expression grossière et violente de la mentalité ethnocentrique
et xénophobe qui caractérise le judaïsme »14. Sa proposition
d’opposer à l’islamisme de Khomeiny un manifeste laïque et
moderne, fondé sur une approche nationale, culturelle et morale,
s’apparente pourtant à l’idéologie sioniste qu’il abhorre15.
Le communisme, qui constitue la toile de fond de l’univers
intellectuel et idéologique des romans, n’est pas non plus une
solution satisfaisante. La scission du Parti communiste israélien
en 1965, provoquée par l’attachement au sionisme d’un de ses
principaux dirigeants, Moshé Sneh16, en éloigne de fait les Arabes,
et dans tous les cas, le héros, qu’il soit Arabe ou Juif, se trouve
dans une position inconfortable, soit en marge17, soit rejeté pour
dissidence18.
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cf. la post-face du roman par Hanan Hever. « Un Juif converti à l’Islam sera
toujours suspect », in : L’Autre, 165-172.
L’Autre, 62.
L’Autre, 133-134.
Cf. Doris Bensimon et Egal Errera, Israël et ses populations (1e éd ; Paris :
Complexe, 1977), 103.
Fin de la visite, L’Autre.
Chambre close.
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Les difficultés rencontrées par le protagoniste au moment d’écrire
ses mémoires proviennent de deux écueils majeurs : d’une part,
le caractère désordonné et désarticulé du souvenir qui contrarie le
désir d’ordre et de chronologie de l’autobiographe, d’autre part, la
peur de se dévoiler et de livrer sur la place publique ce qui relève
de la sphère privée. En réalité, la confrontation du héros avec sa
propre écriture fournit les clés de lecture de l’œuvre romanesque
de Ballas. Celui-ci, en effet, se livre à un jeu de cache-cache
avec le lecteur qui est invité à rapprocher les morceaux d’une
identité éclatée, à recomposer le puzzle, en glanant, à travers les
composantes caractéristiques des personnages, les pièces éparses
de la construction.
Il ressort de ces généralités, alliées à une lecture analytique des
romans, que les personnages participent d’une même entité.
Autrement dit, les différents characters constituent les multiples
facettes d’une identité fragmentée, ainsi que les variations de
la thématique de division. La dimension autobiographique
réside dans l’assemblage des différentes identités. S’agit-il d’un
éclatement du moi narratif ? Dans ce cas, il se décompose et se
disperse à l’envi comme un tissu effiloché. L’instabilité du héros
dans son espace identitaire est le produit de son aspiration à cette
impossible unité :
« Ton monde est ouvert et tu es à l’intérieur, le mien est clos et
je suis dehors. Je voudrais attraper tous les fils, pénétrer tous les
coins, toucher tous les éléments. » (Chambre close, 20)
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Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
Les trois œuvres choisies comme base de l’étude s’étendent sur
une période assez longue pour qu’elles soient représentatives
et reflètent la problématique posée, dont elles sont susceptibles
d’éclairer les développements. Chambre close (1980) traite du
positionnement de l’Arabe palestinien dans la société israélienne,
Dans L’Autre (1991), qui se situe à Bagdad, le noyau de la
thématique identitaire est la conversion du juif à l’islam. Fin
de la visite19 (2008), parachève la situation de passage, avec
un protagoniste juif installé à Londres qui se considère comme
touriste en Israël, pays où il n’a jamais eu l’intention de s’installer.
Aucun personnage central n’a choisi l’Etat d’Israël. Ahmad Haron
Savsan, 18 ans en 1930 (L’Autre) et Yaakov Salem, 18 ans en
1948 (Fin de la visite) sont des Juifs d’Irak, Saïd, 36 ans en 1974
(Chambre close, 138), est Palestinien d’Israël. Tous ont traversé
des périodes tragiques et fait de la prison pour des motifs politiques,
tous sont animés du désir d’écrire leurs mémoires, mais peinent
à le faire, tous sont ballottés entre deux cultures dichotomiques,
entre la modernité de l’Occident et l’attachement aux valeurs de
l’Orient. Tous ont suivi des études supérieures et sont formés aux
écoles de l’Occident dont ils sont conscients des faiblesses sur les
plans politique et culturel. Tous ont la nostalgie d’un amour de
jeunesse auquel ils seront fidèles à jamais.
La stratégie narrative
Nous allons tenter de montrer comment s’organise chez Ballas, à
19
Fin de la visite n’est pas un roman, mais une longue nouvelle de 116 pages,
figurant dans un recueil éponyme.
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travers ces trois oeuvres, le processus de fragmentation identitaire,
comment se décline la situation d’entre-deux, d’instabilité
structurelle, et comment la stratégie narrative permet de décliner
ce processus. Les phénomènes précités se révèlent à la fois dans
les choix narratifs, dans la représentation du lieu, dans la typologie
des personnages, dans le schéma relationnel.
Sur le plan narratif, le brouillage chronologique est tel que
retrouver le fil est parfois malaisé, notamment quand le passage
entre le passé et le présent de l’intrigue ou entre différentes
époques du passé se fait sans transition, parfois dans une même
phrase (très fréquent dans L’Autre). L’évocation d’un nouveau
personnage s’opère de la même façon, sans transition à l’intérieur
d’une même séquence narrative (fréquent dans Chambre close),
comme dans un film où une image se substitue à une autre selon la
technique du fondu enchaîné, seulement ici, un temps d’ajustement
est nécessaire pour que le passage soit perçu. L’absence d’ordre
chronologique s’applique aussi aux événements politiques qui
sont imbriqués dans l’expérience personnelle, l’un et l’autre
aspect servant à tour de rôle de repère à la mémoire.
Le jeu de cache-cache avec le lecteur trouve son expression
dans la technique de l’allusion, particulièrement lorsqu’il s’agit
d’implications intimes. Les détails frappants sont parsemés dans
le texte et la clé n’est donnée que bien plus tard, voire à la fin,
parfois de façon succincte20. Dans Fin de la visite, le brouillage
20
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Par exemple, les causes de la rupture avec Ruben, le frère, dans L’Autre, ou
l’histoire d’amour tragique de Yaakov dans Fin de la visite ne sont jamais
Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
identitaire atteint son paroxysme dans la rareté, voire l’absence,
de dénominations. L’utilisation majoritaire de pronoms ne permet
pas toujours de déterminer d’emblée l’identité du personnage,
évoqué ou parlant. De même, la nature des liens entre deux
personnages centraux, Edna et Yaakov, n’est explicitée qu’au tiers
de la nouvelle21, alors que de fausses pistes sont suggérées (sœur,
fille, (ex)petite amie), ce qui laisse percevoir que l’auteur s’amuse
avec le lecteur dans cette chasse aux identités. Ce n’est pourtant
pas uniquement un jeu espiègle, car le non-dit participe à la notion
de secret qui sous-tend la question de l’écriture, et en particulier
de l’écriture autobiographique. Dans L’Autre, le directeur de thèse
du narrateur apprend que ce dernier est Juif au bout de cinq ans, et
le lecteur n’en est informé qu’au fil de cette évocation22.
Le lexique témoigne aussi d’une unité dans la dispersion, avec
récurrence des termes ressortissant au champ sémantique de
l’altérité, appliqués à différents personnages : « isolé », « séparé »,
« exilé », « clos », « étranger », « invité », « solitaire ». La
contamination lexicale s’applique aussi au collectif avec
l’évocation de la communauté druze à l’aide des mêmes matériaux
thématiques et lexicaux23.
Les portes d’entrée les plus directement accessibles vers la lecture
autobiographique se situent dans le conte, les histoires racontées
aux enfants ou provenant de souvenirs de jeunesse, qui constituent
21
22
23
vraiment explicitées.
Fin de la visite, 41.
Fin de la visite, 21.
Fin de la visite, 98.
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des mises en abyme de l’expérience du héros. Par exemple,
l’histoire des fameuses chaussures de Tanburi dont ce dernier ne
parvenait pas à se séparer. Des chaussures tellement laides et usées
qu'elles faisaient sa réputation et chaque fois qu'il les jetait, on les
lui renvoyait, si bien que même devenu riche, il les a gardées24.
N’est-ce pas la situation de l’exilé, toujours ramené à son origine,
à sa dualité ?
Dans Fin de la visite, Yaakov est fasciné par un couple de
personnes âgées qui, après toute une vie de séparation, retrouvent
leur amour de jeunesse. Il préfère écrire leur histoire plutôt que
celle de sa vie, pourtant tragique et mouvementée, qu’il qualifie,
en regard, de banale (90). Il apparaît qu’au regard de la fonction
de la nostalgie dans les romans étudiés25, la réunion sur le tard de
ces deux amoureux du passé représente le tableau achevé du désir
profond du héros, de son rêve d’unicité, de son aspiration à réunir
les fils de sa vie.
La représentation du lieu est sans doute ce qui illustre de la
façon la plus évidente la structure identitaire de la fragmentation.
Saïd (Chambre close) et Yaakov (Fin de la visite) sont en visite
en Israël, tandis que leur lieu de résidence est en Europe. Pour
l’Arabe d’Israël, la migration s’est faite vers Tel-Aviv, symbole
de la modernité et de l’Occident, depuis son village arabe dans
24
25
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Fin de la visite, 93. Voir aussi l’évocation d’une nouvelle sur cinq filles en deuil,
liées par le souvenir de la naqba, dont le sort est décrit avec les mêmes termes
que celui des personnages juifs : « Solitude dans un monde étrange et étranger »
(Fin de la visite, 26).
Voir infra, la nostalgie de la femme aimée.
Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
le Triangle, où il fut renvoyé après un séjour dans les geôles
israéliennes. Ses rêves d’intégration, son histoire d’amour avec une
juive, son engagement politique, ne résistent pas à l’humiliation
subie et à son sentiment d’être étranger. Il s’exile à Paris dans un
« non-lieu » qui reflète son identité : « Ma place est là-bas, dans
cette société de déracinés venus des quatre coins du monde. »26.
Yaakov se trouve à la fin d’une courte visite en Israël, pays où
il vécut trois ans, après être passé d’Irak en Iran, et avant de
s’installer à Londres. Le passage en Israël ne fut pas un choix,
mais la conséquence d’une menace d’emprisonnement si l’Iran
le renvoyait en Irak. Du reste, il garde toujours soigneusement le
document témoignant de sa nationalité irakienne.
Ahmad Haron Savsan, originaire d’un village dans la vallée de
l’Euphrate, est passé de Bagdad à Beyrouth, puis aux Etat-Unis
pour faire ses études. Il revient à Bagdad avec sa femme Américaine
qui retourne seule à la Nouvelle-Orléans où il la rejoindra
quelques fois avant la séparation définitive. Sa conversion à
l’Islam le conduit au Caire où il demeure trois mois, mais son lieu
de vie reste Bagdad où il occupe une position de notable. L’exil,
pour ce personnage profondément oriental, formé aux écoles de
l’Occident, est dans l’essence même de sa position de Juif dans un
environnement musulman, puis de musulman converti. Lui-même
définit son histoire comme celle d’un enfant juif d’une bourgade
endormie sur les rives de l’Euphrate, qui doit fracturer deux cadres
– le tribal séparatiste et le local traditionnel, du Juif au général, et
26
Chambre close, 151.
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de là vers les espaces de la culture universelle27.
La typologie des personnages relève de l’éclatement identitaire
si l’on considère qu’ils sont tous une projection du moi narratif, ce
qui est notre hypothèse de départ. Si le personnage central présente
une identification directe avec la biographie de l’auteur (origine,
âge, milieu culturel et politique), il est entouré d’un éventail
diversifié de connaissances plus ou moins proches. Toutefois, les
composantes de cette diversité permettent d’étayer l’hypothèse
d’une entité recomposée. En effet, elles ne représentent pas l’autre
côté, mais des variations pouvant constituer les atermoiements
d’une pensée divisée.
Les origines multiples font l’alliance entre l’Orient et l’Occident :
Juif irakien, mais aussi ashkénaze, Arabe en Israël, Arabe en Irak,
Américaine chrétienne. Les professions sont celles d’individus
éduqués, le plus souvent d’intellectuels aisés, universitaires,
écrivains, poétesses, journalistes, architectes, avocats, ingénieurs.
Les religions, quant à elles, sont plus des composantes ethnopolitiques que religieuses. L’idéologie est résolument de gauche
sur arrière-plan de communisme, avec une diversité d’opinions,
souvent ancrée dans une sphère intellectuelle qui s’interroge.
Les différentes options proposées, du communisme pur et dur en
passant par le maoïsme, jusqu’au choix de l’Islam, se caractérisent
par une position anti-sioniste constante. Même le personnage juif,
qui émigre en Israël après que les circonstances en ont décidé
pour lui, se démarque du sionisme, bien qu’il affiche une fidélité
27
94
L’Autre, 25.
Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
de principe à sa nouvelle nation28. Le rapport à l’Etat d’Israël est
distant ; aucun des personnages centraux n’a choisi d’immigrer,
les Irakiens y ont été forcés, quant à l’Arabe d’Israël, il ne manque
pas de préciser que la nationalité israélienne lui a été imposée29.
La diversité qualificative évoquée ci-dessus ne s’écarte pas
d’un noyau générique susceptible de représenter la division
fondamentale du personnage, en ce que chaque composante
participe des différentes strates d’une identité contradictoire.
Si le protagoniste, situé « au-dessus de l’abîme »30 est caractérisé
par l’instabilité et le mouvement, il est entouré de personnages que
l’on peut qualifier de stables et peuvent constituer des fragments
de l’identité morcelée. Il ne s’agit pas d’une stabilité affective
ou psychologique, mais d’un sentiment d’appartenance, d’un
ancrage dans une citoyenneté (irakienne ou israélienne), dans une
tradition (de l’Orient ou de l’Occident), dans une ligne politique
(communiste, maoïste, islamiste).
Les personnages féminins constituent une sorte de prolongement
du héros, voire de double, dans la mesure où elles jouent le rôle
d’interlocutrice, en pensée ou en présentiel, et lui renvoient
une image de lui-même. Elles le définissent, le contrent, le
contraignent. Elles le dominent à l’occasion et inversent le rapport
masculin-féminin. Dans Chambre close, la description de la scène
dans laquelle Nitsa, l’amie hongroise rescapée de la Shoah, incite
28
29
30
L’Autre, 75.
Chambre close, 173.
Chambre close, 28.
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Saïd à l’acte sexuel, pose la femme en dominante, avec des termes
de pénétration à connotation masculine, face à l’homme qui se
déclare vaincu :
« C’était comme si tout son corps fluet me pénétrait
[…]. Je ne demandais qu’à fuir […] J’avais besoin
d’oubli et de réconfort, et le seul remède, c’était de
me laisser faire. » (Chambre close, 107)
De la même façon que le Palestinien déclare n’avoir jamais dit
« je t’aime » à une Arabe, les amies des protagonistes sont des
femmes de culture occidentale. La stabilité de l’espace féminin est
clairement énoncée à l’encontre de Liliane, la Française : « Ton
monde est ouvert et tu es au centre, le mien est clos et je suis à
l’extérieur »31.
La famille représente un univers stable et cohérent, ancré dans la
tradition : le héros s’en désolidarise, voire en est exclu et, de toute
façon, s’y sent étranger.
Sur le plan politique, les militants communistes convaincus et
inébranlables, Juifs ou Arabes, en Israël ou en Irak, figurent dans
les trois romans, et représentent le point fixe de l’idéologie du héros
qui, dans ce domaine aussi, se sent en insécurité et en décalage.
L’ami communiste, fils de fellah, « pas un hybride comme moi »
représente le modèle envié d’une identité unique32.
31
32
96
Chambre close, 20.
L’Autre, 38, 95, 146.
Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
Les personnages masculins qui constituent des entités stables,
loin d’être des rivaux, sont, au contraire, des instruments capables
d’accomplir l’unité refusée à l’individu entre deux mondes. Saïd
jette Smadar dans les bras de Zeev pour retrouver son propre terrain,
pour se sauver de cet amour qui le renvoie à son incomplétude33.
La relation en triangle met en relief la marginalité du héros, et la
présence d’un troisième partenaire, juif, en même temps qu’elle
met le personnage arabe face à ce qu’il n’est pas, lui permet de se
décharger de ses tensions et d’assumer sa dualité34.
La liberté peut se situer dans le choix de l’exil35, et la dualité
assumée trouve son repos dans la solitude : « Un monde clos où
l’étranger ne viendra pas »36. La référence intertextuelle évoque
un roman publié dans les années soixante, qui relate l’histoire
d’amour impossible entre deux étudiants, Juive et Arabe37. L’échec
de cette romance justifie pleinement le choix du protagoniste de
Ballas de ne pas tenter l’aventure en Israël, mais aussi souligne la
permanence du phénomène puisque plus de dix années séparent
33
34
35
36
37
Chambre close, 118.
On retrouve le même phénomène dans Confessions d’un bon Arabe (‘Aravi Tov,
Tel-Aviv : Kineret, 1984 ; Paris : Stock, 1994) de Yoram Kaniuk où le deuxième
homme, l’Israélien accompli, concrétise le fantasme d’identification du héros, en
ce qu’il représente le modèle parfait de sa personnalité divisée (23 ; hébreu, 16).
Fin de la visite, 62.
Chambre close, 20.
Hemda Alon, L’Etranger ne viendra pas (1e éd. Tel-Aviv : ha-qibbutz haméhuhad, 1962). Pour les besoins de mes travaux antérieurs, j’avais traduit le titre
hébraïque par Pas d’étranger ici. Cf. mon article : "Les Relations amoureuses
entre Juifs et Arabes dans la littérature israélienne", Reeh hors série (Paris, 1999),
144-159.
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les deux romans, et les temps de la narration38.
Le schéma relationnel se présente comme une spirale toujours
ouverte vers le vide, au-dessus de l’abîme. Le rapport à la famille
est significatif de la fragmentation, dont il constitue le premier
point de rupture. La coupure avec le père, et par extension le frère
aîné qui endosse la responsabilité de chef de famille, est récurrente,
tandis que la proximité affective avec la mère se maintient, malgré
un rapprochement physique souvent interdit par les hommes.
Interdit bravé par la sœur aînée qui s’évertue à maintenir le lien.
Le conflit avec le microcosme le plus intimement lié à l’origine du
héros met en relief la dichotomie entre la modernité qu’il incarne,
et la tradition conservatrice qui le condamne et le rejette. Sur le
plan symbolique, le conflit identitaire se joue avec le père et les
frères, porteurs du nom et garants de la transmission. Cependant,
la double identité, loin d’ajouter, retranche, et le traitement de la
thématique identitaire fait clairement apparaître que l’intégration
souhaitée implique un effacement de l’origine, ce que tentera
Ahmad Haron Savsan lorsqu’il renoncera définitivement à son
nom juif, pas qu’il ne s’autorise à franchir qu’après la mort de sa
mère39.
Le cercle des amis fidèles et des amitiés amoureuses se substitue
à la famille, et crée un environnement affectif sécurisé, bien que
toujours marqué par le manque. Manque de l’amour absolu, du désir
profond impossible à satisfaire, et surtout nostalgie de l’amour de
38
39
98
Chambre close, 138.
L’Autre, 104.
Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
jeunesse qui entretient le sentiment de vide et d’inachevé chez un
héros incapable de renoncer à son désir d’absolu et d’unité, autant
qu’il est incapable de le réaliser. La fidélité à l’amour contrarié de
la jeunesse est à la fois une mise en abyme de l’impossible unité
et l’une des projections du rapport à la terre :
« Nostalgie de la femme aimée et nostalgie de la
terre natale, cette déchirure entre deux amours,
n’est-elle pas l’essence même de la vie de Haron
Savsan ? (L’Autre,169)
L’évocation de la femme aimée, qui s’intercale dans toutes les
couches narratives des romans, constitue le fil conducteur des
souvenirs du héros, et le mobile profond de ses choix. Saïd est
venu en Israël pour retrouver les traces de Smadar, Yaakov reste à
Londres où devait le rejoindre autrefois son aimée disparue. Ahmad
Haroun Savsan fonde une famille musulmane, mais malgré la
naissance d’une fille qu’il adore, le besoin de voir Jane et leur fils
élevé en Amérique est trop présent pour qu’il parvienne à trouver
le bonheur40. La fidélité à la femme aimée dans la jeunesse, le
souvenir sans cesse renouvelé de l’amour impossible, est l’une des
expressions principales de l’exil structurel du héros. Il perpétue le
manque en nourrissant le terrain nostalgique et manifeste ainsi
son incapacité à s’installer dans une relation unique.
40
L’Autre, 107.
99
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La question de l’écriture
La question de l’écriture traverse toute la narration, de façon
directe ou indirecte. Dans chaque roman, le personnage central
est confronté à la difficulté d’écrire ses mémoires, le plus chargé
en éléments significatifs étant l’autobiographie fictive du narrateur
(L’Autre). Dans tous les cas, les mêmes personnages publient des
ouvrages de recherche et d’opinion qui révèlent une bonne dose
d’affinité avec la biographie de leur rédacteur et participent au
jeu de piste consistant à débusquer les éléments révélateurs du
personnel. Les clés de lecture sont, du reste, données par le texte
lui-même : à son amie qui lui reproche de jouer à cache-cache
avec sa propre histoire, et de se réfugier derrière celles des autres,
Yaakov se dit que si elle lisait ses livres sur la poésie ou la politique,
elle trouverait des pistes conduisant à sa propre biographie41.
L’écriture autobiographique révèle la difficulté d’unification
identitaire et déstabilise le protagoniste rompu à l’exercice de
la dissimulation. Les freins, conscients et inconscients, liés à
l’écriture de l’intime, procèdent de plusieurs facteurs, le plus
concret étant la mise en forme, contrariée par la nature du système
mental. Les souvenirs s’emmêlent, se brouillent, submergent le
héros qui peine à relier les fils, quand sa mémoire ne le trahit
pas42. Le manque d’ancrage dans la réalité de son passé lorsque
les anciens partenaires de vie ne sont plus des repères, provoque
41
42
Fin de la visite, 46.
Chambre close, pp. 20, 214, L’Autre, 31, 72.
100
Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
une sorte de flottement qui entrave le processus mémoriel43.
La peur du dévoilement constitue l’élément le plus inhibant, qui
conduit à des stratégies de dissimulation et de contournement.
Le refus de mettre l’intime sur la place publique est attribué à la
culture communautaire et familiale, à la crainte de mettre à mal
les vivants devant des étrangers44, à la solitude et au secret45, à la
peur de se trahir et de trahir46. La concordance entre les travaux de
recherche et le dévoilement personnel fait partie du jeu de piste.
Il apparaît clairement que, si le héros exprime une volonté de
séparer l’aspect autobiographique des passages analytiques, c’est
pour mieux en souligner l’impossibilité47. L’écrit, quelle que soit
sa nature, est révélateur du personnel et implique un engagement
affectif, d’autant que l’histoire personnelle est indissociable de
l’histoire nationale48.
L’écriture apparaît comme un témoignage, une mission, même
si son objectif échappe à l’auteur, et que l’écrit, une fois délivré,
mène sa propre existence49. Le dévoiement par une lecture erronée
n’est pas le moindre risque. C’est ainsi que Les Juifs dans l’histoire
est vu par certains comme un appel au Djihad contre les Juifs,
tandis que, pour son auteur, c’est une proposition d’action contre
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45
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48
49
L’Autre, 72.
L’Autre, 25.
Fin de la visite, 92.
Chambre close, 142, 202, 214.
Chambre close, 152, L’Autre, 8.
L’Autre, 13.
L’Autre, 125.
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le sionisme et contre la domination occidentale50. Une illustration,
voire une mise en abyme, du jeu identitaire que se livrent les
stratégies d’écriture, se trouve dans l’évocation d’une nouvelle
qui traite d’un abus de confiance relatif au genre littéraire et à la
qualité de l’auteur51. Un éditeur se cache derrière le nom d’un jeune
écrivain, lui-même identifié comme critique de théâtre, alors qu’il
réécrit les mémoires de l’éditeur. En outre, la nouvelle a été remise
à Yaakov, pour avis, sans que lui soit révélé le nom de l’auteur. Ce
chassé-croisé est une variation complexe et duelle du propre jeu du
personnage, lorsqu’il se présente comme un exilé irakien, rédige
les biographies des autres, et nie la particularité de la sienne52.
La tendance à considérer sa propre histoire comme insignifiante,
et à privilégier les anecdotes de la vie des autres est l’une des
caractéristiques des personnages étudiés. L’histoire du diplomate
et de la professeur de piano dont l’histoire d’amour se renouvelle
au moment de la vieillesse, est jugée par le protagoniste « digne
de la plume d’un écrivain qui regarde de loin »53. Cette position
pourrait bien figurer dans le credo du biographe et dénoncer
le manque de distance comme l’un des écueils de l’écriture de
l’intime.
Le rapport aux langues est l’un des corollaires de la thématique
de fragmentation et l’utilisation à l’oral et à l’écrit de l’arabe, de
l’anglais, du français, mais aussi de l’hébreu, constitue autant
50
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53
L’Autre, 62.
Fin de la visite, 49, 89.
Fin de la visite, 49, 89.
Fin de la visite, 65.
102
Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
de facettes de la personnalité divisée du locuteur. La langue
d’écriture participe de la thématique identitaire, mais aussi de
celle de la pudeur et du secret. L’arabe, langue de l’origine et de
l’intériorité, est la langue d’écriture, mais peut aussi faire obstacle
au dévoilement, là où l’anglais tiendrait lieu de barrière de sécurité
destinée à protéger l’entourage familial54. Dans tous les cas, la
diversité des langues crée un cloisonnement entre les différents
univers de la narration. Souvent, le récit des souvenirs et même
les autres écrits sont inaccessibles à l’entourage immédiat. Saïd,
à Paris, vit avec une française et écrit en arabe (Chambre close),
Yaakov est, à Londres, l’un des plus éminents spécialistes de
la langue arabe dans lesquels il écrit la majorité de ses articles
(Fin de la visite). L’hébreu est la langue de l’oral, du quotidien à
l’intérieur d’Israël, mais jamais une langue d’écriture.
Dans tous les cas, l’interrogation sur l’écriture témoigne de la
difficulté d’une unification identitaire. Le personnage se cache
derrière la recherche et peine à lancer son espace intime sur la
place publique. Là encore, il s’agit d’aller à la pêche et de recoller
les morceaux.
***
L’image du cercle dans lequel l’individu est enfermé sans pouvoir
en sortir trouve des échos dans les trois romans55 et illustre la
stratégie narrative qui fonctionne comme une spirale mouvante.
54
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L’Autre, 25.
Fin de la visite, 99, L’Autre, 23, Chambre close, 19.
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Le mot de la fin est peut-être dans cette image de l’être humain
en perpétuel mouvement, qui ne peut, de son vivant, se regarder
de l’extérieur et évaluer ses actes56, qui est voué à avancer sans
se retourner. Seulement, tant qu’il tient un stylo, son histoire
s’écrit, dans toutes ses dimensions, de la sphère intime à la sphère
nationale, qu’il le veuille ou non, qu’il en soit conscient ou non.
56
Fin de la visite, 99.
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Le brouillage autobiographique dans les romans de Shimon Ballas
Références bibliographiques
Sources principales
Ballas, Shimon. Heder na’ul (Chambre close). 1e ed. Tel-Aviv,
Zemora Bitan, 1980.
Ballas, Shimon. Ve-Hu Aher (L’Autre). 1e ed. Tel-Aviv, Ha-Qibbutz
ha-méhuhad, 2005
Ballas, Shimon. Tom ha-Biqur (Fin de la visite). 1e ed. TelAviv, Ha-Qibbutz ha-méhuhad, 2008.
Ballas, Shimon. BeGuf rishon. 1e ed. Tel-Aviv, Ha-Qibbutz haméhuhad, 2009.
Sources secondaires
Alon, Hemda. Zar lo yavo‘ (L’Etranger ne viendra pas). 1e
ed. Tel-Aviv, Ha-Qibbutz ha-méhuhad, 1962.
Kaniuk, Yoram (Sherara, Yossef). Aravi Tov (Un Bon Arabe). 1e
ed. Tel-Aviv, Kineret, 1984.
Confessions d'un bon arabe. Paris, Stock, 1994 (traduit de
l'anglais par Pierre Wauters).
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Articles de référence
Hever, Hanan. « Un Juif converti à l’Islam sera toujours
suspect ». In : Ballas, Shimon. Ve-Hu Aher (L’Autre). TelAviv : Ha-Qibbutz ha-méhuhad, 2005. Pp. 165-172.
Hever, Hanan et Shenhav, Yehuda. « Yehudim-Aravim,
gilgulo shel munah ». http://zmanpedia.com (2008).
Shmueloff, Mati et Ivri, Yuval. « Be-Guf rishon rabim, sur
les traces de l’autobiographie de Shimon Ballas ». ‘Iton 77
n° 345 (avril 2010), 26-28.
Références complémentaires
Bensimon, Doris et Errera, Egal. Israël et ses populations. 1e ed.
Paris, Complexe, 1977.
Saquer-Sabin, Françoise. « Les Relations amoureuses entre Juifs
et Arabes dans la littéature israélienne ». Reeh hors série (1999),
144-159.
Saquer-Sabin, Françoise. Le Personnage de l'Arabe palestinien
dans la littérature hébraïque du XXe siècle. 1e ed. Paris, CNRS
Éditions, 2002.
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