Transformations des politiques scientifiques: l`articulation singulière

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Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" Transformations des politiques scientifiques:
l'articulation singulière du référentiel néolibéral avec le secteur de la
recherche en Suisse
Martin Benninghoff & Raphaël Ramuz
OSPS-Université de Lausanne
1
INTRODUCTION.......................................................................................................................................2
2 CONSTRUCTION D’UN RÉFÉRENTIEL GLOBAL : NÉOLIBÉRALISME ET
NOUVELLE GESTION PUBLIQUE ...........................................................................................................3
2.1 « L’OFFENSIVE NEO-LIBERALE » ....................................................................................................................4
2.1.1 Les intellectuels organiques comme conseillers du prince .............................................................. 5
2.1.2 Les grands entrepreneurs en « sauveurs de la patrie »..................................................................... 6
2.1.3 Le Conseil fédéral et son programme de « régénération de l’économie suisse » .................. 8
2.2 REFORME DE L’ADMINISTRATION ET NOUVELLE GESTION PUBLIQUE ............................................. 10
2.2.1 Le programme de législature du Conseil fédéral...............................................................................10
2.2.2 Réforme en faveur d’une « organisation moderne » de l’administration................................11
2.2.3 La « nouvelle gestion publique » ..............................................................................................................12
3 PRISE EN COMPTE DE LA RECHERCHE DANS LA CONSTITUTION DU
REFERENTIEL GLOBAL NEOLIBERAL ............................................................................................ 15
3.1 LIVRE BLANC I: L'INTERPRETATION NEOCLASSIQUE DE L'ETAT DANS LA PRODUCTION DES
CONNAISSANCES .......................................................................................................................................................... 15
3.2 LIVRE BLANC II: LA "SOCIETE DE L'INFORMATION" ET L'EMERGENCE DU ROLE POSITIF DE
L'ETAT ............................................................................................................................................................................. 17
3.3 LIGNES DIRECTRICES POUR UNE POLITIQUE ECONOMIQUE ORIENTEE VERS LA CROISSANCE :
INTEGRATION DU ROLE DE L'ETAT DANS L'IMPULSION DE L'INNOVATION ................................................ 18
3.4 STABILISATION DU REFERENTIEL GLOBAL: LE "RAPPORT SUR LA CROISSANCE"....................... 19
4
UN NOUVEAU REFERENTIEL DE LA RECHERCHE ............................................................. 20
4.1 ENTRE RATIONALISATION ECONOMIQUE ET INVESTISSEMENT POLITIQUE .................................... 21
4.2 REFORMER L'ADMINISTRATION FEDERALE POUR AMELIORER LES CONDITIONS CADRES DE
L’ECONOMIE .................................................................................................................................................................. 22
4.3 RENFORCER LES LIENS ENTRE RECHERCHE LIBRE ET RECHERCHE APPLIQUEE............................. 23
4.4 UNE NOUVELLE GESTION DE LA RECHERCHE .......................................................................................... 23
5
CONCLUSION......................................................................................................................................... 24
1
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" 1
Introduction
Cette vise à rendre compte des transformations qu’a connu le secteur de la recherche publique
en Suisse (Benninghoff, Leresche 2003; Benninghoff, Ramuz 2002 ;Joye-Cagnard 2010,
Lepori, 2006) durant les 30 dernières années en l'interprétant, par le prisme de l'approche
cognitive des politiques publiques, comme un changement de référentiel. Ensuite, nous
proposons, via cette étude, un retour critique sur les concepts développés par l'approche
cognitive des politiques publiques – plus particulièrement l'approche dite des référentiels
(Jobert et Muller 1987; Faure et al. 1995; Muller 2000 et 2005). Nous tenterons de répondre à
cet objectif en développant notre réflexion de la manière suivante.
Premièrement, nous interpréterons les changements que la formation sociale suisse connaît
depuis le début des années 1990 comme une transformation que l'on peut analyser comme
changement de référentiel global. Nous montrerons que différents ordres de phénomènes
concourent à la formation de ce nouveau référentiel global et se cristallisent notamment dans
une nouvelle configuration du rôle de L'Etat. Un accent particulier sera mis sur le rôle des
intellectuels organiques qui produisent des discours (politiques, scientifiques) sur la manière
dont l’appareil de l’Etat doit être "modernisé" pour répondre à la crise économique des années
1990, en mettant en place différentes mesures de libéralisation des secteurs publics.
Deuxièmement, pour comprendre la manière dont s’articule la recherche, en tant que secteur
d’action publique, à l’émergence de ce nouveau référentiel global, on s’interrogera sur la
manière dont les intellectuels organiques en dehors du champ bureaucratico-administratif et
les médiateurs à l’intérieur de celui-ci conçoivent la recherche au sein d’une politique
économique basée sur la connaissance. Nous démontrerons la manière dont les réformes – des
institutions et des instruments – mises en place par le gouvernement fédéral dans le domaine
de l’encouragement de la recherche s’articulent à ce nouveau référentiel global et constituent
ainsi la recherche publique comme un nouvel objet particulier de régulation politique.
Troisièmement, la communication visera à souligner le rôle constitutif du référentiel sectoriel
de la recherche dans le référentiel global. Il s'agit de souligner que le référentiel sectoriel ne
se trouve pas simplement dans un rapport unilatéral d'adaptation au référentiel global. Le
référentiel qui se met en place dans le secteur de la recherche est en effet un élément central
du référentiel global dans la mesure où la recherche publique participe à production d’un
référentiel néo-libérale et à la finalité de ce projet politique.
2
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" 2
Construction d’un Référentiel Global : néolibéralisme et nouvelle gestion
publique
Bien que souvent articulé au concept de référentiel sectoriel, le référentiel global est parfois
considéré dans l’analyse des politiques publiques comme une variable indépendante ou une
« boîte noire » peu problématisée. Cela est en partie dû au fait que l'effort d'investigation se
porte avant tout sur la politique publique prise comme objet de recherche et que la
transformation du Référentiel Global est convoqué comme un présupposé de départ
expliquant non le changement de la politique publique en elle-même, mais l'occasion pour un
réalignement des rapports de force au sein d'un secteur, rapport de force dont la/les politiques
sectorielles sont l'objet.
Afin de conjurer cette tendance "sectorialo-centriste" de l'analyse des politiques publiques,
nous allons tenter, dans cette première partie de notre contribution, de développer une analyse
de l'émergence et de la constitution d’un nouveau Référentiel Global dans le contexte de la
formation sociale helvétique. Par Référentiel Global il faut comprendre un « cadre
d’interprétation du monde » (Muller, 2000), à savoir un ensemble de normes, de valeurs,
d'algorithmes et de savoirs qui permet de dire ce qu’est la réalité sociale et comment agir sur
celle-ci et dans le cadre de celle-ci.
Selon les tenants de cette perspective analytique, après une longue période durant laquelle on
assite à l'émergence puis à la domination du Référentiel Global Modernisateur – au sortir de
la 2ème Guerre Mondiale – on assisterait, depuis la crise des années 1970, à une
affaiblissement de sa capacité à servir de cadre d'interprétation du monde. C'est alors que
s'ouvre la montée en puissance d’un Référentiel Global de Marché reposant sur une vision
marchande des rapports sociaux et du monde social (Jobert, 1994 ; Muller, 2005). Au-delà des
concepts (référentiel, vision du monde, idéologie) et des qualificatifs (néolibéral,
néoconservateur, nouvelle gestion publique), ce "tournant néo-libéral", pour reprendre le titre
du livre de Bruno Jobert (1994), a été largement analysé par de nombreux auteurs provenant
d'horizons théoriques différents et analysant des espaces divers (Cafruny et Ryner 2003;
Duménil et Lévy 2000; Hall 1989; 1992 ; Hay, 2004).
Si, depuis la crise des années 1970, la tendance à une transformation profonde de
l'organisation politique des sociétés industrielles semble attestée, elle se fait toujours selon des
modalités déterminées par les spécificités socio-historiques des formations sociales
concernées. En effet, l'émergence d'un nouveau Référentiel Global se manifeste par la remise
en question de l'organisation "traditionnelle" d'une formation sociale et, pour qu'elle ait une
3
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" chance de succès, cette nouvelle vision du monde doit s'appuyer sur des éléments qui font
sens dans l'imaginaire social des populations concernées.
De plus, l'un des enjeux fondamentaux que porte la lutte pour l'imposition du Référentiel
Global est celui de la conception de l'appareil d'Etat. Cette formulation ne doit pas laisser
penser à une idée simpliste et substantialiste de processus de "conquête de l'Etat", mais plutôt
à un infléchissement progressif de la philosophie gouvernant les multiples composantes de
l'appareil d'Etat – et les acteurs qui les font exister – notamment les différentes branches de
l'administration qui, chacunes, possèdent leurs spécifités et leurs potentiels de résistance /
adaptation propres. Il n'en reste pas moins que, à un niveau plus général, le Référentiel Global
doit pouvoir créer l'ordre en organisant cette multiplicité au sein d'un discours cohérent sur
l'Etat, son rôle, ses fonctions et ses limites. En d'autres termes, l'un des enjeux est d'arriver à
faire accepter sa conception de l'organisation de la société comme la vision légitime de la
division du monde.
En ce qui concerne le changement de Référentiel Global de la formation sociale suisse, nous
l'aborderons au-travers de deux séries d'interventions socio-politiques qui ont contribué à
transformer la conception dominante de ce que doit être l'organisation de la société
helvétique.
-
D'une part, ce que l'on peut appeler l'"offensive néolibérale" d'une partie des milieux
économiques et scientifiques (les intellectuelles organiques) au début des années
1990, qui trouve rapidement un écho au sein de l'exécutif fédéral (section 2.1.).
-
D'autre part, les travaux menés par des hauts fonctionnaire (les médiateurs) dans le
but de réformer l'administration en introduisant les prinipes d’une nouvelle gestion
publique au sein de l’administration fédérale (section 2.2.).
Dans les deux cas, nous allons procéder en montrant de quelles manières ces interventions
construisent une nouvelle conception, un nouveau Référentiel Global. Il s’agit de voir dans
quelle mesure ces différents discours, en construisant une situation comme problématique et
en formulant des solutions, participent à la définition « d’un horizon du pensable dans l’ordre
de l’activité du gouvernement » (Ogien, 1995 : 94).
2.1
« L’offensive néo-libérale »
Au début des années 1990, à la faveur de la crise économique qui touche la Suisse, un
nouveau groupe d'acteurs émerge dans l'espace public: les économistes (Mach, 2002 ;
4
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" Baltensperger, 2005) 1 , et plus particulièrement les économistes des Universités de Bâle et de
St-Gall 2 . Ceux-ci produisent un savoir dont la légitimité scientifique est mise en avant,
principalement par les dirigeants des firmes les plus internationalisées du capitalisme
helvétique, du fait de l'affinité entre ces positions scientifiques et leurs options préférentielles
de réformes économico-politiques. Cette explication de la crise et des moyens d'en sortir
produite par un groupe d’économistes devient rapidement le fondement de la ligne
réformatrice de l'exécutif fédéral. Plusieurs productions scientifiques illustrent et participent à
la constitution d’un Référentiel Global émergeant.
2.1.1
Les intellectuels organiques comme conseillers du prince
Ainsi, une première série d’expertises est produite par deux professeurs en économie : Heinz
Hauser de l’Université de Saint-Gall et Silvio Borner de l’Université de Bâle. Les études
produites par ces deux professeurs entretiennent, à la base, un rapport particulier aux pouvoirs
publics dans la mesure où celle de H. Hauser constitue un mandat du Conseil fédéral, alors
que celle de S. Borner a été réalisée dans le cadre d’un Programme national de recherche
(PNR) du Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS) dont le thème a été
proposé au départ par l’administration fédérale 3 . Ces expertises constituent donc des réponses
(d’universitaires) à des demandes du gouvernement fédéral et de son administration.
Le titre - Schweiz AG. Vom Sonderfall zum Sanierungsfall ? - et le thème de l’expertise de
Borner et de ses collègues sont révélatrices de son orientation et de sa finalité. Cette étude
s’intéresse aux adaptations institutionnelles que les dérigeants politiques pourraient mettre en
place afin de sortir la Suisse de son „isolement économique“: « Welche institutionellen
1
Baltensperger (2005) explique, par exemple, que l'analyse des économistes sur la situation de l'économie suisse
n'était pas nouvelle. Le fait est que, jusqu'alors, elle n'avait pas rencontré le soutien de forces sociales capable
d'en faire le socle d'un nouveau Référentiel Global. Cela illustre bien ce qu'écrit Lordon (1999: 181): "le
référentiel n’a de chance de s’établir comme vision du monde dominante que s’il rencontre la validation et le
soutien actif de groupes sociaux suffisamment dotés en ressource de pouvoir pour en constituer quelque chose
comme le bloc hégémonique. Un référentiel s’établit donc à l’articulation d’un domaine de la production
symbolique et d’une coalition des intérêts dominants du moment".
2
Ce sont en effet le Wirtschaftswissenschaftlichen Zentrum (WWZ) de l'Université de Bâle ainsi que le
Schweizerisches Institut für Aussenwirtschaft und Angewandte Wirtschaftsforschung (SIAW) de l'Université de
St-Gall qui fournissent la plupart des intellectuels organiques qui conçoivent les fondements "scientifiques" de
la nouvelle Ordnungspolitik. Sur ce thème voir notamment Gabathuler (1996) et Walpen (2004).
3
L’étude du prof. Borner fait partie de la 5ème série des Programmes nationaux de recherche financés par le
Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS): le PNR 28 « Commerce extérieur et politique du
développement ». La sélection des thèmes pour cette série n’a pas été, pour certains d’entre eux, sans poser des
problèmes. Ainsi, certains thèmes proposés par le FNS n’intéressaient pas l’administration fédérale, alors que
d’autres, proposés par l’administration fédérale, furent dans un premier temps rejetés par le FNS et le Conseil
suisse de la science (CSS). Ce fut le cas des PNR 27 « Efficacité des mesures étatiques » et 28 « Commerce
extérieur et politique du développement ». Le FNS et le CSS estimèrent que ces deux PNR posaient des
problèmes d’ordre méthodologique. Finalement, ils furent néanmoins retenus par le Conseil fédéral (OFES,
1994).
5
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" Anpassungen wären nötig, damit die Schweiz nicht längerfristig eine innenorientierte Insel
inmitten einer teilweise oder voll integrierten Weltwirtschaft wird » (Borner et al., 1990 :
182). Les mesures proposées visent, d’une part, à libéraliser et à déréguler certains secteurs de
l’économie suisse et, de l’autre, à modifier les institutions politiques (démocratie directe et
concordance).
De son côté, le professeur Hauser publie une évaluation des conséquences de différents
scénario « d’intégration européenne » (Hauser et Bradke, 1992 ; Hauser, 1993) 4 . Fortement
médiatisés, les résultats des travaux de Hauser vont dans la même direction que ceux de
Borner puisqu’ils visent à améliorer la situation (« capacité concurrentielle ») de certains
secteurs de l’économie nationale dans l’économie.
2.1.2
Les grands entrepreneurs en « sauveurs de la patrie »
Un an après le rapport de S. Borner, la fondation Schmidheiny 5 mandate Peter Moser privatdocent en économie à l’Université de St Gall 6 . Moins directement lié aux enjeux
« d’intégration européenne », le rapport Moser s’interroge sur la capacité concurrentielle de
l’économie suisse et pose la question de l’intervention de l’Etat ainsi que celle du
fonctionnement du système politique (notamment la question de la prise en compte des
groupes d’intérêts dans les processus décisionnels). A l’instar de l’étude de Borer, celle de
Moser est à la fois descriptive et prescriptive. Elle présente la situation de l’économie suisse
(notamment le « marché intérieur ») comme problématique car pas assez concurrentielle par
rapport aux différents secteurs économiques européens et mondiaux. Les propositions
formulées se résument de la manière suivante : ouverture des frontières commerciales pour
une libre circulation des biens, des services et des forces de travail, libéralisation des marchés
publics (fin des monopoles de l’Etat), décentralisation et renforcement de la concurrence
entres les cantons, restrictions des compétences de l’Etat (fédéral) dans la Constitution,
limitation des dépenses de l’Etat (Moser, 1991).
4
Ces études sont publiées dans le contexte des votations fédérales sur la participation du gouvernement fédéral
aux accords sur l’Espace économique européen (EEE).
5
La fondation Max Schmidheiny – fondée en 1978 par l'industriel Max Schmidheiny à l'occasion de ses 70 ans –
est localisée à l'Université de St-Gall.Elle s'engage pour "die Förderung einer freiheitlichen Wirtschafts- und
Gesellschaftsordnung ein." (http://www.ms-foundation.org). Stephan et Thomas, les fils de Max Schmidheiny,
on repris les rênes de l'empire familial.
6
Les travaux de Borner tout comme ceux de Hauser sont largement cités par Moser. Précisons que Hauser est
(avec Gerhard Schwarz et Klaus Vallender) l’un de trois éditeurs de l’ouvrage de Peter Moser.
6
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" La même année et toujours sous l’égide de la fondation Schmidheiny, un « groupe informel »
composé d’universitaires, d’entrepreneurs et de journalistes 7 publie une version abrégée du
rapport Moser ; seul le sous-titre en est modifié, puisqu’il devient : Schweizerische
Wirtschaftspolitik im internationalen Wettbewerb. Ein ordnungspolitischen Programm 8 . Il se
présente comme un programme radical pour un ordre politique plus libéral. Ainsi, dans le
chapitre « Programme d’actions », les auteurs proposent de changer les institutions et règles
du jeu politiques de telle sorte que la marge de manœuvre des acteurs impliqués dans les
processus décisionnels soit réduite et que l’influence d’intérêts particuliers soit limitée 9 . De
même, les auteurs encouragent également la mise en œuvre de mesures ciblées ayant un faible
coût économique et peu de restrictions sur les « libertés ». Les mesures préconisées par ces
auteurs reprennent celles présentées dans l’ouvrage de Moser (cf. ci-dessus).
Ces différents textes sont structurés de manière plus ou moins identique. On y présente la
situation économique de la Suisse comme potentiellement difficile, notamment en terme de
comparaison internationale, avec la nécessité de « s’adapter » ou de « s’ouvrir » à un contexte
international présenté comme une contrainte à laquelle on ne peut pas échapper 10 . Puis, les
7
Il s’agit de 7 professeurs en économie (Ernest Baltensperger, UNIBE, Paola Bernasconi, UNISG, Heinz Hauser
UNISG, Peter Moser UNISG, Dietrich Schindler UNIZH, Wolfgang Schürer, UNISG, Klaus Vallender, UNISG,
de 8 entrepreneurs (Fritz Leutwiler, Stephan Schmidheiny, Nicolas Hayek, Robert Holzach, Bruno de
Kalbermatten, Alex Krauer, Hans Letsch, Helmut Maucher) et deux journalistes de la NZZ (Willy Linder,
Gerhard Schwarz). Sur les liens entres ces différents acteurs, ainsi qu’entre les auteurs des deux livres blanc, voir
Udry et Marquis (1996) et Burkhalter et al. (1999).
8
Ce texte est considéré comme le « premier livre blanc » (Leutwiler et Schimdheiny, 1992). Pour une
présentation du texte voir Burkhalter et al. (1999 : 82-96).
9
L’objectif des mesures proposées n’est pas de remettre en question l’importance des intérêts particuliers de
certains secteurs de l’économie suisse, mais plutôt le système de concordance dans le processus décisionnel, à
savoir la prise en compte de l’ensemble des acteurs (et groupe d’intérêts) ayant un pouvoir référendaire en Suisse
car cela aurait produit des comportements sub-optimaux de la part d'acteur bénéficiant de rentes de situation
(rent-seekers) et bloquant ainsi l'évolution nécessaire du système. L’idée de ce livre blanc est de pouvoir (en
proposant des « réformes ») et vouloir (en rédigeant ce rapport) contourner les règles du jeu du système politique
suisse en formulant, de manière frontale, directe et publique des propositions de « réformes ». Cette remise en
question partielle des institutions politiques illustre une tendance actuelle observée dans le domaine des
politiques sociales, notamment au niveau des arrangements néo-corporatistes traditionnels (Häusermann et al.
2004).
10
Cette « ouverture » doit permettre à certains acteurs économiques de participer pleinement et sans entrave à
l’institutionnalisation d’un « libre-échange » économique au niveau mondial : cycle de l’Uruguay Round du
GATT, création de l’OMC, Accords EEE, rapprochement avec l’UE. Par contre, cette institutionnalisation
rendrait de plus en plus difficile, en Suisse, une différenciation entre une politique économique « externe et
« interne » et remettrait en question les « politiques de compensation interne » permettant de préserver les
marchés intérieurs (Mach, 1999a : 34). Ces politiques de compensation ont été regroupé en trois catégories : « 1)
les réglementations et subventions permettant de soustraire certains secteurs économiques à la concurrence
étrangère ; 2) les politiques sociales comme instrument de soustraction à la sphère marchande de la force de
travail ; 3) la production de biens et de services par des collectivités publiques qui n’est pas offerte selon une
pure logique de marché, mais intègre d’autres critères d’allocation, en particulier ceux du service public »
(Mach, 1999a : 19 ; cf. aussi Mach, 1999b). D’une certaine manière, la politique en faveur de la recherche et de
l’enseignement supérieur peut être considérée comme un « production de services » au sens de « service
public ». Ainsi, une remise en question des politiques de compensations par une institutionnalisation d’un
« libre-échange » pourrait également toucher la recherche.
7
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" différents auteurs présentent comme solutions un catalogue de mesures que l’Etat peut/doit
prendre pour améliorer les conditions-cadre de l’économie suisse 11 . En cela, ces textes
constituent tout à la fois un discours normatif et explicatif d’une situation donnée, un discours
à la fois descriptif et prescriptif et c'est ce qui fait sa force. Ainsi, sous le sceau d’une
expertise scientifique, ces textes, reposant en partie sur des postulats fonctionnalistes,
participent à la constitution, d’une part, d’une représentation du système politique et
économique suisse et du rôle de l’Etat et, d’autre part, à la légitimation d’un ordre politique et
économique particulier. « Lorsqu’on réduit l’analyse des conduites humaines au repérage des
mécanismes d’adaptation et de déviance, on se met implicitement au service du pouvoir en
place. Tout pouvoir impose des normes, des règles explicites et implicites, donc un ‘ordre’
auquel les agents doivent se soumettre. Il sanctionne tout écart par rapport à des exigences
présentées comme ‘normales’ » (Gaulejac, 2005 : 51).
On verra que ces injonctions (« d’ouverture », d’intégration », « d’adaptation »), remettant en
cause le Référentiel consensuel qui prévalait dans l'organisation de la formation sociale suisse
– notamment en ce que le nouveau référentiel désigne clairement des groupes qui "freinent
l'adaptation – vont être reprises par les autorités politiques et constituera l’un des éléments du
discours du Conseil fédéral dans le cadre de son programme pour la période législative 19911995.
2.1.3
Le Conseil fédéral et son programme de « régénération de l’économie suisse »
Les résultats, en 1992, d’un rapport d’un groupe de travail mandaté par le Conseil fédéral et
présidé par D. de Pury, alors délégué suisse au GATT et auteur du premier « livre blanc »,
avait pour objectif de rédiger des propositions de réformes dans le domaine économique 12 .
Les résultats de ce rapport furent non seulement relayés par la presse, mais également repris
par des parlementaires de différents partis de droite (PDC, PRD, UDC, Libéraux) de
l’Assemble fédérale sous la forme de motions parlementaires.
Déposées dans le courant de l’année 1992, ces motions parlementaires visaient à concrétiser
politiquement l’une ou l’autre des propositions du « livre blanc ». 13 Que ce soit dans le
11
Cf. la partie « Aktionsprogramm » du premier livre blanc (Leutwiler et Schmidheuiny, 1991) et la partie « un
programme de relance » du deuxième livre blanc (Pury, Hauser, Schimd, 1996).
12
Cf. Commission de Pury (1992). Rapport final du Groupe de travail informel « Ordungspolitik ». Berne :
DFEP.
13
Les demandes étaient les suivantes : Motion des radicaux A. Cavadini et E. Rüesch : réduction rapide de
l’impôt anticipé, fin de la double imposition des actionnaires et des sociétés anonymes, abolition de la
discrimination fiscale à l’égard des fonds de placement immobiliers et simplification des lois fiscales ; Motion
des démocrates-chrétiens R. Grossenbacher et M. Kündig : améliorer la formation professionnelle et en
particulier les hautes écoles spécialisées ; Motion des UDC W. Frey et H. Uhlmann : réformes du marché du
8
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" domaine du secteur privé ou du secteur public, ces motions parlementaires, qui reprennent
non seulement les propositions du rapport de Pury mais également celles formulées par les
économistes de St.-Gall et de Bâle, demandent au Conseil fédéral de modifier les conditions
cadres de l’économie suisse. On voit ainsi comment des parlementaires endossent le rôle de
médiateurs entre les intellectuelles organiques (les économistes) et les membres de
l’administration fédérale et du gouvernement.
C’est ainsi qu’en 1993, à la suite du rejet du traité de l’EEE par la population suisse, le
Conseil fédéral propose toute une série de mesures dont l’élaboration d’un programme de
« régénération de l’économie suisse » 14 . Le but est de « renouveler le dynamisme de
l’économie en renforçant la compétitivité à l’intérieur du pays et en améliorant l’accès aux
marchés extérieurs » (CF, 1993b). Dans sa partie consacrée à la « régénération de l’économie
de marché », le Conseil fédéral formule les objectifs suivants 15 :
« Il s’agit d’améliorer notre compétitivité au plan international notamment en renforçant la
concurrence sur le marché intérieur suisse. La réalisation d’un tel programme de réformes doit,
autant que possible, être eurocompatible et contribuer à la sauvegarde de notre faculté de nous
intégrer en Europe. La libéralisation et l’ouverture des marchés constituent en même temps une
contribution à l’amélioration générale de notre capacité de conclure des accords sur le plan
international.
Concrètement, il s’agit d’intensifier la concurrence par le démantèlement des barrières interdisant
l’accès aux marchés, des quotas et des prescriptions sur les prix, mais également par celui de
normes en tous genres. Seul la concurrence assure à notre économie un haut niveau d’efficacité et
peut lui imposer un comportement dynamique et des innovations. Toutes ces réformes doivent être
réalisées sans qu’on touche aux acquis sociaux et écologiques » (CF, 1993c : 775).
Ce programme concerne, dans un premier temps, les domaines du droit de la concurrence, du
marché du travail, de la formation et de la recherche, du marché intérieur suisse et de
l'accélération des procédures. Dans un deuxième temps, d’autres mesures vont être prises,
notamment dans le domaine des finances publiques, des infrastructures (p.ex. CFF, PTT), du
social et de l’agriculture.
travail et encouragement à la mobilité ; Motion des libéraux J.-M. Gros et G. Couteau : ouverture des secteurs
des services publics à des fournisseurs privés et amélioration du contrôle de la fusion des entreprises (Burkhalter
et al. 1999 : 97).
14
Un deuxième « livre blanc » est publié en 1995 par de Pury, H. Hauser et B. Schmid et soutenu par un comité
de patronage (presque identique à celui du premier livre blanc). Pour les auteurs, les mesures prises par le
Conseil fédéral dans le cadre de son programme de « revitalisation de l’économie » ne va pas assez loin et la
« Suisse est plus que jamais dans la nécessité de prendre un nouveau départ vers un ordre plus libéral » (Pury et
al., 1995 : 7).
15
Bien que n’étant pas citées dans l’extrait présenté ci-dessous, les propositions du professeur Hauser sont
explicitement reprises et référées dans cette partie consacrée à la régénération de l’économie de marché. Cf. CF
(1993c : 775).
9
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" Dans le domaine de la formation et de la recherche, les propositions de réformes par le
Conseil fédéral visant à « régénérer l’économie » sont les suivantes :
La souplesse et la flexibilité de notre système de formation et de perfectionnement sont des
éléments-clefs du maintien et du renforcement de notre compétitivité technologique. Pour
atteindre ce but, il s’agit notamment de chercher à raccourcir la formation de base, à augmenter la
perméabilité entre les différents stades de formation et à élever les écoles professionnelles au rang
de Hautes écoles spécialisées (CF, 1993c : 780).
On retrouve là, des thèmes développés dans le cadre du programme de législation du Conseil
fédéral 1991-1994, à savoir « souplesse » et « flexibilisation ». Ces différentes intentions, ces
différents objectifs vont se concrétiser dans le cadre de projets de réforme mise en œuvre par
l’administration fédérale.
2.2
Réforme de l’administration et nouvelle gestion publique
Dans la section précédente, nous avons vu comment les parlementaires fédéraux ont relayé les
discours des intellectuels organiques et autres entrepreneurs au sein du gouvernement. Dans
cette section, il s’agit de voir comment et par qui la « nouvelle gestion publique » en tant que
doctrine réformatrice néo-libérale a été institutionnalisée au sein de l’administration et
comment elle fait en partie écho aux offensives néolibérales.
2.2.1
Le programme de législature du Conseil fédéral
Le Programme de la législature 1991-1995, comme le souligne le Conseil fédéral en
introduction, n’a pas, sur un plan juridique, de force contraignante : « simple déclaration
d’intention du Conseil fédéral, il doit en tant que tel permettre au Parlement et à une large part
de l’opinion publique de prendre connaissance des objectifs et des mesures importantes que le
Conseil fédéral prévoit pour les quatre prochaines années » (CF, 1992a : 4). Il s’agit donc
d’un moyen par lequel le Conseil fédéral met à l’agenda politique des thèmes qu’il considère
comme importants. Le Conseil fédéral résume son programme de législature à l’aide de deux
termes qu’il définit comme l’idée-force force de ce programme : « réformes et ouverture ».
Cette idée-force est ensuite déclinée en différents thèmes : intégration européenne, politique
financière et budgétaire, sécurité, asile, sécurité sociale, santé publique, régime économique et
réforme du gouvernement et de l’administration.
Ainsi, le Conseil fédéral consacre tout un chapitre de son programme de législature à la
« modernisation de l’administration », dont les objectifs sont présentés de la façon suivante :
accélération des procédures en matière de législation et d’exécution (mesures : p.ex. réduire le
nombre de consultations), proximité des citoyens grâce à une transparence accrue (mesure :
10
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" p.ex. stratégie de relations publiques), assouplissement des structures d’organisation et
direction par objectifs (mesures : p.ex. révision du statut des fonctionnaires, gestion de
direction par objectifs et résultats), qualification du personnel, fidélité et qualité de l’effectif
(mesures : p.ex., « système de rémunération souple », « introduction d’une composante de
rendement » dans le système de rémunération), accroissement de la rentabilité (mesures :
p.ex. planification intégrée des tâches et des ressources, poursuite du projet de réforme initié à
la fin des années 1980, introduction du « controlling »).
Bien qu’elle ne soit pas (encore) nommée, on peut associer ces objectifs à ceux que l’on
attribue généralement à la « nouvelle gestion publique ». Pour ce faire et comme annoncé en
introduction de son programme de législature, le Conseil fédéral va mandater, entre autres, le
Département
fédéral
des
finances
« afin
d’accroître
la
faculté
d’adaptation
de
l’administration » (CF, 1992 : 28).
2.2.2
Réforme en faveur d’une « organisation moderne » de l’administration
En 1993, le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales un projet de loi sur l’organisation
du gouvernement et de l’administration (LOGA) 16 . Outre une série de mesures visant à
renforcer les départements et à soulager la charge de travail du Conseil fédéral (notamment en
instituant des secrétaires d’Etat), le Conseil fédéral aborde dans ce message le thème de
l’organisation de l’administration fédérale et des mesures à prendre pour la « moderniser ».
La déréglementation, les privatisations, les statuts d’autonomie dont on parle apporteront certes
des allègements ; mais jusqu’à présent, fort peu de véritables moyens d’importance se profile à
l’horizon. S’agissant de l’organisation moderne de l’administration fédérale, l’effort continuera
donc à porter, à plus ou moins long terme, sur les transformations, les restructurations et les
rationalisations des procédures (CF, 1993a : 987).
Dans cet extrait, deux types de mesures sont opposés : d’un côté, dérégulation, privatisation et
autonomie et, de l’autre, transformations, restructurations et rationalisation des procédures. Le
Conseil fédéral semble accorder sa préférence au second type de mesures. Pour le premier
type, il y fait référence de manière impersonnelle (« dont on parle »), prenant ainsi une
certaine distance par rapport à ce discours, alors que pour le second type, il l’inscrit dans la
continuité de ce qui s’est fait jusqu’à présent au sein de l’administration fédérale (« l’effort
continuera donc à porter …»). Cette inscription dans l’histoire des réformes de
l’administration souligne qu’il n’y a pas une rupture dans les pratiques du Conseil fédéral,
16
Sur la révision de la LOGA voir les travaux de Giauque (2003).
11
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" rendant en cela plus légitime les mesures que le Conseil fédéral souhaite prendre dans le cadre
de la révision de la LOGA.
Cette continuité ne signifie pas pour autant que le Conseil fédéral ne souhaite pas modifier les
pratiques au sein de l’administration. Ainsi, plus loin dans son message, le Conseil fédéral
précise ce qui pose problème dans le fonctionnement de l’administration (« se défaire de la
rigidité des structures et des fonctions ») et les mesures à prendre pour résoudre le dit
problème (« assouplir les schèmes de pensées habituels »).
Si l’on veut que la direction du département, et donc de l’administration, atteigne et garde le
niveau supérieur requis, il faut assouplir les schèmes de pensées habituels et se défaire de la
rigidité des structures et des fonctions pour organiser le gouvernement et l’administration (op.cit,
988).
La manière de qualifier l’administration à l’aide de la paire « rigidité / souplesse » illustre la
dimension évaluative et normative des processus de légitimation d’une nouvelle pratique
administrative. Ainsi, le Conseil fédéral ne dit pas seulement comment est l’administration
(« rigide »), mais également comment elle devrait être (« souple »).
Ce projet de réforme du gouvernement fédéral et de son administration est dans un premier
temps refusé en votation populaire par le peuple et les cantons. Le Conseil fédéral propose
alors un nouveau message en prenant en compte les critiques formulées lors de la votation
(notamment la création de secrétaire d’Etat). C’est dans le cadre de ce nouveau message que
la notion de « nouvelle gestion publique » est utilisée par la première fois par le Conseil
fédéral.
2.2.3
La « nouvelle gestion publique »
Si la nouvelle mouture de la LOGA, suite à la votation populaire de 1996, se trouve amputée
de son volet « nouveau type de secrétaires d’Etat » elle n’en garde pas moins ses propositions
de nouvelle gestion de l’administration comme le souligne le communiqué de presse de la
Chancellerie fédérale :
« Le 9 juin 1996, le peuple rejetait en votation la loi sur l'organisation du gouvernement et de
l'administration du 6 octobre 1995. Le point le plus contesté lors de la campagne était
l'instauration d'un nouveau type de secrétaires d'Etat, chargés de fonctions de direction et de
représentation et destinés à alléger la charge de travail des membres du Conseil fédéral. Un grand
nombre de changements prévus par cette même loi - notamment le transfert, de l'Assemblée
fédérale au Conseil fédéral, de la compétence d'organiser l'administration, ainsi que la mise en
place de nouvelles méthodes de gestion de l'administration (par ex. la gestion axée sur les résultats
12
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" ou la "Nouvelle gestion publique") - sont restés incontestés, quand ils n'ont pas même trouvé le
soutien exprès des adversaires du projet » (Communiqué de la Chancellerie fédérale, 1996).
Dans son message au Parlement en faveur d’une version remaniée de la LOGA, le Conseil
fédéral présente la nouvelle gestion publique comme l’une des innovations de cette loi.
« (…) la nouvelle loi apporte, même sans l’institution de nouveaux secrétaires d’Etat, plusieurs
innovations importantes, notamment le transfert du Parlement au gouvernement de la compétence
d’organiser l’administration, ainsi que l’introduction des méthodes de la Nouvelle gestion
publique axés sur les résultats (New Public Management, NPM) » (CF, 1996 : XXX)
Dans ces deux extraits, la nouvelle gestion de l’administration telle que préconisée par le
gouvernement fédéral (« gestion axée sur les résultats ») est associée à la « Nouvelle gestion
publique ». Ainsi, celle-ci est citée ici à titre d’exemple, sans spécifier pour autant de quoi il
s’agit, comme si sa signification allait de soi. On peut donc supposer que le NPM fait partie
d’un certain sens commun, tout du moins dans les hautes sphères de l'administration fédérale.
Ce qui n’empêche pas le Conseil fédéral, dans un second temps, de mandater le Département
fédéral des finances pour spécifier cette nouvelle manière de gérer les « affaires publiques ».
Entre les deux projets de loi sur l’organisation du gouvernement et de l’administration
(LOGA), le Conseil fédéral mandate en 1995 le Département fédéral des finances (DFF). Le
but est d’établir un concept de mise en œuvre de la nouvelle gestion publique au sein de
l’administration fédérale. Pratiquement, ce travail de conceptualisation doit permettre de
mettre en œuvre la LOGA. Le DFF précise également que ce rapport peut être utile aux
objectifs de la « réforme du gouvernement 93 ».
La publication, en 1996, du rapport du DFF intitulé Konzeptbericht : Führen mit
Leistungsauftrag und Globalbudget informe sur la manière dont la nouvelle gestion publique
a été appréhendée par le Département fédéral des finances pour en faire une catégorie d’action
publique en faveur d’une « modernisation des affaires publiques ». A l’instar du titre du
rapport, la nouvelle gestion publique est traduite, dans l’introduction du rapport, en terme de
« contrat de prestations » et de « budget globaux ».
Dans le corps du texte du rapport, la NGP est présentée à la fois comme un cadre de référence
et un modèle de direction. Avec celle-ci, les buts suivants sont poursuivis : orienter l’action
publique en fonction de prestations, accroître l’autonomie de l’administration au niveau de la
gestion des tâches, responsabiliser les organes de l’administration et favoriser la confiance,
prendre conscience du coût des prestations fournies, déléguer et décentraliser des tâches, des
13
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" compétences et des responsabilité et, finalement, augmenter la transparence de
l’administration (DFF, 1996 : 2-3).
Pour le DFF, l’introduction d’une nouvelle gestion publique implique pour chaque entité
administrative (en l’occurrence un office) la définition et la comptabilisation de produits et
des groupes de produits. Une telle perspective permettrait, selon le DFF, une vérification
critique des tâches effectuées, notamment en terme de coûts et d’utilité, une orientation client
des pratiques administratives et une mesure des prestations (DFF, op. cit. 4). De plus, les
produits et les groupes de produits constitueraient la plus importante « grandeur de pilotage »
(Steuerungsgrössen). Dans ce contexte, le DFF différencie les tâches attribuées au politique et
celle attribuées à l’administration. Le « pilotage par produits » serait la tâche de management
la plus importante, alors que le « pilotage par groupe de produits » reviendrait aux instances
politiques.
Dans son rapport, le DFF présente la « nouvelle gestion publique » également comme un
concept qu’il définit en 9 points : principes (séparation entre les fonctions politiques et
administratives), décentralisation des tâches, des compétences et des responsabilités, pilotage
par les prestations et les effets, mise en réseau de la planification, de la mise en œuvre et du
contrôle, introduction d’éléments de marché et concurrentiels), définition de produits, contrat
de prestations, budget global, système comptable, ressources humaines, controlling,
évaluation des effets, procédure de direction.
Finalement, le DFF formule quelques éléments de mise en œuvre de la « nouvelle gestion
publique ». Il précise dans un premier temps que les expériences réalisées à l’étranger
notamment dans certains pays unitaires ne peuvent pas s’appliquer au système suisse en
raison de ses spécificités institutionnelles. De même, toujours selon le Département fédéral
des finances, les modèles de « nouvelle gestion publique » proposé par la science
administrative suisse ne sont pas assez développés pour les utiliser au niveau de
l’administration fédérale 17 .
17
L’Office fédéral du personnel avait mandaté le prof. U. Klöti de l’Université de Zurich pour faire un état des
lieux des expériences étrangères dans le domaine du NPM. Les résultats de ce mandat ont été publiés par
Haldemann (1995). Cette prise de distance du Département fédéral des finances par rapport à ce mandat de
l’Office fédéral du personnel peut traduire des conceptions différentes en matière de gestion des affaires
publiques. En d’autres termes, la finalité de ces deux offices n’est assurément pas la même. Ainsi, d’avoir
mandaté le Département fédéral des finances pour définir les nouvelles modalités d’administrer les « affaires
publiques » en dit long sur les objectifs de la « modernisation » de l’administration fédérale par la « nouvelle
gestion publique ».
14
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" 3
Prise en compte de la recherche dans la constitution du Référentiel
Global Néolibéral
Dans cette section, nous allons revenir sur quatre textes qui ont, selon nous, participé à la
constitution d’un nouveau Référentiel global et jalonné différentes étapes de son émergence.
Il s'agit du Livre Blanc I (Moser et al. 1991), du Livre Blanc II (Pury, et al. 1996) ainsi que de
de deux productions de l'Etat fédéral: les Lignes directrices pour une politique économique
orientée vers la croissance (DFE 1999) et le Rapport sur la Croissance (2002)
Alors que dans la partie précédente, nous nous somme intéressés aux acteurs (intellectuels
organiques, médiateurs, etc.) qui ont participé à l’élaboration d’un nouveau Référentiel
Global, il s'agit dans cette partie de comprendre comment les acteurs, élaborant le Référentiel
global, conçoivent la place de la recherche – en tant que production de connaissances – dans
ce que devrait être le nouvel ordre socio-politique suisse. Nous allons donc tenter de
reconstruire le discours sur la connaissance que promeuvent ces différents textes afin de
pouvoir documenter le rapport global/sectoriel.
3.1
Livre Blanc I: l'interprétation néoclassique de l'Etat dans la production des
connaissances
Dans le premier livre Blanc (Moser et al. 1991), la question de la connaissance n'a pas une
dimension particulière dans le dispositif discursif, elle est intégrée dans une approche néolibérale classique. Elle n'est ainsi pas appréhendée en tant qu'objet de régulation spécifique et
cohérent. D'ailleurs, seul un sous-chapitre traite de la question (chap. 3.5. "Abnehmende
Innovationsfähigkeit").
La thématique de l'économie de la connaissance n'est donc pas une source d'inspiration
principale dans le Livre Blanc I, la connaissance y est traitée comme un facteur important du
dynamisme économique d'un petit pays sans matières premières, mais l'argumentation est
basée sur la mobilisation du Public choice – comme variante de la théorie néoclassique dans
l'analyse politique – pour analyser les déficiences de la Suisse. D'ailleurs les références à des
ouvrages théoriques se limitent à ce courant (Buchanan, Eucken, Olson, Hayek). De ce point
de vue, l'intervention de l'Etat est construite comme un poids pesant sur l'économie suisse:
"Die staatliche Interventionismus ist mitverantwortlich für den Verlust an Technologiekompetenz
schweizerischer Unternehmen." (Moser et al. 1991)
Concernant la problématique de la connaissance, l'argumentation du Livre Blanc I, tirée d'une
étude de Hotz-Hart et Rothen (1988), est basée sur la description de trois problèmes centraux.
D'abord, la stratégie de recherche et d'innovation des entreprises suisses est décrite comme
15
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" "incrémentale", ce qui empêcherait l'émergence de grandes innovations. Ensuite, la lenteur de
la diffusion technologique est stigmatisée, la même étude est invoquée pour montrer que la
grande concentration sectorielle et la limitation du commerce technologique influencent le
manque de diffusion des nouvelles connaissances et technologies. Cela implique que, si la
diffusion se fait bien dans le domaine des technologies de rationalisation, elle est
extrêmement lente dans le domaine des technologies-clés. Le nombre de brevets constitue,
selon les auteurs, un bon indicateur de l'Etat de la recherche. Plusieurs études montrent que la
Suisse avait au milieu des années 1980 le plus haut taux de brevets par habitants. Depuis lors,
le repli est plus marqué en Suisse que dans les autres pays européens et aux USA. Même dans
les branches porteuses, comme la pharmaceutique, on enregistre un recul. De plus, les auteurs
soulignent les faiblesses dans les exportations de haute technologie: une analyse de branche
montre que la Suisse est mal représentée dans les secteurs dynamiques (technologie des
télécoms, électronique), mais a gagné du terrain dans les secteurs des machines-outils et
machines textiles. Une étude de l'OCDE (1990) montre que la Suisse a un excédent
considérable d'exportation dans les domaines de haute et moyenne technologie, mais qui est
en train baisser.
La solution que préconise le Livre Blanc I à ces problèmes est que l'Etat doit abandonner ses
monopoles, libéraliser le commerce technologique et, avant tout, cesser de soutenir des
pratiques de "rent-seeking". Cette dernière recommandation renvoie à l'idée que ces positions
de rentes de situation permettent aux acteurs économiques qui en bénéficient (les acteurs
tournés vers le marché intérieur) de différer les restructurations (présentées comme)
nécessaires pour faire face à l'accroissement de la compétition entre places économiques.
Ainsi, le manque d'innovation est présenté comme le résultat de l'action de l'Etat comme:
acteur économique monopolistique; générateur de rentes de situation favorisant le statu quo
dans la structure économique; facteur de surréglementation (comme dans le cas des politiques
d'immigration accusées d'empêcher l'allocation efficiente du "facteur travail").
De plus, l'argumentation s'appuie sur l'idée que la Suisse doit son succès à sa "tradition
libérale", mais que cette tradition est en train de s'éroder, menacée par les arrangements
politiques créant des rentes de situation. Ainsi, dans la perspective développée dans le Livre
Blanc I, l'importance de la connaissance est reconnue, mais elle n'est pas construite comme
objet de régulation en soi. La libération des forces du marché est jugée suffisante pour
soutenir les transformations nécessaires de l'économie. Cela est également illustré par le fait
16
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" que, parmi les mesures politiques proposées à la fin de l'ouvrage, aucune ne concerne
spécifiquement la question de la connaissance.
3.2
Livre Blanc II: la "société de l'information" et l'émergence du rôle positif de l'Etat
Le Livre Blanc II (Pury, et al. 1996) se réclame de la continuité du Livre Blanc I, mais il
postule également que "le monde s'est profondément transformé depuis la publication de cette
première étude" (opcit : 7). Ces changements sont de deux ordres: d'une part, l'accélération de
la libéralisation et de la mondialisation de l'économie, d'autre part, ce qui est plus intéressant
pour notre propos:
"La société de l'information avance de plus en plus vite. Cette révolution structurelle mondiale
comporte des chances et des dangers. Les chances tiennent aux possibilités considérables
qu'offrent la mondialisation et l'informatisation en termes de croissance permanente, pour autant
que nous soyons prêts à unir nos efforts et à renoncer au besoin à certaines positions acquises." (7)
Cela représente déjà une évolution substantielle de la place du discours de l'économie de la
connaissance dans la construction du Référentiel Global néo-libéral, car il prend désormais
une place centrale. En effet, dans le dispositif discursif du Livre Blanc II, l'évocation de la
"société de l'information" accroît la pression concurrentielle sur la Suisse. Celle-ci, définie
comme archétype de "société de la connaissance" en raison de son manque de matières
premières est en effet concurrencée de plus en plus fortement par la diffusion planétaire du
"savoir". Cet argument est également défendu dans les cercles politico-administratifs puisque
Beat Hotz-Hart 18 affirme:
"A la concurrence provenant des Etats industrialisés participant à la compétition technologique
(concurrence par le "haut") vient s'ajouter la concurrence en provenance des NICs innovateurs
(concurrence par le "bas"). Ces deux courants permettent de visualiser la situation concurrentielle
de la Suisse sous forme d'un "mouvement en tenailles". La garantie du maintien dans notre pays
d'emplois attrayants et impliquant des qualifications élevées peut et doit passer par une présence
offensive sur le marché et par une adaptation continuelle du portefeuille d'activités." (Hotz-Hart
1995)
L'un des arguments utilisés renvoie au, fait que, depuis 1992 et pour la première fois, les
investissements en R&D des entreprises suisses ont été plus élevés à l'étranger qu'en Suisse,
ce qui attesterait de la perte de compétitivité de la Suisse.
Dans ce cadre, la question de l'économie de la connaissance prend une place importante, qui
est soulignée par les priorités données par le Livre Blanc II pour la législature 1995-1999.
L'économie de la connaissance concerne en effet deux des sept priorités: création d'une
18
Hotz-Hart était alors (en 1995) professeur à l'Université de Zürich et dirigeait le service des questions
technologiques et de l’emploi de l’ancien Office fédéral des questions conjoncturelles. Dès la création de l’OFFT
(Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie), en 1998 (voir ci-après), il occupe une
fonction dirigeante dans le domaine de prestations "Technologie", tout en continuant à enseigner.
17
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" structure fiscale encourageant l'innovation (priorité 2); déréglementation de la formation
universitaire et examen systématique des programmes de recherche décidés par les pouvoirs
publics (priorité 7).
Ainsi, la recherche et la formation deviennent des objets de régulation dans le Livre Blanc II,
en d'autres termes il devient légitime de concevoir une politique sectorielle devant gouverner
ce domaine. Ces auteurs critiquent les politiques menées dans ces domaines et proposent des
mesures permettant de résoudre les problèmes qu'ils décèlent. Ces mesures impliquent
notamment le renforcement de la formation et de la perspective de formation continue, la
dérégulation du système universitaire et le développement d'une politique de recherche
privilégiant la recherche fondamentale et la diffusion de connaissances:
"Les développements économiques et technologiques du monde actuel réclament de la part de la
Confédération et des cantons une politique de la recherche qui considère la qualité de la recherche comme
l'élément-clé de la compétitivité de notre pays." (Pury, et al. 1996)
Ainsi, avec le Livre Blanc II, l'économie de la connaissance participe à la construction d’un
Référentiel Global néo-libéral en attribuant à l'Etat plus qu'un rôle de stricte garant du libre
marché. Néanmoins, le discours soutenant cela reste limité à une affirmation incantatoire de la
révolution liée à l'avènement de la "société de l'information". Ce qu'illustre bien le passage
suivante:
"Il est probable que les taux de croissance de l'ère de la communication n'auront plus rien à voir
avec ceux de l'ère industrielle. Nous sommes donc confrontés à un défi gigantesque. Il nous faut
apprendre à maîtriser des machines d'un nouveau type, c'est-à-dire des produits d'information
interactifs libérés des contraintes d'espace et de temps, et réexaminer sur cette base la plupart de
nos activités. Pour l'instant, nous avons encore un pied dans la société industrielle, et nous
ressemblons aux pionniers issus de la société agraire qui se demandaient de quoi serait faite la
révolution industrielle." (20)
3.3
Lignes directrices pour une politique économique orientée vers la croissance :
intégration du rôle de l'Etat dans l'impulsion de l'innovation
Le rapport du Département fédéral de l'économie intitulé Lignes directrices pour une
politique économique orientée vers la croissance (DFE 1999) constitue une manifestation
claire de l'institutionnalisation du Référentiel sectoriel dans la vision portée par l'Etat fédéral.
Concernant la constitution d’un référentiel global, ce rapport représente le moment discursif
du début de l'inscription d'un nouvel algorithme dans la conception portée par l'Etat. En effet,
il s'agit du premier rapport du nouveau Département fédéral de l'économie, qui a subi de
18
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" profondes mutations entre 1997 et 2000, la plus grande étant la création du Seco (Secrétariat
d'Etat à l'économie) 19 .
Ce rapport trace une perspective similaire à celle du Livre Blanc II en représentant la Suisse
comme un petit pays contraint à l'innovation. Le discours sur l'économie de la connaissance y
prend également une place importante par l'intégration de la recherche et de l'éducation
comme l'un des cinq éléments à approfondir et à soutenir afin de renouveler le potentiel de
croissance de l'économie suisse ("La Suisse en tant que place de formation et de recherche
innovatrice"). Dans cette perspective le rapport pose la formation, le savoir et la technologie
comme étant des "facteurs décisifs" (38) du succès d'une place économique. Afin de donner à
la Suisse le cadre nécessaire à une amélioration dans ces domaines, le DFE propose des
mesures politiques visant à réformer la formation professionnelle, intégrer les HES dans le
réseau suisse des hautes écoles et favoriser la coopération entre les entreprises suisses et les
établissements de recherche.
Ce discours en continuité avec celui du Livre Blanc II est néanmoins nouveau dans la mesure
où il est une prise de parole étatique qui pose l'importance de l'intervention de l'Etat dans le
domaine de la connaissance afin de remédier aux situations dans laquelle le marché n'est pas
capable de générer les conditions-cadres nécessaires à la croissance, comme pour l'innovation.
3.4
Stabilisation du Référentiel Global: le "Rapport sur la croissance"
Le Rapport sur la Croissance (DFE 2002) constitue un élément important dans le Référentiel
Global. Ce rapport "signé" par le DFE a pour base les études préliminaires réalisées par le
Seco. 20 Il marque une différence qualitative par rapport aux conceptions précédentes du rôle
de l'économie de la connaissance car il intègre une conception théorique beaucoup plus
construite que les analyses précédentes.
Ce rapport se présente clairement – comme l'annonce son sous-titre: "déterminants de la
croissance économique de la Suisse et jalons pour une politique économique axée sur la
croissance" – comme une étude de scientifique. Dans ce cadre, c'est la théorie de la croissance
endogène qui prend la place centrale dans le dispositif discursif développé dans le rapport. En
19
Le Département fédéral de l'économie (Département fédéral de l'économie publique jusqu'en 1997) subit un
certain nombre de transformation depuis le milieu des années 1990, dont le plus important est la réunion des
offices chargés de la politique économique intérieure (OFIAMT puis OFDEE) et de la politique économique
extérieure (OFAEE) à l'intérieur du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) à partir de 1999. D'autres
transformations importantes ont lieu, comme la création d'un Office fédéral de la formation professionnelle et de
la technologie (OFFT). Nous pensons que l'on peut interpréter ces transformations comme étant en partie liée à
la dimension étatique du Référentiel Global.
20
Les dix études préliminaires ont été publiées dans la collection "Grundlagen der Wirtschaftspolitik" du Seco
19
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" tant que tel, il permet de compléter et de raffiner l'approche par la théorie du Public choice.
Cela a des conséquences importantes concernant la place de l'économie de la connaissance
dans le discours tenu dans ce rapport.
Selon le Rapport, la croissance (du PIB) résulte soit d'un accroissement des heures de travail,
soit d'un accroissement de la productivité du travail. Or, la première variable ne peut pas être
améliorée car la Suisse cumule un taux d'activité élevé et un chômage bas 21 dès lors: "il n'est
guère possible d'augmenter le nombre d'heures de travail" (DFE, 2002 : 17).
Ainsi, c'est sur la question de l'accroissement de la productivité du travail que le rapport se
penche pour ouvrir les pistes de la croissance. Cette seconde variable renvoie à trois facteurs:
l'investissement, le "capital humain", compris comme la formation des travailleurs; le progrès
technique. On remarque donc immédiatement la centralité du discours sur l'économie de la
connaissance puisqu'elle concerne ici deux facteurs sur les trois permettant l'élévation de la
productivité du travail.
De même lorsque le Rapport définit les "déterminants politico-économiques de la productivité
du travail" (DFE 2002 : 22) en s'appuyant sur les théories de Solow et de Barro,22 trois des six
facteurs endogènes sont liés à l'économie de la connaissance: la politique de la concurrence:
"Une forte concurrence intérieure renforce l'efficacité et crée des conditions propres à
l'innovation"; la politique de formation; la politique en matière d'innovation (DFE, 2002 : 24).
À travers ce développement on voit donc que la recherche joue un rôle central dans le
nouveau Référentiel Global dans la mesure où elle constitue l'un des facteurs-clés de la
compétitivité d'un pays. De ce point de vue, elle entretient un rapport paradoxal avec le
référentiel néolibéral, puisqu'il s'agit de l'un des domaines dans lesquels l'investissement de
l'Etat reste nécessaire.
4
Un nouveau référentiel de la recherche
La section précédente a montré comment la recherche a été mobilisée dans la constitution
d’un nouveau référentiel global néolibéral. Dès lors, l’articulation entre référentiel global et
sectoriel ne pourra que prendre une forme singulière en raison de la place de la recherche dans
l’économie de la connaissance. Dans cette dernière section, il s’agit donc décrire la manière
dont la Confédération investi politiquement et financement le secteur de la recherche tout en
21
La Suisse est en tête des pays de l'OCDE sur le plan des heures de travail par habitants (avec le Japon)
Le rapport commence par présenter la théorie de la croissance de Solow, puis souligne les critiques qui lui sont
faites et présente les amendements qui lui sont faits pour fonder la théorie de la croissance endogène. D'ailleurs,
tout les économistes fondateurs de ce courant (Barro, Romer, Lucas) figurent dans les références du Rapport. Sur
la théorie de la croissance endogène voir Guellec et Ralle (2003).
22
20
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" lui appliquant les principes d’une nouvelle gestion publique (dérégulation, flexibilisation,
concurrence, etc.). Il s’agit donc de documenter l’articulation singulière entre référentiel
global néolibéral et référentiel du secteur de la recherche.
4.1
Entre rationalisation économique et investissement politique
Dès le milieu des années 1980, la Confédération s’est donné les moyens de rationnaliser son
soutien à la recherche publique 23 . Un premier texte de loi comme légitimation légale et des
objectifs fixés comme légitimation managériale vont constituer les premiers d’une politique
de la recherche. Puis, dès le début des années 1990, une structure administrative (Groupement
de la science et de la recherche) avec un Secrétariat d’Etat vont compléter les premier
dispositifs légaux. Ces instruments visent à améliorer la coordination fédérale en matière
d’encouragement à la recherche. Mais c’est dans le domaine de la politique technologique que
la Confédération va être la plus active en ce début des années 1990. Elle va mettre en place
des programmes de recherche-développement (micro-technique, biotechnologies, microélectronique, environnement, etc.) afin d’améliorer la situation économique de la Suisse. Car,
d’un côté, les grandes industries suisses délocalisent de plus en plus leurs centres de R&D à
l’étranger et, de l’autre, les PME souffrent d’une concurrence exacerbée des pays membre de
l’UE dans un contexte de finance publique tendu.
C’est dans son message de 1994 que le Conseil fédéral va souligner l’importance de la
recherche pour le développement économique de la Suisse, puisqu’il affirme qu’une
« économie forte a besoin d’une science forte ». Il ne s’agit de mettre sur pied de grand
programme industrielle comme cela se fait dans d’autres pays, mais d’améliorer les conditions
cadre permettant croissance et innovation : « La politique de la science peut créer des
conditions favorables et elle doit le faire, sinon nous risquons de voir s’accentuer la tendance
à l’exode de la recherche industrielle de pointe, entrainant la délocalisation de la production »
(CF, 1994). C’est sur la base d’un tel diagnostic que le Conseil fédéral propose les objectifs
suivants : intégrer la recherche dans les réseaux internationaux; créer des priorités
thématiques dans les universités et centres de recherche; améliorer les conditions générales
créées par la politique de la science pour l’économie par des relations plus forte entre
recherche publique et privée, par une politique technologique, par la création de hautes écoles
professionnelles spécialisée, par le renforcement d’une agence en faveur de l’innovation
technologique.
23
Le soutien à la recherche par la Confédération date des années 1950, avec notamment la création du Fonds
national suisse de la recherche scientifique. Cf. Fleury, Joye, (2002) et Joye-Cagnard (2010).
21
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" Le discours du Conseil fédéral ne s’inscrit pas seulement dans une économie de la
connaissance qui ne dit pas (encore) son nom, mais aussi dans une nouvelle gestion des
ressources. En effet, dans un contexte financier difficile, l’un des objectifs du CF est
« d’accroître le rendement des ressources engagées ». Différentes mesures sont envisagées :
améliorer la répartition des tâches entre organes et instruments d’encouragement de la
recherche ; allouer les subventions fédérales en fonction des résultats ; instituer l’évaluation
des mesures engagées.
4.2
Réformer l'administration fédérale pour améliorer les conditions cadres de
l’économie
Dans un but d’améliorer les conditions cadre pour le développement économique et le soutien
aux PME, la Confédération va radicalement modifier son administration en charge de la
promotion économique et technologique, inexistante pour ainsi dire jusqu’au milieu des
années 1990. D’une part, au sein du Département de l’économie, on créé un Office fédéral de
la formation et de la technologie (OFFT) et une Agence (de moyens) pour l’innovation et la
technologie (CTI) qui vise le développement technologique, la promotion de l’entrepreneuriat
et l’innovation fondamentale 24 . Afin d’assurer l’imbrication entre recherche publique et
développement industriel, tout projet financé par le CTI doit être cofinancé à hauteur de 50%
par un partenaire industriel. Les Hautes écoles spécialisées (notamment celles dans le
domaine de la technique, de l’économie et des arts appliqués), instituées en 1990 doivent
permettre le transfert de technologies et l’innovation. A l’instar des universités des écoles
polytechniques fédérales, les Hautes écoles spécialisées doivent aussi former les futurs
ingénieurs et cadres de l’économie.
Le département de l’intérieur en charge du soutien aux universités connaît également des
transformations. Ainsi, on regroupe au sein d’un Secrétariat de l’éducation et de la recherche
les anciens Office de l’éducation et de la science et le Groupement de la science et de la
recherche. Un Secrétaire d’Etat dirige le domaine de la formation, de la recherche et de la
technologie de la Confédération (FRT). A noter que le Conseil fédéral prône une imbrication
toujours plus grande entre recherche libre et recherche industrielle favorisant l’innovation,
l’organisation administrative s’inscrit toujours dans une vision linéaire de l’innovation avec la
recherche livre au sein du département de l’intérieur et la recherche appliquée au sein de
département de l’économie (Lepori, xxxx).
24
Il ne s’agit pas réellement de création d’un nouvel office, mais de réaménagement d’ancien (cf. Benninghoff,
Leresche, 2003).
22
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" 4.3
Renforcer les liens entre recherche libre et recherche appliquée
Alors que les mesures prises dans le milieu des années ont permis de renforcer les instruments
en faveur de l’économie et du marché du travail, la fin des années 1990 et le début des années
les mesures de la Confédération vont chercher à mieux intégrer les différents secteurs de la
recherche (fondamentale/appliquée ; libre/orienté, etc.).
Le message inscrit cette fois-ci de plein pied la promotion de la recherche dans une société et
une économie de la connaissance : « Le processus en cours de réforme du système FRT vise à
adapter la Suisse à la société du savoir et à l’économie de la connaissance qui seront
probablement des éléments-clés du 21e siècle » (CF, 2002 : 2078). Le Conseil fédéral souligne
l’importance de la recherche pour les individus, les entreprises, les Etats et la société.
Ainsi « pour les entreprises, le savoir est devenu le principal facteur de production. Une bonne partie
des entreprises qui feront demain notre prospérité n’existent pas aujourd’hui. Pour naître ou se
développer, les entreprises ont besoin des connaissances nouvelles, fondamentales ou appliquées,
produites par la science et la technologie en Suisse et à l’étranger. Dans ce contexte, les relations
entre la formation, la recherche, la société et l’économie sont capitales pour la compétitivité de notre
pays. Une politique de l’innovation, qui couvre la recherche fondamentale et la recherche appliquée
et le développement en prenant appui sur nos traditions industrielles et scientifiques, doit être mis en
œuvre. Il s’agit en particulier de créer un environnement social et scientifique créatif qui stimule
l’esprit d’entreprise et la volonté d’innover » (CF, 2002 : 2078s).
Différents instruments mis en place dans les années 2000 ont comme objectifs de renforcer les
interactions entre les différents types de hautes écoles (universités, école polytechniques,
HES) et l’industrie. Par exemple, l’instrument ‘Pôles de recherche nationaux’ du Fonds
national suisse de la recherche scientifique vise à renforcer les relations entre recherche
fondamentale et recherche appliquées dans des domaines à fort potentiel innovant tels que les
sciences de la vie ou les nanotechnologies et sciences de matériaux (Braun, Benninghoff,
2003). Les ‘Projets de coopération et d’innovation’ de la Conférence universitaire suisse
constitue également un instrument d’action publique mettant en synergie différentes
institutions de recherche et d’enseignement supérieur (Joye-Cagnard et al. 2006).
4.4
Une nouvelle gestion de la recherche
Le référentiel de la politique de la recherche mise en place notamment par la Confédération
s’inscrit en plein dans une économie de le connaissance, dans la mesure ou les objectifs fixé et
les mesures prises visent à améliorer les conditions cadre pour une meilleure politique
économique de la suisse favorisant la création d’emploi et la croissance économique. Mais le
référentiel global néolibéral implique aussi une politique de rationalisation de l’appareil
23
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" d’Etat, même si cette rationalité est spécifique au domaine concerné. Lié aux réformes
d’administration fédérale, la Confédération a également mis en place des instruments de
gestion tel que les contrats de prestations (Benninghoff, 1996b), des instruments d’évaluation
ex post permettant de contrôler l’utilisation faites des ressources allouées par le Confédération
ou le FNS. Toujours dans le domaine de l’évaluation, la Confédération et la Conférence
universitaire suisse, ont institué en 2002 un Organe d’accréditation et d’assurance qualité des
hautes écoles suisses (OAQ) chargé d'assurer et de promouvoir la qualité de l'enseignement et
de la recherche dans les hautes écoles suisses. Dans ce but, l'OAQ procède à des examens de
la qualité, élabore des directives pour l'assurance qualité interne des hautes écoles et propose
des services dans ce domaine (Gorga, 2009).
5
Conclusion
Dans cette contribution, nous avons tenté de montrer comment le référentiel sectoriel de la
recherche suisse se construit dans le même mouvement que se transforme le référentiel global
de la formation sociale suisse. Il nous semble que trois points importants peuvent être
soulignés.
Premièrement, on assiste, avec l'émergence du nouveau Référentiel global, non pas à la
transformation d'un référentiel sectoriel, mais bien à la création d'un secteur – en tant qu'objet
de régulation politique. En effet, car bien que des mesures ont été prises par la Confédération
dès les années 1950, ce n’est qu’à la fin des années 1980 qu'émerge une véritable politique de
la recherche en Suisse, avec tout ce que cela implique comme créations institutionnelles
(SER, OFFT, CTI, CUS, OAQ, etc.) ainsi qu'instrumentales (NCCR, PCI, contrats de
prestations, reporting, etc.). On est donc dans une situation particulière puisque les analyses
des référentiels sectoriels montrent souvent à voir une lutte à l'intérieur d'un secteur pour sa
redéfinition. La question "théorique" qui se pose alors est de savoir si nous sommes dans une
configuration particulière dans laquelle l'arsenal conceptuel de l'approche par les référentiels
est moins approprié à l'analyse de notre objet. Cela ne nous semble pas être le cas car, si les
luttes sont moins manifestes, tout référentiel reste la construction d'une vision du monde qui
doit gagner l'adhésion du plus grand nombre.
Deuxièmement, l'apparent paradoxe d'un Référentiel global qui ne donne pas à voir un impact
uniforme sur les différents secteurs qu'il contribue à reproduire/transformer. On peut en effet
concevoir le Référentiel Global comme une vision du monde qui transforme uniformément les
différents secteurs et leur confère une structure similaire. Notre objet nous montre que ce n'est
pas forcément le cas et que l'impact d'un Référentiel Global dépend de l'importance du secteur
24
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" et de son "contenu" dans le dispositif socio-politique général prévu par le Référentiel Global.
En ce sens, on voit que référentiel global et sectoriel sont dans un rapport de co-construction
et que les deux sont tissés de contradictions. 25
Troisièmement, et second paradoxe, le Référentiel Global néolibéral montre une singularité
qui confine à la contradiction dans la manière dont il est réfracté dans le secteurs de la
recherche. En effet, les deux fondements du Référentiel Global – l'offensive néolibérale ainsi
que la réforme de l'administration – se présentent respectivement comme une volonté
d'abaisser l'intervention de l'Etat de manière générale en raison de l'efficience supérieure du
marché et comme une application des règles de l'entreprise privée à l'administration publique
au moyen de mandats de prestations, enveloppes budgétaires et mécanismes d'évaluation
accrus. Or, ce que l'on constate dans le secteur de la recherche est loin d'aller dans le sens du
leitmotiv du "moins d'Etat". D'une part, les financements publics de la recherche ont tendance
à augmenter – après avoir, il est vrai, stagné durant plusieurs années – d'autre part,
l'administration liée à ce secteur s'est accrue depuis le début des années 1990, notamment
avec la création du SER et d'autres instances (OFFT, CTI, etc.) ,de même qu'avec
l'augmentation du personnel du FNS lié au nombre plus important d'instruments que cette
organisme doit gérer. Le "problème" prinicpal que pose la recherche au référentiel néolibéral
réside dans la centralité de l'innovation dans la compétition économique allié au fait que cette
innovation est impossible à prévoir, à orienter et à évaluer.
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Dans le cas du "référentiel néolibéral", d'autres secteurs montrent ces contradictions entre un discours général
de moins d'Etat et un discours particulier d'augmentation des dépenses, comme le secteur de la sécurité (police,
armée, sécurité).
25
Congrès de l'Association Suisse de Science Politique – Genève – 07/08.01.2010 Workshop Politiques Publiques: "Comparative policy analysis: new trends in cognitive approaches" Globalisation, néo-libéralisme et politiques publiques dans la Suisse des années 1999.
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