Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées Revue de presse La Bonne Âme du Se-Tchouan De Bertolt Brecht Mise en scène Jean Bellorini Traduction Camille de la Guillonnière et Jean Bellorini Reportages TV TLT : Reportage disponible sur le site : http://www.teletoulouse.fr/Mstr.php?lk=468gLi4788z020&Em=11&Vd=3165 Radio France Inter : Spots publicitaires du 7 Octobre au 13 Octobre et durant le mois de Novembre Reportage diffusé courant Novembre 05 NOV 13 AGENCE FRANCE PRESSE MONDIALES Quotidien Paris 11/15 PLACE DE LA BOURSE 75061 PARIS CEDEX 02 - 01 40 41 46 46 Surface approx. (cm²) : 490 Page 1/2 05/11/2013 08:04:00 Une troupe de comédiens-chanteurs s'empare de la "Bonne âme" de Brecht (PRESENTATION) Par Laurence BOUTREUX TOULOUSE, 05 nov 2013 (AFP) - Avec une troupe inspirée de 18 comédiens et un pianiste perché, Jean Bellorini remporte avec grâce son dernier pari de mise en scène: faire de "La Bonne âme du Se-Tchouan" (1939) de Bertolt Brecht "une fête joyeuse bien qu'elle raconte des choses terribles". Ce Parisien de 32 ans et sa compagnie Air de Lune entament jeudi au théâtre national de l'Odéon, à Paris, une tournée française qui passera entre autres par Marseille (La Criée) et Lyon (Théâtre de la Croix-Rousse). En octobre, dix soirs de suite, des spectateurs de tous âges avaient empli la grande salle du Théâtre national de Toulouse, absorbés par ce long spectacle conçu comme un feuilleton et truffé de chansons. Placé en surplomb de la scène, un pianiste grec de 27 ans, Michalis Boliakis, est "le souffle et le coeur du spectacle", explique à l'AFP le metteur en scène Jean Bellorini, volontiers lyrique. "C'est le fil rouge de notre travail depuis le début: tout est très musical. Je dirige les acteurs comme des musiciens et les musiciens comme des acteurs et, à tout moment, le choeur raconte l'histoire". Fable politique, "La Bonne âme du Se-Tchouan" ne cesse de questionner le public mais ne délivre pas de morale. Brecht l'a écrite lors de son exil aux Etats-Unis, en 1939, six ans après avoir fui l'Allemagne hitlérienne où ses oeuvres étaient interdites par les nazis. La pièce fait valser les personnages autour de Shen-Té, jeune prostituée chinoise que tous surnomment "l'ange des faubourgs" tant elle fait preuve de bonté. Mais "il est dur, votre monde! Trop de misère, trop de désespérance", constate Shen-Té (incarnée par Karyll Elgrichi, limpide et subtile). "Celui qui aide, celui-là, lui-même se perd!", lance-t-elle aux dieux voyageurs qui ont cru trouver en elle la "seule bonne âme" de sa province chinoise... Dans ce monde où la dureté est vue comme une qualité, le spectateur du XXIe siècle n'a pas de mal à se retrouver: "il est +rat+, mais c'est mieux", dit-on du double de Shen-Té, Shui Ta, qui se révélera un redoutable "exploiteur". Et même si "un esprit de fanfare" vient sans cesse animer la pièce, selon le voeu de Bellorini, le public entend clairement les questions politiques posées par Brecht il y a 74 ans et en reste saisi. La poésie de la scénographie (signée Bellorini) et l'élégance effrontée des costumes (de Mâcha Makeïeff) ajoutent à la beauté de ce spectacle porté par une troupe audacieuse. Dans le drame, les comédiens-chanteurs ont su glisser des saynètes pleines d'ironie sur notre monde, nées de nombreuses semaines de répétitions où "tout partait des acteurs et d"improvisations". "bande de blaireaux" Pour concevoir une nouvelle traduction, Jean Bellorini s'était allié à Camille de la Guillonnière, formé comme lui à l'Ecole Mathieu à Paris. Quand le personnage du jeune marchand d'eau (touchant François Deblock) CITE3 4803708300504/MIR/OTO/4 Eléments de recherche : THEATRE DE LA CITE ou THEATRE NATIONAL DE TOULOUSE (31), toutes citations 05 NOV 13 AGENCE FRANCE PRESSE MONDIALES Quotidien Paris 11/15 PLACE DE LA BOURSE 75061 PARIS CEDEX 02 - 01 40 41 46 46 Surface approx. (cm²) : 490 Page 2/2 chante aux passants sa ritournelle "achetez-moi de l'eau", il ajoute "je prends les tickets restau", "bande de blaireaux". La traduction du texte de 1939 aurait dû être "bande de corniauds", admet Bellorini qui préfère faire entendre Brecht "comme un auteur vivant" pour "un spectacle ici et maintenant". La compagnie rejouera par ailleurs, en avril-mai au Théâtre d'Ivry, le spectacle qui l'avait fait largement connaître en 2010: "Tempête sous un crâne", tiré des "Misérables" de Victor Hugo. Et elle présentera de nouveau, en mars-avril, au Rond-Point, à Paris, ses "Paroles gelées" d'après François Rabelais. Ibx/fal/ed CITE3 4803708300504/MIR/OTO/4 Eléments de recherche : THEATRE DE LA CITE ou THEATRE NATIONAL DE TOULOUSE (31), toutes citations Bellorini ouvre la saison du TNT Publié le 09/10/2013. Théâtre Du 09/10/2013 au 19/10/2013 Jean Bellorini / Photo DR. B Deramaux En deux spectacles,» Les Misérables» et «Paroles gelées, il est devenu l’enfant chéri du TNT et de ses spectateurs. Et ce soir, en ouverture de la saison, Jean Bellorini et sa compagnie Air de Lune présenteront «La bonne âme du Sé-Tchouan» de Brecht, crée dans les murs du théâtre Sa compagnie s’appelle «Air de Lune» et chacune de ses pièces est une étoile lumineuse, une fête inventive, dans laquelle on jongle avec les mots, on joue avec les images, on chante, on danse, au son de l’accordéon ou du xylophone. C’est la raison pour laquelle tous ceux qui ont la chance de le découvrir en 2010 avec «Les Misérables», ou en 2012 avec «Paroles gelées», attendent avec impatience «La bonne âme du Sé- Tchouan», pièce de Brecht que Jean Bellorini et sa troupe ont créée au TNT et qu’ils présenteront, en ouverture de la saison, à partir de ce soir. Depuis un mois, vous êtes en résidence au TNT pour «La bonne âme du Sé-Tchouan»... «La bonne âme» est une création toulousaine… Après «Paroles Gelées» et les «Misérables,», le TNT nous a proposé de créer ici notre prochain spectacle. Un cadeau : j’ai beaucoup tourné en France et ce théâtre est un des plus beaux de France. Tant au niveau du lieu, que des personnes qui l’occupent. C’est un beau navire avec un bel équipage. Comment concevez-vous votre rôle de metteur en scène ? Je suis comme un chef d’orchestre qui n’est rien sans ses musiciens. J’ai l’habitude de dire que le théâtre, c’est un des derniers lieux où les hommes parlent aux hommes en direct. Et nous-mêmes, au sein même de la compagnie, nous travaillons ainsi. J’écoute les propositions des comédiens. Nous en discutons, ils construisent. Et moi, je joue avec les lumières, j’isole, je cache, je crée des zooms qui focalisent sur une scène. Une scène d’amour dans un transporteur ? J’éclaire, comme au cinéma, un coin de lumière. Dans vos spectacles, on joue, on chante, on danse… Avec Camille de La Guillonnière et Clara Mayer, comédiens de la compagnie, nous nous sommes rencontrés à l’école de Claude Mathieu qui est une école plurielle, qui, manie aussi bien la dramaturgie que le clown et qui est aussi une école d’humilité, de simplicité de rigueur. Tous trois parlons ce même langage. Et pour moi, le théâtre doit réveiller chez les spectateurs des échos poétiques, des souvenirs personnels. Que ce soit à travers les images, les mots, la musique. Vous êtes jeune- 32 ans- et pourtant on sent chez vous un vrai goût de la littérature qui n’est pas la caractéristique votre génération… Oui, c’est en moi. Et je n‘ai pas fait d’études littéraires. J’ai fait un bac S, je me suis inscrit en médecine…que j’ai rapidement abandonné pour mon école de théâtre. Pourquoi le choix de cette pièce de Brecht qui est à des lieux de vos auteurs habituels : Hugo, Rabelais , plus dans la chair, le social ? D’abord, il y a longtemps que je voulais monter Brecht, «L’opéra de quat sous»-, bien avant «Les Misérables», mais je n’avais pas eu les droits. J’aime «La bonne âme…» - parce que c’est une fable simple et que ce qu’elle raconte a une résonance profonde en moi et dans notre monde actuel. La pièce pose la question de savoir si, aujourd’hui, dans le monde actuel, on peut rester simple et bon dans la vie qui nous est proposée . Peut on rester une bonne âme au quotidien ? L’Homme est transformé par le monde en permanence On appelle ça grandir ou mûrir. Mais est ce que ce n’est pas de la trahison ? Comment est construite la pièce ? L a pièce est construite en dix tableaux et cinq intermèdes qui sont des rêves. En fait, elle est très, onirique mais nous la représentons dans du concret. Brecht est ainsi, aussi : il y a ce qu’il dit, qui peut paraître abstrait et ce qu’il y a derrière. Qui est plus réel… Quelle ligne de mise en scène vous êtes vous fixé ? D’abord, il fallait rendre la narration limpide, tout en ne la laissant pas trop manichéenne. Avec un besoin de retrouver du trouble de l’humanité. La pièce dure trois heures avec entracte. Avec dix-huit comédiens sur scène dont un enfant et deux comédiens de 80 ans, qui apportent un supplément d’humanité. Comme c’est notre marque de fabrique «La bonne âme du Sé -Tchouan» sera aussi chantée, jouée, avec un accordéon, un xylophone, un percussionniste. Et puis, il ne fallait jamais oublier la théâtralité. Avec tout un tas de bascules et des passages du rêve à la réalité. Les contrastes, les bascules, c’est cela aussi, c’est notre marque de fabrique… «La bonne âme du Sé-Tchouan», au TNT, rue Pierre Baudis, du 9 au 19 octobre. De 14 à 25. (pour les non abonnés). Tel : 05 34 45 05 05 Propos recueillis par Nicole Clodi ! # 12 – Octobre 2013 FLASH LE MENSUEL 02 OCT/06 NOV 13 Mensuel 6/8 Rue Bagnolet 31100 TOULOUSE - 05 61 43 80 10 Surface approx. (cm²) : 524 N° de page : 4 Page 1/1 Changer le monde • • n a retrouvé grâce à lui le • B souffle hugolien du grand SLSÊii-S Victor ; on l'a suivi l'an dernier dans une adaptation épique du gargantuesque Rabelais. Cette saison, c'est sur une histoire de Bertolt Brecht qu'on monte avec Jean Bellorini, artiste invité pour la troisième année et ses inséparables consorts, sur le grand ring théâtral du Théâtre National de Toulouse. TERREAU COMMUN Jean Bellorini a l'air d'un tout jeune homme malgré ses années d'expérience et l'éventail de ses talents : metteur en scène, compositeur, formateur, il a débuté lors du Festival Premiers Pas organisé par le Théâtre du Soleil où il présentait La Mouette de Tchékhov. Lui est resté avec Ariane Mnouchkine, « une même façon de voir les choses et défaire du théâtre dans l'artisanat ». Un état d'esprit qu'il partage aussi avec les membres de la troupe, tous formés à la même école, celle de Claude Mathieu, et qui l'accompagnent dans la plupart de ses créations. Dans cette dernière cependant figurent sur scène en plus des comparses habituels, un couple d'acteurs vieillissants et un enfant, « pour rendre compte du panorama intergénérationnel de la famille ». HISTOIRE DE FAMILLE Car il est bien question de famille dans ce « Brecht désordonné » qui reste avant CITE3 6638377300504/GMA/ABA/2 tout « un théâtre où l'on n'oublie pas qu'on y raconte des histoiresv». Dans une lointaine province chinoise, des dieux en voyage vont élire domicile dans l'unique bonne âme qu'ils trouvent à investir, celle de la prostituée Shen Té. Pour la remercier, ils lui donnent de l'argent pour sortir de la misère. Parabole sur la bonté, le texte est une fable poétique et lyrique, qui mêle interrogations sur la condition humaine et appels à la solidarité. Bellorini le réaffirme : " tout notre travail tourne autour de ces éléments : le texte, la politique (au sens de tout ce qui questionne l'homme et sa condition), l'émotion, la musique. Notre objectif est de toucher le cœur. Notre ligne artistique maintient toujours un lien étroit entre la musique et la parole./'aime ces spectacles où l'on rit, où l'on pleure et où l'on réfléchit dans la même soirée ». Une occasion d aller mettre nos envies de changer le monde à I epreuve de I egoïsme de l'Homme. A moins que ne suffise à notre salut La bonne ime du Se-Tchouan présente en ouverture de saison au TNT... d'exclusivité entre les comédiens et lui, « chacun reste libre de travailler ailleurs et sur d'autres projets, c'est une respiration nécessaire. Les acteurs sont les auteurs de ce qu'ils sont en train d'inventer. Je ne suis qu'un regard et eux fonctionnent en collectif. Dans notre façon de travailler, on est beaucoup dans la tentative. Sur un spectacle, tout peut bouger jusqu'au bout, mais en principe, une fois que le cadre s'incarne lors de la premiëre représentation il re-bouge peu ensuite ». LE MATÉRIAL! TEXTE II l'avoue, le choix des auteurs c'est lui. Il les choisit pour leur écriture, ce Brecht là par exemple « pas très connu » est « comme un match de boxe, des tableaux où l'on n 'est moins au cœur de la langue que chez Hugo ou Rabelais et où par conséquent le dosage jeu/plaisir/ narration n'est pas le même. Ça renouvelle le questionnement : un texte n'est pas sous cellophane, on peut se permettre de le bousculer, de repartir à zéro avec lui, de s'en servir comme une matière ». Il les choisit parfois aussi pour les gens auxquels il pense en les lisant. Pourtant, même dans ce cas, il n'y a pas LE THÉÂTRE, « MAISON DE LA PAROLE » Jean Bellorini avoue faire du théâtre de troupe « pour être touche « : 'Je suis ému par 17personnes qui saluent en même temps et c'est pour cela que j'aime les formes nombreuses, fe fais un théâtre du présent. Pour moi le théâtre reste une expérience collective dans la schizophrénie du monde, qui nous permet de sentir de façon presque concrète ce lien invisible qui nous relie tous : la Vie ». PROPOS RECUEILLIS MR CÉCILE BlOCHARD 9 au 19 octobre www.tnt-cite com Eléments de recherche : THEATRE DE LA CITE ou THEATRE NATIONAL DE TOULOUSE (31), toutes citations Octobre – Novembre 2013 © Bénédicte Deramaux Des hommes et des Dieux THÉÂTRE CŒUR DE L’ÉTÉ. DANS 48 HEURES, IL VA REJOINDRE LA TROUPE DE LA BONNE ÂME DU SE-TCHOUAN. AUX PREMIÈRES HEURES DE SON TRAVAIL, AVANTPROPOS DE JEAN BELLORINI, PRIX DE LA MISE EN SCÈNE DU PALMARÈS DU THÉÂTRE 2013. PROPOS RECUEILLIS PAR JL PÉLISSOU 1 Come back « Après avoir construit des spectacles à partir d’œuvres non théâtrales – Rabelais, les Misérables de Hugo – je voulais revenir à un texte purement théâtral. Je n’en peux plus que les acteurs me demandent : « Qui suis-je en train de jouer ? » Ça me fera du bien de pouvoir leur répondre en leur donnant le nom du personnage à incarner ! 2 L’homme, le monde, le sexe « Il est question, dans cette parabole dramatique, d’une visite que les dieux immortels font dans le monde pour s’assurer qu’il existe encore de bonnes âmes. Monter ce texte, c’est assurément questionner la relation du faible au fort, du dominant au dominé. C’est aussi, avec Shen Té la vaillante prostituée devenue fortunée et obligée de se travestir en homme pour survivre, s’interroger sur la part de féminin et de masculin dans la construction de l’individu. Questions sur l’identité, sur la vérité profonde de l’être et son rapport au monde : zones à explorer, au-delà du travestissement du personnage. C’est pourquoi certains rôles de femmes comme la veuve Shin seront tenus par des hommes. Shen Té, devenue Shui Ta se retrouvera face à des femmes jouées par des hommes. Je pense au cinéma d’Almodovar pour aller au delà de la dualité bon-méchant. Pour jouer sur le vrai trouble des sexes. Cette pièce est un tournant dans l’œuvre de Brecht. Il avait jusque là tout misé sur un possible changement de l’être. Ici tout est à réinventer, non plus l’homme à l’intérieur du monde, mais le monde lui-même pour que l’homme puisse être vrai et y trouver sa juste place. 3 Dieux, lampions et piano « Brecht place cette histoire en Chine ; elle peut se passer partout où on exploite des hommes. Un espace neutre et universel donc. Des murs, un escalier en colimaçon ne menant à rien ni nulle part. Quelque chose de ces appartements communautaires de l’ex-Allemagne de l’Est ou de la Russie brejnevienne. Un grand vide pesant mais où pourrait pousser une petite fleur. Où surgiraient des dieux très âgés, proches de Godot, trimballant avec eux une vie sur un plateau, réduits à observer et à attendre. Et une atmosphère de spectacle populaire : des lampions, un rythme de fanfare. Un pianiste fou, virtuose et lyrique. Musique d’un monde onirique, contrepoint au bruit de la réalité. 4 Changer le monde « Pourquoi faire ce métier si l’on ne croit pas que l’émotion peut transformer l’homme et le monde ? Participer 2h30 durant à une aventure collective, ça doit bien changer un peu les choses. Face à un acte de création réussi, est-ce tout à fait la même personne qui sort du théâtre où elle est entrée ? » Du 9 au 19 octobre, TNT, TOULOUSE. 23 9 Octobre 2013 Jean Bellorini. Le « théâtre » battu en Brecht Par Florian Bardou Lauréat de la mise en scène au Palmarès du théâtre 2013 pour son adaptation de Rabelais, Paroles gelées, le jeune metteur en scène de 32 ans ouvre, le 9 octobre, la saison 2013-2014 du Théâtre national de Toulouse (TNT), par une pièce de Bertolt Brecht : La Bonne âme du Se-Tchouan. Jean Bellorini a reçu, à 32 ans, le prix de la mise en scène du Palmarès du théâtre 2013 pour son adaptation du Quart Livre de Rabelais, créée en 2012 au TNT : Paroles gelées – Photos Bénédicte Deramaux A quelques jours de la présentation de sa nouvelle création pour La Bonne âme de SeTchouan du dramaturge est-allemand Bertolt Brecht, Jean Bellorini sait qu’il n’a accompli que 50% de sa tâche de metteur en scène. Pour les 50% restants, « l’alchimie avec le spectateur » confirmera si le lauréat du prix Jean-Jacques Gautier 2010, qui récompense les jeunes talents du théâtre français, a atteint son idéal : « poser des questions ». Méthodiquement entouré du traducteur de la pièce, Camille de la Guillonnière, et du premier rôle – incarné par la comédienne Karyll Elgrichi -, le trentenaire a le regard profond, secret et interrogateur. Si son talent de metteur en scène est reconnu par ses pairs, notamment pour son adaptation Tempête sous un crâne, des Misérables de Victor Hugo, en 2009, au Théâtre du Soleil, Jean Bellorini fait preuve d’une grande humilité. « A chaque fois que l’on commence une nouvelle création, on repart de zéro ». « Le travail de mise en scène naît d’abord d’une envie de fidélité et de collectivité » Pour lui, rien n’a vraiment changé depuis son prix au Palmarès du Théâtre 2013. « Recevoir une distinction, c’est l’inverse de ce qu’on peut croire. La montagne est de plus en plus immense. J’essaye de ne pas me soucier de ça » confie-t-il, distant. « C’est surtout une pression supplémentaire dont on essaye de se libérer » défend, à son tour, Camille de la Guillonnière, traducteur à ses côtés. Aucun doute : ils ont conscience d’être attendus au tournant. La troupe d’abord Sur les planches, Jean Bellorini ne conçoit son savoir-faire que dans le collectif et l’esprit de troupe. En 2001, au sortir de sa formation théâtrale à l’école Claude-Matthieu, il crée avec Marie Ballet sa compagnie Air de Lune qu’il ne cesse de porter en scène depuis 12 ans. « On travaille ensemble depuis près de 10 ans. 14 ans pour les plus fidèles. » fait-il remarquer. A propos de sa façon de travailler avec les acteurs, il ajoute : « Le travail de mise en scène naît d’abord d’une envie de fidélité et de collectivité. Les propositions naissent des acteurs donc il faut une relation de confiance qu’on cultive depuis des années ». Une confiance vitale qui lui permet de sortir des cadres et de favoriser la liberté de jeu des comédiens quitte à inviter de temps à autres le bon vieux hasard force de proposition. Dans La Bonne âme du Se-Tchouan, Shen Té, une prostituée chinoise incarnée par Karyll Elgrichi (à droite, de la compagnie Air de Lune), est la seule âme généreuse de la province du Se-Tchouan. Une parabole de la médiocrité de l’Homme – Photos Thierry de Pagne « Jean croit beaucoup à l’idée de troupe. Avec 18 comédiens sur scène et des personnages très différents, il y a une homogénéité à déceler » analyse Karyll Elchigri, interprète de ShenTé, personnage principal de La Bonne âme de Se-Tchouan. A la vie comme à la scène, c’est cette « relation humaine très forte » qui leur permet « qu’une évidence naisse dans le travail de mise en scène ». « Même en coulisse, on garde cette dynamique-là » renchérit Camille. Pour un théâtre total A l’image de Brecht, Jean Bellorini se fait l’écho d’un théâtre total : métaphysique et poétique, qui pourfend la bonne morale pour questionner le monde. D’où ce désir de remettre au goût du jour La Bonne âme du Se-Tchouan, un virage philosophique dans l’œuvre du dramaturge allemand. « Le théâtre est là comme un miroir qui questionne » « On a choisi cette pièce car c’était la moins didactique, la plus poétique et la plus métaphysique. Il renonce à l’idée que le théâtre doit changer le monde et affirme que c’est le monde qui doit changer. » confie l’homme qui aime questionner dans sa mise en scène. Il ajoute : « Le théâtre est là comme un miroir qui questionne. On ne peut affirmer que des intuitions. Si on avait les réponses, ça se saurait ». Pour le jeune metteur en scène, arrivé au théâtre par la musique et l’opéra, le lyrisme est une des composantes fondamentales de l’idéal théâtral qu’il tente de parfaire. « C’est la poésie qui m’a d’abord donné envie de faire du théâtre. Je crois qu’elle peut vraiment faire avancer les choses. » Dans son panthéon, Victor Hugo côtoie Anton Tchekkov: « Ce sont des auteurs qu’on aime parce qu’on les a montés ». Parmi les metteurs en scène, il se dit grand admirateur du britannique Peter Brook, mais surtout d’Ariane Mnouchkine. « On a souvent répété chez elle, et elle nous a vraiment soutenus. » Il poursuit : « Notre rapport n’est pas de l’ordre du projet artistique mais sur la manière de voir et de faire du théâtre : dans l’artisanat, le goût du détail, l’humilité ou l’idée d’aventure humaine collective, qui est primordiale. » Pour Jean Bellorini, le théâtre c’est poser des questions mais aussi une « envie de collectivité » – Photos Thierry de Pagne Double casquette La particularité du talent de mise en scène de Jean Bellorini, c’est aussi revendiquer une casquette un peu différente : celle de metteur en scène d’opéra avec Barbe Bleue de Jacques Offenbach, à Fribourg en Suisse, en 2009, par exemple. « Ce n’est vraiment pas le même métier » insiste-t-il. « La différence, c’est qu’au théâtre, on est dans la confiance mutuelle. A l’opéra, on peut difficilement se le permettre. Il y a toute une dimension de totalité qui n’existe qu’à l’opéra » précise-t-il. S’il se définit lui-même comme « un chef d’orchestre qui oriente en fonction de ce qu’il entend », il a paradoxalement l’impression « de faire moins de musique à l’opéra qu’au théâtre ». Difficile d’être chef d’orchestre à la place du chef d’orchestre. Peut-être un jour travaillera-t-il sur La Dame de pique de Tchaïkovsky : « un opéra profondément théâtral » ? Pour l’heure, Jean Bellorini préfère revenir à un fil narratif clair, « comme une enquête » avec Bertolt Brecht, avant de retrouver le travail d’adaptation. Invité jusqu’à la fin de l’année au TNT, il espère, après son spectacle, rester dans la continuité, dans un lieu où il peut interroger le monde, tout en étant « comme à la maison ». >> La Bonne âme du Se-Tchouan. Mise en scène: Jean Bellorini. Traduction: Camille de la Guillonnière. Compagnie Air de Lune. Au Théâtre National de Toulouse (TNT) du 9 au 19 octobre. 13 OCT 13 Quotidien OJD : 171431 Surface approx. (cm²) : 115 Page 1/1 Un vrai temps de Deschiens toulouse Claquements de talons « almodovariens » et temps de Deschiens sur la scène du TNT jusqu'au 19 octobre*. Dans « La bonne âme du Se-Tchouan », de Bertold Brecht, le metteur en scène Jean Bellorini fait jouer et chanter sa jeune troupe de Misérables à la recherche effrénée de l'argent, illustrant qu'il ne suffit pas d'être pauvre pour être honnête. Et l'amour dans tout ça ? Le voilà qui passe, sous une averse passagère qui méritera une pluie de bravos. P.M. *05 34 45 05 00. E07075745790670312FD4114760C255F21784F6B11F93F60AB999DF CITE3 9382087300503/FCC/FMS/2 Eléments de recherche : THEATRE DE LA CITE ou THEATRE NATIONAL DE TOULOUSE (31), toutes citations LLL/+%&/= !"#$%&'( ) Évaluation du site !" 7 M*% 7@# IOO "N HI N+$" %+"$&P'9$+,, *+,+,-&,'.%&%&- %+$,'(/00&,'+, %%+-&,$+'-12%+/*%' -$%-%&1+%/3', ,4%-'0&,+' %+'%.%567-+8 0,%&%&'(,+7+$98' %1:%%3%&3;<==/+1%+- +,%%'-%+',,,'+ $',$<%&'+ >%&-,%/ :%+$+&,'%,$+&'% %1,%+,$+'21%?/@ ,%%'-,%(( %&/@%'%-='%++%%+,%,'+' %&'%%,-,+=%%%%+$$ %&/#++=A%&%1/ -%%+-%00B+. 83$74C.%D%%4'% ,,$B+$,C%+.$ ?,%4%,+'%%1-+BE%C %,F;$/=+&+&%&-+, %%1+-%/0&,'.==&' %,(G=%%%.-' 4',,2/ :- %' /0%&' %&.H&/++.+I%/IJJIII/#J .IK&/ %7 7@# IOO %+"$&P'9$+,, [Théâtre]: La Bonne Âme du Se-Tchouan a un nom Le Mercredi 16 octobre 2013 - 19:10 par Paul Lorgerie Bertolt Brecht est de visite à Toulouse jusqu’au samedi 19 octobre. Création du Théâtre National de Toulouse et mise en scène par Jean Bellorini, La Bonne Âme du Se-Tchouan est une invitation au voyage parmi les Hommes. Entre croyance et problèmes sociaux, critique d’une pièce onirique. Shen-Té et « son aviateur », dont elle tombe éperdument amoureuse -Photos Thierry de Pagne Jamais une bonne action n’a attiré tant d’ennuis. A la demande de Wang, un vendeur d’eau roublard, Shen-Té, jeune prostitué, se voit héberger trois dieux en quête d’une bonne âme le temps d’une nuit. En contrepartie de ce service, les divins lui font don d’une belle somme d’argent pour que la femme sorte de la misère. Ici débute le calvaire… Les comédiens sont sur scène, papotent, contemplent le public s’installer : les codes du théâtre traditionnel sont d’entrée brisés. Avec une scénographie contemporaine à la manière d’Olivier Py, Jean Bellorini remet La Bonne Âme du Se-Tchouan au goût du jour. Sur un plateau fermé, deux murs fuyant à cour vers le fond de scène annoncent la déliquescence d’une jeune femme faussement sortie de l’enfer. Entre naturalisme et abstraction, l’onirisme est à son paroxysme, confortant le public dans un rêve. Jouant de long en large, de haut en bas, l’espace ne pourrait être plus habilement habité. Un piano, des percussions surplombant le mur face au public, tous les arts de la scène sont à la fête. Débutant sur des sonorités identiques au célèbre Sinnerman de Nina Simone, les instruments viennent accompagner, rythmer le jeu des comédiens dans une délicieuse harmonie. Dans La Bonne âme du Se-Tchouan, Shen-Té, c’est aussi Shui Ta : son faux cousin, une doublure de son être – Photos Thierry de Pagne Coupant et dessinant les espaces de jeu, les lumières se révèlent primordiales. Utilisant une chute pour se confesser, les comédiens entrent dans le cercle pour créer un aparté avec le spectateur. Dessinant les couloirs, indiquant l’unité de temps, le plateau se fait bleu sombre à la tombée de la nuit. Entre naturalisme et abstraction, l’onirisme est à son paroxysme, confortant le public dans un rêve. « Les propositions naissent des acteurs » Dans un entretien, Jean Bellorini confiait que « le travail de mise en scène naît d’abord d’une envie de fidélité et de collectivité. Les propositions naissent des acteurs ». Propos vérifiés lors de la représentation avec un jeu de clown au sens premier du terme. Animés d’une envie de partager et de divertir, une grande liberté de jeu se ressent chez les comédiens. >> Lire aussi: Jean Bellorini. Le théâtre battu en Brecht Délurés parfois, mais précis, les gestes sont justes, coordonnés, et surtout finis. Probablement nés de propositions spontanées de leur part, cette spontanéité n’est en rien perdue. La découverte du jeu semble se faire chaque soir. Recherchée, la personnalité des personnages est cernée. Sur un texte traduit de l’allemand par Camille de la Guillonnière, la prose épouse naturellement l’oreille du spectateur. Troublant. Comment une pièce à la thématique aussi sombre fait-elle autant rire le public ? Sachant faire la part des choses entre humour et dramatique, un paradoxe demeure. Comment une pièce à la thématique aussi sombre fait-elle autant rire le public ? Rondement menée, la mise en scène permet de mette en exergue le cynisme de l’Homme. Hypocrisie, avarice, intérêts particuliers, les personnages s’adonnent aux plus grands méfaits de l’âme sous l’œil amusé du spectateur. En bref, non déplus de suivre les péripéties de le jeune Shen-té, La Bonne âme du SeTchouan, mis en scène par Jean Bellorini, sait soulever les principaux thèmes abordés par Brecht, dans une légèreté bienvenue. Critique de la religion, du capitalisme et parfois même de la nature humaine, ces sujets universels sont remis dans un contexte contemporain, tant par la traduction respectueuse du texte original, que par la scénographie et mise en scène dynamiques et efficaces. Ça marche, on aime, on conseille vivement. Par Caroline LERDA La Bonne Âme du Se-Tchouan TNT Théâtre national de Toulouse (TOULOUSE) de Bertold Brecht Mise en scène de Jean Bellorini Avec Danielle Ajoret, Michalis Boliakis, François Deblock, Karyll Elgrichi, Claude Evrard, Jules Garreau, Camille de la Guillonnière, Jacques Hadjaje, Med Hondo, Blanche Leleu, Clara Mayer, Teddy Melis, Marie Perrin, Marc Plas, Geoffroy Rondeau, Hugo Sablic, Damien Zanoly, Jules Carrère (en alternance), Théo Lafont Trévisan (en alternance) Jean Bellorini, artiste invité du Théâtre National de Toulouse, présente cette année sa nouvelle mise en scène : La Bonne Âme du Se-Tchouan de Bertold Brecht, avec ses dix-huit comédiens-musicienschanteurs au plateau, vient naturellement se positionner à la suite des précédents travaux du metteur en scène autour des Misérables de Victor Hugo et des écrits de François Rabelais. Problématiques sociales et rêves utopiques : l'oeuvre brechtienne interroge l'homme et son monde. Dans une région reculée de Chine, le Se-Tchouan, Wang, un jeune marchand d'eau guette l'arrivée d'un dieu, un "éclairé". Ce dernier va de ville en ville, à la recherche d'une bonne âme. Lorsque l'éclairé arrive au Se-Tchouan, Wang lui propose immédiatement de lui trouver un endroit où dormir. Après plusieurs refus, il demande à la prostituée, Shen Té, qui accepte bien que cela lui fasse perdre des clients. Pour la remercier, l'éclairé lui donne de l'argent ; à elle d'en faire bon usage... La jeune femme met une croix sur sa vie passée et rachète un petit débit de tabac. Croyant être enfin sortie de la misère, elle se rend vite compte que la misère revient vers elle à grands pas. Le commerce ne marche pas et Shen Té se retrouve rapidement confrontée à la détresse de ses amis, de vieilles connaissances ou de chômeurs sortis de nulle part, tous en appel à la générosité de la jeune femme. Cette dernière ne sait opposer de refus aux demandes des uns et des autres, mais jusqu'où peut aller la bonté ? Shen Té, voyant tout s'effondrer autour d'elle, se travestit alors pour donner vie à quelqu'un d'autre : son cousin Shui Ta. À travers lui, elle impose d'autres règles bien éloignées de l'altruisme naturel de la jeune femme... Sur scène, les habitants du Sé-Tchouan sont confinés entre deux imposantes façades. Ils aspirent tous à une autre vie. Une vie meilleure où ils ne connaîtraient ni soif, ni famine, où ils pourraient dormir sous un vrai toit sans être exploités. Que d'utopie ! La pièce de Brecht dévoile les caractères humains dans un monde plein de misère gouverné par une logique capitaliste. L'homme pauvre peut-il être bon ? Et l'homme riche ? Plus il y a de pauvreté, plus il y a de violence ? Mais plus il y a de richesse, moins il y a de bonté ? Et l'amour dans tout cela, quelle est sa force ? Pendant près de trois heures, Shen Té, interprétée par Karyll Elgrichi, tente tant bien que mal de s'en sortir. Écrasée par toutes ces questions sous-jacentes, elle essaie de faire au mieux pour les uns, pour les autres, pour elle-même, pour celui qu'elle aime. Avec une musique live, remarquablement interprétée par le pianiste Michalis Boliakis accompagné de certains comédiens, s'ajoute un travail de chœur précis. Le public est transporté. Jean Bellorini propose ainsi une belle adaptation de l'œuvre brechtienne. Les chants, outre le fait de rompre le rythme de la pièce, sont des bouffées d'air face aux problématiques soulevées par l'œuvre et offrent, en même temps, des moments de distanciation rendant le propos que plus fort. Le public est parfois pris à parti, devenant alors témoin de ce qu'il se passe. D'autres fois, on lui cache volontairement les personnages pour ne laisser voir qu'une paire de jambes ou n'entendre que les voix. Lorsque l'entracte est annoncé, il y a un vrai suspens et l'on sait que toute cette histoire ne se terminera pas par un happy-end. On le pressent. Et cette vie misérable dans laquelle se débattent les personnages, Jean Bellorini et ses comédiens l'abordent avec autant de désespoir que d'humour et de légèreté. On aime le travail mené autour de la lumière, la première course du jeune Wang, par exemple, lorsqu'il part à la recherche d'un hôte pour le dieu : on l'imagine parcourir un bidonville à l'architecture chaotique sautant de toits en toits, se faufilant à travers les rues étroites, descendant ou montant des escaliers... De même, on est touché par la poésie qui se dégage notamment des scènes de pluie ou encore du rêve de Wang. Les comédiens, sans cesse sur le plateau, y compris durant l'entracte, sont à la fois musiciens, chanteurs et procèdent eux-mêmes aux déplacements de décor. Après trois heures de spectacle, le public applaudit généreusement la troupe qui vient d'interpréter l'histoire de La Bonne Âme du SeTchouan, une pièce qui questionne le monde et qui ne peut que faire écho à la conjoncture actuelle, sans pour autant arborer un ton moralisateur mais laissant plutôt à chacun la possibilité de s'interroger. Mis à jour le 14/10/2013 La bonne âme du Se-Tchouan Théâtre National de Toulouse Un séisme théâtral 12 Octobre 2013 « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible. » P our se faire ouvrir une brèche, dynamiter la mémoire, brûler la mèche… En v'là du boom ! Œil pour œil, dent pour dent, et surtout pas d’quartier lorsque la compagnie Air de Lune étrenne la saison du TNT au galop. Le groupuscule placé sous la direction de Jean Bellorini n’en est pas à son premier coup d’éclat sur la littérature européenne patrimoniale. Depuis Tempête sous un crâne (d’après Victor Hugo) et Paroles gelées (d’après Rabelais), l’art de raconter des histoires collectives et lyriques, de les conjuguer au présent, se confirme. Marque de fabrique et récidive : cette fois-ci avec La Bonne âme du Se-Tchouan, d’après Brecht bien sûr - une pièce didactique où dix-huit comédiens entrelacent subtilement poésie, philosophie et vocalises. L’écho de l’horloge humaine, son reflet dichotomique dans un (cl)air de lune... c’est l’heure de rallumer ensemble les étoiles. « Tout peut s’arranger s’il existe une bonne âme conforme à la dignité humaine » Dans la province chinoise du Se-Tchouan, parabole européanisée de tous lieux où l’homme est un loup pour l’homme, un dieu recherche inlassablement une âme pure. Wang le marchand d'eau lui présente Shen Té, une prostituée qui accepte de le loger gracieusement. Pour la remercier, la divinité lui donne un peu d'argent qu'elle investit dans un commerce de tabac. S’ensuit un défilé incessant de miséreux et profiteurs à qui, magnanime, elle ne parvient à refuser l'hospitalité, ni les factures qui lui sont tendues. Sa rencontre avec Yang Sun, l’aviateur sans emploi dont elle tombe éperdument amoureuse, ne va pas lui simplifier la tâche, la propulsant alors vers d’insurmontables contradictions (̏Être bonne et en vie à la fois, comme un éclair m’a déchirée”). Au bord de la faillite, elle a recours à un stratagème. Dès lors, cet ̏ange des faubourgs” oscille au gré des évènements, tantôt généreuse et dominée, tantôt capitaliste et dominante. Combien de temps ce double jeu, précaire, se maintiendra-t-il ? Avant de faire ses armes en tant que dramaturge et poète allemand, Bertolt Brecht fut mobilisé comme infirmier à la fin de la Première Guerre mondiale. Il y subit de plein fouet l’abomination des combats, gangrène traumatique qui influença son œuvre. L’arrivée au pouvoir des nazis, l’interdiction de ses pièces ainsi que son adhésion au marxisme le contraignirent à l’exil. C’est depuis la Californie qu’il écrivit La bonne âme du Se-Tchouan, pièce représentative du théâtre moderne et "épique". Rappelons-en rapidement les grandes lignes : une esthétique en rupture avec le théâtre dramatique traditionnel, destiné à captiver le spectateur via l’illusion, le saisissement et l’identification. L’émergence du style analytique pousse les acteurs à transmettre un propos didactique et populaire par la participation active et réfléchie du public. A l’heure où les libertés civiles sont de plus en plus menacées, cette pièce convoque une esthétique protéiforme (psychologie, engagement politique, brutalité, poésie, musique, etc.) où la place laissée à l’éthique dans un monde réglé par le profit demeure centrale. « Un homme de demain vous réclame un aujourd’hui » Jean Bellorini et sa compagnie déroulent un séisme théâtral, dont le concept est vécu comme une expérience insolente et une expression collective harmonieuse, toutes deux si chères à Brecht. Influencés par le principe de distanciation, les élèves surpassent le maître. Tandis que les costumes, empreints de modernité, se jouent du temps, la lumière quant à elle délimite les espaces. La scénographie tient du génie poétique, doux et cinglant, quand l’heure est venue d’agir dans la modulation : comédiens et mobilier sont incessamment en mouvement. Mention coup de cœur pour la pluie de confettis ̏qui vous rend toujours véritable et mélancolique”, ainsi que le ciel de guirlandes étoilées depuis l’abri de Wang. Le déroulement linéaire du spectacle est fragmenté par divers procédés de recul : commentaires narrés, apartés en direction du public, intermèdes chantés, scènes insolites et changements à vue. La contemporanéité ludique devient intense lorsque Mozart, Nina Simone, The Platters et autres compositions populaires saccadées, s’invitent au bal de ce puissant théâtre choral orchestré par un pianiste virtuose. Ces effets perturbateurs oxygènent le propos et incitent le spectateur à rompre le pacte tacite de croyance en ce qu’il voit. Certes, après l’entracte, le rythme s’essouffle un brin, conjointement aux limites de la gymnastique cérébrale du spectateur... Qu’à cela ne tienne, Karyll Elgrichi arrive à la rescousse et jette son dévolu schizophrénique sur les deux rôles principaux avec une fluidité déconcertante. Appétit du jeu, contradictions cyniques, réjouissances inventives ; qu’il est bon de s’abreuver à la source du langage corporel de ces dix-huit héritiers du gestus brechtien! Tantôt personnages en jeu, tantôt figurants en action, tantôt comédiens en attente ; pulsations, rebonds et contrastes se succèdent, s’affranchissent du texte jusqu’à ce que le spectateur soit contaminé par les rapports sociaux généraux. A l’issue de la représentation, la salve d’applaudissements d’un public éclectique ne feint pas. « Ce n’est pas un signe de bonne santé que d’être bien adapté à une société profondément malade »- quels types de remèdes seraient à prescrire pour enrayer le syndrome et inventer l’Humanité de demain ? En voilà un tout théâtral. || Marlène Pereira Mis en ligne le 11 octobre 2013 « Un homme désespéré doit pouvoir voler au-dessus de cette misère » Jean Bellorini et la compagnie Air de Lune sont de passage au Théâtre national de Toulouse, du 9 au 19 octobre, avec leur dernier spectacle La Bonne Âme du SeTchouan, pièce écrite entre 1938 et 1940 par le praticien et théoricien du théâtre épique, l'Allemand Bertolt Brecht (1898-1956). Cela se passe au temps où la misère sévissait quelque part sur cette terre. Voici qu'un dieu, descendu du ciel, vient constater s'il se trouve une seule âme bonne parmi ses créatures. Précédé du marchand d'eau Wang ils partent à la recherche d'un asile pour la nuit mais les portes des habitants du Se-Tchouan restent closes et Wang est au désespoir lorsqu'il songe à la jeune prostituée Shen-Té. Cette dernière, bien qu'elle ne sache encore où elle trouvera l'argent pour payer son loyer, reçoit « l'Éclairé » dans sa modeste demeure. Au petit matin, « L'Éclairé lui remet une liasse de $1000. Shen-Té abandonne le trottoir et ouvre une petite boutique de tabac. Mais au lieu de clients, ce sont les miséreux qui affluent....Je n'en dirai pas plus, par respect pour celles et ceux qui ne connaissent pas la pièce et qui aiment le suspens. Sinon que le texte, bien qu'écrit depuis plus de soixante-dix ans, s'inscrit naturellement dans le contexte qui est nôtre et ses thématiques : la religion, le capitalisme, la paupérisation, le travail. Mais sachez que la pièce dure 3h15 avec entracte et qu'on ne voit pas le temps passer. La multiplication des espaces de jeu, le travail vocal, la présence des musiciens et des songs, la scénographie, les lumières, les costumes, le jeu très engagé des comédiens font de ce travail une réussite joyeuse. Une réussite, c'est-àdire pour Bertolt Brecht un bon divertissement qui soit aussi une invitation à penser et débattre. Bravo à toute l'équipe et félicitations à Karyll Elgrichi qui montre sans disparaître derrière elle, Shen-Té. Charles Zindor