La croisade populaire

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La croisade populaire
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La croisade populaire
par Charlotte Grimaldi
Mise en ligne : vendredi 19 juin 2015
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Dossier Islam et monde arabo-musulman i L’Islam médiéval i Les croisades
Proche et Moyen-Orient, Histoire médiévale, Histoire des idées, Histoire militaire
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La croisade populaire
La croisade populaire
Pierre l’Ermite prêchant la première croisade,
manuscrit du XIIIe siècle, Bibliothèque de
l’Arsenal
Pierre l’Ermite est le principal prédicateur de la première croisade. En 1095, il se serait rendu en
pèlerinage à Jérusalem d’où il serait revenu avec une lettre de Dieu ordonnant aux chrétiens de
venir au secours de leurs coreligionnaires d’Orient. Il aurait alors rencontré le pape, avant le
concile de Clermont, et commencé à prêcher le pèlerinage aux Lieux saints. C’est un orateur
éloquent et entraînant qui réussit à rassembler dans leurs aspirations salvatrices les éléments
populaires de la première croisade. En 1096, Pierre l’Ermite part pour Constantinople à la tête
d’une troupe de près de 20 000 Lorrains et Allemands du sud. Lors du siège de Jérusalem en 1099,
il organise les processions autour de la ville et inspire les prières d’intercession des clercs et du
peuple. On le voit haranguant des croisés en leur montrant d’un geste de la main le but à
atteindre, la prise de Jérusalem. La ville prise, il revient en Occident avec des reliques.
"Pierre, déjà mentionné, vint le premier à Constantinople, le trois des calendes d’août et avec lui la
plus grande partie des Allemands. Il y trouva réunis des « longobards « et beaucoup d’autres.
L’empereur avait ordonné de les ravitailler autant que la ville le pourrait et il leur dit : « Ne
traversez pas le Bras avant l’arrivée du gros de l’armée chrétienne, car vous n’êtes pas assez
nombreux pour pouvoir combattre les Turcs. » Et les chrétiens se conduisaient bien mal, car ils
détruisaient et incendiaient les palais de la ville, enlevaient le plomb dont les églises étaient
couvertes et le vendaient aux Grecs, si bien que l’empereur irrité donna l’ordre de leur faire
traverser le Bras. Après qu’ils eurent passé, ils ne cessaient de commettre toute espèce de méfaits,
brûlant et dévastant les maisons et les églises. Enfin ils parvinrent à Nicomédie où les Longobards
et les Allemands se séparèrent des Francs, parce que les Francs étaient gonflés d’orgueil. Les
Longobards élurent pour les commander un seigneur nommé Rainald. Les Allemands firent de
même et ils entrèrent en Romanie et pendant quatre jours ils marchèrent au delà de Nicée et
trouvèrent un château appelé Exerogorgo, vide de toute garnison. Ils s’en emparèrent et y
trouvèrent des provisions de froment, de vin, de viande et toute sorte de biens en abondance. Les
Turcs, apprenant que les chrétiens occupaient ce château, vinrent l’assiéger. Devant la porte du
château était un puits et, au pied du château, une source d’eau vive, près de laquelle Rainald se
posta pour tendre une embuscade aux Turcs. Ceux-ci arrivèrent le jour de la fête de saint Michel,
trouvèrent Rainald ainsi que ses compagnons et en massacrèrent un grand nombre, tandis que les
autres se réfugiaient au château. Les Turcs l’assiégèrent aussitôt et le privèrent d’eau. Et les nôtres
souffrirent tellement de la soif qu’ils ouvraient les veines de leurs chevaux et de leurs ânes pour en
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boire le sang ; d’autres lançaient des ceintures et des chiffons dans les latrines et en exprimaient le
liquide dans leurs bouches ; quelques-uns urinaient dans la main d’un compagnon et buvaient
ensuite ; d’autres creusaient le sol humide, se couchaient et répandaient de la terre sur leur
poitrine, tant était grande l’ardeur de leur soif. Les évêques et les prêtres réconfortaient les nôtres
et les exhortaient à tenir ferme. Cette tribulation dura huit jours, puis le chef des Allemands
conclut un accord avec les Turcs pour leur livrer ses compagnons : feignant de sortir pour
combattre, il s’enfuit auprès d’eux et beaucoup le suivirent. Tous ceux qui refusèrent de renier le
Seigneur furent condamnés à mort ; d’autres pris vivants furent partagés comme des brebis ;
d’autres servirent de cible aux Turcs qui lançaient des flèches sur eux ; d’autres étaient vendus ou
donnés comme des animaux. Les uns conduisaient leur prise dans leur demeure, d’autres dans le
Khorassan, à Antioche, à Alep, partout où ils habitaient. Tels furent ceux qui reçurent les premiers
un heureux martyre au nom du Seigneur Jésus. Les Turcs, apprenant ensuite que Pierre l’Ermite et
Gautier sans Avoir se trouvaient à Civitot, située au delà de Nicée, s’y dirigèrent, pleins
d’allégresse, afin de les massacrer ainsi que leurs compagnons. Pendant leur marche ils se
heurtèrent à Gautier avec les siens, qu’ils eurent bientôt massacrés. Quant à Pierre l’Ermite, il
venait de retourner à Constantinople, incapable de discipliner cette troupe disparate, qui ne voulait
entendre ni lui ni ses paroles. Les Turcs, se précipitant sur eux, en tuèrent un grand nombre. Ils
trouvèrent les uns en train de dormir, les autres tout nus et les massacrèrent tous. Un prêtre qui
célébrait la messe reçut d’eux le martyre sur l’autel. Ceux qui purent s’échapper s’enfuirent à
Civitot.
Quelques-uns se précipitaient dans la mer, d’autres se cachaient dans les forêts et dans les
montagnes. Mais les Turcs les poursuivirent dans la place et entassèrent du bois pour les brûler
avec la ville. Mais les chrétiens qui occupaient la ville mirent le feu au tas de bois ; la flamme se
dirigea vers les Turcs et en brûla un certain nombre, tandis que Dieu préserva les nôtres de cet
incendie. À la fin les Turcs les prirent vivants, les partagèrent, comme ils avaient fait des premiers,
et les dispersèrent dans toutes les régions, les uns en Khorassan, les autres en Perse. Tous ces
événements eurent lieu au mois d’octobre. À la nouvelle que les Turcs avaient ainsi dispersé les
nôtres, l’empereur témoigna une grande joie et donna des ordres pour leur faire traverser le Bras.
Le passage terminé, il rassembla toutes leurs armes."
Traduction prise dans Anonyme, éd. et trad. par Louis Bréhier, Histoire anonyme de la première
croisade, Paris, Éditions « Les Belles Lettres « , 1964 (1924), pp. 7-13
Les Turcs massacrant les
pèlerins à Civitot en 1096 (XVe
siècle)
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