Dossier Le syndrome otiteconjonctivite en 2007 Robert Cohen Service de microbiologie, CHI de Créteil, 40 avenue de Verdun, 94010 Créteil Cedex Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. L’association otite-conjonctivite est très suggestive d’une infection à Hæmophilus influenzae (75 à 85 % des cas). Les enfants présentant ce syndrome sont rarement fébriles, l’otalgie est peu intense, et c’est l’examen systématique des tympans devant une conjonctivite purulente qui conduit au diagnostic. L’intérêt essentiel de ce syndrome est de guider l’antibiothérapie vers les molécules les plus actives contre Hi. Mots clés : conjonctivite purulente, otite moyenne aiguë, Hæmophilus influenzae L’ Tirés à part : R. Cohen 172 mt pédiatrie, vol. 10, n° 3, mai-juin 2007 conjonctivites purulentes et l’une des deux bactéries les plus importantes (avec Sp) dans l’étiologie bactérienne des otites, son importance relative dans ces deux infections est bien inférieure à son rôle dans le SOC : ce syndrome signe pratiquement une infection à Hi. Depuis, plusieurs études sont venues confirmer la place de Hi dans ce syndrome. Clinique du SOC L’ensemble de ces publications permettent de caractériser les aspects du SOC : il touche essentiellement des nourrissons âgés de 6 à 30 mois, fréquentant volontiers les crèches. Le syndrome s’installe généralement de façon insidieuse et débute par une rhinorrhée purulente et une toux, pouvant s’accompagner d’une fièvre modérée (< 38,5 °C), qui peut cependant être absente. La conjonctive, le plus souvent bilatérale, et l’otite apparaissent dans un second temps. La conjonctive purulente est généralement le principal motif de la consultation en raison de l’absence de symptomatologie douloureuse et de fièvre élevée. Cette atteinte oculaire doi: 10.1684/mtp.2007.0105 mtp association d’une otite moyenne aiguë (OMA) à une conjonctivite purulente, toutes deux dues à Hæmophilus influenzae (Hi) est décrite depuis 1966, dans une étude bactériologique publiée par Coffey où il retrouve 18 fois cette association sur 276 cas d’OMA [1]. Dès 1970, Howie [2] distingue parmi les otites le tableau clinique de l’otite fébrile et douloureuse qui évoque une infection à S. pneumoniae (Sp), et celui, moins sévère, qui suggère une infection à Hi. En 1981, chez 99 enfants présentant une conjonctivite aiguë, Gigliotti [3] note 19 fois l’association d’une otite chez 99 enfants présentant une conjonctivite et retrouve Hi dans le prélèvement oculaire dans 14 de ces cas. Le terme de « syndrome otiteconjonctivite » (SOC) est proposé en 1982 par Bodor, qui a isolé Hi 55 fois sur une série de 75 patients [4]. En 1988, Cohen et al. [5] caractérisent les aspects cliniques et bactériologiques du SOC sur 81 observations, et retrouvent la forte prépondérance de Hi, présent dans les sécrétions conjonctivales de 62 cas, contre deux pour Sp et 17 prélèvements négatifs. Les auteurs indiquent que si Hi est la bactérie la plus souvent responsable des Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. n’est cependant que la manifestation apparente du syndrome : le plus souvent, l’OMA associée est uniquement découverte par l’examen systématique des tympans, qui est donc essentiel au diagnostic. Il faut néanmoins noter que les signes évocateurs d’otites (otalgies, irritabilité, insomnie) peuvent parfois être au premier plan dans le SOC. L’examen attentif de l’angle interne des yeux révèle alors la conjonctivite, ou l’interrogatoire des parents apprend que l’enfant avait les yeux collés et des sécrétions oculaires purulentes le matin même au réveil, ou lors des jours précédents. tion de bêtalactamases ou à des modifications des PLP 3A/3B, observées respectivement chez 33,8 % (45,8 % des souches d’otites) et 18,9 % des souches (dans 2/3 des cas en l’absence de sécrétion de bêtalactamases) lors de l’étude du collectif 2001 du Centre National de Référence des H. influenzae [14]. Les céphalosporines de troisième génération gardent des CMI basses vis-à-vis de ces souches résistantes par modifications des PLP alors que les CMI de l’amoxicilline (sans ou avec l’acide clavulanique) augmentent sensiblement. Lors de la dernière étude réalisée en France sur le SOC, un taux élevé (53 %) de résistances de Hi par production de bêtalactamases avait aussi été mis en évidence [6]. Proportion d’otites s’accompagnant d’une conjonctivite Plusieurs études permettent de préciser cette proportion ; elle est importante : 16 % (intervalle de confiance à 95 % : 15 %-19 %) [6, 7]. Si on considère qu’environ 1/3 des otites sont liées à Hi et que cette espèce bactérienne est impliquée dans 80 % des SOC, on peut en déduire que plus d’un tiers des otites à H. influenzae peuvent être diagnostiquées grâce à cette association. Une large utilisation du vaccin pneumococcique conjugué va modifier la répartition des germes pathogènes dans les otites en accroissant relativement la part des infections à Hi [8, 9], ce qui suggère une possible augmentation des cas de SOC. Conclusion La présence d’une conjonctivite purulente chez un jeune enfant doit faire examiner systématiquement les tympans car une otite est fréquemment associée. L’association d’une conjonctivite et d’une otite oriente l’antibiothérapie vers une molécule active sur Hi. La résistance des souches de Hi par modification des PLP étant devenue un phénomène significatif en France, la prescription de cefpodoxime devrait être privilégiée. Références Bactériologie du syndrome otite-conjonctivite 1. Coffey JD. Otitis media in the practice of pediatrics. Bacteriological and clinical observations. Pediatrics 1966 ; 38(1) : 25-32. De nombreuses études ont étudié les bactéries isolées soit de prélèvements conjonctivaux, soit de pus auriculaire, soit des deux prélèvements à la fois [1-6, 10-12]. Dans toutes ces études, Hi est toujours la première bactérie isolée, représentant 60 à 90 % des cas. Chaque fois que Hi était isolé à la fois de l’oreille et de l’œil, les profils PFGE et les génotypages des souches ont montré un lien génétique entre les couples d’isolats chez un même patient [6, 10]. La flore rhinopharyngée des patients présentant un SOC a aussi été étudiée : 80 % des patients sont porteurs d’H. influenzae [13]. La quasi-totalité des souches de Hi retrouvées dans les différentes études étaient non typables. La deuxième bactérie isolée est S. pneumoniae (5 à 20 % des cas) [6]. Souvent ces pneumocoques sont isolés en même temps qu’un Hi et il s’agit fréquemment aussi de souches non typables. 2. Howie VM, Ploussard JH, Lester RL. Otitis media : a clinical and bacteriological correlation. Pediatrics 1970 ; 45 : 29-35. 3. Gigliotti F, Williams WT, Hayden FG, et al. Etiology of acute conjunctivitis in children. J Pediatr 1981 ; 98 : 531-8. 4. Bodor FF. Conjunctivitis-otitis syndrome. Pediatrics 1982 ; 69(6) : 695-8. 5. Cohen R, Danan C, Geslin P. Le syndrome otite-conjonctivite à propos de 81 observations. Médecine et Maladies Infectieuses 1988 ; 10 bis : 553-7. 6. Bingen E, Cohen R, Jourenkova N, Gehanno P. Epidemiologic study of conjunctivitis-otitis syndrome. Pediatr Infect Dis J 2005 ; 24 : 731-2. 7. Cohen R, Levy C, Boucherat M, et al. Enquête épidémiologique sur l’OMA en pratique pédiatrique de ville. Médecine Enfance 1996 ; 6 : 27-31. 8. Eskola J, Kilpi T, Palmu A, et al. Efficacy of A pneumococcal conjugate vaccine against acute otitis media. N Engl J Med 2001 ; 344(6) : 403-9. 9. Black S, Hedrick J, Harrison C, et al. Community-wide vaccination with the heptavalent pneumococcal conjugate significantly alters the microbiology of acute otitis media. Pediatr Infect Dis J 2004 ; 23 : 829-33. Résistance aux antibiotiques En France, la résistance de Hi aux bêtalactamines est en augmentation constante, qu’elle soit due à une produc- 10. Bodor FF, Marchant CD, Shurin PA, et al. Bacterial etiology of conjunctivitis- otitis media syndrome. Pediatrics 1985 ; 76 : 26-8. mt pédiatrie, vol. 10, n° 3, mai-juin 2007 173 Le syndrome otite-conjonctivite en 2007 13. Cohen R, Levy C, Hentgen V, et al. Relationship between clinical signs and symptoms and nasopharyngeal flora in acute otitis media. CMI 2006 ; 12 : 672-94. 12. Palmu AA, Herva E, Savolainen H, Karma P, Makela PH, Kilpi TM. Association of clinical signs and symptoms with bacterial findings in acute otitis media. Clin Infect Dis 2004 ; 38 : 234-42. 14. Dabernat H, Seguy M, Faucon G, Delmas C. Epidémiologie et évaluation de la sensibilité aux bêta-lactamines des souches d’Haemophilus influenzae isolées en 2001 France. Med Mal Infect 2004 ; 34 : 97-101. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 11. Cohen R, de la Rocque F, Bouhanna A, et al. Etude randomisée cefatrizine versus cefaclor dans le syndrome otite-conjontivite. Pathol Biol 1990 ; 38 : 517-20. 174 mt pédiatrie, vol. 10, n° 3, mai-juin 2007