DSM/SPhT-T05/240 - IPhT

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La formule de Feynman-Kac :
quelques applications à la mécanique quantique et à la physique statistique.
K. Mallick, SPhT, Saclay
Dans ce cours, nous définissons l’intégrale fonctionnelle en partant de l’étude du
mouvement Brownien. Cela nous permettra d’obtenir la formule de Feynman-Kac
et d’en déduire la formulation de la mécanique quantique en termes d’intégrales de
chemin. Nous appliquerons ce formalisme à l’oscillateur harmonique quantique et à
l’étude des transitions de phases en physique statistique.
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1
La marche au hasard sur un réseau et sa limite
continue, le mouvement Brownien
L’un des modèles fondamentaux de la mécanique statistique est le marcheur au
hasard (random walk) qui fournit une description microscopique des phénomènes de
diffusion. Dans sa version la plus simple, à une dimension, ce modèle considère un
marcheur (ou une particule) qui se déplace sur un réseau régulier, Za, en temps
discret ; le marcheur part de 0 à la date t = 0 et fait un pas de longueur a toutes
les τ secondes : il se dirige vers la droite avec probabilité p et vers la gauche avec
probabilité q = 1 − p. Quand p = q = 1/2, la marche est dite symétrique (voir figure
1) ; quand les probabilités de saut sont différentes, la marche est biaisée.
1/2
1/2
a
−4
−3
−2
−1
0
1
2
3
4
Fig. 1 – Marche au hasard symétrique à une dimension.
Au bout de N pas correspondant à t = Nτ secondes, la probabilité pour que le
marcheur soit à une distance égale à x = ℓa de l’origine est donnée par
N+ℓ N−ℓ
N
(1)
Pℓa,N τ = N +ℓ p 2 q 2 .
2
Remarquez que la quantité Pℓ,N est nulle si l et N ne sont pas de même parité. Il est
également nécessaire que |l| ≤ N ; en effet, le marcheur parcourt au plus une distance
égale à ±Na en N sauts. Dans le cas d’une marche symétrique, p = q = 21 , la formule
se simplifie comme suit :
t
(2)
Pℓa,N τ =
1 t
(
2 τ
τ
+ xa )
t
2τ
t
=
( 2τt
( τt )! 2− τ
x
+ 2a
)!( 2τt −
x
)!
2a
.
Dans la limite des grandes échelles de temps et d’espace, τt et xa >> 1, l’expression de
la probabilité P (x, t)dx pour que le marcheur se trouve dans l’intervalle [x, x + dx] à
l’instant t est donnée par
(3)
P (x, t)dx =
X
x2
1
dx
1
e− 4Dt dx ,
Pℓa,N τ ≃ Pℓa,N τ
≃√
2
a
4πDt
ℓ∈[E(x/a),E(x/a+dx/a)]
où le symbole E() désigne la partie entière, et le facteur 1/2 provient du fait que l et
N doivent être de même
√ parité. La dernière égalité est obtenue à l’aide de la formule
k k
de Stirling k! = ( e ) 2πk. Le coefficient de diffusion D, qui apparaît dans (3) est
défini comme suit :
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(4)
D=
a2
.
2τ
A partir de la loi de probabilité (3), on déduit que l’extension typique de la marche
aléatoire est de
√
x ∼ 4Dt .
On a ainsi retrouvé la formule classique de la distribution gaussienne du marcheur
au hasard dans la limite où le nombre de pas tend vers l’infini (ou, ce qui revient au
même, lorsque le pas a du réseau tend vers 0). Notez que la fonction P (x, t) représente
une densité de probabilité et que sa dimension
est l’inverse d’une longueur. Cette
R
densité est bien normalisée à 1, car on a R P (x, t)dx = 1.
Une manière simple de retrouver ce résultat est de prendre la limite continue de
l’équation maîtresse, qui régit l’évolution temporelle de la densité de probabilité Pℓ,N .
Cette équation maîtresse s’obtient en utilisant la propriété de la marche au hasard
d’être un processus stochastique markovien, c’est-à-dire que la position au temps
t + τ est déterminée uniquement par sa valeur à la date t. On a ainsi :
(5)
P ℓa, (N + 1)τ = pP (ℓ − 1)a, Nτ + qP (ℓ + 1)a, Nτ .
On peut vérifier directement que les probabilités binomiales données en (1) sont solutions de cette équation. Il est avantageux d’écrire la limite continue de l’équation (5)
avant de chercher à la résoudre. Considérons le cas symétrique (p = q = 1/2) : en
développant l’équation maîtresse (5) au premier ordre en τ et au deuxième ordre en
a, on obtient
(6)
τ
∂P
1 ∂2P
∂P
∂2P
≃ a2 2 =⇒
=D 2 ,
∂t
2 ∂x
∂t
∂x
où D est le coefficient de diffusion défini en (4). Cette équation aux dérivées partielles
est l’équation de la chaleur. Pour la résoudre, il faut spécifier une condition initiale :
ici, le marcheur est à l’origine x = 0 au temps t = 0. Sur le réseau discret, cette
condition initiale s’écrit Pl,0 = δl,0 où δ est ici la fonction de Kronecker, qui vaut 1 si
l = 0 et est nulle sinon. Lorsque l’on passe à la limite continue, cette condition doit
être écrite pour la densité de probabilité Px,0 : on obtient, en faisant tendre le pas a
du réseau vers 0 :
Px,0 = δℓ,0 /a → δ(x) ,
2
où δ() est la distribution de Dirac.
On vérifie directement que la solution de l’équation de la chaleur avec la condition
initiale requise est donnée par
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(7)
P (x, t) = √
x2
1
e− 4Dt .
4πDt
On retrouve bien le résultat (3) qui avait été obtenu grâce à la combinatoire et la
formule de Stirling. La fonction P (x, t) est appelée noyau de la chaleur.
La limite continue du marcheur au hasard, ainsi définie, est le mouvement Brownien.
Compléments :
(1) La marche asymétrique.
Reprendre le calcul ci-dessus dans le cas où p 6= q. Montrez qu’une limite continue,
obtenue en faisant tendre vers zéro le pas a du réseau, ne peut être définie que dans le
cas faiblement asymétrique : p = 1/2 + av et q = 1/2 − av, où v est un paramètre réel.
Montrez que l’équation aux dérivées partielles obtenue est l’équation de la chaleur
avec un terme de dérive 2v∂P /∂x, que l’on interprètera. Résolvez cette équation.
(2) Marcheur en dimensions supérieures.
Considérons un marcheur symétrique en dimension d sur le réseau régulier (Za)d .
→
Appelons e i a, i = 1, . . . , d, les vecteurs de base qui engendrent ce réseau. La position
→
→
P →
du marcheur est repérée par le vecteur ℓ a avec ℓ = i li e i , li ∈ Z.
L’équation maîtresse en dimension d s’écrit :
→
1 X →
→
→
P ( ℓ a + e i a, Nτ ) + P ( ℓ a − e i a, Nτ ) .
P ( ℓ a, (N + 1)τ ) =
2d i=1
d
→
En dimension d > 1, il est difficile de trouver la solution de cette équation par un
calcul combinatoire. En revanche, on peut la résoudre par transformation de Fourier,
ou en passant à la limite continue. Définissons la transformée de Fourier (TF) de la
probabilité par la formule suivante :
→
Pb( k , Nτ ) =
→
X
→
→ →
P ( ℓ a, Nτ )ei k .( ℓ a) .
ℓ ∈ réseau
→
La condition initiale (marcheur situé à l’origine à t = 0) se traduit par Pb( k , 0) = 1.
En transformée de Fourier, l’équation maîtresse s’écrit
!
d
X
→
1
cos ki a Pb(k, Nτ ) .
Pb( k , (N + 1)τ ) =
2d i=1
La TF permet donc de “diagonaliser” l’évolution temporelle de la probabilité. Compte
tenu de la condition initiale, on trouve
Σ cos k a N Σ cos k a t/τ
i
i
i
i
Pb(k, Nτ ) =
=
.
2d
2d
3
A la limite a → 0 et τ → 0, cette expression devient :
→2
Σki2 a2 τt
a2
.
Pb(k, Nτ ) ≃ 1 −
≃ e−Dt k
avec D =
2d
2dℓ
Cette expression peut être retrouvée à partir de la limite continue de l’équation maîtresse, donnée par
∂P
D
=
∆P ,
∂t
2d
où ∆P désigne le Laplacien de P et D = a2 /2dℓ, comme ci-dessus. La solution de
cette équation qui coïncide avec la distribution de Dirac δ(x) à t = 0, vaut
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(8)
→
2
P (X, t) =
→
X
1
− 4Dt
e
.
(4Dπt)d/2
Cette fonction est le noyau de la chaleur en dimension d. On notera que son intégrale
sur Rd est bien normalisée à 1.
(3) Marche aléatoire auto-évitante.
On a vu qu’une marche aléatoire a une extension typique R dont le comportement
1
d’échelle après N pas (N ≫ 1) est donné par : R ∼ N 2 . Supposons maintenant
que l’on ne s’intéresse qu’à des marches qui ne repassent pas deux fois par le même
point : cette contrainte d’auto-évitement modélise la répulsion électrostatique dans les
chaînes polymériques. Pour de telles marches auto-évitantes (cf. figure 2), on peut se
demander : quel est le comportement d’échelle de R quand N est grand ? En d’autres
termes, on cherche l’exposant ν tel que
R ∼ Nν .
Fig. 2 – Un exemple de marche auto-évitante.
La contrainte d’auto-évitement provoque un “gonflement” de la marche : on s’attend donc à ce que ν ≥ 21 . En dimension d = 1, on a ν = 1. Pour d = 2, on a ν = 34
(résultat exact, obtenu à l’aide des théories conformes). On sait aussi montrer que
ν = 21 pour d ≥ 4. En dimension 3 (le cas physiquement intéressant), ν n’est pas
connu exactement. En utilisant une théorie développée par de Gennes, et à l’aide de
calculs de groupe de renormalisation, on obtient que ν vaut environ 0,58.
Le formule suivante, due à Flory, fournit une excellente approximation de ν :
ν(d) =
3
pour d ≤ 4 .
d+2
4
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L’argument de Flory (pour plus de détails, voir le livre de de Gennes) consiste à
estimer l’énergie libre F = E − T S d’une chaîne polymérique, d’extension R, formée
de N monomères.
L’entropie S de la chaîne est identifiée à celle d’une marche au hasard : la probabilité pour qu’une chaîne libre ait une extension R est d’ordre exp(−R2 /a2 N) où a
2
est la taille d’un monomère ; l’entropie associée vaut donc S ∼ aR2 N .
Supposons maintenant que chaque contact entre deux monomères de la chaîne
coûte une énergie u due aux interactions répulsives. Nous allons évaluer l’énergie
répulsive totale en comptant le nombre moyen de contacts, comme suit. Sachant que
les N monomères occupent un volume d’ordre Rd , la densité locale (i.e., le nombre
de monomères par unité de volume) vaut n = RNd ; la probabilité moyenne d’avoir
deux monomères dans un même petit volume v est d’ordre n2 v 2 . Comme la chaîne
occupe un volume Rd , on évalue que le nombre moyen de contacts vaut environ n2 Rd v.
L’énergie de répulsion moyenne de la chaîne est alors approximativement donnée par
E ∼ n2 Rd v u .
On conclut en disant que de manière typique on doit avoir T S ∼ E, i.e.,
T
2
R2
N
∼ Rd ( d )2 vu
2
aN
R
→
3
R ∼ N d+2 .
La mesure de Wiener
Nous avons vu que les processus de diffusion satisfont l’équation de la chaleur, dont
la solution fondamentale en dimension d, avec condition initiale W (~x, t0 ) = δ(~x −~x0 ),
est donnée par
(9)
W (x, t|x0 , t0 ) =
1
(4πD(t − t0 ))d/2
(~
x−~
x )2
0)
0
− 4D(t−t
e
pour
t ≥ t0 .
Cette formule est obtenue à partir des équations (3) et (8) en translatant l’origine spatiale de x0 et l’origine temporelle de t0 . Pour alléger l’écriture, nous ne considérerons
que le cas de la dimension d = 1.
2.1
L’équation de Chapman-Kolmogorov
La fonction W (x, t|x0 , t0 ) vérifie une relation fondamentale dite propriété de semigroupe ou équation de Chapman-Kolmogorov : pour tout temps t1 entre t0 et t, i.e.,
tel que t0 ≤ t1 ≤ t, on a
Z
W (x, t|x0 , t0 ) =
W (x, t|x1 , t1 )W (x1 , t1 |x0 , t0 ) dx1 .
(10)
R
Cette formule peut se démontrer :
• par un calcul explicite d’intégrale gaussienne ;
• par une interprétation probabiliste qui utilise le caractère markovien de la marche
au hasard : la distribution de probabilité à la date t est obtenue en intégrant sur tous
les états intermédiaires à la date t1 (cf. le principe de superposition en mécanique
quantique ou le principe de Huygens-Fresnel en optique) ;
5
• par un raisonnement d’analyse : sachant que la solution ϕ(x, t) de l’équation de la
chaleur avec condition initiale ϕ0 (x) est donnée par
Z
ϕ(x, t) = W (x, t|x0 , t0 )ϕ0 (x0 )dx0 ,
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R
on obtient, à la date t1 , que ϕ(x1 , t1 ) = W (x1 , t1 |x0 , t0 )ϕ0 (x0 )dx0 .
On peut aussi calculer ϕ(x, t) en considérant que la condition initiale à la date t1 vaut
ϕ(x1 , t1 ) ; on obtient alors
Z
Z
ϕ(x, t) = W (x, t|x1 , t1 )ϕ1 (x1 , t1 )dx1 = W (x, t|x1 , t1 )W (x1 , t1 |x0 , t0 )ϕ0 (x0 )dx0 dx1
En comparant les deux expressions ci-dessus pour ϕ(x, t) et en utilisant le fait que
ϕ0 (x0 ) est une fonction-test quelconque, l’équation de Chapman-Kolmogorov est démontrée.
La formule (10) se généralise, par itération, en introduisant N temps intermédiaires t0 ≤ t1 ≤ t2 ≤ . . . ≤ tN −1 ≤ tN ≤ t :
W (x, t|x0 , t0 ) =
Z
N
Y
W (x, t|xN , tN )W (xN , tN |xN −1 , tN −1 ) . . . W (x2 , t2 |x1 , t1 )W (x1 , t1 |x0 , t0 )
dxi .
RN
2.2
i=1
Probabilités d’évènements élémentaires
Nous avons vu que la quantité W (x1 , t1 |x0 , t0 )dx1 représente la probabilité de
trouver le marcheur Brownien entre x1 et x1 + dx1 à l’instant t1 ≥ t0 , sachant que le
marcheur est parti de x0 à t0 . R
B
Par conséquent, l’intégrale A11 W (x1 , t1 |x0 , t0 )dx1 représente la probabilité de
trouver le mouvement Brownien dans l’intervalle [A1 , B1 ] à la date t1 sachant qu’il
était en x0 à t0 . Cette probabilité, que l’on note µt1 ,A1 ,B1 , est illustrée graphiquement
par la figure 3 : le mouvement Brownien est contraint à passer par la “porte” [A1 , B1 ]
à la date t1 .
On peut aussi étudier la position du mouvement Brownien en deux temps distincts
t1 et t2 , avec t2 ≥ t1 ≥ t0 , et calculer la probabilité W2 (x2 , t2 ; x1 , t1 |x0 , t0 ) de trouver
le marcheur Brownien entre x2 et x2 + dx2 à l’instant t2 et entre x1 et x1 + dx1 à
l’instant t1 sachant qu’il est parti de x0 à t0 . On a
W2 (x2 , t2 ; x1 , t1 |x0 , t0 ) = Proba(x2 , t2 |x1 , t1 et x0 , t0 ) Proba(x1 , t1 |x0 , t0 )
= W (x2 , t2 |x1 , t1 )W (x1 , t1 |x0 , t0 )
(x −x )2
(x −x )2
1
1
− 2 1
− 1 0
e 4D(t2 −t1 ) p
e 4D(t1 −t0 )
(11)
= p
4πD(t2 − t1 )
4πD(t1 − t0 )
La deuxième égalité est obtenue en utilisant le caractère markovien du mouvement
Brownien. A l’aide de la formule (11) on peut calculer la probabilité µt1 ,A1 ,B1 ;t2 ,A2 ,B2
pour que le mouvement Brownien passe par la porte [A1 , B1 ] à t1 et par la porte
6
B
1
x0
A1
t0
t1
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Fig. 3 – Mouvement Brownien passant par la porte [A1 , B1 ] à la date t1 .
[A2 , B2 ] à t2 (cf. figure 4) :
µt1 ,A1 ,B1 ;t2 ,A2 ,B2 = Proba( x2 ∈ [A2 , B2 ] à t2 ; x1 ∈ [A1 , B1 ] à t1 |x0 , t0 )
Z B2 Z B1
W2 (x2 , t2 ; x1 , t1 |x0 , t0 ) dx2 dx1
=
(12)
=
Z
A2
B2
A2
Z
A1
B1
A1
2
Y
i=1
2
p
P
(xi −xi−1 )
dxi
− 2
e i=1 4D(ti −ti−1 ) .
4πD(ti − ti−1 )
B1
x0
A1
t0
B2
t2
t1
A2
Fig. 4 – Mouvement Brownien passant par deux portes [A1 , B1 ] et [A2 , B2 ] aux dates
t1 et t2 .
Cette formule se généralise aisément au cas à N portes entre lesquelles le mouve-
7
ment Brownien est contraint à passer aux instants tN ≥ . . . ≥ t1 ≥ t0 :
µt1 ,A1 ,B1 ;t2 ,A2 ,B2 ;...;tN ,AN ,BN = Proba(xN ∈ [AN , BN ] à tN ; . . . ; x1 ∈ [A1 , B1 ] à t1 |x0 , t0 )
Z BN
Z B1 Y
N
P
(xi −xi−1 )2
dxi
− N
p
(13)
e i=1 4D(ti −ti−1 ) .
=
...
4πD(ti − ti−1 )
AN
A1 i=1
Un tel mouvement Brownien, contraint à passer par N portes, est schématisé en
figure 5.
Bi
B1
BN
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A
x
i
0
A
A
1
t0
t1
t 2 B2
ti
N
tN
A
2
Fig. 5 – Mouvement Brownien passant par N portes.
2.3
La mesure de Wiener
Soit F l’ensemble des fonctions x : t 7→ x(t) continues de l’intervalle [t0 , +∞[ vers
R et vérifiant x(t0 ) = x0 . Étant donnés N réels t1 . . . , tN qui vérifient t0 ≤ t1 . . . ≤ tN ,
on définit les ensembles de fonctions suivants :
(14)
It1 ,A1 ,B1 ;t2 ,A2 ,B2 ;...;tN ,AN ,BN = {x ∈ F x(ti ) ∈]Ai , Bi [ pour i = 1, . . . , N} .
Ces sous-ensembles de F sont appelés quasi-intervalles (ou ensembles cylindriques).
Suivant Wiener, on assigne à présent une mesure µW à chaque sous-ensemble cylindrique, en posant
(15)
µW It1 ,A1 ,B1 ;t2 ,A2 ,B2 ;...;tN ,AN ,BN = µt1 ,A1 ,B1 ;t2 ,A2 ,B2 ;...;tN ,AN ,BN ,
où la quantité µt1 ,A1 ,B1 ;t2 ,A2 ,B2 ;...;tN ,AN ,BN est donné par la formule (13).
Les quasi-intervalles engendrent une σ-algèbre S, définie comme le plus petit sousensemble de F contenant les quasi-intervalles, stable par intersection dénombrable et
par complémentarité. Kolmogorov (et Doob) ont montré un théorème général qui
permet de construire, de manière unique, à partir de µW (définie initialement sur
les ensembles cylindriques) une mesure sur la σ-algèbre S. Or, pouvoir mesurer des
8
ensembles, cela signifie tautologiquement savoir intégrer leur fonction caractéristique.
Ainsi, la donnée d’une mesure sur F définit un calcul intégral sur l’espace de dimension infinie F (cf. par exemple le livre de Billingsley). Il est alors possible, grâce à la
mesure de Wiener, d’intégrer des fonctions à valeurs réelles dont les arguments appartiennent à F . En d’autres termes, la mesure de Wiener permet d’intégrer des fonctions
de fonctions (le terme consacré est fonctionnelles) “par rapport à des fonctions”.
Parmi les propriétés élémentaires de la mesure de Wiener, on pourra montrer
que :
(i) L’ensemble des fonctions dérivables est de mesure nulle.
(ii) L’ensemble des fonctions Hölder-1/4, i.e., les fonctions x(t) telles qu’il existe une
constante C pour laquelle |x(t1 ) − x(t2 )| ≤ C|t1 − t2 |1/4 est de mesure 1. (Cette
propriété est vraie pour les fonctions Hölder-α avec α < 12 ).
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2.4
Exemples d’intégrales fonctionnelles
Dans cette partie, nous allons montrer comment faire du calcul intégral en dimension infinie, en intégrant explicitement au sens de Wiener quelques fonctionnelles
bien choisies. Dans la suite de la discussion, nous prendrons, sauf mention explicite,
x0 = t0 = 0. L’ensemble F est alors un espace vectoriel de dimension infinie.
Considérons une fonctionnelle mesurable, c’est-à-dire une application
F →R
,
(16)
Φ :
x 7→ Φ[x]
dont l’intégrale par rapport à la mesure µW est finie. L’intégrale au sens de Wiener
de la fonctionnelle Φ sera notée dans la suite des diverses manières suivantes :
Z
Z
(17)
hΦi = hΦiW =
ΦdµW =
Φ[x]dµW [x] .
F
F
Nous allons maintenant étudier quelques exemples.
1) Fonctionnelles à un point :
Soit t > 0. Considérons la fonctionnelle d’évaluation en t, définie comme suit :
F →R
.
(18)
et = evalt :
x 7→ x(t)
R
L’intégrale et dµW de cette fonctionnelle vaut, par définition,
X
a × mesure de l’ensemble des fonctions x ∈ F telles que x(t) ∈ [a, a + da]
a
=
X
a
Z e−a2 /4Dt
a µW It,a,a+da = a √
da = 0 .
4πDt
Ce résultat sera noté sous la forme abrégée suivante :
(19)
hx(t)i = 0 .
9
On peut également définir la fonctionnelle
F →R
2
(20)
et :
.
x 7→ x2 (t)
L’intégration de cette fonctionnelle conduit à :
Z
2
(21)
het i = e2t dµW = 2Dt ,
et l’on notera
(22)
hx2 (t)i = 2Dt .
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Plus généralement, si f est une fonction quelconque de R vers R on peut définir
F →R
(23)
f ◦ et :
.
x 7→ f (x(t))
L’intégrale de la fonctionnelle f ◦ et vaut :
Z +∞
2
e−u /4Dt
(24)
hf (x(t))i =
f (u) √
du
4πDt
−∞
2) Fonctionnelles à deux points :
Fixons t, t′ strictement positifs avec t < t′ . On dispose de et et de et′ . Considérons la
fonctionnelle suivante, qui dépend des deux réels t et t′ :
F →R
.
(25)
et ⊗ et′ :
x 7→ x(t)x(t′ )
L’intégrale de Wiener de cette fonctionnelle vaut :
Z
dxdx′
′
p
√
(26)
hx(t)x(t )i =
4πDt 4πD(t′ − t)
x2
(x′ −x)2
− 4D(t′ −t)
e− 4Dt e
xx′ .
En écrivant xx′ = x(x′ − x) + x2 , cette intégrale double s’évalue explicitement et on
trouve hx(t)x(t′ )i = 2Dt . Si t et t′ sont dans un ordre quelconque on obtient :
(27)
hx(t)x(t′ )i = 2D min(t, t′ ) .
Plus généralement, à partir d’une fonction à 2 variables f2 : R2 → R, on peut définir
la fonctionnelle à deux points :
F →R
.
(28)
f2 ◦ (et ⊗ et′ ) :
x 7→ f2 (x(t), x(t′ ))
La formule pour l’intégrale fonctionnelle correspondante est laissée en exercice.
iii) Fonctionnelles à N points :
En s’inspirant des exemples ci-dessus, on peut, étant donnée une fonction à N variables fN , définir une fonctionnelle fN à N points par
F →R
(29)
fN :
.
x 7→ fN (x(t1 ), · · · , x(tN ))
10
Vérifier que l’intégration de cette fonctionnelle conduit à :
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(30)
hfN i =
Z Y
N
i=1
p
dxi
(x −xi−1 )2
i −ti−1 )
i
−Σ 4D(t
4πD(ti − ti−1 )
e
fN (x1 , · · · , xN ) .
iv) Fonctionnelles dépendant d’un nombre infini de points :
On peut obtenir des fonctionnelles plus compliquées à partir du passage à la limite
N → ∞ de fonctionnelles à N points. L’exemple typique est la fonctionnelle ΦI
définie comme suit
F →R
Rt
(31)
ΦI
.
x 7→ 0 x(u)du
2t
) + · · · x(t) /N qui
Cette fonctionnelle est obtenue comme la limite de x( Nt ) + x( N
est une somme de fonctionnelles à 1 point.
Étant donnée une fonction numérique V : R → R, on peut définir les deux fonctionnelles suivantes, qui joueront un rôle important dans la suite :
F →R
Rt
,
(32)
φV :
x 7→ 0 V (x(u))du
et
−φV
(33)
e
:
F →R R
t
x 7→ e− 0 V (x(u))du
.
Plus généralement, considérons une fonctionnelle Φ qui dépend de toutes les valeurs que prend la fonction x entre 0 et t. Supposons que l’on puisse pour tout N
approximer Φ par une fonctionnelle à N points ΦN , avec ΦN → Φ quand N → ∞.
L’intégrale de Φ est calculée en prenant la limite des intégrales des ΦN :
(34)
Z
F
ΦdµW = lim
N →+∞
Z Y
N
i=1
dxi
−
p
e
4πD(ti − ti−1 )
(xi −xi−1 )2
i=1 4D(ti −ti−1 )
PN
ΦN (x1 , · · · , xN ) .
Cette formule nous permet de définir la notation utilisée par les physiciens pour écrire
2t
les intégrales fonctionnelles. Choisissons t1 = Nt , t2 = N
etc... et posons ∆t = Nt . Le
terme dans l’exponentielle devient alors
N
(35)
∆t X (xi − xi−1 )2
−
4D i=1
∆t2
1
−
4D
Z
t
ẋ2 (τ )dτ .
0
La formule (34) d’intégration fonctionnelle sera notée sous la forme
(36)
hΦi =
Z
x(0)=0
1
Dx(τ )e− 4D
Rt
0
ẋ2 (τ )dτ
C’est cette écriture que nous utiliserons désormais.
11
Φ[x(τ )] .
3
La formule de Feynman-Kac
Nous allons travailler sur un ensemble de fonctions plus restreint que F et considérer les fonctions continues x d’un intervalle [t0 , t] vers R, qui vérifient x(t0 ) = x0
et x(t) = x ; c’est-à-dire que l’on conditionne aussi bien sur le point de départ et que
sur le point d’arrivée. On peut, comme précédemment, définir une mesure de Wiener
sur cet ensemble de fonctions et calculer des intégrales fonctionnelles. Par exemple,
l’intégrale de chemin suivante
Z
R
− t ẋ2 (τ )dτ
(37)
G0 (x, t; x0 , t0 ) =
Dx(τ )e t0
,
DSM/SPhT-T05/240 http://www-spht.cea.fr/articles/T05/240/
x(t0 )=x0
x(t)=x
est définie par le passage à la limite :
(38)
Z
Z
R
dx1 · · · dxN
− tt ẋ2 (τ )dτ
p
= lim
Dx(τ )e 0
Q
N
+1
x(t0 )=x0
N →∞
4πD(ti − ti−1 )
i=1
x(t)=x
−
e
N+1
P (xi −xi−1 )2
4D(ti −ti−1 )
i=1
,
avec t0 < t1 < t2 < · · · < tN < t, et par convention xN +1 = x et tN +1 = t.
Cette intégrale se calcule aisément, par application directe de l’équation de ChapmanKolmogorov au membre de droite de l’équation (38), et l’on obtient :
(39)
G0 (x, t; x0 , t0 ) = p
(x−x0 )2
1
−
e 4D(t−t0 ) .
4πD(t − t0 )
La fonction G0 (x, t) est égale au noyau de la chaleur en dimension 1, i.e., elle vérifie
∂ 2 G0
∂G0
=D 2 2
∂t
∂ x
(40)
avec
G0 (x, t = t0 ) = δ(x − x0 ) .
En d’autres termes, la formule (37) constitue une représentation de la solution fondamentale de l’équation de la chaleur sous forme d’une intégrale de chemin.
Cette propriété est beaucoup plus générale : on peut représenter sous forme d’une
intégrale de chemin la solution fondamentale de toute une classe d’équations de diffusion. Ainsi, la solution GV (x, t; x0 , t0 ) (notée également GV (x, t|x0 , t0 )) de l’équation
aux dérivées partielles suivante, qui représente une diffusion en présence d’un potentiel
d’interaction V ,
(41)
∂GV
∂ 2 GV
= D 2 2 − V (x) GV
∂t
∂ x
avec
GV (x, t = t0 ) = δ(x − x0 ) ,
est donnée par
(42)
GV (x, t; x0 , t0 ) =
Z
1
− 4D
x(t0 )=x0
x(t)=x
Dx(τ )e
Rt
t0
ẋ2 (τ )dτ
e−
Rt
0
V (x(τ ))dτ
.
C’est la formule de Feynman-Kac. L’intégrale fonctionnelle du membre de droite,
bien définie, fournit un nombre réel qui dépend des paramètres de conditionnement
au départ et à l’arrivée.
12
Remarque : La solution fondamentale (ou fonction de Green, ou noyau, ou propagateur, ou paramétrix) d’une équation linéaire permet, par convolution, de la résoudre
avec une condition initiale quelconque ϕ0 (x0 ) à t = t0 ; en effet
Z
ϕ(x, t) = GV (x, t|x0 , t0 )ϕ0 (x0 )dx0
est solution de l’EDP (41) avec ϕ(x, t = t0 ) = ϕ0 (x0 ).
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3.1
Représentation diagrammatique
Nous allons esquisser la preuve de la formule de Feynman-Kac et décrire sa représentation graphique en termes de diagrammes de Feynman. Nous ne donnerons
pas les détails de la démonstration. Sachez néanmoins que toutes les questions de
convergences, d’échanges entre séries/intégrales etc... ont été justifiées rigoureusement par Marc Kac et sont, en fait, élémentaires (cf. le livre de Kac). Pour simplifier
les notations, nous prendrons t0 = 0.
Rt
L’intégrale fonctionnelle (42) est la moyenne de la fonctionnelle exp(− 0 V (x(τ )dτ )
par rapport à la mesure de Wiener, i.e., l’équation (42) peut s’écrire de la manière
suivante :
GV (x, t; x0 , 0) = he−
(43)
Rt
0
V (x(τ ))dτ
i.
On commence par développer l’exponentielle :
(44)
−
e
Rt
0
V (x(τ ))dτ
=
Z
∞
X
(−1)k k=0
k!
t
dτ V (x(τ ))
0
k
,
et l’on remarque
Z
Z τN
Z τ2
k Z t
1 t
(45)
dτ V (x(τ )) =
dτN
dτN −1 · · ·
dτ1 V (x(τ1 )) · · · V (x(τN )) .
k! 0
0
0
0
On calcule ensuite le propagateur GV , en présence du potentiel d’interaction VR , à
partir de la formule (43), ordre par ordre en k (on échange l’ordre des signes et
P
). On obtiendra donc une série de la forme
(46)
GV (x, t|x0 , 0) =
∞
X
(−1)k Gk (x, t|x0 , 0) .
k=0
A l’ordre 0, on trouve en utilisant (37)
Z
(47)
G0 (x, t|x0 , 0) =
x(0)=x0
x(t)=x
Dx(τ )e−
Rt
0
ẋ2 (τ )dτ
,
i.e., le terme d’ordre 0 est donné par (39), le noyau de la chaleur, qui correspond au
propagateur en l’absence d’interaction (la notation G0 était donc bien choisie).
13
A l’ordre 1, on obtient
G1 (x, t|x0 , 0) = h
(48)
=
Z
Z
t
V (x(τ1 ))dτ1 i =
0
t
dτ1
0
Z
+∞
Z
t
dτ1
0
Z
−∞
(x−x )2
1)
1
− 4D(t−τ
+∞
dx1 p
e
−
4πD(t − τ1 )
e
V (x1 ) √
(x1 −x0 )2
4Dτ1
4πDτ1
dx1 G0 (x, t|x1 , τ1 )V (x1 )G0 (x1 , τ1 |x0 , 0) .
−∞
De même, à l’ordre 2, on a
(49)
G2 (x, t|x0 , 0) =
DZ
t
dτ2
0
Z
t
dτ2
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0
Z
0
τ2
dτ1
Z
+∞ Z
−∞
+∞
−∞
Z
τ2
0
E
dτ1 V (x(τ1 ))V (x(τ2 )) =
dx2 dx1 G0 (x, t|x2 , τ2 )V (x2 )G0 (x2 , τ2 |x1 , τ1 )V (x1 )G0 (x1 , τ1 |x0 , 0) .
Au fur et à mesure que l’ordre croît, les intégrales deviennent de plus en plus
compliquées à écrire.
Feynman a inventé une représentation graphique de ce type de formules, fort utile
pour les calculs : ce sont les diagrammes de Feynman. Le propagateur libre G0 ,
en l’absence de potentiel, est représenté par une flèche qui relie le point x0 , position
à t = 0, à x position à la date t (cf. figure 6). Le premier terme de la série des
perturbations, G1 , est dessiné en figure 7, qui code toute l’information nécessaire pour
écrire la formule (48) : les deux segments de droite correspondent au propagateur libre
G0 , tandis que la ligne ondulée schématise le potentiel V , qui “agit” au point x1 et à
la date t1 . De même, la figure 8 représente G2 , le deuxième ordre du développement
de la fonction de Green GV . Les variables intermédiaires x1 , x2 , τ1 et τ2 (avec τ1 ≤ τ2 )
auxquelles apparaît le potentiel V dans l’équation (49) sont des variables muettes sur
lesquelles on doit intégrer. La figure 9 illustre, de manière simplifiée, le sixième ordre
G6 de la série des perturbations.
x
t
G0
x
0
0
Fig. 6 – Représentation graphique du propagateur G0 en l’absence d’interaction.
Il est alors aisé, à partir des formules pour les ordres 0, 1 et 2, et surtout à partir
des diagrammes correspondants, de comprendre la structure du terme général, d’ordre
k qui est donnée par :
Gk (x, t|x0 , 0) =
(50)
Z
t
dτN
0
Z
0
τN
dτN −1
Z
τN−1
dτN −2 ...
0
Z
0
τ2
dτ1
Z
+∞
−∞
...
Z
N
+∞ Y
−∞
dxi
i=1
G0 (x, t|xN , τN )V (xN )G0 (xN , τN |xN −1 τN −1 )V (xN −1 )...V (x1 )G0 (x1 τ1 |x0 , 0) .
14
V
x1
x0
0
x
t
1
Fig. 7 – Représentation graphique de l’équation (48) pour le terme G1 , qui apparaît
au premier ordre dans le développement en série (46).
V
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V
G0
G0
G0
x0
x2
x1
0
x
t
Fig. 8 – Représentation graphique de l’équation (49) pour le terme du deuxième
ordre G2 .
La série des perturbations complète est représentée par les diagrammes de Feynman de la figure 10.
L’observation fondamentale, à partir de la formule (50), est qu’il existe une récurrence entre Gk et Gk−1 , pour k ≥ 1
Z t
Z +∞
Gk (x, t|x0 , 0) =
dτN
dxN G0 (x, t|xN , τN )V (xN )Gk−1(xN , τN |x0 , 0) ,
0
−∞
que l’on récrira, en changeant les variables muettes, comme suit :
Z t Z +∞
(51)
Gk (x, t|x0 , 0) =
dτ
dξ G0 (x, t|ξ, τ )V (ξ)Gk−1(ξ, τ |x0 , 0) .
0
−∞
x0
x
0
t
Fig. 9 – Diagramme de Feynman pour le sixième terme G6 dans la série des perturbations (46).
15
Fig. 10 – Représentation de la série complète des perturbations (46) par des diagrammes de Feynman. Le propagateur avec potentiel d’interaction, GV , est schématisé par une ligne double. La figure inférieure est équivalente à la figure supérieure :
les propagateurs dans la figure du bas sont simplement “redressés” et dessinés horizontalement pour des raisons esthétiques.
Grâce à cette remarque, il est possible de “resommer” la série (46). En effet, en
séparant le terme d’ordre 0, et en substituant la récurrence (51) pour Gk , on obtient
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GV (x, t|x0 , 0) = G0 (x, t|x0 , 0) +
∞
X
(−1)k Gk (x, t|x0 , 0)
k=1
t
= G0 (x, t|x0 , 0) +
Z
dτ
0
Z
+∞
dξG0 (x, t|ξ, τ )V (ξ)
−∞
∞
X
(−1)k Gk−1(ξ, τ |x0 , 0) .
−
(−1)k Gk =−GV (ξ,τ |x0 ,0)
|k=1
∞
P
k=0
{z
On a donc montré que GV vérifiait l’équation suivante
Z t Z +∞
(52) GV (x, t|x0 , 0) = G0 (x, t|x0 , 0) −
dτ
dξ G0 (x, t|ξ, τ )V (ξ)GV (ξ, τ |x0 , 0) .
0
−∞
Cette équation est équivalente à l’équation initiale (41) car elle en est la formulation
intégrale (on le montre ci-dessous). Cela termine la preuve de la formule de FeynmanKac.
Remarques :
(i) L’équation (52) apparaît clairement du point de vue diagrammatique : voir
figure 11.
+
=
GV =GO - GO V GV
=
GV
+ …
GO
GO V GV
Fig. 11 – Preuve diagrammatique de l’équation (52).
(ii) Montrons que l’équation intégrale (52) est équivalente à l’équation (41). En
effet, on a
∂2
∂
− D 2 )GV =
∂t
∂x
Z t Z +∞
Z t Z +∞
∂2
∂
∂ 2 G0
∂
dτ
dξG0(x, t|ξ, τ )V GV +
dτ
V GV .
dξD
( − D 2 )G0 −
∂t
∂x
∂t 0
∂x2
−∞
0
−∞
(
16
}
Or, en utilisant le fait que
Z
Z t
∂ t
∂
dτ G0 (x, t|ξ, τ ) = G0 (x, t|ξ, t) +
dτ G0 (x, t|ξ, τ ) ,
∂t 0
∂t
0
on obtient
Z
t
dτ
0
Z
+∞
−∞
(∂t − D∂x2 )GV
D∂x2 )G0
dξ (∂t −
{z
|
0
}
=
VG +
Z
+∞
−∞
dξ G0 (x, t|ξ, t) V (ξ)GV (ξ, t|x0 , 0) = V (x)GV .
{z
}
|
δ(x−ξ)
La condition initiale GV → δ(x−x0 ) quand t → 0 est assurée par le terme G0 (x, t|x0 , 0)
dans l’équation (52).
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4
L’intégrale de chemin de Feynman
Richard Feynman a élaboré une formulation nouvelle de la mécanique quantique,
fondée sur l’intégrale fonctionnelle. Cette description originale fait suite à la mécanique des matrices de Heisenberg (1925) et à la mécanique ondulatoire de Schrödinger
(1926), dont Dirac avait établi l’équivalence en 1927. Feynman montre qu’une amplitude de transition quantique peut se représenter comme interférence de chemins
classiques, chaque chemin étant pondéré par une phase égale à son action en unités
de ~. Feynman a obtenu ce résultat, en s’inspirant des travaux de Dirac, mais sans
connaître l’intégrale fonctionnelle de Wiener. La quantification en termes d’intégrale
de chemin et la représentation graphique par les diagrammes de Feynman sont devenues le langage standard de la théorie des champs (électrodynamique quantique,
chromodynamique, modèle standard des interactions électro-faibles).
Nous allons d’abord montrer (en contournant le développement historique) que
la formulation de Feynman s’obtient aisément à partir des résultats de la section
précédente. Puis, nous donnerons de ce résultat une autre présentation qui reproduit
la démarche originelle de Feynman.
4.1
Équation de Schrödinger et formule de Feynman-Kac
Nous avons vu que l’équation
(53)
∂G
∂2G
= D 2 − V (x)G ,
∂t
∂x
se résoud par intégration fonctionnelle. Grâce à la transformation formelle
(54)
G≡K
D≡i
~
2m
et V ≡
−V
,
i~
cette équation devient l’équation de Schrödinger
(55)
~2 ∂ 2 K
∂K
=
−
+ V (x)K ,
i~
∂t
2m ∂x2
17
dont la solution par la formule de Feynman-Kac (42) est donnée par
Z
Rt m 2
i
(56)
K(x, t|x0 , 0) =
Dx(τ )e ~ 0 { 2 ẋ (τ )−V (x(τ ))}dτ
x(0)=x0
x(t)=x
avec la condition initiale K(x, 0) = δ(x − x0 ).
L’interprétation physique de K(x, t|x0 , 0) est la suivante. Quand on veut résoudre
l’équation de Schrödinger avec une condition initiale quelconque
(57)
i~
~2
∂ψ
=−
∆ψ + V (x)ψ
∂t
2m
avec
ψ(x, t = 0) = ψ0 (x) ,
la solution est obtenue en convoluant la condition initiale par K :
Z +∞
(58)
ψ(x, t) =
K(x, t|x0 , 0)ψ0 (x0 )dx0 .
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−∞
La transformation par évolution temporelle qui relie la condition initiale à la fonction
d’onde à la date t, ψ0 → ψt , est un opérateur linéaire de noyau K. Pour clarifier le
sens physique de ce noyau, nous allons utiliser le formalisme des “bra-kets” de Dirac :
une fonction d’onde ψ(x) est un vecteur (ou ket) de l’espace de Hilbert des états
L2 (R) que l’on note |ψi. L’évaluation en un point x d’une fonction ψ de L2 est une
forme linéaire (ou bra), notée hx|. On a donc ψt (x) = hx|ψt i.
~2
∆+V est un opérateur auto-adjoint sur L2 . Ainsi, l’équaL’Hamiltonien H = − 2m
tion de Schrödinger
(59)
i~∂t |ψt i = H|ψi ,
se résoud formellement comme
(60)
|ψt i =
iHt
e|−{z~ }
opérateur unitaire d’évolution U (t)
|ψ0 i .
Si on évalue cette équation en x en la multipliant par le bra hx| , on obtient
Z +∞
iHt
− iHt
~
ψ(x, t) = hx|ψt i = hx|e
|ψ0 i =
dx0 hx|e− ~ |x0 ihx0 |ψ0 i
−∞
Z +∞
iHt
(61)
=
dx0 hx|e− ~ |x0 iψ0 (x0 ) ,
−∞
où, dans l’avant-dernière égalité, on a introduit la résolution de l’identité suivante
Z +∞
(62)
1=
dx0 |x0 ihx0 | .
−∞
En identifiant les équations (58) et (61), on en déduit l’identité suivante :
(63)
K(x, t|x0 , 0) = hx|e−
iHt
~
|x0 i .
Le noyau K, que Feynman a exprimé en termes d’une intégrale de chemin, représente
donc l’amplitude de transition quantique d’un état localisé en x0 vers un état localisé
en x.
18
A l’intérieur de l’intégrale fonctionnelle (56), on reconnait le Lagrangien de la
mécanique classique
1
L = mẋ2 − V (x) ,
2
(64)
et l’action correspondante vaut :
(65)
S=
Z
t
L(x(τ ))dτ .
0
Le résultat de Feynman s’écrit donc :
DSM/SPhT-T05/240 http://www-spht.cea.fr/articles/T05/240/
(66)
− ~i Ht
hx|e
|x0 i =
Z
Dx(τ )e
x(0)=x0
x(t)=x
iS[x(τ )]
~
Ce résultat constitue une manière révolutionnaire de définir la Mécanique Quantique :
à partir du Lagrangien d’un système classique, la formule (66) fournit, en effet, une
prescription pour quantifier ce système. La formule (66) qui relie mécanique ondulatoire (ou quantique) et mécanique classique est analogue au principe de HuygensFresnel, qui relie optique ondulatoire et optique géométrique. A la limite ~ → 0, les
contributions dominantes à l’intégrale fonctionnelle dans l’équation (66), sont celles
pour lesquelles la phase est stationnaire : la particule suit les chemins pour lesquelles
la variation de l’action est nulle, i.e., δS[x(τ )] = 0. Ces trajectoires, solutions des
équations d’Euler-Lagrange, sont bien les trajectoires classiques.
Dans son livre avec A. Hibbs, Richard Feynman adopte cette formulation de la
mécanique quantique en termes d’intégrale de chemins (qu’il appelle “sum over histories”) et la présente de façon élémentaire.
4.2
La preuve de Feynman :
Nous allons donner ici une preuve de l’équation fondamentale (66) indépendante
de ce qui précède, et qui reproduit le raisonnement physique originel de Feynman.
Pour évaluer l’amplitude de transition
K(x, t|x0 , 0) = ψt (x) = hx|e−iHt/~|x0 i ,
Feynman découpe l’intervalle [0, t] en N parties égales, avec N ≫ 1
(67)
t0 = 0, t1 = ∆t =
t
, t2 = 2∆t, · · · , tN = t ,
N
et écrit la formule exacte
(68)
i
i
t
i
t
i
t
e− ~ Ht = e− ~ H N e− ~ H N · · · e− ~ H N .
Il insère ensuite les résolutions de l’identité suivantes
Z
(69)
1 = dxi |xi ihxi |
pour i = 1, · · · N − 1 ,
19
et en déduit que (en posant x = xN ) :
i
(70) hxN |e− ~ Ht |x0 i
Z
t
i
t
i
t
i
= dxN −1 dxN −2 · · · dx1 hxN |e− ~ H N |xN −1 ihxN −1 |e− ~ H N |xN −2 i · · · hx1 |e− ~ H N |x0 i .
Considérons l’un des termes intermédiaires qui apparaît dans cette formule :
i
t
i t
i t
hxj+1 |e− ~ H N |xj i ≃ hxj+1 |1 − H |xj i = δ(xj+1 − xj ) −
hxj+1 |H|xj i .
~ N
~N
L’élément de matrice hxj+1 |H|xj i vaut
(71)
DSM/SPhT-T05/240 http://www-spht.cea.fr/articles/T05/240/
(72)
hxj+1 |H|xj i = hxj+1 |
p̂2
|xj i + hxj+1 |Vb |xj i .
2m
Le dernier terme se calcule aisément :
Z
xj + xj+1
xj+1 + xj
dp ip (xj+1 −xj )
b
(73) hxj+1|V |xj i = V (
.
)δ(xj+1 − xj ) = V (
)
e~
2
2
2π~
En revanche, pour calculer le premier terme dans (72) on a besoin d’utiliser une base
complète de vecteurs propres |pi de l’opérateur p̂, définie par
(74)
hx|pi = √
i
1
e ~ p.x .
2π~
Ainsi, en insérant une résolution de l’identité selon la base des |pi, on obtient
Z
Z
p̂2
p2
p̂2
|xj i = dphxj+1 |
|pihp|xj i = dp
hxj+1|pihp|xj i ,
(75)
hxj+1|
{z
}
2m
2m
2m |
i
1
e ~ phxj+1 −xj i
2π~
où l’on a utilisé le fait que |pi est valeur propre de l’opérateur p̂2 /2m. En substituant
les équations (73) et (75) dans (72) puis le résultat obtenu dans (71), on trouve
Z
xj+1 + xj
it p2
it
dp ip (xj+1 −xj )
− ~i H Nt
hxj+1 |e
e~
V(
)−
1−
|xj i =
2π~
N~
2
N~ 2m
ff

Z
xj+1 +xj
p2
it
dp ip (xj+1 −xj ) − N~ 2m +V ( 2 )
(76)
.
e~
e
≃
2π~
L’intégrale sur p est gaussienne, on l’effectue et l’on obtient
i
(77)
m
t
hxj+1 |e− ~ H N |xj i = q
=
r
i
2π~i Nt
2
m (xj+1 −xj )
t
−N
V
t/N
e~ ( 2
(
xj+1 +xj
2
))
m i ∆t{ m ( xj+1 −xj )2 −V ( xj+1 +xj )
2
∆t
2
e~
}.
ih∆t
On réinsère cette expression dans la formule globale (70) pour conclure :
− ~i Ht
hxN |e
|x0 i =
→
Z
m N/2
2πi~∆t
Z NY
−1
i
x(0)=x0
x(t)=x
Dx(τ )e ~
dxk e
i
∆t
~
N−1
P
j=0
k=1
Rt 1
{ mẋ2 (τ )−V (x)}dτ
0 2
20
x
+x
m xj+1 −xj 2
(
) −V ( j+12 j
2
∆t
quand N → ∞ .
)
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Commentaires mathématiques.
(i) Diffusion réelle versus équation de Schrödinger.
L’existence et la construction de la mesure de Wiener sont des résultats mathématiques classiques, établis depuis les années 20. La formule de Feynman-Kac pour
résoudre l’équation (41) aux dérivées partielles à coefficients réels est un résultat
totalement rigoureux car toutes les questions de convergence peuvent être justifiée
entièrement (cf Kac, 1959). La décroissance rapide du poids en exp(−x2 ) joue un rôle
crucial pour résoudre ces problèmes.
En revanche, pour l’intégrale de Feynman, qui correspond à une diffusion en temps
imaginaire pur, il faut considérer l’équivalent d’une “mesure à valeur complexe” qui
donnerait un sens mathématique à l’intégrale oscillante qui apparaît dans la formule (66). La question du statut rigoureux de l’intégrale de Feynman présente de
grandes difficultés mathématiques et continue à être un sujet de recherche actuel (cf.
notamment les travaux de P. Cartier et de Cécile de Witt-Morette). L’équation (66)
est toutefois d’une importance fondamentale en physique et les résultats qu’elle permet d’établir se sont toujours avérés exacts.
(ii) Utilisation de la Formule de Trotter.
La Formule de Trotter permet de court-circuiter dans la preuve de Feynman le développement de l’exponentielle, cf. l’équation (71), suivi de la ré-exponentiation, cf.
l’équation (76). La formule de Trotter affirme que pour deux opérateurs bornés A et
B d’un espace de Banach, on a
A B N
e(A+B) = lim e N e N
.
N →∞
On peut se convaincre de cette formule en utilisant la relation de Campbell-Hausdorff
au premier ordre :
B
A
B
1 A B
A
, ]
N N
e N + N ≃ e N e N |e 2 [{z
} .
1+O(1/N 2 )
Pout simplifier la preuve de Feynman, on sépare dans l’hamiltonien l’opérateur d’énergie cinétique du potentiel :
H = K̂ + V̂
K̂ = p̂2 /2m et [K̂, V̂ ] 6= 0 .
avec
On utilise, pour N ≫ 1, la formule de Trotter pour évaluer les éléments de matrice
i
t
du type hxj+1 |e− ~ H N |xj i. L’équation (71) se récrit donc :
(78)
i
t
i
t
i
t
it
it
hxj+1 |e− ~ H N |xj i ≃ hxj+1 |e− ~ K̂ N e− ~ V̂ N |xj i = e− N~ V (xj ) hxj+1 |e− N~ K̂ |xj i .
Ce dernier élément de matrice est calculé comme précédemment en insérant une
résolution de l’identité selon la base des |pi
Z
Z
2
it
it p
it
K̂
− N~
K̂
− N~
|xj i =
dphxj+1|e
|pihp|xj i = dpe− N~ 2m hxj+1|pihp|xj i
hxj+1 |e
Z
r
2
i m (xj+1 −xj )
m
dp − it p2 ip (xj+1 −xj )
~ 2
t/N
(79)
.
=
e
e N~ 2m e ~
=
2π~
2π~i Nt
On a donc retrouvé l’équation (77) d’une manière plus synthétique.
21
4.3
L’oscillateur harmonique par l’intégrale de chemin
Nous allons illustrer les concepts précédents en étudiant l’oscillateur harmonique
quantique à l’aide du formalisme de l’intégrale de chemin. Nous cherchons donc la
fonction de Green G(x, t) de l’équation de Schrödinger décrivant une particule soumise
à un potentiel quadratique, V (x) = 21 mω 2 x2 . Cette fonction de Green vérifie
(80)
i~
~2 ∂ 2 G mω 2 2
∂G
=−
+
xG
∂t
2m ∂x2
2
avec
G(x, t = 0) = δ(x) .
La solution de cette équation par l’intégrale de Feynman est donnée par :
Z
Rt 1
i
2 1
2 2
G(x, t) =
Dx(τ )e ~ 0 ( 2 mẋ − 2 mω x )dτ
x(0)=0
x(t)=x
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(81)
N
m
)2
= lim (
N →+∞ 2π~∆t
Z
dx1 · · · dxN −1 e
i∆t
~
N−1
P
j=0
m xj+1 −xj 2 mω 2 2
(
) − 2 xj
2
∆t
,
avec x0 = 0 et xN = x. Nous allons maintenant trouver la valeur exacte de cette
intégrale fonctionnelle gaussienne :
i) on commence par calculer la solution classique x0 (t), qui minimise le Lagrangien,
et qui vérifie :
d2 x0
= −ω 2 x0
dτ 2
(82)
avec x0 (0) = 0 et x0 (t) = x .
Cette solution classique est donnée par
(83)
x0 (τ ) = x
sin ωτ
sin ωt
avec
0 ≤ τ ≤ t,
et son action vaut :
(84)
S[x0 ] =
Z
t
0
cos ωt
1
.
L(x0 (τ ))dτ = mωx2
2
sin ωt
ii) On soustrait la solution classique dans l’intégrale fonctionnelle en faisant un
changement de variable par translation. On pose donc
(85)
x(t) = x0 (t) + y(t)
avec
y(0) = 0, y(t) = 0 ,
et l’on obtient
(86) S[x] = S[x0 + y] = S[x0 ] + S[y] +
Z
t
0
(mẋ0 ẏ − mω 2 x0 y) = S[x0 ] + S[y]
(une intégration par parties montre que l’intégrale résiduelle est nulle). Le Jacobien
du changement de variable par translation vaut 1 et on a
Z
i
i
S[x
]
0
(87)
G(x, t) = e ~
Dy(τ )e ~ S[y] .
y(0)=0
y(t)=0
(iii) Lemme fondamental :
22
Soit A une matrice symétrique réelle définie positive de taille N. Considérons
l’intégrale gaussienne
Z
Z +∞
P
N
−t u
~ A~
u
(88)
I = d ~u e
=
du1 · · · duN e i,j Aij ui uj .
−∞
La valeur de I est donnée par
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(89)
π N/2
I=√
.
det A
Preuve : A est diagonalisable dans une base orthonormée : il existe une matrice de
passage O orthogonale telle que :


λ1


..
(90)
O−1 AO = t OAO = ∆ avec ∆ = 
.
.
λN
Dans l’équation (88), on fait le changement de variable linéaire et isométrique ~v = O−1 ~u.
Le Jacobien vaut 1 car | det O| = 1, et l’on obtient
Z
N r
Y
π
π N/2
N
−t ~
v ∆~
v
.
(91)
d ~v e
=
=√
λ
det
A
i
i=1
iv) Pour conclure notre calcul, on commence par discrétiser l’intégrale fonctionnelle (87) :
(92)
N−1
Z
i P 1 m
m N2 Z
(y
−yj )2 − 21 mω 2 yj2 ∆t
i
~
2 ∆t j+1
S[y]
j=0
~
Dy(τ )e
= lim
dy1 · · · dyN −1 e
y(0)=0
N →∞ 2iπ~∆t
y(t)=0
avec y0 = 0 et yN = 0. La matrice AN −1 , de taille (N −1), qui correspond à l’intégrale
gaussienne du membre de droite de cette l’équation est donnée par


2 −1
0
−1 2 −1







1
−1 2 −1


m 

 mω 2  . .
−1 2 −1
(93) AN −1 = +
∆t 

+
. .
 2i~
2i~∆t 
.. .. ..


.
.
.
1




−1 2 −1
0
−1 2
La formule suivante est démontrée en appendice
m N −1 sin Nϕ
où
(94)
det AN −1 =
2i~∆t
sin ϕ
cos ϕ = 1 −
(ω∆t)2
.
2
Considérons maintenant la limite N → ∞ (i.e., ∆t = Nt → 0). On obtient ϕ ≈ ω∆t =
ω Nt et par conséquent
m N 2i~ sin ωt
.
(95)
det AN −1 ≃
2i~∆t
m ω
23
On en déduit que
(96) G(x, t) = e
i
S[x0 ]
~
lim
N →∞
m N2 π (N −1)/2
p
=
2iπ~∆t
det AN −1
r
i 1
mω
2
e ~ 2 mωx cotanωt
2iπ~ sin ωt
On a donc obtenu une formule pour la fonction de Green de l’oscillateur harmonique
à partir de l’intégrale de Feynman.
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Exercice : Reprendre les calculs ci-dessus pour la fonction de Green plus générale, qui
satisfait la condition initiale G(x, t = 0|y, 0) = δ(x − y) et montrer que
n
o
r
imω
2 +y 2 ) cos ωt−2xy
(x
mω
(97)
G(x, t|y, 0) =
e 2~ sin ωt
.
2iπ~ sin ωt
Complément : lien avec l’équation de Schrödinger.
Nous indiquons brièvement comment la formule précédente s’interprète dans un
traitement standard de l’équation de Schrödinger. Les niveaux d’énergie de l’oscillateur harmonique valent En = ~ω(n + 12 ) et les états propres correspondants sont
donnés par
r
mω − mωx2
mω 1
n
4
) Hn (x
)e 2~ ,
(98)
φn (x) = 2 n!(
π~
~
où les Hn (u) sont les polynômes d’Hermite
Hn (u) = (−1)n eu
(99)
2
dn −u2
e
,
dun
avec H0 = 1 H1 = 2u H2 = 2u2 − 2 etc... Ces polynômes sont engendrés par la
fonction génératrice
2 +2ut
e−t
(100)
=
∞
X
Hn (u)
0
tn
.
n!
La solution G(x, t|x0 , 0) de l’équation de Schrödinger qui satisfait G(x, t = 0|x0 , 0) =
δ(x − x0 ) vaut donc
X
(101)
G(x, t|x0 , 0) =
e−iEn t/~cn φn (x) ,
n
et les cn sont déterminés par la condition initiale
X
(102)
δ(x − x0 ) =
cn φn (x) .
n
On multiplie cette équation par φ∗m (x) et on intègre par rapport à x
(103)
Z
φ∗m (x)δ(x − x0 )dx =
X
n
24
m,n
Z z δ}|
{
cn φ∗m (x)φn (x) dx ,
pour obtenir
φ∗m (x0 ) = cm .
(104)
On en déduit
(105)
G(x, t|x0 , 0) =
X
1
e−i(n+ 2 )ωt φ∗n (x0 )φn (x) .
n
Cette formule fournit donc une représentation de la fonction de Green équivalente à
l’équation (97). En particulier, si l’on pose x0 = x et que l’on intègre par rapport à
x, on retrouve une identité élémentaire :
r
Z +∞
Z +∞
X
imω
mω
2
−i(n+ 12 )ωt
=
G(x, t|x, 0)dx =
e ~ sin ωt x (cos ωt−1) dx
e
2iπ~ sin ωt −∞
−∞
n
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=
5
5.1
1
.
2i sin(ωt/2)
Application à la mécanique statistique d’équilibre
Un paradigme : le modèle d’Ising
Considérons un réseau périodique R d’extension L dans un espace à d dimensions,
par exemple l’ensemble des points de Zd /(LZd ) à coordonnées entières modulo L. Ce
réseau a pour volume Ld . En chaque point i du réseau, on définit une variable binaire
Si = ±1. Une configuration C du système correspond à la donnée de la valeur de
d
Si pour tout i ∈ R : le nombre total de configurations vaut donc 2L . Les variables
binaires Si modélisent des spins (i.e., des aimants élémentaires) localisés en chaque
point du réseau. Pour toute configuration C, on définit son aimantation par
X
(106)
m(C) =
Si
i∈R
Étant donnés deux paramètres réels J et H, on définit l’énergie d’Ising de la
configuration C par la formule suivante
X
X
(107)
E(C) = −J
Si Sj − H
Si .
hi,ji
i
Le symbole hi, ji indique que la somme est restreinte à des sites i et j proches voisins
sur le réseau. Le premier terme dans l’énergie peut se récrire −Si Sj = 21 (Si − Sj )2 − 1
c’est donc un terme de couplage entre spins proches voisins qui rend possible des
effets collectifs. Quand la constante de couplage J est positive, l’énergie est d’autant plus basse que le nombre de spins alignés (i.e., de même signe) est grand. On
parle alors de modèle d’Ising ferromagnétique (quand J < 0, le modèle est dit antiferromagnétique). Le second terme dans l’énergie décrit l’effet d’un champ magnétique
externe H qui tend à aligner les spins parallèlement à sa direction (i.e., d’un point de
25
_
_
_
+
+
_
+
+
+
_
+
+
_
_
+
+
_
+
_
+
+
S i = +1
i
_
_
+
+
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Fig. 12 – Modèle d’Ising à deux dimensions.
vue énergétique, H > 0 favorise Si = +1 tandis que H < 0 favorise Si = −1). Si l’on
appelle satisfait un lien du réseau tel que les spins de part et d’autre de ce lien sont
de même signe (le lien est dit insatisfait en cas contraire), l’énergie d’Ising à champ
extérieur nul, H = 0, est donnée par la formule combinatoire
(108)
E(C) = J Nombre de liens insatisfaits - Nombre de liens satisfaits .
Cette énergie est minimisée en augmentant le nombre de liens satisfaits.
A toute configuration C, d’énergie E(C), on associe, par la loi de Gibbs-Boltzmann,
une probabilité d’équilibre à température T
(109)
P (C) =
1 −βE(C)
e
Z
avec β =
1
.
kT
La fonction de partition du système est donnée par
X
(110)
Z=
e−βE(C) .
C
A la limite thermodynamique, L → ∞, la fonction de partition permet de calculer
toutes les caractéristiques thermodynamiques du système : en effet, Z est reliée à
l’énergie libre par la formule
(111)
avec
F (T, H) = −kT log Z
F = U − TS .
Connaissant l’énergie libre F , on retrouve l’ensemble des fonctions thermodynamiques
à l’aide des formules classiques. En partant de
dF = dU − d(T S) = δW + δQ − T dS − SdT ,
on obtient l’énergie moyenne U et l’entropie moyenne S du système :
∂F ∂F (112)
U =F +T
et S = −
.
∂T H
∂T H
L’aimantation thermodynamique M du système est donnée par
∂F .
(113)
M=
∂H T
26
L’aimantation thermodynamique est la moyenne des aimantations individuelles de
chaque configuration (106) pondérées par le poids de Boltzmann (109). La susceptibilité magnétique χ(T, H) est définie par
(114)
5.2
χ(T, H) =
∂M ∂H
T
.
Transitions de phases
En dimension d supérieure ou égale à 2, le modèle d’Ising admet une transition
de phase à la limite thermodynamique L → +∞ : en effet, il existe une température
critique Tc en deça de laquelle le système présente une aimantation résiduelle non
nulle à champ extérieur H nul. En d’autres termes, pour T < Tc , on a
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(115)
(116)
M →
M0
M → −M0
quand
quand
H → 0+ ,
H → 0− .
La courbe M(H) pour différentes valeurs de T est dessinée schématiquement en figure 13.
Fig. 13 – Courbes d’aimantation en fonction du champ magnétique appliqué pour
différentes valeurs de la température. Pour T < Tc , l’aimantation est discontinue à
champ nul. Pour T > Tc , l’aimantation est continue et sa pente à l’origine est, pour
des températures nettement supérieures à Tc , inversement proportionnelle à T − Tc :
c’est la loi de Curie.
Ce comportement discontinu de l’aimantation en fonction du champ appliqué est
analogue à celui des matériaux ferromagnétiques tels le fer, le cobalt ou le nickel.
Ainsi, à une température inférieure à 1310◦C, un barreau de fer peut présenter une
aimantation permanente : il est ferromagnétique. En revanche, au dessus de 1310◦ C,
le fer est paramagnétique : il s’aimante en présence d’un champ externe, mais ne
présente aucune aimantation résiduelle lorsque l’on débranche le champ appliqué.
27
Dans la figure 14, nous représentons l’aimantation à champ nul M0 en fonction
de la température. Pour T > Tc , on a M0 = 0. En revanche pour T < Tc , M0 est non
nul et croît quand la température décroît. Au voisinage de la température critique
Tc , M0 s’annule et présente un comportement en loi de puissance, d’exposant β :
(117)
M0 (T ) ∝
T − T β
c
.
Tc
De même, au voisinage de la température critique, la susceptibilité magnétique
en champ nul, définie en (114), diverge comme une loi de puissance, d’exposant −γ :
T − T −γ
c
χ(T, 0) ∝
.
Tc
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(118)
On peut aussi s’intéresser à la courbe de l’aimantation en fonction du champ
appliqué H, à la température critique. Le comportement de M au voisinage de H = 0
est singulier et est également donné par une loi de puissance, d’exposant 1/δ (cf.
figure 15) :
1/δ
M ≃ H .
(119)
M (T)
0
Η=0
Aimantation
en champ nul
(
T − Tc
TC
TC
T
)
β
Fig. 14 – L’aimantation à champ nul en fonction de la température. la courbe présente
un caractère singulier au voisinage de la température critique Tc .
Plus généralement, une transition de phase se manifeste par une rupture d’analyticité de l’énergie libre F en certains points du plan (T, H). Par exemple, l’énergie
libre en fonction de T présente aussi un comportement singulier au voisinage de Tc ,
caractérisé par un exposant α :
T − T 2−α
c
.
(120)
F ∝
Tc
Le lieu de ces singularités permet de définir le diagramme de phase de la transition
paramagnétique-ferromagnétique dans le plan (T, H). Ce diagramme est dessiné en
figure 16. On notera l’analogie avec le diagramme de phase, bien connu, de la transition liquide-vapeur autour du point critique C (figure 17). Ces deux transitions sont
dites du second ordre (ou continues) car la chaleur latente L est nulle à T = Tc . En
28
M
Τ = Τc
H
1/ δ
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singularite
H
Fig. 15 – Courbe de l’aimantation en fonction du champ externe à la température
critique Tc .
particulier, au voisinage du point critique, on peut passer d’une phase à une autre
sans avoir besoin nécessairement de traverser une ligne critique.
Une transition de phase du second ordre est caractérisée par des exposants critiques α, β, γ, δ, · · · tels ceux définis par les équations (117 à 120). Ces exposants
satisfont des relations simples, comme par exemple α + 2β + γ = 2, et seul un nombre
fini d’entre eux sont indépendants (2 typiquement).
Ces exposants permettent de regrouper les phénomènes critiques en classes d’universalité. En effet, pour un phénomène donné, comme la transition de phase paramagnétique-ferromagnétique, les exposants critiques ne dépendent pas de la substance
étudiée (Fe, CO, Ni, YFeO3 , Cr02 ...), même si les structures cristallines sous-jacentes
sont très différentes. En outre, des transitions de phases correspondant à des phénomènes apparemment très différents (transition paramagnétique-ferromagnétique,
transition liquide-vapeur au voisinage du point critique, transition ordre-désordre
dans des alliages, transition de miscibilité-immiscibilité dans des liquides...) peuvent
appartenir à la même classe d’universalité, ce qui traduit une structure physique
commune : cette propriété remarquable d’universalité résulte du fait que la physique
à grande échelle d’un système est indépendante des détails microscopiques et n’est
fonction que des propriétés intrinsèques de symétrie et de dimensionnalité du phénomène considéré. En particulier, les exposants critiques dépendent essentiellement
de la dimension spatiale à laquelle se produit la transition étudiée et du nombre de
composantes du paramètre d’ordre, qui est la grandeur physique qui révèle l’existence
de la transition (pour le modèle d’Ising, le paramètre d’ordre est l’aimantation).
L’étude des transitions de phase peut passer par la résolution exacte de modèles
précis, à l’aide de méthodes algébriques et combinatoires. Ainsi, en 1944, Lars Onsager
a calculé explicitement la fonction de partition du modèle d’Ising à deux dimensions.
Cela lui permit de déterminer les exposants critiques de la classe d’universalité correpondante : α = 0, β = 81 et δ = 15 . La valeur γ = 74 fut obtenue un peu plus tard
par Yang.
29
?
?
?
?
?
?
?
?
??????
??
H
O
point critique
Tc
T
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Fig. 16 – Diagramme de phase de la transition paramagnétique-ferromagnétique.
On peut contourner le point critique sans traverser de ligne de transition de phase.
La région hachurée correspondant à des températures négatives est physiquement
interdite.
5.3
La limite continue du modèle d’Ising : la théorie φ4
Une autre approche des transitions de phase consiste à étudier des modèles définis
sur un espace continu par des techniques d’analyse et de théorie des champs. Du fait
de l’universalité, il s’agit de construire le modèle continu le plus simple possible ayant
les symétries requises. Nous allons montrer comment récrire la fonction de partition
du modèle d’Ising en termes d’une intégrale fonctionnelle correspondant à un modèle
de Ginzburg-Landau, aussi appelé “ théorie des champs φ4 ”.
Nous allons considérer un modèle sur un réseau régulier R de dimension d, ayant
une maille de longueur a, avec en chaque site i du réseau une variable réelle de “spin”
ϕi ∈ R continue (et non pas binaire). Cette variable locale est soumise à un potentiel
quartique pair
(121)
V (ϕi ) = −m
ϕ2i
ϕ4
+λ i ,
2
4
où m et λ sont
p deux variables réelles positives. Les minima de ce potentiel sont donnés
par ϕi = ± m/λ : ce sont deux valeurs opposées, comme dans le modèle d’Ising.
→
Appelons a e ν avec ν = 1, . . . , d, les vecteurs de base qui engendrent le réseau R. On
favorise “l’alignement” entre spins voisins en imposant un couplage “élastique” Ec
entre des variables situées sur des sites proches voisins,
(122)
Ec = K
d n
XX
(ϕi − ϕi+aeν )2 (ϕi − ϕi−aeν )2 o
,
+
a
a
i∈R ν=1
où K est une variable réelle positive. Pour représenter l’interaction avec un champ
magnétique extérieur non-uniforme, on définit une énergie magnétique
X
(123)
EH =
hi ϕi ,
i∈R
qui tend à aligner la variable ϕi dans la direction du champ local hi . Le système ainsi
défini présente les caractéristiques du modèle d’Ising.
30
P
Liquide
Solide
C
point critique
point triple
Gaz
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T
Fig. 17 – Diagramme de phase de la transition solide-liquide-vapeur pour l’eau. Les
phases solides de glaces correspondant à des structures cristallines différentes obtenues
à de très hautes pressions ne sont pas représentées.
Une configuration du système correspond à la donnée des valeurs de ϕi en chaque
point du réseau. L’énergie d’une configuration vaut
(124)
E({ϕi }) = K
d
XX
(ϕi − ϕi±aeν )2 X ϕ2
ϕ4 X
hi ϕi .
+
−m i +λ i −
a
2
4
i∈R ν=1
i∈R
i∈R
On peut également considérer que ce système représente un réseau mécanique de
ressorts non-linéaires couplés entre proches voisins et soumis à un champ de force
externe. La fonction de partition de ce modèle est donnée par
X −βE{ϕi }
e
,
(125)
Z T, {hi } =
{ϕi }
où l’on calcule la somme sur toutes les configurations possibles, c’ést-à-dire sur toutes
les valeurs possibles des variables locales ϕi .
A la limite continue, lorsque la maille a du réseau tend vers 0, les variables locales
→
→
deviennent un champ ϕ( x) sur l’espace, avec x ∈ Rd . Une configuration du modèle
correspond à une réalisation particulière de ce champ, dont l’énergie HGL , dite de
Ginzburg-Landau, est donnée par
o
h →i Z
nK
ϕ2
ϕ4
(∇ϕ)2 − m + λ − h(x)ϕ(x) .
(126)
HGL ϕ( x) = dd x
2
2
4
La fonction de partition (125) devient, à la limite continue, une intégrale fonctionnelle
Z
→
(127)
Z[T, h(x)] = Dϕ(x)e−βHGL [ϕ( x )]
Cette intégrale fonctionnelle correspondant au modèle de Ginzburg-Landau est appelée théorie des champs φ4 . Son analyse, par les techniques du groupe de renormalisation, a permis de calculer les exposants critiques du modèle d’Ising (K. Wilson).
31
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6
Conclusion : Cent ans de Mouvement Brownien
En 1828, le naturaliste écossais Robert Brown observe au microscope que des
particules de pollen, suffisamment fines, en suspension dans l’eau, présentent une
agitation erratique et permanente, un mouvement éternel et incessant selon les mots
de Jean Perrin. Cette trépidation résulterait-elle de l’existence de molécules actives,
ces constituants organiques fondamentaux propres à la vie prônés par l’hypothèse
vitaliste ? Brown montre au contraire que cette agitation est universelle : il l’observera
sur des poussières, des poudres variées, et même sur un fragment du Sphinx de Gizeh.
Diverses études expérimentales conduites au cours du XIXème siècle (notamment par
Gouy, 1888) prouvent l’inanité de toutes les explications macroscopiques proposées
par la physique classique : le mouvement Brownien ne résulte ni des courants d’air,
ni des vibrations du sol, ni de l’intensité ou de la couleur de l’éclairage ambiant, ni de
gradients de températures, ni d’éventuels tourbillons au sein du liquide ... La nature
et la densité des grains n’ont aucune importance, mais le mouvement est d’autant
plus vif que les grains sont plus petits et plongés dans un liquide moins visqueux.
L’explication qualitative correcte qui émerge à la fin du XIXème siècle, s’appuie
sur l’hypothèse atomique des chimistes (Dalton, Avogadro) et sur la théorie cinétique
de la chaleur (développée par Clausius, Maxwell et Bolztmann) : les particules de
pollen observées par Brown subissent les chocs incessants des molécules d’eau environnantes ; leur danse irrégulière est la résultante macroscopique de ces chocs microscopiques. Ainsi, le mouvement Brownien est la trace à notre échelle de la structure
granulaire et discontinue de la matière : il s’explique par l’existence des atomes. La
théorie quantitative du mouvement Brownien est présentée dans un article historique
d’Einstein en 1905. Einstein montre que le déplacement quadratique moyen d’une
particule Brownienne sphérique de rayon a, plongée dans un liquide de viscosité η,
à temperature T , croît linéairement avec le temps : hx2 i = 2Dt , et la constante de
diffusion D vaut
RT
D=
,
NA 6πηa
où R ≃ 8.31 est la constante des gaz parfaits et NA le nombre d’Avogadro. Cette
formule est extraordinaire et unique à l’époque : elle relie des grandeurs physiques à
notre échelle, D, T, η, a et R, qui sont définies et mesurables macroscopiquement au
nombre NA qui est une quantité intrinsèquement microscopique, qui n’a de sens qu’au
sein de l’hypothèse atomique ; rappelons que 1/NA représente la masse (en grammes)
d’un atome d’hydrogène.
Grâce à cette théorie, Jean Perrin déterminera expérimentalement le nombre
d’Avogadro, en 1908 : les atomes cessent d’être des idéalités ; ils acquièrent une réalité
physique et les expériences de Perrin permettent de les peser. Cette compréhension
du mouvement Brownien a modifié notre vision de la thermodynamique : un équilibre thermodynamique ne doit pas être compris comme une situation figée, étale,
immuable, mais comme un processus dynamique où un système ne cesse d’explorer
de très nombreuses configurations microscopiques sous-jacentes à une même réalité
macroscopique. Les grandeurs thermodynamiques (énergie interne, entropie, pression)
ne cessent de fluctuer et ces fluctuations reflètent la discontinuité de la matière.
De nos jours, on s’intéresse particulièrement à des phénomènes ayant lieu loin de
l’équilibre thermodynamique, par exemple à des systèmes dont l’état stationnaire ne
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1
1
α
RESERVOIR
β
RESERVOIR
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Fig. 18 – Processus d’exclusion asymétrique sur un réseau à une dimension. Dans
la variante représentée ici, une particule peut sauter vers le site à sa droite (si celuici est libre) et les sauts en arrière sont interdits. Le remplissage du réseau et le
courant moyen sont fonctions des taux d’entrée et de sortie α et β. A la limite d’un
système infiniment étendu, ces fonctions présentent des paliers et des discontinuités,
qui signalent l’existence de phases distinctes.
peut être décrit par des lois de type Maxwell-Boltzmann (en exp(− énergie/kT )),
caractérisés par l’existence de courants macroscopiques et pour lesquels les fonctions
d’état thermodynamiques (entropie, énergie libre) ne sont pas définies. Un modèle
étudié depuis une décennie a acquis un statut de paradigme en physique statistique
hors d’équilibre : il s’agit d’une extension de la marche au hasard appelée processus
d’exclusion asymétrique, ou ASEP selon l’acronyme anglais (voir la figure). L’ASEP a
été élaboré, à l’origine, pour comprendre le transit de macromolécules dans des capillaires fins et pour étudier la conductivité par sauts dans des cristaux très anisotropes.
Dans ce modèle, des particules se déplacent par sauts d’un site d’un réseau vers un
site voisin. L’interaction répulsive à courte portée entre particules est représentée
par un principe d’exclusion : deux particules ne peuvent se trouver sur un même
site en même temps. En outre, une force externe (telle un champ gravitationnel ou
électrique) privilégie le mouvement d’ensemble des particules dans une direction de
l’espace et maintient un courant stationnaire dans le système. Ce système, qui constitue un modèle générique de transport de particules entre deux réservoirs de potentiels
chimiques différents, contient les ingrédients minimaux (interaction et courant global)
permettant de définir un processus collectif hors de l’équilibre thermodynamique.
Le processus d’exclusion présente une phénoménologie riche tout en restant accessible à des études analytiques poussées. On a pu mettre en évidence dans ce modèle
des transitions de phases, des fluctuations anormales (en racine cubique du temps),
étudier la relaxation vers l’état stationnaire et même calculer des fonctions caractéristiques qui généralisent les fonctions thermodynamiques classiques. Malgré son
caractère épuré, ASEP peut décrire des situations réalistes : la conductivité anisotrope dans des électrolytes solides, le transit de macromolécules dans des capillaires
fins, les moteurs moléculaires. L’une des applications les plus spectaculaires d’ASEP
est la modélisation du trafic automobile : la formation d’un “bouchon” étant interprétée comme une transition de phase. Aujourd’hui, la circulation routière à Duisbourg
et Genève est simulée en temps réel à l’aide d’une variante d’ASEP beaucoup plus
efficace que les équations de type hydrodynamique qui étaient utilisées auparavant.
Remerciements
Je remercie C. Harmide et Y. Laszo pour leur aide et leurs encouragements. Je
suis aussi reconnaissant envers R. Attal et S. Mallick pour leurs remarques très utiles.
33
Appendice
Dans cet appendice, on démontre l’équation (94). 0n doit donc calculer le déterminant de la forme quadratique AN −1 donnée par






2
−1




1


m 
−1 2 −1


2
2
.
.. 
(128)
AN −1 =
−
ω
(∆t)



−1 2 

2i~∆t 




1 
..


.
Appelons DN −1 le déterminant de la matrice entre parenthèses ; on aura alors
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(129)
det AN −1 = (
m N −1
)
DN −1 .
2i~∆t
On va calculer DN −1 par récurrence. En développant le déterminant selon la première
ligne on obtient pour N ≥ 3,
DN −1 = (2 − ω 2 ∆t2 )DN −2 − DN −3 ,
(130)
avec D0 = 1 et D1 = 2 − ω 2 (∆t)2 . Les racines de l’équation caractéristique de la
récurrence linéaire (130) sont données par :
(131)
r± = 1 −
1
∆t2
(ω∆t) 2
± {(1 − ω 2
) − 1} 2 .
2
2
Les racines r+ et r− sont imaginaires conjugués et de module 1. On peut donc écrire
(132)
r± = e±iφ
avec
cos φ = 1 −
(ω∆t)2
.
2
N −1
N −1
On a DN −1 = Ar+
+ Br−
, les paramètres A et B étant déterminés par les
+
conditions initiales, D0 = 1 et D1 = r+ + r− . On en déduit que A = r+r−r
et
−
−r−
B = r+ −r− . Par conséquent, on obtient
(133)
DN −1
N
N
r+
− r−
sin Nφ
=
=
r+ − r−
sin φ
Ce qui achève la démonstration de la formule (94).
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