Chronique de la Shoah

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M O R T E T R É S I S TA N C E
1943
BIEN
QU’AYANT
rarement connu les noms de
leurs victimes juives, les nazis entendaient que ni Zivia Lubetkin, ni Richard
Glazar, ni Thomas Blatt ne survivent à la « solution finale ». Ils survécurent
cependant et, après la Shoah, chacun écrivit un livre sur la Résistance en 1943.
Quelque 400 000 Juifs vivaient dans le ghetto de Varsovie surpeuplé, mais les épidémies, la famine et les déportations à Treblinka – 300 000 personnes entre juillet et
septembre 1942 – réduisirent considérablement ce nombre. Estimant que 40 000
Juifs s’y trouvaient encore (le chiffre réel approchait les 55 000), Heinrich Himmler,
le chef des SS, ordonna la déportation de 8 000 autres lors de sa visite du ghetto, le
9 janvier 1943. Cependant, sous la direction de Mordekhaï Anielewicz, âgé de 23
ans, le Zydowska Organizacja Bojowa (ZOB, Organisation juive de combat) lança
une résistance armée lorsque les Allemands exécutèrent l’ordre d’Himmler, le 18
janvier. Bien que plus de 5 000 Juifs aient été déportés le 22 janvier, la Résistance
juive – elle impliquait aussi bien la recherche de caches et le refus de s’enregistrer
que la lutte violente – empêcha de remplir le quota et conduisit les Allemands à
mettre fin à l’Aktion. Le répit, cependant, fut de courte durée.
En janvier, Zivia Lubetkin participa à la création de l’Organisation juive de combat et au soulèvement du ghetto de Varsovie. « Nous combattions avec des grenades, des fusils, des barres de fer et des ampoules remplies d’acide sulfurique »,
rapporte-t-elle dans son livre Aux jours de la destruction et de la révolte. « Pendant
quelques minutes, nous avons été grisés par le frisson du combat. Effectivement,
nous avons vu de nos yeux les Allemands, conquérants du monde, battre en
retraite, effrayés par une poignée de jeunes Juifs armés seulement de quelques
pistolets et grenades à main. »
Zivia Lubetkin savait que les Allemands reviendraient. La seule question était
de savoir quand. Pour les 50 000 Juifs qui demeuraient dans le ghetto, la réponse
décisive survint le 19 avril 1943, la veille de la Pâque. Cette fois, les troupes bien
équipées du général Jürgen Stroop s’attendaient à une résistance armée en pénétrant dans le ghetto et elles s’y confrontèrent. Conscients de la puissance de feu très
supérieure des Allemands, les combattants juifs piètrement armés – au nombre
d’environ 700 à 750 – ne se faisaient aucune illusion sur la possibilité de vaincre
Stroop. Mais Z. Lubetkin vit les Allemands se replier d’abord lorsque les armes à
feu, les grenades et les « cocktails Molotov » des Juifs, en quantité réduite, semèrent la peur et la mort chez les envahisseurs allemands.
À nouveau, le répit fut temporaire. « L’ennemi a mis le feu au ghetto,
témoigna Z. Lubetkin. Comment décrire les terribles souffrances et la terreur des Juifs pris au piège dans les flammes ? » Pourtant, les combattants du
ghetto résistèrent.
Des partisans du groupe Greenspan se réunissent
dans la forêt de Parczew, en Pologne.
405
1943
Le commandant Jürgen Stroop (au
centre) accompagne ses soldats
pendant le soulèvement du ghetto
de Varsovie.
406
Ce ne fut que le 16 mai que Stroop put noter dans son rapport que « le
quartier juif de Varsovie avait cessé d’exister. » Mais à cette date, Z. Lubetkin
s’était déjà enfuie par les égouts et était passée du côté « aryen » de Varsovie
où elle poursuivit sa résistance.
Le soulèvement du ghetto de Varsovie revêtit une importance bien supérieure à celle des rapports de batailles et du décompte des pertes. La nouvelle
du soulèvement inspira ailleurs une résistance juive et accrut l’inquiétude des
nazis après la défaite révélatrice de l’armée allemande sur le front Est à Stalingrad, en Russie, fin janvier. Comme dans le cas du ghetto de Varsovie, si
héroïque et si répandue fût-elle, la Résistance juive manqua en général du
soutien extérieur nécessaire pour remporter des victoires autres que morales.
Pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie, un Juif tchèque nommé
Richard Glazar luttait pour demeurer en vie au camp de Treblinka situé à
une centaine de kilomètres au nord-est de Varsovie. Né en 1920, il avait été
envoyé début octobre 1942 du camp / ghetto de Theresienstadt (Tchécoslovaquie) dans ce camp de la mort. Les chambres à gaz de Treblinka coûtèrent
la vie à plus de 800 000 Juifs, mais Glazar fut parmi les très rares détenus qui
furent épargnés pour travailler. Comme Lubetkin, il résista et survécut pour
raconter son histoire dans son livre Trap with a Green
Fence (La trappe du grillage vert).
Glazar vit régulièrement les trains qui acheminaient
des milliers de Juifs à Treblinka. Au printemps 1943, il
savait jusqu’où les nazis perpétraient leurs assassinats en
masse car les convois amenaient des Juifs de Bulgarie et
de Grèce. Tandis que les Juifs disparaissaient à tout
jamais en arrivant à Treblinka, leurs biens demeuraient.
Avant que les déportés soient déshabillés, gazés et brûlés, les Allemands pillaient leurs affaires. Glazar se souvient du camp comme d’un « gigantesque entrepôt de
bric-à-brac. » On pouvait tout trouver à Treblinka, écritil, « excepté la vie ». Trier le butin devint pour lui un travail routinier qui le maintint en vie. Lui et ses camarades prisonniers se
savaient condamnés si le tri cessait.
Alors que tout était contre eux, les Juifs résistèrent à Treblinka. Décrivant les
trains chargés de butin au départ du camp de la mort, Glazar se souvient que les
prisonniers cachèrent deux évadés entre les ballots, afin que le monde apprenne les
meurtres. Puis, fin mai 1943, Glazar vit « le convoi le plus misérable de tous ceux
qui arrivèrent à Treblinka. » Les gens venaient de Varsovie. Leurs affaires étaient si
pauvres qu’il n’y avait pas grand-chose à trier. Mais, par ailleurs, souligne Glazar,
ces derniers convois de Varsovie étaient riches : d’espoir, parce qu’ils apportaient la
nouvelle du soulèvement du ghetto. Cette nouvelle fit croire à Glazar et à ses compagnons que les avertissements des évadés de Treblinka avaient contribué au soulèvement de Varsovie. Quant au soulèvement de Varsovie, il commença à émouvoir
les détenus de Treblinka qui, pour reprendre les propos de Glazar, « renoncèrent
à l’espoir d’être les derniers à échapper à cette mort dans le dénuement. [Il faut]
montrer au monde et à vous-mêmes [ce qui se passe]… »
À Treblinka, depuis le printemps, un groupe de résistance avait prévu de
s’emparer d’armes dans l’arsenal des SS, de prendre le contrôle du camp, de
le détruire et de rejoindre les partisans dans la forêt. La date du soulèvement
de Treblinka était fixée au lundi 2 août. Vers 16 heures, avant que les chefs de
la résistance n’aient pu prendre le contrôle de la cache d’armes, un officier SS
qui se montrait soupçonneux fut tué par un coup de feu qui alerta les gardes
du camp et donna prématurément le signal de la révolte aux détenus. Pendant les échanges de coups de feu, certains prisonniers
mirent le feu à des parties du camp. Alors que les détenus s’évadaient
en courant, la plupart furent abattus depuis les tours de guet du camp
ou pris et tués plus tard. Le jour du soulèvement, le camp contenait
environ 850 prisonniers. Environ 750 tentèrent de s’évader. Glazar
fut l’un des 70 qui survécurent à la Shoah.
Après la révolte, les Allemands contraignirent les évadés qui avaient
été repris à raser ce qui restait du camp de Treblinka. Puis, ces prisonniers furent abattus, des arbres furent plantés et le site fut camouflé en
ferme. La résistance juive avait contribué à fermer Treblinka, mais seulement
après que la raison d’être du camp ait été, pour l’essentiel, achevée.
Entre-temps, au sud-est de Treblinka, à cinq kilomètres du fleuve Bug, le
camp de la mort de Sobibor fonctionnait toujours. Entre mars et juillet 1943,
19 convois des Pays-Bas acheminèrent 35 000 Juifs néerlandais dans les
chambres à gaz de Sobibor qui, au total, tuèrent 250 000 Juifs. Le rythme des
meurtres diminua ensuite, plus de 13 000 Juifs des ghettos liquidés de Vilnius,
Minsk et Lida étant gazés à Sobibor pendant les quinze derniers jours de septembre. Les détenus du camp comprirent que la fin des convois signifiait également la fin de leur vie.
Début septembre 1943, environ 650 détenus juifs de Sobibor étaient
astreints au travail. Comme à Treblinka, certains étaient des travailleurs qualifiés chargés de la maintenance du camp, d’autres triaient le butin, d’autres
encore faisaient partie des équipes chargées d’évacuer les corps des chambres
à gaz. Thomas Blatt faisait partie des quelque 300 prisonniers qui s’évadèrent
du camp pendant le soulèvement qui éclata le 14 octobre 1943. Paru en 1996,
son livre Sobibor, The Forgotten Revolt (Sobibor, la révolte oubliée) précise
que 48 seulement des évadés de Sobibor survécurent après s’être libérés.
Le soulèvement de Sobibor conduisit les Allemands à abandonner leurs
projets de convertir le camp de la mort en un camp de concentration. Ils décidèrent plutôt de démanteler et de camoufler les installations dont le travail de
meurtre avait, de toute façon, été pratiquement accompli. Comme Treblinka,
Sobibor devint une ferme. Ce ne fut cependant pas le seul résultat du soulèvement. Les événements de Varsovie, Treblinka et Sobibor
indiquaient que les Juifs polonais étaient de plus en plus
conscients qu’il n’y aurait pas de « salut par le travail ». Privés de l’espoir de survivre, ils allaient résister jusqu’à la
mort. Conscient de la menace d’une telle résistance juive,
Himmler accéléra l’extermination des Juifs qui demeuraient dans les camps de travail de la région de Lublin, à
Trawniki et Poniatowa, ainsi que dans le camp de la mort
de Majdanek.
Le 3 novembre 1943, dans la région de Lublin, quelque
42 000 Juifs furent rassemblés et abattus. L’historien Christopher Browning expliqua que ce massacre constituait
« l’opération de meurtre la plus importante perpétrée par les Allemands
contre les Juifs durant toute la guerre. » Son nom de code était Erntefest, qui
signifie en allemand « fête des moissons. »
Des estimations prudentes montrent qu’au moins 500 000 Juifs périrent
en 1943 dans la Shoah. Sans que ce soit de sa faute, la Résistance juive de
cette année – si importante qu’elle fût et si impressionnante qu’elle demeure
– ne suffit malheureusement pas à éviter le désastre.
Le four crématoire IV à AuschwitzBirkenau pouvait incinérer près de
1 500 corps par jour.
Des officiers allemands découragés
face aux Russes qui les ont faits
prisonniers après la bataille de
Stalingrad.
407
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Le rabbin Leo
Baeck
Éminent rabbin et théologien du judaïsme libéral allemand depuis 1897, Leo Baeck
exerça ses fonctions à Berlin
de 1912 jusqu’à sa déportation au camp / ghetto de
Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, début 1943.
Lorsque
les nazis créèrent la Représentation
des Juifs allemands
du
Reich, Baeck
en fut nommé
président.
Représentant principal des
Juifs allemands, il refusa de
quitter l’Allemagne, même
lorsque sa sécurité, ainsi que
celle des Juifs allemands, fut
menacée.
Après sa déportation à
Theresienstadt, Baeck œuvra
sans relâche pour remonter
le moral de nombreux Juifs,
même ceux qui, il le savait,
étaient voués à Auschwitz.
Après la guerre, Baeck s’installa à Londres où il devint le
président du Conseil des
Juifs d’Allemagne. L’Institut
Leo Baeck, première institution se consacrant à l’étude
des Juifs allemands, porte le
nom de cet homme vénérable.
1943
408
Comme on leur faisait croire qu’ils partaient pour une « réinstallation »,
les Juifs en route pour Auschwitz transportaient des valises contenant leurs
biens les plus précieux. Alors que les prisonniers étaient souvent envoyés à
la mort dès leur arrivée, leurs affaires étaient gardées, triées et entreposées
pour être expédiées en Allemagne.
Ces Juifs sont emmenés au ghetto de Grodno (Biélorussie), créé peu après
l’invasion de la Russie par les Allemands. En novembre 1941, 25 000 Juifs
de Grodno et de la région voisine furent contraints de s’installer dans ce
ghetto qui fut liquidé en janvier 1943, lorsque les habitants juifs furent déportés à Treblinka. Avant même l’occupation de cette région de l’Union soviétique
par les Allemands, des antisémites de la population civile avaient attaqué les
Juifs.
• 1943 : Heinrich Himmler est
nommé ministre de l’Intérieur du
Reich. • Le pape Pie XII annonce
que le Vatican ne peut aider les
opprimés que par « nos prières ».
• Création du parti collaborationniste
Nye Denmark (Nouveau Danemark).
• Fondation de SS Galizien (SS de
Galicie), une unité de volontaires SS
ukrainiens. • Jozef Tiso, premier
ministre de Slovaquie et allié d’Adolf
Hitler, interrompt brièvement les
déportations des Juifs slovaques. • En
France, Sabina Zlatin, une Juive, crée
la maison d’enfants d’Izieu qui abrite
une centaine d’enfants juifs ; voir 6
avril 1944. • Première édition en
Allemagne du texte antisémite Archiv
für Judenfragen (Archives sur les
questions juives).
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Dans le ghetto de Varsovie, un travailleur retire de la rue un corps
décharné. En janvier 1943, les Allemands entreprirent une nouvelle
déportation à partir du ghetto. Pour la
première fois, les Juifs résistèrent avec
force, utilisant quelques rares armes
pour combattre les Allemands dans
les rues et dans les immeubles du
ghetto. Ces accrochages remontaient
le moral et permettaient d’acquérir
une expérience indispensable pour la
lutte décisive qui allait commencer
quelques mois plus tard.
« Rues pleines, pleines… Vendant.
Mendiant. Pleurant. Affamés. »
—Jan Karski, témoin du ghetto de Varsovie
Des prisonniers détenus à
Dachau travaillent dans une usine
d’armements voisine. Peut-être un
tiers des travailleurs du camp
étaient Juifs ; les autres étaient des
dissidents politiques, des ecclésiastiques, des Tsiganes, des Témoins
de Jéhovah, des homosexuels et
des prisonniers de guerre
soviétiques. L’exploitation du travail
servile et l’intensification de l’effort
de guerre contribuèrent à la croissance du camp. Dachau compta
par la suite 36 camps annexes qui
exploitaient le travail de 37 000
prisonniers. L’immense majorité travaillait dans la production d’armements.
Des enfants vêtus de loques attendent devant un mur en briques du
ghetto de Varsovie. Durant l’hiver
1942-43, les conditions dans le
ghetto furent abominables. Les tuyauteries gelaient et les eaux d’égout se
déversaient dans les rues. Le typhus
faisait rage dans l’ensemble du
ghetto et les rations de famine prélevaient un lourd tribut sur la population
juive. Plus de 5 000 personnes mouraient chaque mois, et ceux qui s’accrochaient à la vie étaient dans un
état lamentable.
• Janvier 1943 : En ce début d’année,
10 000 Juifs sont astreints au travail dans
des usines dans toute l’Allemagne. • Les 27
derniers Juifs de Bilgoraj, en Pologne, sont
chassés de leur cachette et massacrés.
• Près de 870 enfants, infirmes, médecins
et infirmières des Pays-Bas sont envoyés à
Auschwitz. • Une victoire militaire remportée par les Soviétiques sur le Don astreint
au travail 50 000 Juifs hongrois sur le front
Est ; plus de 40 000 sont tués au combat
entre forces allemandes et soviétiques. Plusieurs milliers d’autres sont faits
prisonniers et maltraités et par les
Soviétiques et par les prisonniers de
guerre de l’Axe.
• Une circulaire SS sur l’application des
peines de mort dans les camps d’extermination enjoint que les exécutions par pen-
daison soient réalisées par des prisonniers
désignés qui recevront trois cigarettes.
• Les membres de la Résistance juive du
ghetto de Varsovie commencent à se scinder en 22 groupes. Ils construisent abris et
bunkers, et même des tunnels conduisant
à la partie non juive de la ville. • Moshé
Fish et Leva Gilchik, des Juifs qui, en
juillet 1942, avaient constitué un groupe
de partisans dans les forêts des environs
409
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La propagande nazie ne connaissait pas de frontières dès lors qu’il
s’agissait d’amener le Volk (peuple) allemand à soutenir l’effort de guerre.
S’ajoutant aux discours radiodiffusés et aux défilés incessants, les timbresposte véhiculaient le message de la gloire militaire. Les scènes de bataille
représentées sur ces timbres renforçaient le lien entre la nation allemande et
la guerre.
Fritz Sauckel fut le plénipotentiaire
de l’Allemagne pour la mobilisation
des travailleurs de 1942 à 1945. À
ce titre, il réduisit en esclavage des
travailleurs d’Union soviétique et
d’autres territoires occupés, et chassa
plus de cinq millions d’habitants des
territoires occupés pour les emmener
en Allemagne. Sauckel fut aussi responsable de l’extermination de
plusieurs dizaines de milliers de
travailleurs juifs en Pologne. Pour ses
crimes, Sauckel fut pendu par les
Alliés, le 16 octobre 1946.
À Allach, un camp annexe de
Dachau en Allemagne, des
prisonniers travaillent dans une usine
de moteurs d’avion de la Bayerische
Motoren Werke (BMW). Au fur et à
mesure que la guerre se prolongeait,
les camps fournirent un réservoir inestimable de travailleurs pour les industries d’armement allemandes. Les
entreprises privées comme BMW
pouvaient embaucher des travailleurs
à des coûts extrêmement faibles.
Dans les années 1990, des
« accords » de ce type revinrent hanter BMW et d’autres entreprises allemandes encore existantes.
1943
410
de Kleck, en Pologne, meurent au combat
contre des troupes allemandes.
• Le putsch planifié par quelques généraux allemands à Stalingrad, en Russie,
et visant à renverser Hitler, ne se
produira jamais. Les principaux
opposants allemands à Hitler et aux nazis
– pour la plupart des conservateurs –
conspirent pour renverser le Reich
d’Hitler. Ils ont le sentiment qu’Hitler a
présumé de ses forces et que la guerre
évolue en une dangereuse entreprise sur
deux fronts. En dépit de leur opposition
à Hitler, ces principaux opposants sont
antisémites et souhaitent que les Juifs
disparaissent. Ils concluent que les Juifs
exercent une « influence calamiteuse…
sur la nation » et constituent « un danger
pour la nation allemande. »
1943
Photographié avec le collaborateur français Marcel
Déat, Joseph Darnand (à droite), était l’un des collaborateurs français les plus haïs. Darnand dirigeait une organisation militaire française qui combattait ouvertement avec
les Allemands. Chef du Service d’ordre légionnaire, Darnand fut responsable des opérations de sûreté dans la
France de Vichy. Le SOL traquait les résistants français et
les torturait sauvagement. Lorsque la France fut libérée en
1944, Darnand et 6 000 de ses partisans s’enfuirent en
Allemagne.
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Des choix fictifs
« On veut vivre », écrivait Salmen Lewental.
Ces mots figurent dans un carnet enterré et
retrouvé près des ruines du four crématoire III
à Birkenau. Sélectionné pour le travail à son
arrivée à Auschwitz le 10 décembre 1942,
Lewental fut affecté au Sonderkommando, un
mois plus tard, et condamné à travailler dans
les chambres à gaz et aux fours crématoires. Il
tint bon suffisamment longtemps pour
rejoindre le soulèvement du Sonderkommando,
le 7 octobre 1944. On ignore la date de sa mort.
Dans son carnet, Lewental imagine à un
moment quelqu’un lui demandant : « pourquoi
faites-vous un travail aussi ignoble ? » À part la
phrase « on veut vivre », il n’est pas de bonne
réponse, car Lewental avait-il le choix ?
La puissance nazie contraignit à maintes
reprises des personnes sans défense à procéder
à ce que l’intellectuel Lawrence L. Langer
appelle des « choix fictifs ». De tels choix, dit-il,
ne « traduisent pas telle ou telle option entre la
vie et la mort, mais entre une forme de réponse
“anormale” et une autre, toutes deux imposées
par une situation qui n’était en aucun cas choisie par la victime. »
Telle était l’atroce situation dans laquelle se
trouvait Lewental. Il ne se porta pas volontaire
pour le Sonderkommando, pas plus qu’il ne
choisit la déportation. À Auschwitz, Lewental,
à l’instar de millions d’autres victimes de la
Shoah, n’avait pas d’autres choix que de mourir en se suicidant, en résistant ou en tant que
Sonderkommando, autrement dit, des « choix
fictifs. »
Des médecins et des infirmières examinent un petit
enfant réfugié d’Europe dans les bureaux de l’Organisation sioniste mondiale à Tel Aviv, en Eretz Israël. En
dépit des efforts déployés par les Britanniques pour
limiter l’immigration juive en Palestine, les réfugiés juifs
affluèrent régulièrement dans la région en 1943, la
plupart clandestinement.
• Au cours de ce seul mois, les Allemands
exterminent 61 000 Juifs à Auschwitz,
Treblinka et Belzec. • Le Département
d’État aux États-Unis, parfaitement au
courant de la Shoah, continue à bloquer
les tentatives de transférer des enfants
juifs en Amérique.
• 1er janvier 1943 : Les Juifs des
Pays-Bas ne sont plus autorisés à pos-
séder un compte en banque. Tous
leurs fonds doivent être déposés sur
un compte central.
• 3 janvier 1943 : Le président polo-
nais, Wladyslaw Raczkiewicz,
demande que Pie XII dénonce publiquement les atrocités allemandes
perpétrées contre les Juifs. Le pape
garde le silence aussi bien sur le mas-
sacre des Juifs polonais par les Allemands que sur les attaques lancées
par ces derniers contre les
catholiques polonais.
• 4 janvier 1943 : Les services administratifs de la SS ordonnent à tous les
commandants des camps de concentration d’envoyer les cheveux pris aux
femmes juives à l’entreprise Alex Zink,
Filzfabrik AG à Roth, en Allemagne,
411
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Auschwitz
« Là, des gens vivaient et disparaissaient du jour au lendemain, » écrivit le rescapé de la
Shoah Élie Wiesel. Les Polonais
appelaient cette bourgade Oswiecim, mais elle est plus connue
sous son nom allemand d’Auschwitz. L’endroit est devenu synonyme de la Shoah.
La ville d’Oswiecim qui, avant
la guerre, comptait 12 000 habitants dont 5 000 Juifs, se trouve à
une soixantaine de kilomètres à
l’ouest de Cracovie en Haute
Silésie, une province du sudouest de la Pologne que les nazis
avaient annexée au Troisième
Reich. Située sur des voies ferrées principales et à proximité du
confluent de la Sola et de la Vistule, Oswiecim abritait également
une ancienne caserne polonaise
autour de laquelle se développa
Auschwitz, le réseau de camps de
concentration, de travail et de
mort le plus tristement célèbre
des nazis.
Le 27 avril 1940, Heinrich
Himmler, chef des SS,
ordonna la création d’un
camp de concentration à
Oswiecim. Placés sous le
commandement de Rudolf
Höss, les premiers détenus
d’Auschwitz étaient principalement des prisonniers
politiques polonais. Bientôt, avec l’accroissement
de sa superficie et de sa
population,
Auschwitz
devint un ensemble de
camps. Le 1er mars 1941,
Himmler ordonna la créa-
1943
412
tion d’une deuxième section –
Auschwitz II – et la construction
commença en octobre. Fin 1941,
un troisième agrandissement
était en cours. Auschwitz III fut
appelé Buna-Monowitz, du nom
de l’usine de caoutchouc synthétique Buna à Monowitz, qu’une
main-d’œuvre
servile
avait
construite pour l’entreprise allemande I. G. Farben.
En matière d’extermination,
aucune partie d’Auschwitz ne
pouvait être comparée à Auschwitz II, aussi appelé Birkenau,
nom allemand du village polonais
voisin Brzezinka. Situé à 2,5 kilomètres du Stammlager (Auschwitz I, le « camp principal »),
Auschwitz-Birkenau devint le
premier camp de la mort du
Reich. Au début de l’été 1943, il
disposait d’une chambre à gaz
relativement petite, construite
deux ans auparavant, plus quatre
installations de chambres à gaz et
fours crématoires ultramodernes
destinées à assassiner Juifs et
près de Nuremberg. • Des jeunes
membres de l’Organisation juive de
combat sont pris à Czestochowa, en
Pologne. Leur chef, Mendel Fiszlewicz
utilise un revolver caché pour blesser le
commandant allemand de l’Aktion.
Fiszlewicz et 25 autres jeunes gens sont
immédiatement abattus ; 300 femmes
et enfants du groupe sont déportés au
camp de la mort de Treblinka et gazés.
autres êtres humains sur le principe du travail à la chaîne.
Les ingénieurs allemands estimaient que ces quatre fours crématoires pouvaient incinérer
4 415 corps par jour. Ce chiffre
était cependant inférieur à la
capacité
quotidienne
des
chambres à gaz. Les ingénieurs
s’efforcèrent alors de doubler le
rythme d’enlèvement des corps
en réduisant le temps d’incinération et en augmentant le nombre
de corps qui pouvaient brûler en
même temps. Poussée au-delà de
ses capacités, la machine de mort
de Birkenau tombait en panne
régulièrement. Elle n’en détruisit
pas moins plusieurs centaines de
milliers de Juifs en 1943 et en
1944.
Sous tous ses aspects, Auschwitz signifie souffrance et mort.
S’ils n’étaient pas assassinés dans
les chambres à gaz, les prisonniers mouraient de faim et de
maladie. Les travailleurs trimaient dans d’ignobles conditions jusqu’à ce qu’ils
périssent. Arrivant de
toute l’Europe, les déportés comprenaient des Allemands « indésirables », des
prisonniers de guerre
soviétiques, des Tsiganes,
des prêtres et des religieuses polonais, des résistants français et – surtout –
des Juifs. Entre 1,1 et 1,5
million d’hommes, de
femmes et d’enfants – dont
90% étaient juifs – périrent en cet endroit.
• 5 janvier 1943 : Création du camp
de concentration de Vught, aux PaysBas.
• 5-7 janvier 1943 : Des milliers de
Juifs sont assassinés à Lvov, en Ukraine.
• 6 janvier 1943 : Les Juifs de Lubaczow,
en Pologne, sont exterminés au camp de
la mort de Belzec. • Cinq cents Juifs, qui
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
LES CAMPS D’AUSCHWITZ, 1943
Vers Cracovie
stu
le
N
Vi
Babitz
Administration SS
et baraquementsChambres
Gare et
à gaz
Chambres
esplanade
Auschwitz II
à gaz
Oświecim
(Birkenau)
Usine
Plawy
d’armement
des SS
Auschwitz I
La sœur Marejanna Reszko était
à la tête du couvent St Antoine à
Ignacow, en Pologne. Elle sauva de
nombreuses jeunes filles juives en
les cachant dans son orphelinat.
Lorsqu’on lui demanda si l’une de
ses protégées, Frida Aronson, était
juive, elle répondit qu’elle ne s’en
souciait guère et aidait tous ceux
qui en avaient besoin.
Auschwitz III
(Monowitz)
la
Rajsko
Budy
Usine de matériel
de guerre d’I. G.
Farben
Monowice
So
Harmense
Dwory
chemins de fer
camps annexes d’Auschwitz
0
1 mile
0
1.5 kilomètre
Vers Prague
Brzeszcze
Grójec
Divisé en trois camps, Auschwitz était à l’origine un camp de concentration. Plus d’un million de Juifs périrent dans les cinq chambres à gaz d’Auschwitz II (Birkenau). Auschwitz III (Monowitz) était une immense zone
industrielle où le géant de la chimie, I. G. Farben, exploitait le travail de
milliers de travailleurs réduits en esclavage.
Les non Juifs collaborèrent souvent
avec les nazis pour exproprier les
biens juifs, même aux Pays-Bas.
Ce camion en partance appartenait à
la société A. Puls dont le patron, un
Néerlandais, travaillait volontiers
avec les nazis. Les camions de Puls
apparaissaient souvent dans le ghetto
d’Amsterdam pour transporter les
biens juifs spoliés. Ces camions devinrent si courants que le verbe
« pulsen » devint un mot d’argot
désignant le vol.
se cachaient à Opoczno, en Pologne, sont
assassinés par les Allemands après avoir
été convaincus de sortir de leur cachette
avec la promesse d’être emmenés en train
dans un pays neutre.
• 7 janvier 1943 : Le secrétaire britannique aux Colonies, Oliver Stanley,
informe le cabinet de guerre que les
alliés de l’Allemagne en Europe orien-
tale ont adopté une politique d’expulsion des Juifs au lieu de les exterminer.
Il en conclut que ce changement rend
« encore plus nécessaire » la limitation
du nombre des enfants juifs acceptés
en Palestine.
• 7-24 janvier 1943 : Vingt-quatre mille
Juifs d’Allemagne, de Belgique, des
Pays-Bas et de Pologne sont gazés à
Auschwitz.
• 9 janvier 1943 : Les Allemands s’empa-
rent d’une jeune résistante juive âgée de
20 ans, Emma Radova, la torturent et la
tuent. • Le magazine britannique New
Statesman lance un appel pour que les
réfugiés juifs soient autorisés à pénétrer,
au moins temporairement, dans toutes les
nations, notamment 40 000 de plus en
Palestine.
• 10 janvier 1943 : Dans le Generalgou413
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Au cours d’une réunion de plusieurs jours à Casablanca, au Maroc, en janvier 1943, le président américain Franklin Roosevelt (à gauche), le général français Charles de Gaulle (au centre) et le premier ministre britannique Winston
Churchill (à droite) mettent au point la stratégie des prochaines étapes de la
guerre en Europe. Ces dirigeants conviennent d’exiger la reddition inconditionnelle de l’Allemagne en préalable à la fin des combats. Les représentants britanniques et américains furent bien moins résolus quelques mois plus tard lors de
leur rencontre à Hamilton, aux Bermudes, pour traiter de la crise des réfugiés.
Là non plus, aucune action ne fut décidée pour sauver des Juifs.
Miroslav Filipovic-Majstorovic fut
l’un des tueurs impitoyables qui travaillait au camp de concentration
de Jasenovac, en Croatie. Ancien
prêtre et membre de l’organisation
fasciste croate Ustasa, FilipovicMajstorovic assassina, à mains
nues, d’innombrables prisonniers.
Environ 600 000 personnes –
notamment des Serbes, des Juifs,
des Tsiganes et des opposants au
régime Ustasa – furent assassinées
à Jasenovac.
Le chef d’orchestre Wolf Durmashkin est photographié avec la chorale hébraïque du ghetto de Vilnius,
en Lituanie. Enfant prodige et éminent musicien, Durmashkin était originaire de Varsovie. Lorsque la
guerre éclata, il se rendit à Vilnius
où il enseigna la musique dans plusieurs écoles juives. Une fois le
ghetto créé, Dumarshkin organisa
un orchestre, dirigea une chorale
hébraïque et fonda une école de
musique.
1943
414
vernement, plusieurs milliers de Juifs qui
avaient quitté leurs cachettes dans la forêt
le 10 novembre 1942 après avoir reçu la
promesse de bénéficier du libre passage,
sont trahis. La plupart sont acheminés à
Treblinka et gazés. Les autres sont
envoyés dans des camps de travail des
environs à Sandomierz et Skarzysko
Kamienna. • Quatre cent Juifs qui résistent à leurs surveillants allemands dans le
camp de Kopernik, à Minsk Mazowiecki
(Pologne), sont brûlés vifs dans leurs baraquements.
• 12-21 janvier 1943 : Vingt mille
Juifs de Zambrow, en Pologne, sont
déportés à Auschwitz.
• 13 janvier 1943 : Mille cinq cents
Juifs de Radom, en Pologne, sont
déportés à Treblinka.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La Reichsbahn
Des millions de Juifs furent déportés et envoyés à la
mort dans des wagons à bestiaux de ce type. Jusqu’à
100 êtres humains étaient entassés dans un espace
mesurant 9,5 x 4,2 x 4 m. Le voyage vers un camp de
concentration était une expérience effroyable. Une fois
les portes verrouillées, les occupants se retrouvaient privés d’eau et d’installations sanitaires. Des milliers de
personnes moururent en route, d’autres devinrent folles.
À plusieurs reprises, parents et enfants se battirent pour
une croûte de pain ou une gorgée d’eau. L’épouvante
était augmentée par le fait que les Juifs n’avaient pas la
moindre idée de leur destination.
• 14 janvier 1943 : Lorsque le Conseil
juif et la police juive à Lomza, en
Pologne, refusent de livrer 40 Juifs aux
agents de la Gestapo, ces derniers procèdent à des sélections et incluent deux
membres du Conseil. 8 000 autres Juifs
de Lomza sont déportés à Auschwitz.
• 14-24 janvier 1943 : Le premier
ministre britannique Winston Churchill
et le président des États-Unis Franklin
La Fahrplananordnung 586 était la feuille de
route d’un train datée du 25 août 1942. Pendant la
Shoah, des milliers de ces documents allemands
coordonnaient le trafic ferroviaire vers les camps
de la mort nazis en Pologne occupée.
Devant quitter Luków, en Pologne à 10h44
du matin, le 28 août, le « train spécial de réinstallation » de la Fahrplananordnung 586 comptait 25 wagons de marchandises. L’heure
d’arrivée au camp de la mort de Treblinka était
prévue à 14h52. Le train vide quitta Treblinka
à 17h22. Entre-temps, 2 500 Juifs – le chargement du train – avaient été gazés. Ce convoi
n’était pas le plus
important
qui
arriva à Treblinka.
La Reichsbahn,
les chemins de fer
allemands, joua
un rôle essentiel
dans la « solution
finale. » Travaillant avec Adolf
Eichmann et la
SS, les responsables
de
la
Reichsbahn organisèrent des Sonderzüge (trains spéciaux) qui
envoyaient à la mort les Juifs de toute l’Europe
dans les camps de Belzec, Chelmno, Sobibor, Majdanek, Treblinka et Auschwitz-Birkenau. Malgré
la pénurie et les exigences de la guerre, ces trains
étaient toujours prioritaires. Ils arrivaient en
général à destination comme prévu.
Parqués comme du bétail dans des wagons
de marchandises – 80 à 100 personnes ou
davantage entassées dans un seul wagon – les
Juifs devaient encore payer leur place comme
passagers pour ces atroces voyages qui pouvaient durer plusieurs jours. Les SS utilisaient
l’argent et les biens volés aux Juifs pour payer
les billets – aller simple.
Roosevelt se rencontrent à Casablanca,
au Maroc, pour discuter du débarquement des Alliés en Europe occidentale.
La nouvelle de cette rencontre
remonte le moral des Juifs qui espèrent
que la guerre prendra bientôt fin. Roosevelt, cependant, propose au responsable français en Afrique du Nord, le
général Noguès et plus tard à un
dirigeant des Forces françaises libres,
le général Giraud, que le
gouvernement français en Afrique du
Nord procède à des discriminations
contre les Juifs du pays, comme Hitler
l’avait fait dans les années 1930. Roosevelt précise à deux reprises – une fois à
Noguès, puis séparément à Giraud –
que « le nombre de Juifs exerçant des
professions libérales… devrait
véritablement être limité au pourcentage de la population juive en Afrique
du Nord par rapport à la population
415
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Le comte Konrad von Preysing,
cardinal et évêque de Berlin pendant
le régime nazi, considérait le
Troisième Reich comme un régime
corrompu et pernicieux. Dès mai
1933, Preysing mit en cause les principes idéologiques du nazisme et
appela ouvertement à leur désaveu.
En janvier 1943, il fut le seul prélat
catholique allemand à s’opposer
constamment à la politique antijuive
du gouvernement allemand. Preysing
menaça de démissionner si les autres
évêques allemands continuaient leur
attitude collaboratrice.
Pour la plupart des Juifs, le
séjour dans les camps d’extermination était brutalement abrégé. La
terrifiante efficacité de la machine
de mort nazie est bien rendue par
le dessin à l’encre du rescapé de la
Shoah, Joseph Bau, intitulé « Entrée
par la porte, sortie par la
cheminée. »
Léon Degrelle était le dirigeant
du mouvement rexiste, le groupe
belge collaborationniste. Les
Rexistes s’affichaient ouvertement
pronazis. En 1943, Degrelle
annonça son projet d’incorporer la
Belgique à l’empire allemand. Si
Degrelle renforça son pouvoir, les
rexistes furent en grande partie
exclus du pouvoir politique. En
outre, de nombreux partisans du
mouvement collaborationniste furent
traqués impitoyablement par les
forces de la Résistance belge et
tués.
1943
nord-africaine. » Le président
Roosevelt ajoute que la limitation du
nombre de Juifs dans les professions
libérales « supprimerait en outre les
plaintes compréhensibles formulées
par les Allemands à l’égard des Juifs en
Allemagne… »
• 15 janvier 1943 : Une Polonaise
non juive et son enfant âgé d’un an
sont abattus près de la rivière Pilica,
416
en Pologne, parce que cette femme a
aidé des Juifs. • Soixante-dix-sept
Juifs sautent d’un train de déportation quittant la Belgique pour l’Est.
La plupart sont pris en chasse et tués
par des soldats SS allemands et
flamands. • Des milliers de Juifs du
camp de concentration de Zaslaw, en
Pologne, sont déportés au camp de la
mort de Belzec.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Le comité de sauvetage
Rita Rosani, résistante italienne,
fut la seule femme de la Résistance
italienne connue pour avoir été tuée
au combat. Née à Trieste, Rita
Rosani était enseignante dans une
école juive jusqu’en 1943, date à
laquelle elle rejoignit la Résistance.
Elle mourut le 17 septembre 1944,
après avoir participé à plusieurs
combats dans la région de Vérone.
En dépit des chances réduites, ce comité de l’Agence juive pour la
Palestine était déterminé à obtenir des renseignements sur les Juifs
enfermés dans les ghettos polonais. Depuis Jérusalem, le comité de
sauvetage souhaitait envoyer des colis de
nourriture à ces Juifs. Ses membres voulaient
également les aider, au cas où ils parviendraient à échapper aux nazis, à obtenir des
certificats d’immigration pour la Palestine.
Les premiers dirigeants du comité furent
Itzhak Gruenbaum (photo), Moshé Shapira,
Eliyahou Dobkin et Emil Schmorak. Pour
Gruenbaum, parce que les nazis étaient si terribles, parce que les Alliés étaient indifférents
au sort tragique des Juifs et parce que le
comité ne disposait d’aucunes ressources
importantes, tout ce que pourrait faire le
comité ne parviendrait jamais à aider véritablement les Juifs pris au
piège dans l’Europe nazie. Il estimait plutôt devoir mettre l’accent
sur la préparation d’un foyer en Palestine pour les survivants juifs
après la guerre. En 1945, le comité consacra tous ses efforts à créer
un État juif en Palestine.
Un monceau de brosses (brosses
à cheveux de femmes et blaireaux
d’hommes) témoigne de la volonté
des nazis de spolier ceux qu’ils exécutaient en les privant du moindre
objet personnel. Les cheveux
devinrent la matière première pour
bourrer les matelas et tisser des
étoffes. Les brosses étaient vendues
aux consommateurs en Allemagne ou
distribuées aux soldats, au front et
dans les hôpitaux.
• 17 janvier 1943 : L’évêque de Ber-
lin, le comte Konrad von Preysing,
est le seul prélat catholique allemand
à s’opposer constamment à la
politique antijuive des nazis. Il
menace le pape Pie XII de démissionner si le comportement
collaborationniste des autres évêques
allemands ne prend pas fin.
• 18 janvier 1943 : Des déportés juifs
de Belgique arrivent à Auschwitz où
1 087 d’entre eux sont gazés. • Après
une interruption de quatre mois, les
Allemands reprennent les déportations
du ghetto de Varsovie. Les Juifs de Varsovie réagissent par leurs premiers
actes de résistance ouverte, s’exprimant
par de violents combats de rue. 1 000
Juifs sont exécutés dans les rues et
6 000 sont déportés au camp de la mort
de Treblinka. Un vieux Juif aveugle est
abattu par un SS parce qu’il ne parvient
pas à marcher sans guide. • Le poète
polonais émigré, prix Nobel, Czeslaw
Milosz – un juste chrétien – condamne
l’antisémitisme et le nationalisme qu’il
qualifie de « maux qui, comme un cancer, consument la Pologne. » Dans son
poème Campo dei Fiori, Milosz, de Varsovie, en 1943, se plaint – et ce n’est pas
une figure de style – de ce que les airs
417
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Ernst Kaltenbrunner
Le successeur de Reinhard Heydrich, Ernst
Kaltenbrunner se consacra à parachever le programme de haine de son prédécesseur.
Né près du lieu de naissance d’Hitler, Braunau, en Autriche, Kaltenbrunner, fort riche,
était diplômé en droit. Farouche antisémite, il
rejoignit le parti nazi autrichien en 1932 et
devint par la suite membre de la SS. Ses activités nazies lui valurent d’être emprisonné, mais,
avec l’Anschluss (l’annexion de l’Autriche à l’Allemagne), Kaltenbrunner reçut le poste de
ministre de la Sûreté de l’État. Il coopéra avec
son ami d’enfance Adolf Eichmann pour
contraindre les Juifs autrichiens à émigrer.
Après la mort d’Heydrich, en 1942, Heinrich Himmler nomma
Kaltenbrunner à la
tête du Bureau principal de la Sûreté en
1943.
Personnage
impressionnant avec
son immense cicatrice
au visage, Kaltenbrunner
préférait
l’ombre de l’anonymat. À la fin de la
guerre, il se cacha
dans les Alpes autrichiennes, mais fut capturé
et inculpé. Lors des procès de Nuremberg, il
plaida l’ignorance et l’innocence. Il ne put
cependant nier le fait que le poste qu’il occupa
de 1943 à 1945 lui conférait un pouvoir exceptionnel pour mettre en œuvre la « solution
finale ». Des témoins déclarèrent l’avoir vu lors
des gazages de Mauthausen, et il fut accusé
d’avoir ordonné l’exécution des prisonniers de
guerre alliés. Reconnu coupable, Kaltenbrunner fut pendu le 16 septembre 1946.
1943
418
Chef de l’administration du ghetto de Lodz, en
Pologne, Hans Biebow (à gauche) examine le butin
accumulé lors de la spoliation des Juifs sous son mandat. Biebow utilisa ses pouvoirs étendus pour
s’enrichir. Il exploita le travail des Juifs et déroba leurs
biens. Pour maximiser ses profits, Biebow fit en sorte
de conserver le ghetto ouvert jusqu’à l’été 1944.
du manège de la fête foraine et les rires
de la foule dans la partie catholique de
Varsovie couvrent les tirs des
Allemands qui abattent des Juifs dans le
ghetto.
• 19 janvier 1943 : Les nazis
effectuent une rafle dans le ghetto de
Varsovie pour la deuxième journée
consécutive ; un enfant qui pleure est
Tandis que des
Allemands de plus en
plus jeunes et de plus en
plus âgés étaient enrôlés
dans les forces armées,
les autorités nazies
exploitèrent l’immense
réservoir de maind’œuvre des pays
conquis de l’Est pour les
besoins de leur
économie. Ici, des
ouvrières d’Union soviétique sont astreintes au
travail dans l’usine
Siemens de Berlin. Elles
portent les insignes OST
les identifiant comme
Ostarbeiter, travailleurs
de l’Est.
accidentellement étouffé par sa mère
terrifiée.
• 19-22 janvier 1943 : Six mille Juifs
de Varsovie sont assassinés au camp
de la mort de Treblinka.
• 20 janvier 1943 : Dans une lettre
adressée au ministre des Transports
du Reich, le chef des SS, Heinrich
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Les nazis Hans Nelson et
Hildegard Neumann étaient en poste
à Theresienstadt, le camp / ghetto de
Tchécoslovaquie situé dans les
environs de Prague. Leur apparence
saine, nette, donne une fausse idée
de la nature de leur travail. Gardiens
du ghetto, tous deux contribuèrent à
la mort de plusieurs milliers de Juifs
emprisonnés à Theresienstadt.
Pendant les six premiers mois de
1943, les gardiens de Theresienstadt
Nelson et Neumann participèrent au
système très élaboré des déportations
des Juifs d’Allemagne, d’Autriche et
du Protectorat dans ce camp /
ghetto.
Krupp était l’une des
nombreuses entreprises
allemandes qui utilisaient
l’abondante maind’œuvre servile fournie
par le système des camps
de concentration. Cette
usine d’avions située à
Essen, faisait partie de
tout un ensemble de
grandes usines installées
par Krupp dans le Reich
et les territoires occupés.
En septembre 1944,
Krupp employait quelque
288 000 travailleurs.
Pendant les procès de
Nuremberg, les Alliés
accusèrent Alfred Krupp,
le directeur de
l’entreprise, d’avoir
exploité le travail d’environ 100 000 esclaves,
un nombre probablement
en dessous de la réalité.
Himmler, réclame des trains supplémentaires afin d’accélérer le « transfert des Juifs » à travers l’Europe.
• 21 janvier 1943 : Dans le ghetto de
Varsovie, des SS tirent dans les
fenêtres et lancent des grenades. Les
Juifs résistent et les Allemands se
retirent rapidement, laissant 12
morts derrière eux.
• 21-24 janvier 1943 : Deux mille Juifs
du camp / ghetto de Theresienstadt, en
Tchécoslovaquie, sont déportés à
Auschwitz. Environ 1 760 d’entre eux
sont gazés à leur arrivée, notamment
les patients de l’hôpital psychiatrique
d’Apeldoorn, aux Pays-Bas, ainsi qu’une
cinquantaine d’infirmières de l’hôpital
qui accompagnent les patients pour
atténuer leur terreur.
• 22 janvier 1943 : Liquidation du
ghetto de Grodno, en Biélorussie. • Au
camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau,
des jeunes filles juives allument des
bougies et accueillent le Shabbat par
des chants. • Armés de planches, de
couteaux et de rasoirs, un millier de
Juifs d’un train de la mort parti de
Grodno (Pologne), le 17 janvier, se
révoltent au camp de Treblinka.
419
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Se pressant en petits groupes,
des Juifs de Novo Moskovsk, en
Ukraine, sont déportés. Environ
400 Juifs de cette ville furent expédiés dans les camps de la mort de
Pologne, en dépit des protestations
de la Wehrmacht qui avait besoin
de trains à des fins militaires. La
rigueur de l’hiver interrompit les
transports qui reprirent à la mi-janvier 1943.
Les occupants allemands exploitaient l’antisémitisme
des Français pour inciter ces derniers à combattre pour
la cause nazie. Si les Allemands n’obtinrent jamais
toute l’aide qu’ils souhaitaient, le gouvernement de
Vichy était officiellement leur allié et fournit un certain
nombre de soldats aux nazis. Ces légionnaires
français partent pour le front russe. L’un d’eux a inscrit
les mots « Mort aux Juifs. »
Après la défaite de Stalingrad, en Russie, soldats
allemands et roumains attendent d’être envoyés dans
des camps de prisonniers de guerre. Pour lutter contre
le froid mordant, les soldats se rapprochent les uns des
autres en marchant vers une captivité qui allait s’avérer
rigoureuse. Bien peu revinrent dans leur patrie ; la plupart moururent de maladie ou de faim.
1943
420
Au matin, 1 000 Juifs et gardes qui se
trouvaient dans le train sont morts,
abattus à l’arme automatique et aux
grenades par les troupes SS de
Treblinka.
raflés à la maison de la Verdière, avenue de La Rose. Leur monitrice,
Alice Salomon, insiste pour rester
avec eux ; voir 23 mars 1943.
• 22-27 janvier 1943 : Au cours de
liennes refusent de coopérer avec les
Allemands pour déporter les Juifs de
France vivant dans les zones sous
contrôle italien. • Les forces britanniques libèrent Tripoli, en Libye.
l’opération Tigre lancée à Marseille,
les nazis s’emparent de plus de 4 000
Juifs pour les déporter. Près de là,
aux Accates, 29 enfants juifs sont
• 23 janvier 1943 : Les autorités ita-
1943
Le maréchal allemand Friedrich
Paulus (à gauche), accompagné par
deux officiers d’état-major, se dirige
vers le QG de l’Armée rouge pour
signer la reddition officielle de la
sixième armée à Stalingrad, en Russie. Paulus avait supplié Hitler d’autoriser une retraite avant qu’il ne soit
trop tard, mais le Führer avait refusé
de céder, abandonnant l’armée épuisée et affamée aux forces soviétiques
qui l’encerclaient. La « forteresse Stalingrad », comme Hitler appelait les
troupes, ne put résister à la rigueur de
l’hiver et au manque de ravitaillement
et de renforts. En dépit des ordres, et
dans l’espoir de sauver ses derniers
hommes, Paulus se rendit le 3 février.
Son état-major et lui-même
survécurent, mais pas la plupart de
ses hommes.
• 27 janvier 1943 : La huitième
• 29 janvier 1943 : Les Allemands
• 28-31 janvier 1943 : Dix mille Juifs
• 30 janvier 1943 : Ernst Kaltenbrun-
de Pruzhany, en Biélorussie, sont
déportés à Auschwitz.
MORT
ET
RÉSISTANCE
Poison blond
À la lisière d’une forêt, en Allemagne, la Schutzpolizei (police de protection) accroche une note – peut-être un ordre de confiscation – sur une
roulotte tsigane. Les Tsiganes étaient particulièrement visés par les nazis qui
voyaient en eux un danger potentiel pour la soi-disant pureté de la « race
aryenne ». L’inégalité fondamentale de la relation nazi / Tsigane apparaît
nettement sur cette photo qui montre les policiers robustes, chaudement
vêtus arrivant dans cet endroit isolé dans leur automobile moderne, face au
Tsigane inquiet, devant son domicile, une relique sur roues d’un autre âge.
USAAF (armée de l’air des ÉtatsUnis) effectue le premier raid aérien
entièrement américain sur
l’Allemagne, à Wilhelmshaven.
•
exécutent 15 Polonais du village de
Wierzbica pour avoir aidé trois Juifs.
L’une des victimes est une petite fille
âgée de deux ans.
ner est nommé par Hitler pour succéder à Reinhard Heydrich à la tête du
Reichssicherheitshauptamt (Bureau
principal de la sûreté du Reich).
Toujours en vie aujourd’hui, Stella Goldschlag était,
à l’époque, une Juive allemande d’apparence aryenne.
Dans sa jeunesse, cette
blonde bien faite, aux yeux
bleus, ne pouvait s’empêcher
de mentir et haïssait désespérément sa judéité. Menacée
de déportation vers l’Est
avec ses parents et torturée
par la Gestapo, S. Goldschlag
fit partie des
rares Juifs
qui collaborèrent avec
les nazis et
travailla
pour la Gestapo. Elle
recevait argent, nourriture et
un sursis à la déportation de
ses parents.
Usant de ses charmes, de
son incroyable mémoire et de
sa dureté, S. Goldschlag avait
pour mission de dénicher
ceux qu’on appelait les « Uboats » – des Juifs vivant à
Berlin dans la clandestinité
pendant la guerre – et d’aider
la Gestapo à les arrêter. Ces
Juifs allaient être envoyés
dans des camps d’extermination. En un seul week-end, S.
Goldschlag aida la Gestapo à
attraper 62 Juifs. Elle fut véritablement le « Poison blond »,
entraînant les Juifs à la mort.
• Février 1943 : Au début du mois,
40 000 Juifs se cachent dans les forêts
de la région de Volhynie, en Pologne.
Avant la fin de l’année, 37 000 d’entre
eux mourront de faim ou seront abattus. • À Bialystok, en Pologne, huit SS
sont tués par des membres d’un mouvement de jeunesse sioniste résistant
pour ne pas être déportés. Ces
membres sont capturés et déportés au
camp de la mort de Treblinka où ils
421
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Les partisans de Bielski
Sur les 20 à 30 000 Juifs qui combattirent
dans des groupes de partisans dans les forêts
d’Europe orientale, le groupe dirigé par Touvia Bielski (photo) était le plus important et le
plus connu. Alors que les membres de sa
famille avaient été assassinés par des Einsatzgruppen à Novogrudok, Touvia se réfugia dans
les forêts de l’ouest de la Biélorussie.
Avec ses frères Zousya, Assael et Aharon,
Touvia se procura des armes et constitua un
groupe de partisans qui atteignit les 30
membres durant l’été. Ce petit groupe de résistants dépêchaient des courriers vers les ghettos
de la région de
Novogrudok pour
recruter d’autres
Juifs dans leur mouvement. Par la
suite, le campement
de Bielski atteignit
plusieurs centaines
de familles.
Les partisans de
Bielski avaient pour
objectif premier de
protéger la vie des
Juifs.
Mais
ils
savaient aussi organiser des offensives, lançant des raids contre les
Allemands et des opérations de vengeance
contre la police et les paysans biélorusses qui
avaient aidé les nazis à massacrer les Juifs.
Irrités par les activités du groupe de Bielski,
les Allemands offrirent une importante récompense pour la capture de Touvia. Le groupe
réussit cependant à s’échapper en se retirant
profondément dans la forêt. Lorsque la région
fut libérée, à l’été 1944, les partisans de Bielski
étaient au nombre de 1 200.
Après la guerre, Touvia immigra en Palestine. Il s’installa ensuite aux États-Unis avec
deux de ses frères survivants.
1943
422
Dans l’enceinte d’Auschwitz et d’autres camps, des
êtres humains remplaçaient les animaux de laboratoire. Des opérations chirurgicales étaient pratiquées
sans scrupules sur des détenus, en bonne santé ou
malades, et les sujets étaient exposés à toutes sortes de
produits chimiques et de virus. Le typhus, la tuberculose
et la malaria étaient injectés à des prisonniers en
bonne santé. Cette photo montre les résultats d’une
substance portant le code B/F, sept jours après une
injection dans l’avant-bras d’un prisonnier.
Infirmières et médecins juifs luttaient pour soigner les
malades et les blessés dans les ghettos. On voit ici des
patients et des membres des familles dans le ghetto de
Kovno (Lituanie). Comme le personnel médical tombait
victime des maladies et de la faim, les dirigeants du
ghetto souhaitaient former des remplaçants. Une
formation médicale secrète était proposée à Varsovie,
et vraisemblablement aussi à Kovno.
attaquent des gardiens et sont tués.
Leur chef est Elyahou Boraks. • Le
camp de travail de Chrzanów, en
Pologne, est dissous et 1 000 travailleurs sont envoyés au camp de la mort
d’Auschwitz. • Les nazis créent un
camp de Tsiganes à AuschwitzBirkenau. • À Treblinka, une jeune
femme juive, déshabillée par ses ravisseurs, s’empare du fusil d’un garde
ukrainien, tue deux Allemands et en
blesse un troisième avant d’être maîtrisée. Elle est alors torturée à mort. • Les
autorités allemandes ordonnent à la
Hongrie de livrer 10 000 Juifs pour travailler dans les mines de cuivre de Bor,
en Yougoslavie ; voir septembre 1943.
• 1er février 1943 : Les nazis massa-
crent 1 500 Juifs à Minsk, en
Biélorussie, portant le nombre total
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Anna Wachalska, une non Juive,
vivait à Varsovie, au moment de
l’invasion allemande. Elle aida la
Résistance juive durant toute l’occupation nazie, allant jusqu’à donner
l’identité de sa fille décédée Stanislawa, à une jeune femme juive.
Anna Wachalska travailla aussi en
étroite coopération avec la
Résistance socialiste polonaise, établissant un lien avec les Juifs de
Varsovie. Après la guerre, Yad
Vashem lui décerna le titre de
« Juste parmi les nations ».
Par leur politique génocidaire en
Europe orientale, les nazis ne se
contentaient pas de massacrer les
gens occupant « l’espace vital » de
l’Allemagne. Des dizaines de
milliers d’Allemands émigrèrent
dans les territoires nouvellement
conquis pour en faire une province
du Volk (peuple) allemand. Cette
affiche évoque l’émigration des
Polonais contraints à partir pour
céder la place aux Allemands. Le
texte dit : « Pas à pas, l’arrivée
[des immigrants allemands] suit la
migration [des Polonais]. L’unité de
repeuplement de la police de la
Sûreté interdit toute interruption du
travail dans son secteur d’activité. »
Le 29 octobre 1942, au cours de grandes opérations menées en Pologne et
en Union soviétique, les Allemands déportèrent 3 000 Juifs de Sandomierz
(Pologne) au camp de la mort de Belzec. Le 10 novembre 1942, les Juifs qui
n’avaient pas été ramassés durant les Aktionen locales furent attirés dans un
ghetto temporaire à Sandomierz par la promesse des Allemands d’éviter la
déportation. Tout n’était que mensonge et les 6 000 travailleurs de Sandomierz
furent massacrés, début 1943. Sur cette photo, Yitzkhak Goldman, âgé de 20
ans, et sept autres Juifs sont contraints de poser pour un photographe allemand
tandis qu’ils travaillent devant une administration allemande.
de victimes dans cette ville depuis
juillet 1941 à près de 87 000.
de Kolomiya (Ukraine) ; 2 000 Juifs sont
massacrés.
• 2 février 1943 : Tournant décisif de
la guerre, la sixième armée allemande
encerclée se rend aux forces
soviétiques à Stalingrad, en Russie. La
plupart des Européens ont alors le sentiment que les Allemands ne gagneront
pas la guerre. • Liquidation du ghetto
• 4 février 1943 : Les autorités alle-
mandes convoquent les 12 membres
survivants du Conseil juif du ghetto
de Lvov. Deux ne se présentant pas
et les autres refusant d’obéir aux
ordres allemands, quatre membres
sont tués. Six sont envoyés au camp
de travail de Janówska, en Ukraine,
et les deux qui avaient refusé de se
présenter sont, par la suite,
découverts dans un quartier non juif
de Lvov et abattus.
• 5 février 1943 : À Bialystok, en
Pologne, un Juif nommé Yitzhak
Malmed résiste pour ne pas être
déporté en lançant de l’acide sulfurique
au visage du policier allemand qui
423
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
E. Baskin, opérateur radio d’un groupe de partisans
ukrainiens, écoute attentivement une émission du
Bureau d’information soviétique. Dans toute l’Europe,
et notamment en Union soviétique, les unités de partisans comptaient sur les radios pour envoyer et recevoir
des informations. En outre, la possibilité d’intercepter
les émissions militaires allemandes les aidait à échapper aussi bien à la capture qu’aux plans d’attaque de
l’ennemi.
Attendant la déportation à Auschwitz, une jeune fille
glisse son visage dans l’espace étroit entre les portes
du train pour un ultime regard sur l’extérieur. À partir
de février 1943, des trains quittèrent le camp de Westerbork, aux Pays-Bas, tous les mardis matin. Chaque
train transportait vers l’Est entre 2 et 3 000 Juifs. Il leur
avait été annoncé qu’ils allaient travailler en
Allemagne, mais la plupart des déportés suspectaient
autre chose. Les nuits du lundi se déroulaient dans la
terreur et l’angoisse, dans l’attente de savoir qui la
déportation allait atteindre.
Les conditions de vie inhumaines
créées dans les ghettos polonais et
dans les camps de concentration
allemands conduisirent certains
Juifs à se battre pour des croûtons
de pain et des morceaux de bois
de chauffage. Ici, des Juifs de Lodz
se battent pour quelques morceaux
de bois. La déshumanisation des
Juifs d’Europe produisit des
incidents déchirants qui auraient
été inimaginables dans des conditions normales. L’écrivain rescapé
Élie Wiesel rapporte l’histoire d’un
garçon qui battit son père à mort
pour obtenir une croûte de pain.
1943
424
réagit en tirant accidentellement sur un
officier de la Gestapo se tenant à ses
côtés, le tuant sur le coup. Malmed
s’échappe, mais se rend quelque temps
plus tard lorsque les Allemands menacent d’exécuter 5 000 Juifs en
représailles s’il ne se livre pas. Il est
pendu en public et son corps est exposé
à l’entrée du ghetto de Bialystok à titre
d’avertissement à tous ceux qui
auraient des velléités de résister.
• 5-12 février 1943 : En représailles à des
opérations menées par la Résistance
juive, la conjonction d’une Aktion de rue à
Bialystok, en Pologne, et de meurtres
dans le camp de Treblinka aboutit à la
mort de près de 20 000 Juifs.
• 6 février 1943 : Un appel général déli-
bérément prolongé contraint les détenus
d’Auschwitz à rester debout dans la neige
sans bouger, sans nourriture, pendant
1943
Ottó Komoly, président de la Fédération sioniste, prend la parole devant l’Assemblée générale annuelle de l’organisation à Budapest, en Hongrie. Komoly
joua un rôle important en 1943, lorsqu’il devint l’un des organisateurs de l’effort
de sauvetage des Juifs encore en vie en Pologne et qu’il les fit passer clandestinement en Hongrie, pays relativement plus sûr. Bien que l’occupation allemande
ait mis fin à ces efforts, Komoly poursuivit ses activités de sauvetage. Il s’évertua
à sauver les Juifs de Budapest des griffes des nazis et des membres fanatiques
du parti fasciste hongrois des Croix fléchées.
Cette boîte en métal faite à la
main fut conservée par William
Gruenstein tout au long de la
Shoah. Elle avait été fabriquée
par Josef Koplewicz à l’époque
où il était réduit en esclavage
avec Gruenstein dans un camp
polonais. Après avoir reçu cette
boîte, Gruenstein grava sur le
couvercle le nom des camps de
concentration nazis dans lesquels
il avait été détenu. En
s’accrochant à cet objet en métal
qu’il aimait, le seul bien qu’il
possédait, Gruenstein empêchait
les nazis de le priver de son
humanité et de sa spécificité.
plus de 13 heures. Un grand nombre
meurent sur place et plusieurs autres,
trop faibles pour se précipiter dans les
baraquements à la fin de la journée, sont
envoyés à la chambre à gaz. • Heinrich
Himmler, chef des SS, reçoit un rapport
sur les quantités d’objets pris aux Juifs à
Auschwitz et dans d’autres camps de la
région de Lublin. Parmi les articles mentionnés : 155 000 manteaux de femmes,
132 000 chemises d’hommes et plus de 3
tonnes de cheveux de femmes.
• 8 février 1943 : L’Armée rouge s’empare
d’une importante garnison allemande à
Koursk, en Russie ; voir 5 juillet 1943.
• 8-26 février 1943 : Une Aktion
allemande contre les partisans soviétiques
des marais du Pripet, en Ukraine, permet
de s’emparer de huit mitrailleuses, 172
fusils, 14 revolvers, 150 grenades à main
et huit mines terrestres. Les troupes allemandes repartent également avec plus de
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Samuel Artur
Zygelbojm
Alors que certains Juifs
choisissaient de se suicider
pour mettre fin à leurs souffrances, d’autres en faisaient
un mode de protestation.
Samuel Zygelbojm se suicida
pour protester contre l’indifférence du monde à l’égard
des Juifs.
Membre
du
premier
Conseil juif du ghetto de Varsovie, Zygelbojm lança des
appels à la résistance lorsque
les autorités
nazies exigèrent que les
Juifs de Varsovie emménagent dans
un
ghetto
inadapté
à
leur nombre.
Traqué par la Gestapo, Zygelbojm s’enfuit en Belgique et
rejoignit par la suite le gouvernement polonais en exil à
Londres. Il œuvra fébrilement
pour obtenir le soutien militaire des Alliés en faveur de la
Résistance du ghetto, en vain.
Lorsqu’il apprit la mort des
combattants du ghetto en
1943, notamment sa femme et
son fils, il se suicida.
Dans sa lettre d’adieu,
Zygelbojm décrivit son suicide
comme une protestation
« contre l’apathie avec laquelle
le monde considère le massacre du peuple juif et s’y
résigne. »
550 chevaux, 9 578 bovins, 844 porcs,
5 700 moutons et 233 tonnes de céréales.
2 219 Juifs sont tués sur place ; 7 378
reçoivent un « traitement spécial »
(déportation et extermination). Les pertes
allemandes au cours de cette action : 2
morts et 12 blessés.
• 10 février 1943 : Un télégramme
rédigé par plusieurs responsables du
Département d’État américain est
425
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
L’artiste américain Gideon
exprima par son art les horreurs de
la guerre et les atrocités nazies.
L’utilisation qu’il fait de la couleur,
de la texture et des images
obsédantes communiquent la souffrance et les tortures de ceux qui
furent pris dans la tourmente nazie.
Les visages tragiques de cette
œuvre d’art presque monochromatique juxtaposés aux chaînes et aux
barbelés évoquent le motif de la
prison associé au nazisme. Les couleurs brillantes de la deuxième
œuvre suggèrent l’intense chaleur
de l’enfer que fut Auschwitz.
1943
426
adressé à la légation des États-Unis à
Berne (Suisse). Ce télégramme suggère
que le consul américain à Berne ne
devrait plus transmettre d’informations
sur les atrocités subies par les Juifs « à
des personnes privées aux États-Unis. »
Il est envoyé par Breckinridge Long,
Ray Atherton, James Dunn, Elbridge
Durbrow et John Hickerson. Le
ministre des Finances Henry Morgenthau qualifiera ultérieurement ce télé-
gramme de « document le plus pervers
que nous ayons jamais lu », conçu « par
des hommes diaboliques » et destiné à
supprimer toute information sur la
« solution finale ». « Nous n’abattons
pas [les Juifs]. Nous laissons les autres
les abattre et nous les laissons mourir
de faim. » Morgenthau observe que
« lorsqu’on considère les choses, l’attitude [du Département d’État] à ce jour
n’est guère différente de celle
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
PRINCIPALES DÉPORTATIONS DES JUIFS À
TREBLINKA, 1942–1943
N
Grodno GRANDE
ALLEMAGNE
Vi
s
Narew
Treblinka
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ul e
Dobre
Warsaw Mińsk Mazowiecki Warta
Bialystok
Miedzyrzec
Parczew
Serokumla
Kock
Stoczek
Bug
Piotrków
Trybunalski Siedlce
Radom
100 miles
0
150 kilomètres
r
de
O
UKRAINE
Kielce
Czestochowa 0
Wloszczowa
GENERALGOUVERNEMENT
Ghettos d’où les Juifs furent
déportés à Treblinka
SLOVAQUIE
Plus de 700 000 Juifs périrent au camp de la mort de Treblinka. La plupart venaient de grands ghettos comme ceux de Varsovie (250 000 durant
l’été 1942) et Bialystok, tandis que les autres subissaient les longs trajets en
train (ou en mouraient) depuis la Tchécoslovaquie, la Grèce et d’autres
pays. Les déportations vers Treblinka prirent fin en mai 1943.
Shlomo Perel, un Juif allemand,
prit le nom de Josef Perjell pour fréquenter l’école Adolf Hitler de
Braunschweig. Cacher son identité
juive était toute une affaire, notamment pour les hommes vivant en
collectivité. Perel se donna
beaucoup de mal pour dissimuler
sa judéité, y compris en tentant de
supprimer sa circoncision, signe
évident, à l’époque, de son identité
juive. Les exploits de Perel sont
décrits avec éclat dans le film
Europa, Europa.
Ce petit mot, écrit par une chrétienne, Maria Dawelec, dit : « Baptisées, Mania et Wanda. S’il vous
plaît, occupez-vous d’elles. » Maria
Dawelec laissa ce petit mot à côté
de deux petites filles juives, dans la
cour d’un monastère. Le véritable
nom de l’une des enfants était Tamy
Lavee. Tamy fut par la suite
envoyée dans un orphelinat à Lodz,
en Pologne, où elle survécut à la
guerre.
d’Hitler. » L’assistant du ministre Morgenthau, Randolph Paul, décrit les
fonctionnaires du Département d’État
chargé de la politique des réfugiés en
Amérique comme un « mouvement
clandestin… pour laisser les Juifs être
massacrés. »
• 11 février 1943 : Sur les 998 Juifs
déportés de France à cette date, dix
seulement seront encore vivants à la
fin de la guerre, deux ans plus tard.
Les 998 personnes comprenaient 123
enfants âgés de moins de 12 ans,
envoyés sans leurs parents. 802 Juifs
furent gazés dès leur arrivée à Auschwitz.
• 12 février 1943 : Trois Juifs français
s’évadent d’un train en route pour
Auschwitz, à la frontière française,
mais sont repris et contraints de
poursuivre le voyage.
• 13 février 1943 : Un groupe de partisans juifs agissant près de Bialystok,
en Pologne, sous la direction d’Eli
Baumats, attaque un détachement de
la police allemande à Lipowy Most,
en Pologne. • L’artiste russe Aizik
Feder, ancien élève de Matisse, est
427
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Le général SS Theodor Eicke commandait le camp de concentration de
Dachau. Avant sa mort dans un accident d’avion sur le front Est, le 16
février 1943, il fonda et entraîna
l’unité SS des Têtes de mort et fut inspecteur général des camps de
concentration. Venant immédiatement
derrière Heinrich Himmler quant à
l’influence exercée sur le réseau des
camps de concentration, il ordonna
que la phrase Arbeit Macht Frei (Le
travail rend libre), d’une amère dérision, soit inscrite à l’entrée des camps
de concentration. Il voulait faire des
SS des hommes durs et impitoyables ;
ceux qui ne correspondaient pas à
ces critères étaient envoyés « vivre
dans un monastère. »
Peter Bergson (Hillel Kook)
dirigeait un groupe de sionistes
connu aux États-Unis sous le nom de
Comité d’urgence pour sauver les
Juifs d’Europe. Pendant la guerre, le
groupe de Bergson finança des publicités dans les journaux et organisa
des présentations théâtrales destinées
à montrer aux Américains ce qu’était
la « solution finale ». Les dirigeants
conservateurs de la communauté
juive américaine déplorèrent cette
volonté de recourir à des tactiques à
sensation pour susciter la sympathie
en faveur des Juifs d’Europe.
Ce document calcule la valeur
du travail effectué par les
prisonniers dans un camp de
concentration nazi. Des rapports
détaillés évaluaient le coût du
« maintien » en vie des individus
comparé à la richesse produite par
chacun, ce qui montre bien que les
camps de concentration étaient
principalement conçus comme des
réservoirs de main-d’œuvre servile.
Le plus souvent, cependant, la
volonté des nazis d’exterminer tous
les Juifs l’emporta sur les considérations économiques.
1943
428
l’un des 1 000 Juifs déportés de
Drancy au camp de la mort d’Auschwitz. Il fait partie des quelque 690
Juifs gazés dès l’arrivée au camp.
• Amon Leopold Goeth devient commandant du camp de concentration
de Plaszów. • Les Juifs de Djerba, en
Tunisie, sont contraints de verser 10
millions de francs aux autorités allemandes.
• Le New York Times rapporte que le
gouvernement roumain propose aux
Alliés des bateaux roumains pour
transporter 70 000 Juifs là où le souhaiteront les Alliés. N’est réclamée
qu’une taxe de départ pour couvrir
les frais de la traversée. Le Département d’État des États-Unis ne tient
pas compte de cette offre. Le ministère britannique des Affaires
étrangères la rejette, craignant qu’il
1943
« Liberté ».
—Mot inscrit sur un morceau de papier laissé
dans sa cellule par la résistante de la Rose
blanche, Sophie Scholl, le jour de son
exécution, le 22 février 1943.
Étudiant
non juif
vivant à
Munich,
Hans Scholl
fut bouleversé
par le maelström de brutalité qui
frappa les
Juifs, les communistes et
les sociauxdémocrates
allemands.
En 1942, il
déclara à un
membre de
sa famille :
« il est temps
que les chrétiens fassent enfin quelque chose. » Avec l’encouragement d’un résistant du nom de Falk Harnaek, Hans
fonda un groupe de résistance dans le milieu étudiant,
la Rose blanche. À partir de l’université de Munich,
Hans, sa jeune sœur Sophie et d’autres membres de la
Rose blanche produisirent des brochures violemment
antinazies qui furent distribuées dans les universités
d’Allemagne. Il fut arrêté avec sa sœur Sophie à l’université de Munich, le 18 février 1943. Condamnés à
mort, ils furent décapités le 22 février. Dans la salle
d’audience, une fois le verdict rendu, Hans dit calmement à son frère Werner : « Reste fort – pas de
compromis. »
ne s’agisse d’un chantage de la part
de l’Allemagne et de ses satellites du
sud-est de l’Europe visant à se débarrasser de tous leurs nationaux indésirables (c’est-à-dire les Juifs) dans
d’autres pays (autrement dit les
Alliés). Pour la Grande-Bretagne, il
est hors de question que la Palestine
soit une destination. Pour les Alliés,
seule leur victoire peut aider les
Juifs ; voir 16 février 1943.
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La Rose blanche
En 1942, Hans Scholl, un jeune chrétien de
25 ans, étudiant en médecine à l’université de
Munich, fonda le groupe de Résistance appelé
la Rose blanche avec sa sœur Sophie, âgé de 22
ans (photo). Ils avaient pour objectif de produire
des brochures antinazies et de les diffuser dans
les universités en Allemagne. S’ils étaient pris,
ils le paieraient de leur vie.
Des agents de la Gestapo arrêtèrent les Scholl
à l’université de Munich,
début 1943, après qu’un
portier eut aperçu Hans
et Sophie en train de
vider une valise pleine de
brochures antinazies dans
les couloirs de l’université.
Bien que les Scholl n’aient
rien révélé à leurs tortionnaires, leurs compatriotes de la Rose blanche –
le professeur Kurt Huber et les étudiants Christopher Probst, Willi Graf et Alexander Schmorell – furent bientôt arrêtés eux aussi. Des
récits recueillis ultérieurement sur la torture et
la captivité des Scholl affirment que les jeunes
gens conservèrent leur courage avec constance,
se résignèrent à leur sort, tout en défendant
leur cause.
Les Scholl furent jugés par le Volksgerichtshof
(tribunal du peuple), dirigé par le tristement
célèbre Roland Freisler. Ce fut une parodie de
procès – ce qui n’a rien d’étonnant – et les Scholl
furent condamnés à la décapitation.
Selon sa sœur Inge, Sophie Scholl vécut ses
dernières heures avec une étrange sérénité.
Elle laissa derrière elle dans sa cellule un morceau de papier sur lequel elle avait écrit le mot
« Liberté. » Elle mourut le 22 février 1943, peu
avant Hans. Sur le mur de sa prison, celui-ci
avait inscrit : « Rester insoumis devant un pouvoir écrasant. » Quelques secondes avant que la
hache du bourreau ne tombe, Hans Scholl
s’écria : « Vive la liberté ! »
• 14-25 février 1943 : Américains et
Allemands s’affrontent dans la bataille
du col de Kasserine, en Tunisie.
• 16 février 1943 : Un petit groupe de
Juifs de Palestine, les Bergson Boys
font campagne aux États-Unis pour
tenter d’aider les Juifs européens.
Leur dynamique militantisme inquiète
plusieurs organisations juives
américaines qui redoutent que cette
tactique ne stimule un antisémitisme
déjà à son niveau le plus élevé dans
l’histoire des États-Unis. Les Boys
publient sur une page cette publicité :
« À vendre à l’humanité / 70 000 Juifs /
garantis êtres humains à 50 dollars
pièce. » Cette publicité parue dans le
New York Times donne aux Américains
la possibilité de payer la rançon de
70 000 Juifs roumains ; voir 9 mars
1943.
429
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Les alliés de l’Allemagne jouèrent
un rôle important dans le déroulement
de la Shoah. Cet accord, signé par le
commissaire bulgare aux Affaires
juives Aleksander Belev et le plénipotentiaire SS Haupsturmführer Theodor
Dannecker, porte sur la déportation
en Europe orientale de 20 000 Juifs
de Thrace et de Macédoine,
provinces récemment annexées par la
Bulgarie. En arrivant dans l’Europe
occupée, les Juifs étaient massacrés
par les nazis.
Après leur humiliante défaite devant les forces allemandes, en février
1943, les forces américaines, épaulées par les troupes britanniques du
général Harold Alexander, se reprennent au col de Kasserine et empêchent
les Allemands de s’emparer de Tébessa, en Algérie. Si les Allemands
avaient réussi, ils auraient empêché la jonction des forces britanniques et
américaines, tactique fondamentale pour remporter la victoire en Tunisie.
Ici, des soldats américains récupèrent du matériel.
Janine Putter, petite réfugiée de
France, allume l’une des bougies
commémoratives lors d’un office de
protestation se déroulant le 22
février 1943, au Mecca Temple de
New York. Plus de 3 000 enfants
de 518 écoles religieuses de la
région de New York assistèrent à
cette manifestation destinée à protester contre le traitement réservé
aux enfants dans l’Europe occupée
par les nazis.
1943
430
• 16 février 1943 : Mort de Theodor
Eicke, inspecteur des camps de concentration, dans un accident d’avion.
• 18 février 1943 : Les activités anti-
nazies de la Rose blanche à Munich,
en Allemagne, aboutissent à l’arrestation de deux étudiants, frère et sœur,
de l’université de la ville, Hans et
Sophie Scholl ; voir 22 février 1943.
• 20 février 1943 : La construction
du four crématoire II est achevée à
Auschwitz-Birkenau, ce qui permet
de brûler 1 440 corps par jour.
• 22 février 1943 : Décapitation à
Munich de Hans et Sophie Scholl (frère
et sœur), dirigeants du mouvement de
résistance estudiantine, la Rose
blanche ; voir mi-juillet 1943. • Extermination de la communauté juive de
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La protestation de
la Rosenstrasse
La résistance contre les envahisseurs allemands fut
particulièrement forte en Union soviétique où les nazis
menèrent une politique d’occupation barbare. Ces
cinq Soviétiques furent pendus à Kharkov. La pancarte
accrochée à leur cou dit : « châtiment pour avoir fait
exploser des mines. » Ces actes de sabotage
contribuèrent à renverser la tendance sur le front oriental et par la suite à vaincre le Troisième Reich.
L’un des actes de résistance les plus efficaces
contre la tyrannie nazie eut lieu début 1943.
Plusieurs centaines de Juifs mariés à des chrétiennes furent arrêtés et internés au centre
communautaire juif de la Rosenstrasse, au cœur
du vieux Berlin, mais les réclamations incessantes de leurs épouses aboutirent à leur libération. Le succès singulier de cette protestation
allemande en masse contre la déportation des
Juifs allemands soulève une question obsédante : qu’aurait-il pu se produire si davantage
d’Allemands avaient agi de la même façon ?
Cet épisode remarquable commença lorsque
les derniers Juifs demeurant à Berlin furent
rassemblés, le 27 février 1943. Ceux qui étaient
mariés à des non juives furent amenés dans la
Rosenstrasse. « Une chaîne téléphonique » de
couples mixtes répandit la nouvelle et bientôt,
les épouses anxieuses se présentèrent à la
Rosenstrasse. Elles réclamèrent des informations sur leurs maris, apportèrent des vivres et
insistèrent pour que les hommes soient libérés.
Enjointes de se disperser et menacées par
des armes à feu, elles persistèrent dans leurs
demandes. La protestation prit fin lorsque
Joseph Goebbels et d’autres membres de la hiérarchie nazie, de plus en plus inquiets à l’idée
de troubles intérieurs, firent libérer les Juifs.
En mars 1943, 4 000 Juifs de Thrace, région de
Grèce contrôlée par la Bulgarie, furent rassemblés et
envoyés à la mort à Treblinka. Une semaine plus tard,
7 000 autres Juifs de la région voisine de Macédoine, en
Yougoslavie, furent expédiés dans une entreprise de tabac
dont les bâtiments furent convertis en camp de concentration (photo). Les Juifs y furent détenus quelques semaines,
puis envoyés à Treblinka. Bien peu survécurent.
Stanislawów, en Ukraine. • La Bulgarie
signe un accord avec l’Allemagne pour
autoriser la déportation de 20 000 Juifs
de deux régions désormais sous son
contrôle, la Macédoine, précédemment
yougoslave, et la Thrace, auparavant
sous domination grecque. Environ
11 000 Juifs seront en fait déportés (en
mars). • À Lyon, les autorités militaires
italiennes ordonnent au chef de la
police locale d’annuler un ordre
allemand concernant la déportation au
camp d’extermination d’Auschwitz de
plusieurs centaines de Juifs.
• 23 février 1943 : La 16e division
(lituanienne) de l’Armée rouge, qui
comprend de nombreux Juifs,
attaque une armée allemande supérieure en nombre en Ukraine.
• 24 février 1943 : Création d’un
ghetto à Salonique, en Grèce.
• 27 février 1943 : Les troupes SS commencent à rassembler des travailleurs
juifs à Berlin pour les envoyer dans les
camps de la mort de l’Est.
• 27 février-début mars 1943 : Les
travailleurs juifs rassemblés à Berlin
431
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Les sauveteurs
Pendant la Shoah, les efforts
investis en vue de sauver les Juifs
furent loin d’être suffisants.
Cependant, alors que les gouvernements, les Églises et les conférences
internationales
ne
parvinrent pas à empêcher les
nazis de massacrer six millions de
personnes, quelques milliers d’individus sauvèrent effectivement
des Juifs.
Des personnes de tous les
milieux affrontèrent d’immenses
dangers pour venir en aide aux
Juifs persécutés. Les efforts de
sauvetage varièrent en fonction
de la géographie, mais aussi en
fonction des difficultés rencontrées. L’activité des sauveteurs
dépendait non seulement de
l’étendue du contrôle d’une
région par les nazis, mais également de l’attitude hostile ou sympathisante des populations
autochtones. Par ailleurs, les sauveteurs n’agissaient pas tous par
conviction morale. Certains n’offrirent leur aide qu’en échange
de sommes exorbitantes.
Dans l’Europe occidentale
occupée, en particulier au Danemark, en Belgique, en
France et en Italie, les opérations menées réussirent à
sauver d’importants pourcentages des communautés
juives de chaque nation. Les
citoyens danois organisèrent
des flottilles de bateaux de
pêche pour évacuer la quasitotalité des Juifs du pays
vers la Suède, pays neutre.
En France, divers groupes
1943
432
et individus sauvèrent quelque
7 000 enfants, souvent en les
acheminant en Suisse et en
Espagne. Des dirigeants catholiques et protestants, des paysans,
ainsi que des organisations juives
comme l’OSE (Œuvres de
Secours aux enfants) et les EIF
(Éclaireurs israélites de France)
participèrent au sauvetage. Germaine Le Henaff (photo), directrice d’une maison d’enfants,
cacha plusieurs Juifs au Château
de la Guette.
L’organisation de résistance
dite Réseau Garel sauva de nombreux enfants détenus dans des
camps de transit nazis et les plaça
dans des foyers d’accueil. Dans la
France de Vichy, les villageois du
Chambon-sur-Lignon donnèrent
abri à des milliers de Juifs jusqu’à
ce que des membres de la Résistance puissent les faire passer en
Suisse.
En Europe orientale, l’emprise allemande plus directe et
des attitudes violemment antisémites entravèrent davantage le
sauvetage des Juifs. En Pologne,
l’aide organisée fut très réduite,
qui avaient des épouses chrétiennes
sont libérés après les protestations
publiques de ces dernières et de
leurs enfants devant le siège de la
Gestapo à Berlin, dans la
Rosenstrasse. La libération est ordonnée par le ministre de la Propagande
Joseph Goebbels, et plus tard
approuvée par Hitler en personne
qui redoutait des désordres publics.
mais des milliers d’individus aidèrent les Juifs, en particulier à
Varsovie, en 1942-43. Parmi les
groupes qui proposèrent un soutien : le mouvement scout catholique et Zegota (Conseil d’aide
aux Juifs). Au sein de l’Église
catholique polonaise, certains
insistèrent pour sauver des Juifs.
À Lvov, Leopold Socha cacha 21
Juifs dans le système d’égouts de
la ville.
Des organisations internationales, dont l’American Jewish
Joint Distribution Committee, le
Congrès juif mondial et le War
Refugee Board soutinrent des
actions, clandestines ou non, afin
de sauver autant de Juifs que
possible. Elles établirent des
contacts secrets avec les communautés juives d’Europe occupée,
échangèrent des informations
indispensables, trouvèrent des
fonds, élaborèrent des plans
d’émigration et encouragèrent
les tentatives d’évasion.
Raoul Wallenberg, membre de
la légation suédoise en Hongrie,
délivra des passeports et organisa
des abris, des vivres et des médicaments pour des milliers de
Juifs hongrois. Plusieurs milliers d’autres héros discrets,
mais dont le rôle fut déterminant – qu’il s’agisse de
paysans et d’ouvriers ou de
professeurs et de patrons
d’usines (comme Oskar
Schindler) – dupèrent la
Gestapo en cachant et en
protégeant des Juifs.
• Mars 1943 : 850 Juifs de Poznan, en
Pologne, sont déportés au ghetto de
Lodz. Quelques-uns sont astreints au travail dans une usine de chaussures, mais
les autres sont voués à la mort dans l’Est.
• Dans le ghetto de Varsovie, trois enfants
orphelins – Matti Drobless, 12 ans, sa
sœur âgée de 14 ans et son petit frère de
9 ans, s’évadent par les égouts. • Près de
5 700 Juifs du camp de transit de Wester-
1943
Miriam Szyfman-Fainer et Moyshe
Koyfman, membres du Bund,
marchent dans les rues du ghetto de
Varsovie. Le Bund était une organisation socialiste juive qui entretenait des
relations épisodiques mais cordiales
avec le mouvement socialiste en
Pologne. Dans les ghettos du pays,
les membres du Bund participèrent
activement aux mouvements de Résistance. M. Szyfman-Fainer et Koyfman
périrent tous deux dans le
soulèvement du ghetto de Varsovie.
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Surmontée de fil barbelé, la porte de Vilnius séparait le ghetto du reste
de la ville. En septembre 1941, les Allemands créèrent deux ghettos à Vilnius, mais, en quelques semaines, ils liquidèrent le plus petit dont les
membres n’avaient pas de Schein (permis de travail). Pendant environ un
an, à partir du printemps 1942, les grandes déportations cessèrent et les
habitants du ghetto tentèrent d’assurer leur survie en produisant des biens
pour l’effort de guerre allemand. Ce dessin de Z. Weiner date de 1942-43.
Une file de personnes condamnées
s’allonge devant les chambres à gaz
d’Auschwitz-Birkenau. Exténuées par
leurs interminables voyages depuis
des villes et villages éloignés, les victimes des convois devaient se présenter à leur arrivée devant Josef
Mengele qui, d’un léger mouvement
du doigt, décidait de la mort ou de la
vie. La résistante française Charlotte
Delbo, emprisonnée à Auschwitz,
décrivit la gare comme un endroit où
arrivée et départ sont équivalents.
bork, aux Pays-Bas, sont déportés au
camp de la mort de Sobibor, en Pologne.
• Plusieurs milliers de Juifs sont abattus à
Minsk, en Biélorussie ; 50 s’échappent et
rejoignent le groupe de partisans « Vengeance ». • L’armée bulgare aide les nazis
à déporter les Juifs de Macédoine et de
Thrace dans les camps de la mort en
Pologne. • L’extermination est provisoirement interrompue au camp de la mort de
Chelmno, en Pologne ; voir 23 juin 1944.
• Mars-juillet 1943 : Au camp de la
mort de Treblinka, les SS s’efforcent
de supprimer toute trace de l’extermination en masse.
• Début mars 1943 : Les Juifs de
Thrace et de Macédoine sont arrêtés
et transportés par trains et par
péniches au camp de la mort de Treblinka.
• 1er mars 1943 : Déportation à
Auschwitz d’une centaine de Juifs de
Paderborn, en Allemagne. • Grand
rassemblement à Madison Square
Garden sur le thème « Arrêter Hitler
maintenant ».
433
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Les derniers Juifs de Kolomyia, en
Ukraine, sont massacrés en mars
1943. Quelques années auparavant,
le gouverneur hongrois avait
empêché les Ukrainiens d’assassiner
les Juifs, mais les liquidations
commencèrent en 1942. Cette photo
montre plusieurs dizaines de corps
des victimes alignées sur le sol. Une
Ukrainienne compatissante semble
contempler les corps avec tristesse.
À Marseille, des soldats allemands
contraignent des Juifs à monter dans
des wagons de marchandises à destination de Drancy ou Compiègne.
Quatre mille Juifs furent déportés au
cours de l’Aktion de mars 1943. En
1942, Mgr Jean Delay, archevêque
de Marseille, déclara que son gouvernement avait raison de se défendre
contre les Juifs qui, selon lui, avaient
causé beaucoup de tort et devaient
être durement châtiés.
1943
434
Devant les drapeaux des Nations unies et une gigantesque réplique des
Tables des dix commandements, le spectacle juif We will never die (Nous ne
mourrons jamais) débuta à New York, le 9 mars 1943. Des acteurs juifs américains comme Edward G. Robinson, Paul Muni et Sylvia Sidney jouaient dans la
pièce. Finalement, plus de 100 000 Américains, dont de nombreux
responsables du gouvernement, virent ce spectacle. La pièce était sponsorisée
par des Juifs palestiniens appelés les Bergson Boys qui travaillaient aux ÉtatsUnis pour faire connaître le sort tragique des Juifs européens. Ils ne parvinrent
cependant pas à infléchir la politique américaine.
• 4 mars 1943 : Le célèbre peintre
Hermann Lismann est déporté au
camp de la mort de Majdanek.
• 5 mars 1943 : Environ 1 300 Juifs
sont exterminés près du ghetto de
Khmelnik (Ukraine). À cause de ses
contacts avec la Résistance juive locale,
Shmouel Zalcman, président du
Conseil juif de Khmelnik, est traîné
derrière une charrette tirée par un
cheval jusqu’à ce que mort s’ensuive.
• 6 mars 1943 : Vingt jeunes Juifs
s’évadent du ghetto de Swieciany, en
Ukraine, dans les forêts voisines.
• 7 mars 1943 : Extermination de la
communauté juive de Radoszkowice,
en Biélorussie.
1943
Dimitur Peshev,
vice-président de
l’Assemblée
nationale
bulgare, fit partie
de la délégation
de députés élus
par les citoyens
de Kyustendil
pour protester
contre l’ordre
d’évacuation de
la population
juive locale. Les
députés soumirent
une protestation
au parlement,
mais la retirèrent
après les pressions exercées par le roi. Peshev refusa
de retirer sa signature, ce qui lui valut d’être limogé de
son poste, mais les ordres de déportation des Juifs de
Kyustendil furent annulés.
Même dans les conditions prévalant à Belzec, des
prisonniers juifs tentèrent d’observer quelques vestiges
des pratiques religieuses d’avant-guerre. Ces coupes
de kiddoush retrouvées dans le camp étaient utilisées
pour célébrer le Shabbat. De tels rituels étaient interdits
dans le camp et passibles de mort. Des Juifs,
cependant, ressentaient le besoin d’observer leurs lois
religieuses précisément dans des circonstances aussi
éprouvantes.
• 8-13 mars 1943 : Des Juifs font partie de la force de l’Armée rouge qui
organise une vaste offensive contre
les Allemands à Sokolov, en Russie. À
la fin des combats, on recense trois
cents victimes juives, dont 140 morts.
• 9 mars 1943 : Première du
spectacle des Bergson Boys, We Will
Never Die, (Nous ne mourrons
jamais). Plus de 100 000 Américains,
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La Bulgarie et la Shoah
La Bulgarie, pays balkanique de la mer Noire,
est entourée par la Turquie, la Roumanie, la Yougoslavie et la Grèce. En 1939, le gouvernement
bulgare chassa les Juifs étrangers du pays, tandis
que la radio et la presse du pays exprimaient des
sentiments antisémites. La même année, le
ministère britannique des Affaires étrangères
avertit les Bulgares que si les Juifs bulgares
étaient acheminés en Palestine, les Britanniques
« attendraient du gouvernement bulgare qu’il
reprenne les immigrants. »
Les nazis exercèrent des pressions sur la
Bulgarie pour qu’elle s’allie à l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale – alliance qui
effraya les 50 000 Juifs séfarades bulgares qui
constituaient 10% de la population du pays.
Sous la pression des Allemands, le gouvernement bulgare adopta des lois antisémites qui
furent soutenues par certains groupes économiques, ainsi que par des organisations militaires de droite. Bien que l’antisémitisme fût
très répandu, le
clergé, la monarchie, le parlement
et
les
travailleurs de la
nation empêchèrent les SS allemands
de
déporter la majeure partie des Juifs bulgares.
Près de 12 000 Juifs vivant dans les régions que
les Allemands avaient accordées à la Bulgarie
(Thrace et Macédoine) furent cependant rassemblés et envoyés à la mort dans le camp de
Treblinka.
De septembre 1944 à avril 1945, la Bulgarie
mena la guerre contre l’Allemagne. L’armée
bulgare, qui comprenait des Juifs, combattit les
Allemands en Yougoslavie et en Hongrie.
dont plusieurs responsables du gouvernement, assistent au spectacle.
•10 mars 1943 : Les SS exigent la déportation en Pologne de tous les Juifs
bulgares, mais le gouvernement bulgare
résiste grâce à l’ambivalence du roi, et
grâce aux protestations du clergé, du
monde paysan et de certains
intellectuels. En dépit des protestations,
quelques Juifs bulgares sont exilés dans
des camps de travail à Radomir et Samovit, en Bulgarie. Aucun, cependant, n’est
déporté, et la population juive de Bulgarie continuera à augmenter pendant la
guerre.
• 13 mars 1943 : Tentative d’attentat
à la bombe contre Hitler, mais les
explosifs, camouflés par le général
Henning von Tresckow sous l’allure
de bouteilles de cognac, n’explosent
435
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Les organisations juives
américaines
Tout au long de la Seconde Guerre mondiale,
des organisations juives américaines déployèrent
des efforts incessants, mais d’une efficacité relativement limitée, pour sauver les Juifs d’Europe.
Leurs campagnes s’intensifièrent en 1943, lorsque
les rapports sur les programmes génocidaires
d’Hitler furent confirmés.
Les principales organisations juives américaines, sous la direction du rabbin Stephen
Wise, organisèrent des manifestations et exercèrent des pressions sur les responsables du
gouvernement. La manifestation « Stop Hitler
Now » (Arrêter Hitler maintenant), organisée à
New York le 1er mars 1943 par l’American
Jewish Congress, attira quelque 75 000 personnes. La foule écouta les discours prononcés
par les dirigeants de l’American Federation of
Labor, le Congress of Industrial Organizations
et autres associations non juives.
Un groupe plus radical, le Committee for a
Jewish Army (CJA) tenta de servir de médiateur
dans une opération de sauvetage des Juifs roumains. Il publia dans les grands journaux des
annonces publicitaires proclamant que la
liberté de 70 000 Juifs pouvait être achetée
pour 50 dollars par personne. Indépendamment du choc délibéré, la publicité visait à
montrer que le sauvetage des Juifs était une
question de volonté des Alliés.
Le 15 mars 1943, huit grandes organisations
juives créèrent le Joint Emergency Committee
on European Affairs (JEC) qui eut pour mission
de développer les campagnes d’information
auprès de l’opinion publique afin d’inciter le
Congrès des États-Unis à soutenir des opérations de sauvetage et à organiser des conférences à haut niveau en faveur des Juifs
européens. Le président Franklin Roosevelt
finit par créer le War Refugee Board, mais pas
avant janvier 1944, soit 14 mois après avoir été
mis au courant de la « solution finale ».
1943
436
Général de division
de l’armée allemande,
Henning von Tresckow
rejoignit le mouvement
d’opposition à Hitler.
Tout en servant sur le
front russe, Tresckow
était convaincu que la
campagne était vouée
à l’échec et qu’Hitler
devait être destitué. Il
fut impliqué dans la tentative manquée d’attentat contre Hitler, à
Smonlensk (Russie), en
mars 1943 ; une bombe composée de plastic camouflée dans des bouteilles de cognac n’explosa pas dans
l’avion personnel du Führer. Après l’échec du complot
pour tuer Hitler en juillet 1944, Tresckow se suicida.
Accompagné par des officiers supérieurs allemands,
Jozef Tiso engage une conversation amicale avec Hitler.
Dirigeant de la Slovaquie, Tiso autorisa la déportation des
Juifs, alors qu’il aurait pu intervenir et l’avait fait dans
quelques cas. Quelque 25 000 Juifs vivaient encore en
Slovaquie, mais les déportations furent interrompues en
mars 1943, peut-être parce que les nazis souhaitaient en
priorité « débarrasser » d’autres régions de leurs Juifs ou
peut-être parce que bon nombre de ces derniers étaient
des travailleurs qualifiés jugés « utiles ».
pas à bord de l’avion privé d’Hitler.
• Les SS créent Ostindustrie GmbH
(société Industrie de l’Est) en
Pologne pour organiser et exploiter
le travail servile à Lublin et dans les
environs. Le projet est supervisé par
Odilo Globocnik.
• 14 mars 1943
: Deux mille Juifs de
Cracovie, en Pologne, sont
rassemblés pour la déportation.
Avant le départ du train pour Auschwitz, des centaines de petits enfants
et de personnes âgées sont assassinés
dans les rues et dans les fossés à l’extérieur de la rue. Les patients de
l’hôpital juif de Cracovie sont massacrés par des agents de la Gestapo.
• 15 mars 1943
: Début des déportations à Auschwitz des Juifs de
1943
Parmi des sacs contenant toutes
sortes d’articles, une femme juive du
camp de la mort de Chelmno trie les
vêtements arrivés avec les convois,
vêtements qui seront expédiés dans
des entrepôts près de Lodz, en
Pologne. À partir de mars 1943, les
convois à Chelmno cessèrent lorsque
le camp atteignit son objectif : massacrer la majeure partie des Juifs du
Warthegau, l’ancien territoire polonais annexé au Reich. Les meurtres
reprirent un an plus tard, lorsqu’il fut
décidé de gazer les prisonniers du
ghetto de Lodz.
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Cinq soldats
allemands observent les corps de
deux civils russes
qu’ils viennent
d’exécuter. Bien
que théoriquement
protégés par les
lois de la guerre,
les civils du front
de l’Est devinrent
fréquemment la
cible des
Allemands. Les
nazis se
montraient
impitoyables pour
quiconque était
suspecté d’être un
partisan ou
d’avoir aidé les
résistants.
Wilhelm Boger (à droite) était
généralement considéré comme le
garde d’Auschwitz le plus cruel. À
son procès, des témoins affirmèrent
que ses mains étaient souvent couvertes du sang des victimes qu’il
torturait avec sadisme. À gauche,
est représentée une maquette de la
« balançoire de Boger », un dispositif de torture que Boger appelait
sa « machine parlante. »
Salonique (Grèce). 2 800 personnes
font partie du premier groupe.
• Trude Neumann, ancienne patiente
d’un hôpital psychiatrique, près de
Vienne, et fille de Theodor Herzl, le
fondateur du sionisme politique,
meurt de faim au camp / ghetto de
Theresienstadt, en Tchécoslovaquie.
• 16 mars 1943 : Un soldat SS parti-
culièrement redouté est tué à Lvov,
en Ukraine, par un Juif nommé Kotnowksi ; voir 17 mars 1943.
•17 mars 1943
: Plus de 1 200 Juifs
de Lvov, en Ukraine, sont assassinés à
Piaski, en Pologne, en représailles
après la mort d’un SS tué par un Juif,
le 16 mars. Onze policiers juifs sont
pendus dans le ghetto, 1 000 Juifs
astreints au travail sont exécutés et
200 autres Juifs sont assassinés.
• 18 mars 1943
: La cachette du docteur Julian Charin, âgé de 30 ans, de
Lapy, en Ukraine, est divulguée aux
nazis et Charin est abattu. • À Auschwitz, Lonka Kozibrodska, un résistant
âgé de 26 ans, meurt du typhus.
437
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Trois Juifs âgés marchent bras dessus bras dessous dans les rues du
ghetto de Cracovie, en Pologne, pendant la liquidation finale du ghetto.
En 1942, les déportations avaient
considérablement réduit le nombre
des habitants du ghetto de Cracovie
et elles servirent de prélude à l’ultime
liquidation de mars 1943. Ce moislà, 2 000 Juifs furent transférés dans
le camp de travail voisin de Plaszów
et 2 300 autres furent déportés à
Auschwitz. Des groupes de résistance
juive aidèrent des centaines de Juifs
de Cracovie à trouver une sécurité
relative. Des groupes de partisans
armés, agissant à la périphérie de la
ville, engagèrent des fusillades contre
les troupes allemandes, ce qui, indirectement, contribua à ralentir le
rythme des déportations.
Les biens abandonnés des Juifs récemment déportés
de Cracovie jonchent les rues du ghetto. La liquidation
du ghetto de Cracovie fut une opération terriblement
violente. Outre les Juifs qui furent déportés à Plaszów
et Auschwitz (Pologne), 700 Juifs furent abattus sur
place.
1943
438
• 20 mars 1943
Cette poupée
appartenait à une enfant
vivant dans le ghetto de
Cracovie (Pologne). La
propriétaire de la
poupée, Zofia Burowska,
la récupéra après la
guerre auprès de non
Juifs qui la lui avaient
gardée. Ce geste
revêtit une
importance particulière pour Zofia,
parce qu’il avait été
accompli spécifiquement pour
elle. Pour les
enfants
juifs, des
jouets
comme
cette poupée étaient
souvent le seul lien avec une enfance normale.
: À Czestochowa, en
Pologne, en cette veille de Pourim,
plus de 100 médecins, ingénieurs et
avocats juifs, ainsi que leurs familles,
sont emmenés dans un cimetière par
les nazis et abattus. Parmi les
victimes, un gynécologue âgé de 56
ans, le docteur Kruza Gruenwald, le
docteur Irena Horowitz, généraliste
âgée de 30 ans et le neurologue
Bernhard Epstein, âgé de 44 ans.
• 21 mars 1943
: Pendant la fête
juive de Pourim, 2 300 Juifs de
Skopje, en Yougoslavie, sont déportés
à Auschwitz. • Huit membres de l’intelligentsia juive de Piotrków, en
Pologne, sont emmenés dans un
cimetière et abattus en même temps
que le gardien du cimetière et sa
femme. Les Allemands firent en sorte
de tuer dix personnes au total,
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
PRINCIPAUX CAMPS DE CONCENTRATION
DANS LES PAYS BALTES, 1941–1945
Kunda
Kivióli
TallinnWesenburg
N
Klooga
ESTONIE
Dorpat Petschur
Golfe de
Riga
Pleskau
Dondangen
Kaiserwald
LETTONIE
D
n
vi
a
Janek Krauze combattit avec des
partisans à Czestochowa, en
Pologne. L’Aktion allemande contre
les habitants du ghetto, en janvier
1943, déclencha une série d’opérations de résistance tant à
l’intérieur du ghetto qu’à l’extérieur.
Krauze fut tué le 19 mars 1943 ;
les combats continuèrent pendant
l’été. Le 25 juin, le ZOB (Organisation juive de combat) organisa une
campagne pour résister à la
liquidation du petit quartier du
ghetto de Czestochowa.
Riga
mer Baltique
Siauliai
LITUANIE
n
Nema
GRANDE
ALLEMAGNE
Janischken
Ne
ris
Kovno
Vilnius
UNION SOVIÉTIQUE
(sous occupation allemande)
0
100 miles
0
150 kilomètres
Les Einsatzgruppen nazis massacrèrent la majeure partie des 350 000
Juifs baltes en 1941. À partir de la fin de l’année 1942, plusieurs dizaines
de milliers de Juifs d’autres pays européens furent envoyés dans les camps
de travail en Estonie.
Cette cour déserte et ces
bâtiments vides témoignent de la
récente Aktion (déportation) des
Juifs de Czestochowa, en Pologne.
Près de 30 000 Juifs, soit 30% de
la population, contribuaient autrefois au dynamisme de cette ville.
Pendant la guerre, le ghetto de la
ville devint un point de rassemblement des Juifs envoyés de toute l’Europe. Ils étaient transférés dans des
camps de travail et au camp de la
mort de Treblinka. À un moment
donné, le ghetto comptait 48 000
Juifs, mais ce chiffre diminua considérablement en 1943.
macabre référence aux dix fils d’Hamann pendus dans l’histoire de Pourim. • À Random, en Pologne, les
médecins juifs sont emmenés du
ghetto et exécutés dans la ville
voisine de Szydlowiec.
• 22 mars 1943
: Le four crématoire
IV d’Auschwitz-Birkenau commence
à fonctionner.
• 23 mars 1943 : Vingt-neuf orphelins
juifs de l’orphelinat La Rose aux
Accates, près de Marseille, ainsi
qu’Alice Salomon, leur accompagnatrice qui avait refusé de les quitter
deux mois auparavant, sont gazés au
camp de la mort de Sobibor. • 1 700
Tsiganes sont assassinés à Auschwitz.
• En France, 4 000 Juifs sont déportés
de Marseille, internés un temps à
Drancy, puis déportés à Sobibor.
• William Temple, archevêque de Canterbury, déclare à la Chambre des
Lords que la Grande-Bretagne devrait
supprimer tous les quotas sur
l’immigration juive dans le pays.
• 25 mars 1943 : Un millier de Juifs de
Marseille sont déportés au camp de la
mort de Sobibor. • Les membres de la
communauté juive de Zólkiew, en
Pologne, sont contraints de marcher
439
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
William Temple, chef religieux de
l’Église d’Angleterre, fut l’une des
rares voix britanniques à s’exprimer
en faveur des Juifs. En mars 1943, il
demanda à la Chambre des Lords
que la Grande-Bretagne lève tous les
quotas sur l’immigration juive dans le
pays. Il avertit également les
Allemands que les responsables des
crimes de guerre devraient répondre
de leurs actes une fois la guerre terminée.
La bima de la synagogue
détruite de Lvov, en Ukraine,
demeura en grande partie intacte
après la liquidation du ghetto. Le
ghetto devint officiellement un camp
de travail en janvier 1943, mais
10 000 Juifs sans cartes d’emploi
furent exécutés. En mars, une opération de « purification » coûta la
vie à 1 500 autres Juifs et en transféra 800 autres dans un camp de
la mort nazie. Pendant l’ultime liquidation, la résistance armée conduisit les Allemands à détruire le
ghetto maison par maison. L’Église
catholique grecque de Lvov
exprima sa peine devant ces événements – non pas tant pour le
meurtre des Juifs (l’Église estimait
que les Juifs se consacraient à la
destruction du christianisme) – mais
parce que les habitants ukrainiens
de la région furent encouragés à
participer à ces meurtres.
1943
440
Ce document allemand, d’allure officielle, certifiait que Bronislawa
Tymejko (Laura Schwarzwald) était employée par la coopérative agricole
de Busko-Zdroj. Des faux papiers comme celui-ci permettaient à des Juifs
polonais de vivre sous un nom d’emprunt et d’éviter la déportation. Malgré
la rigueur des conditions prévalant dans les coopératives gérées par les
nazis, le travail n’y était pas un moyen d’extermination. Les faux papiers
équivalaient donc pratiquement au salut pour les Juifs assez chanceux pour
s’en procurer.
jusqu’à la forêt de Borek où ils sont
exécutés. • Une lettre anonyme écrite
par un citoyen allemand non juif, critiquant les techniques nazies de liquidation des ghettos, est adressée à la
chancellerie d’Hitler.
• Printemps 1943
: Les escadrons de
la mort nazis ont jusqu’alors assassiné
près de deux millions de Juifs en
Europe orientale. • Les Allemands
contraignent des prisonniers juifs à
brûler les corps des 600 000 Juifs
exterminés à Belzec.
• Avril 1943
: Création d’un camp de
concentration à Bergen-Belsen, en
Allemagne. • Les Allemands lancent
une offensive contre les partisans
juifs de la forêt de Parczew, en
Pologne. • Des membres de la Résistance font dérailler un train de la
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Plus de 75% des Juifs néerlandais furent déportés à
Auschwitz, Sobibor et autres
camps de la mort. Très peu
survécurent. Quelques
citoyens néerlandais combattirent les efforts déployés par
les nazis pour exterminer les
Juifs du pays. La résistance
néerlandaise, par exemple, fit
sauter le bureau d’état-civil
d’Amsterdam (ci-dessous), le
27 mars 1943. Parmi les
résistants, C. Hartogh (photo)
prévoyait des opérations destinées à faire obstacle aux
plans de déportation des
nazis. Hartogh fut exécuté
quelques mois plus tard.
Les camps de concentration fournissaient aux médecins nazis un
grand réservoir de cobayes humains
pour leurs « expériences » dont bon
nombre avaient un objectif
spécifiquement militaire. Cet homme
fut victime d’une expérience sur la
pression atmosphérique réalisée au
camp de concentration de Dachau,
en Allemagne, pour mesurer l’endurance humaine à des altitudes extrêmement élevées. Au cours de
l’expérience, l’homme fut placé dans
un réservoir d’air comprimé dont
l’air fut progressivement retiré. Les
« scientifiques » nazis pouvaient
ainsi déterminer jusqu’à quelle
altitude leurs pilotes pouvaient voler
en toute sécurité.
mort en Belgique. • Le pape Pie XII
se plaint de ce que les Juifs sont exigeants et ingrats. • Le docteur Julian
Chorazycki, ancien capitaine de l’armée polonaise et dirigeant de la
Résistance des détenus au camp de la
mort de Treblinka, avale du poison
lorsque le commandant adjoint du
camp découvre l’argent qu’il avait
préparé pour acheter des armes
légères ; voir 3 mai 1943.
• 5 avril 1943 : Trois cents Juifs de Soly et
Smorgon, en Biélorussie, sont acheminés
en train vers l’ouest, à Vilnius (Lituanie).
En route, les prisonniers brisent le verre
renforcé de grillage des autorails et tentent de s’évader, mais sont abattus par des
gardes. Les survivants sont plus tard
fusillés à Ponary, au sud-ouest de Vilnius,
par des soldats SS allemands et lituaniens.
Environ 4 000 Juifs de Vilnius et des envi-
rons sont embarqués dans des camions
jusqu’à Ponary, assassinés et jetés dans
des fosses communes. Les Juifs
d’Oszmiana et de Swieciany (Lituanie),
qui arrivent en train à la gare de Ponary,
résistent avec des revolvers, des couteaux
et aussi à mains nues ; quelques dizaines
s’échappent à Vilnius et les autres sont
abattus. Pendant le massacre, un policier
lituanien est blessé par les Juifs et un ser441
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La conférence des Bermudes
Le tollé suscité aux États-Unis et en Grande-Bretagne à l’annonce
du massacre systématique des Juifs d’Europe par le régime nazi
aboutit à la conférence des Bermudes, en avril 1943. Prétendument
destinée à résoudre le problème des réfugiés créé par la politique
génocidaire d’Hitler, la conférence est en fait considérée comme le
sommet des efforts investis par les Alliés pour éluder les opérations
de sauvetage.
Les négociations préliminaires limitèrent les sujets qui seraient
ouverts à la discussion aux Bermudes, ce qui garantissait pratiquement
l’échec de la conférence. Responsables britanniques et américains décidèrent à l’avance de réduire l’aspect juif du problème et d’insister sur le
fait que les Juifs ne constituaient que l’un des groupes victimes de la
guerre. Cette décision montrait la réticence de la Grande-Bretagne et
des États-Unis à envisager sérieusement des plans destinés à sauver les
Juifs européens des griffes du régime nazi. Toutes sortes d’autres problèmes condamnèrent cette entreprise.
Visant à détourner l’attention de l’opinion publique, la conférence
des Bermudes fut un échec total. Pour reprendre les termes de
Myron C. Taylor, le principal représentant américain à la conférence
d’Evian de 1938 : « La conférence des Bermudes fut totalement
inefficace… et nous savions qu’il en serait ainsi. » L’indifférence des
gouvernements britannique et américain au sort tragique des Juifs
européens devint évidente.
Le secrétaire d’État adjoint Breckinridge Long exerça son influence sur le
Département d’État afin d’empêcher
les États-Unis de devenir un refuge pour
les Juifs européens. La xénophobie de
Long influença pratiquement chaque
mesure qu’il prit durant la guerre : il fut
à l’origine du refus opposé par le
Département d’État d’accorder des
visas aux réfugiés politiques et aux
intellectuels. Il œuvra pour réduire les
quotas d’immigration. Et il suggéra que
la conférence sur les réfugiés se
déroule aux Bermudes, parce que
c’était un endroit inaccessible.
Des personnalités de divers horizons professionnels assistent à la
funeste conférence des Bermudes sur
les réfugiés, en avril 1943. De
gauche à droite : Le Britannique
George Hall, sous-secrétaire à l’Amirauté ; Harold W. Dodds, président
de l’Université de Princeton ; Richard
K. Law, sous-secrétaire britannique
aux Affaires étrangères ; Sol Bloom,
président de la commission des
Affaires étrangères de la Chambre
des Représentants américaine ; et
Osbert Peake, sous-secrétaire britannique à l’Intérieur.
1943
gent SS est hospitalisé après avoir reçu
des coups de couteau dans le dos et à la
tête. • À la gare du camp de la mort de
Treblinka, arrivée du dernier train amenant des Juifs de Macédoine. Tous sont
immédiatement gazés.
• 7 avril 1943 : Michael Glanz dirige
la Résistance juive à Skalat, en
Ukraine.
442
• 8-9 avril 1943
: Un millier de Juifs
sont exécutés près de Ternopol, en
Ukraine.
• 13 avril 1943
: Dans la forêt de
Katyn, en Union soviétique, les Allemands découvrent les corps de plus
de 4 000 officiers polonais, dont certains sont juifs. Les officiers avaient
été massacrés par les Soviétiques.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Bergen-Belsen, en Allemagne, ouvrit
ses portes en avril 1943. En tant que
camp de transit, il accueillit principalement des détenus non Juifs, et les conditions étaient moins terribles que dans
d’autres camps, du moins au début.
Cependant, au fur et à mesure que la
guerre tournait au désavantage de l’Allemagne et que des prisonniers, de
plus en plus nombreux parvenaient au
camp après des marches de la mort,
les conditions se détériorèrent. Environ
50 000 personnes périrent à BergenBelsen, dont environ 14 000 après la
libération du camp.
Alfred Krupp fut à la tête de la
célèbre entreprise allemande de
fabrication d’armes depuis le début
des années 1930 jusqu’à la fin de
la guerre. Cette photographie le
montre alors qu’il est fait prisonnier
par les troupes américaines, avant
son procès à Nuremberg. Sous sa
supervision, les usines Krupp exploitèrent cruellement et de façon fort
rentable la main-d’œuvre servile
fournie par les camps de concentration du Troisième Reich. Il payait le
gouvernement pour ses travailleurs
qui ne recevaient aucun salaire.
Des milliers d’entre eux moururent
dans les conditions choquantes qui
caractérisaient ses usines.
• 14 avril 1943
: Dissolution du
camp de travail servile de Siedlce, en
Pologne. • Un document intitulé Programme de sauvetage des Juifs de
l’Europe sous occupation nazie est
soumis à la conférence des Bermudes
par le Joint Emergency Committee
for European Jewish Affairs ; voir 19
avril 1943. • Gerhart Riegner, représentant du Congrès juif mondial à
Ces monceaux de chaussures appartenaient autrefois aux victimes
gazées à Auschwitz. Les nazis firent tout ce qu’ils purent pour exploiter économiquement leurs victimes, notamment la saisie de tout bien susceptible
d’être utilisé dans l’effort de guerre. À Auschwitz, les biens confisqués
étaient gardés dans des Effektenkammern (entrepôts d’objets). Les détenus
appelaient ce secteur « Canada » à cause de l’impressionnant butin qui y
était stocké et qu’ils associaient aux richesses du Canada.
Genève, suggère que des fonds soient
déposés sur un compte en Suisse afin
de permettre, après la guerre, aux
70 000 Juifs roumains préalablement
« proposés » aux Alliés, d’immigrer
en Palestine. Ce projet deviendra le
plan Riegner ; voir mai 1943.
• 17-18 avril 1943
: Hitler rencontre
le régent hongrois, l’amiral Miklós
Horthy au château de Klessheim,
près de Salzbourg (Autriche), afin
d’encourager les déportations de
Juifs hongrois. Horthy refuse.
• 18 avril 1943 : La rumeur se diffuse
dans le ghetto de Varsovie que les Allemands préparent la destruction du
ghetto ; voir 19 avril 1943. • Près de
3 500 Juifs de six villes polonaises sont
transférés à Jaworow, en Pologne, et
443
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Harry Baur, l’un des acteurs les
plus estimés du cinéma français et
allemand, fut l’une des victimes des
nazis. Né en 1880, Baur acquit
une réputation internationale dans
des films comme Les Misérables (il
y jouait le rôle de Jean Valjean), Un
grand amour de Beethoven, et
Crime et châtiment. Tandis que certaines vedettes de la scène comme
de l’écran quittèrent l’Europe pour
les États-Unis, d’autres ne le purent
ou ne le voulurent pas. Accusé
d’être un agent des Alliés, Baur
mourut le 20 avril 1943, en détention chez les nazis.
Des valises de Juifs
déportés au camp de
la mort d’AuschwitzBirkenau, témoignent
sans ambiguïté du fait
que les victimes
n’avaient pas la
moindre idée du sort
qui les attendait. Les
ordres de déportation
arrivaient
soudainement et
étaient exécutés rapidement. Les Juifs fourraient à la hâte
quelques affaires précieuses dans des
valises, inscrivaient
leur nom à l’extérieur
et montaient dans des
trains, pensant être relogés quelque part en Europe de l’Est. À l’embarquement,
ils étaient séparés de leurs bagages et il leur était dit qu’ils les retrouveraient à
l’arrivée. Le tri des bagages des Juifs déportés à Auschwitz ou dans d’autres
camps de la mort était une entreprise fort lucrative.
Gerard Kornmann cacha des
Juifs néerlandais à deux occasions.
Un indicateur de la police finit par
le trahir et il fut arrêté et acheminé
au camp de concentration de Sachsenhausen, en Allemagne, via le
camp de transit de Vught, aux PaysBas. Après le débarquement des
Alliés en Europe occidentale, ses
geôliers l’expédièrent à Lübeck, en
Allemagne. Le 3 mai 1945, il se
trouvait à bord du Cap Arcona,
l’un des quatre bateaux que les Britanniques bombardèrent, pensant
que les passagers étaient des Allemands. Kornmann mourut durant
l’attaque. Le sort ultime de
Kornmann fut déterminé par l’informateur – peut-être un voisin ou un
« ami » – qui le trahit, le livrant
aux autorités d’occupation. On ne
peut que se perdre en conjectures
sur ses motivations.
abattus. Les résistants qui s’évadent
dans les forêts voisines sont dirigés par
Artur Henner et Henry Gleich ; la plupart seront par la suite tués par les
troupes allemandes.
habitants) en cette veille de Pâque, mais
environ 700 Juifs se révoltent. Les Juifs ne
disposent que de 17 fusils, 500 pistolets et
plusieurs milliers de grenades et de cocktails Molotov. La Résistance juive combattra les nazis jusqu’à la mi-mai. La
Résistance polonaise n’accordera qu’une
aide minime à cause de l’antisémitisme de
bon nombre de ses membres. Les Alliés
ne donneront aucune publicité à l’événement et ne tenteront pas d’apporter de
1943
444
• 19 avril 1943
: Début du soulèvement
du ghetto de Varsovie. Plus de 2 000 soldats – SS, armée régulière et troupes
étrangères – envahissent le ghetto. Ils tentent de liquider le ghetto (40 000
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
En avril 1943, les
Allemands exhumèrent, dans
la forêt de Katyn, les corps de
plus de 4 000 prisonniers de
guerre polonais assassinés en
1940, probablement par le
NKVD, la police secrète soviétique. Les Soviétiques nièrent
toute responsabilité et accusèrent les Allemands. Le gouvernement polonais en exil à
Londres suspecta les
Soviétiques du massacre et
son insistance pour que soit
menée une enquête approfondie aboutit à la rupture des
relations entre les Russes et les
Polonais de Londres. Joseph
Staline en prit prétexte pour
instaurer un gouvernement
communiste en Pologne, après
la guerre.
Le massacre de Katyn
En avril 1943, des membres de
l’armée allemande découvrirent
une fosse commune dans une
région très boisée située à la
périphérie de Katyn, un village
soviétique isolé. Une commission
internationale de médecins identifia les corps – 4 143 découverts,
mais on estime que des milliers
d’autres furent massacrés –
comme des officiers et des soldats polonais. Selon le rapport
publié par le gouvernement allemand, ces hommes furent faits
prisonniers par les Soviétiques
pendant la campagne polonaise
de 1939 ; chacun fut tué d’une
l’aide ; voir 20 avril 1943.
• La conférence des Bermudes organisée
par la Grande-Bretagne et les États-Unis
à Hamilton, aux Bermudes, ne prend
aucune mesure significative pour aider les
Juifs d’Europe. Avant la rencontre, les
représentants des deux pays s’étaient mis
d’accord pour ne pas discuter de l’immigration des Juifs dans leurs pays ni de
l’acheminement de vivres aux réfugiés
balle dans la nuque juste avant
l’invasion de la Russie par les
Allemands.
Le gouvernement polonais en
exil à Londres ayant accepté le
rapport, le dirigeant soviétique Joseph Staline rompit les relations avec le
régime civil et accusa les
Allemands d’avoir perpétré ce massacre. Les Alliés
confirmèrent les accusations de Staline jusqu’en
1952, date à laquelle une
enquête menée par le
Congrès des États-Unis
conclut que la police
juifs de l’Europe occupée par les
Allemands.
• 20 avril 1943
: Dans le ghetto de Varsovie, les Allemands mettent le feu aux maisons, immeuble par immeuble et abattent
tous ceux qui sortent des bâtiments, bunkers et égouts. De nombreux Juifs se réfugient sur les toits et continuent à
combattre. Les patients de l’hôpital
Czyste de Varsovie sont assassinés par les
secrète soviétique était responsable des meurtres. En avril
1990, l’Union soviétique assuma
sa responsabilité dans le massacre de Katyn.
troupes allemandes ; voir 25 avril 1943.
• Harry Baur, le très populaire acteur du
cinéma français, meurt à Berlin après
avoir été torturé par la Gestapo.
• 22 avril 1943
: Déportation des
Juifs d’Amersfoort (Pays-Bas).
• 25 avril 1943 : Alors que les
incendies allumés par les Allemands
consument le ghetto de Varsovie, un
445
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Le soulèvement du ghetto de Varsovie
Irena Kleppfisch, enfant rescapée de la Shoah, est devenue un
écrivain important dont l’œuvre
la plus connue comprend un
poème intitulé Bashert. Ce titre
en yiddish évoque le sentiment
de destin inéluctable. Rempli de
pleurs et de protestations,
Bashert ne mentionne pas la
Shoah directement, mais cet événement se dégage de chaque
vers : « Ces mots sont dédiés à
ceux qui ont péri… Ces mots sont
dédiés à ceux qui ont survécu. »
Le père d’Irena Kleppfisch,
Michael, était l’un de ceux
qui périrent. Israel Gutman, rescapé et historien
du soulèvement du ghetto
de Varsovie, rapporte que
Michael Kleppfisch, « qui
joua un rôle important
dans la fabrication des
armes du ghetto », fut tué
le 20 avril 1943. Il mourut
dans un combat au corps
à corps contre les forces
allemandes du général de
brigade Jürgen Stroop
chargées de liquider le
ghetto.
À l’été 1942, les nazis firent
partir 300 000 Juifs du ghetto de
Varsovie. La plupart furent
envoyés à la mort dans les
chambres à gaz de Treblinka.
Michael Kleppfisch et Gutman
faisaient partie d’un groupe de
jeunes Juifs – entre 700 et 750 –
qui s’étaient entraînés et armés
du mieux qu’ils pouvaient. Ils
étaient déterminés à résister aux
1943
446
efforts entrepris par les nazis
pour exterminer près de 60 000
Juifs qui restaient dans le ghetto
au début du printemps 1943.
En janvier de cette année, le
chef des SS, Heinrich Himmler,
avait ordonné d’autres déportations, mais la résistance juive
entrava cet effort. Conscients
qu’ils allaient rencontrer une
résistance acharnée, les Allemands se regroupèrent et revinrent le 19 avril, la veille de
Pâque, pour terminer le travail.
Ce qui se passa alors fut, selon
Gutman, « le premier soulèvement urbain dans l’Europe occupée par les Allemands et, de tous
les soulèvements juifs, celui qui
dura le plus longtemps, du 19
avril au 16 mai 1943. »
Pauvrement armés, les combattants juifs, qui manquaient
également d’entraînement militaire et d’expérience du combat,
se battaient à un contre trois face
aux forces nazies qui disposaient
Juif allemand nommé Hoch, désespéré,
saute par la fenêtre du quatrième
étage, se cassant les deux bras et la
colonne vertébrale ; voir fin avril 1943.
• Fin avril 1943
: La résistance juive
commence à fléchir dans le ghetto de
Varsovie, les bunkers étant débusqués
par les troupes allemandes. Les
bombardements de l’artillerie sur le
ghetto ont déjoué la stratégie juive qui
de tanks et de canons. L’« arsenal » des Juifs se composait principalement de revolvers, de
cocktails Molotov et de quelques
fusils introduits clandestinement
dans le ghetto ou pris à des Allemands tombés en embuscade en
janvier. Recourant à des tactiques
d’attaques éclairs et profitant des
caches dans les bunkers, les combattants juifs prirent les Allemands au dépourvu durant les
premiers jours du soulèvement.
Ces derniers cependant procédèrent à des représailles en incendiant le ghetto, immeuble
par immeuble. Même
alors, la résistance juive
continua – bien que
condamnée. Ce fut seulement le 8 mai que les
Allemands détruisirent le
QG de l’Organisation
juive de combat dans le
bunker du 18 de la rue
Mila, combat au cours
duquel Mordekhaï Anielewicz, commandant de l’organisation, trouva la mort.
Le 16 mai, Stroop
déclara la victoire, proclamant
que « le quartier juif de Varsovie
n’existe plus. » Les pertes infligées par les combattants juifs aux
Allemands étaient réduites – dans
son rapport, Stroop mentionna
16 morts et 85 blessés – mais le
soulèvement du ghetto de Varsovie demeure un exemple extrêmement important de l’héroïque
résistance juive dans une situation sans issue.
prévoyait d’engager les Allemands dans
de coûteux combats au corps à corps ;
voir mai 1943.
• 27 avril 1943 : L’éminent poète américain Ezra Pound continue ses
émissions antisémites depuis l’Italie. Il
traite les Juifs de « rats », « punaises »,
« vermine », « vers », « bacilles » et
« parasites » représentant une
immense « capacité de putréfaction ».
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Des membres du Sicherheitsdienst
(SD) et d’autres soldats SS interrogent
un Juif hassidique pendant la liquidation du ghetto de Varsovie, en avril
1943. Ils souhaitaient peut-être obtenir des informations sur les Juifs qui se
cachaient. En 1941 et 1942, les
membres du Judenrat avaient espéré
sauver la majorité des habitants du
ghetto en en faisant un important
réservoir de main-d’œuvre. Au
moment du soulèvement, cependant,
les suppositions des Juifs sur la rationalité nazie s’étaient volatilisées. Si
les soldats photographiés ici étaient
déterminés à obtenir des informations
de la part des prisonniers assemblés,
ils furent vraisemblablement déçus.
Une plaque d’égout du ghetto de Varsovie offre un
témoignage du sort tragique de milliers de Juifs. Les
Juifs engagés dans la Résistance utilisèrent les égouts
pour s’évader ou pour se déplacer pendant la révolte.
Les égouts établissaient également un lien important
entre les combattants de la Résistance juive et ceux de
la Résistance polonaise, du côté aryen de Varsovie.
Des soldats SS ukrainiens examinent les corps des
Juifs à l’entrée d’un immeuble détruit du ghetto de Varsovie. Des auxiliaires recrutés en Ukraine renforçaient
les effectifs lors des campagnes génocidaires des
nazis. Les unités ukrainiennes étaient réputées pour
leur brutale efficacité.
• 28 avril 1943 : Un télégramme émanant de la SS enjoint l’administration
d’Auschwitz de préparer 120 femmes
pour des expériences médicales.
• 29 avril 1943
: Près de Cracovie, en
Pologne, des femmes juives attaquent
leurs gardiens SS lors d’un transfert
d’une prison à l’autre. Deux femmes
s’évadent mais la plupart des autres
sont tuées. À Cracovie même, les résistants juifs incarcérés depuis décembre
1942 sont conduits dans des camions au
camp de concentration de Plaszów, en
Pologne. La plupart sont tués après
s’être évadés du camion.
• 30 avril 1943 : Deux mille Juifs de
Wlodawa, en Pologne, déportés à Sobibor attaquent les gardes SS de ce camp
de la mort en arrivant à la rampe de
déchargement. Tous les Juifs sont tués à
la mitrailleuse et à la grenade par les SS.
• Mai 1943
: Le SS-Gruppenführer
Jürgen Stroop achève son rapport
officiel sur la liquidation du ghetto de
Varsovie, dit Rapport Stroop. • Arrivée à Auschwitz de quatre trains partis de Salonique (Grèce), transportant
environ 11 000 Juifs. • En Tunisie
447
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Avant la liquidation du
ghetto de Varsovie, les
habitants construisirent
fébrilement une série de
bunkers et de cachettes
pour échapper à leurs persécuteurs nazis. Lorsque les
opérations de la résistance
commencèrent, les nazis
mirent le feu au ghetto pour
contraindre les Juifs à sortir
de leurs bunkers. Une
femme saute d’un balcon
pour échapper à l’intense
chaleur des flammes et éviter d’être brûlée vive.
1943
448
occupée, quelque 5 000 Juifs
séfarades sont envoyés dans des
camps de travail à proximité des
zones de combat en Afrique du Nord.
• En Europe orientale, l’Armée
rouge continue son avance vers
l’ouest. • Breckinridge Long et ses
partisans au Département d’État,
notamment Borden Reams et Robert
Alexander, retardent l’autorisation de
transférer des fonds juifs destinés à
permettre l’évasion de 70 000 Juifs
de Roumanie (plan Riegner). Ces
fonctionnaires du Département d’État s’inquiètent « d’une éventuelle
réussite » du plan Riegner.
• Abrasha Blum, organisateur de la
résistance armée dans le ghetto de
Varsovie et membre du Comité de
coordination des organisations juives,
est abattu par les Allemands après
1943
Un Juif est chassé de son bunker pendant le soulèvement du ghetto de
Varsovie. Même après la destruction totale du ghetto, des Juifs tentèrent de
se cacher. Pour contrer ces efforts, le commandant SS Jürgen Stroop
ordonna à ses soldats d’employer tous les moyens nécessaires pour faire
sortir les Juifs de leurs cachettes. Les soldats utilisèrent alors lance-flammes,
gaz et grenades.
Le Rapport Stroop fut publié pour
la première fois en 1960. Ce document de 75 pages décrit en détail
la destruction du ghetto de Varsovie
et fait l’éloge du rôle joué par l’auteur, le commandant Jürgen Stroop,
dans ce processus. Ses comptesrendus au jour le jour et ses communiqués traduisent la brutalité
impitoyable avec laquelle il traita
les Juifs. Le 16 mai 1943, Stroop
rapporta que l’opération était achevée et que « le quartier juif de Varsovie n’exist[ait] plus. »
avoir été interné et torturé.
• 1er mai 1943 : De nombreux
membres de la communauté juive de
Brody, en Ukraine, sont assassinés au
camp de la mort de Majdanek. • Des
écrivains et artistes juifs, inspirés par le
soulèvement du ghetto de Varsovie, se
réunissent dans le ghetto de Vilnius
(Lituanie) pour une soirée de poésie
sur le thème plein d’espoir du « printemps dans la littérature yiddish. »
• Les Alliés commencent à chasser les
Allemands de Tunisie. • Réagissant à la
révolte des Juifs du ghetto de Varsovie,
Joseph Goebbels, ministre allemand de
la Propagande, note dans son journal :
« De durs combats y sont engagés qui
conduiront même le haut commandement juif à publier des communiqués
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Mordekhaï
Anielewicz
Dirigeant du soulèvement
du ghetto de Varsovie, Mordekhaï Anielewicz mena personnellement les attaques
contre les Allemands avant
d’être tué, le 8 mai 1943.
Lorsque
les
Allemands envahirent
la
Pologne,
Anielewicz
milita dans
un mouvement clandestin. Les campagnes nazies contre les Juifs
tournant au génocide, Anielewicz organisa un mouvement de résistance armée.
Revenu à Varsovie à l’automne 1942, Anielewicz prit
le commandement de l’Organisation juive de combat
(ZOB) et travailla sans
relâche pour se procurer des
armes. Pendant les grandes
déportations de janvier 1943,
le groupe d’Anielewicz combattit les soldats allemands
dans les rues. Lorsqu’une
nouvelle vague de déportations commença en avril,
Anielewicz et le ZOB lancèrent une révolte de grande
envergure. Peu avant sa
mort, Anielewicz écrivit :
« Mon rêve de toute une vie
s’est réalisé. J’ai vécu pour
voir la Résistance juive dans
le ghetto dans toute sa grandeur et toute sa gloire. »
quotidiens. Bien sûr, cette plaisanterie
ne durera pas très longtemps. Mais elle
montre ce qu’on peut attendre des Juifs
lorsqu’ils sont en possession d’armes. »
• 2 mai 1943
: Quatre mille Juifs de
Miedzyrzec Podlaski, en Pologne,
sont assassinés au camp de la mort de
Treblinka. • 4 000 autres Juifs sont
massacrés à Luków, en Pologne.
449
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Yitzhak Zuckerman
Né à Vilnius, en Lituanie, Yitzhak Zuckerman rejoignit un mouvement de jeunesse sioniste, se consacrant à enseigner l’hébreu et le
yiddish aux jeunes Juifs. Après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, il se rendit dans la région occupée par
l’Union soviétique, mais les dirigeants sionistes
lui demandèrent par la suite de revenir pour
continuer son enseignement et pour organiser
la résistance juive.
Zuckerman soutenait que l’éducation des
jeunes « n’avait aucun sens… à moins…
qu’une force d’autodéfense juive armée ne se
constitue. » Ses appels à la résistance armée
furent d’abord rejetés par les dirigeants du
ghetto de Varsovie. Il devint l’un des fondateurs de Zydowska Organizacaja Bojowa (ZOB, Organisation juive de combat) et fut l’un des
héroïques commandants de la révolte du ghetto de Varsovie. Ayant
reçu l’ordre de quitter le ghetto pour établir la liaison avec la Résistance polonaise et obtenir des armes, il retourna dans le ghetto par
les égouts, au cours des derniers jours, pour sauver des survivants.
Zuckerman mourut en 1981.
1943
450
• 3 mai 1943 : Les troupes allemandes
du quartier « aryen » de Varsovie arrêtent et tuent 21 femmes juives ou suspectées de l’être. • Un Juif nommé
Rakowski, dirigeant de la résistance au
camp de la mort de Treblinka, est
abattu lorsque l’argent destiné à
soudoyer des Ukrainiens pour l’aider,
lui et d’autres, à s’évader, est découvert
dans son baraquement.
Raser le ghetto de Varsovie permit aux nazis d’appréhender des
milliers de résistants. La plupart des
Juifs qui se cachaient dans les bunkers, comme ces deux hommes,
furent soit tués, soit capturés. Les
dernières heures et les dernières
minutes de la résistance des
bunkers furent terribles et féroces :
cacophonie de cris et de coups de
feu venant d’en haut, bruits de pas
se rapprochant et l’inévitable
découverte qui aboutissait à des
échanges de feu ou de combats
suicidaires à mains nues qui entraînaient les résistants à sortir en
clignant des yeux à la lumière du
jour. Sur cette photo, les Juifs ont
été expulsés des bunkers et
attendent leur sort – probablement
la déportation à Treblinka.
• 4 mai-25 mai 1943
: Au cours de
quatre opérations, 8 000 Juifs des
Pays-Bas sont déportés vers les camps
de la mort d’Auschwitz et Sobibor.
• 6 mai 1943
: Hajj Amin al-Husseini,
grand mufti de Jérusalem, suggère au
ministre bulgare des Affaires
étrangères que les enfants juifs bulgares soient envoyés en Pologne plutôt qu’en Palestine. • En Tunisie, les
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Ruines de la synagogue de la
rue Tlomacka, à Varsovie, dite la
« Grande synagogue ». C’est tout
ce qui restait après l’ordre de
démolition donné en mai 1943 par
Jürgen Stroop. Cette synagogue
était située dans l’enceinte du
ghetto jusqu’en novembre 1942,
lorsque la taille du ghetto fut considérablement réduite. Le fait que la
synagogue se soit trouvée côté
aryen lorsque le ghetto fut rasé
n’empêcha pas Stroop d’ordonner
sa destruction en représailles contre
le soulèvement du ghetto.
Le 2 mai 1943, 3 000 Juifs de Miedzyrzec Podlaski, en Pologne – un
ghetto de transit – furent déportés à Treblinka. 200 Juifs seulement,
nécessaires pour le travail forcé, demeurèrent. Ici, des femmes juives, dont
plusieurs portent des enfants, sont brutalement contraintes d’entrer dans un
wagon à bestiaux. Au mois d’août 1942, des milliers de Juifs de Miedzyrzec Podlaski furent envoyés au camp de la mort ; 10 000 autres furent
déportés en octobre. Enfin, en juillet 1943, les 200 derniers Juifs furent
abattus, rendant la ville judenrein (sans Juifs).
forces alliées lancent une ultime
offensive contre les forces de l’Axe.
• 7 mai 1943
: Près de 7 000 Juifs sont
assassinés à Novogrudok, en Biélorussie. • Un groupe de combattants juifs
du ghetto de Varsovie, sous la direction
de Pawel Bruskin, tombe dans une
embuscade tendue par les troupes allemandes alors qu’il traverse les égouts
de la ville ; voir 8 mai 1943. • En Tuni-
sie, les maisons de Juifs séfarades sont
mises à sac et pillées par les troupes
allemandes sur le départ.
• 8 mai 1943
: Dans le ghetto de Varsovie, des troupes allemandes
parviennent au QG de la Résistance.
Le dirigeant Mordekhaï Anielewicz
et une centaine de ses hommes sont
écrasés, asphyxiés ou se suicident
pendant que les nazis envoient
Les membres des Sonderkommandos assistaient les nazis pour sauver
leur vie (du moins temporairement). Ils
n’en étaient pas moins souvent haïs
par les Juifs condamnés à mourir. Un
enfant âgé de sept ou huit ans aurait
demandé à un membre d’un Sonderkommando de Birkenau : « Pourquoi,
vous êtes juif, et vous menez de gentils
enfants au gaz, seulement pour vivre ?
Votre vie parmi cette bande d’assassins
est-elle plus précieuse pour vous que
celles de tant de victimes juives ? »
bombes et gaz ; voir 12 mai 1943.
• 9 mai 1943
: Extermination de la
communauté juive de Skalat, en
Ukraine.
• 10 mai 1943
: Cachés dans une
meule de foin, deux Juifs réussissent
à sortir de Dobele (Lettonie).
451
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Jürgen Stroop
Le général Jürgen Stroop
se rendit célèbre par la férocité avec laquelle il réprima
le soulèvement du ghetto de
Varsovie d’avril-mai 1943. En
reconnaissance des services
rendus au Troisième Reich,
Stroop reçut la Croix de fer
1ère classe.
En avril 1943, Stroop (à
gauche sur la photo) reçut
l’ordre d’expulser les 56 000
Juifs demeurant dans le
ghetto de Varsovie et de
réprimer la révolte qui venait
d’éclater. Il s’acquitta de sa
tâche avec une efficacité
impitoyable. Plus de 2 000 SS
et unités de l’armée envahirent le ghetto qui fut systématiquement détruit, maison
par maison. Le rapport
détaillé qu’il rédigea sur ses
activités atteste de sa dureté
et de son insensibilité. Le 16
mai, Stroop annonça que
« l’opération » était terminée
et que « le quartier juif
n’exist[ait] plus ».
Stroop fut condamné à
mort par un tribunal polonais
et exécuté le 8 septembre
1951.
1943
452
Un bataillon finlandais de la Waffen SS rentre chez lui après une action
sur le front soviétique. Cette unité de Freiwillige (volontaires) fut l’un des
nombreux groupes non allemands qui rejoignirent la Waffen SS. Leurs
convictions antirusses furent exploitées par le régime nazi au profit de l’effort
de guerre et pour faciliter la « solution finale ».
Une famille internée
au camp tsigane de
Marzahn, en Allemagne, attend de
connaître son sort. Les
déportations en masse
à Auschwitz commencèrent en février 1943,
lorsqu’un « camp familial » pour Tsiganes fut
créé au camp de la
mort de Birkenau. Les
conditions effroyables
qui y prévalaient
condamnèrent à mort
des milliers de
personnes, tandis que
Josef Mengele menait
d’atroces « expériences
médicales » sur des
jumeaux tsiganes.
• 12 mai 1943
: Frania Beatus, résistante dans le ghetto de Varsovie, se
suicide à l’âge de dix-sept ans, plutôt
que de se rendre aux nazis. • Suicide
à Londres du Juif polonais Samuel
Artur Zygelbojm, une personnalité
du parti social-démocrate d’avantguerre, après une campagne infructueuse menée pendant près d’un an
en faveur des Juifs pris au piège dans
le ghetto de Varsovie, notamment sa
femme et son fils adolescent. Sa mort
est rapportée par la presse qui omet
délibérément de mentionner le mot
laissé avant son suicide, condamnant
les Alliés pour leur indifférence
devant le sort des Juifs.
•13 mai 1943
: Hans Frank,
gouverneur général de la Pologne
occupée, envoie au chef des SS
Heinrich Himmler une liste d’objets
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Cette broche en tissu, en forme
de fleur, fut confectionnée par une
jeune fille de Varsovie internée au
camp de concentration de BergenBelsen en Allemagne. Sa codétenue
Sala Spett reçut cette broche en
cadeau de son mari et de ses
enfants en mai 1943. Les membres
de la famille avaient échangé une
tranche de pain pour cette broche,
ce qui signifiait une journée de
famine.
« Ma sœur Bracha, qui était enceinte, sanglotait. Elle avait
environ 28 ans. “Mais mon bébé n’est pas encore né, il n’a
jamais fauté. Pourquoi est-il condamné” ? »
—Zvi Szner, un rescapé
Ces femmes juives et
leurs bébés furent photographiés à la Maternité Rothschild de
Paris. Sur ce groupe
de 40, toutes sauf une,
Fanny Kraus, qui réussit à s’évader avec son
enfant – furent
conduites à Auschwitz
en mai 1943. Elles faisaient partie des
quelque 50 000 Juifs
de France déportés
vers l’Europe orientale
en juin 1943. La
plupart périrent dans
les chambres à gaz
d’Auschwitz et de
Chelmno.
personnels et d’objets de valeur volés
aux Juifs, entre autres, 25 000 stylos à
encre et 14 000 paires de ciseaux.
• Reddition des troupes allemandes et
italiennes en Tunisie.
• 16 mai 1943 : Le SS-Brigadeführer
Jürgen Stroop rapporte la liquidation
finale du ghetto de Varsovie, bien
que quelques Juifs s’y cachent
encore ; voir 3 juin 1943.
• 15 mai 1943 : La police juive du
• 17 mai 1943 : 395 Juifs de Berlin
ghetto de Rohatyn, en Pologne,
décide de se procurer des armes
pour se défendre ; voir 6 juin 1943.
sont déportés au camp d’extermination
d’Auschwitz.
• 18 mai 1943 : Presque tous les habitants du village polonais de Szarajowka
sont abattus ou brûlés vifs par les SS,
les soldats de la Wehrmacht et les
agents de la Gestapo. Après le
massacre, le village est rasé.
• 19 mai 1943 : À la Chambre des
Communes, Eleanor Rathbone attaque
courageusement le gouvernement bri453
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
I.G. Farben
L’industrie allemande s’aligna rapidement sur
les nazis et conclut un pacte diabolique avec Heinrich Himmler et la SS. En tant qu’entreprise la
plus puissante du Troisième Reich, I.G. Farben
entretint la machine de guerre allemande, bénéficiant en retour d’énormes profits.
Depuis les produits chimiques aux explosifs,
I.G. Farben alimenta les nazis en une grande
variété de produits. Pour l’encourager à
construire des usines à Auschwitz, I.G. Farben
bénéficia d’exemptions fiscales et reçut la promesse d’un approvisionnement quasi illimité en
main-d’œuvre servile. Pour sceller le pacte, les
SS acceptèrent de fournir à cette entreprise
quelque 10 000 prisonniers qui furent
employés à la construction. Grâce à I.G. Farben, les SS obtinrent des contrats lucratifs qui
permirent à Himmler et à ses acolytes de poursuivre leurs propres objectifs financiers.
Vers la mi-1944, I.G. Farben, avec ses 11 000
travailleurs réduits en esclavage, était le principal
employé d’Auschwitz. Certains travaillaient dans
les mines voisines qui fournissaient le charbon
pour produire de l’essence synthétique et du
caoutchouc de synthèse. D’autres étaient directement employés à la production de caoutchouc
synthétique Buna, au camp annexe de Monowitz.
L’entreprise alimentait également la machine de
mort des nazis : par DEGESCH, une société
qu’elle contrôlait partiellement, I. G. Farben fournissait du Zyklon B pour les chambres à gaz d’Auschwitz.
1943
454
Des prisonnières travaillent dans une usine appartenant à la société AGFA, l’une des nombreuses
entreprises dépendant du conglomérat I.G. Farben. Les
industries allemandes qui soutenaient l’effort de guerre
du régime nazi bénéficiaient d’un accès à la main
d’œuvre servile. Plusieurs centaines de milliers de personnes furent chassées de chez elles, relogées en Allemagne et astreintes à travailler dans des usines
allemandes liées à l’effort de guerre.
Les soldats
britanniques et
américains
continuèrent à
enregistrer des
victoires en
Tunisie malgré
la violence
des combats
contre les
troupes
allemandes
menées par le
maréchal
Erwin Rommel
et le général
Jürgen von Arnim. La nouvelle de l’immense défaite
essuyée à Stalingrad, en Russie, démoralisa certains soldats allemands qui commencèrent à réaliser que la guerre
serait peut-être perdue. Ici, un prisonnier allemand,
capturé près de Sejenane, dans le nord de la Tunisie,
garde les mains en l’air au cours de la fouille.
tannique pour son attitude défaitiste
lors de la conférence des Bermudes et
souligne que les Alliés sont
responsables de la mort de chaque Juif
qu’ils refusent d’aider. • Heinrich
Himmler, chef des SS, envoie au chef
du bureau de la Sûreté du Reich, Ernst
Kaltenbrunner, des exemplaires du
Meurtre rituel juif, un livre décrivant
des rituels religieux juifs apocryphes.
Himmler prévoit d’en distribuer des
exemplaires en Roumanie, Hongrie et
Bulgarie et d’en radiodiffuser des
extraits en Angleterre et aux États-Unis.
• 21 mai 1943 : Conduits vers un train,
trois mille Juifs de Brody (Ukraine) se
révoltent, tuant quatre Ukrainiens et
quelques Allemands. De nombreux
Juifs parviennent à s’évader du train,
mais sont mitraillés. Les autres sont
1943
Bernard Geron (tout à fait à
droite) était un enfant juif caché
dans une famille néerlandaise, les
Dufour. La gouvernante de la
famille (photo) savait qu’il était juif,
mais garda le secret. Geron survécut à la guerre et retrouva son père
et son frère ; sa mère avait péri.
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Mai 1943 marqua un renouveau de l’effort des nazis pour déporter les
Juifs néerlandais. Ni l’âge, ni l’invalidité ne donnaient de sursis. Ici, des
membres de l’Ordedienst (police juive), composée à son apogée de quelque
200 jeunes néerlandais et allemands, transportent une vieille femme jusqu’au
train. Environ 100 000 Juifs passèrent par Westerbork, aux Pays-Bas, avant
de partir pour l’Est, la plupart pour Auschwitz et Sobibor.
L’enseignant d’un heder (école
religieuse juive) dialogue avec ses
élèves du quartier juif de
Casablanca, au Maroc. La plupart
des Juifs marocains, au nombre de
200 000, vivaient dans la partie
du pays sous contrôle français. Au
début de la guerre, les Juifs marocains furent victimes de violences
perpétrées par les nationalistes
français. Les Juifs furent agressés et
bon nombre furent déportés dans
des camps de travail.
tués à leur arrivée au camp de la mort
de Majdanek. • Des membres de la
communauté juive de Drogobych, en
Ukraine, sont exterminés dans la forêt
de Bronica.
• 23 mai 1943 : Au cours d’Aktionen,
les nazis massacrent des milliers de
Juifs ukrainiens à Przemyslany et Lvov.
• 24 mai 1943 : Un groupe de partisans
juifs, organisé par Judith Nowogrodzka,
s’évade du ghetto de Bialystok, en
Pologne. Cette évasion est dirigée par
Szymon Datner. • Les Allemands mettent
fin à leurs attaques par sous-marins des
convois alliés dans l’Atlantique.
• 27 mai 1943 : Les Juifs de Sokal, en
Ukraine, sont déportés au camp de la
mort de Belzec. • Trois mille Juifs sont
massacrés à Tolstoye, en Ukraine.
• 30 mai 1943 : Le docteur Josef Mengele, capitaine SS, arrive au camp de la
mort de Auschwitz-Birkenau pour assumer ses fonctions médicales.
• 31 mai 1943
: Le général SS Friedrich Wilhelm Krüger déclare à ses
455
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Un groupe de vieux Juifs séfarades
se réunit dans le quartier juif de Salonique, en Grèce. Ces rencontres
religieuses et sociales allaient bientôt
prendre fin, les nazis commençant à
imposer de sévères restrictions en
1943. Les premières déportations à
Auschwitz suivirent à la mi-mars. Vers
la mi-août, près de 50 000 Juifs
avaient été envoyés à Auschwitz et Treblinka, où près de 80% furent assassinés. Les tentatives des Italiens pour
sauver les Juifs de Salonique furent
généralement inefficaces ; lorsque les
Juifs évitèrent la déportation, ce fut,
dans la plupart des cas, parce qu’ils
possédaient des passeports délivrés
auparavant par la Turquie, l’Italie ou
quelques autres nations.
Envahie et conquise en 1941, Salonique, qui abritait la plupart des Juifs
de Grèce, se retrouva dans un nouvel État grec dirigé par un gouverneur
pronazi. Les Allemands harcelèrent la communauté juive, exigeant travail et
argent. Fin 1942, ils menacèrent de détruire l’ancien cimetière juif si un
montant colossal ne leur était pas versé. Les Juifs collectèrent une grande
partie de la somme requise à la date fixée, mais les nazis n’en mirent pas
moins leur menace à exécution. Les pierres tombales retirées du cimetière
juif de Salonique servirent à paver des passages et les nazis profanèrent et
détruisirent le reste du cimetière.
1943
456
associés au cours d’une réunion à
Cracovie (Pologne) que, bien que
désagréable, l’élimination des Juifs
est « nécessaire du point du vue des
intérêts de l’Europe. »
• L’administrateur nazi d’une prison
de Minsk, en Biélorussie, rapporte
que 516 Juifs allemands et russes ont
été assassinés fin mai, leurs
couronnes en or et leurs plombages
leur ayant été retirés avant leur mort.
• Juin 1943
: Des Juifs de Dalmatie,
en Serbie, sont transférés dans l’île
de Rab, au large de la côte croate.
• Début juin 1943 : Au cours d’une
série d’agressions et de meurtres à
Janówska, en Ukraine, 10 000 Juifs
de Lvov périssent.
1943
Un Joseph Goebbels
morose est assis devant
le texte d’une émission
de radio destinée à la
population allemande.
La défaite de
l’Allemagne devant Stalingrad (Russie) et la victoire des Alliés en Tunisie
rendirent le travail de
Goebbels de plus en
plus difficile durant
1943. Les communiqués
de victoire, qui avaient
constitué l’essentiel de la
radio nationale
allemande dans les premières années de la
guerre, se firent de plus
en plus rares.
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
« En ce qui nous concerne,
nous avons brûlé tous les
ponts derrière nous. Nous ne
pouvons plus revenir en
arrière, d’ailleurs, nous ne le
souhaitons pas. Nous
resterons dans l’histoire
comme les plus grands
hommes d’État de tous les
temps ou comme ses plus
grands criminels. »
—Joseph Goebbels, article paru dans Das
Reich, 1943
Après des représailles à Pancero, en Serbie, un soldat
allemand fait signe avec insouciance au photographe tandis que les victimes se balancent à côté. Soucieux de
prendre le dessus dans les territoires conquis, les nazis
réagissaient rapidement aux révoltes locales. Les
exécutions – souvent aveugles – étaient courantes.
Sont représentées ici des armes, notamment des
couteaux et des revolvers, du ghetto de Lvov. Les nazis
découvrirent les armes en juin 1943, alors qu’ils
tentaient de liquider le camp de travail de Lvov de ses
derniers Juifs. Malgré l’immense supériorité numérique
des unités de police allemandes et ukrainiennes qui
encerclaient le ghetto, les Juifs choisirent la résistance,
tuant plusieurs ennemis et en blessant une quinzaine.
• 1er-6 juin 1943 : Pendant la liquida-
tion du ghetto de Sosnowiec, en
Pologne, la Résistance est animée par
Zvi Dunski. Mal armés, les Juifs se
battirent alors que les déportations
commençaient. • Liquidation du
ghetto de Buczacz, en Ukraine.
Quelques Juifs résistent et s’évadent.
• 3 juin 1942 : Dans le ghetto de Varsovie, les soldats allemands détruisent
un bunker de la rue Walowa qui cachait
150 Juifs ; voir septembre 1943. • Près
de Michalowice, en Pologne, les
Allemands tuent deux paysans polonais
qui avaient sauvé et caché trois réfugiés
juifs dans une grange.
• 5 juin 1943 : 1 266 enfants juifs âgés
de moins de 16 ans, de Vught, aux PaysBas, sont déportés au camp de la mort
de Sobibor et gazés à leur arrivée.
• À Minsk Mazowiecki, en Pologne,
plus de 100 travailleurs juifs de l’usine
Rudzki sont abattus.
• 6 juin 1943 : Jacob Gens, le chef du
Conseil juif de Vilnius, affirme que les
Juifs de la ville amélioreront leur
chance de survie s’ils donnent la preuve
de leur utilité en tant que travailleurs.
• Les Allemands exécutent les 1 000
Juifs restant dans le ghetto de Rohatyn
457
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Josef Mengele
Le sinistre « Ange de la mort », Josef Mengele, trancha le sort de plusieurs milliers de
Juifs acheminés à Auschwitz. Médecin-chef du
camp d’extermination, Mengele supervisa les
sélections pour les chambres à gaz et procéda à
d’atroces expériences médicales.
Diplômé de médecine de l’université de
Francfort-sur-le-Main en 1938, il travailla avec
l’équipe de l’Institut de biologie héréditaire et
de recherche sur la race où il se spécialisa dans
l’étude des jumeaux
et la raciologie.
Pendant la guerre,
Mengele rejoignit la
Waffen SS et fut
médecin militaire
en France et en
Russie.
Il
fut
nommé médecinchef d’Auschwitz en
mai 1943.
À Auschwitz,
Mengele poursuivit
sa recherche pseudo scientifique, sélectionnant
personnellement des victimes dans le flot continuel des arrivées au camp. Les personnes présentant des difformités étaient immédiatement
tuées et envoyées au laboratoire de Mengele
pour étude. Tous les jumeaux devinrent des
sujets de ces expériences douloureuses et
absurdes.
Après la guerre, Mengele fut libéré par
erreur par les autorités américaines et partit
ensuite à Buenos Aires, en Argentine. Il se
serait noyé en 1978. Une équipe internationale
de médecins légistes pratiquèrent une autopsie
sur le corps exhumé en 1985 et conclurent qu’il
était fort probable qu’il s’agisse des restes de
Mengele.
1943
458
Natzweiler-Struthof, situé près de Strasbourg, était
l’un des camps de concentration les plus petits. Les
détenus travaillaient dans la carrière de granit et clandestinement, fabriquaient des armes. En 1943, une
chambre à gaz fut construite au camp, payée par l’Institut d’anatomie de Strasbourg. Des Juifs et des Tsiganes
furent transférés d’Auschwitz pour servir de sujets à
diverses expériences insensées, après lesquelles ils
furent gazés et incinérés ; on voit ici le four crématoire.
Ce dessin, esquissé par un détenu d’Auschwitz
inconnu, décrit le médecin SS Josef Mengele en train
de sélectionner les malades et les faibles pour l’extermination. Mengele, à l’instar des autres médecins du
camp, joua un rôle essentiel dans le processus de
meurtre en choisissant ceux qui allaient mourir immédiatement et ceux qui mourraient au travail. Ce dessin se
trouve aujourd’hui au musée d’Auschwitz.
(Pologne), après la découverte par les
autorités allemandes d’un complot des
policiers juifs du pays visant à acquérir
des armes.
• 7 juin 1943
: Le docteur Klaus
Clauberg d’Auschwitz rapporte que
l’équipement destiné à stériliser
1 000 femmes juives par jour est en
cours d’installation.
• 8 juin 1943 : Anéantissement de la communauté juive de Zbaraz, en Ukraine.
• 11 juin 1943
: Le chef des SS Heinrich
Himmler donne l’ordre d’accélérer la
déportation des Juifs des ghettos polonais
vers les camps de la mort.
• 12 juin 1943
: Extermination de la
communauté juive de Berezhany, en
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Alors que les bombardements alliés
continuaient à mettre hors service ou à
détruire les usines en territoire allemand,
les industriels allemands cherchèrent de
nouveaux emplacements où la maind’œuvre servile pourrait maintenir la
production. Après le bombardement de
l’usine Krupp de détonateurs à Essen,
en mars 1943, une nouvelle usine
Krupp fut construite à Auschwitz. Ces
travailleurs sont astreints au sale travail.
Avec, au premier plan, un Winston Churchill bienveillant sur fond
de tanks et d’avions, cette affiche
appelle les membres du yishouv
(communauté juive en Palestine) à
rejoindre l’effort de guerre pour
vaincre les puissances de l’Axe.
Après avoir hésité à créer une division de combat juive séparée, les
Britanniques constituèrent en 1940
des compagnies d’infanterie et des
batteries d’artillerie côtières
intégrées à leurs forces en
Palestine.
Ukraine. • Dans le ghetto de Lodz,
en Pologne, les chefs de la police
juive sont contraints d’assister à l’exécution par les nazis d’évadés du
ghetto repris : Hersch Fejgelis, 23
ans, Mordekhaï Standarowicz, 29 ans
et Abram Tandowki, 31 ans.
• 15 juin 1943 : Ouverture d’un camp
de travail dans les mines de charbon
Hans Frank (à droite), gouverneur général de la Pologne occupée,
accueille le chef des SS, Heinrich Himmler, à un dîner offert au château
Wewel de Cracovie, en Pologne, en juin 1943. Frank s’opposa au contrôle
total par Himmler du « problème juif » en Pologne et à la décision d’utiliser
le Generalgouvernement comme un dépotoir pour les Juifs. Les protestations
qu’il adressa à Hitler ne servirent à rien, la SS de Himmler détenant l’autorité suprême en matière de « solution finale ».
de Jaworzno, en Pologne, près d’Auschwitz. • Le général SS Richard
Glücks, chef de l’inspection des
camps de concentration, ordonne que
les bâtiments sensibles d’Auschwitz
soient déplacés à l’abri des regards
indiscrets. • Des centaines de Juifs
réduits en esclavage sont contraints
d’exhumer les corps d’autres Juifs des
fosses de Janówska, près de Lvov, en
Ukraine, de les dépouiller des bijoux
et couronnes dentaires en or, puis de
brûler les corps pour détruire toute
trace de meurtres.
• 16 juin 1943
: Le chef des SS Heinrich Himmler autorise un transfert
de prisonniers juifs du camp de la
mort d’Auschwitz-Birkenau au camp
de concentration de Sachsenhausen,
en Allemagne pour des expériences
médicales sur la jaunisse. • Le
459
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Ces corps attendent l’incinération dans les fours du
camp de concentration de Mauthausen, en Autriche, où
environ 103 000 personnes périrent entre 1938 et
1945. Un survivant de ce camp, George E. King, déclara
qu’il avait souvent rêvé de s’évader. « Vous produisez ces
efforts terribles pour tenter de vous évader, dit-il à propos
de ses rêves. Dans ces cas-là, vous avancez toujours par
un mouvement lent, comme si vous étiez pris dans la boue
jusqu’aux hanches… Vous faites un maximum d’effort
pour courir, mais vous remuez à peine. »
Au camp de concentration de Mauthausen, en
Autriche, les kapos et un garde allemand considèrent le
corps d’un détenu qu’ils viennent de battre à mort.
Selon des témoins oculaires, le prisonnier était sorti des
baraquements en titubant, pour recevoir un traitement
médical, comportement que ses gardiens avaient jugé
offensant et méritant une mort douloureuse et horrible.
Cette chemise fut portée par le chef d’un
groupe de Tsiganes roumains connu sous le
nom de Calderai. Comme d’autres Tsiganes, le
propriétaire, Gheorge Ciaoba, portait des
vêtements aux couleurs vives à certaines occasions.
Cette chemise date des années 1942 à 1945, années
durant lesquelles les nazis persécutèrent violemment les
Tsiganes, souvent (et aisément) identifiables par leurs
vêtements.
1943
460
docteur Niuta Jurezkaya, une femme
médecin qui s’était évadée du ghetto
de Minsk dans les forêts voisines, est
reprise, torturée et abattue. • À Berlin, 200 patients de l’hôpital juif de la
ville sont déportés au camp / ghetto
de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. • Les autorités allemandes
déclarent Berlin judenrein (sans
Juifs).
• 20 juin 1943
: Cinq mille Juifs
d’Amsterdam sont déportés à Auschwitz. • Liquidation du ghetto de Ternopol, en Ukraine.
• 21 juin 1943
: Le chef des SS Heinrich
Himmler ordonne la liquidation de tous
les ghettos en Union soviétique. • Les
derniers Juifs du ghetto de Lvov
(Ukraine) sont traqués et massacrés, y
1943
Le succès du
début de l’opération Barbarossa
aboutit à un
nombre
gigantesque de
prisonniers de
guerre soviétiques
que les nazis traitèrent comme des
sous-hommes. Un
grand nombre
d’entre eux furent
exécutés ou moururent au cours de
longues marches
de la mort ; tous
souffrirent atrocement de la faim et
des privations. Si leur identité était découverte, les soldats
juifs étaient voués à la mort ou envoyés dans des stalags
et des camps d’extermination comme Sobibor. Cet
homme décharné, un prisonnier de guerre juif, est identifié
par l’étoile de David qu’il fut contraint de porter.
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Initiation dans les camps
Le passage à la vie dans un camp de concentration constituait une expérience perturbante
et bouleversante. Depuis le moment où l’on
pénétrait dans le Lager, toute la routine quotidienne devait être repensée. Ne pas s’adapter,
c’était se condamner.
Privés de nourriture, d’eau et d’installations
sanitaires depuis plusieurs jours, les nouveaux
arrivants étaient momentanément soulagés
lorsque les portes de leurs wagons s’ouvraient
brusquement et qu’ils recevaient l’ordre de
descendre. Ce soulagement était cependant de
courte durée.
Dans certains camps, des officiers SS en uniformes noirs impeccables ordonnaient aux nouveaux arrivants d’aller à gauche ou à droite,
vers la vie ou vers la mort. Les gardes
accueillaient les détenus à coups de crosse de
fusil et de matraques, tandis que des silhouettes
émaciées en tenues rayées regroupaient les prisonniers vers leurs destinations.
Une fois dans le camp, les nouveaux arrivants étaient rasés, tatoués (dans certains
camps) et abandonnés dans un environnement
totalement étranger. Pour survivre, les détenus
devaient oublier tout ce qu’ils avaient connu
dans une société civilisée et apprendre les
mœurs du Lager. ils devaient se déplacer avec
la foule, éviter de se distinguer et, chaque fois
que c’était possible, se procurer une ration supplémentaire de nourriture. Les détenus avaient
très peu de temps pour apprendre les nouvelles
règles de leur nouvel environnement. En
quelques jours, ces êtres humains devenaient
des victimes anonymes du régime nazi.
Une passerelle enjambant la rue Paneriu relie les
deux ghettos de Kovno (Lituanie), le grand et le petit.
En juin 1943, le ghetto de Kovno fut converti en camp
de concentration et les 4 000 habitants furent transférés dans des petits camps situés hors de la ville. En
même temps, un groupe de Résistance, l’Organisation
juive de combat, fut constitué pour faciliter le départ
des Juifs du ghetto et leur entraînement aux activités
des partisans.
compris les 350 à 500 découverts dans les
égouts de la ville. • Assassinat de tous les
travailleurs juifs des usines municipales
de Drogobych, en Ukraine. • Le professeur allemand August Hirt choisit 103
Juifs d’Auschwitz, hommes et femmes,
pour les transférer au camp de Natzweiler-Struthof, situé près de Strasbourg. Ils y
sont gazés. Les parties molles des corps
sont enlevées et les squelettes sont
suspendus sur une corde à l’Institut anatomique du Reich de Strasbourg pour
l’étude de la race juive ; voir 25 octobre
1943.
prisonniers et ordonne que les autres
soient emmenés pour être exécutés. Un
non Juif, Jan Nakonieczny, réussit à cacher
cinq Juifs dans son minuscule poulailler.
• 23 juin 1943 : La police ukrainienne
encercle une école juive à Czortków, en
Ukraine où sont hébergés 534 travailleurs
juifs réduits en esclavage. Le commandant
du camp, Thomanek, abat plusieurs
• 25 juin 1943 : La Résistance juive
armée se manifeste à Lvov, en Ukraine,
et à Czestochowa, en Pologne. • Ouverture d’un nouveau four crématoire à
Auschwitz-Birkenau.
461
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La technologie de la mort
Inaccessible aux chercheurs
occidentaux jusqu’à l’effondrement
de l’URSS, le dossier 17/9 des services de renseignement de l’Armée
rouge attira l’attention de l’historien Gerald Fleming en mai 1993.
Il contenait des informations sur
Kurt Prüfer, Fritz Sander et
d’autres ingénieurs allemands
employés par Topf und Söhne
(Topf et fils) dont la production
comprenait des fours crématoires
dans les camps nazis de Buchenwald, Dachau, Mauthausen, GrossRosen et Auschwitz-Birkenau.
Fin 1944, les Allemands détruisirent les équipements et les rapports d’Auschwitz-Birkenau, mais
cette usine de la mort était trop
vaste pour être dissimulée.
Lorsque l’Armée rouge libéra les
camps deux mois plus tard, des
preuves accablantes, selon les
mots de Fleming, montraient « la
construction d’une technologie de
la mort en masse, comprenant les
coûts précis des fours crématoires
1943
et les calculs sur le nombre de
corps que chacun pourrait incinérer par jour. » Ainsi, tout en fournissant
un
document
sur
l’arrestation de Prüfer et Sander
par l’Armée rouge, le dossier 17/9
contenait la transcription des
interrogatoires qui suivirent.
Minutieusement planifiée, la
construction des quatre unités de
chambres à gaz-fours crématoires
d’Auschwitz-Birkenau prit un
temps considérable, en grande
partie à cause des contraintes du
temps de guerre. Topf ne fut que
l’une des 11 entreprises civiles
nécessaires pour les produire. Utilisant la main-d’œuvre des détenus, la construction commença
durant l’été 1942, mais il fallut
près d’un an avant que la dernière
unité soit opérationnelle. Chacune comprenait un vestiaire, une
chambre à gaz et une pièce contenant les fours crématoires de
Topf. Ces endroits étaient destinés
à tuer des milliers de Juifs par
jour. Au point,
précisa Prüfer
à ses enquêteurs
de
l’Armée
rouge,
que
« les briques
furent
endommagées au bout
de six mois
parce que les
fours étaient
mis à rude
épreuve. »
• 29 juin 1943
: Au sud de Varsovie,
cinq Polonais sont fusillés pour avoir
caché quatre Juifs. Ces derniers sont
également abattus. • Au camp de travail de Biala-Waka, près de Vilnius,
en Lituanie, 67 détenus sont abattus
en représailles à l’évasion de six Juifs
dans une forêt voisine.
• Fin juin 1943 : Les habitants d’une
462
« De 1940 à 1944, déclara Prüfer, 20 fours crématoires pour les
camps de concentration furent
construits sous ma direction. »
Son travail l’amena à Auschwitz à
cinq reprises et il savait que « des
êtres humains innocents y étaient
liquidés ». C’était le cas également de l’un des supérieurs de
Prüfer, Sander, spécialiste de la
ventilation dans les fours crématoires, qui fut amené à se rendre à
Auschwitz à trois reprises dans le
cadre de son travail chez Topf.
Les interrogatoires de l’Armée
rouge montrent que, fin 1942,
Sander soumit les plans d’un four
crématoire d’une capacité encore
plus importante. Bien qu’il n’ait
jamais été construit, il aurait utilisé « le principe du tapis
roulant », expliqua-t-il. « C’est-àdire, les corps devaient être amenés aux fourneaux d’incinération
sans interruption. » Sa tâche,
affirma Sander le 7 mars 1946,
avait consisté à utiliser « ses compétences de spécialiste… pour
aider l’Allemagne à gagner la
guerre, tout comme un ingénieur
en aéronautique construit des
avions en temps de guerre, lesquels induisent également la destruction d’êtres humains. »
Moins de trois semaines plus
tard, Sander, détenu par l’Armée
rouge, mourut d’une crise cardiaque. Condamné à une peine de
« 25 ans de privation de liberté »,
Prüfer mourut d’une hémorragie
cérébrale, le 24 octobre 1952.
maison de retraite juive sont déportés
au camp / ghetto de Theresienstadt, en
Tchécoslovaquie.
• Juillet 1943 : Au cours d’une
émission à la radio américaine, le
membre du Congrès juif Emanuel Celler condamne le gouvernement américain qui garde le silence devant le
traitement réservé aux Juifs européens
par les nazis. • La Ligue internationale
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Ces Juifs d’Amsterdam sont pris
dans une rafle et seront déportés à
Auschwitz en 1943. De nombreux
citoyens néerlandais vinrent en
aide aux 110 000 Juifs et 30 000
immigrants juifs résidant aux PaysBas. Cependant, de nombreux
Néerlandais du gouvernement et
des forces de police collaborèrent
avec les Allemands. La dernière
rafle, qui prit au piège 5 000 Juifs,
eut lieu en septembre 1943.
Ces superbes pianos à queue
faisaient partie des objets
confisqués par les nazis aux Juifs
de Prague (Tchécoslovaquie) et
d’autres villes. Le génocide perpétré contre les Juifs européen
s’accompagna d’une expropriation
systématique des biens juifs. Tout ce
qui pouvait avoir une certaine
valeur était saisi, enregistré et acheminé dans un entrepôt.
Considérant le photographe avec méfiance, ces enfants néerlandais du
quartier de Kallenburg, à Amsterdam, se pressent les uns contre les autres,
en quête de chaleur et de réconfort. Au fur et à mesure que l’occupation
nazie se poursuivait, les conditions se détériorèrent pour tous les civils et
notamment pour les plus vulnérables : les enfants et les personnes âgées. La
photographe Emmy Andreisse, membre de la Résistance néerlandaise, fixa
sur sa pellicule les conditions prévalant aux Pays-Bas sous l’Occupation.
des femmes américaines pour la paix et
la liberté estime que plusieurs millions
de Juifs ont déjà été assassinés par les
Allemands en Pologne, et que le
gouvernement et le peuple américains
ont une part de responsabilité dans ces
atrocités parce qu’ils sont des lâches,
contents d’eux, recouverts « d’une
épaisse couche de préjugés ».
• 5 juillet 1943
: Les Allemands
lancent une grande offensive à Koursk,
en Russie, entamant la bataille de tanks
la plus importante de l’histoire ; voir 23
juillet 1943. • Heinrich Himmler
ordonne la transformation du camp de
la mort de Sobibor en un camp de
concentration.
• 6 juillet 1943 : Plus de 2
400 Juifs
des Pays-Bas sont déportés à Sobibor.
• 10 juillet 1943 : Débarquement des
Alliés en Sicile. • Plusieurs milliers de
Juifs de Lvov, en Ukraine, sont assassinés à Kamenka-Bugskaya.
• 11 juillet 1943 : Martin Borman
publie, au nom d’Hitler dont il était
le secrétaire, une directive de très
haut niveau ordonnant que les débats
publics sur les Juifs ne mentionnent
463
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Le fusil prêt à servir, Vitka Kempner
(à droite) se trouve aux côtés de ses
camarades résistantes Zelda Treger et
Raisel Kartshak. Parmi les partisans,
V. Kempner fut considérée comme
exceptionnellement audacieuse.
Début juillet 1943, elle se glissa discrètement hors du ghetto de Vilnius
(Lituanie) portant une bombe de fabrication artisanale avec laquelle elle fit
sauter un train de munitions
allemand. Bien que blessée, elle marcha trois jours et trois nuits pour
retourner dans le ghetto. Elle poursuivit par la suite ses opérations à partir
des forêts, aidant les Juifs réduits en
esclavage à s’évader de Keilis, près
de Vilnius et à rejoindre d’autres partisans pour détruire une usine.
Le grand mufti de Jérusalem, Hajj Amin al-Husseini, favorable à l’Axe,
inspecte le fusil d’un volontaire musulman bosniaque de la Waffen SS. En
tant que leader des Arabes et des musulmans, al-Husseini considérait les
puissances de l’Axe comme un moyen de gagner l’indépendance arabe et
de détruire les Juifs. Il ne parvint pas à réaliser son rêve d’une légion arabe
indépendante, mais il réussit à persuader quelque 20 000 musulmans bosniaques de rejoindre des unités de volontaires appelées Handjar (Glaive).
Incorporées à la Waffen-SS, ces troupes se montrèrent efficaces pour
traquer les Juifs et les partisans.
Les nazis pendirent 20 prisonniers
dans le camp de Buchenwald, en
Allemagne, en représailles au meurtre
d’un garde allemand. Comme d’habitude, le camp tout entier fut contraint
d’assister aux exécutions. Les nazis
espéraient que les détenus
concluraient qu’une telle résistance ne
serait jamais impunie et que des innocents souffriraient en même temps
que les rebelles.
1943
464
pas « une future solution générale »,
mais seulement que les Juifs sont rassemblés pour travailler.
• 14-17 juillet 1943 : Ouverture à
Krasnodar, dans le Caucase russe, du
procès de 13 Soviétiques accusés de
collaboration. Huit sont condamnés à
mort ; trois sont condamnés à 20 ans
de prison et deux sont acquittés.
• Mi-juillet 1943 : Les Allemands
exécutent le professeur Kurt Huber,
un militant antinazi, membre du
groupe de résistance des étudiants de
Munich, la Rose blanche.
• 16 juillet 1943 : À Vilnius, en Lituanie, la police fait irruption dans une
réunion des membres de l’Organisation
unifiée des partisans et de Jacob Gens,
1943
Sur le balcon de sa villa, le sinistre Amon Goeth,
capitaine SS et commandant du camp de travail de
Plaszów en Pologne, attend l’occasion de tirer sur un
prisonnier juif – n’importe lequel. Un tel « sport » était
unique en son genre parmi les commandants du camp
et finit par lui coûter la vie, puisqu’il fut jugé par les
Polonais après la guerre et exécuté à Cracovie. La passion du commandant Goeth pour ce diabolique passetemps est décrite dans le film La liste de Schindler.
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Aktion 1005
En 1942, lorsque les Alliés eurent vent des
assassinats en masse perpétrés par les nazis – et
lorsque des centaines de milliers de corps hâtivement enterrés présentèrent de sérieux risques
sur le plan sanitaire – les nazis planifièrent leur
opération la plus macabre : rouvrir les fosses
communes, exhumer les corps et les brûler.
Cette Aktion 1005 fut dirigée par Paul Blobel, l’organisateur du massacre de Babi Yar.
Chaque Sonderkommando 1005 fut supervisé
par des membres du Service de la Sûreté, la
police de Sûreté et la police ordinaire allemande. Des prisonniers, pour la plupart juifs,
firent l’essentiel du travail. À partir de juin
1942, les Sonderkommandos brûlèrent les corps
qui avaient été abandonnés dans les camps de
la mort nazis. En juin 1943, ils arrivèrent aux
fosses communes de Pologne et de l’Union
soviétique occupée.
Les prisonniers furent répartis en trois
groupes. Le premier ouvrait les fosses et exhumait les corps. Le second disposait les corps sur
des bûchers en alternance avec des rondins de
bois, les arrosait d’essence et allumait le feu. Le
troisième groupe enlevait et dispersait les
cendres, puis broyait les os.
Les nazis dissimulèrent de nombreuses
fosses communes, mais pas toutes. Quant aux
prisonniers du Sonderkommando 1005, la plupart furent assassinés, une fois leur travail terminé. Plusieurs dizaines d’autres survécurent
après s’être révoltés et enfuis.
Au moment où Treblinka fut fermé, en juillet 1943,
ses chambres à gaz avaient fait périr au moins
750 000 personnes, pour la plupart des Juifs de
Pologne. Après la visite d’Heinrich Himmler au camp,
en mars 1943, les nazis exhumèrent des centaines de
milliers de corps qui avaient été enterrés. D’immenses
brasiers furent installés et les corps furent brûlés pour
masquer les preuves du massacre colossal qui s’était
produit. Ces ossements témoignent que les nazis n’atteignirent pas leur objectif.
chef du Conseil juif du ghetto, et s’empare de son chef, Yitzhak Wittenberg.
De l’extérieur, des partisans juifs attaquent la police et libèrent Wittenberg ;
voir 17 juillet 1943. • Theophil Wurm,
évêque de l’Église évangélique de Wurtemberg, en Allemagne, adresse une
lettre à Berlin, dans laquelle il
demande que la persécution des
« membres des autres nations et races »
prenne fin immédiatement.
• 17 juillet 1943 : Le chef des partisans
Yitzhak Wittenberg se rend à la
Gestapo pour empêcher que le ghetto
de Vilnius (Lituanie) ne soit rasé.
• 19 juillet 1943 : Les Allemands utili-
• 18 juillet 1943 : Deux cents
• 20 juillet 1943 : Cinq cents travailleurs
réduits en esclavage sont assassinés à
Czestochowa, en Pologne. • 2 209 Juifs
des Pays-Bas sont déportés à Sobibor.
• Deux Juifs s’évadent de Sobibor.
travailleurs réduits en esclavage sont
assassinés à Miedzyrzec, en Pologne.
• Un millier de Juifs de Paris sont
déportés à Auschwitz.
sent 3 500 Juifs réduits en esclavage
pour procéder à la recherche des
objets de valeur dans les ruines du
ghetto de Varsovie.
465
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Musique pour les
condamnés à mort
En Allemagne et dans les
pays occupés, les nazis réduisirent au silence les musiciens
juifs. Ils s’adressèrent cependant aux Juifs pour masquer
par de la musique les cris
d’angoisse des camps, créant
ce que les prisonniers appelèrent Symphonia diabolica.
Dans chacun des camps de
la mort, des orchestres
jouaient des airs gais et réconfortants à l’arrivée des trains et
de leur chargement humain
épuisé. Les suspicions et les
craintes des déportés se dissipaient lorsqu’ils entendaient la
musique familière d’une
société civilisée.
À Auschwitz, où six
orchestres étaient constitués,
et dans d’autres camps, les
musiciens jouaient lorsque les
détenus partaient au travail
(pour le divertissement des
SS), ainsi que lors des sélections et des exécutions. Au
camp de Janówska, en
Ukraine, les nazis ordonnèrent
la composition d’une mélodie
spéciale, le Tango fun toyt
(Tango de la mort), pour
accompagner les prisonniers à
la mort.
1943
466
Les nouveaux dirigeants du
gouvernement polonais en exil, le
premier ministre Stanislaw Mikolajczyk (à droite, en uniforme), et le président Wladyslaw Raczkiewicz (en
costume), reçoivent un rapport de
leurs officiers. Initialement installé à
Paris, le gouvernement en exil passa
à Londres en juillet 1940. C’est de là
que les représentants diffusaient des
messages radio exprimant l’espoir de
rentrer en Pologne. Ils utilisaient aussi
des messagers comme Jan Karski
pour connaître le mieux possible ce
qui se passait en Pologne, et ils tentèrent de soutenir la Résistance par des
armes et des renseignements.
Les dessins de Walter
Spitzer illustrent de façon saisissante les atrocités de la
Shoah. Ici, les morts et les
vivants squelettiques sont
mêlés. Bras et jambes
pendent sur le côté du chariot qui effectue son dernier
voyage. La façon dont Spitzer représente les corps
décharnés dans diverses
positions témoigne de l’enfer
qu’était la vie dans un camp.
• 22 juillet 1943 : Le Département
d’État des États-Unis continuant à
différer toute action concernant le
plan Riegner pour sauver 70 000
Juifs, le rabbin américain Stephen
Wise supplie le président Franklin
Roosevelt de soutenir le plan. Roosevelt autorise que le plan soit enterré
du fait des « vigoureuses objections
britanniques. »
• 23 juillet 1943
: Mandel Langer,
âgé de 40 ans, actif saboteur antinazi
depuis la fin de 1942, est capturé et
exécuté à Toulouse. • Échec de
l’offensive des blindés allemands à
Koursk, en Russie, la plus grande
bataille de tanks de l’histoire.
• 24 juillet 1943 : Vingt et un jeunes
partisans juifs de Vilnius (Lituanie)
1943
Nazi de longue date, Odilo Globocnik rejoignit le parti en Autriche,
en 1931. Avant l’Anschluss
(annexion), il s’efforça d’augmenter
les effectifs et l’influence du parti.
Après l’Anschluss, le zèle de Globocnik dans la SS lui valut le poste de
Gauleiter de Vienne, une fonction
dont il fut par la suite limogé pour corruption. Désireux d’utiliser l’ambition
et l’obéissance servile de Globocnik,
Heinrich Himmler lui pardonna et le
chargea de la région de Lublin, en
Pologne. Globocnik supervisa la
construction de Majdanek, Belzec,
Sobibor et Treblinka, et contrôla le
travail forcé et l’extermination
jusqu’en août 1943.
Un baraquement du camp de concentration d’Auschwitz est bordé de
châlits en bois sur trois niveaux servant de « lit » aux détenus. Chaque
niveau était partagé par plus d’une personne et souvent doté seulement
d’une fine couverture. La plupart des survivants considéraient ces couchettes
comme un refuge après l’existence précaire et dangereuse du jour, mais les
nuits étaient aussi remplies de terreur. Les déchaînements nocturnes des
kapos ivres, les luttes fréquentes entre détenus partageant le même châlit et
les incessantes sorties aux latrines et aux pots de chambre ponctuent les
souvenirs des rescapés.
rejoignent les partisans soviétiques derrière les lignes allemandes. Au nord de
Vilnius, neuf de ces Juifs sont tués dans
une embuscade tendue sur le pont de
Mickun. Trois jours plus tard, 32
proches des neuf partisans morts sont
capturés par la Gestapo à Vilnius,
emmenés aux fosses de Ponary, dans les
environs, et exécutés. Bruno Kittel,
chef de la Gestapo de Vilnius, annonce
que toute la famille d’un Juif qui
s’évade du ghetto pour se rendre dans
la forêt sera abattue. Si un évadé n’a ni
famille ni compagnon de chambre, tous
les habitants de son immeuble seront
exécutés. En outre, si une équipe de
travail de dix Juifs ne revient pas au
complet, tous les autres travailleurs
seront exécutés.
• Le gouvernement espagnol intervient
en faveur de 367 Juifs séfarades de Salo-
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Dans le cadre d’un effort général
des scientifiques nazis pour augmenter
le taux de natalité « aryen », le docteur
Josef Mengele mena des recherches
sur la gémellité. Les jumeaux retirés des
trains à leur arrivée par les assistants
de Mengele étaient sans cesse mesurés
et comparés. Certains mouraient simplement d’hémorragies après une journée d’expérimentation. D’autres
mouraient de façon encore plus atroce
par des opérations de la colonne vertébrale ou pire encore, dans des opérations destinées à accoler des jumeaux.
Les jumeaux Guttmann, René et
Renate, photographiés ici avec leur
mère, furent déportés d’abord à Theresienstadt, puis à Auschwitz où Mme
Guttmann mourut dans les chambres à
gaz. Les jumeaux survécurent aux
expériences de Mengele et se retrouvèrent après la guerre aux États-Unis.
Étant donné que Mengele assassinait
ses sujets (par une injection) lorsqu’il
estimait qu’ils avaient « servi », il
n’existe que très peu d’informations sur
ces « travaux » concernant la
gémellité. Les jumeaux Guttmann et
quelques rares autres sujets qui
évitèrent la mort fournirent des renseignements inestimables aux enquêteurs
américains sur les crimes pervers de
Mengele.
nique, en Grèce, veillant à ce que la
déportation leur soit épargnée et à ce
qu’ils se réfugient en lieu sûr en Espagne.
• L’armée de l’Air britannique (Royal Air
Force) entreprend des raids sur
Hambourg, en Allemagne.
• 25 juillet 1943 : Le dictateur italien
Benito Mussolini démissionne sous la
pression et est arrêté. • Un jeune Juif
du camp de travail de Janówska, près
467
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Heinz Birnbaum, Werner Steinbrink, Lotte
Rotholz et Edith Fraenkel
étaient membres du mouvement de Résistance
appelé le Baum Gruppe
(groupe Baum). L’incendie
provoqué par le groupe
dans une exposition antibolchevique financée par
le gouvernement en mai
1942, conduisit par la
suite à la mort de presque
tous les membres, dont ces
quatre résistants. On
pense que Birnbaum fut
pendu. Steinbrink fut
appréhendé par les autorités nazies après l’incendie
et exécuté le 18 août
1942. Lotte Rotholz mourut à Auschwitz. Edith
Fraenkel fut déportée au
camp / ghetto de
Theresienstadt (Tchécoslovaquie), puis à Auschwitz,
où elle mourut en 1944.
1943
de Lvov, en Ukraine, qui semble
content de la chute de Mussolini, irrite
un agent de la Gestapo qui ordonne
qu’on le suspende la tête en bas, qu’on
lui place dans la bouche son pénis
coupé et qu’il reçoive des coups sur le
ventre jusqu’à ce que mort s’ensuive.
• 27 juillet 1943 : Les Allemands
assassinent 17 Juifs découverts dans
les décombres du ghetto de Varsovie.
468
• 28 juillet 1943 : Jan Karski, un
résistant polonais catholique qui avait
visité le ghetto de Varsovie et le camp
de la mort de Belzec, arrive aux
États-Unis pour raconter aux
dirigeants américains ce qu’il a vu.
Son entretien avec le président
Franklin Roosevelt indique que le
président est déjà très au courant de
la Shoah.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Janówska
Comme des centaines d’autres, le ghetto de Bedzin (Pologne) fut par la
suite liquidé. Cette photographie, prise après la destruction du 1er août
1943, montre des meubles et d’autres objets jonchant le sol dans le plus
grand désordre. Debout à gauche, un policier allemand souriant, de toute
évidence satisfait de l’extermination de la communauté juive polonaise.
Fryda Litwak était née en
Ukraine, en 1916. Elle fit partie
des milliers de Juifs qui survécurent
à la Shoah en se faisant passer
pour aryens, dans son cas, sous le
nom de Zofia Wolenska. Vivant
constamment dans la hantise d’être
découverte et donc de mourir, elle
trouva un travail chez un
pharmacien de Radom, en
Pologne. Elle se rendit plus tard en
Allemagne pour travailler. Bien
qu’elle ait échappé aux nazis, elle
mourut au cours des derniers mois
de la guerre, peut-être victime des
bombes des Alliés.
• Fin juillet 1943 : Des membres du
Sonderkommando du camp de la mort
de Belzec sont envoyés au nord, dans
le centre d’extermination de Sobibor
où les détenus se révoltent à leur
arrivée et sont abattus.
• Août 1943 : Révolte de détenus dans
le camp de travail de Sasow, en
Pologne. • Résistance armée au camp
de travail de Lackie Wielkie, en
Pologne. • Après la résistance armée
qui se manifeste à Jaktorów, en
Pologne, ce camp de travail est liquidé
et les détenus massacrés. • Frumka
Plotnicka, qui risqua sa vie à plusieurs
reprises en se glissant dans le ghetto de
Varsovie avec des informations et des
produits de contrebande, est acculée
par les nazis dans une cave à Bedzin
(Pologne) et abattue. • Sous la direction
du rabbin Joshua Aaronson, la révolte
Situé dans la rue Janówska,
importante artère de Lvov, en
Ukraine, le camp de concentration de Janówska était
célèbre pour sa brutalité, couverte par de la musique.
À l’automne 1941, les
Deutsche Ausrüstungswerke
(usines d’équipement allemandes) qui dépendaient de
la SS, déplacèrent des prisonniers du ghetto à Janówska
en vue de produire du matériel de guerre. Dans des
conditions inhumaines, les
détenus devaient se plier à
des tests physiques éreintants pour prouver leur
endurance. Les rares survivants travaillaient une autre
journée. Les nombreux
autres étaient emmenés à na
Piaski (vers les sables), une
carrière de sable, et abattus.
En mars 1942, Janówska
devint un camp de transit
pour les Juifs de Galicie
orientale en route vers le
camp d’extermination de
Belzec et, en 1943, Janówska
devint lui-même un centre
de meurtre. Sur le caprice de
l’officier SS Wilhelm Rokita,
ancien violoniste, la mort se
déroulait en musique. L’orchestre des détenus reçut
l’ordre de composer, puis de
jouer, le Tango fun toyt
(tango de la mort) pour
accompagner les sélections
et les exécutions.
juive au camp de travail de Konin
(Pologne) aboutit au massacre de
presque tous les révoltés. • Sous le calcaire des montagnes du Harz, en Allemagne, des détenus sont astreints à
construire une usine d’armement
secrète à Nordhausen.
• 1er août 1943 : Liquidation des
ghettos juifs de Bedzin et Sosnowiec,
en Pologne. La plupart des Juifs sont
469
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La déportation des Juifs européens
Des trains partis du camp de
transit de Westerbork, situé dans
le nord-est des Pays-Bas, envoyèrent à la mort dans les camps de
Sobibor et d’Auschwitz plus de
100 000 Juifs sur les 140 000 que
comptait ce pays. Le 24 août
1943, Etty Hillesum, une jeune
Juive néerlandaise, âgée de 29
ans, écrivit une lettre clandestine
décrivant l’une de ces déportations : « Mon Dieu, écrivit-elle,
les portes vont-elles vraiment
être fermées maintenant ?... Par
des petites ouvertures en haut,
nous distinguions des têtes et des
mains, des mains qui vont s’agiter
en notre direction, plus tard,
lorsque le train démarrera… Le
train lance un coup de sifflet perçant, et 1 020 Juifs quittent les
Pays-Bas. »
Avant l’automne 1938, l’Allemagne nazie fit pression sur les
Juifs pour qu’ils émigrent. La
conquête militaire plaçant de
nouveaux territoires et des millions de Juifs sous la domination
nazie, les Allemands jugèrent bon
d’appliquer une politique plus
agressive pour résoudre
« la question juive ».
Durant les 18 premiers
mois de la Seconde
Guerre mondiale, la
déportation fit partie intégrante du plan nazi visant
à éliminer les Juifs du
Troisième Reich en pleine
expansion en les envoyant
dans des ghettos ou en les
cantonnant dans certaines
régions de l’Est. Avec les
massacres perpétrés en
1941 par les Einsatzgrup-
1943
470
pen et les décisions prises pour
résoudre la « question juive » par
les meurtres en masse, la déportation prit une autre signification.
N’étant plus un objectif, la déportation devint le moyen d’envoyer
les Juifs dans les camps de la
mort de Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek et surtout Auschwitz-Birkenau.
Avec le soutien décisif du
ministère allemand des Transports et de sa bureaucratie des
chemins de fer, Adolf Eichmann
et son équipe de la section IV B 4
du Bureau principal de la Sûreté
du Reich montèrent cette opération à l’échelle du continent.
Depuis des gares européennes
lointaines, des trains acheminèrent près de trois millions de
Juifs dans des camps de la mort.
Les « passagers » devaient payer
un aller simple, puis étaient souvent transportés dans des wagons
de marchandises bondés.
En 1942, les déportations
anéantirent la communauté juive
de Pologne, mais le réseau s’étendait bien plus loin. En mars, il
déportés à Auschwitz. Certains résistent avec des armes.
• 2 août 1943 : Armés de quelques
revolvers, fusils et grenades à main,
ainsi que d’essence, des détenus juifs
du camp de la mort de Treblinka
organisent une violente révolte qui
permet l’évasion de 350 à 400 des
700 détenus du camp. Tous, à l’excep-
prit au piège les Juifs slovaques.
La déportation en masse des Juifs
de France, de Belgique et des
Pays-Bas se produisit en juillet.
Les déportations par bateau et
par chemin de fer décimèrent la
petite population juive de Norvège en novembre.
Les déportations se poursuivirent en 1943, année au cours de
laquelle de nouvelles chambres à
gaz et de nouveaux fours crématoires devinrent opérationnels à
Auschwitz-Birkenau. Dans sa
Chronique d’Auschwitz, Danuta
Czech mentionne le gazage de
873 Juifs de Berlin, le 13 janvier.
Le 6 février, 1 868 déportés du
ghetto de Bialystok (Pologne)
furent gazés à leur arrivée. Six
semaines plus tard, 2 191 Juifs de
Salonique (Grèce) périrent dans
les chambres à gaz. Les meurtres
n’en finissaient pas.
Etty Hillesum et les membres
de sa famille furent déportés de
Westerbork, le 7 septembre 1943.
Ils arrivèrent à Auschwitz probablement le 9 septembre. Ses
parents furent gazés immédiatement. Le 30 novembre
1943, la population des
détenus du complexe
d’Auschwitz était composée de 54 446 hommes et
33 846 femmes. Parmi
eux, 9 273 hommes et
8 487 femmes étaient portés malades et incapables
de travailler. Selon un
rapport de la Croixrouge, la mort d’Etty Hillesum daterait du 30
novembre 1943.
tion d’une centaine, sont traqués et
assassinés. Les chefs de la révolte
étaient, entre autres, le docteur
Julian Chorazycki, Alfred Marceli
Galewski, et Zelo Bloch.
• 3 août 1943 : Des membres de l’Organisation juive de combat du ghetto
de Bedzin (Pologne) organisent sans
succès une résistance contre les nazis.
1943
Abraham Kolski (à gauche) est ici
en compagnie d’Erich Lachman et
d’un homme nommé Brenner. Tous
trois participèrent au soulèvement de
Treblinka, le 2 août 1943 et
réussirent à trouver refuge dans la
forêt voisine. Peu après, les trois
hommes furent hébergés par une
famille de non Juifs qui les cachèrent
jusqu’à la libération de la Pologne.
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
RÉVOLTES JUIVES DANS LES GHETTOS ET LES
CAMPS DE CONCENTRATION, 1941–1944
mer Baltique
REICHSKOMMISSARIAT
SOUS
OSTLAND
ADMINISTRATION
MILITAIRE
Kovno
ALLEMANDE
Vilna
Minsk Grandes révoltes en ghetto
Grandes révoltes en camp de travail
Révoltes en camp de la mort
0
0
100 miles
Mir
200 kilomètres
Bialystok
N
Treblinka
GRANDE
ALLEMAGNE
Mińsk
Mazowiecki
Varsovie
Czestochowa
Bedzin
Sosnowiec Auschwitz
REICHSKOMMISSARIAT
Sobibór
UKRAINE
Lublin Tuchin
GENERALGOUVERNEMENT
Kremenets
Cracovie
Janówska
Tarnów
PROTECTORAT DE
BOHÊME & MORAVIE
SLOVAQUIE
HONGRIE
ROUMANIE
Alors que tout était contre eux, les Juifs se révoltèrent cependant dans
les ghettos (notamment à Varsovie et Bialystok), les camps de concentration
et les camps de la mort. Des Juifs mirent le feu au camp de Treblinka, le 2
août 1943, tuèrent 11 gardes SS à Sobibor, le 14 octobre 1943, et firent
sauter l’un des fours crématoires d’Auschwitz, le 7 octobre 1944.
Le camp de la mort de Treblinka
fume dans le lointain après le soulèvement. La révolte fut organisée par
un petit groupe de prisonniers juifs
d’origine tchèque. Au cours du soulèvement, quelques gardes SS
furent tués et un petit nombre d’insurgés parvinrent à s’évader dans
les forêts des environs. Bien qu’endommagées, les chambres à gaz
continuèrent à fonctionner après la
révolte. Le camp demeura en fonction pendant deux autres mois.
Le chef de l’OJC, Baruch Graftek et ses
compagnons d’armes sont tués.
contact avec les représentants de la
Résistance française à Londres.
• 6 août 1943 : Les Allemands com-
• 7 août 1943 : Le dernier train chargé
de Juifs de Salonique (Grèce) part pour
Auschwitz avec 1 800 personnes. La
plupart d’entre eux seront assassinés au
camp. Vers cette date, la majeure partie
de la population juive de Salonique
d’avant-guerre a été massacrée.
mencent à liquider le ghetto de
Vilnius (Lituanie) ; un millier de Juifs
sont déportés à Klooga (Estonie).
• Le Juif français Albert Kohan est
clandestinement introduit en
Grande-Bretagne pour établir le
• 10 août 1943 : Vingt-sept femmes
juives capturées par les nazis dans le
quartier « aryen » de Varsovie sont
abattues.
• 15 août 1943 : Près d’un millier de
Juifs français d’origine polonaise sont
déportés au camp de travail d’Alderney, l’une des îles anglo-normandes
conquise par l’Allemagne en 1940, et
471
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Bialystok
La ville de Bialystok dans le nord-est de la
Pologne fut d’abord occupée par les Allemands
le 15 septembre 1939. Elle fut livrée à l’Union
soviétique qui l’occupa pendant les 21 mois suivants, puis réoccupée par les Allemands, le 27
juin 1941. La création du ghetto, en août 1941,
scella le sort des 50 000 Juifs de Bialystok.
Comme le ghetto avait besoin de travailleurs
pour ses usines et ateliers, les Juifs eurent le
sentiment qu’ils seraient épargnés.
L’Aktion de février 1943, cependant, dissipa
rapidement les illusions de sécurité à long
terme. Deux mille Juifs furent assassinés dans
les rues de Bialystok et 10 000 autres furent
envoyés à la mort au camp d’extermination de
Treblinka.
Les ordres de liquidation donnés en août
1943 incitèrent les groupes de Résistance du
ghetto à entrer action. Les combats durèrent
du 16 au 20 août. Avec le peu d’armes dont ils
disposaient, les combattants de la Résistance
furent écrasés par les forces allemandes en
nombre très supérieur et bien mieux équipées.
Presque tous les combattants furent tués par
les Allemands. Seuls, quelques centaines de
Juifs de Bialystok survécurent à la guerre.
1943
Les frères Katzowicz combattirent lors du
soulèvement du ghetto de Bialystok (Pologne), en août
1943. La ville comptait de nombreux groupes de résistance qui finirent, en 1943, par laisser de côté la politique pour s’unir dans un but commun. Au cours des
cinq jours de combat, plus de 1 500 combattants juifs
périrent.
Haika Grossman
était une militante
juive de la
Résistance. Elle rejoignit un mouvement
de jeunesse sioniste
à Bialystok, en
Pologne, puis contribua à organiser un
réseau clandestin
après l’occupation
allemande. Pendant
ses nombreuses missions dans d’autres
ghettos pour le
compte de la
Résistance juive,
Haika Grossman se
faisait passer pour une Polonaise non juive. Elle participa aussi à la révolte du ghetto de Bialystok, en août
1943.
astreints à construire des
fortifications.
• 16 août 1943 : Révolte des détenus
du camp de travail de Krychów, en
Pologne.
• 16-20 août 1943 : Les troupes
nazies pénètrent dans le ghetto de
Bialystok, en Pologne, pour extermi472
ner plus de 30 000 Juifs qui s’y trouvent. Plusieurs centaines de combattants de la Résistance, dirigés par
Mordekhaï Tenenbaum-Tamaroff et
Daniel Moszkowicz – qui ripostent
avec des armes légères, des haches et
des baïonnettes – sont tués. Ceux qui
survivent sont transférés dans des
camps de la mort où 25 000 périront ;
voir 17 août 1943.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Scrutant au loin, un homme – probablement un partisan juif – monte la garde. En août 1943, les nazis
entreprirent de liquider le ghetto de Bialystok
(Pologne), déportant les 30 000 derniers Juifs.
Conscients que la fin était proche, quelques Juifs –
sous la direction de Mordekhaï Tenenbaum et Daniel
Moszkowicz – organisèrent, en guise de défi, un combat aussi courageux qu’acharné. D’autres voulurent
prolonger la résistance en se réfugiant dans les forêts
où ils rejoignirent les Forois et autres groupes de partisans.
Voici l’une des centaines de fosses communes creusées près du camp de la
mort de Chelmno. De 1941 à 1944, Chelmno gaza 150 000 à 320 000 personnes (les estimations varient considérablement), dont la plupart étaient des
Juifs polonais. Les nazis interrompirent les déportations à Chelmno en 1943
parce que, selon eux, le processus d’extermination du camp par des camions à
gaz était trop lent. Ils rouvrirent cependant le camp en avril 1944 pour y déporter et y exterminer les Juifs de Lodz (Pologne).
À l’origine créé par les Néerlandais
en 1939 pour servir de centre de
détention aux immigrants juifs illégaux,
Westerbork devint, sous les nazis, le
centre de transit principal de la déportation des Juifs néerlandais. Si la majorité ne passa que quelques jours au
camp, une minorité de personnes
devinrent des résidents permanents,
recevant des cartes de travail comme
celle qui figure ici. La plupart des prisonniers employés travaillaient dans
l’hôpital et le dispensaire du camp.
• 17 août 1943 : Quelque 1 200
de Treblinka reçoit son ultime train
chargé de déportés juifs. Ils arrivent
de Bialystok (Pologne).
• 24 août 1943 : Cinq mille Juifs de
• 20 août 1943 : Trois mille Juifs sont
• 25 août 1943 : Au camp de travail
enfants du ghetto de Bialystok, en
Pologne, sont emmenés au camp /
ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, puis à Auschwitz où ils
seront assassinés. • Les Alliés
remportent la victoire sur les forces
de l’Axe en Sicile.
• 19 août 1943 : Le camp de la mort
exécutés pendant une révolte à Glebokie, en Biélorussie.
• 23 août 1943 : L’Armée rouge s’empare de Kharkov en Ukraine.
Bialystok, en Pologne, sont massacrés
à Auschwitz, Treblinka et Majdanek.
de Janówska, en Ukraine, les SS
sélectionnent 24 belles Juives, âgées
de 17 à 20 ans et les emmènent passer une nuit d’orgie ; voir 26 août
1943.
473
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Des partisans de Rovno dans la
région de Volhynie, en Pologne, se
préparent à rejoindre leurs
camarades dans le combat contre
les oppresseurs. Alors que les nazis
préparaient une ultime Aktion, certains Juifs s’évadèrent et s’enfuirent
dans les forêts avoisinantes.
Opérant en Volhynie, Moshé
Gildenman, appelé « Oncle
Misha », organisa une efficace
unité de partisans qui infligea des
pertes aux troupes allemandes et
ukrainiennes.
Les nazis utilisèrent
abondamment la maind’œuvre réduite en
esclavage dans les
industries de pointe
comme la fabrication
des fusées V-2 qui
s’abattirent sur la
Grande-Bretagne et la
Belgique durant les derniers mois de la guerre.
Ces travailleurs participent à la construction
d’un immense réseau de
tunnels souterrains destiné à abriter les usines
de fusées. Contrairement
aux millions d’esclaves
du Reich, ces détenus –
logés en plein air à l’extérieur des tunnels –
étaient surtout menacés
par les bombardements
alliés.
1943
474
Deux partisans juifs, armes au
poing, se préparent au combat.
Tenant compte de l’appel lancé par
Abba Kovner de combattre plutôt
que de se rendre à leurs
oppresseurs, des jeunes des ghettos
de Vilnius et de Kovno, en Lituanie,
tentèrent de s’évader pour rejoindre
les partisans. La plupart des
groupes étaient pauvrement armés
et rencontraient parfois une hostilité
de la part de partisans antisémites
qui haïssaient les nazis pour
d’autres raisons que la persécution
des Juifs. Animés par un désir de
vengeance, les Juifs constituèrent
des groupes de partisans comme
HaNokem, créé par des Juifs de Vilnius, et Kadima par des Juifs de
Kovno.
• 26 août 1943 : La communauté
juive de Zawiercie, en Pologne, est
exterminée à Auschwitz. • Une jeune
femme juive, l’une des 24 qui avaient
été contraintes de participer à une
orgie de SS, la veille au camp de travail de Janówska, en Ukraine, est
abattue au cours d’une tentative
d’évasion. Les 23 autres femmes
seront assassinées par la suite.
• 27 août 1943 : Tous les Juifs
travaillant dans une usine de ciment
à Drogobych, en Ukraine, près du
camp de travail de Janówska, sont
massacrés. L’une des victimes est le
docteur Mojzesz Bay, diplômé de la
Sorbonne, âgé de 36 ans.
• 28 août 1943 : L’Allemagne impose
la loi martiale au Danemark et abolit
1943
Voici une page de l’album de Kurt Franz, adjoint du
commandant du camp de la mort de Treblinka. Après
son arrivée, à la fin de l’été 1942, Franz commença à
photographier les événements du camp. Il écrivit par la
suite : « Partout, il y avait des corps. Je me souviens
que ces corps étaient déjà boursouflés. » Franz fit partie du personnel de Treblinka jugé entre octobre 1964
et août 1965. Il fut condamné à la prison à vie.
Un volontaire juif près
d’une batterie d’artillerie
côtière porte un obus sur
lequel est écrit en hébreu :
« Cadeau pour Hitler ».
Constituées en 1940, ces
unités servaient dans les
forces britanniques en
Palestine. Lorsque les nouvelles sur les camps de la
mort parvinrent en
Palestine, le désir de
revanche s’intensifia chez
les soldats juifs. Les Britanniques finirent par accepter
de créer la Brigade juive.
l’accord germano-danois du 9 avril
1940 empêchant les Allemands de
molester les Juifs.
• Fin août 1943 : Quarante-sept
Juives et 50 Juifs sont exécutés après
avoir été découverts dans la partie
« aryenne » de Varsovie.
• Septembre 1943 : Les Allemands
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La conférence des Juifs
américains
La conférence des Juifs américains fut organisée en 1943 par le mouvement sioniste américain. Conscients du fait que la guerre aboutit
souvent à des changements politiques radicaux,
de nombreux Juifs américains estimaient que,
lorsque la Seconde Guerre mondiale et la
Shoah auraient pris fin, il serait temps de faire
pression pour la création d’un État juif en
Palestine. Presque toutes les organisations
juives américaines étaient représentées à la
convention de 1943 qui regroupa 500 délégués.
Comme la conférence semblait plus
intéressée par la création d’un État juif que
par le sauvetage des
Juifs européens, plusieurs
organisations
juives – notamment
l’American
Jewish
Committee – critiqua
l’insuffisance
des
débats sur le sauvetage
des victimes de la
Shoah. Par ailleurs, la conférence – organisée
par Henry Monsky (photo) – ne parvint pas à
influencer le gouvernement des États-Unis sur
la question de la Palestine. Ce ne fut qu’en janvier 1945 que la conférence voulut précipiter
le sauvetage des Juifs d’Europe.
Cette conférence fut un signe avant-coureur
de l’engagement massif des Juifs américains en
faveur de la création de l’État d’Israël. En septembre 1945, un sondage Roper indiquait que
80% des Juifs américains se déclaraient favorables aux vues sionistes. La réalisation la plus
importante de la conférence consista à faire
basculer l’opinion politique américaine non
juive en faveur de la création, après la guerre,
d’un foyer pour les Juifs d’Europe.
envoient un bataillon de travail polonais dans les ruines du ghetto de Varsovie pour démolir tout mur ou tout
édifice encore debout après l’attaque
allemande du printemps. La plupart
des survivants de la « liquidation »
d’avril-mai meurent pendant cette
démolition. • L’American Council for
Judaism déclare que le judaïsme
n’existe qu’au sens religieux et que la
tentative de créer une patrie juive
serait un acte déloyal vis-à-vis des
nations où vivent des Juifs. • Au camp
de la mort de Sobibor, des Juifs attaquent des gardes SS avec des pierres
et des bouteilles. Tous les assaillants
sont tués. • Des femmes et des
enfants juifs, ainsi que des malades et
des vieillards, abandonnés sur l’île de
Rab après avoir été déportés de Dalmatie, en Serbie, sont transférés au
camp de concentration de Zemun, en
475
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
L’art, une forme de
Résistance
En pleine humiliation et en pleine désespérance, des prisonniers des camps de concentration refusèrent de laisser étouffer et détruire
leur créativité. Tout en luttant pour survivre, ils
utilisèrent n’importe quel morceau de papier et
bout de crayon qu’ils pouvaient trouver pour
s’exprimer. Par la poésie et le dessin, ils affirmèrent leur propre existence et fournirent un
témoignage sur les horreurs qui, craignaientils, risquaient d’être oubliées.
À Theresienstadt, le camp / ghetto modèle
établi par les nazis près de Prague (en Tchécoslovaquie), des artistes comme Félix Bloch produisirent un art « officiel » sur commande,
tandis que secrètement, ils représentaient le
vécu juif tel qu’il était. Friedl Dicker-Brandeis
entretint le talent des jeunes élèves dont elle
avait la charge à Theresienstadt, leur permettant par leur art de transformer le dangereux
et sombre monde des nazis en un royaume de
lumière et d’amour. Les dessins laissés par les
enfants représentent des papillons et des
oiseaux, des voiliers et des réunions familiales.
Mais ils traduisent aussi le traumatisme de la
vie quotidienne, les gardes du ghetto, et les
départs en train pour les camps de la mort.
Ce poème d’un enfant exprime la nostalgie
évoquée dans les dessins de plusieurs autres :
« Je voudrais m’en aller seul / Là où se trouvent
d’autres personnes, plus gentilles / Quelque
part dans l’inconnu lointain / Là où l’on ne tue
pas les autres. »
La synagogue de Zagreb, en Croatie, fut démolie en
1943. L’assaut contre les Juifs croates, qui commença en
1941 avec l’invasion de l’Union soviétique par
l’Allemagne, se poursuivit en 1943. Les déportations à
partir de Zagreb furent personnellement ordonnées par
Heinrich Himmler, en mai 1943, et l’immense majorité
des Juifs croates envoyés à Auschwitz ne revinrent jamais.
Cependant, la majorité des Juifs croates furent tués, non
pas par les nazis, mais par l’impitoyable régime Ustasa
du pays.
Ignacy Isaac Schwarzbart, député sioniste du parlement polonais et membre du gouvernement polonais
en exil, publiait à Londres un journal juif, L’Avenir,
exposant des témoignages sur la Shoah perpétrée
contre les Juifs en Pologne. À l’instar de toutes les informations de ce genre parvenant aux Alliés, son journal
exerça peu d’impact sur les Alliés en matière d’aide
apportée aux Juifs. Schwarzbart était opposé au bombardement d’Auschwitz, craignant qu’un grand
nombre de Juifs ne périssent durant des attaques
lancées par les Alliés.
1943
476
Yougoslavie, et tués. D’autres, qui
demeurent sur l’île, sont protégés par
des partisans.
• Plusieurs centaines de Juifs s’évadent
de Vilnius, en Lituanie et se dirigent
vers l’Est, vers le front soviétique.
• Vitka Kempner, résistante de Vilnius,
fait sauter un transformateur
électrique de la ville. Le lendemain,
elle pénètre dans le camp de travail de
Keilis, près de Vilnius, et réussit à
mettre en sécurité plusieurs dizaines de
prisonniers. Plus tard, avec cinq autres
partisans, elle se rend à Olkiniki
(Pologne) où elle aide à mettre le feu à
une usine d’essence de térébenthine.
• À Paris, trois résistants juifs tendent
une embuscade et abattent Karl Ritter,
l’adjoint du chef du travail forcé Fritz
Sauckel. • Après avoir refusé pendant
des mois, le gouvernement hongrois
1943
En tant qu’architecte du
programme génocidaire nazi, Heinrich Himmler passa la majeure partie de l’année 1943 à mettre en
œuvre la « solution finale. »
Nommé ministre de l’Intérieur en
août, Himmler, qui contrôlait les tribunaux et la fonction publique, fit
en sorte de promouvoir la réorganisation raciale de l’Europe,
s’attachant particulièrement au sort
des 600 000 Juifs qui, estimait-il,
vivaient en France. Au cours d’un
discours prononcé en octobre
devant les SS Gruppenführers
(généraux de division) réunis à
Posen (Allemagne), Himmler
déclara que les nazis avaient un
« droit moral » et un « devoir »
d’exterminer les Juifs. Himmler
salua le rôle des SS dans ce processus. Curieusement, bien qu’Himmler
ait déclaré au groupe que la solution finale était « une page non
écrite et qui ne sera jamais écrite
de l’histoire [SS], il prit soin de
faire enregistrer son discours.
cède aux exigences allemandes et
accepte que les Juifs soient réduits en
esclavage dans les mines de cuivre de
Bor, en Yougoslavie. • Création à
Vaivara, en Estonie, d’un camp de
concentration pour prisonniers de
guerre soviétiques ; voir 28 juin 1944.
• 2 septembre 1943 : Un millier de
Juifs de Paris sont déportés à
Auschwitz. • Dix mille Juifs de Tarnow
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Le docteur August Hirt, directeur
de l’Institut d’anatomie de Strasbourg,
travaille sur le cadavre d’un Juif. Dans
le cadre de la recherche nazie destinée à prouver la supériorité raciale
des Aryens, Hirt constitua une
immense collection de squelettes de
toutes les populations. En 1943, sa
collection ne comprenait pas encore
assez d’exemples juifs. Alors, à sa
demande, 86 Juifs d’Auschwitz dont
la structure osseuse répondait aux
caractéristiques désirées furent
envoyés à Natzweiler-Struthof où ils
furent gazés. Les corps furent ensuite
envoyés à Strasbourg, à Hirt qui les
réduisit à l’état de squelettes.
En août 1943, 30 femmes furent emmenées du bloc 10 d’Auschwitz-Birkenau et gazées à Natzweiler-Struthof, leurs corps étant ensuite envoyés à
l’Institut d’anatomie de Strasbourg pour y être étudiés. Menés sous les auspices de l’Ahnenerbe (héritage ancestral), un bureau SS, les travaux du
docteur August Hirt étaient destinés à produire un système de classification
anthropologique. Il souhaitait distinguer les races inférieures des
supérieures et prouver la supériorité aryenne.
(Pologne) sont déportés à Auschwitz et
au camp de travail de Plaszów. • 13
Juifs de Treblinka, faisant partie d’une
équipe de travail envoyée à l’extérieur
du camp, utilisent une pince à levier
pour tuer un garde SS ukrainien. Le
dirigeant du soulèvement, un jeune
Polonais âgé de 18 ans, Seweryn Klajnman, enfile l’uniforme du mort et
« encadre » le cortège des douze autres
prisonniers, qui s’éloigne du camp.
• 2-3 septembre 1943 : 3 500 Juifs de
Przemysl, en Pologne, sont déportés
à Auschwitz.
• 3-8 septembre 1943 : Les Alliés
avancent dans la péninsule italienne.
Reddition de l’Italie. Le nouveau
dirigeant italien, le maréchal Pietro
Badoglio, signe un armistice avec les
Alliés.
477
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Pour les nazis, les intellectuels
juifs constituaient un phénomène
particulièrement choquant. Non
seulement ils jouaient un rôle essentiel dans la préservation de la culture juive, mais ils étaient en outre,
du point de vue de l’idéologie
nazie, responsables de l’influence
entièrement négative de la culture
juive sur la culture allemande. Les
nazis attribuaient aux Juifs tout
mouvement intellectuel qu’ils désapprouvaient, notamment toutes les
formes de modernisme culturel. Ces
intellectuels juifs viennois, détenus
dans le camp de concentration de
Mauthausen, en Autriche, payèrent
d’un prix élevé ce préjugé nazi.
Cette caricature, représentant un Juif en train de
prier près de l’autel de la
richesse, parut dans une
publication hongroise antisémite. La position de l’argent, plus élevée que les
rouleaux de la Torah, le
Livre le plus saint du
judaïsme, suggère que les
valeurs matérielles ont remplacé les enseignements
spirituels et éthiques juifs.
La juxtaposition de l’argent
et des Juifs était l’un des
thèmes favoris de la
propagande nazie.
L’auteur de la caricature,
Philipp Rupprecht, qui signait ses dessins FIPS, contribuait souvent à la une
du journal de Julius Streicher, Der Stürmer, d’un antisémitisme ordurier.
Les troupes alliées franchissent
un pont flottant sur le Volturno, en
Italie. La cinquième armée suivit
leurs traces, pourchassant les Allemands jusqu’à ce qu’ils se retirent
de l’autre côté de l’Apennin. En
dépit d’une progression lente et de
lourdes pertes, la cinquième armée
avança vers le nord jusqu’à ce que
les neiges de l’hiver l’arrêtent près
du fleuve Rapido.
1943
478
• 5-6 septembre 1943 : Un ancien
entrepôt de chaussures du ghetto de
Lodz, en Pologne, reçoit livraison de
12 wagons de chaussures volées aux
Juifs assassinés ; voir 13 septembre
1943.
• 8 septembre 1943 : 5 006 Juifs
déportés du camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie,
arrivent à Auschwitz. • Reddition des
forces italiennes devant l’Allemagne
à Rhodes. Les troupes allemandes
occupent Athènes.
• 10 septembre 1943 : Des jeunes Juifs
attaquent les troupes allemandes à
Miedzyrzec, en Pologne, tuant deux soldats. Cinq Juifs sont tués. • Une réception à laquelle assistent la veuve de
Wilhelm H. Solf (ancien ministre des
Colonies de l’empereur d’Allemagne
1943
Des squelettes
humains recouvrent le
sol devant le four crématoire du camp de
Majdanek, en
Pologne. Environ
145 000 personnes
périrent dans les sept
chambres à gaz qui
commencèrent à fonctionner au Zyklon B en
1942. De nombreuses
autres moururent de
faim, de dysenterie ou
fusillées. Le petit four
crématoire s’avérant
incapable de traiter
un tel afflux de corps, un four neuf, plus grand, fut
construit en septembre 1943.
Ce monceau de chaussures au camp de la mort de
Majdanek atteste du nombre de personnes qui
franchirent les portes du camp pour aller à la mort. Alors
que les prisonniers boitillaient dans des sabots inappropriés, des tonnes de chaussures s’accumulaient dans les
entrepôts des camps de la mort. À Auschwitz-Birkenau,
des femmes furent
assignées au
Schuhkommando.
Elles effectuaient
un travail pénible,
séparant les
semelles des
empeignes, et le
caoutchouc du
cuir, les pièces
étant acheminées
en Allemagne. Une
femme, Giuliani
Tedeschi, décrivit
ce travail comme
« une noyade dans
une mer de chaussures. »
Guillaume II), sa fille, la comtesse Ballestrem et d’autres membres de la
Résistance allemande antihitlérienne,
est infiltrée par Reckse, un informateur
de la Gestapo ; voir janvier 1944. • Les
Allemands occupent Rome.
• 11 septembre 1943 : Un millier de
Juifs découverts dans des cachettes à
Przemysl, en Pologne, sont assassinés.
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Majdanek
Camp de concentration et camp de la mort
situé près de Lublin, en Pologne, Majdanek
entra en fonction en octobre 1941. Avant la
libération du camp par les troupes soviétiques,
le 24 juillet 1944, près de 500 000 personnes
originaires de 28 pays y avaient été détenues.
360 000 d’entre elles y périrent, pour la plupart
des prisonniers de guerre soviétiques, des Polonais et des Juifs. Soixante pour cent moururent
de faim, de maladie, et par suite du travail exténuant. Les autres furent exécutés, souvent à
leur arrivée dans les sept chambres à gaz de
Majdanek, comme ce fut le cas pour des milliers de Juifs.
Fin octobre 1943, les détenus reçurent
l’ordre de creuser trois immenses tranchées
dans la partie sud du camp. Il s’agissait de préparatifs pour l’Erntefest (fête des moissons).
Lors de l’appel du 3 novembre au matin, les
Juifs furent séparés des autres prisonniers,
envoyés dans les tranchées et abattus. Les hautparleurs du camp hurlaient une musique dansante pour couvrir les cris et le bruit des armes
automatiques. Les meurtres se poursuivirent
jusqu’à la tombée de la nuit. En ce « mercredi
sanglant », 18 000 Juifs furent massacrés dans
les tranchées de Majdanek.
Destiné à prévenir les révoltes de prisonniers
juifs, l’Erntefest s’étendit au-delà de Majdanek.
Les détenus juifs d’autres camps du district de
Lublin – entre 8 et 10 000 à Trawniki et 15 000
à Poniatowa – furent eux aussi abattus le 3
novembre. Il n’en demeure pas moins que c’est
à Majdanek que fut tué le plus grand nombre
de Juifs en une seule journée.
• 11-14 septembre 1943 :
• 14 septembre 1943 : Jacob Gens,
• 13 septembre 1943 : Dans le ghetto
de Lodz (en Pologne), Icek Bekerman
est pendu pour avoir pris des petits
morceaux de cuir pour en faire des
lacets de chaussures. L’atelier de
menuiserie du ghetto reçoit l’ordre de
construire la potence.
• Mi-septembre 1943 : Au camp de la
mort de Sobibor, des membres de
l’équipe chargée de brûler les corps
construisent un tunnel d’évasion les
conduisant dans le champ de mines du
camp. La plupart des 150 membres de
l’équipe sont tués.
Liquidation de la communauté juive
de Minsk, en Biélorussie.
chef du Judenrat du ghetto de Vilnius
(Lituanie), est abattu par les nazis.
479
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Abba Kovner
En 1941, le poète Abba
Kovner, âgé de 23 ans, était
l’un des dirigeants de l’Hashomer haTsaïr, un mouvement
de jeunesse sioniste socialiste
de Vilnius, en Lituanie. Alors
que les nazis intensifiaient les
rafles de Juifs, Kovner et
d’autres se cachèrent dans un
couvent de Dominicains. Lorsqu’il apprit les meurtres perpétrés dans la forêt de Ponary,
Kovner réalisa
toute
l’ampleur du
plan nazi et
fit vœu de
riposter.
Le 1er janvier
1942,
Kovner avertit son peuple que
la déportation équivalait à la
mort. Il publia un vibrant
appel exhortant la jeunesse
juive à fuir et à combattre et à
ne pas « aller à l’abattoir
comme des moutons. » Kovner
contribua à l’organisation
d’une résistance partisane unifiée et, à la mort de Yitzhak
Wittenberg, devint le commandant de l’Organisation des partisans unis (FPO). Tandis que
les Allemands vidaient le
ghetto de Vilnius de ses derniers Juifs, en septembre 1943,
Kovner dirigea l’évasion de ses
combattants dans la forêt de
Rudninkai où ils poursuivirent
la lutte en tant que bataillon
des « Vengeurs ». Kovner vécut
jusqu’en 1988.
1943
480
Profitant d’un répit dans le travail, une section de travailleurs se regroupe
pour une photographie. Bien qu’habillés, pour la plupart, de vêtements civils,
ces membres d’un bataillon de travail hongrois portent tous des calots militaires.
Tandis qu’Heinrich Himmler et les SS cherchaient à massacrer tous les Juifs d’Europe, Albert Speer, à la tête de l’économie de guerre allemande, manœuvrait
pour fournir le plus grand nombre possible de travailleurs afin de reconstruire
des usines et de produire du matériel de guerre de plus en plus indispensable.
La démolition de cette
synagogue du Luxembourg
fut achevée à l’automne
1943 après un retard de
deux années. L’ordre de
détruire ce lieu de culte juif
fut donné en mai 1941.
Aucun entrepreneur local
n’étant prêt à faire le
travail, les Allemands
embauchèrent deux Italiens.
Environ 3 500 Juifs vivaient
au Luxembourg au début de
la Seconde Guerre
mondiale. Cette minuscule
nation fut déclarée
judenrein (sans Juifs) après
le départ du dernier convoi
de Juifs le 28 septembre
1943.
• 16 septembre 1943 : Plus de 37 000
• 18-19 septembre 1943 : Les Juifs
• 18 septembre 1943 : Deux mille
• 20 septembre 1943 : Un millier de
Juifs italiens passent sous domination
allemande.
Juifs de Minsk (Biélorussie) sont
déportés au camp de la mort de Sobibor ; 80 sont sélectionnés pour le travail forcé ; les autres sont gazés.
de Lida, en Biélorussie, sont déportés
au camp de Majdanek.
détenus juifs du camp de Szebnie, en
Pologne, sont amenés en camion dans
un champ voisin et exécutés à l’arme
automatique. Les corps sont brûlés et
les os jetés dans la rivière Jasiolka.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Entourés par des parachutistes
allemands, un Benito Mussolini
amaigri se réjouit d’être libéré de
sa captivité. Avec le débarquement
en Sicile et l’impulsion donnée du
côté allié, le roi d’Italie Victor
Emmanuel III releva Mussolini de
ses fonctions de premier ministre en
juillet et le plaça en détention militaire. Ne souhaitant pas perdre un
partenaire fasciste ou permettre la
chute du gouvernement de Mussolini, Hitler ordonna une opération
audacieuse pour libérer le dictateur
italien. Mussolini devint le dirigeant
fantoche d’une république fasciste
installée dans l’Italie du Nord et
placée sous le contrôle direct de
l’Allemagne.
Wilhelm Kube était le Generalkommissar de la Biélorussie occupée. Nazi de longue date, Kube fonda le
Glaubensweg deutscher Christen (Mouvement des croyants chrétiens allemands) qui visait à l’« aryanisation » du
christianisme. Il fut député nazi au Reichstag et occupa divers postes, notamment celui de gouverneur de Brandenbourg-Berlin. Kube fut nommé en Biélorussie en 1941. Le 22 septembre 1943, alors qu’il dormait, Kube fut tué par
une bombe placée sous son lit par sa femme de chambre, membre de la Résistance. Son cercueil fut recouvert du
drapeau nazi et une garde d’honneur contribua au faste des funérailles de Kube.
• Jacob Kapler, un Juif affecté à
l’équipe chargée de brûler les corps à
Babi Yar, site d’un grand massacre
perpétré en Ukraine, trouve une clé
qui ouvre le cadenas d’un bunker
dans lequel lui et d’autres travailleurs
sont enfermés chaque nuit ; voir 29
septembre 1943.
• Fin de l’été 1943 : Quarante Juifs
qui se cachent dans les forêts, près de
Koniecpol, en Pologne, sont attaqués
par des Polonais. De nombreux Juifs
sont massacrés.
• 22 septembre 1943 : Wilhelm
Kube, le Generalkommissar de Biélorussie, est tué par une bombe placée
sous son lit par une résistante soviétique qui avait été embauchée
comme femme de chambre.
• 24 septembre 1943 : Les nazis
achèvent la liquidation du ghetto de
Vilnius.
• 25 septembre 1943 : L’Armée
rouge s’empare de Smolensk, en Russie. • Il ne reste plus qu’environ
2 000 Juifs à Vilnius (Lituanie),
dispersés dans quatre camps de travail. • Eliahou Barzilai, le grand rab481
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Riga était le principal centre juif
de Lettonie. Lors de l’occupation de
ce pays par l’Allemagne, en juillet
1941, plusieurs milliers de Juifs
furent assassinés et 30 000 enfermés dans le ghetto de Riga. Fin
1941, l’éminent historien juif Simon
Dubnov fut massacré avec la
plupart des survivants de la ville.
Repeuplé par des Juifs allemands,
le ghetto de Riga fut définitivement
détruit en novembre 1943.
La musique elle-même fut corrompue par les nazis. Pour calmer les
nouveaux arrivants et leur faire croire qu’ils se trouvaient en lieu sûr,
l’orchestre du camp d’Auschwitz-Birkenau jouait des airs connus, gais, à la
descente des trains. La musique accompagnait également la mort, comme le
montre cette photo de Mauthausen. Les prisonniers sont conduits à la potence
au son des violons et de l’accordéon de l’orchestre du camp. Les détenus
appelaient cela la Symphonia diabolica, la symphonie du Diable.
1943
482
bin d’Athènes, en Grèce, se déguise
en paysan pour s’enfuir de la ville.
• 26 septembre 1943 : Au camp de
travail de Novogrudok, en Biélorussie, des Juifs achèvent de creuser un
tunnel secret sous les barbelés. Sur
les 220 Juifs qui utilisent le tunnel
pour tenter de s’évader, 120 sont tués
ou repris.
« De temps en temps,
nous voyons des gens
travailler sur les
rails… plusieurs en
uniformes de
prisonniers de
guerre. Nous leur
demandons s’ils ont
une idée de la
destination de notre
voyage. Ils haussent
les épaules. L’un
d’eux pointe son
doigt vers le ciel.
Nous ne comprenons
pas son allusion. »
—Anneliese Borinsky,
rescapée
• 28-29 septembre 1943 : Cinq mille
Juifs d’Amsterdam sont déportés au
camp de transit de Westerbork, aux
Pays-Bas. • La communauté juive de
Split (Yougoslavie) est exterminée dans
le camp de concentration de Sajmiste
(Yougoslavie). • Les Juifs de Rome
livrent 50 kilogrammes d’or à la
Gestapo, comme il le leur a été
ordonné. Le pape Pie XII avait accepté
de prêter aux Juifs italiens 15 kilo-
1943
Si quelque 4 000 enfants juifs de Belgique furent cachés pendant la guerre,
d’autres n’eurent pas cette chance. On estime que 65 000 Juifs vivaient en
Belgique lors de l’invasion nazie. La première déportation des Juifs commença
en juillet 1942 ; ils furent envoyés à Auschwitz, via Malines. Par la suite,
quelque 25 000 Juifs furent envoyés à la mort, y compris tous ces enfants.
grammes d’or s’ils ne parvenaient pas à
recueillir le montant par eux-mêmes.
• 29 septembre 1943 : Plus de 320
Juifs et prisonniers de guerre soviétiques de l’équipe de travail sur le
site d’extermination de Babi Yar, en
Ukraine, tentent une grande évasion.
Presque tous sont aussitôt abattus,
mais 14 parviennent à se cacher ; voir
6 novembre 1943.
• 30 septembre 1943 : L’usine
d’armement Krupp de Mariupol, en
Ukraine, est démantelée et remontée
plus à l’ouest, à Fünfteichen, en Silésie (alors polonaise), où des Juifs y
sont réduits en esclavage.
• Septembre 1943-avril 1944 : Des
Juifs sont contraints d’exhumer au
moins 68 000 corps de Juifs et de pri-
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Un prêtre belge se tient fièrement
entre deux fillettes faisant leur première communion. La petite fille, à
droite, Marie-Rose, est une jeune
Juive qui se cachait pendant la
guerre. Les Belges protestèrent
contre la déportation des Juifs. Certains Belges, notamment dans les
forces de police, collaborèrent aux
déportations, mais d’autres, en particulier des prêtres et des
religieuses, protégèrent et
cachèrent des Juifs. Le fait que la
Belgique était une démocratie et
que les Juifs, dans l’ensemble,
étaient intégrés aux grands
courants économiques, et mêmes
politiques, de la nation, contribua à
encourager le type d’assistance
dont bénéficia la jeune Marie-Rose.
sonniers de guerre soviétiques assassinés à Ponary, en Lituanie, près de
Vilnius ; voir 15 avril 1944.
• Automne 1943 : Des techniciens repré-
sentant Topf et fils, le fabricant allemand
de fours crématoires à Auschwitz-Birkenau, étudient la combustibilité des corps
associés à diverses catégories de coke.
• Intensification des bombardements britanniques et américains sur l’Allemagne,
483
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Sévices sexuels dans les camps
La violence sexuelle dans les camps revêtit plusieurs formes. De
barbares expériences médicales menées par des médecins nazis privèrent des hommes et des femmes de leurs organes génitaux. À
Auschwitz, les femmes auxquelles la chambre à gaz était épargnée à
leur arrivée, étaient contraintes d’exposer leur nudité dans les
douches devant des gardes SS lubriques qui se délectaient à leur
frapper la poitrine.
Dans les camps, d’innombrables jeunes femmes furent enfermées
dans des bordels. À Buchenwald, certains prisonniers politiques,
connus pour leurs principes moraux et religieux furent contraints
par les SS à se rendre au bordel du camp où étaient détenues des
« volontaires » non juives du camp de concentration pour femmes
de Ravensbrück. Irma Grese, la sadique surveillante SS d’AuschwitzBirkenau, aurait eu des relations homosexuelles avec des prisonnières qu’elle envoyait ensuite à la chambre à gaz. Pour sauver leur
vie, des femmes de Birkenau, affamées, se donnaient à des prisonniers en échange de la nourriture.
Alors que l’idéologie raciale nazie interdisait les relations entre
Juifs et « Aryens », il y eut des exemples de viol. Les nazis, cependant, n’étaient pas les seuls à perpétrer des sévices sexuels. Les survivants de Buchenwald rapportent que des garçons polonais et
russes, certains âgés de 12 ans, furent contraints à des actes homosexuels par certains prisonniers. Les victimes de violences sexuelles
ayant, pour la plupart, gardé le silence, cet aspect de la vie au camp
est mal connu.
L’Agence juive, créée par la
Société des nations dans les années
1920, publie des informations sur le
« massacre d’un peuple », dans
Jewish Frontier (Frontière juive) d’octobre 1943. L’Agence juive acheminait des orphelins en Palestine,
prônait le bombardement des voies
ferrées menant à Auschwitz et exhortait les Alliés à sauver les Juifs des
camps de concentration.
Un volontaire suisse, nommé
l’abbé Gross (à gauche), tend une
cigarette à un prisonnier du camp de
transit de Gurs par la clôture de fil
barbelé. Situé dans les Pyrénées françaises, Gurs était un camp de détention improvisé qui contint plusieurs
milliers de Juifs avant leur déportation
à Auschwitz. Des abris précaires, des
chemins de terre qui devenaient
boueux à la moindre pluie et des
rations de famine rendaient les conditions extrêmement pénibles pour les
détenus de Gurs.
1943
484
notamment sur la Ruhr, région fortement
industrialisée. • À Wlodawa, en Pologne,
des Juifs attaquent la ferme Turno, une
exploitation appartenant autrefois à des
Juifs et saisie par les Allemands. Les Juifs
mirent le feu aux bâtiments. Un Juif
nommé Yankel, qui vivait dans un trou
sous le plancher de la grange depuis environ un an, meurt quelques heures après
avoir été mis en sécurité par les
attaquants.
• Octobre 1943 : Liquidation du
ghetto de Chernovtsy, en Roumanie.
• Heinrich Himmler, chef des SS,
prononce un discours lors de la
conférence sur la « solution finale ».
• Juste avant d’être assassinées, plusieurs femmes juives attaquent à
mains nues des soldats SS à
Auschwitz.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
En vue d’empêcher les évasions du ghetto de Minsk
(Biélorussie) vers les forêts, cette annonce rédigée en
deux langues met en garde contre l’escalade de la clôture. Bien qu’encourant la mort, plusieurs habitants du
ghetto prirent le risque. Guidées par d’audacieux
enfants – certains âgés de 11 ans – des familles
entières se réfugièrent dans la forêt où bon nombre
rejoignirent le camp familial et l’unité de partisans de
Shalom Zorin.
Moshé Gildenman, aussi appelé Oncle Misha, commandait une unité de partisans en Ukraine. Après que
les nazis eurent tué sa femme et sa fille, le 21 mai
1942, Gildenman et son fils constituèrent un groupe
de rebelles qui attaquaient les fermes allemandes et les
postes de police ukrainiens. Lorsque son unité fut incorporée dans un groupe de partisans non juifs en 1943,
Moshé se porta volontaire dans l’armée soviétique. Il
émigra en Israël en 1950 et mourut en 1958.
Près de Minsk, en Biélorussie, un soldat allemand
pointe son revolver vers un Juif, peut-être suspecté
d’être un partisan. Après la déportation de 4 000 Juifs
de Minsk, en octobre 1943, seuls les quelques Juifs qui
avaient réussi à se cacher demeurèrent dans le ghetto.
Au début du printemps 1942, plusieurs s’étaient enfuis
du ghetto dans les forêts voisines où ils rejoignirent des
groupes de partisans comme l’unité Shalom Zorin qui
compta par la suite 800 combattants.
• 2 octobre 1943 : La population
danoise sauve environ 7 000 Juifs,
dont 500 seulement sont pris par les
Allemands. Ces 500 Juifs sont
envoyés au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie ; tous,
sauf 77, survivront à la guerre. Le
gouvernement danois veillera sans
cesse à la santé et au bien-être des
Juifs envoyés à Theresienstadt, assu-
rant la survie de presque tous.
• Les premiers parachutistes juifs
palestiniens atterrissent dans les Balkans. Ces Juifs acceptent d’aider
d’abord les unités de résistance non
juives au profit de l’effort de guerre
britannique. Ce n’est qu’alors que les
Britanniques leur permettront
d’aider d’autres Juifs.
• 2-3 octobre 1943 : Aux Pays-Bas,
les familles de Juifs enrôlés pour le
travail forcé sont envoyées au camp
de concentration de Westerbork, aux
Pays-Bas.
• 3 octobre 1943 : Au cours d’une inspec-
tion de routine des baraquements du
camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau,
un médecin SS juge 139 détenus inaptes
au travail. Ces détenus sont aussitôt gazés.
485
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Est représenté
ici un enfant
prisonnier d’un
Jugendschutzlager
(camp de « protection » de la
jeunesse) situé
dans le ghetto de
Lodz (Pologne). Le
Jugendschutzlager,
destiné aux
Polonais non juifs,
fut créé en
décembre 1942.
Environ 10 000
enfants franchirent
ses portes ; la plupart furent exterminés par la suite à
Chelmno et Auschwitz.
Les Juifs cachés
Dans toute l’Europe, dans des greniers et
dans des caves, dans des placards secrets si
petits qu’on pouvait à peine s’y accroupir, des
Juifs s’efforcèrent de se cacher pour échapper
à leurs persécuteurs nazis. Ils furent parfois
cachés par des amis non juifs ; parfois par de
complets étrangers.
À Amsterdam, la famille Frank, et plusieurs
autres, se cachèrent pendant des mois dans une
annexe secrète, approvisionnés en denrées de
base par Miep Gies. Dieuwke Hofstede (photo),
une Néerlandaise, ouvrit ses portes à Henny
Kalkstein (à droite). Des couvents et des
monastères cachèrent aussi des enfants juifs.
Dans la ville d’Assise, au nord de l’Italie, le
père Rufino Niccacci fournit aux Juifs des faux
papiers d’identité et les aida à trouver des abris
et un travail. En France, le village du Chambon-sur-Lignon tout entier, guidé par le pasteur
André Trocmé, se chargea de cacher et protéger des réfugiés juifs.
En Europe orientale, il était extrêmement difficile de trouver un endroit où se cacher. Alors que
de nombreux Polonais étaient antisémites et que
de nombreux autres redoutaient les conséquences
d’une aide apportée à des Juifs, certains Polonais
répondirent aux appels à l’aide. Irene Gut Oppyke
cacha 12 Juifs dans la maison d’un officier allemand chez lequel elle était employée comme gouvernante. À Wlodawa, en Pologne, un Juif nommé
Yankel vécut pendant un an dans un trou creusé
dans le sol d’une grange. La ferme elle-même
était occupée par des soldats allemands.
Vladka Meed, qui utilisait cette carte d’identité au
nom de Stanislawa Wachalska pour vivre du côté
aryen de Varsovie, la mit à profit pour aider le mouvement de Résistance du ghetto. Fournissant des armes à
feu aux combattants du ZOB, elle aida également des
Juifs à quitter le ghetto et à trouver un abri. L’héroïsme
de V. Meed et d’autres personnes joua un rôle décisif
dans le succès des mouvements de Résistance à Varsovie et dans d’autres ghettos polonais.
1943
486
• 4 octobre 1943 : Dans un discours
adressé aux officiers supérieurs SS,
Heinrich Himmler, leur chef, souligne
que le meurtre est pénible, mais nécessaire et que le meurtre des Juifs ne doit
jamais être évoqué en public.
d’accouchement de l’hôpital de Cracovie (Pologne), où ses contractions ont
commencé, pour se trouver face à deux
agents de la Gestapo. Elle garde son
calme et les agents de la Gestapo lui
disent de retourner au lit.
• 6 octobre 1943 : Helen Manaster, une
Juive se faisant passer pour une catholique, est appelée à sortir de la salle
• 7 octobre 1943 : Une unité de partisans juifs actifs près de Vilnius
(Lituanie) détruit plus de 50 poteaux
télégraphiques le long de la route de
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Josef Glazman était le commissaire
adjoint de la police du ghetto de Vilnius
(Lituanie) et le dirigeant du mouvement
de jeunesse Betar. Ses négociations
avec les dirigeants des mouvements de
jeunesse aboutirent à la constitution d’un
groupe de Résistance uni appelé FPO
(Organisation des partisans unis). Glazman était chargé de réunir des renseignements sur les forces allemandes et
lituaniennes, d’entraîner de nouvelles
recrues et d’organiser le logement dans
le ghetto. Il fut tué en octobre 1943, au
cours d’une fusillade contre les
Allemands dans la forêt de Naroch.
Lorsque la guerre tourna au détriment des Allemands, ces derniers tentèrent de dissimuler leurs crimes. Les Sonderkommandos, constitués pour la
plupart de Juifs, reçurent donc l’ordre d’entreprendre l’exhumation des
corps des millions de victimes de l’Allemagne nazie et de faire disparaître
les dépouilles. Cette photographie montre une machine à broyer les os qui
était utilisée pour pulvériser les parties du corps ne pouvant être incinérées.
L’homme, à droite, du nom de Korn, brûla environ 46 000 corps, y compris
celui de sa femme, durant les trois mois où il travailla dans le
Sonderkommando.
Des prisonniers du camp de
concentration de Buchenwald, en
Allemagne, travaillent devant les
chaînes de montages de l’usine de
munitions de Gustloff Werke II.
Construite en 1943, c’était l’une
des principales usines d’armements
de Buchenwald. Ce complexe
exploitait 3 600 prisonniers. Le traitement particulièrement sadique
réservé aux prisonniers par leurs
gardiens nazis se traduisait par un
taux de mortalité extrêmement
élevé.
Vilnius à Grodno. • Dans un rapport
officiel, le chef allemand de la police en
Pologne recommande que les Polonais
qui aident des Juifs soient châtiés sans
procès. • Un millier de Juifs de Paris
sont envoyés à la mort à Auschwitz.
• 8 octobre 1943 : La veille du Jour du
grand Pardon, plusieurs milliers de
Juifs malades ou affaiblis sont gazés à
Auschwitz. • Trois mille prisonniers de
guerre italiens sont assassinés par les
SS et les gardes ukrainiens à La Risiera
di San Sabba, en Italie, au sud de
Trieste. Sur les 1 920 Juifs de Trieste,
620 sont massacrés par les SS.
• 10 octobre 1943 : Yanis Lipke, un
Letton non juif, sauve trois Juifs de
Riga en offrant aux gardes du ghetto
deux paquets de cigarettes contre
« quelques youpins qui travailleraient
dans mon potager » ; voir 11 octobre
1943. • Au camp de la mort de Sobibor,
une révolte est organisée par des
travailleurs juifs et par des prisonniers
de guerre juifs de l’Armée rouge ; voir
13 octobre 1943.
• 11 octobre 1943 : Après avoir sauvé
trois Juifs du ghetto de Riga
(Lettonie) sous prétexte de les
employer chez lui, Yanis Lipke sauve
487
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Un soldat italien et un marin italien s’étreignent pour célébrer l’annonce
que l’Italie a déclaré la guerre à l’Allemagne. Pour de nombreux soldats,
cette réjouissance allait être de courte durée. Le nouveau gouvernement de
l’Italie, dirigé par le maréchal Pietro Badoglio, se rendit aux Alliés le 8 septembre et, cinq semaines plus tard, le roi Victor Emmanuel III prit une autre
mesure : la déclaration de guerre à l’Allemagne. En conséquence, des centaines de milliers de soldats italiens des régions contrôlées par les troupes
allemandes furent désarmés par les Allemands et envoyés dans des camps
d’internement. Plusieurs milliers périrent.
Des pêcheurs danois conduisent
un bateau chargé de fugitifs juifs par
un détroit jusqu’à la Suède, pays
neutre, au cours de la grande opération de sauvetage à l’échelle
nationale. La nouvelle de la déportation imminente des Juifs suscita une
réaction rapide de la part des Danois
qui mirent tout en œuvre pour sauver
les citoyens juifs. Des embarcations
de toutes tailles et de toutes formes
furent utilisées pour acheminer les
Juifs du Danemark en Suède, hors
d’atteinte des nazis.
Un Juif, qui vient d’être
appréhendé par un nazi danois (au
centre en imperméable et chapeau
noirs) est sauvé par ses compatriotes
danois. Alors que le nazi escortait le
Juif dans les rues, une foule en colère
le contraignit à remettre son
prisonnier à la police danoise. Une
fois en sécurité au poste de police, le
Juif fut aidé par les gendarmes à
s’évader. La police danoise refusa
constamment de collaborer avec les
autorités d’occupation allemandes.
1943
488
d’autres Juifs le lendemain, avec la
même ruse. • Au camp de la mort de
Sobibor, les nouveaux arrivants paniquent et se précipitent vers les
barbelés ; ils sont alors mitraillés par
les gardes.
• 13 octobre 1943 : L’Italie déclare la
guerre à l’Allemagne. • Haches, couteaux et vêtements chauds sont secrè-
tement distribués à des détenus du
camp de la mort de Sobibor ; voir 14
octobre 1943.
• 14 octobre 1943 : Leon Feldhend-
ler et un officier soviétique juif Aleksandr Pechersky, internés dans le
camp de la mort de Sobibor depuis
septembre, fomentent une révolte et
une évasion au cours de laquelle 11
1943
Cette photo de groupe d’enfants danois fut prise
dans un foyer pour enfants en Suède après leur
évasion du Danemark. Le sauvetage des Juifs danois
est l’une des rares histoires réconfortantes dans les tragiques annales de la Shoah. En survivant, ces enfants
juifs, sans le savoir, ont défié toutes les intentions génocidaires des nazis.
Un policier suédois accompagne un réfugié juif
danois qui vient d’arriver au service social de Rebslagergade, en Suède. La participation suédoise fut décisive dans la réussite de cette opération de sauvetage.
Non seulement le gouvernement se déclara prêt à
accepter tous les réfugiés juifs du Danemark, mais la
Croix-rouge suédoise contribua à sauver les quelque
500 réfugiés danois déportés au camp / ghetto de
Theresienstadt, en Tchécoslovaquie.
gardes SS allemands et deux ou trois
gardes SS ukrainiens sont tués. 200
Juifs, sur les 600 que contient le
camp, sont abattus ou sautent sur des
mines ; parmi eux, le peintre néerlandais Max Van Dam, âgé de 33 ans.
Sur les 300 qui s’évadent, 100 seulement sont repris ; parmi les 200 évadés, bon nombre rejoignent les forces
partisanes soviétiques. 50 à 70 seule-
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Le sauvetage des Juifs
du Danemark
Les actions héroïques de la population
danoise au cours de l’automne 1943 sauvèrent
presque tous les Juifs du Danemark d’une mort
certaine dans les camps de concentration nazis.
Après l’occupation du pays par les Allemands, en 1940, le gouvernement danois
résista aux pressions exercées par les nazis pour
qu’il livre les Juifs. En 1943, les Danois intensifièrent la résistance, déclenchant une implacable réaction nazie. Imposant la loi martiale,
les Allemands commencèrent en octobre à
arrêter et à
déporter
les
Juifs
danois.
Réagissant
spontanément,
les Danois alertèrent et cachèrent les Juifs,
les aidant à parvenir jusqu’à la côte et organisant secrètement
une traversée jusqu’en Suède (photo). Parmi
ces modestes sauveteurs danois, se trouvaient
des policiers, des pêcheurs, des ecclésiastiques
et des organisations sociales.
En trois semaines, la population danoise
transporta en lieu sûr, à bord de bateaux de
pêche, plus de 7 200 Juifs, ainsi que près de
700 de leurs proches non juifs. Les nazis,
certes, capturèrent 464 Juifs qu’ils envoyèrent
au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, mais l’aide se poursuivit, les Danois
envoyant des colis de nourriture à leurs compatriotes juifs emprisonnés à Theresienstadt.
Juste avant la fin de la guerre, au printemps
1945, des négociations permirent d’évacuer des
camps de concentration la majeure partie des
Juifs scandinaves pour les acheminer en Suède.
ment, dont Pechersky, survivront à la
guerre ; voir 16 octobre 1943.
• 16 octobre 1943 : Deux jours après
une violente révolte des Juifs au
camp de la mort de Sobibor, Heinrich
Himmler, chef de la SS, ordonne la
destruction du camp. • À Rome, les
Allemands fouillent chaque maison à
la recherche de Juifs. Un millier de
Juifs sont brièvement détenus au Collegio militare de Rome, puis déportés
à Auschwitz. 477 Juifs sont abrités au
Vatican et 4 238 autres trouvent
refuge dans des couvents et des
monastères de Rome. Cependant, à
cette date, plus de 8 300 Juifs italiens
ont déjà été déportés à Auschwitz.
489
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Stanislaw Szmajzner, âgé de 16
ans, contribua à
organiser la révolte
au camp de la
mort de Sobibor,
en octobre 1943.
Après le
soulèvement,
Szmajzner fut l’un
des prisonniers qui
réussit à s’évader
à et rejoindre les
partisans russes. Il
fut l’un des trois
membres de son
groupe à survivre
à la guerre.
Le Zyklon B
À six semaines d’intervalle, en 1943, un
camion parti d’Auschwitz se rendit à Dessau, en
Allemagne. Il revint avec des boîtes en fer hermétiquement closes contenant du Zyklon B,
nom sous lequel étaient commercialisés des
cristaux de cyanure d’hydrogène bleuâtres qui
asphyxièrent plus d’un million de Juifs au camp
d’extermination d’Auschwitz.
Le Zyklon B, un puissant pesticide mis au point
pendant la Première Guerre mondiale, était utilisé
pour combattre des maladies contagieuses en
fumigeant des immeubles infestés de poux. Au
début, c’est effectivement dans ce but qu’il fut utilisé à Auschwitz où le surpeuplement, la malnutrition et la
médiocrité
des conditions
sanitaires faisaient peser la
menace
constante
d’épidémies
de dysenterie,
de fièvre typhoïde et de typhus. Vers la fin de l’été
1941, cependant, les nazis expérimentèrent le Zyklon B sur des prisonniers de guerre soviétiques.
Ils découvrirent que la vaporisation de ce composé
constituait un moyen particulièrement fiable et
efficace d’accélérer la « solution finale ».
Deux entreprises allemandes – DEGESCH,
une filiale d’I.G. Farben, et la société Tesch &
Stabenow – firent des profits énormes en fournissant du Zyklon B aux SS. Elles le modifièrent
même pour Auschwitz en en ôtant l’odeur
caractéristique qui avertissait en général les
gens de la présence mortelle de leur produit.
En 1942, Auschwitz utilisa 8,2 tonnes de
Zyklon B. En 1943, 13,4 tonnes. Dans la plupart des cas, il était versé par de petites ouvertures pratiquées dans le toit des chambres à
gaz bondées de Juifs. Une fois exposés à l’air,
les cristaux produisaient un gaz mortel.
Quelques minutes plus tard, après des cris de
panique, les victimes étaient mortes.
1943
490
Ernst von Weizsäcker était un diplomate
de carrière qui servit
loyalement le régime
nazi. Sa carrière suivit les traces de son
mentor, Joachim von
Ribbentrop, ministre
des Affaires
étrangères. Weizsäcker fut secrétaire d’État allemand dès la
nomination de
Ribbentrop au poste
de ministre des
Affaires étrangères
jusqu’en 1943, date
à laquelle il devint
ambassadeur au Vatican.
• L’ambassadeur allemand au Vatican,
Ernst von Weizsäcker, complimente le
Saint-Siège pour sa « parfaite
impartialité » entre l’Allemagne et les
Alliés. Lorsque Weizsäcker demande ce
que fera le pape Pie XII au cas où le gouvernement allemand persisterait dans son
actuelle politique envers les Juifs en Italie,
le secrétaire d’État au Vatican, Maglione,
répond que « le Saint-Siège ne voudrait
pas être mis en position d’avoir à pronon-
cer une parole de désapprobation. » Le
pape est « circonspect afin de ne pas donner au peuple allemand l’impression qu’il
a fait ou a voulu faire ne serait-ce que la
plus petite chose contre l’Allemagne
durant cette terrible guerre. »
• 17 octobre 1943 : Une unité de partisans juifs commandée par Abba
Kovner détruit deux locomotives et
deux ponts près de Vilnius (Lituanie).
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Sur une photo de famille d’une
époque plus heureuse, Leone
Biondi et Virginia Piperno sont
représentés avec trois de leurs six
enfants. Octobre 1943 marqua une
nouvelle étape dans le contrôle
exercé par les Allemands sur les
affaires italiennes après
l’occupation de l’Italie du Nord.
Des ordres furent donnés de
rassembler et de déporter les Juifs
de Rome et, le 18 octobre, un millier d’entre eux furent envoyés à
Auschwitz. Grâce à l’intervention
d’amis et de voisins italiens, de
nombreux Juifs purent se cacher et
éviter d’être pris, certains dans des
églises et monastères catholiques.
Les Biondi n’eurent pas cette
chance ; la famille tout entière périt
à Auschwitz.
Tandis que les dirigeants juifs
des villes italiennes de Florence et
Venise avertissaient les Juifs de se
cacher, les dirigeants de Rome
réagirent lentement aux nouvelles
sur d’éventuelles déportations. Les
listes de noms et d’adresses ne
furent pas détruites, ce qui vulnérabilisa de nombreuses familles.
Franza et Enrica Spizzichino,
âgées respectivement de sept et dix
ans, qui posent ici sur une
bicyclette à Rome, furent parmi les
déportés. Les fillettes, leurs parents
et leur frère Mario furent traqués et
déportés à Auschwitz où ils furent
assassinés à leur arrivée.
Gertruda Babilinska travailla
pendant quinze ans pour une
famille juive. On la voit ici avec
l’un des enfants de la famille,
Michael Stolovitzky. Après
l’occupation allemande, elle refusa
d’abandonner la famille. Lorsque
M. Stolovitzky fut déporté à Auschwitz et que sa fille mourut, G. Babilinska aida Mme Stolovitzky et
Michael à s’évader, d’abord à Varsovie, puis à Vilnius. Là, elle loua
un appartement dans lequel elle
cacha Michael. Comme la mère de
Michael mourut elle aussi, G. Babilinska se chargea de Michael après
la guerre. Tous deux émigrèrent en
Israël où elle fit en sorte qu’il
reçoive une éducation juive.
• L’ambassadeur allemand au
Vatican, Ernst von Weizsäcker écrit à
son ministère des Affaires étrangères
que le Sacré Collège est « particulièrement consterné », car la rafle des
Juifs à Rome se produit « sous les
fenêtres même du pape. » Il souligne
que le pape continue à tout faire
pour « ne pas perturber les relations
avec le gouvernement allemand et les
agences allemandes à Rome. »
• 20 octobre 1943 : Création de la com-
mission des Nations unies sur les crimes
de guerre ; voir 26 octobre 1943.
• 21 octobre 1943 : Au cours de la dernière Aktion, à Minsk (Biélorussie)
environ 2 000 Juifs sont massacrés à
Maly Trostinets.
• 23 octobre 1943 : 1 800 Juifs polo-
nais détenus jusqu’alors à BergenBelsen (Allemagne), arrivent à
Auschwitz où les femmes se révoltent
devant les chambres à gaz, tuant un
garde SS et en blessant deux autres.
Des renforts SS utilisent des
grenades à gaz et des mitrailleuses
pour soumettre et tuer les
résistantes. • En Lituanie, une unité
491
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La Résistance juive
Alors que tout s’y opposait, de
nombreux Juifs bravèrent courageusement les nazis, tandis que
d’autres combattirent activement
contre eux. La Résistance juive
contre les nazis revêtit des
formes très diverses.
Dans les ghettos et dans les
camps d’Europe orientale, les
Juifs ne purent souvent opposer
que leur « résistance spirituelle. »
Ils s’efforçaient par tous les
moyens de sauvegarder leur
dignité et leur héritage culturel.
Ils résistèrent opiniâtrement à la
politique de déshumanisation
pratiquée par les nazis, entre
autres par des cérémonies religieuses interdites, des concerts
ou des pièces de théâtre. Ils organisèrent des cours d’hébreu,
publièrent des journaux et décrivirent la vie dans les ghettos et
dans les camps soit en images,
soit en tenant des journaux
intimes et des archives.
Les Juifs constituèrent d’actifs
réseaux clandestins qui fournissaient secrètement vivres, vêtements
et
médicaments,
permettant ainsi à ceux qui
étaient pris au piège de prolonger leur existence. En refusant
de succomber devant les nazis et
en s’accrochant plutôt à la vie
dans les conditions les plus
atroces, les Juifs montrèrent leur
façon de « sanctifier la vie », ainsi
que leur volonté de survivre.
Dans certains camps, les Juifs prirent l’initiative de ralentir le travail ou affichèrent de façon non
violente leur insoumission. Les
1943
492
dirigeants juifs et les membres du
conseil qui refusèrent d’obéir aux
directives nazies le payèrent de
leur vie.
Dans des circonstances d’une
extrême difficulté, les Juifs entreprirent aussi une résistance
armée dans les ghettos et dans
les camps, et combattirent les
nazis dans des unités de partisans. Des révoltes se produisirent
dans plus de 40 ghettos. Bien
qu’écrasé par les Allemands, le
soulèvement de Varsovie, en
1943, revêtit une importance
symbolique considérable. Il infligea des pertes importantes aux
Allemands, prouva que les Juifs
n’étaient pas des victimes passives et inspira des organisations
de résistance et des individus
dans d’autres ghettos ou d’autres
camps.
En dépit de l’éventualité d’un
terrible châtiment – et en dépit
des clôtures, des tours de guet,
des mitrailleuses, des projecteurs
et des chiens violents – des soulèvements éclatèrent dans quatre
camps de la mort et dans plusieurs camps de concentration.
Hautement symbolique, la des-
de partisans juifs détruit les lignes de
télégraphe et de téléphone le long de
la voie ferrée Vilnius-Lida.
• 25 octobre 1943 : Des membres de
la communauté juive de Dvinsk, en
Lettonie, sont déportés au camp de
concentration de Riga-Kaiserwald, en
Lettonie. • Les Allemands commencent à liquider l’équipe chargée de
truction par les détenus d’un four
crématoire à Auschwitz fut un
acte courageux et désespéré qui,
malheureusement, ne sauva pas
beaucoup de vies. La plupart des
rebelles furent tués.
Des dizaines de milliers de
Juifs combattirent les nazis au
cours d’actions partisanes. À l’instar des guérillas urbaines et des
saboteurs – ou de simples assassins se cachant dans les montagnes, les bois et les marécages
– ils infligèrent des dommages
considérables aux opérations allemandes. En Pologne orientale et
en Russie occidentale, des soldats
soviétiques parachutés dans la
région commandèrent des unités
de volontaires juifs. Une brigade
juive lituanienne opérait dans les
forêts denses des environs de Vilnius. En Biélorussie, les frères
Bielski menèrent un groupe de
combat juif qui parcourait la
forêt de Naliboki. Les hommes
de cette photo agissaient dans la
forêt biélorusse de Rudninkai.
En Yougoslavie, l’armée de libération nationale de Tito comprenait 4 000 Juifs. Plus de 1 500
combattants juifs participèrent au
malheureux soulèvement en Slovaquie, en 1944. En France, l’Organisation juive de combat
contribua au débarquement en
Normandie en entreprenant 1 900
attaques armées et d’innombrables sabotages de voies ferrées,
usines et ponts. La moitié de ses
2 000 membres périrent. Un
maquis juif aurait cependant tué
plus de 1 000 nazis.
brûler les corps au camp de travail de
Janówska en Ukraine. • Heinrich
Himmler, chef des SS, ordonne la
destruction de la collection de crânes
et de squelettes de Juifs de l’Institut
anatomique du Reich, à Strasbourg ;
voir 21 juin 1943. • Libération par
l’Armée rouge de Dniepropetrovsk,
en Ukraine.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
PRINCIPAUX GROUPES DE RÉSISTANCE JUIVE
EN EUROPE ORIENTALE, 1942–1944
REICHSKOMMISSARIAT
OSTLAND
mer Baltique
Kovno
Vilnius
Régions où opéraient les partisans juifs
0
Minsk 100 miles
0
Mogilev
Grodno BIALYSTOK
200 kilomètres
SOUS
Novogrudok ADMINISTRATION
MILITAIRE
ALLEMANDE
Bialystok
GRANDE ALLEMAGNE
N
Varsovie
Brest Litovsk
Lublin
Les mains au-dessus de la tête,
des résistants présumés sont gardés
par un membre de la milice
française, revolver au poing. La
milice fonctionnait comme le corps
de police du gouvernement de
Vichy et comme agents secrets pour
traquer les membres du Maquis, la
Résistance française. Comptant
quelque 29 000 volontaires à l’automne 1943, la milice se livra de
plus en plus à l’assassinat dans sa
quête du pouvoir.
REICHSKOMMISSARIAT
UKRAINE
Czestochowa
GENERALGOUVERNEMENT
Cracovie
PROTECTORAT DE
BOHÊME & MORAVIE
Przemyśl
SLOVAQUIE
Rovno
Ternopol
Bolekhov
HONGRIE
ROUMANIE
Plus de 20 000 Juifs se trouvaient dans les groupes de partisans des
forêts d’Europe orientale, pour la plupart évadés des ghettos de la région.
Les partisans luttaient pour survivre tout en planifiant des attaques avec un
arsenal d’armes limité.
Un macabre monceau de corps
brûlés témoigne du grand massacre
perpétré à Maly Trostinets, près de
Minsk, en Biélorussie. Lors de la
liquidation du ghetto de Minsk, fin
octobre 1943, plus de 2 000 Juifs
furent transportés à Maly Trostinets
pour y être assassinés. Au total, des
dizaines de milliers de Juifs furent
exécutés sur ce site.
• 26 octobre 1943 : Trois mille Juifs
sont déportés de Kovno (Lituanie) au
camp de travail de Klooga, en
Estonie. • Première réunion à
Londres de la commission des
Nations unies sur les crimes de
guerre, composée de 14 nations
alliées (l’Union soviétique n’en fait
pas partie).
• 30 octobre 1943 : Le docteur Zelik
Levinbok, un médecin juif interné au
camp de Koldichevo en Biélorussie,
s’évade avec sa femme et son fils âgé
de huit ans.
• Novembre 1943 : Les nazis rasent le
camp de la mort de Treblinka. • Szosznik, un professeur d’hébreu, dirige la
résistance des détenus au camp de la
mort de Majdanek. Plusieurs centaines
sont tués, dix s’évadent. • L’équipe
chargée de brûler les corps se révolte à
Borki, en Pologne. Cinquante sont tués
et trois survivent. • Premiers décès au
camp de travail silésien de Fünfteichen,
en Pologne. • Démolition du camp de
la mort de Sobibor.
• La campagne de Breckinridge
Long, fonctionnaire au Département
d’État, contre l’immigration juive
493
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
En novembre 1943, Joseph Staline, Franklin Roosevelt et Winston Churchill se réunissent à Téhéran (Iran). Ils discutent de tactique militaire et de la
création d’une organisation internationale ayant pour vocation de régler
pacifiquement les conflits entre nations. Staline souhaitait particulièrement
l’ouverture d’un second front pour réduire la pression allemande sur
l’Armée rouge. Sont représentés sur la photo (de gauche à droite) le
ministre soviétique des Affaires étrangères, Viacheslav Molotov, l’envoyé
des États-Unis, W. Averell Harriman, Churchill et Staline.
Ivan Vranetic cacha des dizaines
de Juifs en Yougoslavie. Il les abrita
dans des granges et, à l’occasion,
chez lui. Mais, comme son village
Topusko se trouvait à proximité de
la frontière allemande, les soldats
allemands procédaient souvent à
des fouilles pour trouver des Juifs
cachés. Lorsque cela se produisait,
Vranetic cachait les Juifs dans la
forêt. Après la guerre, Yad Vashem
le qualifia d’« homme d’honneur ».
Vranetic réside aujourd’hui en
Israël.
1943
494
Ce violon finement travaillé
appartint autrefois à Henry Rosner,
prisonnier au camp de travail forcé
de Plaszów qui était commandé
par le sinistre Amon Goeth. Rosner
et son frère Poldek, accordéoniste,
divertissaient Goeth et son fréquent
invité Oskar Schindler, à d’innombrables dîners. L’engouement de
Schindler pour la musique de Rosner le conduisit à ajouter la famille
Rosner au complet à la liste des
1 100 travailleurs pour son usine
de munitions de Brinnlitz. Bien que
le violon ne soit jamais arrivé à
l’usine, Rosner retrouva son cher
instrument – et sa femme – après la
guerre.
atteint son sommet lorsqu’il fait un
faux témoignage devant la
commission des Affaires étrangères
de la Chambre des Représentants. Il
informe la commission que les ÉtatsUnis ont accueilli 580 000 réfugiés
depuis 1933. Il insinue que la plupart
sont Juifs et qu’ils demeurent aux
États-Unis. En fait, moins de 200 000
demeurent dans le pays, plusieurs
ayant émigré des États-Unis vers
d’autres pays et bon nombre des
réfugiés n’étant pas juifs. Les chiffres
de Long ne s’appliquent qu’au
nombre de visas délivrés par les
États-Unis. Le chiffre net de réfugiés
allemands restés aux États-Unis n’est
que de 51 960. Entre l’attaque de
Pearl Harbor et la fin de la guerre,
seulement 21 000 réfugiés
supplémentaires sont admis aux
États-Unis.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Oneg Shabbat
La maquette du four crématoire II d’Auschwitz-Birkenau, construite et sculptée en 1991 par l’artiste Mieczyslaw Stobierski, décrit le processus subi par les
victimes. Les unités responsables de l’enlèvement des
corps des chambres à gaz, de leur transport jusqu’aux
fours et de l’incinération étaient appelées Sonderkommandos. Ceux qui étaient sélectionnés pour ces tâches
atroces recevaient des rations supplémentaires et
étaient mieux traités que le détenu moyen. Tous les trois
ou quatre mois, les membres des Sonderkommandos
étaient envoyés aux chambres à gaz et traités exactement comme les milliers de victimes dont ils s’étaient
occupés.
Karl Lowenstein était un
Juif placé à la tête de la
garde du « camp modèle »
de Theresienstadt, près de
Prague, en Tchécoslovaquie.
Ayant sous ses ordres 400
jeunes hommes, Lowenstein
disposait d’un pouvoir considérable dans le camp. Il se
heurtait fréquemment au
conseil du ghetto à propos
des privilèges accordés à luimême et à ses hommes.
Finalement, les abus de pouvoir de Lowenstein conduisirent à sa révocation et à son emprisonnement par
l’administration nazie du camp.
• 1er novembre 1943 : Joseph Staline,
Franklin Roosevelt et Winston Churchill
signent la Déclaration de Moscou.
Comme les Britanniques soupçonnent
les Juifs et les Polonais d’exagérer les
atrocités allemandes, la déclaration
omet les références aux chambres à gaz.
Tout en promettant la justice après la
guerre pour les assassins, elle ne
mentionne pas les Juifs.
Convaincu qu’il fallait impérativement
témoigner de l’inhumanité de l’attaque lancée
par les nazis contre les Juifs de Varsovie, l’historien juif Emanuel Ringelblum (à gauche, sur
la photo) entreprit de recueillir et de préserver
des données sur la vie dans le ghetto. Sous sa
direction, un petit groupe d’écrivains, journalistes, enseignants et étudiants en histoire
constituèrent Oneg Shabbat (Délice du Shabbat).
Cette opération clandestine, qui porte le
nom des réunions clandestines du groupe le
Shabbat, créa des archives secrètes assurant la
chronique du vécu juif. L’équipe de Ringelblum
encouragea les habitants à écrire leurs
mémoires et à tenir
un journal. Elle
recueillit des documents clandestins
comme des journaux
du
ghetto,
des
affiches,
des
annonces, des rapports et des statistiques sur le ghetto.
L’équipe réunit également les témoignages de
réfugiés d’autres camps et ghettos arrivés à
Varsovie. Ringelblum lui-même tenait un journal.
Les archivistes d’Oneg Shabbat tentèrent de
transmettre des témoignages en Occident, mais
ils entreposèrent la majeure partie des documents dans trois bidons de lait scellés, enterrés
dans des endroits différents. L’un fut découvert
en 1946, l’autre en 1950. Le troisième, qui
contiendrait des informations sur la résistance,
n’a pas encore été retrouvé. La plupart des
membres de l’organisation ne survécurent pas
aux déportations de 1942. Ringelblum se cacha
dans la partie non juive de Varsovie jusqu’à ce
qu’il soit arrêté, le 7 mars 1944, puis exécuté
avec sa famille.
• 3 novembre 1943 : Trois cents Juifs
de Borki, en Pologne, près de Chelm,
sont contraints d’exhumer 30 000
corps, pour la plupart des prisonniers
de l’Armée rouge assassinés fin 1941.
Les corps sont brûlés sur d’immenses
bûchers. • Jacob Katz, un Juif chargé
du nettoyage au camp de concentration de Budzyn, en Pologne, sauve
sept vieux Juifs en les cachant sous
des matelas. • Riccardo Pacifici, rabbin de Gênes, en Italie, est déporté à
Auschwitz avec 200 membres de sa
communauté et 100 réfugiés juifs du
nord de l’Europe. • Mort du prêtre
catholique antinazi Bernhard
Lichtenberg en route pour le camp
de concentration de Dachau, en Allemagne.
495
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Bernhard Lichtenberg, le doyen
de la cathédrale St. Hedwig de Berlin, fut l’un des rares ecclésiastiques
à condamner le régime nazi. Il rejoignit l’archevêque Clemens August
von Galen de Münster pour s’opposer à la politique d’euthanasie et
pria publiquement pour les Juifs.
Arrêté par la Gestapo, Lichtenberg
proclama fièrement qu’il souhaitait
rejoindre les Juifs déportés. Deux
ans de prison ruinèrent sa santé, ce
qui n’empêcha pas les nazis de l’envoyer à Dachau après sa libération
de prison.
PRINCIPAUX GROUPES DE RÉSISTANCE JUIVE
EN EUROPE OCCIDENTALE, 1942–1944
GRANDEBRETAGNE
PAYS-BAS
N
Calais
BELGIQUE
Areas
Jewish
Régionofoù
opéraient
les partisans
juifs
Partisan
Activity
0
0
300 kilomètres
GRANDE
ALLEMAGNE
Paris
OCÉAN
ATLANTIQUE
200 miles
FRANCE
Limoges
SUISSE
Clermont-Ferrand
Lyon
Périgueux
Chambon
Grenoble
ITALIE
Toulouse
ESPAGNE
Marseille
Nice
L’Armée juive, un groupe de partisans français, fut active de 1942 à
1944. Elle fit passer des Juifs français en Espagne, pays neutre, fournit de
l’argent pour aider les Juifs à se cacher et participa, en 1944, aux soulèvements de Paris, Toulouse et Lyon.
Le président américain Franklin
Roosevelt signe l’accord sur l’UNRRA,
en 1943. L’United Nations Relief and
Rehabilitation Agency était financée
par les Alliés, mais, durant ses cinq
années d’existence, cette agence fut
financée principalement par les ÉtatsUnis. Placée sous la direction du
maire de New York Fiorello La Guardia, l’UNRRA fut d’une grande aide
pour les non Juifs et, accessoirement,
pour les Juifs vivant dans des camps
de personnes déplacées.
1943
496
• 3-4 novembre 1943 : Les Allemands
entreprennent l’Erntefest (fête des
moissons), un massacre planifié des
Juifs dans trois camps de la région de
Lublin, en Pologne. Environ 18 000
sont assassinés à Majdanek, 10 000 à
Trawniki et 15 000 à Poniatowa. Dans
ce dernier camp, les Juifs qui
résistent sont brûlés vifs dans un
baraquement.
• 4 novembre 1943 : Les Allemands
répriment une révolte de détenus dans
le camp de travail de Szebnie, en
Pologne. Le camp est liquidé ; environ
3 000 Juifs sont déportés à Auschwitz.
• 6 novembre 1943 : Cinq semaines après
s’être évadés d’une équipe de travail du
site de massacre de Babi Yar, en Ukraine,
quelque 14 Juifs et prisonniers de guerre
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La Résistance allemande
Cette photo représente le cimetière de Hadamar, en
Allemagne, où fut mis en œuvre le plus grand
programme d’euthanasie. Les corps des victimes – qui
avaient reçu des injections mortelles, avaient été
gazées ou qu’on avait simplement laissé mourir de
faim – furent en général incinérés. La famille était informée qu’ils étaient morts d’une maladie contagieuse. En
1942 et 1943, plusieurs responsables du programme
d’euthanasie apportèrent leur « talent » dans les camps
de la mort d’Europe orientale.
Le maréchal Wilhelm
Keitel était le chef d’étatmajor du haut commandement allemand. Conseiller
militaire le plus proche
d’Hitler, Keitel ne remit
jamais en question les
plans d’Hitler et garda le
silence lorsqu’il était en
désaccord avec le Führer.
De nombreux ordres
concernant les opérations
génocidaires en Europe
orientale portent la signature de Keitel. Keitel fut reconnu coupable de conspiration, de crimes contre la paix et de crimes contre
l’humanité par le tribunal militaire international de
Nuremberg. Sa requête d’être fusillé comme un soldat
ayant été rejetée, le maréchal Keitel fut pendu le 16
octobre 1946.
soviétiques sortent de leur cachette pour
accueillir l’Armée rouge qui libère Kiev,
en Ukraine.
• 9 novembre 1943 : Deux cents Juifs de
Venise (Italie) et quatre cents autres de
Florence et de Bologne sont déportés à
Auschwitz. • Au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, le chef du
Conseil des anciens, Jacob Edelstein, et
La Résistance allemande émana de milieux
très divers. Des militaires, des pasteurs, des
diplomates, des juristes et des dirigeants politiques d’obédiences très variées s’unirent dans la
conviction que le régime nazi devait prendre fin.
Ils ne s’accordaient pas tous sur les moyens à
utiliser pour atteindre cet objectif. À Munich,
l’organisation de la Rose blanche des étudiants
Hans et Sophie Scholl imprima des tracts
contre Hitler, mais ils furent pris et exécutés.
Le cercle Kreisau du comte Helmut James von
Moltke (photo) préparait une nouvelle Allemagne guidée par des principes chrétiens.
Leur projet d’un avenir débarrassé du nazisme
aboutit à leur mort.
Le groupe militaire sous la direction du colonel Claus von Stauffenberg conspira pour assassiner Hitler dans un attentat à la bombe et pour
établir un gouvernement qui ferait la paix avec
les Alliés. Leur complot faillit réussir, mais Hitler survécut. Les conspirateurs et quiconque
était en relation avec eux, y compris le pasteur
luthérien Dietrich von Bonhoeffer, furent tués.
Certains furent abattus, d’autres furent torturés, puis envoyés à la prison de Plötzensee où
ils furent suspendus à des crochets de boucherie pour provoquer une lente agonie.
Dans toutes les couches de la société, des
Allemands guidés par leur conscience et leur
conviction s’opposèrent à la tyrannie nazie et
entravèrent la persécution croissante des Juifs.
Bon nombre perdirent la vie pour avoir défié
l’autorité.
trois autres Juifs sont accusés d’avoir
épargné la déportation à 55 Juifs du
ghetto, en falsifiant des rapports sur la
population. • Le sénateur américain Guy
Gillette et les députés Will Rogers et
Joseph Baldwin introduisent une résolution au Congrès, appelant le président à
constituer « une commission d’experts
dans les domaines de la diplomatie, de
l’économie et de la défense pour élaborer
et mettre en œuvre un plan d’action destiné à sauver les Juifs survivants en
Europe. » Cette résolution sera la base du
War Refugee Board (WRB). • Création
de l’UNRRA (United National Relief and
Rehabilitation Administration).
• 10 novembre 1943 : Exécution, à
Hambourg, du théologien protestant
antinazi Karl Friedrich Stellbrink.
497
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Kurt Waldheim
La carrière de Kurt Waldheim illustre la facilité avec laquelle certains individus évoluèrent entre la société civile et le nazisme. Lorsqu’en
1987, le ministère de la Justice des États-Unis inscrivit son nom sur sa
Liste de surveillance en tant que criminel de guerre présumé, le voile du
secret entourant le passé de Waldheim fut rapidement levé.
Kurt Waldheim entra à la faculté de droit de l’université de
Vienne, en 1937. Après l’Anschluss, il s’inscrivit
à l’Association des étudiants nazis et devint
membre des SA (Sections d’assaut). Soldat de la
Wehrmacht, Waldheim participa aux campagnes
en France et en Russie et fut blessé en
décembre 1941.
Le service de Waldheim dans les Balkans, de
1942 à 1945, lui fit connaître directement les
atrocités perpétrées contre les partisans yougoslaves. Bien qu’il n’ait pas personnellement participé aux massacres, il fit l’objet d’une enquête et la commission
autrichienne qui étudiait son rôle trancha qu’il s’était trouvé proche
de personnes qui avaient perpétré des atrocités et qu’il n’avait rien
tenté pour les en empêcher.
Après la guerre, Waldheim prit immédiatement ses distances visà-vis de son passé nazi. Il rejoignit le corps diplomatique autrichien
en 1945, fut ministre des Affaires étrangères de 1968 à 1970 et fut
nommé secrétaire général des Nations unies en 1971. Bien que
publiquement discrédité, Waldheim n’a pas encore été véritablement confronté à son passé.
Cette circulaire encourage les
Palestiniens à faire des dons pour
financer le sauvetage des Juifs européens. Voici un extrait de ce texte :
« Enfants d’Israël, écoutez ! Écoutez
la voix qui demande de l’aide. Souvenez-vous de vos frères à tout
moment, lorsque vous étudiez et
lorsque vous vous reposez, lorsque
vous mangez et lorsque vous jouez.
Regroupez-vous comme un seul
homme pour sauver et soutenir [nos
frères]. »
Les Juifs cherchant à émigrer en
Palestine sans autorisation devaient
éviter la marine britannique qui tentait de les empêcher d’entrer. Fin
novembre 1943, des Juifs à bord de
trois bateaux, qui souhaitaient entrer
en Palestine, furent détenus et
envoyés dans un camp sur l’île Maurice. Devant se prendre en charge,
les détenus créèrent un hôpital. Infirmières et médecins durent relever de
nombreux défis, notamment une épidémie de typhus.
1943
498
• Arthur Liebehenschel remplace
Rudolf Höss au poste de commandant
d’Auschwitz.
• 11 novembre 1943 : Au camp /
ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, pour le 25ème anniversaire
de la défaite de l’Allemagne dans la
Première Guerre mondiale, les Allemands rassemblent les 47 000 Juifs
sur une grande place pour un recensement mal organisé. Il dure pendant
18 heures sous une pluie glaciale.
Une partie des Juifs meurent durant
ce recensement ou peu après.
• 13 novembre 1943 : Un Juif nommé
Fritz Lustig tente en vain de s’évader
du camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Un four crématoire isolé se
dresse à
l’extérieur de la
clôture de Vught,
aux Pays-Bas.
Vught n’était pas
un camp d’extermination, mais de
nombreux prisonniers moururent
durant leur détention, notamment
entre octobre
1943 et janvier
1944, lorsque le
camp se trouva
sous la direction
du Sturmbannführer Adam Grünewald. Devant le
four, se trouve un tas de cendres humaines.
Un mur en béton surmonté de verre brisé et de
pointes en acier entoure une partie du camp de
concentration de Vught, la principale gare de transit
pour les Juifs dans le sud des Pays-Bas. Créé en
décembre 1942, Vught reçut les premiers prisonniers
juifs le mois suivant. Si les conditions dans le camp
n’étaient pas aussi mauvaises que celles qui
prévalaient en Europe orientale, il n’en demeure pas
moins que Vught envoyait ses détenus à Westerbork,
importante étape de l’aller simple pour Auschwitz.
Le ministre du Reich Richard Walther Darré accueille
Hitler en 1943. La formation de Darré en agriculture et
en économie le propulsa à la tête de l’Office central
de la race et de la colonisation (RuSHA) et à la tête du
Bureau de la politique agricole. Il fut limogé de ses
deux fonctions pour avoir critiqué la façon dont Hitler
et Himmler menaient la guerre et, banni, se retira dans
son pavillon de chasse à Schorfheide, en Allemagne.
• 14 novembre 1943 : Les Juifs de
Ferrare, en Italie, sont déportés à
Auschwitz.
• 16 novembre 1943 : Les Juifs
réduits en esclavage et malades de
l’usine de munitions de SkarzyskoKamienna, en Pologne, attirés hors
de leurs baraquements par les
promesses de soupe faites par des
gardes ukrainiens et des SS, sont
abattus ou chargés sur des camions et
emmenés à un autre endroit du camp
pour être exécutés.
• 17 novembre 1943 : 995 Juifs
néerlandais arrivent à Auschwitz ; 531,
dont 166 enfants, sont immédiatement
gazés. • Le dictateur roumain Ion Antonescu ordonne à son gouvernement de
résister aux efforts investis par les Allemands pour exterminer les Juifs de la
région de Transnistrie.
• 19 novembre 1943 : Les prisonniers
du Sonderkommando 1005, une unité
chargée de brûler les corps, se
révoltent au camp de travail de
Janówska, près de Lvov. Le dirigeant
du soulèvement, Leon Weliczker, est
l’un des rares survivants. • Un millier
de Juifs sont abattus au cimetière juif
de Sandomierz, en Pologne.
499
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
« On voyait des rats aussi gros
que des chats courir et ronger
les cadavres et même s’attaquer
aux mourantes qui n’avaient
plus la force de s’en
débarrasser… [À l’intérieur], les
paillasses étaient souillées, on
ne les changeait que lorsqu’elles
étaient complètement pourries.
Les couvertures étaient si
pleines de poux qu’on les voyait
grouiller comme des fourmis. »
—Marie Vaillant-Couturier, résistante
française détenue à Auschwitz
La partie principale de la synagogue de Cracovie, en
Pologne, fut détruite durant l’hiver 1943-44. Amon Goeth,
le commandant du camp de Plaszów, ordonna sans hésiter sa destruction pour laisser passer une ligne de chemin
de fer. Les communications par train étaient
indispensables à l’effort de guerre nazi et des milliers de
kilomètres de rails furent posés pour faciliter le mouvement
des matières premières et du matériel de guerre.
1943
Des garçonnets tsiganes décharnés, choisis pour subir
l’ablation de leur pénis et de leurs testicules, sont catalogués par l’appareil photo d’Auschwitz. Hitler s’intéressait
vivement à la stérilisation des « indésirables », moyen de
contrôler la croissance des populations. Avantage corollaire, du point de vue d’Hitler : les sujets stérilisés
pouvaient s’avérer utiles en travaillant pour le Reich. Les
médecins des camps nazis procédèrent sans vergogne à
des opérations chirurgicales et autres procédés. Outre
son aspect profondément contraire à l’éthique, une expérimentation médicale de ce type était souvent maladroite
et absolument infondée en termes de science véritable.
Le docteur Josef Mengele d’Auschwitz et les chirurgiens
d’autres camps étaient animés par une mentalité
amorale du « et si ? », par une curiosité morbide sur ce
qui arriverait à un être humain si tel ou tel procédé était
appliqué. Pour ces médecins, la souffrance humaine ne
comptait pas.
• 22 novembre 1943 : Plus de 1 000
patients juifs de l’hôpital psychiatrique
de Berlin sont déportés à Auschwitz.
• 23 novembre 1943 : 150 partisans
juifs s’évadent de Kovno, ville de
Lituanie occupée, et se dirigent vers
l’Est dans la forêt de Rudninkai.
• 28 novembre-1er décembre 1943 :
500
Les dirigeants alliés Winston Churchill,
Franklin Roosevelt et Joseph Staline se
rencontrent à Téhéran, en Iran. Ils discutent d’un débarquement américanobritannique contre les Allemands à
partir de l’ouest.
• 30 novembre 1943 : Le ministre italien
de l’Intérieur ordonne que tous les Juifs
italiens soient internés dans des camps.
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La « vie » dans les camps
Les nazis soumirent les prisonniers des camps de concentration à
une déshumanisation qui débilitait
le corps et brisait l’esprit : alimentation cruellement insuffisante, eau
non potable, baraquements surpeuplés et infestés de poux, salles
d’eau et toilettes innommables,
interminables heures d’un labeur
exténuant et, souvent, des punitions sadiques.
La journée d’un détenu commençait extrêmement tôt. Redoutant d’être battus par les gardes qui
juraient, les détenus épuisés se
jetaient fébrilement à bas de leur
couchette, rangeant à la hâte la
couverture. Se précipitant vers des
latrines crasseuses et heurtant les
centaines de personnes qui tentaient de se laver aux quelques
robinets, les détenus attendaient
ensuite en rang le « petit déjeuner »
souvent constitué d’un breuvage
amer et d’un morceau de pain.
Après un long appel, les équipes
de travail étaient constituées. Dans
certains camps, les membres des
groupes de travail étaient obligés
de chanter en sortant du camp ;
l’orchestre du camp les accompagnait. Certains prisonniers marchaient jusqu’à 15 kilomètres pour
se rendre sur leur lieu de travail.
D’autres effectuaient un travail stérile et torturant dans l’enceinte du
camp. Le soir, après 11 ou 12
heures de travail, les prisonniers
subissaient à nouveau l’appel, restant au garde-à-vous pendant des
heures, appel suivi du « dîner ».
L’extinction des feux avait lieu à 21
heures.
• Début décembre 1943 : Le
secrétaire d’État au Trésor des ÉtatsUnis, Henry Morgenthau demande à
ses assistants Randolph Paul et John
W. Pehle, d’enquêter sur la façon
dont le Département d’État a traité
de la question des réfugiés juifs.
• 2 décembre 1943 : 100 Juifs de
Vienne arrivent à Auschwitz.
Dans les baraquements toujours
surpeuplés et souvent sans chauffage, les prisonniers trouvaient difficilement le sommeil. Entassés sur
des châlits en bois de trois étages,
deux ou trois personnes occupaient
parfois l’espace prévu pour une
seule – parfois sur des matelas de
paille, souvent à même la planche,
pas toujours avec des couvertures.
Les sanitaires consistaient en urinoirs et latrines qui n’étaient que des
rangées de trous percés dans des
dalles de bétons au-dessus de tuyaux
de vidange. Les lavabos consistaient
en gouttières de faïence ponctuées
de plusieurs robinets apportant de
l’eau de puits polluée.
Les prisonniers étaient affamés
en permanence et mouraient littéralement de faim. Le matin et le soir,
le breuvage sombre était parfois
accompagné de pain dur aigre. Si les
détenus avaient de la chance, le
dîner comportait quelques grammes
de saucisson, ou de fromage rassis
• 12 décembre 1943 : Le président du
Conseil juif de Wlodzimierz Wolynski
(Pologne), lieu d’un massacre de rue en
1942, affirme aux derniers habitants du
ghetto qu’ils seront sains et saufs ; voir
13 décembre 1943.
• 13 décembre 1943 : Liquidation de
la communauté juive de Wlodzimierz
Wolynski, en Pologne. • En Grèce, les
ou moisi, ou un peu de confiture. À
midi, une infecte soupe de navets
trop liquide – contenant de vagues
traces de pommes de terre et d’orge
– fournissait 3 à 400 calories. Souvent obligés de manger dehors,
même par un temps glacial, les prisonniers devaient boire leur soupe
dans des gamelles. De nombreux
prisonniers en étaient réduits à
fouiller dans les poubelles situées
près des cuisines du camp, contractant la dysenterie pour avoir mangé
des épluchures crues ou du chou
pourri. Certains détenus volaient ou
échangeaient de la nourriture,
encourant un terrible châtiment.
Les coups étaient routiniers.
Tout SS avait le droit de battre, ou
de tuer n’importe quel prisonnier.
Les coups de fouet étaient infligés
en général durant l’appel. Les prisonniers s’étendaient sur des bancs
spéciaux, les jambes entravées, et
recevaient des dizaines de coups de
bâton ou de fouet.
Un châtiment extrêmement douloureux, appelé le « pilier », consistait à lier les mains des prisonniers
derrière le dos puis à les suspendre à
une poutre ou à un arbre par une
corde attachée à leurs poignets. La
réclusion dans la « cellule debout »
était également terrible. Quatre prisonniers étaient entassés pendant
plusieurs jours dans le noir absolu
dans un espace de moins d’un mètre
carré, dans l’incapacité de s’allonger
et disposant seulement d’une ouverture de 5 centimètres fournissant de
l’air. Les prisonniers capturés après
avoir tenté de s’évader étaient pendus devant les autres détenus.
nazis massacrent tous les hommes
âgés de plus de 14 ans dans le village
de Kalávrita.
• 17 décembre 1943 : En représailles
à l’évasion de plusieurs Juifs du
ghetto, d’autres Juifs sont exécutés à
Kovno, en Lituanie.
• 21 décembre 1943 : Hersz Kurcweig,
501
1943
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
La vie des partisans
Pendant la Seconde Guerre mondiale, des
dizaines de milliers d’hommes et de femmes
rejoignirent les partisans qui opéraient principalement en Europe orientale et dans les Balkans. Agissant seuls, en équipe avec des
membres de leur famille ou dans des unités
nationalistes, les partisans menaient une vie
précaire et dangereuse.
De nombreux partisans élirent domicile dans
les régions boisées d’Europe orientale, survivant grâce à des vivres pris au cours de raids.
Pour éviter d’être découverts, ils s’abstenaient
de construire des structures permanentes. Ils
s’abritaient dans des tranchées ou dormaient
sous des branchages et des feuilles. Les longues
nuits d’hiver étaient particulièrement rigoureuses, car le feu était un luxe que les combattants clandestins ne pouvaient s’offrir.
La vie des partisans était différente pour les
Juifs et pour les non Juifs. Alors que les partisans non juifs pouvaient s’éclipser pour trouver
refuge chez des habitants de la région, très peu
de personnes en Europe orientale étaient disposées à offrir un abri et des vivres aux partisans juifs. S’étant évadés d’un ghetto pour
devenir partisans, les Juifs ne disposaient d’aucun endroit neutre où ils auraient pu vivre sans
être agressés par les autorités nazies. Traqués
par les nazis, les partisans juifs étaient souvent
haïs par les habitants de la région.
Le rabbin Stephen S. Wise (à gauche) s’entretient avec
le député américain Sol Bloom, de New York, au cours
d’une séance de la commission des Affaires étrangères de
la Chambre des Représentants. Les inlassables efforts de
Wise en faveur des Juifs d’Europe apportèrent peu de soulagement à ses frères persécutés. Au cours de cette séance
de décembre 1943, le rabbin Wise présenta à nouveau
le programme en six points qu’il avait suggéré huit mois
plus tôt lors de la conférence des Bermudes. Ce
programme appelait la Grande-Bretagne à ouvrir la Palestine à l’immigration juive. L’opposition britannique fit en
sorte que l’idée ne puisse être sérieusement envisagée.
Les SS du camp de concentration de Neuengamme,
en Allemagne, célèbrent Noël avec leurs familles en
1943 ou 1944. La guerre et la « solution finale » n’empêchaient pas le personnel du camp de prendre le
temps de célébrer la fête. Tout au long de la guerre, les
SS s’efforcèrent de maintenir la routine ordinaire pour
les gardes du camp et leurs familles.
1943
502
un Juif, et Stanislaw Dorosiewicz, un
non Juif, s’évadent d’Auschwitz après
avoir tué un garde SS.
ridge Long, lui disant : « l’impression
générale est que vous, en particulier,
êtes antisémite ! »
• 22 décembre 1943 : La Gestapo
• 23 décembre 1943 : Liquidation de la
communauté juive de Pinsk, en
Pologne. • Le secrétaire d’État au Trésor des États-Unis, Henry Morgenthau,
est informé par son équipe que « tout
bien considéré, à cette date, l’attitude
[du Département d’État] n’est guère
découvre 62 Juifs cachés dans la cave
d’un bâtiment de la rue Krolewska, à
Varsovie. Tous sont massacrés. • Le
secrétaire d’État au Trésor des ÉtatsUnis, Henry Morgenthau, s’en prend
au secrétaire d’État adjoint Breckin-
1943
Cette
photographie de
décembre 1943
montre des volontaires SS
bosniaques appelés Handoza. Ces
soldats, qui se
tiennent au gardeà-vous, semblent
professionnels –
du moins tout
aussi intimidants
que leurs
homologues allemands. L’uniforme
de chacun est
orné de la croix
gammée, de
l’aigle allemand
et du Totenkopf des SS (tête de mort).
La propagande
nazie s’étendait audelà des rivages de
l’Europe jusqu’en Amérique. Prétendant
émettre de l’Iowa, la
station de radio nazie
« Station Debunk »
exhortait au pacifisme
et condamnait la politique du président Roosevelt. Pour rallier le
soutien de l’opinion
publique à l’effort de
guerre américain, des
écrivains célèbres et
des personnalités de la
radio associèrent leurs
forces contre la propagande de l’Axe. Rex Stout (photo), connu pour être
l’auteur des romans policiers mettant en scène le détective
Nero Wolfe, anima le programme de radio de CBS
intitulé The Secret Weapon (l’arme secrète) et fut le porteparole de The Voice of Freedom (La voix de la liberté).
différente de celle d’Hitler. »
• 24 décembre 1943 : Sur les 64 Juifs
qui s’évadent du Fort n° 9 près de
Kovno (Lituanie), 32 sont rapidement
repris, cinq sont abattus et huit
autres capturés près du ghetto de
Kovno. Dix-neuf pénètrent dans le
ghetto, mais l’un, le rabbin Gabriel
Shusterman, meurt gelé. • À Borki,
•
MORT
ET
RÉSISTANCE
Edward R. Murrow, éminent correspondant de
guerre américain de la radio CBS, exposa la politique
d’extermination des Juifs menée par l’Allemagne. Murrow avait déjà présenté à l’Amérique des rapports
fiables et dramatiques sur les événements allemands :
l’occupation de l’Autriche avant la guerre, la
conférence de Munich, la prise du pouvoir par les Allemands en Tchécoslovaquie et la bataille d’Angleterre.
Ses courageux reportages constituaient une exception
dans les médias américains souvent cyniques devant
les rapports sur la Shoah.
en Pologne, 60 Juifs qui travaillent
dans une équipe chargée d’exhumer
les corps tentent de s’évader par un
tunnel, mais bien peu réussissent.
• 25 décembre 1943 : Des camions
transportant des femmes juives nues
effectuent régulièrement des voyages
vers la chambre à gaz d’Auschwitz-Birkenau. Toute femme qui saute d’un
Le fort n° 9 était une prison
et un site de massacre à
Kovno, en Lituanie, où au
moins 9 000 Juifs furent assassinés par des Allemands et des
Lituaniens en octobre 1941.
Ce jeune homme, Abe Diskont,
était l’un des 64 prisonniers
qui s’évadèrent du fort n° 9, la
veille de Noël 1943. Il
rejoignit plus tard des partisans
et mourut en combattant les
Allemands en 1944.
camion est immédiatement abattue.
• Fin 1943 : Le chef des SS, Heinrich
Himmler, ordonne que le camp d’extermination de Belzec soit rasé,
comme l’ont été les camps de la mort
de Sobibor et Treblinka. Sur le site
des trois camps, la terre est labourée
par les Ukrainiens qui s’y installent.
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