M O R T E T R É S I S TA N C E 1943 BIEN QU’AYANT rarement connu les noms de leurs victimes juives, les nazis entendaient que ni Zivia Lubetkin, ni Richard Glazar, ni Thomas Blatt ne survivent à la « solution finale ». Ils survécurent cependant et, après la Shoah, chacun écrivit un livre sur la Résistance en 1943. Quelque 400 000 Juifs vivaient dans le ghetto de Varsovie surpeuplé, mais les épidémies, la famine et les déportations à Treblinka – 300 000 personnes entre juillet et septembre 1942 – réduisirent considérablement ce nombre. Estimant que 40 000 Juifs s’y trouvaient encore (le chiffre réel approchait les 55 000), Heinrich Himmler, le chef des SS, ordonna la déportation de 8 000 autres lors de sa visite du ghetto, le 9 janvier 1943. Cependant, sous la direction de Mordekhaï Anielewicz, âgé de 23 ans, le Zydowska Organizacja Bojowa (ZOB, Organisation juive de combat) lança une résistance armée lorsque les Allemands exécutèrent l’ordre d’Himmler, le 18 janvier. Bien que plus de 5 000 Juifs aient été déportés le 22 janvier, la Résistance juive – elle impliquait aussi bien la recherche de caches et le refus de s’enregistrer que la lutte violente – empêcha de remplir le quota et conduisit les Allemands à mettre fin à l’Aktion. Le répit, cependant, fut de courte durée. En janvier, Zivia Lubetkin participa à la création de l’Organisation juive de combat et au soulèvement du ghetto de Varsovie. « Nous combattions avec des grenades, des fusils, des barres de fer et des ampoules remplies d’acide sulfurique », rapporte-t-elle dans son livre Aux jours de la destruction et de la révolte. « Pendant quelques minutes, nous avons été grisés par le frisson du combat. Effectivement, nous avons vu de nos yeux les Allemands, conquérants du monde, battre en retraite, effrayés par une poignée de jeunes Juifs armés seulement de quelques pistolets et grenades à main. » Zivia Lubetkin savait que les Allemands reviendraient. La seule question était de savoir quand. Pour les 50 000 Juifs qui demeuraient dans le ghetto, la réponse décisive survint le 19 avril 1943, la veille de la Pâque. Cette fois, les troupes bien équipées du général Jürgen Stroop s’attendaient à une résistance armée en pénétrant dans le ghetto et elles s’y confrontèrent. Conscients de la puissance de feu très supérieure des Allemands, les combattants juifs piètrement armés – au nombre d’environ 700 à 750 – ne se faisaient aucune illusion sur la possibilité de vaincre Stroop. Mais Z. Lubetkin vit les Allemands se replier d’abord lorsque les armes à feu, les grenades et les « cocktails Molotov » des Juifs, en quantité réduite, semèrent la peur et la mort chez les envahisseurs allemands. À nouveau, le répit fut temporaire. « L’ennemi a mis le feu au ghetto, témoigna Z. Lubetkin. Comment décrire les terribles souffrances et la terreur des Juifs pris au piège dans les flammes ? » Pourtant, les combattants du ghetto résistèrent. Des partisans du groupe Greenspan se réunissent dans la forêt de Parczew, en Pologne. 405 1943 Le commandant Jürgen Stroop (au centre) accompagne ses soldats pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie. 406 Ce ne fut que le 16 mai que Stroop put noter dans son rapport que « le quartier juif de Varsovie avait cessé d’exister. » Mais à cette date, Z. Lubetkin s’était déjà enfuie par les égouts et était passée du côté « aryen » de Varsovie où elle poursuivit sa résistance. Le soulèvement du ghetto de Varsovie revêtit une importance bien supérieure à celle des rapports de batailles et du décompte des pertes. La nouvelle du soulèvement inspira ailleurs une résistance juive et accrut l’inquiétude des nazis après la défaite révélatrice de l’armée allemande sur le front Est à Stalingrad, en Russie, fin janvier. Comme dans le cas du ghetto de Varsovie, si héroïque et si répandue fût-elle, la Résistance juive manqua en général du soutien extérieur nécessaire pour remporter des victoires autres que morales. Pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie, un Juif tchèque nommé Richard Glazar luttait pour demeurer en vie au camp de Treblinka situé à une centaine de kilomètres au nord-est de Varsovie. Né en 1920, il avait été envoyé début octobre 1942 du camp / ghetto de Theresienstadt (Tchécoslovaquie) dans ce camp de la mort. Les chambres à gaz de Treblinka coûtèrent la vie à plus de 800 000 Juifs, mais Glazar fut parmi les très rares détenus qui furent épargnés pour travailler. Comme Lubetkin, il résista et survécut pour raconter son histoire dans son livre Trap with a Green Fence (La trappe du grillage vert). Glazar vit régulièrement les trains qui acheminaient des milliers de Juifs à Treblinka. Au printemps 1943, il savait jusqu’où les nazis perpétraient leurs assassinats en masse car les convois amenaient des Juifs de Bulgarie et de Grèce. Tandis que les Juifs disparaissaient à tout jamais en arrivant à Treblinka, leurs biens demeuraient. Avant que les déportés soient déshabillés, gazés et brûlés, les Allemands pillaient leurs affaires. Glazar se souvient du camp comme d’un « gigantesque entrepôt de bric-à-brac. » On pouvait tout trouver à Treblinka, écritil, « excepté la vie ». Trier le butin devint pour lui un travail routinier qui le maintint en vie. Lui et ses camarades prisonniers se savaient condamnés si le tri cessait. Alors que tout était contre eux, les Juifs résistèrent à Treblinka. Décrivant les trains chargés de butin au départ du camp de la mort, Glazar se souvient que les prisonniers cachèrent deux évadés entre les ballots, afin que le monde apprenne les meurtres. Puis, fin mai 1943, Glazar vit « le convoi le plus misérable de tous ceux qui arrivèrent à Treblinka. » Les gens venaient de Varsovie. Leurs affaires étaient si pauvres qu’il n’y avait pas grand-chose à trier. Mais, par ailleurs, souligne Glazar, ces derniers convois de Varsovie étaient riches : d’espoir, parce qu’ils apportaient la nouvelle du soulèvement du ghetto. Cette nouvelle fit croire à Glazar et à ses compagnons que les avertissements des évadés de Treblinka avaient contribué au soulèvement de Varsovie. Quant au soulèvement de Varsovie, il commença à émouvoir les détenus de Treblinka qui, pour reprendre les propos de Glazar, « renoncèrent à l’espoir d’être les derniers à échapper à cette mort dans le dénuement. [Il faut] montrer au monde et à vous-mêmes [ce qui se passe]… » À Treblinka, depuis le printemps, un groupe de résistance avait prévu de s’emparer d’armes dans l’arsenal des SS, de prendre le contrôle du camp, de le détruire et de rejoindre les partisans dans la forêt. La date du soulèvement de Treblinka était fixée au lundi 2 août. Vers 16 heures, avant que les chefs de la résistance n’aient pu prendre le contrôle de la cache d’armes, un officier SS qui se montrait soupçonneux fut tué par un coup de feu qui alerta les gardes du camp et donna prématurément le signal de la révolte aux détenus. Pendant les échanges de coups de feu, certains prisonniers mirent le feu à des parties du camp. Alors que les détenus s’évadaient en courant, la plupart furent abattus depuis les tours de guet du camp ou pris et tués plus tard. Le jour du soulèvement, le camp contenait environ 850 prisonniers. Environ 750 tentèrent de s’évader. Glazar fut l’un des 70 qui survécurent à la Shoah. Après la révolte, les Allemands contraignirent les évadés qui avaient été repris à raser ce qui restait du camp de Treblinka. Puis, ces prisonniers furent abattus, des arbres furent plantés et le site fut camouflé en ferme. La résistance juive avait contribué à fermer Treblinka, mais seulement après que la raison d’être du camp ait été, pour l’essentiel, achevée. Entre-temps, au sud-est de Treblinka, à cinq kilomètres du fleuve Bug, le camp de la mort de Sobibor fonctionnait toujours. Entre mars et juillet 1943, 19 convois des Pays-Bas acheminèrent 35 000 Juifs néerlandais dans les chambres à gaz de Sobibor qui, au total, tuèrent 250 000 Juifs. Le rythme des meurtres diminua ensuite, plus de 13 000 Juifs des ghettos liquidés de Vilnius, Minsk et Lida étant gazés à Sobibor pendant les quinze derniers jours de septembre. Les détenus du camp comprirent que la fin des convois signifiait également la fin de leur vie. Début septembre 1943, environ 650 détenus juifs de Sobibor étaient astreints au travail. Comme à Treblinka, certains étaient des travailleurs qualifiés chargés de la maintenance du camp, d’autres triaient le butin, d’autres encore faisaient partie des équipes chargées d’évacuer les corps des chambres à gaz. Thomas Blatt faisait partie des quelque 300 prisonniers qui s’évadèrent du camp pendant le soulèvement qui éclata le 14 octobre 1943. Paru en 1996, son livre Sobibor, The Forgotten Revolt (Sobibor, la révolte oubliée) précise que 48 seulement des évadés de Sobibor survécurent après s’être libérés. Le soulèvement de Sobibor conduisit les Allemands à abandonner leurs projets de convertir le camp de la mort en un camp de concentration. Ils décidèrent plutôt de démanteler et de camoufler les installations dont le travail de meurtre avait, de toute façon, été pratiquement accompli. Comme Treblinka, Sobibor devint une ferme. Ce ne fut cependant pas le seul résultat du soulèvement. Les événements de Varsovie, Treblinka et Sobibor indiquaient que les Juifs polonais étaient de plus en plus conscients qu’il n’y aurait pas de « salut par le travail ». Privés de l’espoir de survivre, ils allaient résister jusqu’à la mort. Conscient de la menace d’une telle résistance juive, Himmler accéléra l’extermination des Juifs qui demeuraient dans les camps de travail de la région de Lublin, à Trawniki et Poniatowa, ainsi que dans le camp de la mort de Majdanek. Le 3 novembre 1943, dans la région de Lublin, quelque 42 000 Juifs furent rassemblés et abattus. L’historien Christopher Browning expliqua que ce massacre constituait « l’opération de meurtre la plus importante perpétrée par les Allemands contre les Juifs durant toute la guerre. » Son nom de code était Erntefest, qui signifie en allemand « fête des moissons. » Des estimations prudentes montrent qu’au moins 500 000 Juifs périrent en 1943 dans la Shoah. Sans que ce soit de sa faute, la Résistance juive de cette année – si importante qu’elle fût et si impressionnante qu’elle demeure – ne suffit malheureusement pas à éviter le désastre. Le four crématoire IV à AuschwitzBirkenau pouvait incinérer près de 1 500 corps par jour. Des officiers allemands découragés face aux Russes qui les ont faits prisonniers après la bataille de Stalingrad. 407 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Le rabbin Leo Baeck Éminent rabbin et théologien du judaïsme libéral allemand depuis 1897, Leo Baeck exerça ses fonctions à Berlin de 1912 jusqu’à sa déportation au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, début 1943. Lorsque les nazis créèrent la Représentation des Juifs allemands du Reich, Baeck en fut nommé président. Représentant principal des Juifs allemands, il refusa de quitter l’Allemagne, même lorsque sa sécurité, ainsi que celle des Juifs allemands, fut menacée. Après sa déportation à Theresienstadt, Baeck œuvra sans relâche pour remonter le moral de nombreux Juifs, même ceux qui, il le savait, étaient voués à Auschwitz. Après la guerre, Baeck s’installa à Londres où il devint le président du Conseil des Juifs d’Allemagne. L’Institut Leo Baeck, première institution se consacrant à l’étude des Juifs allemands, porte le nom de cet homme vénérable. 1943 408 Comme on leur faisait croire qu’ils partaient pour une « réinstallation », les Juifs en route pour Auschwitz transportaient des valises contenant leurs biens les plus précieux. Alors que les prisonniers étaient souvent envoyés à la mort dès leur arrivée, leurs affaires étaient gardées, triées et entreposées pour être expédiées en Allemagne. Ces Juifs sont emmenés au ghetto de Grodno (Biélorussie), créé peu après l’invasion de la Russie par les Allemands. En novembre 1941, 25 000 Juifs de Grodno et de la région voisine furent contraints de s’installer dans ce ghetto qui fut liquidé en janvier 1943, lorsque les habitants juifs furent déportés à Treblinka. Avant même l’occupation de cette région de l’Union soviétique par les Allemands, des antisémites de la population civile avaient attaqué les Juifs. • 1943 : Heinrich Himmler est nommé ministre de l’Intérieur du Reich. • Le pape Pie XII annonce que le Vatican ne peut aider les opprimés que par « nos prières ». • Création du parti collaborationniste Nye Denmark (Nouveau Danemark). • Fondation de SS Galizien (SS de Galicie), une unité de volontaires SS ukrainiens. • Jozef Tiso, premier ministre de Slovaquie et allié d’Adolf Hitler, interrompt brièvement les déportations des Juifs slovaques. • En France, Sabina Zlatin, une Juive, crée la maison d’enfants d’Izieu qui abrite une centaine d’enfants juifs ; voir 6 avril 1944. • Première édition en Allemagne du texte antisémite Archiv für Judenfragen (Archives sur les questions juives). 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Dans le ghetto de Varsovie, un travailleur retire de la rue un corps décharné. En janvier 1943, les Allemands entreprirent une nouvelle déportation à partir du ghetto. Pour la première fois, les Juifs résistèrent avec force, utilisant quelques rares armes pour combattre les Allemands dans les rues et dans les immeubles du ghetto. Ces accrochages remontaient le moral et permettaient d’acquérir une expérience indispensable pour la lutte décisive qui allait commencer quelques mois plus tard. « Rues pleines, pleines… Vendant. Mendiant. Pleurant. Affamés. » —Jan Karski, témoin du ghetto de Varsovie Des prisonniers détenus à Dachau travaillent dans une usine d’armements voisine. Peut-être un tiers des travailleurs du camp étaient Juifs ; les autres étaient des dissidents politiques, des ecclésiastiques, des Tsiganes, des Témoins de Jéhovah, des homosexuels et des prisonniers de guerre soviétiques. L’exploitation du travail servile et l’intensification de l’effort de guerre contribuèrent à la croissance du camp. Dachau compta par la suite 36 camps annexes qui exploitaient le travail de 37 000 prisonniers. L’immense majorité travaillait dans la production d’armements. Des enfants vêtus de loques attendent devant un mur en briques du ghetto de Varsovie. Durant l’hiver 1942-43, les conditions dans le ghetto furent abominables. Les tuyauteries gelaient et les eaux d’égout se déversaient dans les rues. Le typhus faisait rage dans l’ensemble du ghetto et les rations de famine prélevaient un lourd tribut sur la population juive. Plus de 5 000 personnes mouraient chaque mois, et ceux qui s’accrochaient à la vie étaient dans un état lamentable. • Janvier 1943 : En ce début d’année, 10 000 Juifs sont astreints au travail dans des usines dans toute l’Allemagne. • Les 27 derniers Juifs de Bilgoraj, en Pologne, sont chassés de leur cachette et massacrés. • Près de 870 enfants, infirmes, médecins et infirmières des Pays-Bas sont envoyés à Auschwitz. • Une victoire militaire remportée par les Soviétiques sur le Don astreint au travail 50 000 Juifs hongrois sur le front Est ; plus de 40 000 sont tués au combat entre forces allemandes et soviétiques. Plusieurs milliers d’autres sont faits prisonniers et maltraités et par les Soviétiques et par les prisonniers de guerre de l’Axe. • Une circulaire SS sur l’application des peines de mort dans les camps d’extermination enjoint que les exécutions par pen- daison soient réalisées par des prisonniers désignés qui recevront trois cigarettes. • Les membres de la Résistance juive du ghetto de Varsovie commencent à se scinder en 22 groupes. Ils construisent abris et bunkers, et même des tunnels conduisant à la partie non juive de la ville. • Moshé Fish et Leva Gilchik, des Juifs qui, en juillet 1942, avaient constitué un groupe de partisans dans les forêts des environs 409 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La propagande nazie ne connaissait pas de frontières dès lors qu’il s’agissait d’amener le Volk (peuple) allemand à soutenir l’effort de guerre. S’ajoutant aux discours radiodiffusés et aux défilés incessants, les timbresposte véhiculaient le message de la gloire militaire. Les scènes de bataille représentées sur ces timbres renforçaient le lien entre la nation allemande et la guerre. Fritz Sauckel fut le plénipotentiaire de l’Allemagne pour la mobilisation des travailleurs de 1942 à 1945. À ce titre, il réduisit en esclavage des travailleurs d’Union soviétique et d’autres territoires occupés, et chassa plus de cinq millions d’habitants des territoires occupés pour les emmener en Allemagne. Sauckel fut aussi responsable de l’extermination de plusieurs dizaines de milliers de travailleurs juifs en Pologne. Pour ses crimes, Sauckel fut pendu par les Alliés, le 16 octobre 1946. À Allach, un camp annexe de Dachau en Allemagne, des prisonniers travaillent dans une usine de moteurs d’avion de la Bayerische Motoren Werke (BMW). Au fur et à mesure que la guerre se prolongeait, les camps fournirent un réservoir inestimable de travailleurs pour les industries d’armement allemandes. Les entreprises privées comme BMW pouvaient embaucher des travailleurs à des coûts extrêmement faibles. Dans les années 1990, des « accords » de ce type revinrent hanter BMW et d’autres entreprises allemandes encore existantes. 1943 410 de Kleck, en Pologne, meurent au combat contre des troupes allemandes. • Le putsch planifié par quelques généraux allemands à Stalingrad, en Russie, et visant à renverser Hitler, ne se produira jamais. Les principaux opposants allemands à Hitler et aux nazis – pour la plupart des conservateurs – conspirent pour renverser le Reich d’Hitler. Ils ont le sentiment qu’Hitler a présumé de ses forces et que la guerre évolue en une dangereuse entreprise sur deux fronts. En dépit de leur opposition à Hitler, ces principaux opposants sont antisémites et souhaitent que les Juifs disparaissent. Ils concluent que les Juifs exercent une « influence calamiteuse… sur la nation » et constituent « un danger pour la nation allemande. » 1943 Photographié avec le collaborateur français Marcel Déat, Joseph Darnand (à droite), était l’un des collaborateurs français les plus haïs. Darnand dirigeait une organisation militaire française qui combattait ouvertement avec les Allemands. Chef du Service d’ordre légionnaire, Darnand fut responsable des opérations de sûreté dans la France de Vichy. Le SOL traquait les résistants français et les torturait sauvagement. Lorsque la France fut libérée en 1944, Darnand et 6 000 de ses partisans s’enfuirent en Allemagne. • MORT ET RÉSISTANCE Des choix fictifs « On veut vivre », écrivait Salmen Lewental. Ces mots figurent dans un carnet enterré et retrouvé près des ruines du four crématoire III à Birkenau. Sélectionné pour le travail à son arrivée à Auschwitz le 10 décembre 1942, Lewental fut affecté au Sonderkommando, un mois plus tard, et condamné à travailler dans les chambres à gaz et aux fours crématoires. Il tint bon suffisamment longtemps pour rejoindre le soulèvement du Sonderkommando, le 7 octobre 1944. On ignore la date de sa mort. Dans son carnet, Lewental imagine à un moment quelqu’un lui demandant : « pourquoi faites-vous un travail aussi ignoble ? » À part la phrase « on veut vivre », il n’est pas de bonne réponse, car Lewental avait-il le choix ? La puissance nazie contraignit à maintes reprises des personnes sans défense à procéder à ce que l’intellectuel Lawrence L. Langer appelle des « choix fictifs ». De tels choix, dit-il, ne « traduisent pas telle ou telle option entre la vie et la mort, mais entre une forme de réponse “anormale” et une autre, toutes deux imposées par une situation qui n’était en aucun cas choisie par la victime. » Telle était l’atroce situation dans laquelle se trouvait Lewental. Il ne se porta pas volontaire pour le Sonderkommando, pas plus qu’il ne choisit la déportation. À Auschwitz, Lewental, à l’instar de millions d’autres victimes de la Shoah, n’avait pas d’autres choix que de mourir en se suicidant, en résistant ou en tant que Sonderkommando, autrement dit, des « choix fictifs. » Des médecins et des infirmières examinent un petit enfant réfugié d’Europe dans les bureaux de l’Organisation sioniste mondiale à Tel Aviv, en Eretz Israël. En dépit des efforts déployés par les Britanniques pour limiter l’immigration juive en Palestine, les réfugiés juifs affluèrent régulièrement dans la région en 1943, la plupart clandestinement. • Au cours de ce seul mois, les Allemands exterminent 61 000 Juifs à Auschwitz, Treblinka et Belzec. • Le Département d’État aux États-Unis, parfaitement au courant de la Shoah, continue à bloquer les tentatives de transférer des enfants juifs en Amérique. • 1er janvier 1943 : Les Juifs des Pays-Bas ne sont plus autorisés à pos- séder un compte en banque. Tous leurs fonds doivent être déposés sur un compte central. • 3 janvier 1943 : Le président polo- nais, Wladyslaw Raczkiewicz, demande que Pie XII dénonce publiquement les atrocités allemandes perpétrées contre les Juifs. Le pape garde le silence aussi bien sur le mas- sacre des Juifs polonais par les Allemands que sur les attaques lancées par ces derniers contre les catholiques polonais. • 4 janvier 1943 : Les services administratifs de la SS ordonnent à tous les commandants des camps de concentration d’envoyer les cheveux pris aux femmes juives à l’entreprise Alex Zink, Filzfabrik AG à Roth, en Allemagne, 411 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Auschwitz « Là, des gens vivaient et disparaissaient du jour au lendemain, » écrivit le rescapé de la Shoah Élie Wiesel. Les Polonais appelaient cette bourgade Oswiecim, mais elle est plus connue sous son nom allemand d’Auschwitz. L’endroit est devenu synonyme de la Shoah. La ville d’Oswiecim qui, avant la guerre, comptait 12 000 habitants dont 5 000 Juifs, se trouve à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Cracovie en Haute Silésie, une province du sudouest de la Pologne que les nazis avaient annexée au Troisième Reich. Située sur des voies ferrées principales et à proximité du confluent de la Sola et de la Vistule, Oswiecim abritait également une ancienne caserne polonaise autour de laquelle se développa Auschwitz, le réseau de camps de concentration, de travail et de mort le plus tristement célèbre des nazis. Le 27 avril 1940, Heinrich Himmler, chef des SS, ordonna la création d’un camp de concentration à Oswiecim. Placés sous le commandement de Rudolf Höss, les premiers détenus d’Auschwitz étaient principalement des prisonniers politiques polonais. Bientôt, avec l’accroissement de sa superficie et de sa population, Auschwitz devint un ensemble de camps. Le 1er mars 1941, Himmler ordonna la créa- 1943 412 tion d’une deuxième section – Auschwitz II – et la construction commença en octobre. Fin 1941, un troisième agrandissement était en cours. Auschwitz III fut appelé Buna-Monowitz, du nom de l’usine de caoutchouc synthétique Buna à Monowitz, qu’une main-d’œuvre servile avait construite pour l’entreprise allemande I. G. Farben. En matière d’extermination, aucune partie d’Auschwitz ne pouvait être comparée à Auschwitz II, aussi appelé Birkenau, nom allemand du village polonais voisin Brzezinka. Situé à 2,5 kilomètres du Stammlager (Auschwitz I, le « camp principal »), Auschwitz-Birkenau devint le premier camp de la mort du Reich. Au début de l’été 1943, il disposait d’une chambre à gaz relativement petite, construite deux ans auparavant, plus quatre installations de chambres à gaz et fours crématoires ultramodernes destinées à assassiner Juifs et près de Nuremberg. • Des jeunes membres de l’Organisation juive de combat sont pris à Czestochowa, en Pologne. Leur chef, Mendel Fiszlewicz utilise un revolver caché pour blesser le commandant allemand de l’Aktion. Fiszlewicz et 25 autres jeunes gens sont immédiatement abattus ; 300 femmes et enfants du groupe sont déportés au camp de la mort de Treblinka et gazés. autres êtres humains sur le principe du travail à la chaîne. Les ingénieurs allemands estimaient que ces quatre fours crématoires pouvaient incinérer 4 415 corps par jour. Ce chiffre était cependant inférieur à la capacité quotidienne des chambres à gaz. Les ingénieurs s’efforcèrent alors de doubler le rythme d’enlèvement des corps en réduisant le temps d’incinération et en augmentant le nombre de corps qui pouvaient brûler en même temps. Poussée au-delà de ses capacités, la machine de mort de Birkenau tombait en panne régulièrement. Elle n’en détruisit pas moins plusieurs centaines de milliers de Juifs en 1943 et en 1944. Sous tous ses aspects, Auschwitz signifie souffrance et mort. S’ils n’étaient pas assassinés dans les chambres à gaz, les prisonniers mouraient de faim et de maladie. Les travailleurs trimaient dans d’ignobles conditions jusqu’à ce qu’ils périssent. Arrivant de toute l’Europe, les déportés comprenaient des Allemands « indésirables », des prisonniers de guerre soviétiques, des Tsiganes, des prêtres et des religieuses polonais, des résistants français et – surtout – des Juifs. Entre 1,1 et 1,5 million d’hommes, de femmes et d’enfants – dont 90% étaient juifs – périrent en cet endroit. • 5 janvier 1943 : Création du camp de concentration de Vught, aux PaysBas. • 5-7 janvier 1943 : Des milliers de Juifs sont assassinés à Lvov, en Ukraine. • 6 janvier 1943 : Les Juifs de Lubaczow, en Pologne, sont exterminés au camp de la mort de Belzec. • Cinq cents Juifs, qui 1943 • MORT ET RÉSISTANCE LES CAMPS D’AUSCHWITZ, 1943 Vers Cracovie stu le N Vi Babitz Administration SS et baraquementsChambres Gare et à gaz Chambres esplanade Auschwitz II à gaz Oświecim (Birkenau) Usine Plawy d’armement des SS Auschwitz I La sœur Marejanna Reszko était à la tête du couvent St Antoine à Ignacow, en Pologne. Elle sauva de nombreuses jeunes filles juives en les cachant dans son orphelinat. Lorsqu’on lui demanda si l’une de ses protégées, Frida Aronson, était juive, elle répondit qu’elle ne s’en souciait guère et aidait tous ceux qui en avaient besoin. Auschwitz III (Monowitz) la Rajsko Budy Usine de matériel de guerre d’I. G. Farben Monowice So Harmense Dwory chemins de fer camps annexes d’Auschwitz 0 1 mile 0 1.5 kilomètre Vers Prague Brzeszcze Grójec Divisé en trois camps, Auschwitz était à l’origine un camp de concentration. Plus d’un million de Juifs périrent dans les cinq chambres à gaz d’Auschwitz II (Birkenau). Auschwitz III (Monowitz) était une immense zone industrielle où le géant de la chimie, I. G. Farben, exploitait le travail de milliers de travailleurs réduits en esclavage. Les non Juifs collaborèrent souvent avec les nazis pour exproprier les biens juifs, même aux Pays-Bas. Ce camion en partance appartenait à la société A. Puls dont le patron, un Néerlandais, travaillait volontiers avec les nazis. Les camions de Puls apparaissaient souvent dans le ghetto d’Amsterdam pour transporter les biens juifs spoliés. Ces camions devinrent si courants que le verbe « pulsen » devint un mot d’argot désignant le vol. se cachaient à Opoczno, en Pologne, sont assassinés par les Allemands après avoir été convaincus de sortir de leur cachette avec la promesse d’être emmenés en train dans un pays neutre. • 7 janvier 1943 : Le secrétaire britannique aux Colonies, Oliver Stanley, informe le cabinet de guerre que les alliés de l’Allemagne en Europe orien- tale ont adopté une politique d’expulsion des Juifs au lieu de les exterminer. Il en conclut que ce changement rend « encore plus nécessaire » la limitation du nombre des enfants juifs acceptés en Palestine. • 7-24 janvier 1943 : Vingt-quatre mille Juifs d’Allemagne, de Belgique, des Pays-Bas et de Pologne sont gazés à Auschwitz. • 9 janvier 1943 : Les Allemands s’empa- rent d’une jeune résistante juive âgée de 20 ans, Emma Radova, la torturent et la tuent. • Le magazine britannique New Statesman lance un appel pour que les réfugiés juifs soient autorisés à pénétrer, au moins temporairement, dans toutes les nations, notamment 40 000 de plus en Palestine. • 10 janvier 1943 : Dans le Generalgou413 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Au cours d’une réunion de plusieurs jours à Casablanca, au Maroc, en janvier 1943, le président américain Franklin Roosevelt (à gauche), le général français Charles de Gaulle (au centre) et le premier ministre britannique Winston Churchill (à droite) mettent au point la stratégie des prochaines étapes de la guerre en Europe. Ces dirigeants conviennent d’exiger la reddition inconditionnelle de l’Allemagne en préalable à la fin des combats. Les représentants britanniques et américains furent bien moins résolus quelques mois plus tard lors de leur rencontre à Hamilton, aux Bermudes, pour traiter de la crise des réfugiés. Là non plus, aucune action ne fut décidée pour sauver des Juifs. Miroslav Filipovic-Majstorovic fut l’un des tueurs impitoyables qui travaillait au camp de concentration de Jasenovac, en Croatie. Ancien prêtre et membre de l’organisation fasciste croate Ustasa, FilipovicMajstorovic assassina, à mains nues, d’innombrables prisonniers. Environ 600 000 personnes – notamment des Serbes, des Juifs, des Tsiganes et des opposants au régime Ustasa – furent assassinées à Jasenovac. Le chef d’orchestre Wolf Durmashkin est photographié avec la chorale hébraïque du ghetto de Vilnius, en Lituanie. Enfant prodige et éminent musicien, Durmashkin était originaire de Varsovie. Lorsque la guerre éclata, il se rendit à Vilnius où il enseigna la musique dans plusieurs écoles juives. Une fois le ghetto créé, Dumarshkin organisa un orchestre, dirigea une chorale hébraïque et fonda une école de musique. 1943 414 vernement, plusieurs milliers de Juifs qui avaient quitté leurs cachettes dans la forêt le 10 novembre 1942 après avoir reçu la promesse de bénéficier du libre passage, sont trahis. La plupart sont acheminés à Treblinka et gazés. Les autres sont envoyés dans des camps de travail des environs à Sandomierz et Skarzysko Kamienna. • Quatre cent Juifs qui résistent à leurs surveillants allemands dans le camp de Kopernik, à Minsk Mazowiecki (Pologne), sont brûlés vifs dans leurs baraquements. • 12-21 janvier 1943 : Vingt mille Juifs de Zambrow, en Pologne, sont déportés à Auschwitz. • 13 janvier 1943 : Mille cinq cents Juifs de Radom, en Pologne, sont déportés à Treblinka. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La Reichsbahn Des millions de Juifs furent déportés et envoyés à la mort dans des wagons à bestiaux de ce type. Jusqu’à 100 êtres humains étaient entassés dans un espace mesurant 9,5 x 4,2 x 4 m. Le voyage vers un camp de concentration était une expérience effroyable. Une fois les portes verrouillées, les occupants se retrouvaient privés d’eau et d’installations sanitaires. Des milliers de personnes moururent en route, d’autres devinrent folles. À plusieurs reprises, parents et enfants se battirent pour une croûte de pain ou une gorgée d’eau. L’épouvante était augmentée par le fait que les Juifs n’avaient pas la moindre idée de leur destination. • 14 janvier 1943 : Lorsque le Conseil juif et la police juive à Lomza, en Pologne, refusent de livrer 40 Juifs aux agents de la Gestapo, ces derniers procèdent à des sélections et incluent deux membres du Conseil. 8 000 autres Juifs de Lomza sont déportés à Auschwitz. • 14-24 janvier 1943 : Le premier ministre britannique Winston Churchill et le président des États-Unis Franklin La Fahrplananordnung 586 était la feuille de route d’un train datée du 25 août 1942. Pendant la Shoah, des milliers de ces documents allemands coordonnaient le trafic ferroviaire vers les camps de la mort nazis en Pologne occupée. Devant quitter Luków, en Pologne à 10h44 du matin, le 28 août, le « train spécial de réinstallation » de la Fahrplananordnung 586 comptait 25 wagons de marchandises. L’heure d’arrivée au camp de la mort de Treblinka était prévue à 14h52. Le train vide quitta Treblinka à 17h22. Entre-temps, 2 500 Juifs – le chargement du train – avaient été gazés. Ce convoi n’était pas le plus important qui arriva à Treblinka. La Reichsbahn, les chemins de fer allemands, joua un rôle essentiel dans la « solution finale. » Travaillant avec Adolf Eichmann et la SS, les responsables de la Reichsbahn organisèrent des Sonderzüge (trains spéciaux) qui envoyaient à la mort les Juifs de toute l’Europe dans les camps de Belzec, Chelmno, Sobibor, Majdanek, Treblinka et Auschwitz-Birkenau. Malgré la pénurie et les exigences de la guerre, ces trains étaient toujours prioritaires. Ils arrivaient en général à destination comme prévu. Parqués comme du bétail dans des wagons de marchandises – 80 à 100 personnes ou davantage entassées dans un seul wagon – les Juifs devaient encore payer leur place comme passagers pour ces atroces voyages qui pouvaient durer plusieurs jours. Les SS utilisaient l’argent et les biens volés aux Juifs pour payer les billets – aller simple. Roosevelt se rencontrent à Casablanca, au Maroc, pour discuter du débarquement des Alliés en Europe occidentale. La nouvelle de cette rencontre remonte le moral des Juifs qui espèrent que la guerre prendra bientôt fin. Roosevelt, cependant, propose au responsable français en Afrique du Nord, le général Noguès et plus tard à un dirigeant des Forces françaises libres, le général Giraud, que le gouvernement français en Afrique du Nord procède à des discriminations contre les Juifs du pays, comme Hitler l’avait fait dans les années 1930. Roosevelt précise à deux reprises – une fois à Noguès, puis séparément à Giraud – que « le nombre de Juifs exerçant des professions libérales… devrait véritablement être limité au pourcentage de la population juive en Afrique du Nord par rapport à la population 415 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Le comte Konrad von Preysing, cardinal et évêque de Berlin pendant le régime nazi, considérait le Troisième Reich comme un régime corrompu et pernicieux. Dès mai 1933, Preysing mit en cause les principes idéologiques du nazisme et appela ouvertement à leur désaveu. En janvier 1943, il fut le seul prélat catholique allemand à s’opposer constamment à la politique antijuive du gouvernement allemand. Preysing menaça de démissionner si les autres évêques allemands continuaient leur attitude collaboratrice. Pour la plupart des Juifs, le séjour dans les camps d’extermination était brutalement abrégé. La terrifiante efficacité de la machine de mort nazie est bien rendue par le dessin à l’encre du rescapé de la Shoah, Joseph Bau, intitulé « Entrée par la porte, sortie par la cheminée. » Léon Degrelle était le dirigeant du mouvement rexiste, le groupe belge collaborationniste. Les Rexistes s’affichaient ouvertement pronazis. En 1943, Degrelle annonça son projet d’incorporer la Belgique à l’empire allemand. Si Degrelle renforça son pouvoir, les rexistes furent en grande partie exclus du pouvoir politique. En outre, de nombreux partisans du mouvement collaborationniste furent traqués impitoyablement par les forces de la Résistance belge et tués. 1943 nord-africaine. » Le président Roosevelt ajoute que la limitation du nombre de Juifs dans les professions libérales « supprimerait en outre les plaintes compréhensibles formulées par les Allemands à l’égard des Juifs en Allemagne… » • 15 janvier 1943 : Une Polonaise non juive et son enfant âgé d’un an sont abattus près de la rivière Pilica, 416 en Pologne, parce que cette femme a aidé des Juifs. • Soixante-dix-sept Juifs sautent d’un train de déportation quittant la Belgique pour l’Est. La plupart sont pris en chasse et tués par des soldats SS allemands et flamands. • Des milliers de Juifs du camp de concentration de Zaslaw, en Pologne, sont déportés au camp de la mort de Belzec. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Le comité de sauvetage Rita Rosani, résistante italienne, fut la seule femme de la Résistance italienne connue pour avoir été tuée au combat. Née à Trieste, Rita Rosani était enseignante dans une école juive jusqu’en 1943, date à laquelle elle rejoignit la Résistance. Elle mourut le 17 septembre 1944, après avoir participé à plusieurs combats dans la région de Vérone. En dépit des chances réduites, ce comité de l’Agence juive pour la Palestine était déterminé à obtenir des renseignements sur les Juifs enfermés dans les ghettos polonais. Depuis Jérusalem, le comité de sauvetage souhaitait envoyer des colis de nourriture à ces Juifs. Ses membres voulaient également les aider, au cas où ils parviendraient à échapper aux nazis, à obtenir des certificats d’immigration pour la Palestine. Les premiers dirigeants du comité furent Itzhak Gruenbaum (photo), Moshé Shapira, Eliyahou Dobkin et Emil Schmorak. Pour Gruenbaum, parce que les nazis étaient si terribles, parce que les Alliés étaient indifférents au sort tragique des Juifs et parce que le comité ne disposait d’aucunes ressources importantes, tout ce que pourrait faire le comité ne parviendrait jamais à aider véritablement les Juifs pris au piège dans l’Europe nazie. Il estimait plutôt devoir mettre l’accent sur la préparation d’un foyer en Palestine pour les survivants juifs après la guerre. En 1945, le comité consacra tous ses efforts à créer un État juif en Palestine. Un monceau de brosses (brosses à cheveux de femmes et blaireaux d’hommes) témoigne de la volonté des nazis de spolier ceux qu’ils exécutaient en les privant du moindre objet personnel. Les cheveux devinrent la matière première pour bourrer les matelas et tisser des étoffes. Les brosses étaient vendues aux consommateurs en Allemagne ou distribuées aux soldats, au front et dans les hôpitaux. • 17 janvier 1943 : L’évêque de Ber- lin, le comte Konrad von Preysing, est le seul prélat catholique allemand à s’opposer constamment à la politique antijuive des nazis. Il menace le pape Pie XII de démissionner si le comportement collaborationniste des autres évêques allemands ne prend pas fin. • 18 janvier 1943 : Des déportés juifs de Belgique arrivent à Auschwitz où 1 087 d’entre eux sont gazés. • Après une interruption de quatre mois, les Allemands reprennent les déportations du ghetto de Varsovie. Les Juifs de Varsovie réagissent par leurs premiers actes de résistance ouverte, s’exprimant par de violents combats de rue. 1 000 Juifs sont exécutés dans les rues et 6 000 sont déportés au camp de la mort de Treblinka. Un vieux Juif aveugle est abattu par un SS parce qu’il ne parvient pas à marcher sans guide. • Le poète polonais émigré, prix Nobel, Czeslaw Milosz – un juste chrétien – condamne l’antisémitisme et le nationalisme qu’il qualifie de « maux qui, comme un cancer, consument la Pologne. » Dans son poème Campo dei Fiori, Milosz, de Varsovie, en 1943, se plaint – et ce n’est pas une figure de style – de ce que les airs 417 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Ernst Kaltenbrunner Le successeur de Reinhard Heydrich, Ernst Kaltenbrunner se consacra à parachever le programme de haine de son prédécesseur. Né près du lieu de naissance d’Hitler, Braunau, en Autriche, Kaltenbrunner, fort riche, était diplômé en droit. Farouche antisémite, il rejoignit le parti nazi autrichien en 1932 et devint par la suite membre de la SS. Ses activités nazies lui valurent d’être emprisonné, mais, avec l’Anschluss (l’annexion de l’Autriche à l’Allemagne), Kaltenbrunner reçut le poste de ministre de la Sûreté de l’État. Il coopéra avec son ami d’enfance Adolf Eichmann pour contraindre les Juifs autrichiens à émigrer. Après la mort d’Heydrich, en 1942, Heinrich Himmler nomma Kaltenbrunner à la tête du Bureau principal de la Sûreté en 1943. Personnage impressionnant avec son immense cicatrice au visage, Kaltenbrunner préférait l’ombre de l’anonymat. À la fin de la guerre, il se cacha dans les Alpes autrichiennes, mais fut capturé et inculpé. Lors des procès de Nuremberg, il plaida l’ignorance et l’innocence. Il ne put cependant nier le fait que le poste qu’il occupa de 1943 à 1945 lui conférait un pouvoir exceptionnel pour mettre en œuvre la « solution finale ». Des témoins déclarèrent l’avoir vu lors des gazages de Mauthausen, et il fut accusé d’avoir ordonné l’exécution des prisonniers de guerre alliés. Reconnu coupable, Kaltenbrunner fut pendu le 16 septembre 1946. 1943 418 Chef de l’administration du ghetto de Lodz, en Pologne, Hans Biebow (à gauche) examine le butin accumulé lors de la spoliation des Juifs sous son mandat. Biebow utilisa ses pouvoirs étendus pour s’enrichir. Il exploita le travail des Juifs et déroba leurs biens. Pour maximiser ses profits, Biebow fit en sorte de conserver le ghetto ouvert jusqu’à l’été 1944. du manège de la fête foraine et les rires de la foule dans la partie catholique de Varsovie couvrent les tirs des Allemands qui abattent des Juifs dans le ghetto. • 19 janvier 1943 : Les nazis effectuent une rafle dans le ghetto de Varsovie pour la deuxième journée consécutive ; un enfant qui pleure est Tandis que des Allemands de plus en plus jeunes et de plus en plus âgés étaient enrôlés dans les forces armées, les autorités nazies exploitèrent l’immense réservoir de maind’œuvre des pays conquis de l’Est pour les besoins de leur économie. Ici, des ouvrières d’Union soviétique sont astreintes au travail dans l’usine Siemens de Berlin. Elles portent les insignes OST les identifiant comme Ostarbeiter, travailleurs de l’Est. accidentellement étouffé par sa mère terrifiée. • 19-22 janvier 1943 : Six mille Juifs de Varsovie sont assassinés au camp de la mort de Treblinka. • 20 janvier 1943 : Dans une lettre adressée au ministre des Transports du Reich, le chef des SS, Heinrich 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Les nazis Hans Nelson et Hildegard Neumann étaient en poste à Theresienstadt, le camp / ghetto de Tchécoslovaquie situé dans les environs de Prague. Leur apparence saine, nette, donne une fausse idée de la nature de leur travail. Gardiens du ghetto, tous deux contribuèrent à la mort de plusieurs milliers de Juifs emprisonnés à Theresienstadt. Pendant les six premiers mois de 1943, les gardiens de Theresienstadt Nelson et Neumann participèrent au système très élaboré des déportations des Juifs d’Allemagne, d’Autriche et du Protectorat dans ce camp / ghetto. Krupp était l’une des nombreuses entreprises allemandes qui utilisaient l’abondante maind’œuvre servile fournie par le système des camps de concentration. Cette usine d’avions située à Essen, faisait partie de tout un ensemble de grandes usines installées par Krupp dans le Reich et les territoires occupés. En septembre 1944, Krupp employait quelque 288 000 travailleurs. Pendant les procès de Nuremberg, les Alliés accusèrent Alfred Krupp, le directeur de l’entreprise, d’avoir exploité le travail d’environ 100 000 esclaves, un nombre probablement en dessous de la réalité. Himmler, réclame des trains supplémentaires afin d’accélérer le « transfert des Juifs » à travers l’Europe. • 21 janvier 1943 : Dans le ghetto de Varsovie, des SS tirent dans les fenêtres et lancent des grenades. Les Juifs résistent et les Allemands se retirent rapidement, laissant 12 morts derrière eux. • 21-24 janvier 1943 : Deux mille Juifs du camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, sont déportés à Auschwitz. Environ 1 760 d’entre eux sont gazés à leur arrivée, notamment les patients de l’hôpital psychiatrique d’Apeldoorn, aux Pays-Bas, ainsi qu’une cinquantaine d’infirmières de l’hôpital qui accompagnent les patients pour atténuer leur terreur. • 22 janvier 1943 : Liquidation du ghetto de Grodno, en Biélorussie. • Au camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau, des jeunes filles juives allument des bougies et accueillent le Shabbat par des chants. • Armés de planches, de couteaux et de rasoirs, un millier de Juifs d’un train de la mort parti de Grodno (Pologne), le 17 janvier, se révoltent au camp de Treblinka. 419 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Se pressant en petits groupes, des Juifs de Novo Moskovsk, en Ukraine, sont déportés. Environ 400 Juifs de cette ville furent expédiés dans les camps de la mort de Pologne, en dépit des protestations de la Wehrmacht qui avait besoin de trains à des fins militaires. La rigueur de l’hiver interrompit les transports qui reprirent à la mi-janvier 1943. Les occupants allemands exploitaient l’antisémitisme des Français pour inciter ces derniers à combattre pour la cause nazie. Si les Allemands n’obtinrent jamais toute l’aide qu’ils souhaitaient, le gouvernement de Vichy était officiellement leur allié et fournit un certain nombre de soldats aux nazis. Ces légionnaires français partent pour le front russe. L’un d’eux a inscrit les mots « Mort aux Juifs. » Après la défaite de Stalingrad, en Russie, soldats allemands et roumains attendent d’être envoyés dans des camps de prisonniers de guerre. Pour lutter contre le froid mordant, les soldats se rapprochent les uns des autres en marchant vers une captivité qui allait s’avérer rigoureuse. Bien peu revinrent dans leur patrie ; la plupart moururent de maladie ou de faim. 1943 420 Au matin, 1 000 Juifs et gardes qui se trouvaient dans le train sont morts, abattus à l’arme automatique et aux grenades par les troupes SS de Treblinka. raflés à la maison de la Verdière, avenue de La Rose. Leur monitrice, Alice Salomon, insiste pour rester avec eux ; voir 23 mars 1943. • 22-27 janvier 1943 : Au cours de liennes refusent de coopérer avec les Allemands pour déporter les Juifs de France vivant dans les zones sous contrôle italien. • Les forces britanniques libèrent Tripoli, en Libye. l’opération Tigre lancée à Marseille, les nazis s’emparent de plus de 4 000 Juifs pour les déporter. Près de là, aux Accates, 29 enfants juifs sont • 23 janvier 1943 : Les autorités ita- 1943 Le maréchal allemand Friedrich Paulus (à gauche), accompagné par deux officiers d’état-major, se dirige vers le QG de l’Armée rouge pour signer la reddition officielle de la sixième armée à Stalingrad, en Russie. Paulus avait supplié Hitler d’autoriser une retraite avant qu’il ne soit trop tard, mais le Führer avait refusé de céder, abandonnant l’armée épuisée et affamée aux forces soviétiques qui l’encerclaient. La « forteresse Stalingrad », comme Hitler appelait les troupes, ne put résister à la rigueur de l’hiver et au manque de ravitaillement et de renforts. En dépit des ordres, et dans l’espoir de sauver ses derniers hommes, Paulus se rendit le 3 février. Son état-major et lui-même survécurent, mais pas la plupart de ses hommes. • 27 janvier 1943 : La huitième • 29 janvier 1943 : Les Allemands • 28-31 janvier 1943 : Dix mille Juifs • 30 janvier 1943 : Ernst Kaltenbrun- de Pruzhany, en Biélorussie, sont déportés à Auschwitz. MORT ET RÉSISTANCE Poison blond À la lisière d’une forêt, en Allemagne, la Schutzpolizei (police de protection) accroche une note – peut-être un ordre de confiscation – sur une roulotte tsigane. Les Tsiganes étaient particulièrement visés par les nazis qui voyaient en eux un danger potentiel pour la soi-disant pureté de la « race aryenne ». L’inégalité fondamentale de la relation nazi / Tsigane apparaît nettement sur cette photo qui montre les policiers robustes, chaudement vêtus arrivant dans cet endroit isolé dans leur automobile moderne, face au Tsigane inquiet, devant son domicile, une relique sur roues d’un autre âge. USAAF (armée de l’air des ÉtatsUnis) effectue le premier raid aérien entièrement américain sur l’Allemagne, à Wilhelmshaven. • exécutent 15 Polonais du village de Wierzbica pour avoir aidé trois Juifs. L’une des victimes est une petite fille âgée de deux ans. ner est nommé par Hitler pour succéder à Reinhard Heydrich à la tête du Reichssicherheitshauptamt (Bureau principal de la sûreté du Reich). Toujours en vie aujourd’hui, Stella Goldschlag était, à l’époque, une Juive allemande d’apparence aryenne. Dans sa jeunesse, cette blonde bien faite, aux yeux bleus, ne pouvait s’empêcher de mentir et haïssait désespérément sa judéité. Menacée de déportation vers l’Est avec ses parents et torturée par la Gestapo, S. Goldschlag fit partie des rares Juifs qui collaborèrent avec les nazis et travailla pour la Gestapo. Elle recevait argent, nourriture et un sursis à la déportation de ses parents. Usant de ses charmes, de son incroyable mémoire et de sa dureté, S. Goldschlag avait pour mission de dénicher ceux qu’on appelait les « Uboats » – des Juifs vivant à Berlin dans la clandestinité pendant la guerre – et d’aider la Gestapo à les arrêter. Ces Juifs allaient être envoyés dans des camps d’extermination. En un seul week-end, S. Goldschlag aida la Gestapo à attraper 62 Juifs. Elle fut véritablement le « Poison blond », entraînant les Juifs à la mort. • Février 1943 : Au début du mois, 40 000 Juifs se cachent dans les forêts de la région de Volhynie, en Pologne. Avant la fin de l’année, 37 000 d’entre eux mourront de faim ou seront abattus. • À Bialystok, en Pologne, huit SS sont tués par des membres d’un mouvement de jeunesse sioniste résistant pour ne pas être déportés. Ces membres sont capturés et déportés au camp de la mort de Treblinka où ils 421 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Les partisans de Bielski Sur les 20 à 30 000 Juifs qui combattirent dans des groupes de partisans dans les forêts d’Europe orientale, le groupe dirigé par Touvia Bielski (photo) était le plus important et le plus connu. Alors que les membres de sa famille avaient été assassinés par des Einsatzgruppen à Novogrudok, Touvia se réfugia dans les forêts de l’ouest de la Biélorussie. Avec ses frères Zousya, Assael et Aharon, Touvia se procura des armes et constitua un groupe de partisans qui atteignit les 30 membres durant l’été. Ce petit groupe de résistants dépêchaient des courriers vers les ghettos de la région de Novogrudok pour recruter d’autres Juifs dans leur mouvement. Par la suite, le campement de Bielski atteignit plusieurs centaines de familles. Les partisans de Bielski avaient pour objectif premier de protéger la vie des Juifs. Mais ils savaient aussi organiser des offensives, lançant des raids contre les Allemands et des opérations de vengeance contre la police et les paysans biélorusses qui avaient aidé les nazis à massacrer les Juifs. Irrités par les activités du groupe de Bielski, les Allemands offrirent une importante récompense pour la capture de Touvia. Le groupe réussit cependant à s’échapper en se retirant profondément dans la forêt. Lorsque la région fut libérée, à l’été 1944, les partisans de Bielski étaient au nombre de 1 200. Après la guerre, Touvia immigra en Palestine. Il s’installa ensuite aux États-Unis avec deux de ses frères survivants. 1943 422 Dans l’enceinte d’Auschwitz et d’autres camps, des êtres humains remplaçaient les animaux de laboratoire. Des opérations chirurgicales étaient pratiquées sans scrupules sur des détenus, en bonne santé ou malades, et les sujets étaient exposés à toutes sortes de produits chimiques et de virus. Le typhus, la tuberculose et la malaria étaient injectés à des prisonniers en bonne santé. Cette photo montre les résultats d’une substance portant le code B/F, sept jours après une injection dans l’avant-bras d’un prisonnier. Infirmières et médecins juifs luttaient pour soigner les malades et les blessés dans les ghettos. On voit ici des patients et des membres des familles dans le ghetto de Kovno (Lituanie). Comme le personnel médical tombait victime des maladies et de la faim, les dirigeants du ghetto souhaitaient former des remplaçants. Une formation médicale secrète était proposée à Varsovie, et vraisemblablement aussi à Kovno. attaquent des gardiens et sont tués. Leur chef est Elyahou Boraks. • Le camp de travail de Chrzanów, en Pologne, est dissous et 1 000 travailleurs sont envoyés au camp de la mort d’Auschwitz. • Les nazis créent un camp de Tsiganes à AuschwitzBirkenau. • À Treblinka, une jeune femme juive, déshabillée par ses ravisseurs, s’empare du fusil d’un garde ukrainien, tue deux Allemands et en blesse un troisième avant d’être maîtrisée. Elle est alors torturée à mort. • Les autorités allemandes ordonnent à la Hongrie de livrer 10 000 Juifs pour travailler dans les mines de cuivre de Bor, en Yougoslavie ; voir septembre 1943. • 1er février 1943 : Les nazis massa- crent 1 500 Juifs à Minsk, en Biélorussie, portant le nombre total 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Anna Wachalska, une non Juive, vivait à Varsovie, au moment de l’invasion allemande. Elle aida la Résistance juive durant toute l’occupation nazie, allant jusqu’à donner l’identité de sa fille décédée Stanislawa, à une jeune femme juive. Anna Wachalska travailla aussi en étroite coopération avec la Résistance socialiste polonaise, établissant un lien avec les Juifs de Varsovie. Après la guerre, Yad Vashem lui décerna le titre de « Juste parmi les nations ». Par leur politique génocidaire en Europe orientale, les nazis ne se contentaient pas de massacrer les gens occupant « l’espace vital » de l’Allemagne. Des dizaines de milliers d’Allemands émigrèrent dans les territoires nouvellement conquis pour en faire une province du Volk (peuple) allemand. Cette affiche évoque l’émigration des Polonais contraints à partir pour céder la place aux Allemands. Le texte dit : « Pas à pas, l’arrivée [des immigrants allemands] suit la migration [des Polonais]. L’unité de repeuplement de la police de la Sûreté interdit toute interruption du travail dans son secteur d’activité. » Le 29 octobre 1942, au cours de grandes opérations menées en Pologne et en Union soviétique, les Allemands déportèrent 3 000 Juifs de Sandomierz (Pologne) au camp de la mort de Belzec. Le 10 novembre 1942, les Juifs qui n’avaient pas été ramassés durant les Aktionen locales furent attirés dans un ghetto temporaire à Sandomierz par la promesse des Allemands d’éviter la déportation. Tout n’était que mensonge et les 6 000 travailleurs de Sandomierz furent massacrés, début 1943. Sur cette photo, Yitzkhak Goldman, âgé de 20 ans, et sept autres Juifs sont contraints de poser pour un photographe allemand tandis qu’ils travaillent devant une administration allemande. de victimes dans cette ville depuis juillet 1941 à près de 87 000. de Kolomiya (Ukraine) ; 2 000 Juifs sont massacrés. • 2 février 1943 : Tournant décisif de la guerre, la sixième armée allemande encerclée se rend aux forces soviétiques à Stalingrad, en Russie. La plupart des Européens ont alors le sentiment que les Allemands ne gagneront pas la guerre. • Liquidation du ghetto • 4 février 1943 : Les autorités alle- mandes convoquent les 12 membres survivants du Conseil juif du ghetto de Lvov. Deux ne se présentant pas et les autres refusant d’obéir aux ordres allemands, quatre membres sont tués. Six sont envoyés au camp de travail de Janówska, en Ukraine, et les deux qui avaient refusé de se présenter sont, par la suite, découverts dans un quartier non juif de Lvov et abattus. • 5 février 1943 : À Bialystok, en Pologne, un Juif nommé Yitzhak Malmed résiste pour ne pas être déporté en lançant de l’acide sulfurique au visage du policier allemand qui 423 1943 • MORT ET RÉSISTANCE E. Baskin, opérateur radio d’un groupe de partisans ukrainiens, écoute attentivement une émission du Bureau d’information soviétique. Dans toute l’Europe, et notamment en Union soviétique, les unités de partisans comptaient sur les radios pour envoyer et recevoir des informations. En outre, la possibilité d’intercepter les émissions militaires allemandes les aidait à échapper aussi bien à la capture qu’aux plans d’attaque de l’ennemi. Attendant la déportation à Auschwitz, une jeune fille glisse son visage dans l’espace étroit entre les portes du train pour un ultime regard sur l’extérieur. À partir de février 1943, des trains quittèrent le camp de Westerbork, aux Pays-Bas, tous les mardis matin. Chaque train transportait vers l’Est entre 2 et 3 000 Juifs. Il leur avait été annoncé qu’ils allaient travailler en Allemagne, mais la plupart des déportés suspectaient autre chose. Les nuits du lundi se déroulaient dans la terreur et l’angoisse, dans l’attente de savoir qui la déportation allait atteindre. Les conditions de vie inhumaines créées dans les ghettos polonais et dans les camps de concentration allemands conduisirent certains Juifs à se battre pour des croûtons de pain et des morceaux de bois de chauffage. Ici, des Juifs de Lodz se battent pour quelques morceaux de bois. La déshumanisation des Juifs d’Europe produisit des incidents déchirants qui auraient été inimaginables dans des conditions normales. L’écrivain rescapé Élie Wiesel rapporte l’histoire d’un garçon qui battit son père à mort pour obtenir une croûte de pain. 1943 424 réagit en tirant accidentellement sur un officier de la Gestapo se tenant à ses côtés, le tuant sur le coup. Malmed s’échappe, mais se rend quelque temps plus tard lorsque les Allemands menacent d’exécuter 5 000 Juifs en représailles s’il ne se livre pas. Il est pendu en public et son corps est exposé à l’entrée du ghetto de Bialystok à titre d’avertissement à tous ceux qui auraient des velléités de résister. • 5-12 février 1943 : En représailles à des opérations menées par la Résistance juive, la conjonction d’une Aktion de rue à Bialystok, en Pologne, et de meurtres dans le camp de Treblinka aboutit à la mort de près de 20 000 Juifs. • 6 février 1943 : Un appel général déli- bérément prolongé contraint les détenus d’Auschwitz à rester debout dans la neige sans bouger, sans nourriture, pendant 1943 Ottó Komoly, président de la Fédération sioniste, prend la parole devant l’Assemblée générale annuelle de l’organisation à Budapest, en Hongrie. Komoly joua un rôle important en 1943, lorsqu’il devint l’un des organisateurs de l’effort de sauvetage des Juifs encore en vie en Pologne et qu’il les fit passer clandestinement en Hongrie, pays relativement plus sûr. Bien que l’occupation allemande ait mis fin à ces efforts, Komoly poursuivit ses activités de sauvetage. Il s’évertua à sauver les Juifs de Budapest des griffes des nazis et des membres fanatiques du parti fasciste hongrois des Croix fléchées. Cette boîte en métal faite à la main fut conservée par William Gruenstein tout au long de la Shoah. Elle avait été fabriquée par Josef Koplewicz à l’époque où il était réduit en esclavage avec Gruenstein dans un camp polonais. Après avoir reçu cette boîte, Gruenstein grava sur le couvercle le nom des camps de concentration nazis dans lesquels il avait été détenu. En s’accrochant à cet objet en métal qu’il aimait, le seul bien qu’il possédait, Gruenstein empêchait les nazis de le priver de son humanité et de sa spécificité. plus de 13 heures. Un grand nombre meurent sur place et plusieurs autres, trop faibles pour se précipiter dans les baraquements à la fin de la journée, sont envoyés à la chambre à gaz. • Heinrich Himmler, chef des SS, reçoit un rapport sur les quantités d’objets pris aux Juifs à Auschwitz et dans d’autres camps de la région de Lublin. Parmi les articles mentionnés : 155 000 manteaux de femmes, 132 000 chemises d’hommes et plus de 3 tonnes de cheveux de femmes. • 8 février 1943 : L’Armée rouge s’empare d’une importante garnison allemande à Koursk, en Russie ; voir 5 juillet 1943. • 8-26 février 1943 : Une Aktion allemande contre les partisans soviétiques des marais du Pripet, en Ukraine, permet de s’emparer de huit mitrailleuses, 172 fusils, 14 revolvers, 150 grenades à main et huit mines terrestres. Les troupes allemandes repartent également avec plus de • MORT ET RÉSISTANCE Samuel Artur Zygelbojm Alors que certains Juifs choisissaient de se suicider pour mettre fin à leurs souffrances, d’autres en faisaient un mode de protestation. Samuel Zygelbojm se suicida pour protester contre l’indifférence du monde à l’égard des Juifs. Membre du premier Conseil juif du ghetto de Varsovie, Zygelbojm lança des appels à la résistance lorsque les autorités nazies exigèrent que les Juifs de Varsovie emménagent dans un ghetto inadapté à leur nombre. Traqué par la Gestapo, Zygelbojm s’enfuit en Belgique et rejoignit par la suite le gouvernement polonais en exil à Londres. Il œuvra fébrilement pour obtenir le soutien militaire des Alliés en faveur de la Résistance du ghetto, en vain. Lorsqu’il apprit la mort des combattants du ghetto en 1943, notamment sa femme et son fils, il se suicida. Dans sa lettre d’adieu, Zygelbojm décrivit son suicide comme une protestation « contre l’apathie avec laquelle le monde considère le massacre du peuple juif et s’y résigne. » 550 chevaux, 9 578 bovins, 844 porcs, 5 700 moutons et 233 tonnes de céréales. 2 219 Juifs sont tués sur place ; 7 378 reçoivent un « traitement spécial » (déportation et extermination). Les pertes allemandes au cours de cette action : 2 morts et 12 blessés. • 10 février 1943 : Un télégramme rédigé par plusieurs responsables du Département d’État américain est 425 1943 • MORT ET RÉSISTANCE L’artiste américain Gideon exprima par son art les horreurs de la guerre et les atrocités nazies. L’utilisation qu’il fait de la couleur, de la texture et des images obsédantes communiquent la souffrance et les tortures de ceux qui furent pris dans la tourmente nazie. Les visages tragiques de cette œuvre d’art presque monochromatique juxtaposés aux chaînes et aux barbelés évoquent le motif de la prison associé au nazisme. Les couleurs brillantes de la deuxième œuvre suggèrent l’intense chaleur de l’enfer que fut Auschwitz. 1943 426 adressé à la légation des États-Unis à Berne (Suisse). Ce télégramme suggère que le consul américain à Berne ne devrait plus transmettre d’informations sur les atrocités subies par les Juifs « à des personnes privées aux États-Unis. » Il est envoyé par Breckinridge Long, Ray Atherton, James Dunn, Elbridge Durbrow et John Hickerson. Le ministre des Finances Henry Morgenthau qualifiera ultérieurement ce télé- gramme de « document le plus pervers que nous ayons jamais lu », conçu « par des hommes diaboliques » et destiné à supprimer toute information sur la « solution finale ». « Nous n’abattons pas [les Juifs]. Nous laissons les autres les abattre et nous les laissons mourir de faim. » Morgenthau observe que « lorsqu’on considère les choses, l’attitude [du Département d’État] à ce jour n’est guère différente de celle 1943 • MORT ET RÉSISTANCE PRINCIPALES DÉPORTATIONS DES JUIFS À TREBLINKA, 1942–1943 N Grodno GRANDE ALLEMAGNE Vi s Narew Treblinka t ul e Dobre Warsaw Mińsk Mazowiecki Warta Bialystok Miedzyrzec Parczew Serokumla Kock Stoczek Bug Piotrków Trybunalski Siedlce Radom 100 miles 0 150 kilomètres r de O UKRAINE Kielce Czestochowa 0 Wloszczowa GENERALGOUVERNEMENT Ghettos d’où les Juifs furent déportés à Treblinka SLOVAQUIE Plus de 700 000 Juifs périrent au camp de la mort de Treblinka. La plupart venaient de grands ghettos comme ceux de Varsovie (250 000 durant l’été 1942) et Bialystok, tandis que les autres subissaient les longs trajets en train (ou en mouraient) depuis la Tchécoslovaquie, la Grèce et d’autres pays. Les déportations vers Treblinka prirent fin en mai 1943. Shlomo Perel, un Juif allemand, prit le nom de Josef Perjell pour fréquenter l’école Adolf Hitler de Braunschweig. Cacher son identité juive était toute une affaire, notamment pour les hommes vivant en collectivité. Perel se donna beaucoup de mal pour dissimuler sa judéité, y compris en tentant de supprimer sa circoncision, signe évident, à l’époque, de son identité juive. Les exploits de Perel sont décrits avec éclat dans le film Europa, Europa. Ce petit mot, écrit par une chrétienne, Maria Dawelec, dit : « Baptisées, Mania et Wanda. S’il vous plaît, occupez-vous d’elles. » Maria Dawelec laissa ce petit mot à côté de deux petites filles juives, dans la cour d’un monastère. Le véritable nom de l’une des enfants était Tamy Lavee. Tamy fut par la suite envoyée dans un orphelinat à Lodz, en Pologne, où elle survécut à la guerre. d’Hitler. » L’assistant du ministre Morgenthau, Randolph Paul, décrit les fonctionnaires du Département d’État chargé de la politique des réfugiés en Amérique comme un « mouvement clandestin… pour laisser les Juifs être massacrés. » • 11 février 1943 : Sur les 998 Juifs déportés de France à cette date, dix seulement seront encore vivants à la fin de la guerre, deux ans plus tard. Les 998 personnes comprenaient 123 enfants âgés de moins de 12 ans, envoyés sans leurs parents. 802 Juifs furent gazés dès leur arrivée à Auschwitz. • 12 février 1943 : Trois Juifs français s’évadent d’un train en route pour Auschwitz, à la frontière française, mais sont repris et contraints de poursuivre le voyage. • 13 février 1943 : Un groupe de partisans juifs agissant près de Bialystok, en Pologne, sous la direction d’Eli Baumats, attaque un détachement de la police allemande à Lipowy Most, en Pologne. • L’artiste russe Aizik Feder, ancien élève de Matisse, est 427 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Le général SS Theodor Eicke commandait le camp de concentration de Dachau. Avant sa mort dans un accident d’avion sur le front Est, le 16 février 1943, il fonda et entraîna l’unité SS des Têtes de mort et fut inspecteur général des camps de concentration. Venant immédiatement derrière Heinrich Himmler quant à l’influence exercée sur le réseau des camps de concentration, il ordonna que la phrase Arbeit Macht Frei (Le travail rend libre), d’une amère dérision, soit inscrite à l’entrée des camps de concentration. Il voulait faire des SS des hommes durs et impitoyables ; ceux qui ne correspondaient pas à ces critères étaient envoyés « vivre dans un monastère. » Peter Bergson (Hillel Kook) dirigeait un groupe de sionistes connu aux États-Unis sous le nom de Comité d’urgence pour sauver les Juifs d’Europe. Pendant la guerre, le groupe de Bergson finança des publicités dans les journaux et organisa des présentations théâtrales destinées à montrer aux Américains ce qu’était la « solution finale ». Les dirigeants conservateurs de la communauté juive américaine déplorèrent cette volonté de recourir à des tactiques à sensation pour susciter la sympathie en faveur des Juifs d’Europe. Ce document calcule la valeur du travail effectué par les prisonniers dans un camp de concentration nazi. Des rapports détaillés évaluaient le coût du « maintien » en vie des individus comparé à la richesse produite par chacun, ce qui montre bien que les camps de concentration étaient principalement conçus comme des réservoirs de main-d’œuvre servile. Le plus souvent, cependant, la volonté des nazis d’exterminer tous les Juifs l’emporta sur les considérations économiques. 1943 428 l’un des 1 000 Juifs déportés de Drancy au camp de la mort d’Auschwitz. Il fait partie des quelque 690 Juifs gazés dès l’arrivée au camp. • Amon Leopold Goeth devient commandant du camp de concentration de Plaszów. • Les Juifs de Djerba, en Tunisie, sont contraints de verser 10 millions de francs aux autorités allemandes. • Le New York Times rapporte que le gouvernement roumain propose aux Alliés des bateaux roumains pour transporter 70 000 Juifs là où le souhaiteront les Alliés. N’est réclamée qu’une taxe de départ pour couvrir les frais de la traversée. Le Département d’État des États-Unis ne tient pas compte de cette offre. Le ministère britannique des Affaires étrangères la rejette, craignant qu’il 1943 « Liberté ». —Mot inscrit sur un morceau de papier laissé dans sa cellule par la résistante de la Rose blanche, Sophie Scholl, le jour de son exécution, le 22 février 1943. Étudiant non juif vivant à Munich, Hans Scholl fut bouleversé par le maelström de brutalité qui frappa les Juifs, les communistes et les sociauxdémocrates allemands. En 1942, il déclara à un membre de sa famille : « il est temps que les chrétiens fassent enfin quelque chose. » Avec l’encouragement d’un résistant du nom de Falk Harnaek, Hans fonda un groupe de résistance dans le milieu étudiant, la Rose blanche. À partir de l’université de Munich, Hans, sa jeune sœur Sophie et d’autres membres de la Rose blanche produisirent des brochures violemment antinazies qui furent distribuées dans les universités d’Allemagne. Il fut arrêté avec sa sœur Sophie à l’université de Munich, le 18 février 1943. Condamnés à mort, ils furent décapités le 22 février. Dans la salle d’audience, une fois le verdict rendu, Hans dit calmement à son frère Werner : « Reste fort – pas de compromis. » ne s’agisse d’un chantage de la part de l’Allemagne et de ses satellites du sud-est de l’Europe visant à se débarrasser de tous leurs nationaux indésirables (c’est-à-dire les Juifs) dans d’autres pays (autrement dit les Alliés). Pour la Grande-Bretagne, il est hors de question que la Palestine soit une destination. Pour les Alliés, seule leur victoire peut aider les Juifs ; voir 16 février 1943. • MORT ET RÉSISTANCE La Rose blanche En 1942, Hans Scholl, un jeune chrétien de 25 ans, étudiant en médecine à l’université de Munich, fonda le groupe de Résistance appelé la Rose blanche avec sa sœur Sophie, âgé de 22 ans (photo). Ils avaient pour objectif de produire des brochures antinazies et de les diffuser dans les universités en Allemagne. S’ils étaient pris, ils le paieraient de leur vie. Des agents de la Gestapo arrêtèrent les Scholl à l’université de Munich, début 1943, après qu’un portier eut aperçu Hans et Sophie en train de vider une valise pleine de brochures antinazies dans les couloirs de l’université. Bien que les Scholl n’aient rien révélé à leurs tortionnaires, leurs compatriotes de la Rose blanche – le professeur Kurt Huber et les étudiants Christopher Probst, Willi Graf et Alexander Schmorell – furent bientôt arrêtés eux aussi. Des récits recueillis ultérieurement sur la torture et la captivité des Scholl affirment que les jeunes gens conservèrent leur courage avec constance, se résignèrent à leur sort, tout en défendant leur cause. Les Scholl furent jugés par le Volksgerichtshof (tribunal du peuple), dirigé par le tristement célèbre Roland Freisler. Ce fut une parodie de procès – ce qui n’a rien d’étonnant – et les Scholl furent condamnés à la décapitation. Selon sa sœur Inge, Sophie Scholl vécut ses dernières heures avec une étrange sérénité. Elle laissa derrière elle dans sa cellule un morceau de papier sur lequel elle avait écrit le mot « Liberté. » Elle mourut le 22 février 1943, peu avant Hans. Sur le mur de sa prison, celui-ci avait inscrit : « Rester insoumis devant un pouvoir écrasant. » Quelques secondes avant que la hache du bourreau ne tombe, Hans Scholl s’écria : « Vive la liberté ! » • 14-25 février 1943 : Américains et Allemands s’affrontent dans la bataille du col de Kasserine, en Tunisie. • 16 février 1943 : Un petit groupe de Juifs de Palestine, les Bergson Boys font campagne aux États-Unis pour tenter d’aider les Juifs européens. Leur dynamique militantisme inquiète plusieurs organisations juives américaines qui redoutent que cette tactique ne stimule un antisémitisme déjà à son niveau le plus élevé dans l’histoire des États-Unis. Les Boys publient sur une page cette publicité : « À vendre à l’humanité / 70 000 Juifs / garantis êtres humains à 50 dollars pièce. » Cette publicité parue dans le New York Times donne aux Américains la possibilité de payer la rançon de 70 000 Juifs roumains ; voir 9 mars 1943. 429 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Les alliés de l’Allemagne jouèrent un rôle important dans le déroulement de la Shoah. Cet accord, signé par le commissaire bulgare aux Affaires juives Aleksander Belev et le plénipotentiaire SS Haupsturmführer Theodor Dannecker, porte sur la déportation en Europe orientale de 20 000 Juifs de Thrace et de Macédoine, provinces récemment annexées par la Bulgarie. En arrivant dans l’Europe occupée, les Juifs étaient massacrés par les nazis. Après leur humiliante défaite devant les forces allemandes, en février 1943, les forces américaines, épaulées par les troupes britanniques du général Harold Alexander, se reprennent au col de Kasserine et empêchent les Allemands de s’emparer de Tébessa, en Algérie. Si les Allemands avaient réussi, ils auraient empêché la jonction des forces britanniques et américaines, tactique fondamentale pour remporter la victoire en Tunisie. Ici, des soldats américains récupèrent du matériel. Janine Putter, petite réfugiée de France, allume l’une des bougies commémoratives lors d’un office de protestation se déroulant le 22 février 1943, au Mecca Temple de New York. Plus de 3 000 enfants de 518 écoles religieuses de la région de New York assistèrent à cette manifestation destinée à protester contre le traitement réservé aux enfants dans l’Europe occupée par les nazis. 1943 430 • 16 février 1943 : Mort de Theodor Eicke, inspecteur des camps de concentration, dans un accident d’avion. • 18 février 1943 : Les activités anti- nazies de la Rose blanche à Munich, en Allemagne, aboutissent à l’arrestation de deux étudiants, frère et sœur, de l’université de la ville, Hans et Sophie Scholl ; voir 22 février 1943. • 20 février 1943 : La construction du four crématoire II est achevée à Auschwitz-Birkenau, ce qui permet de brûler 1 440 corps par jour. • 22 février 1943 : Décapitation à Munich de Hans et Sophie Scholl (frère et sœur), dirigeants du mouvement de résistance estudiantine, la Rose blanche ; voir mi-juillet 1943. • Extermination de la communauté juive de 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La protestation de la Rosenstrasse La résistance contre les envahisseurs allemands fut particulièrement forte en Union soviétique où les nazis menèrent une politique d’occupation barbare. Ces cinq Soviétiques furent pendus à Kharkov. La pancarte accrochée à leur cou dit : « châtiment pour avoir fait exploser des mines. » Ces actes de sabotage contribuèrent à renverser la tendance sur le front oriental et par la suite à vaincre le Troisième Reich. L’un des actes de résistance les plus efficaces contre la tyrannie nazie eut lieu début 1943. Plusieurs centaines de Juifs mariés à des chrétiennes furent arrêtés et internés au centre communautaire juif de la Rosenstrasse, au cœur du vieux Berlin, mais les réclamations incessantes de leurs épouses aboutirent à leur libération. Le succès singulier de cette protestation allemande en masse contre la déportation des Juifs allemands soulève une question obsédante : qu’aurait-il pu se produire si davantage d’Allemands avaient agi de la même façon ? Cet épisode remarquable commença lorsque les derniers Juifs demeurant à Berlin furent rassemblés, le 27 février 1943. Ceux qui étaient mariés à des non juives furent amenés dans la Rosenstrasse. « Une chaîne téléphonique » de couples mixtes répandit la nouvelle et bientôt, les épouses anxieuses se présentèrent à la Rosenstrasse. Elles réclamèrent des informations sur leurs maris, apportèrent des vivres et insistèrent pour que les hommes soient libérés. Enjointes de se disperser et menacées par des armes à feu, elles persistèrent dans leurs demandes. La protestation prit fin lorsque Joseph Goebbels et d’autres membres de la hiérarchie nazie, de plus en plus inquiets à l’idée de troubles intérieurs, firent libérer les Juifs. En mars 1943, 4 000 Juifs de Thrace, région de Grèce contrôlée par la Bulgarie, furent rassemblés et envoyés à la mort à Treblinka. Une semaine plus tard, 7 000 autres Juifs de la région voisine de Macédoine, en Yougoslavie, furent expédiés dans une entreprise de tabac dont les bâtiments furent convertis en camp de concentration (photo). Les Juifs y furent détenus quelques semaines, puis envoyés à Treblinka. Bien peu survécurent. Stanislawów, en Ukraine. • La Bulgarie signe un accord avec l’Allemagne pour autoriser la déportation de 20 000 Juifs de deux régions désormais sous son contrôle, la Macédoine, précédemment yougoslave, et la Thrace, auparavant sous domination grecque. Environ 11 000 Juifs seront en fait déportés (en mars). • À Lyon, les autorités militaires italiennes ordonnent au chef de la police locale d’annuler un ordre allemand concernant la déportation au camp d’extermination d’Auschwitz de plusieurs centaines de Juifs. • 23 février 1943 : La 16e division (lituanienne) de l’Armée rouge, qui comprend de nombreux Juifs, attaque une armée allemande supérieure en nombre en Ukraine. • 24 février 1943 : Création d’un ghetto à Salonique, en Grèce. • 27 février 1943 : Les troupes SS commencent à rassembler des travailleurs juifs à Berlin pour les envoyer dans les camps de la mort de l’Est. • 27 février-début mars 1943 : Les travailleurs juifs rassemblés à Berlin 431 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Les sauveteurs Pendant la Shoah, les efforts investis en vue de sauver les Juifs furent loin d’être suffisants. Cependant, alors que les gouvernements, les Églises et les conférences internationales ne parvinrent pas à empêcher les nazis de massacrer six millions de personnes, quelques milliers d’individus sauvèrent effectivement des Juifs. Des personnes de tous les milieux affrontèrent d’immenses dangers pour venir en aide aux Juifs persécutés. Les efforts de sauvetage varièrent en fonction de la géographie, mais aussi en fonction des difficultés rencontrées. L’activité des sauveteurs dépendait non seulement de l’étendue du contrôle d’une région par les nazis, mais également de l’attitude hostile ou sympathisante des populations autochtones. Par ailleurs, les sauveteurs n’agissaient pas tous par conviction morale. Certains n’offrirent leur aide qu’en échange de sommes exorbitantes. Dans l’Europe occidentale occupée, en particulier au Danemark, en Belgique, en France et en Italie, les opérations menées réussirent à sauver d’importants pourcentages des communautés juives de chaque nation. Les citoyens danois organisèrent des flottilles de bateaux de pêche pour évacuer la quasitotalité des Juifs du pays vers la Suède, pays neutre. En France, divers groupes 1943 432 et individus sauvèrent quelque 7 000 enfants, souvent en les acheminant en Suisse et en Espagne. Des dirigeants catholiques et protestants, des paysans, ainsi que des organisations juives comme l’OSE (Œuvres de Secours aux enfants) et les EIF (Éclaireurs israélites de France) participèrent au sauvetage. Germaine Le Henaff (photo), directrice d’une maison d’enfants, cacha plusieurs Juifs au Château de la Guette. L’organisation de résistance dite Réseau Garel sauva de nombreux enfants détenus dans des camps de transit nazis et les plaça dans des foyers d’accueil. Dans la France de Vichy, les villageois du Chambon-sur-Lignon donnèrent abri à des milliers de Juifs jusqu’à ce que des membres de la Résistance puissent les faire passer en Suisse. En Europe orientale, l’emprise allemande plus directe et des attitudes violemment antisémites entravèrent davantage le sauvetage des Juifs. En Pologne, l’aide organisée fut très réduite, qui avaient des épouses chrétiennes sont libérés après les protestations publiques de ces dernières et de leurs enfants devant le siège de la Gestapo à Berlin, dans la Rosenstrasse. La libération est ordonnée par le ministre de la Propagande Joseph Goebbels, et plus tard approuvée par Hitler en personne qui redoutait des désordres publics. mais des milliers d’individus aidèrent les Juifs, en particulier à Varsovie, en 1942-43. Parmi les groupes qui proposèrent un soutien : le mouvement scout catholique et Zegota (Conseil d’aide aux Juifs). Au sein de l’Église catholique polonaise, certains insistèrent pour sauver des Juifs. À Lvov, Leopold Socha cacha 21 Juifs dans le système d’égouts de la ville. Des organisations internationales, dont l’American Jewish Joint Distribution Committee, le Congrès juif mondial et le War Refugee Board soutinrent des actions, clandestines ou non, afin de sauver autant de Juifs que possible. Elles établirent des contacts secrets avec les communautés juives d’Europe occupée, échangèrent des informations indispensables, trouvèrent des fonds, élaborèrent des plans d’émigration et encouragèrent les tentatives d’évasion. Raoul Wallenberg, membre de la légation suédoise en Hongrie, délivra des passeports et organisa des abris, des vivres et des médicaments pour des milliers de Juifs hongrois. Plusieurs milliers d’autres héros discrets, mais dont le rôle fut déterminant – qu’il s’agisse de paysans et d’ouvriers ou de professeurs et de patrons d’usines (comme Oskar Schindler) – dupèrent la Gestapo en cachant et en protégeant des Juifs. • Mars 1943 : 850 Juifs de Poznan, en Pologne, sont déportés au ghetto de Lodz. Quelques-uns sont astreints au travail dans une usine de chaussures, mais les autres sont voués à la mort dans l’Est. • Dans le ghetto de Varsovie, trois enfants orphelins – Matti Drobless, 12 ans, sa sœur âgée de 14 ans et son petit frère de 9 ans, s’évadent par les égouts. • Près de 5 700 Juifs du camp de transit de Wester- 1943 Miriam Szyfman-Fainer et Moyshe Koyfman, membres du Bund, marchent dans les rues du ghetto de Varsovie. Le Bund était une organisation socialiste juive qui entretenait des relations épisodiques mais cordiales avec le mouvement socialiste en Pologne. Dans les ghettos du pays, les membres du Bund participèrent activement aux mouvements de Résistance. M. Szyfman-Fainer et Koyfman périrent tous deux dans le soulèvement du ghetto de Varsovie. • MORT ET RÉSISTANCE Surmontée de fil barbelé, la porte de Vilnius séparait le ghetto du reste de la ville. En septembre 1941, les Allemands créèrent deux ghettos à Vilnius, mais, en quelques semaines, ils liquidèrent le plus petit dont les membres n’avaient pas de Schein (permis de travail). Pendant environ un an, à partir du printemps 1942, les grandes déportations cessèrent et les habitants du ghetto tentèrent d’assurer leur survie en produisant des biens pour l’effort de guerre allemand. Ce dessin de Z. Weiner date de 1942-43. Une file de personnes condamnées s’allonge devant les chambres à gaz d’Auschwitz-Birkenau. Exténuées par leurs interminables voyages depuis des villes et villages éloignés, les victimes des convois devaient se présenter à leur arrivée devant Josef Mengele qui, d’un léger mouvement du doigt, décidait de la mort ou de la vie. La résistante française Charlotte Delbo, emprisonnée à Auschwitz, décrivit la gare comme un endroit où arrivée et départ sont équivalents. bork, aux Pays-Bas, sont déportés au camp de la mort de Sobibor, en Pologne. • Plusieurs milliers de Juifs sont abattus à Minsk, en Biélorussie ; 50 s’échappent et rejoignent le groupe de partisans « Vengeance ». • L’armée bulgare aide les nazis à déporter les Juifs de Macédoine et de Thrace dans les camps de la mort en Pologne. • L’extermination est provisoirement interrompue au camp de la mort de Chelmno, en Pologne ; voir 23 juin 1944. • Mars-juillet 1943 : Au camp de la mort de Treblinka, les SS s’efforcent de supprimer toute trace de l’extermination en masse. • Début mars 1943 : Les Juifs de Thrace et de Macédoine sont arrêtés et transportés par trains et par péniches au camp de la mort de Treblinka. • 1er mars 1943 : Déportation à Auschwitz d’une centaine de Juifs de Paderborn, en Allemagne. • Grand rassemblement à Madison Square Garden sur le thème « Arrêter Hitler maintenant ». 433 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Les derniers Juifs de Kolomyia, en Ukraine, sont massacrés en mars 1943. Quelques années auparavant, le gouverneur hongrois avait empêché les Ukrainiens d’assassiner les Juifs, mais les liquidations commencèrent en 1942. Cette photo montre plusieurs dizaines de corps des victimes alignées sur le sol. Une Ukrainienne compatissante semble contempler les corps avec tristesse. À Marseille, des soldats allemands contraignent des Juifs à monter dans des wagons de marchandises à destination de Drancy ou Compiègne. Quatre mille Juifs furent déportés au cours de l’Aktion de mars 1943. En 1942, Mgr Jean Delay, archevêque de Marseille, déclara que son gouvernement avait raison de se défendre contre les Juifs qui, selon lui, avaient causé beaucoup de tort et devaient être durement châtiés. 1943 434 Devant les drapeaux des Nations unies et une gigantesque réplique des Tables des dix commandements, le spectacle juif We will never die (Nous ne mourrons jamais) débuta à New York, le 9 mars 1943. Des acteurs juifs américains comme Edward G. Robinson, Paul Muni et Sylvia Sidney jouaient dans la pièce. Finalement, plus de 100 000 Américains, dont de nombreux responsables du gouvernement, virent ce spectacle. La pièce était sponsorisée par des Juifs palestiniens appelés les Bergson Boys qui travaillaient aux ÉtatsUnis pour faire connaître le sort tragique des Juifs européens. Ils ne parvinrent cependant pas à infléchir la politique américaine. • 4 mars 1943 : Le célèbre peintre Hermann Lismann est déporté au camp de la mort de Majdanek. • 5 mars 1943 : Environ 1 300 Juifs sont exterminés près du ghetto de Khmelnik (Ukraine). À cause de ses contacts avec la Résistance juive locale, Shmouel Zalcman, président du Conseil juif de Khmelnik, est traîné derrière une charrette tirée par un cheval jusqu’à ce que mort s’ensuive. • 6 mars 1943 : Vingt jeunes Juifs s’évadent du ghetto de Swieciany, en Ukraine, dans les forêts voisines. • 7 mars 1943 : Extermination de la communauté juive de Radoszkowice, en Biélorussie. 1943 Dimitur Peshev, vice-président de l’Assemblée nationale bulgare, fit partie de la délégation de députés élus par les citoyens de Kyustendil pour protester contre l’ordre d’évacuation de la population juive locale. Les députés soumirent une protestation au parlement, mais la retirèrent après les pressions exercées par le roi. Peshev refusa de retirer sa signature, ce qui lui valut d’être limogé de son poste, mais les ordres de déportation des Juifs de Kyustendil furent annulés. Même dans les conditions prévalant à Belzec, des prisonniers juifs tentèrent d’observer quelques vestiges des pratiques religieuses d’avant-guerre. Ces coupes de kiddoush retrouvées dans le camp étaient utilisées pour célébrer le Shabbat. De tels rituels étaient interdits dans le camp et passibles de mort. Des Juifs, cependant, ressentaient le besoin d’observer leurs lois religieuses précisément dans des circonstances aussi éprouvantes. • 8-13 mars 1943 : Des Juifs font partie de la force de l’Armée rouge qui organise une vaste offensive contre les Allemands à Sokolov, en Russie. À la fin des combats, on recense trois cents victimes juives, dont 140 morts. • 9 mars 1943 : Première du spectacle des Bergson Boys, We Will Never Die, (Nous ne mourrons jamais). Plus de 100 000 Américains, • MORT ET RÉSISTANCE La Bulgarie et la Shoah La Bulgarie, pays balkanique de la mer Noire, est entourée par la Turquie, la Roumanie, la Yougoslavie et la Grèce. En 1939, le gouvernement bulgare chassa les Juifs étrangers du pays, tandis que la radio et la presse du pays exprimaient des sentiments antisémites. La même année, le ministère britannique des Affaires étrangères avertit les Bulgares que si les Juifs bulgares étaient acheminés en Palestine, les Britanniques « attendraient du gouvernement bulgare qu’il reprenne les immigrants. » Les nazis exercèrent des pressions sur la Bulgarie pour qu’elle s’allie à l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale – alliance qui effraya les 50 000 Juifs séfarades bulgares qui constituaient 10% de la population du pays. Sous la pression des Allemands, le gouvernement bulgare adopta des lois antisémites qui furent soutenues par certains groupes économiques, ainsi que par des organisations militaires de droite. Bien que l’antisémitisme fût très répandu, le clergé, la monarchie, le parlement et les travailleurs de la nation empêchèrent les SS allemands de déporter la majeure partie des Juifs bulgares. Près de 12 000 Juifs vivant dans les régions que les Allemands avaient accordées à la Bulgarie (Thrace et Macédoine) furent cependant rassemblés et envoyés à la mort dans le camp de Treblinka. De septembre 1944 à avril 1945, la Bulgarie mena la guerre contre l’Allemagne. L’armée bulgare, qui comprenait des Juifs, combattit les Allemands en Yougoslavie et en Hongrie. dont plusieurs responsables du gouvernement, assistent au spectacle. •10 mars 1943 : Les SS exigent la déportation en Pologne de tous les Juifs bulgares, mais le gouvernement bulgare résiste grâce à l’ambivalence du roi, et grâce aux protestations du clergé, du monde paysan et de certains intellectuels. En dépit des protestations, quelques Juifs bulgares sont exilés dans des camps de travail à Radomir et Samovit, en Bulgarie. Aucun, cependant, n’est déporté, et la population juive de Bulgarie continuera à augmenter pendant la guerre. • 13 mars 1943 : Tentative d’attentat à la bombe contre Hitler, mais les explosifs, camouflés par le général Henning von Tresckow sous l’allure de bouteilles de cognac, n’explosent 435 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Les organisations juives américaines Tout au long de la Seconde Guerre mondiale, des organisations juives américaines déployèrent des efforts incessants, mais d’une efficacité relativement limitée, pour sauver les Juifs d’Europe. Leurs campagnes s’intensifièrent en 1943, lorsque les rapports sur les programmes génocidaires d’Hitler furent confirmés. Les principales organisations juives américaines, sous la direction du rabbin Stephen Wise, organisèrent des manifestations et exercèrent des pressions sur les responsables du gouvernement. La manifestation « Stop Hitler Now » (Arrêter Hitler maintenant), organisée à New York le 1er mars 1943 par l’American Jewish Congress, attira quelque 75 000 personnes. La foule écouta les discours prononcés par les dirigeants de l’American Federation of Labor, le Congress of Industrial Organizations et autres associations non juives. Un groupe plus radical, le Committee for a Jewish Army (CJA) tenta de servir de médiateur dans une opération de sauvetage des Juifs roumains. Il publia dans les grands journaux des annonces publicitaires proclamant que la liberté de 70 000 Juifs pouvait être achetée pour 50 dollars par personne. Indépendamment du choc délibéré, la publicité visait à montrer que le sauvetage des Juifs était une question de volonté des Alliés. Le 15 mars 1943, huit grandes organisations juives créèrent le Joint Emergency Committee on European Affairs (JEC) qui eut pour mission de développer les campagnes d’information auprès de l’opinion publique afin d’inciter le Congrès des États-Unis à soutenir des opérations de sauvetage et à organiser des conférences à haut niveau en faveur des Juifs européens. Le président Franklin Roosevelt finit par créer le War Refugee Board, mais pas avant janvier 1944, soit 14 mois après avoir été mis au courant de la « solution finale ». 1943 436 Général de division de l’armée allemande, Henning von Tresckow rejoignit le mouvement d’opposition à Hitler. Tout en servant sur le front russe, Tresckow était convaincu que la campagne était vouée à l’échec et qu’Hitler devait être destitué. Il fut impliqué dans la tentative manquée d’attentat contre Hitler, à Smonlensk (Russie), en mars 1943 ; une bombe composée de plastic camouflée dans des bouteilles de cognac n’explosa pas dans l’avion personnel du Führer. Après l’échec du complot pour tuer Hitler en juillet 1944, Tresckow se suicida. Accompagné par des officiers supérieurs allemands, Jozef Tiso engage une conversation amicale avec Hitler. Dirigeant de la Slovaquie, Tiso autorisa la déportation des Juifs, alors qu’il aurait pu intervenir et l’avait fait dans quelques cas. Quelque 25 000 Juifs vivaient encore en Slovaquie, mais les déportations furent interrompues en mars 1943, peut-être parce que les nazis souhaitaient en priorité « débarrasser » d’autres régions de leurs Juifs ou peut-être parce que bon nombre de ces derniers étaient des travailleurs qualifiés jugés « utiles ». pas à bord de l’avion privé d’Hitler. • Les SS créent Ostindustrie GmbH (société Industrie de l’Est) en Pologne pour organiser et exploiter le travail servile à Lublin et dans les environs. Le projet est supervisé par Odilo Globocnik. • 14 mars 1943 : Deux mille Juifs de Cracovie, en Pologne, sont rassemblés pour la déportation. Avant le départ du train pour Auschwitz, des centaines de petits enfants et de personnes âgées sont assassinés dans les rues et dans les fossés à l’extérieur de la rue. Les patients de l’hôpital juif de Cracovie sont massacrés par des agents de la Gestapo. • 15 mars 1943 : Début des déportations à Auschwitz des Juifs de 1943 Parmi des sacs contenant toutes sortes d’articles, une femme juive du camp de la mort de Chelmno trie les vêtements arrivés avec les convois, vêtements qui seront expédiés dans des entrepôts près de Lodz, en Pologne. À partir de mars 1943, les convois à Chelmno cessèrent lorsque le camp atteignit son objectif : massacrer la majeure partie des Juifs du Warthegau, l’ancien territoire polonais annexé au Reich. Les meurtres reprirent un an plus tard, lorsqu’il fut décidé de gazer les prisonniers du ghetto de Lodz. • MORT ET RÉSISTANCE Cinq soldats allemands observent les corps de deux civils russes qu’ils viennent d’exécuter. Bien que théoriquement protégés par les lois de la guerre, les civils du front de l’Est devinrent fréquemment la cible des Allemands. Les nazis se montraient impitoyables pour quiconque était suspecté d’être un partisan ou d’avoir aidé les résistants. Wilhelm Boger (à droite) était généralement considéré comme le garde d’Auschwitz le plus cruel. À son procès, des témoins affirmèrent que ses mains étaient souvent couvertes du sang des victimes qu’il torturait avec sadisme. À gauche, est représentée une maquette de la « balançoire de Boger », un dispositif de torture que Boger appelait sa « machine parlante. » Salonique (Grèce). 2 800 personnes font partie du premier groupe. • Trude Neumann, ancienne patiente d’un hôpital psychiatrique, près de Vienne, et fille de Theodor Herzl, le fondateur du sionisme politique, meurt de faim au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. • 16 mars 1943 : Un soldat SS parti- culièrement redouté est tué à Lvov, en Ukraine, par un Juif nommé Kotnowksi ; voir 17 mars 1943. •17 mars 1943 : Plus de 1 200 Juifs de Lvov, en Ukraine, sont assassinés à Piaski, en Pologne, en représailles après la mort d’un SS tué par un Juif, le 16 mars. Onze policiers juifs sont pendus dans le ghetto, 1 000 Juifs astreints au travail sont exécutés et 200 autres Juifs sont assassinés. • 18 mars 1943 : La cachette du docteur Julian Charin, âgé de 30 ans, de Lapy, en Ukraine, est divulguée aux nazis et Charin est abattu. • À Auschwitz, Lonka Kozibrodska, un résistant âgé de 26 ans, meurt du typhus. 437 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Trois Juifs âgés marchent bras dessus bras dessous dans les rues du ghetto de Cracovie, en Pologne, pendant la liquidation finale du ghetto. En 1942, les déportations avaient considérablement réduit le nombre des habitants du ghetto de Cracovie et elles servirent de prélude à l’ultime liquidation de mars 1943. Ce moislà, 2 000 Juifs furent transférés dans le camp de travail voisin de Plaszów et 2 300 autres furent déportés à Auschwitz. Des groupes de résistance juive aidèrent des centaines de Juifs de Cracovie à trouver une sécurité relative. Des groupes de partisans armés, agissant à la périphérie de la ville, engagèrent des fusillades contre les troupes allemandes, ce qui, indirectement, contribua à ralentir le rythme des déportations. Les biens abandonnés des Juifs récemment déportés de Cracovie jonchent les rues du ghetto. La liquidation du ghetto de Cracovie fut une opération terriblement violente. Outre les Juifs qui furent déportés à Plaszów et Auschwitz (Pologne), 700 Juifs furent abattus sur place. 1943 438 • 20 mars 1943 Cette poupée appartenait à une enfant vivant dans le ghetto de Cracovie (Pologne). La propriétaire de la poupée, Zofia Burowska, la récupéra après la guerre auprès de non Juifs qui la lui avaient gardée. Ce geste revêtit une importance particulière pour Zofia, parce qu’il avait été accompli spécifiquement pour elle. Pour les enfants juifs, des jouets comme cette poupée étaient souvent le seul lien avec une enfance normale. : À Czestochowa, en Pologne, en cette veille de Pourim, plus de 100 médecins, ingénieurs et avocats juifs, ainsi que leurs familles, sont emmenés dans un cimetière par les nazis et abattus. Parmi les victimes, un gynécologue âgé de 56 ans, le docteur Kruza Gruenwald, le docteur Irena Horowitz, généraliste âgée de 30 ans et le neurologue Bernhard Epstein, âgé de 44 ans. • 21 mars 1943 : Pendant la fête juive de Pourim, 2 300 Juifs de Skopje, en Yougoslavie, sont déportés à Auschwitz. • Huit membres de l’intelligentsia juive de Piotrków, en Pologne, sont emmenés dans un cimetière et abattus en même temps que le gardien du cimetière et sa femme. Les Allemands firent en sorte de tuer dix personnes au total, 1943 • MORT ET RÉSISTANCE PRINCIPAUX CAMPS DE CONCENTRATION DANS LES PAYS BALTES, 1941–1945 Kunda Kivióli TallinnWesenburg N Klooga ESTONIE Dorpat Petschur Golfe de Riga Pleskau Dondangen Kaiserwald LETTONIE D n vi a Janek Krauze combattit avec des partisans à Czestochowa, en Pologne. L’Aktion allemande contre les habitants du ghetto, en janvier 1943, déclencha une série d’opérations de résistance tant à l’intérieur du ghetto qu’à l’extérieur. Krauze fut tué le 19 mars 1943 ; les combats continuèrent pendant l’été. Le 25 juin, le ZOB (Organisation juive de combat) organisa une campagne pour résister à la liquidation du petit quartier du ghetto de Czestochowa. Riga mer Baltique Siauliai LITUANIE n Nema GRANDE ALLEMAGNE Janischken Ne ris Kovno Vilnius UNION SOVIÉTIQUE (sous occupation allemande) 0 100 miles 0 150 kilomètres Les Einsatzgruppen nazis massacrèrent la majeure partie des 350 000 Juifs baltes en 1941. À partir de la fin de l’année 1942, plusieurs dizaines de milliers de Juifs d’autres pays européens furent envoyés dans les camps de travail en Estonie. Cette cour déserte et ces bâtiments vides témoignent de la récente Aktion (déportation) des Juifs de Czestochowa, en Pologne. Près de 30 000 Juifs, soit 30% de la population, contribuaient autrefois au dynamisme de cette ville. Pendant la guerre, le ghetto de la ville devint un point de rassemblement des Juifs envoyés de toute l’Europe. Ils étaient transférés dans des camps de travail et au camp de la mort de Treblinka. À un moment donné, le ghetto comptait 48 000 Juifs, mais ce chiffre diminua considérablement en 1943. macabre référence aux dix fils d’Hamann pendus dans l’histoire de Pourim. • À Random, en Pologne, les médecins juifs sont emmenés du ghetto et exécutés dans la ville voisine de Szydlowiec. • 22 mars 1943 : Le four crématoire IV d’Auschwitz-Birkenau commence à fonctionner. • 23 mars 1943 : Vingt-neuf orphelins juifs de l’orphelinat La Rose aux Accates, près de Marseille, ainsi qu’Alice Salomon, leur accompagnatrice qui avait refusé de les quitter deux mois auparavant, sont gazés au camp de la mort de Sobibor. • 1 700 Tsiganes sont assassinés à Auschwitz. • En France, 4 000 Juifs sont déportés de Marseille, internés un temps à Drancy, puis déportés à Sobibor. • William Temple, archevêque de Canterbury, déclare à la Chambre des Lords que la Grande-Bretagne devrait supprimer tous les quotas sur l’immigration juive dans le pays. • 25 mars 1943 : Un millier de Juifs de Marseille sont déportés au camp de la mort de Sobibor. • Les membres de la communauté juive de Zólkiew, en Pologne, sont contraints de marcher 439 1943 • MORT ET RÉSISTANCE William Temple, chef religieux de l’Église d’Angleterre, fut l’une des rares voix britanniques à s’exprimer en faveur des Juifs. En mars 1943, il demanda à la Chambre des Lords que la Grande-Bretagne lève tous les quotas sur l’immigration juive dans le pays. Il avertit également les Allemands que les responsables des crimes de guerre devraient répondre de leurs actes une fois la guerre terminée. La bima de la synagogue détruite de Lvov, en Ukraine, demeura en grande partie intacte après la liquidation du ghetto. Le ghetto devint officiellement un camp de travail en janvier 1943, mais 10 000 Juifs sans cartes d’emploi furent exécutés. En mars, une opération de « purification » coûta la vie à 1 500 autres Juifs et en transféra 800 autres dans un camp de la mort nazie. Pendant l’ultime liquidation, la résistance armée conduisit les Allemands à détruire le ghetto maison par maison. L’Église catholique grecque de Lvov exprima sa peine devant ces événements – non pas tant pour le meurtre des Juifs (l’Église estimait que les Juifs se consacraient à la destruction du christianisme) – mais parce que les habitants ukrainiens de la région furent encouragés à participer à ces meurtres. 1943 440 Ce document allemand, d’allure officielle, certifiait que Bronislawa Tymejko (Laura Schwarzwald) était employée par la coopérative agricole de Busko-Zdroj. Des faux papiers comme celui-ci permettaient à des Juifs polonais de vivre sous un nom d’emprunt et d’éviter la déportation. Malgré la rigueur des conditions prévalant dans les coopératives gérées par les nazis, le travail n’y était pas un moyen d’extermination. Les faux papiers équivalaient donc pratiquement au salut pour les Juifs assez chanceux pour s’en procurer. jusqu’à la forêt de Borek où ils sont exécutés. • Une lettre anonyme écrite par un citoyen allemand non juif, critiquant les techniques nazies de liquidation des ghettos, est adressée à la chancellerie d’Hitler. • Printemps 1943 : Les escadrons de la mort nazis ont jusqu’alors assassiné près de deux millions de Juifs en Europe orientale. • Les Allemands contraignent des prisonniers juifs à brûler les corps des 600 000 Juifs exterminés à Belzec. • Avril 1943 : Création d’un camp de concentration à Bergen-Belsen, en Allemagne. • Les Allemands lancent une offensive contre les partisans juifs de la forêt de Parczew, en Pologne. • Des membres de la Résistance font dérailler un train de la 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Plus de 75% des Juifs néerlandais furent déportés à Auschwitz, Sobibor et autres camps de la mort. Très peu survécurent. Quelques citoyens néerlandais combattirent les efforts déployés par les nazis pour exterminer les Juifs du pays. La résistance néerlandaise, par exemple, fit sauter le bureau d’état-civil d’Amsterdam (ci-dessous), le 27 mars 1943. Parmi les résistants, C. Hartogh (photo) prévoyait des opérations destinées à faire obstacle aux plans de déportation des nazis. Hartogh fut exécuté quelques mois plus tard. Les camps de concentration fournissaient aux médecins nazis un grand réservoir de cobayes humains pour leurs « expériences » dont bon nombre avaient un objectif spécifiquement militaire. Cet homme fut victime d’une expérience sur la pression atmosphérique réalisée au camp de concentration de Dachau, en Allemagne, pour mesurer l’endurance humaine à des altitudes extrêmement élevées. Au cours de l’expérience, l’homme fut placé dans un réservoir d’air comprimé dont l’air fut progressivement retiré. Les « scientifiques » nazis pouvaient ainsi déterminer jusqu’à quelle altitude leurs pilotes pouvaient voler en toute sécurité. mort en Belgique. • Le pape Pie XII se plaint de ce que les Juifs sont exigeants et ingrats. • Le docteur Julian Chorazycki, ancien capitaine de l’armée polonaise et dirigeant de la Résistance des détenus au camp de la mort de Treblinka, avale du poison lorsque le commandant adjoint du camp découvre l’argent qu’il avait préparé pour acheter des armes légères ; voir 3 mai 1943. • 5 avril 1943 : Trois cents Juifs de Soly et Smorgon, en Biélorussie, sont acheminés en train vers l’ouest, à Vilnius (Lituanie). En route, les prisonniers brisent le verre renforcé de grillage des autorails et tentent de s’évader, mais sont abattus par des gardes. Les survivants sont plus tard fusillés à Ponary, au sud-ouest de Vilnius, par des soldats SS allemands et lituaniens. Environ 4 000 Juifs de Vilnius et des envi- rons sont embarqués dans des camions jusqu’à Ponary, assassinés et jetés dans des fosses communes. Les Juifs d’Oszmiana et de Swieciany (Lituanie), qui arrivent en train à la gare de Ponary, résistent avec des revolvers, des couteaux et aussi à mains nues ; quelques dizaines s’échappent à Vilnius et les autres sont abattus. Pendant le massacre, un policier lituanien est blessé par les Juifs et un ser441 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La conférence des Bermudes Le tollé suscité aux États-Unis et en Grande-Bretagne à l’annonce du massacre systématique des Juifs d’Europe par le régime nazi aboutit à la conférence des Bermudes, en avril 1943. Prétendument destinée à résoudre le problème des réfugiés créé par la politique génocidaire d’Hitler, la conférence est en fait considérée comme le sommet des efforts investis par les Alliés pour éluder les opérations de sauvetage. Les négociations préliminaires limitèrent les sujets qui seraient ouverts à la discussion aux Bermudes, ce qui garantissait pratiquement l’échec de la conférence. Responsables britanniques et américains décidèrent à l’avance de réduire l’aspect juif du problème et d’insister sur le fait que les Juifs ne constituaient que l’un des groupes victimes de la guerre. Cette décision montrait la réticence de la Grande-Bretagne et des États-Unis à envisager sérieusement des plans destinés à sauver les Juifs européens des griffes du régime nazi. Toutes sortes d’autres problèmes condamnèrent cette entreprise. Visant à détourner l’attention de l’opinion publique, la conférence des Bermudes fut un échec total. Pour reprendre les termes de Myron C. Taylor, le principal représentant américain à la conférence d’Evian de 1938 : « La conférence des Bermudes fut totalement inefficace… et nous savions qu’il en serait ainsi. » L’indifférence des gouvernements britannique et américain au sort tragique des Juifs européens devint évidente. Le secrétaire d’État adjoint Breckinridge Long exerça son influence sur le Département d’État afin d’empêcher les États-Unis de devenir un refuge pour les Juifs européens. La xénophobie de Long influença pratiquement chaque mesure qu’il prit durant la guerre : il fut à l’origine du refus opposé par le Département d’État d’accorder des visas aux réfugiés politiques et aux intellectuels. Il œuvra pour réduire les quotas d’immigration. Et il suggéra que la conférence sur les réfugiés se déroule aux Bermudes, parce que c’était un endroit inaccessible. Des personnalités de divers horizons professionnels assistent à la funeste conférence des Bermudes sur les réfugiés, en avril 1943. De gauche à droite : Le Britannique George Hall, sous-secrétaire à l’Amirauté ; Harold W. Dodds, président de l’Université de Princeton ; Richard K. Law, sous-secrétaire britannique aux Affaires étrangères ; Sol Bloom, président de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants américaine ; et Osbert Peake, sous-secrétaire britannique à l’Intérieur. 1943 gent SS est hospitalisé après avoir reçu des coups de couteau dans le dos et à la tête. • À la gare du camp de la mort de Treblinka, arrivée du dernier train amenant des Juifs de Macédoine. Tous sont immédiatement gazés. • 7 avril 1943 : Michael Glanz dirige la Résistance juive à Skalat, en Ukraine. 442 • 8-9 avril 1943 : Un millier de Juifs sont exécutés près de Ternopol, en Ukraine. • 13 avril 1943 : Dans la forêt de Katyn, en Union soviétique, les Allemands découvrent les corps de plus de 4 000 officiers polonais, dont certains sont juifs. Les officiers avaient été massacrés par les Soviétiques. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Bergen-Belsen, en Allemagne, ouvrit ses portes en avril 1943. En tant que camp de transit, il accueillit principalement des détenus non Juifs, et les conditions étaient moins terribles que dans d’autres camps, du moins au début. Cependant, au fur et à mesure que la guerre tournait au désavantage de l’Allemagne et que des prisonniers, de plus en plus nombreux parvenaient au camp après des marches de la mort, les conditions se détériorèrent. Environ 50 000 personnes périrent à BergenBelsen, dont environ 14 000 après la libération du camp. Alfred Krupp fut à la tête de la célèbre entreprise allemande de fabrication d’armes depuis le début des années 1930 jusqu’à la fin de la guerre. Cette photographie le montre alors qu’il est fait prisonnier par les troupes américaines, avant son procès à Nuremberg. Sous sa supervision, les usines Krupp exploitèrent cruellement et de façon fort rentable la main-d’œuvre servile fournie par les camps de concentration du Troisième Reich. Il payait le gouvernement pour ses travailleurs qui ne recevaient aucun salaire. Des milliers d’entre eux moururent dans les conditions choquantes qui caractérisaient ses usines. • 14 avril 1943 : Dissolution du camp de travail servile de Siedlce, en Pologne. • Un document intitulé Programme de sauvetage des Juifs de l’Europe sous occupation nazie est soumis à la conférence des Bermudes par le Joint Emergency Committee for European Jewish Affairs ; voir 19 avril 1943. • Gerhart Riegner, représentant du Congrès juif mondial à Ces monceaux de chaussures appartenaient autrefois aux victimes gazées à Auschwitz. Les nazis firent tout ce qu’ils purent pour exploiter économiquement leurs victimes, notamment la saisie de tout bien susceptible d’être utilisé dans l’effort de guerre. À Auschwitz, les biens confisqués étaient gardés dans des Effektenkammern (entrepôts d’objets). Les détenus appelaient ce secteur « Canada » à cause de l’impressionnant butin qui y était stocké et qu’ils associaient aux richesses du Canada. Genève, suggère que des fonds soient déposés sur un compte en Suisse afin de permettre, après la guerre, aux 70 000 Juifs roumains préalablement « proposés » aux Alliés, d’immigrer en Palestine. Ce projet deviendra le plan Riegner ; voir mai 1943. • 17-18 avril 1943 : Hitler rencontre le régent hongrois, l’amiral Miklós Horthy au château de Klessheim, près de Salzbourg (Autriche), afin d’encourager les déportations de Juifs hongrois. Horthy refuse. • 18 avril 1943 : La rumeur se diffuse dans le ghetto de Varsovie que les Allemands préparent la destruction du ghetto ; voir 19 avril 1943. • Près de 3 500 Juifs de six villes polonaises sont transférés à Jaworow, en Pologne, et 443 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Harry Baur, l’un des acteurs les plus estimés du cinéma français et allemand, fut l’une des victimes des nazis. Né en 1880, Baur acquit une réputation internationale dans des films comme Les Misérables (il y jouait le rôle de Jean Valjean), Un grand amour de Beethoven, et Crime et châtiment. Tandis que certaines vedettes de la scène comme de l’écran quittèrent l’Europe pour les États-Unis, d’autres ne le purent ou ne le voulurent pas. Accusé d’être un agent des Alliés, Baur mourut le 20 avril 1943, en détention chez les nazis. Des valises de Juifs déportés au camp de la mort d’AuschwitzBirkenau, témoignent sans ambiguïté du fait que les victimes n’avaient pas la moindre idée du sort qui les attendait. Les ordres de déportation arrivaient soudainement et étaient exécutés rapidement. Les Juifs fourraient à la hâte quelques affaires précieuses dans des valises, inscrivaient leur nom à l’extérieur et montaient dans des trains, pensant être relogés quelque part en Europe de l’Est. À l’embarquement, ils étaient séparés de leurs bagages et il leur était dit qu’ils les retrouveraient à l’arrivée. Le tri des bagages des Juifs déportés à Auschwitz ou dans d’autres camps de la mort était une entreprise fort lucrative. Gerard Kornmann cacha des Juifs néerlandais à deux occasions. Un indicateur de la police finit par le trahir et il fut arrêté et acheminé au camp de concentration de Sachsenhausen, en Allemagne, via le camp de transit de Vught, aux PaysBas. Après le débarquement des Alliés en Europe occidentale, ses geôliers l’expédièrent à Lübeck, en Allemagne. Le 3 mai 1945, il se trouvait à bord du Cap Arcona, l’un des quatre bateaux que les Britanniques bombardèrent, pensant que les passagers étaient des Allemands. Kornmann mourut durant l’attaque. Le sort ultime de Kornmann fut déterminé par l’informateur – peut-être un voisin ou un « ami » – qui le trahit, le livrant aux autorités d’occupation. On ne peut que se perdre en conjectures sur ses motivations. abattus. Les résistants qui s’évadent dans les forêts voisines sont dirigés par Artur Henner et Henry Gleich ; la plupart seront par la suite tués par les troupes allemandes. habitants) en cette veille de Pâque, mais environ 700 Juifs se révoltent. Les Juifs ne disposent que de 17 fusils, 500 pistolets et plusieurs milliers de grenades et de cocktails Molotov. La Résistance juive combattra les nazis jusqu’à la mi-mai. La Résistance polonaise n’accordera qu’une aide minime à cause de l’antisémitisme de bon nombre de ses membres. Les Alliés ne donneront aucune publicité à l’événement et ne tenteront pas d’apporter de 1943 444 • 19 avril 1943 : Début du soulèvement du ghetto de Varsovie. Plus de 2 000 soldats – SS, armée régulière et troupes étrangères – envahissent le ghetto. Ils tentent de liquider le ghetto (40 000 1943 • MORT ET RÉSISTANCE En avril 1943, les Allemands exhumèrent, dans la forêt de Katyn, les corps de plus de 4 000 prisonniers de guerre polonais assassinés en 1940, probablement par le NKVD, la police secrète soviétique. Les Soviétiques nièrent toute responsabilité et accusèrent les Allemands. Le gouvernement polonais en exil à Londres suspecta les Soviétiques du massacre et son insistance pour que soit menée une enquête approfondie aboutit à la rupture des relations entre les Russes et les Polonais de Londres. Joseph Staline en prit prétexte pour instaurer un gouvernement communiste en Pologne, après la guerre. Le massacre de Katyn En avril 1943, des membres de l’armée allemande découvrirent une fosse commune dans une région très boisée située à la périphérie de Katyn, un village soviétique isolé. Une commission internationale de médecins identifia les corps – 4 143 découverts, mais on estime que des milliers d’autres furent massacrés – comme des officiers et des soldats polonais. Selon le rapport publié par le gouvernement allemand, ces hommes furent faits prisonniers par les Soviétiques pendant la campagne polonaise de 1939 ; chacun fut tué d’une l’aide ; voir 20 avril 1943. • La conférence des Bermudes organisée par la Grande-Bretagne et les États-Unis à Hamilton, aux Bermudes, ne prend aucune mesure significative pour aider les Juifs d’Europe. Avant la rencontre, les représentants des deux pays s’étaient mis d’accord pour ne pas discuter de l’immigration des Juifs dans leurs pays ni de l’acheminement de vivres aux réfugiés balle dans la nuque juste avant l’invasion de la Russie par les Allemands. Le gouvernement polonais en exil à Londres ayant accepté le rapport, le dirigeant soviétique Joseph Staline rompit les relations avec le régime civil et accusa les Allemands d’avoir perpétré ce massacre. Les Alliés confirmèrent les accusations de Staline jusqu’en 1952, date à laquelle une enquête menée par le Congrès des États-Unis conclut que la police juifs de l’Europe occupée par les Allemands. • 20 avril 1943 : Dans le ghetto de Varsovie, les Allemands mettent le feu aux maisons, immeuble par immeuble et abattent tous ceux qui sortent des bâtiments, bunkers et égouts. De nombreux Juifs se réfugient sur les toits et continuent à combattre. Les patients de l’hôpital Czyste de Varsovie sont assassinés par les secrète soviétique était responsable des meurtres. En avril 1990, l’Union soviétique assuma sa responsabilité dans le massacre de Katyn. troupes allemandes ; voir 25 avril 1943. • Harry Baur, le très populaire acteur du cinéma français, meurt à Berlin après avoir été torturé par la Gestapo. • 22 avril 1943 : Déportation des Juifs d’Amersfoort (Pays-Bas). • 25 avril 1943 : Alors que les incendies allumés par les Allemands consument le ghetto de Varsovie, un 445 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Le soulèvement du ghetto de Varsovie Irena Kleppfisch, enfant rescapée de la Shoah, est devenue un écrivain important dont l’œuvre la plus connue comprend un poème intitulé Bashert. Ce titre en yiddish évoque le sentiment de destin inéluctable. Rempli de pleurs et de protestations, Bashert ne mentionne pas la Shoah directement, mais cet événement se dégage de chaque vers : « Ces mots sont dédiés à ceux qui ont péri… Ces mots sont dédiés à ceux qui ont survécu. » Le père d’Irena Kleppfisch, Michael, était l’un de ceux qui périrent. Israel Gutman, rescapé et historien du soulèvement du ghetto de Varsovie, rapporte que Michael Kleppfisch, « qui joua un rôle important dans la fabrication des armes du ghetto », fut tué le 20 avril 1943. Il mourut dans un combat au corps à corps contre les forces allemandes du général de brigade Jürgen Stroop chargées de liquider le ghetto. À l’été 1942, les nazis firent partir 300 000 Juifs du ghetto de Varsovie. La plupart furent envoyés à la mort dans les chambres à gaz de Treblinka. Michael Kleppfisch et Gutman faisaient partie d’un groupe de jeunes Juifs – entre 700 et 750 – qui s’étaient entraînés et armés du mieux qu’ils pouvaient. Ils étaient déterminés à résister aux 1943 446 efforts entrepris par les nazis pour exterminer près de 60 000 Juifs qui restaient dans le ghetto au début du printemps 1943. En janvier de cette année, le chef des SS, Heinrich Himmler, avait ordonné d’autres déportations, mais la résistance juive entrava cet effort. Conscients qu’ils allaient rencontrer une résistance acharnée, les Allemands se regroupèrent et revinrent le 19 avril, la veille de Pâque, pour terminer le travail. Ce qui se passa alors fut, selon Gutman, « le premier soulèvement urbain dans l’Europe occupée par les Allemands et, de tous les soulèvements juifs, celui qui dura le plus longtemps, du 19 avril au 16 mai 1943. » Pauvrement armés, les combattants juifs, qui manquaient également d’entraînement militaire et d’expérience du combat, se battaient à un contre trois face aux forces nazies qui disposaient Juif allemand nommé Hoch, désespéré, saute par la fenêtre du quatrième étage, se cassant les deux bras et la colonne vertébrale ; voir fin avril 1943. • Fin avril 1943 : La résistance juive commence à fléchir dans le ghetto de Varsovie, les bunkers étant débusqués par les troupes allemandes. Les bombardements de l’artillerie sur le ghetto ont déjoué la stratégie juive qui de tanks et de canons. L’« arsenal » des Juifs se composait principalement de revolvers, de cocktails Molotov et de quelques fusils introduits clandestinement dans le ghetto ou pris à des Allemands tombés en embuscade en janvier. Recourant à des tactiques d’attaques éclairs et profitant des caches dans les bunkers, les combattants juifs prirent les Allemands au dépourvu durant les premiers jours du soulèvement. Ces derniers cependant procédèrent à des représailles en incendiant le ghetto, immeuble par immeuble. Même alors, la résistance juive continua – bien que condamnée. Ce fut seulement le 8 mai que les Allemands détruisirent le QG de l’Organisation juive de combat dans le bunker du 18 de la rue Mila, combat au cours duquel Mordekhaï Anielewicz, commandant de l’organisation, trouva la mort. Le 16 mai, Stroop déclara la victoire, proclamant que « le quartier juif de Varsovie n’existe plus. » Les pertes infligées par les combattants juifs aux Allemands étaient réduites – dans son rapport, Stroop mentionna 16 morts et 85 blessés – mais le soulèvement du ghetto de Varsovie demeure un exemple extrêmement important de l’héroïque résistance juive dans une situation sans issue. prévoyait d’engager les Allemands dans de coûteux combats au corps à corps ; voir mai 1943. • 27 avril 1943 : L’éminent poète américain Ezra Pound continue ses émissions antisémites depuis l’Italie. Il traite les Juifs de « rats », « punaises », « vermine », « vers », « bacilles » et « parasites » représentant une immense « capacité de putréfaction ». 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Des membres du Sicherheitsdienst (SD) et d’autres soldats SS interrogent un Juif hassidique pendant la liquidation du ghetto de Varsovie, en avril 1943. Ils souhaitaient peut-être obtenir des informations sur les Juifs qui se cachaient. En 1941 et 1942, les membres du Judenrat avaient espéré sauver la majorité des habitants du ghetto en en faisant un important réservoir de main-d’œuvre. Au moment du soulèvement, cependant, les suppositions des Juifs sur la rationalité nazie s’étaient volatilisées. Si les soldats photographiés ici étaient déterminés à obtenir des informations de la part des prisonniers assemblés, ils furent vraisemblablement déçus. Une plaque d’égout du ghetto de Varsovie offre un témoignage du sort tragique de milliers de Juifs. Les Juifs engagés dans la Résistance utilisèrent les égouts pour s’évader ou pour se déplacer pendant la révolte. Les égouts établissaient également un lien important entre les combattants de la Résistance juive et ceux de la Résistance polonaise, du côté aryen de Varsovie. Des soldats SS ukrainiens examinent les corps des Juifs à l’entrée d’un immeuble détruit du ghetto de Varsovie. Des auxiliaires recrutés en Ukraine renforçaient les effectifs lors des campagnes génocidaires des nazis. Les unités ukrainiennes étaient réputées pour leur brutale efficacité. • 28 avril 1943 : Un télégramme émanant de la SS enjoint l’administration d’Auschwitz de préparer 120 femmes pour des expériences médicales. • 29 avril 1943 : Près de Cracovie, en Pologne, des femmes juives attaquent leurs gardiens SS lors d’un transfert d’une prison à l’autre. Deux femmes s’évadent mais la plupart des autres sont tuées. À Cracovie même, les résistants juifs incarcérés depuis décembre 1942 sont conduits dans des camions au camp de concentration de Plaszów, en Pologne. La plupart sont tués après s’être évadés du camion. • 30 avril 1943 : Deux mille Juifs de Wlodawa, en Pologne, déportés à Sobibor attaquent les gardes SS de ce camp de la mort en arrivant à la rampe de déchargement. Tous les Juifs sont tués à la mitrailleuse et à la grenade par les SS. • Mai 1943 : Le SS-Gruppenführer Jürgen Stroop achève son rapport officiel sur la liquidation du ghetto de Varsovie, dit Rapport Stroop. • Arrivée à Auschwitz de quatre trains partis de Salonique (Grèce), transportant environ 11 000 Juifs. • En Tunisie 447 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Avant la liquidation du ghetto de Varsovie, les habitants construisirent fébrilement une série de bunkers et de cachettes pour échapper à leurs persécuteurs nazis. Lorsque les opérations de la résistance commencèrent, les nazis mirent le feu au ghetto pour contraindre les Juifs à sortir de leurs bunkers. Une femme saute d’un balcon pour échapper à l’intense chaleur des flammes et éviter d’être brûlée vive. 1943 448 occupée, quelque 5 000 Juifs séfarades sont envoyés dans des camps de travail à proximité des zones de combat en Afrique du Nord. • En Europe orientale, l’Armée rouge continue son avance vers l’ouest. • Breckinridge Long et ses partisans au Département d’État, notamment Borden Reams et Robert Alexander, retardent l’autorisation de transférer des fonds juifs destinés à permettre l’évasion de 70 000 Juifs de Roumanie (plan Riegner). Ces fonctionnaires du Département d’État s’inquiètent « d’une éventuelle réussite » du plan Riegner. • Abrasha Blum, organisateur de la résistance armée dans le ghetto de Varsovie et membre du Comité de coordination des organisations juives, est abattu par les Allemands après 1943 Un Juif est chassé de son bunker pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie. Même après la destruction totale du ghetto, des Juifs tentèrent de se cacher. Pour contrer ces efforts, le commandant SS Jürgen Stroop ordonna à ses soldats d’employer tous les moyens nécessaires pour faire sortir les Juifs de leurs cachettes. Les soldats utilisèrent alors lance-flammes, gaz et grenades. Le Rapport Stroop fut publié pour la première fois en 1960. Ce document de 75 pages décrit en détail la destruction du ghetto de Varsovie et fait l’éloge du rôle joué par l’auteur, le commandant Jürgen Stroop, dans ce processus. Ses comptesrendus au jour le jour et ses communiqués traduisent la brutalité impitoyable avec laquelle il traita les Juifs. Le 16 mai 1943, Stroop rapporta que l’opération était achevée et que « le quartier juif de Varsovie n’exist[ait] plus. » avoir été interné et torturé. • 1er mai 1943 : De nombreux membres de la communauté juive de Brody, en Ukraine, sont assassinés au camp de la mort de Majdanek. • Des écrivains et artistes juifs, inspirés par le soulèvement du ghetto de Varsovie, se réunissent dans le ghetto de Vilnius (Lituanie) pour une soirée de poésie sur le thème plein d’espoir du « printemps dans la littérature yiddish. » • Les Alliés commencent à chasser les Allemands de Tunisie. • Réagissant à la révolte des Juifs du ghetto de Varsovie, Joseph Goebbels, ministre allemand de la Propagande, note dans son journal : « De durs combats y sont engagés qui conduiront même le haut commandement juif à publier des communiqués • MORT ET RÉSISTANCE Mordekhaï Anielewicz Dirigeant du soulèvement du ghetto de Varsovie, Mordekhaï Anielewicz mena personnellement les attaques contre les Allemands avant d’être tué, le 8 mai 1943. Lorsque les Allemands envahirent la Pologne, Anielewicz milita dans un mouvement clandestin. Les campagnes nazies contre les Juifs tournant au génocide, Anielewicz organisa un mouvement de résistance armée. Revenu à Varsovie à l’automne 1942, Anielewicz prit le commandement de l’Organisation juive de combat (ZOB) et travailla sans relâche pour se procurer des armes. Pendant les grandes déportations de janvier 1943, le groupe d’Anielewicz combattit les soldats allemands dans les rues. Lorsqu’une nouvelle vague de déportations commença en avril, Anielewicz et le ZOB lancèrent une révolte de grande envergure. Peu avant sa mort, Anielewicz écrivit : « Mon rêve de toute une vie s’est réalisé. J’ai vécu pour voir la Résistance juive dans le ghetto dans toute sa grandeur et toute sa gloire. » quotidiens. Bien sûr, cette plaisanterie ne durera pas très longtemps. Mais elle montre ce qu’on peut attendre des Juifs lorsqu’ils sont en possession d’armes. » • 2 mai 1943 : Quatre mille Juifs de Miedzyrzec Podlaski, en Pologne, sont assassinés au camp de la mort de Treblinka. • 4 000 autres Juifs sont massacrés à Luków, en Pologne. 449 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Yitzhak Zuckerman Né à Vilnius, en Lituanie, Yitzhak Zuckerman rejoignit un mouvement de jeunesse sioniste, se consacrant à enseigner l’hébreu et le yiddish aux jeunes Juifs. Après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, il se rendit dans la région occupée par l’Union soviétique, mais les dirigeants sionistes lui demandèrent par la suite de revenir pour continuer son enseignement et pour organiser la résistance juive. Zuckerman soutenait que l’éducation des jeunes « n’avait aucun sens… à moins… qu’une force d’autodéfense juive armée ne se constitue. » Ses appels à la résistance armée furent d’abord rejetés par les dirigeants du ghetto de Varsovie. Il devint l’un des fondateurs de Zydowska Organizacaja Bojowa (ZOB, Organisation juive de combat) et fut l’un des héroïques commandants de la révolte du ghetto de Varsovie. Ayant reçu l’ordre de quitter le ghetto pour établir la liaison avec la Résistance polonaise et obtenir des armes, il retourna dans le ghetto par les égouts, au cours des derniers jours, pour sauver des survivants. Zuckerman mourut en 1981. 1943 450 • 3 mai 1943 : Les troupes allemandes du quartier « aryen » de Varsovie arrêtent et tuent 21 femmes juives ou suspectées de l’être. • Un Juif nommé Rakowski, dirigeant de la résistance au camp de la mort de Treblinka, est abattu lorsque l’argent destiné à soudoyer des Ukrainiens pour l’aider, lui et d’autres, à s’évader, est découvert dans son baraquement. Raser le ghetto de Varsovie permit aux nazis d’appréhender des milliers de résistants. La plupart des Juifs qui se cachaient dans les bunkers, comme ces deux hommes, furent soit tués, soit capturés. Les dernières heures et les dernières minutes de la résistance des bunkers furent terribles et féroces : cacophonie de cris et de coups de feu venant d’en haut, bruits de pas se rapprochant et l’inévitable découverte qui aboutissait à des échanges de feu ou de combats suicidaires à mains nues qui entraînaient les résistants à sortir en clignant des yeux à la lumière du jour. Sur cette photo, les Juifs ont été expulsés des bunkers et attendent leur sort – probablement la déportation à Treblinka. • 4 mai-25 mai 1943 : Au cours de quatre opérations, 8 000 Juifs des Pays-Bas sont déportés vers les camps de la mort d’Auschwitz et Sobibor. • 6 mai 1943 : Hajj Amin al-Husseini, grand mufti de Jérusalem, suggère au ministre bulgare des Affaires étrangères que les enfants juifs bulgares soient envoyés en Pologne plutôt qu’en Palestine. • En Tunisie, les 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Ruines de la synagogue de la rue Tlomacka, à Varsovie, dite la « Grande synagogue ». C’est tout ce qui restait après l’ordre de démolition donné en mai 1943 par Jürgen Stroop. Cette synagogue était située dans l’enceinte du ghetto jusqu’en novembre 1942, lorsque la taille du ghetto fut considérablement réduite. Le fait que la synagogue se soit trouvée côté aryen lorsque le ghetto fut rasé n’empêcha pas Stroop d’ordonner sa destruction en représailles contre le soulèvement du ghetto. Le 2 mai 1943, 3 000 Juifs de Miedzyrzec Podlaski, en Pologne – un ghetto de transit – furent déportés à Treblinka. 200 Juifs seulement, nécessaires pour le travail forcé, demeurèrent. Ici, des femmes juives, dont plusieurs portent des enfants, sont brutalement contraintes d’entrer dans un wagon à bestiaux. Au mois d’août 1942, des milliers de Juifs de Miedzyrzec Podlaski furent envoyés au camp de la mort ; 10 000 autres furent déportés en octobre. Enfin, en juillet 1943, les 200 derniers Juifs furent abattus, rendant la ville judenrein (sans Juifs). forces alliées lancent une ultime offensive contre les forces de l’Axe. • 7 mai 1943 : Près de 7 000 Juifs sont assassinés à Novogrudok, en Biélorussie. • Un groupe de combattants juifs du ghetto de Varsovie, sous la direction de Pawel Bruskin, tombe dans une embuscade tendue par les troupes allemandes alors qu’il traverse les égouts de la ville ; voir 8 mai 1943. • En Tuni- sie, les maisons de Juifs séfarades sont mises à sac et pillées par les troupes allemandes sur le départ. • 8 mai 1943 : Dans le ghetto de Varsovie, des troupes allemandes parviennent au QG de la Résistance. Le dirigeant Mordekhaï Anielewicz et une centaine de ses hommes sont écrasés, asphyxiés ou se suicident pendant que les nazis envoient Les membres des Sonderkommandos assistaient les nazis pour sauver leur vie (du moins temporairement). Ils n’en étaient pas moins souvent haïs par les Juifs condamnés à mourir. Un enfant âgé de sept ou huit ans aurait demandé à un membre d’un Sonderkommando de Birkenau : « Pourquoi, vous êtes juif, et vous menez de gentils enfants au gaz, seulement pour vivre ? Votre vie parmi cette bande d’assassins est-elle plus précieuse pour vous que celles de tant de victimes juives ? » bombes et gaz ; voir 12 mai 1943. • 9 mai 1943 : Extermination de la communauté juive de Skalat, en Ukraine. • 10 mai 1943 : Cachés dans une meule de foin, deux Juifs réussissent à sortir de Dobele (Lettonie). 451 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Jürgen Stroop Le général Jürgen Stroop se rendit célèbre par la férocité avec laquelle il réprima le soulèvement du ghetto de Varsovie d’avril-mai 1943. En reconnaissance des services rendus au Troisième Reich, Stroop reçut la Croix de fer 1ère classe. En avril 1943, Stroop (à gauche sur la photo) reçut l’ordre d’expulser les 56 000 Juifs demeurant dans le ghetto de Varsovie et de réprimer la révolte qui venait d’éclater. Il s’acquitta de sa tâche avec une efficacité impitoyable. Plus de 2 000 SS et unités de l’armée envahirent le ghetto qui fut systématiquement détruit, maison par maison. Le rapport détaillé qu’il rédigea sur ses activités atteste de sa dureté et de son insensibilité. Le 16 mai, Stroop annonça que « l’opération » était terminée et que « le quartier juif n’exist[ait] plus ». Stroop fut condamné à mort par un tribunal polonais et exécuté le 8 septembre 1951. 1943 452 Un bataillon finlandais de la Waffen SS rentre chez lui après une action sur le front soviétique. Cette unité de Freiwillige (volontaires) fut l’un des nombreux groupes non allemands qui rejoignirent la Waffen SS. Leurs convictions antirusses furent exploitées par le régime nazi au profit de l’effort de guerre et pour faciliter la « solution finale ». Une famille internée au camp tsigane de Marzahn, en Allemagne, attend de connaître son sort. Les déportations en masse à Auschwitz commencèrent en février 1943, lorsqu’un « camp familial » pour Tsiganes fut créé au camp de la mort de Birkenau. Les conditions effroyables qui y prévalaient condamnèrent à mort des milliers de personnes, tandis que Josef Mengele menait d’atroces « expériences médicales » sur des jumeaux tsiganes. • 12 mai 1943 : Frania Beatus, résistante dans le ghetto de Varsovie, se suicide à l’âge de dix-sept ans, plutôt que de se rendre aux nazis. • Suicide à Londres du Juif polonais Samuel Artur Zygelbojm, une personnalité du parti social-démocrate d’avantguerre, après une campagne infructueuse menée pendant près d’un an en faveur des Juifs pris au piège dans le ghetto de Varsovie, notamment sa femme et son fils adolescent. Sa mort est rapportée par la presse qui omet délibérément de mentionner le mot laissé avant son suicide, condamnant les Alliés pour leur indifférence devant le sort des Juifs. •13 mai 1943 : Hans Frank, gouverneur général de la Pologne occupée, envoie au chef des SS Heinrich Himmler une liste d’objets 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Cette broche en tissu, en forme de fleur, fut confectionnée par une jeune fille de Varsovie internée au camp de concentration de BergenBelsen en Allemagne. Sa codétenue Sala Spett reçut cette broche en cadeau de son mari et de ses enfants en mai 1943. Les membres de la famille avaient échangé une tranche de pain pour cette broche, ce qui signifiait une journée de famine. « Ma sœur Bracha, qui était enceinte, sanglotait. Elle avait environ 28 ans. “Mais mon bébé n’est pas encore né, il n’a jamais fauté. Pourquoi est-il condamné” ? » —Zvi Szner, un rescapé Ces femmes juives et leurs bébés furent photographiés à la Maternité Rothschild de Paris. Sur ce groupe de 40, toutes sauf une, Fanny Kraus, qui réussit à s’évader avec son enfant – furent conduites à Auschwitz en mai 1943. Elles faisaient partie des quelque 50 000 Juifs de France déportés vers l’Europe orientale en juin 1943. La plupart périrent dans les chambres à gaz d’Auschwitz et de Chelmno. personnels et d’objets de valeur volés aux Juifs, entre autres, 25 000 stylos à encre et 14 000 paires de ciseaux. • Reddition des troupes allemandes et italiennes en Tunisie. • 16 mai 1943 : Le SS-Brigadeführer Jürgen Stroop rapporte la liquidation finale du ghetto de Varsovie, bien que quelques Juifs s’y cachent encore ; voir 3 juin 1943. • 15 mai 1943 : La police juive du • 17 mai 1943 : 395 Juifs de Berlin ghetto de Rohatyn, en Pologne, décide de se procurer des armes pour se défendre ; voir 6 juin 1943. sont déportés au camp d’extermination d’Auschwitz. • 18 mai 1943 : Presque tous les habitants du village polonais de Szarajowka sont abattus ou brûlés vifs par les SS, les soldats de la Wehrmacht et les agents de la Gestapo. Après le massacre, le village est rasé. • 19 mai 1943 : À la Chambre des Communes, Eleanor Rathbone attaque courageusement le gouvernement bri453 1943 • MORT ET RÉSISTANCE I.G. Farben L’industrie allemande s’aligna rapidement sur les nazis et conclut un pacte diabolique avec Heinrich Himmler et la SS. En tant qu’entreprise la plus puissante du Troisième Reich, I.G. Farben entretint la machine de guerre allemande, bénéficiant en retour d’énormes profits. Depuis les produits chimiques aux explosifs, I.G. Farben alimenta les nazis en une grande variété de produits. Pour l’encourager à construire des usines à Auschwitz, I.G. Farben bénéficia d’exemptions fiscales et reçut la promesse d’un approvisionnement quasi illimité en main-d’œuvre servile. Pour sceller le pacte, les SS acceptèrent de fournir à cette entreprise quelque 10 000 prisonniers qui furent employés à la construction. Grâce à I.G. Farben, les SS obtinrent des contrats lucratifs qui permirent à Himmler et à ses acolytes de poursuivre leurs propres objectifs financiers. Vers la mi-1944, I.G. Farben, avec ses 11 000 travailleurs réduits en esclavage, était le principal employé d’Auschwitz. Certains travaillaient dans les mines voisines qui fournissaient le charbon pour produire de l’essence synthétique et du caoutchouc de synthèse. D’autres étaient directement employés à la production de caoutchouc synthétique Buna, au camp annexe de Monowitz. L’entreprise alimentait également la machine de mort des nazis : par DEGESCH, une société qu’elle contrôlait partiellement, I. G. Farben fournissait du Zyklon B pour les chambres à gaz d’Auschwitz. 1943 454 Des prisonnières travaillent dans une usine appartenant à la société AGFA, l’une des nombreuses entreprises dépendant du conglomérat I.G. Farben. Les industries allemandes qui soutenaient l’effort de guerre du régime nazi bénéficiaient d’un accès à la main d’œuvre servile. Plusieurs centaines de milliers de personnes furent chassées de chez elles, relogées en Allemagne et astreintes à travailler dans des usines allemandes liées à l’effort de guerre. Les soldats britanniques et américains continuèrent à enregistrer des victoires en Tunisie malgré la violence des combats contre les troupes allemandes menées par le maréchal Erwin Rommel et le général Jürgen von Arnim. La nouvelle de l’immense défaite essuyée à Stalingrad, en Russie, démoralisa certains soldats allemands qui commencèrent à réaliser que la guerre serait peut-être perdue. Ici, un prisonnier allemand, capturé près de Sejenane, dans le nord de la Tunisie, garde les mains en l’air au cours de la fouille. tannique pour son attitude défaitiste lors de la conférence des Bermudes et souligne que les Alliés sont responsables de la mort de chaque Juif qu’ils refusent d’aider. • Heinrich Himmler, chef des SS, envoie au chef du bureau de la Sûreté du Reich, Ernst Kaltenbrunner, des exemplaires du Meurtre rituel juif, un livre décrivant des rituels religieux juifs apocryphes. Himmler prévoit d’en distribuer des exemplaires en Roumanie, Hongrie et Bulgarie et d’en radiodiffuser des extraits en Angleterre et aux États-Unis. • 21 mai 1943 : Conduits vers un train, trois mille Juifs de Brody (Ukraine) se révoltent, tuant quatre Ukrainiens et quelques Allemands. De nombreux Juifs parviennent à s’évader du train, mais sont mitraillés. Les autres sont 1943 Bernard Geron (tout à fait à droite) était un enfant juif caché dans une famille néerlandaise, les Dufour. La gouvernante de la famille (photo) savait qu’il était juif, mais garda le secret. Geron survécut à la guerre et retrouva son père et son frère ; sa mère avait péri. • MORT ET RÉSISTANCE Mai 1943 marqua un renouveau de l’effort des nazis pour déporter les Juifs néerlandais. Ni l’âge, ni l’invalidité ne donnaient de sursis. Ici, des membres de l’Ordedienst (police juive), composée à son apogée de quelque 200 jeunes néerlandais et allemands, transportent une vieille femme jusqu’au train. Environ 100 000 Juifs passèrent par Westerbork, aux Pays-Bas, avant de partir pour l’Est, la plupart pour Auschwitz et Sobibor. L’enseignant d’un heder (école religieuse juive) dialogue avec ses élèves du quartier juif de Casablanca, au Maroc. La plupart des Juifs marocains, au nombre de 200 000, vivaient dans la partie du pays sous contrôle français. Au début de la guerre, les Juifs marocains furent victimes de violences perpétrées par les nationalistes français. Les Juifs furent agressés et bon nombre furent déportés dans des camps de travail. tués à leur arrivée au camp de la mort de Majdanek. • Des membres de la communauté juive de Drogobych, en Ukraine, sont exterminés dans la forêt de Bronica. • 23 mai 1943 : Au cours d’Aktionen, les nazis massacrent des milliers de Juifs ukrainiens à Przemyslany et Lvov. • 24 mai 1943 : Un groupe de partisans juifs, organisé par Judith Nowogrodzka, s’évade du ghetto de Bialystok, en Pologne. Cette évasion est dirigée par Szymon Datner. • Les Allemands mettent fin à leurs attaques par sous-marins des convois alliés dans l’Atlantique. • 27 mai 1943 : Les Juifs de Sokal, en Ukraine, sont déportés au camp de la mort de Belzec. • Trois mille Juifs sont massacrés à Tolstoye, en Ukraine. • 30 mai 1943 : Le docteur Josef Mengele, capitaine SS, arrive au camp de la mort de Auschwitz-Birkenau pour assumer ses fonctions médicales. • 31 mai 1943 : Le général SS Friedrich Wilhelm Krüger déclare à ses 455 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Un groupe de vieux Juifs séfarades se réunit dans le quartier juif de Salonique, en Grèce. Ces rencontres religieuses et sociales allaient bientôt prendre fin, les nazis commençant à imposer de sévères restrictions en 1943. Les premières déportations à Auschwitz suivirent à la mi-mars. Vers la mi-août, près de 50 000 Juifs avaient été envoyés à Auschwitz et Treblinka, où près de 80% furent assassinés. Les tentatives des Italiens pour sauver les Juifs de Salonique furent généralement inefficaces ; lorsque les Juifs évitèrent la déportation, ce fut, dans la plupart des cas, parce qu’ils possédaient des passeports délivrés auparavant par la Turquie, l’Italie ou quelques autres nations. Envahie et conquise en 1941, Salonique, qui abritait la plupart des Juifs de Grèce, se retrouva dans un nouvel État grec dirigé par un gouverneur pronazi. Les Allemands harcelèrent la communauté juive, exigeant travail et argent. Fin 1942, ils menacèrent de détruire l’ancien cimetière juif si un montant colossal ne leur était pas versé. Les Juifs collectèrent une grande partie de la somme requise à la date fixée, mais les nazis n’en mirent pas moins leur menace à exécution. Les pierres tombales retirées du cimetière juif de Salonique servirent à paver des passages et les nazis profanèrent et détruisirent le reste du cimetière. 1943 456 associés au cours d’une réunion à Cracovie (Pologne) que, bien que désagréable, l’élimination des Juifs est « nécessaire du point du vue des intérêts de l’Europe. » • L’administrateur nazi d’une prison de Minsk, en Biélorussie, rapporte que 516 Juifs allemands et russes ont été assassinés fin mai, leurs couronnes en or et leurs plombages leur ayant été retirés avant leur mort. • Juin 1943 : Des Juifs de Dalmatie, en Serbie, sont transférés dans l’île de Rab, au large de la côte croate. • Début juin 1943 : Au cours d’une série d’agressions et de meurtres à Janówska, en Ukraine, 10 000 Juifs de Lvov périssent. 1943 Un Joseph Goebbels morose est assis devant le texte d’une émission de radio destinée à la population allemande. La défaite de l’Allemagne devant Stalingrad (Russie) et la victoire des Alliés en Tunisie rendirent le travail de Goebbels de plus en plus difficile durant 1943. Les communiqués de victoire, qui avaient constitué l’essentiel de la radio nationale allemande dans les premières années de la guerre, se firent de plus en plus rares. • MORT ET RÉSISTANCE « En ce qui nous concerne, nous avons brûlé tous les ponts derrière nous. Nous ne pouvons plus revenir en arrière, d’ailleurs, nous ne le souhaitons pas. Nous resterons dans l’histoire comme les plus grands hommes d’État de tous les temps ou comme ses plus grands criminels. » —Joseph Goebbels, article paru dans Das Reich, 1943 Après des représailles à Pancero, en Serbie, un soldat allemand fait signe avec insouciance au photographe tandis que les victimes se balancent à côté. Soucieux de prendre le dessus dans les territoires conquis, les nazis réagissaient rapidement aux révoltes locales. Les exécutions – souvent aveugles – étaient courantes. Sont représentées ici des armes, notamment des couteaux et des revolvers, du ghetto de Lvov. Les nazis découvrirent les armes en juin 1943, alors qu’ils tentaient de liquider le camp de travail de Lvov de ses derniers Juifs. Malgré l’immense supériorité numérique des unités de police allemandes et ukrainiennes qui encerclaient le ghetto, les Juifs choisirent la résistance, tuant plusieurs ennemis et en blessant une quinzaine. • 1er-6 juin 1943 : Pendant la liquida- tion du ghetto de Sosnowiec, en Pologne, la Résistance est animée par Zvi Dunski. Mal armés, les Juifs se battirent alors que les déportations commençaient. • Liquidation du ghetto de Buczacz, en Ukraine. Quelques Juifs résistent et s’évadent. • 3 juin 1942 : Dans le ghetto de Varsovie, les soldats allemands détruisent un bunker de la rue Walowa qui cachait 150 Juifs ; voir septembre 1943. • Près de Michalowice, en Pologne, les Allemands tuent deux paysans polonais qui avaient sauvé et caché trois réfugiés juifs dans une grange. • 5 juin 1943 : 1 266 enfants juifs âgés de moins de 16 ans, de Vught, aux PaysBas, sont déportés au camp de la mort de Sobibor et gazés à leur arrivée. • À Minsk Mazowiecki, en Pologne, plus de 100 travailleurs juifs de l’usine Rudzki sont abattus. • 6 juin 1943 : Jacob Gens, le chef du Conseil juif de Vilnius, affirme que les Juifs de la ville amélioreront leur chance de survie s’ils donnent la preuve de leur utilité en tant que travailleurs. • Les Allemands exécutent les 1 000 Juifs restant dans le ghetto de Rohatyn 457 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Josef Mengele Le sinistre « Ange de la mort », Josef Mengele, trancha le sort de plusieurs milliers de Juifs acheminés à Auschwitz. Médecin-chef du camp d’extermination, Mengele supervisa les sélections pour les chambres à gaz et procéda à d’atroces expériences médicales. Diplômé de médecine de l’université de Francfort-sur-le-Main en 1938, il travailla avec l’équipe de l’Institut de biologie héréditaire et de recherche sur la race où il se spécialisa dans l’étude des jumeaux et la raciologie. Pendant la guerre, Mengele rejoignit la Waffen SS et fut médecin militaire en France et en Russie. Il fut nommé médecinchef d’Auschwitz en mai 1943. À Auschwitz, Mengele poursuivit sa recherche pseudo scientifique, sélectionnant personnellement des victimes dans le flot continuel des arrivées au camp. Les personnes présentant des difformités étaient immédiatement tuées et envoyées au laboratoire de Mengele pour étude. Tous les jumeaux devinrent des sujets de ces expériences douloureuses et absurdes. Après la guerre, Mengele fut libéré par erreur par les autorités américaines et partit ensuite à Buenos Aires, en Argentine. Il se serait noyé en 1978. Une équipe internationale de médecins légistes pratiquèrent une autopsie sur le corps exhumé en 1985 et conclurent qu’il était fort probable qu’il s’agisse des restes de Mengele. 1943 458 Natzweiler-Struthof, situé près de Strasbourg, était l’un des camps de concentration les plus petits. Les détenus travaillaient dans la carrière de granit et clandestinement, fabriquaient des armes. En 1943, une chambre à gaz fut construite au camp, payée par l’Institut d’anatomie de Strasbourg. Des Juifs et des Tsiganes furent transférés d’Auschwitz pour servir de sujets à diverses expériences insensées, après lesquelles ils furent gazés et incinérés ; on voit ici le four crématoire. Ce dessin, esquissé par un détenu d’Auschwitz inconnu, décrit le médecin SS Josef Mengele en train de sélectionner les malades et les faibles pour l’extermination. Mengele, à l’instar des autres médecins du camp, joua un rôle essentiel dans le processus de meurtre en choisissant ceux qui allaient mourir immédiatement et ceux qui mourraient au travail. Ce dessin se trouve aujourd’hui au musée d’Auschwitz. (Pologne), après la découverte par les autorités allemandes d’un complot des policiers juifs du pays visant à acquérir des armes. • 7 juin 1943 : Le docteur Klaus Clauberg d’Auschwitz rapporte que l’équipement destiné à stériliser 1 000 femmes juives par jour est en cours d’installation. • 8 juin 1943 : Anéantissement de la communauté juive de Zbaraz, en Ukraine. • 11 juin 1943 : Le chef des SS Heinrich Himmler donne l’ordre d’accélérer la déportation des Juifs des ghettos polonais vers les camps de la mort. • 12 juin 1943 : Extermination de la communauté juive de Berezhany, en 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Alors que les bombardements alliés continuaient à mettre hors service ou à détruire les usines en territoire allemand, les industriels allemands cherchèrent de nouveaux emplacements où la maind’œuvre servile pourrait maintenir la production. Après le bombardement de l’usine Krupp de détonateurs à Essen, en mars 1943, une nouvelle usine Krupp fut construite à Auschwitz. Ces travailleurs sont astreints au sale travail. Avec, au premier plan, un Winston Churchill bienveillant sur fond de tanks et d’avions, cette affiche appelle les membres du yishouv (communauté juive en Palestine) à rejoindre l’effort de guerre pour vaincre les puissances de l’Axe. Après avoir hésité à créer une division de combat juive séparée, les Britanniques constituèrent en 1940 des compagnies d’infanterie et des batteries d’artillerie côtières intégrées à leurs forces en Palestine. Ukraine. • Dans le ghetto de Lodz, en Pologne, les chefs de la police juive sont contraints d’assister à l’exécution par les nazis d’évadés du ghetto repris : Hersch Fejgelis, 23 ans, Mordekhaï Standarowicz, 29 ans et Abram Tandowki, 31 ans. • 15 juin 1943 : Ouverture d’un camp de travail dans les mines de charbon Hans Frank (à droite), gouverneur général de la Pologne occupée, accueille le chef des SS, Heinrich Himmler, à un dîner offert au château Wewel de Cracovie, en Pologne, en juin 1943. Frank s’opposa au contrôle total par Himmler du « problème juif » en Pologne et à la décision d’utiliser le Generalgouvernement comme un dépotoir pour les Juifs. Les protestations qu’il adressa à Hitler ne servirent à rien, la SS de Himmler détenant l’autorité suprême en matière de « solution finale ». de Jaworzno, en Pologne, près d’Auschwitz. • Le général SS Richard Glücks, chef de l’inspection des camps de concentration, ordonne que les bâtiments sensibles d’Auschwitz soient déplacés à l’abri des regards indiscrets. • Des centaines de Juifs réduits en esclavage sont contraints d’exhumer les corps d’autres Juifs des fosses de Janówska, près de Lvov, en Ukraine, de les dépouiller des bijoux et couronnes dentaires en or, puis de brûler les corps pour détruire toute trace de meurtres. • 16 juin 1943 : Le chef des SS Heinrich Himmler autorise un transfert de prisonniers juifs du camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau au camp de concentration de Sachsenhausen, en Allemagne pour des expériences médicales sur la jaunisse. • Le 459 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Ces corps attendent l’incinération dans les fours du camp de concentration de Mauthausen, en Autriche, où environ 103 000 personnes périrent entre 1938 et 1945. Un survivant de ce camp, George E. King, déclara qu’il avait souvent rêvé de s’évader. « Vous produisez ces efforts terribles pour tenter de vous évader, dit-il à propos de ses rêves. Dans ces cas-là, vous avancez toujours par un mouvement lent, comme si vous étiez pris dans la boue jusqu’aux hanches… Vous faites un maximum d’effort pour courir, mais vous remuez à peine. » Au camp de concentration de Mauthausen, en Autriche, les kapos et un garde allemand considèrent le corps d’un détenu qu’ils viennent de battre à mort. Selon des témoins oculaires, le prisonnier était sorti des baraquements en titubant, pour recevoir un traitement médical, comportement que ses gardiens avaient jugé offensant et méritant une mort douloureuse et horrible. Cette chemise fut portée par le chef d’un groupe de Tsiganes roumains connu sous le nom de Calderai. Comme d’autres Tsiganes, le propriétaire, Gheorge Ciaoba, portait des vêtements aux couleurs vives à certaines occasions. Cette chemise date des années 1942 à 1945, années durant lesquelles les nazis persécutèrent violemment les Tsiganes, souvent (et aisément) identifiables par leurs vêtements. 1943 460 docteur Niuta Jurezkaya, une femme médecin qui s’était évadée du ghetto de Minsk dans les forêts voisines, est reprise, torturée et abattue. • À Berlin, 200 patients de l’hôpital juif de la ville sont déportés au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. • Les autorités allemandes déclarent Berlin judenrein (sans Juifs). • 20 juin 1943 : Cinq mille Juifs d’Amsterdam sont déportés à Auschwitz. • Liquidation du ghetto de Ternopol, en Ukraine. • 21 juin 1943 : Le chef des SS Heinrich Himmler ordonne la liquidation de tous les ghettos en Union soviétique. • Les derniers Juifs du ghetto de Lvov (Ukraine) sont traqués et massacrés, y 1943 Le succès du début de l’opération Barbarossa aboutit à un nombre gigantesque de prisonniers de guerre soviétiques que les nazis traitèrent comme des sous-hommes. Un grand nombre d’entre eux furent exécutés ou moururent au cours de longues marches de la mort ; tous souffrirent atrocement de la faim et des privations. Si leur identité était découverte, les soldats juifs étaient voués à la mort ou envoyés dans des stalags et des camps d’extermination comme Sobibor. Cet homme décharné, un prisonnier de guerre juif, est identifié par l’étoile de David qu’il fut contraint de porter. • MORT ET RÉSISTANCE Initiation dans les camps Le passage à la vie dans un camp de concentration constituait une expérience perturbante et bouleversante. Depuis le moment où l’on pénétrait dans le Lager, toute la routine quotidienne devait être repensée. Ne pas s’adapter, c’était se condamner. Privés de nourriture, d’eau et d’installations sanitaires depuis plusieurs jours, les nouveaux arrivants étaient momentanément soulagés lorsque les portes de leurs wagons s’ouvraient brusquement et qu’ils recevaient l’ordre de descendre. Ce soulagement était cependant de courte durée. Dans certains camps, des officiers SS en uniformes noirs impeccables ordonnaient aux nouveaux arrivants d’aller à gauche ou à droite, vers la vie ou vers la mort. Les gardes accueillaient les détenus à coups de crosse de fusil et de matraques, tandis que des silhouettes émaciées en tenues rayées regroupaient les prisonniers vers leurs destinations. Une fois dans le camp, les nouveaux arrivants étaient rasés, tatoués (dans certains camps) et abandonnés dans un environnement totalement étranger. Pour survivre, les détenus devaient oublier tout ce qu’ils avaient connu dans une société civilisée et apprendre les mœurs du Lager. ils devaient se déplacer avec la foule, éviter de se distinguer et, chaque fois que c’était possible, se procurer une ration supplémentaire de nourriture. Les détenus avaient très peu de temps pour apprendre les nouvelles règles de leur nouvel environnement. En quelques jours, ces êtres humains devenaient des victimes anonymes du régime nazi. Une passerelle enjambant la rue Paneriu relie les deux ghettos de Kovno (Lituanie), le grand et le petit. En juin 1943, le ghetto de Kovno fut converti en camp de concentration et les 4 000 habitants furent transférés dans des petits camps situés hors de la ville. En même temps, un groupe de Résistance, l’Organisation juive de combat, fut constitué pour faciliter le départ des Juifs du ghetto et leur entraînement aux activités des partisans. compris les 350 à 500 découverts dans les égouts de la ville. • Assassinat de tous les travailleurs juifs des usines municipales de Drogobych, en Ukraine. • Le professeur allemand August Hirt choisit 103 Juifs d’Auschwitz, hommes et femmes, pour les transférer au camp de Natzweiler-Struthof, situé près de Strasbourg. Ils y sont gazés. Les parties molles des corps sont enlevées et les squelettes sont suspendus sur une corde à l’Institut anatomique du Reich de Strasbourg pour l’étude de la race juive ; voir 25 octobre 1943. prisonniers et ordonne que les autres soient emmenés pour être exécutés. Un non Juif, Jan Nakonieczny, réussit à cacher cinq Juifs dans son minuscule poulailler. • 23 juin 1943 : La police ukrainienne encercle une école juive à Czortków, en Ukraine où sont hébergés 534 travailleurs juifs réduits en esclavage. Le commandant du camp, Thomanek, abat plusieurs • 25 juin 1943 : La Résistance juive armée se manifeste à Lvov, en Ukraine, et à Czestochowa, en Pologne. • Ouverture d’un nouveau four crématoire à Auschwitz-Birkenau. 461 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La technologie de la mort Inaccessible aux chercheurs occidentaux jusqu’à l’effondrement de l’URSS, le dossier 17/9 des services de renseignement de l’Armée rouge attira l’attention de l’historien Gerald Fleming en mai 1993. Il contenait des informations sur Kurt Prüfer, Fritz Sander et d’autres ingénieurs allemands employés par Topf und Söhne (Topf et fils) dont la production comprenait des fours crématoires dans les camps nazis de Buchenwald, Dachau, Mauthausen, GrossRosen et Auschwitz-Birkenau. Fin 1944, les Allemands détruisirent les équipements et les rapports d’Auschwitz-Birkenau, mais cette usine de la mort était trop vaste pour être dissimulée. Lorsque l’Armée rouge libéra les camps deux mois plus tard, des preuves accablantes, selon les mots de Fleming, montraient « la construction d’une technologie de la mort en masse, comprenant les coûts précis des fours crématoires 1943 et les calculs sur le nombre de corps que chacun pourrait incinérer par jour. » Ainsi, tout en fournissant un document sur l’arrestation de Prüfer et Sander par l’Armée rouge, le dossier 17/9 contenait la transcription des interrogatoires qui suivirent. Minutieusement planifiée, la construction des quatre unités de chambres à gaz-fours crématoires d’Auschwitz-Birkenau prit un temps considérable, en grande partie à cause des contraintes du temps de guerre. Topf ne fut que l’une des 11 entreprises civiles nécessaires pour les produire. Utilisant la main-d’œuvre des détenus, la construction commença durant l’été 1942, mais il fallut près d’un an avant que la dernière unité soit opérationnelle. Chacune comprenait un vestiaire, une chambre à gaz et une pièce contenant les fours crématoires de Topf. Ces endroits étaient destinés à tuer des milliers de Juifs par jour. Au point, précisa Prüfer à ses enquêteurs de l’Armée rouge, que « les briques furent endommagées au bout de six mois parce que les fours étaient mis à rude épreuve. » • 29 juin 1943 : Au sud de Varsovie, cinq Polonais sont fusillés pour avoir caché quatre Juifs. Ces derniers sont également abattus. • Au camp de travail de Biala-Waka, près de Vilnius, en Lituanie, 67 détenus sont abattus en représailles à l’évasion de six Juifs dans une forêt voisine. • Fin juin 1943 : Les habitants d’une 462 « De 1940 à 1944, déclara Prüfer, 20 fours crématoires pour les camps de concentration furent construits sous ma direction. » Son travail l’amena à Auschwitz à cinq reprises et il savait que « des êtres humains innocents y étaient liquidés ». C’était le cas également de l’un des supérieurs de Prüfer, Sander, spécialiste de la ventilation dans les fours crématoires, qui fut amené à se rendre à Auschwitz à trois reprises dans le cadre de son travail chez Topf. Les interrogatoires de l’Armée rouge montrent que, fin 1942, Sander soumit les plans d’un four crématoire d’une capacité encore plus importante. Bien qu’il n’ait jamais été construit, il aurait utilisé « le principe du tapis roulant », expliqua-t-il. « C’est-àdire, les corps devaient être amenés aux fourneaux d’incinération sans interruption. » Sa tâche, affirma Sander le 7 mars 1946, avait consisté à utiliser « ses compétences de spécialiste… pour aider l’Allemagne à gagner la guerre, tout comme un ingénieur en aéronautique construit des avions en temps de guerre, lesquels induisent également la destruction d’êtres humains. » Moins de trois semaines plus tard, Sander, détenu par l’Armée rouge, mourut d’une crise cardiaque. Condamné à une peine de « 25 ans de privation de liberté », Prüfer mourut d’une hémorragie cérébrale, le 24 octobre 1952. maison de retraite juive sont déportés au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. • Juillet 1943 : Au cours d’une émission à la radio américaine, le membre du Congrès juif Emanuel Celler condamne le gouvernement américain qui garde le silence devant le traitement réservé aux Juifs européens par les nazis. • La Ligue internationale 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Ces Juifs d’Amsterdam sont pris dans une rafle et seront déportés à Auschwitz en 1943. De nombreux citoyens néerlandais vinrent en aide aux 110 000 Juifs et 30 000 immigrants juifs résidant aux PaysBas. Cependant, de nombreux Néerlandais du gouvernement et des forces de police collaborèrent avec les Allemands. La dernière rafle, qui prit au piège 5 000 Juifs, eut lieu en septembre 1943. Ces superbes pianos à queue faisaient partie des objets confisqués par les nazis aux Juifs de Prague (Tchécoslovaquie) et d’autres villes. Le génocide perpétré contre les Juifs européen s’accompagna d’une expropriation systématique des biens juifs. Tout ce qui pouvait avoir une certaine valeur était saisi, enregistré et acheminé dans un entrepôt. Considérant le photographe avec méfiance, ces enfants néerlandais du quartier de Kallenburg, à Amsterdam, se pressent les uns contre les autres, en quête de chaleur et de réconfort. Au fur et à mesure que l’occupation nazie se poursuivait, les conditions se détériorèrent pour tous les civils et notamment pour les plus vulnérables : les enfants et les personnes âgées. La photographe Emmy Andreisse, membre de la Résistance néerlandaise, fixa sur sa pellicule les conditions prévalant aux Pays-Bas sous l’Occupation. des femmes américaines pour la paix et la liberté estime que plusieurs millions de Juifs ont déjà été assassinés par les Allemands en Pologne, et que le gouvernement et le peuple américains ont une part de responsabilité dans ces atrocités parce qu’ils sont des lâches, contents d’eux, recouverts « d’une épaisse couche de préjugés ». • 5 juillet 1943 : Les Allemands lancent une grande offensive à Koursk, en Russie, entamant la bataille de tanks la plus importante de l’histoire ; voir 23 juillet 1943. • Heinrich Himmler ordonne la transformation du camp de la mort de Sobibor en un camp de concentration. • 6 juillet 1943 : Plus de 2 400 Juifs des Pays-Bas sont déportés à Sobibor. • 10 juillet 1943 : Débarquement des Alliés en Sicile. • Plusieurs milliers de Juifs de Lvov, en Ukraine, sont assassinés à Kamenka-Bugskaya. • 11 juillet 1943 : Martin Borman publie, au nom d’Hitler dont il était le secrétaire, une directive de très haut niveau ordonnant que les débats publics sur les Juifs ne mentionnent 463 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Le fusil prêt à servir, Vitka Kempner (à droite) se trouve aux côtés de ses camarades résistantes Zelda Treger et Raisel Kartshak. Parmi les partisans, V. Kempner fut considérée comme exceptionnellement audacieuse. Début juillet 1943, elle se glissa discrètement hors du ghetto de Vilnius (Lituanie) portant une bombe de fabrication artisanale avec laquelle elle fit sauter un train de munitions allemand. Bien que blessée, elle marcha trois jours et trois nuits pour retourner dans le ghetto. Elle poursuivit par la suite ses opérations à partir des forêts, aidant les Juifs réduits en esclavage à s’évader de Keilis, près de Vilnius et à rejoindre d’autres partisans pour détruire une usine. Le grand mufti de Jérusalem, Hajj Amin al-Husseini, favorable à l’Axe, inspecte le fusil d’un volontaire musulman bosniaque de la Waffen SS. En tant que leader des Arabes et des musulmans, al-Husseini considérait les puissances de l’Axe comme un moyen de gagner l’indépendance arabe et de détruire les Juifs. Il ne parvint pas à réaliser son rêve d’une légion arabe indépendante, mais il réussit à persuader quelque 20 000 musulmans bosniaques de rejoindre des unités de volontaires appelées Handjar (Glaive). Incorporées à la Waffen-SS, ces troupes se montrèrent efficaces pour traquer les Juifs et les partisans. Les nazis pendirent 20 prisonniers dans le camp de Buchenwald, en Allemagne, en représailles au meurtre d’un garde allemand. Comme d’habitude, le camp tout entier fut contraint d’assister aux exécutions. Les nazis espéraient que les détenus concluraient qu’une telle résistance ne serait jamais impunie et que des innocents souffriraient en même temps que les rebelles. 1943 464 pas « une future solution générale », mais seulement que les Juifs sont rassemblés pour travailler. • 14-17 juillet 1943 : Ouverture à Krasnodar, dans le Caucase russe, du procès de 13 Soviétiques accusés de collaboration. Huit sont condamnés à mort ; trois sont condamnés à 20 ans de prison et deux sont acquittés. • Mi-juillet 1943 : Les Allemands exécutent le professeur Kurt Huber, un militant antinazi, membre du groupe de résistance des étudiants de Munich, la Rose blanche. • 16 juillet 1943 : À Vilnius, en Lituanie, la police fait irruption dans une réunion des membres de l’Organisation unifiée des partisans et de Jacob Gens, 1943 Sur le balcon de sa villa, le sinistre Amon Goeth, capitaine SS et commandant du camp de travail de Plaszów en Pologne, attend l’occasion de tirer sur un prisonnier juif – n’importe lequel. Un tel « sport » était unique en son genre parmi les commandants du camp et finit par lui coûter la vie, puisqu’il fut jugé par les Polonais après la guerre et exécuté à Cracovie. La passion du commandant Goeth pour ce diabolique passetemps est décrite dans le film La liste de Schindler. • MORT ET RÉSISTANCE Aktion 1005 En 1942, lorsque les Alliés eurent vent des assassinats en masse perpétrés par les nazis – et lorsque des centaines de milliers de corps hâtivement enterrés présentèrent de sérieux risques sur le plan sanitaire – les nazis planifièrent leur opération la plus macabre : rouvrir les fosses communes, exhumer les corps et les brûler. Cette Aktion 1005 fut dirigée par Paul Blobel, l’organisateur du massacre de Babi Yar. Chaque Sonderkommando 1005 fut supervisé par des membres du Service de la Sûreté, la police de Sûreté et la police ordinaire allemande. Des prisonniers, pour la plupart juifs, firent l’essentiel du travail. À partir de juin 1942, les Sonderkommandos brûlèrent les corps qui avaient été abandonnés dans les camps de la mort nazis. En juin 1943, ils arrivèrent aux fosses communes de Pologne et de l’Union soviétique occupée. Les prisonniers furent répartis en trois groupes. Le premier ouvrait les fosses et exhumait les corps. Le second disposait les corps sur des bûchers en alternance avec des rondins de bois, les arrosait d’essence et allumait le feu. Le troisième groupe enlevait et dispersait les cendres, puis broyait les os. Les nazis dissimulèrent de nombreuses fosses communes, mais pas toutes. Quant aux prisonniers du Sonderkommando 1005, la plupart furent assassinés, une fois leur travail terminé. Plusieurs dizaines d’autres survécurent après s’être révoltés et enfuis. Au moment où Treblinka fut fermé, en juillet 1943, ses chambres à gaz avaient fait périr au moins 750 000 personnes, pour la plupart des Juifs de Pologne. Après la visite d’Heinrich Himmler au camp, en mars 1943, les nazis exhumèrent des centaines de milliers de corps qui avaient été enterrés. D’immenses brasiers furent installés et les corps furent brûlés pour masquer les preuves du massacre colossal qui s’était produit. Ces ossements témoignent que les nazis n’atteignirent pas leur objectif. chef du Conseil juif du ghetto, et s’empare de son chef, Yitzhak Wittenberg. De l’extérieur, des partisans juifs attaquent la police et libèrent Wittenberg ; voir 17 juillet 1943. • Theophil Wurm, évêque de l’Église évangélique de Wurtemberg, en Allemagne, adresse une lettre à Berlin, dans laquelle il demande que la persécution des « membres des autres nations et races » prenne fin immédiatement. • 17 juillet 1943 : Le chef des partisans Yitzhak Wittenberg se rend à la Gestapo pour empêcher que le ghetto de Vilnius (Lituanie) ne soit rasé. • 19 juillet 1943 : Les Allemands utili- • 18 juillet 1943 : Deux cents • 20 juillet 1943 : Cinq cents travailleurs réduits en esclavage sont assassinés à Czestochowa, en Pologne. • 2 209 Juifs des Pays-Bas sont déportés à Sobibor. • Deux Juifs s’évadent de Sobibor. travailleurs réduits en esclavage sont assassinés à Miedzyrzec, en Pologne. • Un millier de Juifs de Paris sont déportés à Auschwitz. sent 3 500 Juifs réduits en esclavage pour procéder à la recherche des objets de valeur dans les ruines du ghetto de Varsovie. 465 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Musique pour les condamnés à mort En Allemagne et dans les pays occupés, les nazis réduisirent au silence les musiciens juifs. Ils s’adressèrent cependant aux Juifs pour masquer par de la musique les cris d’angoisse des camps, créant ce que les prisonniers appelèrent Symphonia diabolica. Dans chacun des camps de la mort, des orchestres jouaient des airs gais et réconfortants à l’arrivée des trains et de leur chargement humain épuisé. Les suspicions et les craintes des déportés se dissipaient lorsqu’ils entendaient la musique familière d’une société civilisée. À Auschwitz, où six orchestres étaient constitués, et dans d’autres camps, les musiciens jouaient lorsque les détenus partaient au travail (pour le divertissement des SS), ainsi que lors des sélections et des exécutions. Au camp de Janówska, en Ukraine, les nazis ordonnèrent la composition d’une mélodie spéciale, le Tango fun toyt (Tango de la mort), pour accompagner les prisonniers à la mort. 1943 466 Les nouveaux dirigeants du gouvernement polonais en exil, le premier ministre Stanislaw Mikolajczyk (à droite, en uniforme), et le président Wladyslaw Raczkiewicz (en costume), reçoivent un rapport de leurs officiers. Initialement installé à Paris, le gouvernement en exil passa à Londres en juillet 1940. C’est de là que les représentants diffusaient des messages radio exprimant l’espoir de rentrer en Pologne. Ils utilisaient aussi des messagers comme Jan Karski pour connaître le mieux possible ce qui se passait en Pologne, et ils tentèrent de soutenir la Résistance par des armes et des renseignements. Les dessins de Walter Spitzer illustrent de façon saisissante les atrocités de la Shoah. Ici, les morts et les vivants squelettiques sont mêlés. Bras et jambes pendent sur le côté du chariot qui effectue son dernier voyage. La façon dont Spitzer représente les corps décharnés dans diverses positions témoigne de l’enfer qu’était la vie dans un camp. • 22 juillet 1943 : Le Département d’État des États-Unis continuant à différer toute action concernant le plan Riegner pour sauver 70 000 Juifs, le rabbin américain Stephen Wise supplie le président Franklin Roosevelt de soutenir le plan. Roosevelt autorise que le plan soit enterré du fait des « vigoureuses objections britanniques. » • 23 juillet 1943 : Mandel Langer, âgé de 40 ans, actif saboteur antinazi depuis la fin de 1942, est capturé et exécuté à Toulouse. • Échec de l’offensive des blindés allemands à Koursk, en Russie, la plus grande bataille de tanks de l’histoire. • 24 juillet 1943 : Vingt et un jeunes partisans juifs de Vilnius (Lituanie) 1943 Nazi de longue date, Odilo Globocnik rejoignit le parti en Autriche, en 1931. Avant l’Anschluss (annexion), il s’efforça d’augmenter les effectifs et l’influence du parti. Après l’Anschluss, le zèle de Globocnik dans la SS lui valut le poste de Gauleiter de Vienne, une fonction dont il fut par la suite limogé pour corruption. Désireux d’utiliser l’ambition et l’obéissance servile de Globocnik, Heinrich Himmler lui pardonna et le chargea de la région de Lublin, en Pologne. Globocnik supervisa la construction de Majdanek, Belzec, Sobibor et Treblinka, et contrôla le travail forcé et l’extermination jusqu’en août 1943. Un baraquement du camp de concentration d’Auschwitz est bordé de châlits en bois sur trois niveaux servant de « lit » aux détenus. Chaque niveau était partagé par plus d’une personne et souvent doté seulement d’une fine couverture. La plupart des survivants considéraient ces couchettes comme un refuge après l’existence précaire et dangereuse du jour, mais les nuits étaient aussi remplies de terreur. Les déchaînements nocturnes des kapos ivres, les luttes fréquentes entre détenus partageant le même châlit et les incessantes sorties aux latrines et aux pots de chambre ponctuent les souvenirs des rescapés. rejoignent les partisans soviétiques derrière les lignes allemandes. Au nord de Vilnius, neuf de ces Juifs sont tués dans une embuscade tendue sur le pont de Mickun. Trois jours plus tard, 32 proches des neuf partisans morts sont capturés par la Gestapo à Vilnius, emmenés aux fosses de Ponary, dans les environs, et exécutés. Bruno Kittel, chef de la Gestapo de Vilnius, annonce que toute la famille d’un Juif qui s’évade du ghetto pour se rendre dans la forêt sera abattue. Si un évadé n’a ni famille ni compagnon de chambre, tous les habitants de son immeuble seront exécutés. En outre, si une équipe de travail de dix Juifs ne revient pas au complet, tous les autres travailleurs seront exécutés. • Le gouvernement espagnol intervient en faveur de 367 Juifs séfarades de Salo- • MORT ET RÉSISTANCE Dans le cadre d’un effort général des scientifiques nazis pour augmenter le taux de natalité « aryen », le docteur Josef Mengele mena des recherches sur la gémellité. Les jumeaux retirés des trains à leur arrivée par les assistants de Mengele étaient sans cesse mesurés et comparés. Certains mouraient simplement d’hémorragies après une journée d’expérimentation. D’autres mouraient de façon encore plus atroce par des opérations de la colonne vertébrale ou pire encore, dans des opérations destinées à accoler des jumeaux. Les jumeaux Guttmann, René et Renate, photographiés ici avec leur mère, furent déportés d’abord à Theresienstadt, puis à Auschwitz où Mme Guttmann mourut dans les chambres à gaz. Les jumeaux survécurent aux expériences de Mengele et se retrouvèrent après la guerre aux États-Unis. Étant donné que Mengele assassinait ses sujets (par une injection) lorsqu’il estimait qu’ils avaient « servi », il n’existe que très peu d’informations sur ces « travaux » concernant la gémellité. Les jumeaux Guttmann et quelques rares autres sujets qui évitèrent la mort fournirent des renseignements inestimables aux enquêteurs américains sur les crimes pervers de Mengele. nique, en Grèce, veillant à ce que la déportation leur soit épargnée et à ce qu’ils se réfugient en lieu sûr en Espagne. • L’armée de l’Air britannique (Royal Air Force) entreprend des raids sur Hambourg, en Allemagne. • 25 juillet 1943 : Le dictateur italien Benito Mussolini démissionne sous la pression et est arrêté. • Un jeune Juif du camp de travail de Janówska, près 467 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Heinz Birnbaum, Werner Steinbrink, Lotte Rotholz et Edith Fraenkel étaient membres du mouvement de Résistance appelé le Baum Gruppe (groupe Baum). L’incendie provoqué par le groupe dans une exposition antibolchevique financée par le gouvernement en mai 1942, conduisit par la suite à la mort de presque tous les membres, dont ces quatre résistants. On pense que Birnbaum fut pendu. Steinbrink fut appréhendé par les autorités nazies après l’incendie et exécuté le 18 août 1942. Lotte Rotholz mourut à Auschwitz. Edith Fraenkel fut déportée au camp / ghetto de Theresienstadt (Tchécoslovaquie), puis à Auschwitz, où elle mourut en 1944. 1943 de Lvov, en Ukraine, qui semble content de la chute de Mussolini, irrite un agent de la Gestapo qui ordonne qu’on le suspende la tête en bas, qu’on lui place dans la bouche son pénis coupé et qu’il reçoive des coups sur le ventre jusqu’à ce que mort s’ensuive. • 27 juillet 1943 : Les Allemands assassinent 17 Juifs découverts dans les décombres du ghetto de Varsovie. 468 • 28 juillet 1943 : Jan Karski, un résistant polonais catholique qui avait visité le ghetto de Varsovie et le camp de la mort de Belzec, arrive aux États-Unis pour raconter aux dirigeants américains ce qu’il a vu. Son entretien avec le président Franklin Roosevelt indique que le président est déjà très au courant de la Shoah. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Janówska Comme des centaines d’autres, le ghetto de Bedzin (Pologne) fut par la suite liquidé. Cette photographie, prise après la destruction du 1er août 1943, montre des meubles et d’autres objets jonchant le sol dans le plus grand désordre. Debout à gauche, un policier allemand souriant, de toute évidence satisfait de l’extermination de la communauté juive polonaise. Fryda Litwak était née en Ukraine, en 1916. Elle fit partie des milliers de Juifs qui survécurent à la Shoah en se faisant passer pour aryens, dans son cas, sous le nom de Zofia Wolenska. Vivant constamment dans la hantise d’être découverte et donc de mourir, elle trouva un travail chez un pharmacien de Radom, en Pologne. Elle se rendit plus tard en Allemagne pour travailler. Bien qu’elle ait échappé aux nazis, elle mourut au cours des derniers mois de la guerre, peut-être victime des bombes des Alliés. • Fin juillet 1943 : Des membres du Sonderkommando du camp de la mort de Belzec sont envoyés au nord, dans le centre d’extermination de Sobibor où les détenus se révoltent à leur arrivée et sont abattus. • Août 1943 : Révolte de détenus dans le camp de travail de Sasow, en Pologne. • Résistance armée au camp de travail de Lackie Wielkie, en Pologne. • Après la résistance armée qui se manifeste à Jaktorów, en Pologne, ce camp de travail est liquidé et les détenus massacrés. • Frumka Plotnicka, qui risqua sa vie à plusieurs reprises en se glissant dans le ghetto de Varsovie avec des informations et des produits de contrebande, est acculée par les nazis dans une cave à Bedzin (Pologne) et abattue. • Sous la direction du rabbin Joshua Aaronson, la révolte Situé dans la rue Janówska, importante artère de Lvov, en Ukraine, le camp de concentration de Janówska était célèbre pour sa brutalité, couverte par de la musique. À l’automne 1941, les Deutsche Ausrüstungswerke (usines d’équipement allemandes) qui dépendaient de la SS, déplacèrent des prisonniers du ghetto à Janówska en vue de produire du matériel de guerre. Dans des conditions inhumaines, les détenus devaient se plier à des tests physiques éreintants pour prouver leur endurance. Les rares survivants travaillaient une autre journée. Les nombreux autres étaient emmenés à na Piaski (vers les sables), une carrière de sable, et abattus. En mars 1942, Janówska devint un camp de transit pour les Juifs de Galicie orientale en route vers le camp d’extermination de Belzec et, en 1943, Janówska devint lui-même un centre de meurtre. Sur le caprice de l’officier SS Wilhelm Rokita, ancien violoniste, la mort se déroulait en musique. L’orchestre des détenus reçut l’ordre de composer, puis de jouer, le Tango fun toyt (tango de la mort) pour accompagner les sélections et les exécutions. juive au camp de travail de Konin (Pologne) aboutit au massacre de presque tous les révoltés. • Sous le calcaire des montagnes du Harz, en Allemagne, des détenus sont astreints à construire une usine d’armement secrète à Nordhausen. • 1er août 1943 : Liquidation des ghettos juifs de Bedzin et Sosnowiec, en Pologne. La plupart des Juifs sont 469 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La déportation des Juifs européens Des trains partis du camp de transit de Westerbork, situé dans le nord-est des Pays-Bas, envoyèrent à la mort dans les camps de Sobibor et d’Auschwitz plus de 100 000 Juifs sur les 140 000 que comptait ce pays. Le 24 août 1943, Etty Hillesum, une jeune Juive néerlandaise, âgée de 29 ans, écrivit une lettre clandestine décrivant l’une de ces déportations : « Mon Dieu, écrivit-elle, les portes vont-elles vraiment être fermées maintenant ?... Par des petites ouvertures en haut, nous distinguions des têtes et des mains, des mains qui vont s’agiter en notre direction, plus tard, lorsque le train démarrera… Le train lance un coup de sifflet perçant, et 1 020 Juifs quittent les Pays-Bas. » Avant l’automne 1938, l’Allemagne nazie fit pression sur les Juifs pour qu’ils émigrent. La conquête militaire plaçant de nouveaux territoires et des millions de Juifs sous la domination nazie, les Allemands jugèrent bon d’appliquer une politique plus agressive pour résoudre « la question juive ». Durant les 18 premiers mois de la Seconde Guerre mondiale, la déportation fit partie intégrante du plan nazi visant à éliminer les Juifs du Troisième Reich en pleine expansion en les envoyant dans des ghettos ou en les cantonnant dans certaines régions de l’Est. Avec les massacres perpétrés en 1941 par les Einsatzgrup- 1943 470 pen et les décisions prises pour résoudre la « question juive » par les meurtres en masse, la déportation prit une autre signification. N’étant plus un objectif, la déportation devint le moyen d’envoyer les Juifs dans les camps de la mort de Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Majdanek et surtout Auschwitz-Birkenau. Avec le soutien décisif du ministère allemand des Transports et de sa bureaucratie des chemins de fer, Adolf Eichmann et son équipe de la section IV B 4 du Bureau principal de la Sûreté du Reich montèrent cette opération à l’échelle du continent. Depuis des gares européennes lointaines, des trains acheminèrent près de trois millions de Juifs dans des camps de la mort. Les « passagers » devaient payer un aller simple, puis étaient souvent transportés dans des wagons de marchandises bondés. En 1942, les déportations anéantirent la communauté juive de Pologne, mais le réseau s’étendait bien plus loin. En mars, il déportés à Auschwitz. Certains résistent avec des armes. • 2 août 1943 : Armés de quelques revolvers, fusils et grenades à main, ainsi que d’essence, des détenus juifs du camp de la mort de Treblinka organisent une violente révolte qui permet l’évasion de 350 à 400 des 700 détenus du camp. Tous, à l’excep- prit au piège les Juifs slovaques. La déportation en masse des Juifs de France, de Belgique et des Pays-Bas se produisit en juillet. Les déportations par bateau et par chemin de fer décimèrent la petite population juive de Norvège en novembre. Les déportations se poursuivirent en 1943, année au cours de laquelle de nouvelles chambres à gaz et de nouveaux fours crématoires devinrent opérationnels à Auschwitz-Birkenau. Dans sa Chronique d’Auschwitz, Danuta Czech mentionne le gazage de 873 Juifs de Berlin, le 13 janvier. Le 6 février, 1 868 déportés du ghetto de Bialystok (Pologne) furent gazés à leur arrivée. Six semaines plus tard, 2 191 Juifs de Salonique (Grèce) périrent dans les chambres à gaz. Les meurtres n’en finissaient pas. Etty Hillesum et les membres de sa famille furent déportés de Westerbork, le 7 septembre 1943. Ils arrivèrent à Auschwitz probablement le 9 septembre. Ses parents furent gazés immédiatement. Le 30 novembre 1943, la population des détenus du complexe d’Auschwitz était composée de 54 446 hommes et 33 846 femmes. Parmi eux, 9 273 hommes et 8 487 femmes étaient portés malades et incapables de travailler. Selon un rapport de la Croixrouge, la mort d’Etty Hillesum daterait du 30 novembre 1943. tion d’une centaine, sont traqués et assassinés. Les chefs de la révolte étaient, entre autres, le docteur Julian Chorazycki, Alfred Marceli Galewski, et Zelo Bloch. • 3 août 1943 : Des membres de l’Organisation juive de combat du ghetto de Bedzin (Pologne) organisent sans succès une résistance contre les nazis. 1943 Abraham Kolski (à gauche) est ici en compagnie d’Erich Lachman et d’un homme nommé Brenner. Tous trois participèrent au soulèvement de Treblinka, le 2 août 1943 et réussirent à trouver refuge dans la forêt voisine. Peu après, les trois hommes furent hébergés par une famille de non Juifs qui les cachèrent jusqu’à la libération de la Pologne. • MORT ET RÉSISTANCE RÉVOLTES JUIVES DANS LES GHETTOS ET LES CAMPS DE CONCENTRATION, 1941–1944 mer Baltique REICHSKOMMISSARIAT SOUS OSTLAND ADMINISTRATION MILITAIRE Kovno ALLEMANDE Vilna Minsk Grandes révoltes en ghetto Grandes révoltes en camp de travail Révoltes en camp de la mort 0 0 100 miles Mir 200 kilomètres Bialystok N Treblinka GRANDE ALLEMAGNE Mińsk Mazowiecki Varsovie Czestochowa Bedzin Sosnowiec Auschwitz REICHSKOMMISSARIAT Sobibór UKRAINE Lublin Tuchin GENERALGOUVERNEMENT Kremenets Cracovie Janówska Tarnów PROTECTORAT DE BOHÊME & MORAVIE SLOVAQUIE HONGRIE ROUMANIE Alors que tout était contre eux, les Juifs se révoltèrent cependant dans les ghettos (notamment à Varsovie et Bialystok), les camps de concentration et les camps de la mort. Des Juifs mirent le feu au camp de Treblinka, le 2 août 1943, tuèrent 11 gardes SS à Sobibor, le 14 octobre 1943, et firent sauter l’un des fours crématoires d’Auschwitz, le 7 octobre 1944. Le camp de la mort de Treblinka fume dans le lointain après le soulèvement. La révolte fut organisée par un petit groupe de prisonniers juifs d’origine tchèque. Au cours du soulèvement, quelques gardes SS furent tués et un petit nombre d’insurgés parvinrent à s’évader dans les forêts des environs. Bien qu’endommagées, les chambres à gaz continuèrent à fonctionner après la révolte. Le camp demeura en fonction pendant deux autres mois. Le chef de l’OJC, Baruch Graftek et ses compagnons d’armes sont tués. contact avec les représentants de la Résistance française à Londres. • 6 août 1943 : Les Allemands com- • 7 août 1943 : Le dernier train chargé de Juifs de Salonique (Grèce) part pour Auschwitz avec 1 800 personnes. La plupart d’entre eux seront assassinés au camp. Vers cette date, la majeure partie de la population juive de Salonique d’avant-guerre a été massacrée. mencent à liquider le ghetto de Vilnius (Lituanie) ; un millier de Juifs sont déportés à Klooga (Estonie). • Le Juif français Albert Kohan est clandestinement introduit en Grande-Bretagne pour établir le • 10 août 1943 : Vingt-sept femmes juives capturées par les nazis dans le quartier « aryen » de Varsovie sont abattues. • 15 août 1943 : Près d’un millier de Juifs français d’origine polonaise sont déportés au camp de travail d’Alderney, l’une des îles anglo-normandes conquise par l’Allemagne en 1940, et 471 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Bialystok La ville de Bialystok dans le nord-est de la Pologne fut d’abord occupée par les Allemands le 15 septembre 1939. Elle fut livrée à l’Union soviétique qui l’occupa pendant les 21 mois suivants, puis réoccupée par les Allemands, le 27 juin 1941. La création du ghetto, en août 1941, scella le sort des 50 000 Juifs de Bialystok. Comme le ghetto avait besoin de travailleurs pour ses usines et ateliers, les Juifs eurent le sentiment qu’ils seraient épargnés. L’Aktion de février 1943, cependant, dissipa rapidement les illusions de sécurité à long terme. Deux mille Juifs furent assassinés dans les rues de Bialystok et 10 000 autres furent envoyés à la mort au camp d’extermination de Treblinka. Les ordres de liquidation donnés en août 1943 incitèrent les groupes de Résistance du ghetto à entrer action. Les combats durèrent du 16 au 20 août. Avec le peu d’armes dont ils disposaient, les combattants de la Résistance furent écrasés par les forces allemandes en nombre très supérieur et bien mieux équipées. Presque tous les combattants furent tués par les Allemands. Seuls, quelques centaines de Juifs de Bialystok survécurent à la guerre. 1943 Les frères Katzowicz combattirent lors du soulèvement du ghetto de Bialystok (Pologne), en août 1943. La ville comptait de nombreux groupes de résistance qui finirent, en 1943, par laisser de côté la politique pour s’unir dans un but commun. Au cours des cinq jours de combat, plus de 1 500 combattants juifs périrent. Haika Grossman était une militante juive de la Résistance. Elle rejoignit un mouvement de jeunesse sioniste à Bialystok, en Pologne, puis contribua à organiser un réseau clandestin après l’occupation allemande. Pendant ses nombreuses missions dans d’autres ghettos pour le compte de la Résistance juive, Haika Grossman se faisait passer pour une Polonaise non juive. Elle participa aussi à la révolte du ghetto de Bialystok, en août 1943. astreints à construire des fortifications. • 16 août 1943 : Révolte des détenus du camp de travail de Krychów, en Pologne. • 16-20 août 1943 : Les troupes nazies pénètrent dans le ghetto de Bialystok, en Pologne, pour extermi472 ner plus de 30 000 Juifs qui s’y trouvent. Plusieurs centaines de combattants de la Résistance, dirigés par Mordekhaï Tenenbaum-Tamaroff et Daniel Moszkowicz – qui ripostent avec des armes légères, des haches et des baïonnettes – sont tués. Ceux qui survivent sont transférés dans des camps de la mort où 25 000 périront ; voir 17 août 1943. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Scrutant au loin, un homme – probablement un partisan juif – monte la garde. En août 1943, les nazis entreprirent de liquider le ghetto de Bialystok (Pologne), déportant les 30 000 derniers Juifs. Conscients que la fin était proche, quelques Juifs – sous la direction de Mordekhaï Tenenbaum et Daniel Moszkowicz – organisèrent, en guise de défi, un combat aussi courageux qu’acharné. D’autres voulurent prolonger la résistance en se réfugiant dans les forêts où ils rejoignirent les Forois et autres groupes de partisans. Voici l’une des centaines de fosses communes creusées près du camp de la mort de Chelmno. De 1941 à 1944, Chelmno gaza 150 000 à 320 000 personnes (les estimations varient considérablement), dont la plupart étaient des Juifs polonais. Les nazis interrompirent les déportations à Chelmno en 1943 parce que, selon eux, le processus d’extermination du camp par des camions à gaz était trop lent. Ils rouvrirent cependant le camp en avril 1944 pour y déporter et y exterminer les Juifs de Lodz (Pologne). À l’origine créé par les Néerlandais en 1939 pour servir de centre de détention aux immigrants juifs illégaux, Westerbork devint, sous les nazis, le centre de transit principal de la déportation des Juifs néerlandais. Si la majorité ne passa que quelques jours au camp, une minorité de personnes devinrent des résidents permanents, recevant des cartes de travail comme celle qui figure ici. La plupart des prisonniers employés travaillaient dans l’hôpital et le dispensaire du camp. • 17 août 1943 : Quelque 1 200 de Treblinka reçoit son ultime train chargé de déportés juifs. Ils arrivent de Bialystok (Pologne). • 24 août 1943 : Cinq mille Juifs de • 20 août 1943 : Trois mille Juifs sont • 25 août 1943 : Au camp de travail enfants du ghetto de Bialystok, en Pologne, sont emmenés au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, puis à Auschwitz où ils seront assassinés. • Les Alliés remportent la victoire sur les forces de l’Axe en Sicile. • 19 août 1943 : Le camp de la mort exécutés pendant une révolte à Glebokie, en Biélorussie. • 23 août 1943 : L’Armée rouge s’empare de Kharkov en Ukraine. Bialystok, en Pologne, sont massacrés à Auschwitz, Treblinka et Majdanek. de Janówska, en Ukraine, les SS sélectionnent 24 belles Juives, âgées de 17 à 20 ans et les emmènent passer une nuit d’orgie ; voir 26 août 1943. 473 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Des partisans de Rovno dans la région de Volhynie, en Pologne, se préparent à rejoindre leurs camarades dans le combat contre les oppresseurs. Alors que les nazis préparaient une ultime Aktion, certains Juifs s’évadèrent et s’enfuirent dans les forêts avoisinantes. Opérant en Volhynie, Moshé Gildenman, appelé « Oncle Misha », organisa une efficace unité de partisans qui infligea des pertes aux troupes allemandes et ukrainiennes. Les nazis utilisèrent abondamment la maind’œuvre réduite en esclavage dans les industries de pointe comme la fabrication des fusées V-2 qui s’abattirent sur la Grande-Bretagne et la Belgique durant les derniers mois de la guerre. Ces travailleurs participent à la construction d’un immense réseau de tunnels souterrains destiné à abriter les usines de fusées. Contrairement aux millions d’esclaves du Reich, ces détenus – logés en plein air à l’extérieur des tunnels – étaient surtout menacés par les bombardements alliés. 1943 474 Deux partisans juifs, armes au poing, se préparent au combat. Tenant compte de l’appel lancé par Abba Kovner de combattre plutôt que de se rendre à leurs oppresseurs, des jeunes des ghettos de Vilnius et de Kovno, en Lituanie, tentèrent de s’évader pour rejoindre les partisans. La plupart des groupes étaient pauvrement armés et rencontraient parfois une hostilité de la part de partisans antisémites qui haïssaient les nazis pour d’autres raisons que la persécution des Juifs. Animés par un désir de vengeance, les Juifs constituèrent des groupes de partisans comme HaNokem, créé par des Juifs de Vilnius, et Kadima par des Juifs de Kovno. • 26 août 1943 : La communauté juive de Zawiercie, en Pologne, est exterminée à Auschwitz. • Une jeune femme juive, l’une des 24 qui avaient été contraintes de participer à une orgie de SS, la veille au camp de travail de Janówska, en Ukraine, est abattue au cours d’une tentative d’évasion. Les 23 autres femmes seront assassinées par la suite. • 27 août 1943 : Tous les Juifs travaillant dans une usine de ciment à Drogobych, en Ukraine, près du camp de travail de Janówska, sont massacrés. L’une des victimes est le docteur Mojzesz Bay, diplômé de la Sorbonne, âgé de 36 ans. • 28 août 1943 : L’Allemagne impose la loi martiale au Danemark et abolit 1943 Voici une page de l’album de Kurt Franz, adjoint du commandant du camp de la mort de Treblinka. Après son arrivée, à la fin de l’été 1942, Franz commença à photographier les événements du camp. Il écrivit par la suite : « Partout, il y avait des corps. Je me souviens que ces corps étaient déjà boursouflés. » Franz fit partie du personnel de Treblinka jugé entre octobre 1964 et août 1965. Il fut condamné à la prison à vie. Un volontaire juif près d’une batterie d’artillerie côtière porte un obus sur lequel est écrit en hébreu : « Cadeau pour Hitler ». Constituées en 1940, ces unités servaient dans les forces britanniques en Palestine. Lorsque les nouvelles sur les camps de la mort parvinrent en Palestine, le désir de revanche s’intensifia chez les soldats juifs. Les Britanniques finirent par accepter de créer la Brigade juive. l’accord germano-danois du 9 avril 1940 empêchant les Allemands de molester les Juifs. • Fin août 1943 : Quarante-sept Juives et 50 Juifs sont exécutés après avoir été découverts dans la partie « aryenne » de Varsovie. • Septembre 1943 : Les Allemands • MORT ET RÉSISTANCE La conférence des Juifs américains La conférence des Juifs américains fut organisée en 1943 par le mouvement sioniste américain. Conscients du fait que la guerre aboutit souvent à des changements politiques radicaux, de nombreux Juifs américains estimaient que, lorsque la Seconde Guerre mondiale et la Shoah auraient pris fin, il serait temps de faire pression pour la création d’un État juif en Palestine. Presque toutes les organisations juives américaines étaient représentées à la convention de 1943 qui regroupa 500 délégués. Comme la conférence semblait plus intéressée par la création d’un État juif que par le sauvetage des Juifs européens, plusieurs organisations juives – notamment l’American Jewish Committee – critiqua l’insuffisance des débats sur le sauvetage des victimes de la Shoah. Par ailleurs, la conférence – organisée par Henry Monsky (photo) – ne parvint pas à influencer le gouvernement des États-Unis sur la question de la Palestine. Ce ne fut qu’en janvier 1945 que la conférence voulut précipiter le sauvetage des Juifs d’Europe. Cette conférence fut un signe avant-coureur de l’engagement massif des Juifs américains en faveur de la création de l’État d’Israël. En septembre 1945, un sondage Roper indiquait que 80% des Juifs américains se déclaraient favorables aux vues sionistes. La réalisation la plus importante de la conférence consista à faire basculer l’opinion politique américaine non juive en faveur de la création, après la guerre, d’un foyer pour les Juifs d’Europe. envoient un bataillon de travail polonais dans les ruines du ghetto de Varsovie pour démolir tout mur ou tout édifice encore debout après l’attaque allemande du printemps. La plupart des survivants de la « liquidation » d’avril-mai meurent pendant cette démolition. • L’American Council for Judaism déclare que le judaïsme n’existe qu’au sens religieux et que la tentative de créer une patrie juive serait un acte déloyal vis-à-vis des nations où vivent des Juifs. • Au camp de la mort de Sobibor, des Juifs attaquent des gardes SS avec des pierres et des bouteilles. Tous les assaillants sont tués. • Des femmes et des enfants juifs, ainsi que des malades et des vieillards, abandonnés sur l’île de Rab après avoir été déportés de Dalmatie, en Serbie, sont transférés au camp de concentration de Zemun, en 475 1943 • MORT ET RÉSISTANCE L’art, une forme de Résistance En pleine humiliation et en pleine désespérance, des prisonniers des camps de concentration refusèrent de laisser étouffer et détruire leur créativité. Tout en luttant pour survivre, ils utilisèrent n’importe quel morceau de papier et bout de crayon qu’ils pouvaient trouver pour s’exprimer. Par la poésie et le dessin, ils affirmèrent leur propre existence et fournirent un témoignage sur les horreurs qui, craignaientils, risquaient d’être oubliées. À Theresienstadt, le camp / ghetto modèle établi par les nazis près de Prague (en Tchécoslovaquie), des artistes comme Félix Bloch produisirent un art « officiel » sur commande, tandis que secrètement, ils représentaient le vécu juif tel qu’il était. Friedl Dicker-Brandeis entretint le talent des jeunes élèves dont elle avait la charge à Theresienstadt, leur permettant par leur art de transformer le dangereux et sombre monde des nazis en un royaume de lumière et d’amour. Les dessins laissés par les enfants représentent des papillons et des oiseaux, des voiliers et des réunions familiales. Mais ils traduisent aussi le traumatisme de la vie quotidienne, les gardes du ghetto, et les départs en train pour les camps de la mort. Ce poème d’un enfant exprime la nostalgie évoquée dans les dessins de plusieurs autres : « Je voudrais m’en aller seul / Là où se trouvent d’autres personnes, plus gentilles / Quelque part dans l’inconnu lointain / Là où l’on ne tue pas les autres. » La synagogue de Zagreb, en Croatie, fut démolie en 1943. L’assaut contre les Juifs croates, qui commença en 1941 avec l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne, se poursuivit en 1943. Les déportations à partir de Zagreb furent personnellement ordonnées par Heinrich Himmler, en mai 1943, et l’immense majorité des Juifs croates envoyés à Auschwitz ne revinrent jamais. Cependant, la majorité des Juifs croates furent tués, non pas par les nazis, mais par l’impitoyable régime Ustasa du pays. Ignacy Isaac Schwarzbart, député sioniste du parlement polonais et membre du gouvernement polonais en exil, publiait à Londres un journal juif, L’Avenir, exposant des témoignages sur la Shoah perpétrée contre les Juifs en Pologne. À l’instar de toutes les informations de ce genre parvenant aux Alliés, son journal exerça peu d’impact sur les Alliés en matière d’aide apportée aux Juifs. Schwarzbart était opposé au bombardement d’Auschwitz, craignant qu’un grand nombre de Juifs ne périssent durant des attaques lancées par les Alliés. 1943 476 Yougoslavie, et tués. D’autres, qui demeurent sur l’île, sont protégés par des partisans. • Plusieurs centaines de Juifs s’évadent de Vilnius, en Lituanie et se dirigent vers l’Est, vers le front soviétique. • Vitka Kempner, résistante de Vilnius, fait sauter un transformateur électrique de la ville. Le lendemain, elle pénètre dans le camp de travail de Keilis, près de Vilnius, et réussit à mettre en sécurité plusieurs dizaines de prisonniers. Plus tard, avec cinq autres partisans, elle se rend à Olkiniki (Pologne) où elle aide à mettre le feu à une usine d’essence de térébenthine. • À Paris, trois résistants juifs tendent une embuscade et abattent Karl Ritter, l’adjoint du chef du travail forcé Fritz Sauckel. • Après avoir refusé pendant des mois, le gouvernement hongrois 1943 En tant qu’architecte du programme génocidaire nazi, Heinrich Himmler passa la majeure partie de l’année 1943 à mettre en œuvre la « solution finale. » Nommé ministre de l’Intérieur en août, Himmler, qui contrôlait les tribunaux et la fonction publique, fit en sorte de promouvoir la réorganisation raciale de l’Europe, s’attachant particulièrement au sort des 600 000 Juifs qui, estimait-il, vivaient en France. Au cours d’un discours prononcé en octobre devant les SS Gruppenführers (généraux de division) réunis à Posen (Allemagne), Himmler déclara que les nazis avaient un « droit moral » et un « devoir » d’exterminer les Juifs. Himmler salua le rôle des SS dans ce processus. Curieusement, bien qu’Himmler ait déclaré au groupe que la solution finale était « une page non écrite et qui ne sera jamais écrite de l’histoire [SS], il prit soin de faire enregistrer son discours. cède aux exigences allemandes et accepte que les Juifs soient réduits en esclavage dans les mines de cuivre de Bor, en Yougoslavie. • Création à Vaivara, en Estonie, d’un camp de concentration pour prisonniers de guerre soviétiques ; voir 28 juin 1944. • 2 septembre 1943 : Un millier de Juifs de Paris sont déportés à Auschwitz. • Dix mille Juifs de Tarnow • MORT ET RÉSISTANCE Le docteur August Hirt, directeur de l’Institut d’anatomie de Strasbourg, travaille sur le cadavre d’un Juif. Dans le cadre de la recherche nazie destinée à prouver la supériorité raciale des Aryens, Hirt constitua une immense collection de squelettes de toutes les populations. En 1943, sa collection ne comprenait pas encore assez d’exemples juifs. Alors, à sa demande, 86 Juifs d’Auschwitz dont la structure osseuse répondait aux caractéristiques désirées furent envoyés à Natzweiler-Struthof où ils furent gazés. Les corps furent ensuite envoyés à Strasbourg, à Hirt qui les réduisit à l’état de squelettes. En août 1943, 30 femmes furent emmenées du bloc 10 d’Auschwitz-Birkenau et gazées à Natzweiler-Struthof, leurs corps étant ensuite envoyés à l’Institut d’anatomie de Strasbourg pour y être étudiés. Menés sous les auspices de l’Ahnenerbe (héritage ancestral), un bureau SS, les travaux du docteur August Hirt étaient destinés à produire un système de classification anthropologique. Il souhaitait distinguer les races inférieures des supérieures et prouver la supériorité aryenne. (Pologne) sont déportés à Auschwitz et au camp de travail de Plaszów. • 13 Juifs de Treblinka, faisant partie d’une équipe de travail envoyée à l’extérieur du camp, utilisent une pince à levier pour tuer un garde SS ukrainien. Le dirigeant du soulèvement, un jeune Polonais âgé de 18 ans, Seweryn Klajnman, enfile l’uniforme du mort et « encadre » le cortège des douze autres prisonniers, qui s’éloigne du camp. • 2-3 septembre 1943 : 3 500 Juifs de Przemysl, en Pologne, sont déportés à Auschwitz. • 3-8 septembre 1943 : Les Alliés avancent dans la péninsule italienne. Reddition de l’Italie. Le nouveau dirigeant italien, le maréchal Pietro Badoglio, signe un armistice avec les Alliés. 477 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Pour les nazis, les intellectuels juifs constituaient un phénomène particulièrement choquant. Non seulement ils jouaient un rôle essentiel dans la préservation de la culture juive, mais ils étaient en outre, du point de vue de l’idéologie nazie, responsables de l’influence entièrement négative de la culture juive sur la culture allemande. Les nazis attribuaient aux Juifs tout mouvement intellectuel qu’ils désapprouvaient, notamment toutes les formes de modernisme culturel. Ces intellectuels juifs viennois, détenus dans le camp de concentration de Mauthausen, en Autriche, payèrent d’un prix élevé ce préjugé nazi. Cette caricature, représentant un Juif en train de prier près de l’autel de la richesse, parut dans une publication hongroise antisémite. La position de l’argent, plus élevée que les rouleaux de la Torah, le Livre le plus saint du judaïsme, suggère que les valeurs matérielles ont remplacé les enseignements spirituels et éthiques juifs. La juxtaposition de l’argent et des Juifs était l’un des thèmes favoris de la propagande nazie. L’auteur de la caricature, Philipp Rupprecht, qui signait ses dessins FIPS, contribuait souvent à la une du journal de Julius Streicher, Der Stürmer, d’un antisémitisme ordurier. Les troupes alliées franchissent un pont flottant sur le Volturno, en Italie. La cinquième armée suivit leurs traces, pourchassant les Allemands jusqu’à ce qu’ils se retirent de l’autre côté de l’Apennin. En dépit d’une progression lente et de lourdes pertes, la cinquième armée avança vers le nord jusqu’à ce que les neiges de l’hiver l’arrêtent près du fleuve Rapido. 1943 478 • 5-6 septembre 1943 : Un ancien entrepôt de chaussures du ghetto de Lodz, en Pologne, reçoit livraison de 12 wagons de chaussures volées aux Juifs assassinés ; voir 13 septembre 1943. • 8 septembre 1943 : 5 006 Juifs déportés du camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, arrivent à Auschwitz. • Reddition des forces italiennes devant l’Allemagne à Rhodes. Les troupes allemandes occupent Athènes. • 10 septembre 1943 : Des jeunes Juifs attaquent les troupes allemandes à Miedzyrzec, en Pologne, tuant deux soldats. Cinq Juifs sont tués. • Une réception à laquelle assistent la veuve de Wilhelm H. Solf (ancien ministre des Colonies de l’empereur d’Allemagne 1943 Des squelettes humains recouvrent le sol devant le four crématoire du camp de Majdanek, en Pologne. Environ 145 000 personnes périrent dans les sept chambres à gaz qui commencèrent à fonctionner au Zyklon B en 1942. De nombreuses autres moururent de faim, de dysenterie ou fusillées. Le petit four crématoire s’avérant incapable de traiter un tel afflux de corps, un four neuf, plus grand, fut construit en septembre 1943. Ce monceau de chaussures au camp de la mort de Majdanek atteste du nombre de personnes qui franchirent les portes du camp pour aller à la mort. Alors que les prisonniers boitillaient dans des sabots inappropriés, des tonnes de chaussures s’accumulaient dans les entrepôts des camps de la mort. À Auschwitz-Birkenau, des femmes furent assignées au Schuhkommando. Elles effectuaient un travail pénible, séparant les semelles des empeignes, et le caoutchouc du cuir, les pièces étant acheminées en Allemagne. Une femme, Giuliani Tedeschi, décrivit ce travail comme « une noyade dans une mer de chaussures. » Guillaume II), sa fille, la comtesse Ballestrem et d’autres membres de la Résistance allemande antihitlérienne, est infiltrée par Reckse, un informateur de la Gestapo ; voir janvier 1944. • Les Allemands occupent Rome. • 11 septembre 1943 : Un millier de Juifs découverts dans des cachettes à Przemysl, en Pologne, sont assassinés. • MORT ET RÉSISTANCE Majdanek Camp de concentration et camp de la mort situé près de Lublin, en Pologne, Majdanek entra en fonction en octobre 1941. Avant la libération du camp par les troupes soviétiques, le 24 juillet 1944, près de 500 000 personnes originaires de 28 pays y avaient été détenues. 360 000 d’entre elles y périrent, pour la plupart des prisonniers de guerre soviétiques, des Polonais et des Juifs. Soixante pour cent moururent de faim, de maladie, et par suite du travail exténuant. Les autres furent exécutés, souvent à leur arrivée dans les sept chambres à gaz de Majdanek, comme ce fut le cas pour des milliers de Juifs. Fin octobre 1943, les détenus reçurent l’ordre de creuser trois immenses tranchées dans la partie sud du camp. Il s’agissait de préparatifs pour l’Erntefest (fête des moissons). Lors de l’appel du 3 novembre au matin, les Juifs furent séparés des autres prisonniers, envoyés dans les tranchées et abattus. Les hautparleurs du camp hurlaient une musique dansante pour couvrir les cris et le bruit des armes automatiques. Les meurtres se poursuivirent jusqu’à la tombée de la nuit. En ce « mercredi sanglant », 18 000 Juifs furent massacrés dans les tranchées de Majdanek. Destiné à prévenir les révoltes de prisonniers juifs, l’Erntefest s’étendit au-delà de Majdanek. Les détenus juifs d’autres camps du district de Lublin – entre 8 et 10 000 à Trawniki et 15 000 à Poniatowa – furent eux aussi abattus le 3 novembre. Il n’en demeure pas moins que c’est à Majdanek que fut tué le plus grand nombre de Juifs en une seule journée. • 11-14 septembre 1943 : • 14 septembre 1943 : Jacob Gens, • 13 septembre 1943 : Dans le ghetto de Lodz (en Pologne), Icek Bekerman est pendu pour avoir pris des petits morceaux de cuir pour en faire des lacets de chaussures. L’atelier de menuiserie du ghetto reçoit l’ordre de construire la potence. • Mi-septembre 1943 : Au camp de la mort de Sobibor, des membres de l’équipe chargée de brûler les corps construisent un tunnel d’évasion les conduisant dans le champ de mines du camp. La plupart des 150 membres de l’équipe sont tués. Liquidation de la communauté juive de Minsk, en Biélorussie. chef du Judenrat du ghetto de Vilnius (Lituanie), est abattu par les nazis. 479 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Abba Kovner En 1941, le poète Abba Kovner, âgé de 23 ans, était l’un des dirigeants de l’Hashomer haTsaïr, un mouvement de jeunesse sioniste socialiste de Vilnius, en Lituanie. Alors que les nazis intensifiaient les rafles de Juifs, Kovner et d’autres se cachèrent dans un couvent de Dominicains. Lorsqu’il apprit les meurtres perpétrés dans la forêt de Ponary, Kovner réalisa toute l’ampleur du plan nazi et fit vœu de riposter. Le 1er janvier 1942, Kovner avertit son peuple que la déportation équivalait à la mort. Il publia un vibrant appel exhortant la jeunesse juive à fuir et à combattre et à ne pas « aller à l’abattoir comme des moutons. » Kovner contribua à l’organisation d’une résistance partisane unifiée et, à la mort de Yitzhak Wittenberg, devint le commandant de l’Organisation des partisans unis (FPO). Tandis que les Allemands vidaient le ghetto de Vilnius de ses derniers Juifs, en septembre 1943, Kovner dirigea l’évasion de ses combattants dans la forêt de Rudninkai où ils poursuivirent la lutte en tant que bataillon des « Vengeurs ». Kovner vécut jusqu’en 1988. 1943 480 Profitant d’un répit dans le travail, une section de travailleurs se regroupe pour une photographie. Bien qu’habillés, pour la plupart, de vêtements civils, ces membres d’un bataillon de travail hongrois portent tous des calots militaires. Tandis qu’Heinrich Himmler et les SS cherchaient à massacrer tous les Juifs d’Europe, Albert Speer, à la tête de l’économie de guerre allemande, manœuvrait pour fournir le plus grand nombre possible de travailleurs afin de reconstruire des usines et de produire du matériel de guerre de plus en plus indispensable. La démolition de cette synagogue du Luxembourg fut achevée à l’automne 1943 après un retard de deux années. L’ordre de détruire ce lieu de culte juif fut donné en mai 1941. Aucun entrepreneur local n’étant prêt à faire le travail, les Allemands embauchèrent deux Italiens. Environ 3 500 Juifs vivaient au Luxembourg au début de la Seconde Guerre mondiale. Cette minuscule nation fut déclarée judenrein (sans Juifs) après le départ du dernier convoi de Juifs le 28 septembre 1943. • 16 septembre 1943 : Plus de 37 000 • 18-19 septembre 1943 : Les Juifs • 18 septembre 1943 : Deux mille • 20 septembre 1943 : Un millier de Juifs italiens passent sous domination allemande. Juifs de Minsk (Biélorussie) sont déportés au camp de la mort de Sobibor ; 80 sont sélectionnés pour le travail forcé ; les autres sont gazés. de Lida, en Biélorussie, sont déportés au camp de Majdanek. détenus juifs du camp de Szebnie, en Pologne, sont amenés en camion dans un champ voisin et exécutés à l’arme automatique. Les corps sont brûlés et les os jetés dans la rivière Jasiolka. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Entourés par des parachutistes allemands, un Benito Mussolini amaigri se réjouit d’être libéré de sa captivité. Avec le débarquement en Sicile et l’impulsion donnée du côté allié, le roi d’Italie Victor Emmanuel III releva Mussolini de ses fonctions de premier ministre en juillet et le plaça en détention militaire. Ne souhaitant pas perdre un partenaire fasciste ou permettre la chute du gouvernement de Mussolini, Hitler ordonna une opération audacieuse pour libérer le dictateur italien. Mussolini devint le dirigeant fantoche d’une république fasciste installée dans l’Italie du Nord et placée sous le contrôle direct de l’Allemagne. Wilhelm Kube était le Generalkommissar de la Biélorussie occupée. Nazi de longue date, Kube fonda le Glaubensweg deutscher Christen (Mouvement des croyants chrétiens allemands) qui visait à l’« aryanisation » du christianisme. Il fut député nazi au Reichstag et occupa divers postes, notamment celui de gouverneur de Brandenbourg-Berlin. Kube fut nommé en Biélorussie en 1941. Le 22 septembre 1943, alors qu’il dormait, Kube fut tué par une bombe placée sous son lit par sa femme de chambre, membre de la Résistance. Son cercueil fut recouvert du drapeau nazi et une garde d’honneur contribua au faste des funérailles de Kube. • Jacob Kapler, un Juif affecté à l’équipe chargée de brûler les corps à Babi Yar, site d’un grand massacre perpétré en Ukraine, trouve une clé qui ouvre le cadenas d’un bunker dans lequel lui et d’autres travailleurs sont enfermés chaque nuit ; voir 29 septembre 1943. • Fin de l’été 1943 : Quarante Juifs qui se cachent dans les forêts, près de Koniecpol, en Pologne, sont attaqués par des Polonais. De nombreux Juifs sont massacrés. • 22 septembre 1943 : Wilhelm Kube, le Generalkommissar de Biélorussie, est tué par une bombe placée sous son lit par une résistante soviétique qui avait été embauchée comme femme de chambre. • 24 septembre 1943 : Les nazis achèvent la liquidation du ghetto de Vilnius. • 25 septembre 1943 : L’Armée rouge s’empare de Smolensk, en Russie. • Il ne reste plus qu’environ 2 000 Juifs à Vilnius (Lituanie), dispersés dans quatre camps de travail. • Eliahou Barzilai, le grand rab481 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Riga était le principal centre juif de Lettonie. Lors de l’occupation de ce pays par l’Allemagne, en juillet 1941, plusieurs milliers de Juifs furent assassinés et 30 000 enfermés dans le ghetto de Riga. Fin 1941, l’éminent historien juif Simon Dubnov fut massacré avec la plupart des survivants de la ville. Repeuplé par des Juifs allemands, le ghetto de Riga fut définitivement détruit en novembre 1943. La musique elle-même fut corrompue par les nazis. Pour calmer les nouveaux arrivants et leur faire croire qu’ils se trouvaient en lieu sûr, l’orchestre du camp d’Auschwitz-Birkenau jouait des airs connus, gais, à la descente des trains. La musique accompagnait également la mort, comme le montre cette photo de Mauthausen. Les prisonniers sont conduits à la potence au son des violons et de l’accordéon de l’orchestre du camp. Les détenus appelaient cela la Symphonia diabolica, la symphonie du Diable. 1943 482 bin d’Athènes, en Grèce, se déguise en paysan pour s’enfuir de la ville. • 26 septembre 1943 : Au camp de travail de Novogrudok, en Biélorussie, des Juifs achèvent de creuser un tunnel secret sous les barbelés. Sur les 220 Juifs qui utilisent le tunnel pour tenter de s’évader, 120 sont tués ou repris. « De temps en temps, nous voyons des gens travailler sur les rails… plusieurs en uniformes de prisonniers de guerre. Nous leur demandons s’ils ont une idée de la destination de notre voyage. Ils haussent les épaules. L’un d’eux pointe son doigt vers le ciel. Nous ne comprenons pas son allusion. » —Anneliese Borinsky, rescapée • 28-29 septembre 1943 : Cinq mille Juifs d’Amsterdam sont déportés au camp de transit de Westerbork, aux Pays-Bas. • La communauté juive de Split (Yougoslavie) est exterminée dans le camp de concentration de Sajmiste (Yougoslavie). • Les Juifs de Rome livrent 50 kilogrammes d’or à la Gestapo, comme il le leur a été ordonné. Le pape Pie XII avait accepté de prêter aux Juifs italiens 15 kilo- 1943 Si quelque 4 000 enfants juifs de Belgique furent cachés pendant la guerre, d’autres n’eurent pas cette chance. On estime que 65 000 Juifs vivaient en Belgique lors de l’invasion nazie. La première déportation des Juifs commença en juillet 1942 ; ils furent envoyés à Auschwitz, via Malines. Par la suite, quelque 25 000 Juifs furent envoyés à la mort, y compris tous ces enfants. grammes d’or s’ils ne parvenaient pas à recueillir le montant par eux-mêmes. • 29 septembre 1943 : Plus de 320 Juifs et prisonniers de guerre soviétiques de l’équipe de travail sur le site d’extermination de Babi Yar, en Ukraine, tentent une grande évasion. Presque tous sont aussitôt abattus, mais 14 parviennent à se cacher ; voir 6 novembre 1943. • 30 septembre 1943 : L’usine d’armement Krupp de Mariupol, en Ukraine, est démantelée et remontée plus à l’ouest, à Fünfteichen, en Silésie (alors polonaise), où des Juifs y sont réduits en esclavage. • Septembre 1943-avril 1944 : Des Juifs sont contraints d’exhumer au moins 68 000 corps de Juifs et de pri- • MORT ET RÉSISTANCE Un prêtre belge se tient fièrement entre deux fillettes faisant leur première communion. La petite fille, à droite, Marie-Rose, est une jeune Juive qui se cachait pendant la guerre. Les Belges protestèrent contre la déportation des Juifs. Certains Belges, notamment dans les forces de police, collaborèrent aux déportations, mais d’autres, en particulier des prêtres et des religieuses, protégèrent et cachèrent des Juifs. Le fait que la Belgique était une démocratie et que les Juifs, dans l’ensemble, étaient intégrés aux grands courants économiques, et mêmes politiques, de la nation, contribua à encourager le type d’assistance dont bénéficia la jeune Marie-Rose. sonniers de guerre soviétiques assassinés à Ponary, en Lituanie, près de Vilnius ; voir 15 avril 1944. • Automne 1943 : Des techniciens repré- sentant Topf et fils, le fabricant allemand de fours crématoires à Auschwitz-Birkenau, étudient la combustibilité des corps associés à diverses catégories de coke. • Intensification des bombardements britanniques et américains sur l’Allemagne, 483 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Sévices sexuels dans les camps La violence sexuelle dans les camps revêtit plusieurs formes. De barbares expériences médicales menées par des médecins nazis privèrent des hommes et des femmes de leurs organes génitaux. À Auschwitz, les femmes auxquelles la chambre à gaz était épargnée à leur arrivée, étaient contraintes d’exposer leur nudité dans les douches devant des gardes SS lubriques qui se délectaient à leur frapper la poitrine. Dans les camps, d’innombrables jeunes femmes furent enfermées dans des bordels. À Buchenwald, certains prisonniers politiques, connus pour leurs principes moraux et religieux furent contraints par les SS à se rendre au bordel du camp où étaient détenues des « volontaires » non juives du camp de concentration pour femmes de Ravensbrück. Irma Grese, la sadique surveillante SS d’AuschwitzBirkenau, aurait eu des relations homosexuelles avec des prisonnières qu’elle envoyait ensuite à la chambre à gaz. Pour sauver leur vie, des femmes de Birkenau, affamées, se donnaient à des prisonniers en échange de la nourriture. Alors que l’idéologie raciale nazie interdisait les relations entre Juifs et « Aryens », il y eut des exemples de viol. Les nazis, cependant, n’étaient pas les seuls à perpétrer des sévices sexuels. Les survivants de Buchenwald rapportent que des garçons polonais et russes, certains âgés de 12 ans, furent contraints à des actes homosexuels par certains prisonniers. Les victimes de violences sexuelles ayant, pour la plupart, gardé le silence, cet aspect de la vie au camp est mal connu. L’Agence juive, créée par la Société des nations dans les années 1920, publie des informations sur le « massacre d’un peuple », dans Jewish Frontier (Frontière juive) d’octobre 1943. L’Agence juive acheminait des orphelins en Palestine, prônait le bombardement des voies ferrées menant à Auschwitz et exhortait les Alliés à sauver les Juifs des camps de concentration. Un volontaire suisse, nommé l’abbé Gross (à gauche), tend une cigarette à un prisonnier du camp de transit de Gurs par la clôture de fil barbelé. Situé dans les Pyrénées françaises, Gurs était un camp de détention improvisé qui contint plusieurs milliers de Juifs avant leur déportation à Auschwitz. Des abris précaires, des chemins de terre qui devenaient boueux à la moindre pluie et des rations de famine rendaient les conditions extrêmement pénibles pour les détenus de Gurs. 1943 484 notamment sur la Ruhr, région fortement industrialisée. • À Wlodawa, en Pologne, des Juifs attaquent la ferme Turno, une exploitation appartenant autrefois à des Juifs et saisie par les Allemands. Les Juifs mirent le feu aux bâtiments. Un Juif nommé Yankel, qui vivait dans un trou sous le plancher de la grange depuis environ un an, meurt quelques heures après avoir été mis en sécurité par les attaquants. • Octobre 1943 : Liquidation du ghetto de Chernovtsy, en Roumanie. • Heinrich Himmler, chef des SS, prononce un discours lors de la conférence sur la « solution finale ». • Juste avant d’être assassinées, plusieurs femmes juives attaquent à mains nues des soldats SS à Auschwitz. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE En vue d’empêcher les évasions du ghetto de Minsk (Biélorussie) vers les forêts, cette annonce rédigée en deux langues met en garde contre l’escalade de la clôture. Bien qu’encourant la mort, plusieurs habitants du ghetto prirent le risque. Guidées par d’audacieux enfants – certains âgés de 11 ans – des familles entières se réfugièrent dans la forêt où bon nombre rejoignirent le camp familial et l’unité de partisans de Shalom Zorin. Moshé Gildenman, aussi appelé Oncle Misha, commandait une unité de partisans en Ukraine. Après que les nazis eurent tué sa femme et sa fille, le 21 mai 1942, Gildenman et son fils constituèrent un groupe de rebelles qui attaquaient les fermes allemandes et les postes de police ukrainiens. Lorsque son unité fut incorporée dans un groupe de partisans non juifs en 1943, Moshé se porta volontaire dans l’armée soviétique. Il émigra en Israël en 1950 et mourut en 1958. Près de Minsk, en Biélorussie, un soldat allemand pointe son revolver vers un Juif, peut-être suspecté d’être un partisan. Après la déportation de 4 000 Juifs de Minsk, en octobre 1943, seuls les quelques Juifs qui avaient réussi à se cacher demeurèrent dans le ghetto. Au début du printemps 1942, plusieurs s’étaient enfuis du ghetto dans les forêts voisines où ils rejoignirent des groupes de partisans comme l’unité Shalom Zorin qui compta par la suite 800 combattants. • 2 octobre 1943 : La population danoise sauve environ 7 000 Juifs, dont 500 seulement sont pris par les Allemands. Ces 500 Juifs sont envoyés au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie ; tous, sauf 77, survivront à la guerre. Le gouvernement danois veillera sans cesse à la santé et au bien-être des Juifs envoyés à Theresienstadt, assu- rant la survie de presque tous. • Les premiers parachutistes juifs palestiniens atterrissent dans les Balkans. Ces Juifs acceptent d’aider d’abord les unités de résistance non juives au profit de l’effort de guerre britannique. Ce n’est qu’alors que les Britanniques leur permettront d’aider d’autres Juifs. • 2-3 octobre 1943 : Aux Pays-Bas, les familles de Juifs enrôlés pour le travail forcé sont envoyées au camp de concentration de Westerbork, aux Pays-Bas. • 3 octobre 1943 : Au cours d’une inspec- tion de routine des baraquements du camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau, un médecin SS juge 139 détenus inaptes au travail. Ces détenus sont aussitôt gazés. 485 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Est représenté ici un enfant prisonnier d’un Jugendschutzlager (camp de « protection » de la jeunesse) situé dans le ghetto de Lodz (Pologne). Le Jugendschutzlager, destiné aux Polonais non juifs, fut créé en décembre 1942. Environ 10 000 enfants franchirent ses portes ; la plupart furent exterminés par la suite à Chelmno et Auschwitz. Les Juifs cachés Dans toute l’Europe, dans des greniers et dans des caves, dans des placards secrets si petits qu’on pouvait à peine s’y accroupir, des Juifs s’efforcèrent de se cacher pour échapper à leurs persécuteurs nazis. Ils furent parfois cachés par des amis non juifs ; parfois par de complets étrangers. À Amsterdam, la famille Frank, et plusieurs autres, se cachèrent pendant des mois dans une annexe secrète, approvisionnés en denrées de base par Miep Gies. Dieuwke Hofstede (photo), une Néerlandaise, ouvrit ses portes à Henny Kalkstein (à droite). Des couvents et des monastères cachèrent aussi des enfants juifs. Dans la ville d’Assise, au nord de l’Italie, le père Rufino Niccacci fournit aux Juifs des faux papiers d’identité et les aida à trouver des abris et un travail. En France, le village du Chambon-sur-Lignon tout entier, guidé par le pasteur André Trocmé, se chargea de cacher et protéger des réfugiés juifs. En Europe orientale, il était extrêmement difficile de trouver un endroit où se cacher. Alors que de nombreux Polonais étaient antisémites et que de nombreux autres redoutaient les conséquences d’une aide apportée à des Juifs, certains Polonais répondirent aux appels à l’aide. Irene Gut Oppyke cacha 12 Juifs dans la maison d’un officier allemand chez lequel elle était employée comme gouvernante. À Wlodawa, en Pologne, un Juif nommé Yankel vécut pendant un an dans un trou creusé dans le sol d’une grange. La ferme elle-même était occupée par des soldats allemands. Vladka Meed, qui utilisait cette carte d’identité au nom de Stanislawa Wachalska pour vivre du côté aryen de Varsovie, la mit à profit pour aider le mouvement de Résistance du ghetto. Fournissant des armes à feu aux combattants du ZOB, elle aida également des Juifs à quitter le ghetto et à trouver un abri. L’héroïsme de V. Meed et d’autres personnes joua un rôle décisif dans le succès des mouvements de Résistance à Varsovie et dans d’autres ghettos polonais. 1943 486 • 4 octobre 1943 : Dans un discours adressé aux officiers supérieurs SS, Heinrich Himmler, leur chef, souligne que le meurtre est pénible, mais nécessaire et que le meurtre des Juifs ne doit jamais être évoqué en public. d’accouchement de l’hôpital de Cracovie (Pologne), où ses contractions ont commencé, pour se trouver face à deux agents de la Gestapo. Elle garde son calme et les agents de la Gestapo lui disent de retourner au lit. • 6 octobre 1943 : Helen Manaster, une Juive se faisant passer pour une catholique, est appelée à sortir de la salle • 7 octobre 1943 : Une unité de partisans juifs actifs près de Vilnius (Lituanie) détruit plus de 50 poteaux télégraphiques le long de la route de 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Josef Glazman était le commissaire adjoint de la police du ghetto de Vilnius (Lituanie) et le dirigeant du mouvement de jeunesse Betar. Ses négociations avec les dirigeants des mouvements de jeunesse aboutirent à la constitution d’un groupe de Résistance uni appelé FPO (Organisation des partisans unis). Glazman était chargé de réunir des renseignements sur les forces allemandes et lituaniennes, d’entraîner de nouvelles recrues et d’organiser le logement dans le ghetto. Il fut tué en octobre 1943, au cours d’une fusillade contre les Allemands dans la forêt de Naroch. Lorsque la guerre tourna au détriment des Allemands, ces derniers tentèrent de dissimuler leurs crimes. Les Sonderkommandos, constitués pour la plupart de Juifs, reçurent donc l’ordre d’entreprendre l’exhumation des corps des millions de victimes de l’Allemagne nazie et de faire disparaître les dépouilles. Cette photographie montre une machine à broyer les os qui était utilisée pour pulvériser les parties du corps ne pouvant être incinérées. L’homme, à droite, du nom de Korn, brûla environ 46 000 corps, y compris celui de sa femme, durant les trois mois où il travailla dans le Sonderkommando. Des prisonniers du camp de concentration de Buchenwald, en Allemagne, travaillent devant les chaînes de montages de l’usine de munitions de Gustloff Werke II. Construite en 1943, c’était l’une des principales usines d’armements de Buchenwald. Ce complexe exploitait 3 600 prisonniers. Le traitement particulièrement sadique réservé aux prisonniers par leurs gardiens nazis se traduisait par un taux de mortalité extrêmement élevé. Vilnius à Grodno. • Dans un rapport officiel, le chef allemand de la police en Pologne recommande que les Polonais qui aident des Juifs soient châtiés sans procès. • Un millier de Juifs de Paris sont envoyés à la mort à Auschwitz. • 8 octobre 1943 : La veille du Jour du grand Pardon, plusieurs milliers de Juifs malades ou affaiblis sont gazés à Auschwitz. • Trois mille prisonniers de guerre italiens sont assassinés par les SS et les gardes ukrainiens à La Risiera di San Sabba, en Italie, au sud de Trieste. Sur les 1 920 Juifs de Trieste, 620 sont massacrés par les SS. • 10 octobre 1943 : Yanis Lipke, un Letton non juif, sauve trois Juifs de Riga en offrant aux gardes du ghetto deux paquets de cigarettes contre « quelques youpins qui travailleraient dans mon potager » ; voir 11 octobre 1943. • Au camp de la mort de Sobibor, une révolte est organisée par des travailleurs juifs et par des prisonniers de guerre juifs de l’Armée rouge ; voir 13 octobre 1943. • 11 octobre 1943 : Après avoir sauvé trois Juifs du ghetto de Riga (Lettonie) sous prétexte de les employer chez lui, Yanis Lipke sauve 487 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Un soldat italien et un marin italien s’étreignent pour célébrer l’annonce que l’Italie a déclaré la guerre à l’Allemagne. Pour de nombreux soldats, cette réjouissance allait être de courte durée. Le nouveau gouvernement de l’Italie, dirigé par le maréchal Pietro Badoglio, se rendit aux Alliés le 8 septembre et, cinq semaines plus tard, le roi Victor Emmanuel III prit une autre mesure : la déclaration de guerre à l’Allemagne. En conséquence, des centaines de milliers de soldats italiens des régions contrôlées par les troupes allemandes furent désarmés par les Allemands et envoyés dans des camps d’internement. Plusieurs milliers périrent. Des pêcheurs danois conduisent un bateau chargé de fugitifs juifs par un détroit jusqu’à la Suède, pays neutre, au cours de la grande opération de sauvetage à l’échelle nationale. La nouvelle de la déportation imminente des Juifs suscita une réaction rapide de la part des Danois qui mirent tout en œuvre pour sauver les citoyens juifs. Des embarcations de toutes tailles et de toutes formes furent utilisées pour acheminer les Juifs du Danemark en Suède, hors d’atteinte des nazis. Un Juif, qui vient d’être appréhendé par un nazi danois (au centre en imperméable et chapeau noirs) est sauvé par ses compatriotes danois. Alors que le nazi escortait le Juif dans les rues, une foule en colère le contraignit à remettre son prisonnier à la police danoise. Une fois en sécurité au poste de police, le Juif fut aidé par les gendarmes à s’évader. La police danoise refusa constamment de collaborer avec les autorités d’occupation allemandes. 1943 488 d’autres Juifs le lendemain, avec la même ruse. • Au camp de la mort de Sobibor, les nouveaux arrivants paniquent et se précipitent vers les barbelés ; ils sont alors mitraillés par les gardes. • 13 octobre 1943 : L’Italie déclare la guerre à l’Allemagne. • Haches, couteaux et vêtements chauds sont secrè- tement distribués à des détenus du camp de la mort de Sobibor ; voir 14 octobre 1943. • 14 octobre 1943 : Leon Feldhend- ler et un officier soviétique juif Aleksandr Pechersky, internés dans le camp de la mort de Sobibor depuis septembre, fomentent une révolte et une évasion au cours de laquelle 11 1943 Cette photo de groupe d’enfants danois fut prise dans un foyer pour enfants en Suède après leur évasion du Danemark. Le sauvetage des Juifs danois est l’une des rares histoires réconfortantes dans les tragiques annales de la Shoah. En survivant, ces enfants juifs, sans le savoir, ont défié toutes les intentions génocidaires des nazis. Un policier suédois accompagne un réfugié juif danois qui vient d’arriver au service social de Rebslagergade, en Suède. La participation suédoise fut décisive dans la réussite de cette opération de sauvetage. Non seulement le gouvernement se déclara prêt à accepter tous les réfugiés juifs du Danemark, mais la Croix-rouge suédoise contribua à sauver les quelque 500 réfugiés danois déportés au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie. gardes SS allemands et deux ou trois gardes SS ukrainiens sont tués. 200 Juifs, sur les 600 que contient le camp, sont abattus ou sautent sur des mines ; parmi eux, le peintre néerlandais Max Van Dam, âgé de 33 ans. Sur les 300 qui s’évadent, 100 seulement sont repris ; parmi les 200 évadés, bon nombre rejoignent les forces partisanes soviétiques. 50 à 70 seule- • MORT ET RÉSISTANCE Le sauvetage des Juifs du Danemark Les actions héroïques de la population danoise au cours de l’automne 1943 sauvèrent presque tous les Juifs du Danemark d’une mort certaine dans les camps de concentration nazis. Après l’occupation du pays par les Allemands, en 1940, le gouvernement danois résista aux pressions exercées par les nazis pour qu’il livre les Juifs. En 1943, les Danois intensifièrent la résistance, déclenchant une implacable réaction nazie. Imposant la loi martiale, les Allemands commencèrent en octobre à arrêter et à déporter les Juifs danois. Réagissant spontanément, les Danois alertèrent et cachèrent les Juifs, les aidant à parvenir jusqu’à la côte et organisant secrètement une traversée jusqu’en Suède (photo). Parmi ces modestes sauveteurs danois, se trouvaient des policiers, des pêcheurs, des ecclésiastiques et des organisations sociales. En trois semaines, la population danoise transporta en lieu sûr, à bord de bateaux de pêche, plus de 7 200 Juifs, ainsi que près de 700 de leurs proches non juifs. Les nazis, certes, capturèrent 464 Juifs qu’ils envoyèrent au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, mais l’aide se poursuivit, les Danois envoyant des colis de nourriture à leurs compatriotes juifs emprisonnés à Theresienstadt. Juste avant la fin de la guerre, au printemps 1945, des négociations permirent d’évacuer des camps de concentration la majeure partie des Juifs scandinaves pour les acheminer en Suède. ment, dont Pechersky, survivront à la guerre ; voir 16 octobre 1943. • 16 octobre 1943 : Deux jours après une violente révolte des Juifs au camp de la mort de Sobibor, Heinrich Himmler, chef de la SS, ordonne la destruction du camp. • À Rome, les Allemands fouillent chaque maison à la recherche de Juifs. Un millier de Juifs sont brièvement détenus au Collegio militare de Rome, puis déportés à Auschwitz. 477 Juifs sont abrités au Vatican et 4 238 autres trouvent refuge dans des couvents et des monastères de Rome. Cependant, à cette date, plus de 8 300 Juifs italiens ont déjà été déportés à Auschwitz. 489 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Stanislaw Szmajzner, âgé de 16 ans, contribua à organiser la révolte au camp de la mort de Sobibor, en octobre 1943. Après le soulèvement, Szmajzner fut l’un des prisonniers qui réussit à s’évader à et rejoindre les partisans russes. Il fut l’un des trois membres de son groupe à survivre à la guerre. Le Zyklon B À six semaines d’intervalle, en 1943, un camion parti d’Auschwitz se rendit à Dessau, en Allemagne. Il revint avec des boîtes en fer hermétiquement closes contenant du Zyklon B, nom sous lequel étaient commercialisés des cristaux de cyanure d’hydrogène bleuâtres qui asphyxièrent plus d’un million de Juifs au camp d’extermination d’Auschwitz. Le Zyklon B, un puissant pesticide mis au point pendant la Première Guerre mondiale, était utilisé pour combattre des maladies contagieuses en fumigeant des immeubles infestés de poux. Au début, c’est effectivement dans ce but qu’il fut utilisé à Auschwitz où le surpeuplement, la malnutrition et la médiocrité des conditions sanitaires faisaient peser la menace constante d’épidémies de dysenterie, de fièvre typhoïde et de typhus. Vers la fin de l’été 1941, cependant, les nazis expérimentèrent le Zyklon B sur des prisonniers de guerre soviétiques. Ils découvrirent que la vaporisation de ce composé constituait un moyen particulièrement fiable et efficace d’accélérer la « solution finale ». Deux entreprises allemandes – DEGESCH, une filiale d’I.G. Farben, et la société Tesch & Stabenow – firent des profits énormes en fournissant du Zyklon B aux SS. Elles le modifièrent même pour Auschwitz en en ôtant l’odeur caractéristique qui avertissait en général les gens de la présence mortelle de leur produit. En 1942, Auschwitz utilisa 8,2 tonnes de Zyklon B. En 1943, 13,4 tonnes. Dans la plupart des cas, il était versé par de petites ouvertures pratiquées dans le toit des chambres à gaz bondées de Juifs. Une fois exposés à l’air, les cristaux produisaient un gaz mortel. Quelques minutes plus tard, après des cris de panique, les victimes étaient mortes. 1943 490 Ernst von Weizsäcker était un diplomate de carrière qui servit loyalement le régime nazi. Sa carrière suivit les traces de son mentor, Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères. Weizsäcker fut secrétaire d’État allemand dès la nomination de Ribbentrop au poste de ministre des Affaires étrangères jusqu’en 1943, date à laquelle il devint ambassadeur au Vatican. • L’ambassadeur allemand au Vatican, Ernst von Weizsäcker, complimente le Saint-Siège pour sa « parfaite impartialité » entre l’Allemagne et les Alliés. Lorsque Weizsäcker demande ce que fera le pape Pie XII au cas où le gouvernement allemand persisterait dans son actuelle politique envers les Juifs en Italie, le secrétaire d’État au Vatican, Maglione, répond que « le Saint-Siège ne voudrait pas être mis en position d’avoir à pronon- cer une parole de désapprobation. » Le pape est « circonspect afin de ne pas donner au peuple allemand l’impression qu’il a fait ou a voulu faire ne serait-ce que la plus petite chose contre l’Allemagne durant cette terrible guerre. » • 17 octobre 1943 : Une unité de partisans juifs commandée par Abba Kovner détruit deux locomotives et deux ponts près de Vilnius (Lituanie). 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Sur une photo de famille d’une époque plus heureuse, Leone Biondi et Virginia Piperno sont représentés avec trois de leurs six enfants. Octobre 1943 marqua une nouvelle étape dans le contrôle exercé par les Allemands sur les affaires italiennes après l’occupation de l’Italie du Nord. Des ordres furent donnés de rassembler et de déporter les Juifs de Rome et, le 18 octobre, un millier d’entre eux furent envoyés à Auschwitz. Grâce à l’intervention d’amis et de voisins italiens, de nombreux Juifs purent se cacher et éviter d’être pris, certains dans des églises et monastères catholiques. Les Biondi n’eurent pas cette chance ; la famille tout entière périt à Auschwitz. Tandis que les dirigeants juifs des villes italiennes de Florence et Venise avertissaient les Juifs de se cacher, les dirigeants de Rome réagirent lentement aux nouvelles sur d’éventuelles déportations. Les listes de noms et d’adresses ne furent pas détruites, ce qui vulnérabilisa de nombreuses familles. Franza et Enrica Spizzichino, âgées respectivement de sept et dix ans, qui posent ici sur une bicyclette à Rome, furent parmi les déportés. Les fillettes, leurs parents et leur frère Mario furent traqués et déportés à Auschwitz où ils furent assassinés à leur arrivée. Gertruda Babilinska travailla pendant quinze ans pour une famille juive. On la voit ici avec l’un des enfants de la famille, Michael Stolovitzky. Après l’occupation allemande, elle refusa d’abandonner la famille. Lorsque M. Stolovitzky fut déporté à Auschwitz et que sa fille mourut, G. Babilinska aida Mme Stolovitzky et Michael à s’évader, d’abord à Varsovie, puis à Vilnius. Là, elle loua un appartement dans lequel elle cacha Michael. Comme la mère de Michael mourut elle aussi, G. Babilinska se chargea de Michael après la guerre. Tous deux émigrèrent en Israël où elle fit en sorte qu’il reçoive une éducation juive. • L’ambassadeur allemand au Vatican, Ernst von Weizsäcker écrit à son ministère des Affaires étrangères que le Sacré Collège est « particulièrement consterné », car la rafle des Juifs à Rome se produit « sous les fenêtres même du pape. » Il souligne que le pape continue à tout faire pour « ne pas perturber les relations avec le gouvernement allemand et les agences allemandes à Rome. » • 20 octobre 1943 : Création de la com- mission des Nations unies sur les crimes de guerre ; voir 26 octobre 1943. • 21 octobre 1943 : Au cours de la dernière Aktion, à Minsk (Biélorussie) environ 2 000 Juifs sont massacrés à Maly Trostinets. • 23 octobre 1943 : 1 800 Juifs polo- nais détenus jusqu’alors à BergenBelsen (Allemagne), arrivent à Auschwitz où les femmes se révoltent devant les chambres à gaz, tuant un garde SS et en blessant deux autres. Des renforts SS utilisent des grenades à gaz et des mitrailleuses pour soumettre et tuer les résistantes. • En Lituanie, une unité 491 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La Résistance juive Alors que tout s’y opposait, de nombreux Juifs bravèrent courageusement les nazis, tandis que d’autres combattirent activement contre eux. La Résistance juive contre les nazis revêtit des formes très diverses. Dans les ghettos et dans les camps d’Europe orientale, les Juifs ne purent souvent opposer que leur « résistance spirituelle. » Ils s’efforçaient par tous les moyens de sauvegarder leur dignité et leur héritage culturel. Ils résistèrent opiniâtrement à la politique de déshumanisation pratiquée par les nazis, entre autres par des cérémonies religieuses interdites, des concerts ou des pièces de théâtre. Ils organisèrent des cours d’hébreu, publièrent des journaux et décrivirent la vie dans les ghettos et dans les camps soit en images, soit en tenant des journaux intimes et des archives. Les Juifs constituèrent d’actifs réseaux clandestins qui fournissaient secrètement vivres, vêtements et médicaments, permettant ainsi à ceux qui étaient pris au piège de prolonger leur existence. En refusant de succomber devant les nazis et en s’accrochant plutôt à la vie dans les conditions les plus atroces, les Juifs montrèrent leur façon de « sanctifier la vie », ainsi que leur volonté de survivre. Dans certains camps, les Juifs prirent l’initiative de ralentir le travail ou affichèrent de façon non violente leur insoumission. Les 1943 492 dirigeants juifs et les membres du conseil qui refusèrent d’obéir aux directives nazies le payèrent de leur vie. Dans des circonstances d’une extrême difficulté, les Juifs entreprirent aussi une résistance armée dans les ghettos et dans les camps, et combattirent les nazis dans des unités de partisans. Des révoltes se produisirent dans plus de 40 ghettos. Bien qu’écrasé par les Allemands, le soulèvement de Varsovie, en 1943, revêtit une importance symbolique considérable. Il infligea des pertes importantes aux Allemands, prouva que les Juifs n’étaient pas des victimes passives et inspira des organisations de résistance et des individus dans d’autres ghettos ou d’autres camps. En dépit de l’éventualité d’un terrible châtiment – et en dépit des clôtures, des tours de guet, des mitrailleuses, des projecteurs et des chiens violents – des soulèvements éclatèrent dans quatre camps de la mort et dans plusieurs camps de concentration. Hautement symbolique, la des- de partisans juifs détruit les lignes de télégraphe et de téléphone le long de la voie ferrée Vilnius-Lida. • 25 octobre 1943 : Des membres de la communauté juive de Dvinsk, en Lettonie, sont déportés au camp de concentration de Riga-Kaiserwald, en Lettonie. • Les Allemands commencent à liquider l’équipe chargée de truction par les détenus d’un four crématoire à Auschwitz fut un acte courageux et désespéré qui, malheureusement, ne sauva pas beaucoup de vies. La plupart des rebelles furent tués. Des dizaines de milliers de Juifs combattirent les nazis au cours d’actions partisanes. À l’instar des guérillas urbaines et des saboteurs – ou de simples assassins se cachant dans les montagnes, les bois et les marécages – ils infligèrent des dommages considérables aux opérations allemandes. En Pologne orientale et en Russie occidentale, des soldats soviétiques parachutés dans la région commandèrent des unités de volontaires juifs. Une brigade juive lituanienne opérait dans les forêts denses des environs de Vilnius. En Biélorussie, les frères Bielski menèrent un groupe de combat juif qui parcourait la forêt de Naliboki. Les hommes de cette photo agissaient dans la forêt biélorusse de Rudninkai. En Yougoslavie, l’armée de libération nationale de Tito comprenait 4 000 Juifs. Plus de 1 500 combattants juifs participèrent au malheureux soulèvement en Slovaquie, en 1944. En France, l’Organisation juive de combat contribua au débarquement en Normandie en entreprenant 1 900 attaques armées et d’innombrables sabotages de voies ferrées, usines et ponts. La moitié de ses 2 000 membres périrent. Un maquis juif aurait cependant tué plus de 1 000 nazis. brûler les corps au camp de travail de Janówska en Ukraine. • Heinrich Himmler, chef des SS, ordonne la destruction de la collection de crânes et de squelettes de Juifs de l’Institut anatomique du Reich, à Strasbourg ; voir 21 juin 1943. • Libération par l’Armée rouge de Dniepropetrovsk, en Ukraine. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE PRINCIPAUX GROUPES DE RÉSISTANCE JUIVE EN EUROPE ORIENTALE, 1942–1944 REICHSKOMMISSARIAT OSTLAND mer Baltique Kovno Vilnius Régions où opéraient les partisans juifs 0 Minsk 100 miles 0 Mogilev Grodno BIALYSTOK 200 kilomètres SOUS Novogrudok ADMINISTRATION MILITAIRE ALLEMANDE Bialystok GRANDE ALLEMAGNE N Varsovie Brest Litovsk Lublin Les mains au-dessus de la tête, des résistants présumés sont gardés par un membre de la milice française, revolver au poing. La milice fonctionnait comme le corps de police du gouvernement de Vichy et comme agents secrets pour traquer les membres du Maquis, la Résistance française. Comptant quelque 29 000 volontaires à l’automne 1943, la milice se livra de plus en plus à l’assassinat dans sa quête du pouvoir. REICHSKOMMISSARIAT UKRAINE Czestochowa GENERALGOUVERNEMENT Cracovie PROTECTORAT DE BOHÊME & MORAVIE Przemyśl SLOVAQUIE Rovno Ternopol Bolekhov HONGRIE ROUMANIE Plus de 20 000 Juifs se trouvaient dans les groupes de partisans des forêts d’Europe orientale, pour la plupart évadés des ghettos de la région. Les partisans luttaient pour survivre tout en planifiant des attaques avec un arsenal d’armes limité. Un macabre monceau de corps brûlés témoigne du grand massacre perpétré à Maly Trostinets, près de Minsk, en Biélorussie. Lors de la liquidation du ghetto de Minsk, fin octobre 1943, plus de 2 000 Juifs furent transportés à Maly Trostinets pour y être assassinés. Au total, des dizaines de milliers de Juifs furent exécutés sur ce site. • 26 octobre 1943 : Trois mille Juifs sont déportés de Kovno (Lituanie) au camp de travail de Klooga, en Estonie. • Première réunion à Londres de la commission des Nations unies sur les crimes de guerre, composée de 14 nations alliées (l’Union soviétique n’en fait pas partie). • 30 octobre 1943 : Le docteur Zelik Levinbok, un médecin juif interné au camp de Koldichevo en Biélorussie, s’évade avec sa femme et son fils âgé de huit ans. • Novembre 1943 : Les nazis rasent le camp de la mort de Treblinka. • Szosznik, un professeur d’hébreu, dirige la résistance des détenus au camp de la mort de Majdanek. Plusieurs centaines sont tués, dix s’évadent. • L’équipe chargée de brûler les corps se révolte à Borki, en Pologne. Cinquante sont tués et trois survivent. • Premiers décès au camp de travail silésien de Fünfteichen, en Pologne. • Démolition du camp de la mort de Sobibor. • La campagne de Breckinridge Long, fonctionnaire au Département d’État, contre l’immigration juive 493 1943 • MORT ET RÉSISTANCE En novembre 1943, Joseph Staline, Franklin Roosevelt et Winston Churchill se réunissent à Téhéran (Iran). Ils discutent de tactique militaire et de la création d’une organisation internationale ayant pour vocation de régler pacifiquement les conflits entre nations. Staline souhaitait particulièrement l’ouverture d’un second front pour réduire la pression allemande sur l’Armée rouge. Sont représentés sur la photo (de gauche à droite) le ministre soviétique des Affaires étrangères, Viacheslav Molotov, l’envoyé des États-Unis, W. Averell Harriman, Churchill et Staline. Ivan Vranetic cacha des dizaines de Juifs en Yougoslavie. Il les abrita dans des granges et, à l’occasion, chez lui. Mais, comme son village Topusko se trouvait à proximité de la frontière allemande, les soldats allemands procédaient souvent à des fouilles pour trouver des Juifs cachés. Lorsque cela se produisait, Vranetic cachait les Juifs dans la forêt. Après la guerre, Yad Vashem le qualifia d’« homme d’honneur ». Vranetic réside aujourd’hui en Israël. 1943 494 Ce violon finement travaillé appartint autrefois à Henry Rosner, prisonnier au camp de travail forcé de Plaszów qui était commandé par le sinistre Amon Goeth. Rosner et son frère Poldek, accordéoniste, divertissaient Goeth et son fréquent invité Oskar Schindler, à d’innombrables dîners. L’engouement de Schindler pour la musique de Rosner le conduisit à ajouter la famille Rosner au complet à la liste des 1 100 travailleurs pour son usine de munitions de Brinnlitz. Bien que le violon ne soit jamais arrivé à l’usine, Rosner retrouva son cher instrument – et sa femme – après la guerre. atteint son sommet lorsqu’il fait un faux témoignage devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants. Il informe la commission que les ÉtatsUnis ont accueilli 580 000 réfugiés depuis 1933. Il insinue que la plupart sont Juifs et qu’ils demeurent aux États-Unis. En fait, moins de 200 000 demeurent dans le pays, plusieurs ayant émigré des États-Unis vers d’autres pays et bon nombre des réfugiés n’étant pas juifs. Les chiffres de Long ne s’appliquent qu’au nombre de visas délivrés par les États-Unis. Le chiffre net de réfugiés allemands restés aux États-Unis n’est que de 51 960. Entre l’attaque de Pearl Harbor et la fin de la guerre, seulement 21 000 réfugiés supplémentaires sont admis aux États-Unis. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Oneg Shabbat La maquette du four crématoire II d’Auschwitz-Birkenau, construite et sculptée en 1991 par l’artiste Mieczyslaw Stobierski, décrit le processus subi par les victimes. Les unités responsables de l’enlèvement des corps des chambres à gaz, de leur transport jusqu’aux fours et de l’incinération étaient appelées Sonderkommandos. Ceux qui étaient sélectionnés pour ces tâches atroces recevaient des rations supplémentaires et étaient mieux traités que le détenu moyen. Tous les trois ou quatre mois, les membres des Sonderkommandos étaient envoyés aux chambres à gaz et traités exactement comme les milliers de victimes dont ils s’étaient occupés. Karl Lowenstein était un Juif placé à la tête de la garde du « camp modèle » de Theresienstadt, près de Prague, en Tchécoslovaquie. Ayant sous ses ordres 400 jeunes hommes, Lowenstein disposait d’un pouvoir considérable dans le camp. Il se heurtait fréquemment au conseil du ghetto à propos des privilèges accordés à luimême et à ses hommes. Finalement, les abus de pouvoir de Lowenstein conduisirent à sa révocation et à son emprisonnement par l’administration nazie du camp. • 1er novembre 1943 : Joseph Staline, Franklin Roosevelt et Winston Churchill signent la Déclaration de Moscou. Comme les Britanniques soupçonnent les Juifs et les Polonais d’exagérer les atrocités allemandes, la déclaration omet les références aux chambres à gaz. Tout en promettant la justice après la guerre pour les assassins, elle ne mentionne pas les Juifs. Convaincu qu’il fallait impérativement témoigner de l’inhumanité de l’attaque lancée par les nazis contre les Juifs de Varsovie, l’historien juif Emanuel Ringelblum (à gauche, sur la photo) entreprit de recueillir et de préserver des données sur la vie dans le ghetto. Sous sa direction, un petit groupe d’écrivains, journalistes, enseignants et étudiants en histoire constituèrent Oneg Shabbat (Délice du Shabbat). Cette opération clandestine, qui porte le nom des réunions clandestines du groupe le Shabbat, créa des archives secrètes assurant la chronique du vécu juif. L’équipe de Ringelblum encouragea les habitants à écrire leurs mémoires et à tenir un journal. Elle recueillit des documents clandestins comme des journaux du ghetto, des affiches, des annonces, des rapports et des statistiques sur le ghetto. L’équipe réunit également les témoignages de réfugiés d’autres camps et ghettos arrivés à Varsovie. Ringelblum lui-même tenait un journal. Les archivistes d’Oneg Shabbat tentèrent de transmettre des témoignages en Occident, mais ils entreposèrent la majeure partie des documents dans trois bidons de lait scellés, enterrés dans des endroits différents. L’un fut découvert en 1946, l’autre en 1950. Le troisième, qui contiendrait des informations sur la résistance, n’a pas encore été retrouvé. La plupart des membres de l’organisation ne survécurent pas aux déportations de 1942. Ringelblum se cacha dans la partie non juive de Varsovie jusqu’à ce qu’il soit arrêté, le 7 mars 1944, puis exécuté avec sa famille. • 3 novembre 1943 : Trois cents Juifs de Borki, en Pologne, près de Chelm, sont contraints d’exhumer 30 000 corps, pour la plupart des prisonniers de l’Armée rouge assassinés fin 1941. Les corps sont brûlés sur d’immenses bûchers. • Jacob Katz, un Juif chargé du nettoyage au camp de concentration de Budzyn, en Pologne, sauve sept vieux Juifs en les cachant sous des matelas. • Riccardo Pacifici, rabbin de Gênes, en Italie, est déporté à Auschwitz avec 200 membres de sa communauté et 100 réfugiés juifs du nord de l’Europe. • Mort du prêtre catholique antinazi Bernhard Lichtenberg en route pour le camp de concentration de Dachau, en Allemagne. 495 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Bernhard Lichtenberg, le doyen de la cathédrale St. Hedwig de Berlin, fut l’un des rares ecclésiastiques à condamner le régime nazi. Il rejoignit l’archevêque Clemens August von Galen de Münster pour s’opposer à la politique d’euthanasie et pria publiquement pour les Juifs. Arrêté par la Gestapo, Lichtenberg proclama fièrement qu’il souhaitait rejoindre les Juifs déportés. Deux ans de prison ruinèrent sa santé, ce qui n’empêcha pas les nazis de l’envoyer à Dachau après sa libération de prison. PRINCIPAUX GROUPES DE RÉSISTANCE JUIVE EN EUROPE OCCIDENTALE, 1942–1944 GRANDEBRETAGNE PAYS-BAS N Calais BELGIQUE Areas Jewish Régionofoù opéraient les partisans juifs Partisan Activity 0 0 300 kilomètres GRANDE ALLEMAGNE Paris OCÉAN ATLANTIQUE 200 miles FRANCE Limoges SUISSE Clermont-Ferrand Lyon Périgueux Chambon Grenoble ITALIE Toulouse ESPAGNE Marseille Nice L’Armée juive, un groupe de partisans français, fut active de 1942 à 1944. Elle fit passer des Juifs français en Espagne, pays neutre, fournit de l’argent pour aider les Juifs à se cacher et participa, en 1944, aux soulèvements de Paris, Toulouse et Lyon. Le président américain Franklin Roosevelt signe l’accord sur l’UNRRA, en 1943. L’United Nations Relief and Rehabilitation Agency était financée par les Alliés, mais, durant ses cinq années d’existence, cette agence fut financée principalement par les ÉtatsUnis. Placée sous la direction du maire de New York Fiorello La Guardia, l’UNRRA fut d’une grande aide pour les non Juifs et, accessoirement, pour les Juifs vivant dans des camps de personnes déplacées. 1943 496 • 3-4 novembre 1943 : Les Allemands entreprennent l’Erntefest (fête des moissons), un massacre planifié des Juifs dans trois camps de la région de Lublin, en Pologne. Environ 18 000 sont assassinés à Majdanek, 10 000 à Trawniki et 15 000 à Poniatowa. Dans ce dernier camp, les Juifs qui résistent sont brûlés vifs dans un baraquement. • 4 novembre 1943 : Les Allemands répriment une révolte de détenus dans le camp de travail de Szebnie, en Pologne. Le camp est liquidé ; environ 3 000 Juifs sont déportés à Auschwitz. • 6 novembre 1943 : Cinq semaines après s’être évadés d’une équipe de travail du site de massacre de Babi Yar, en Ukraine, quelque 14 Juifs et prisonniers de guerre 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La Résistance allemande Cette photo représente le cimetière de Hadamar, en Allemagne, où fut mis en œuvre le plus grand programme d’euthanasie. Les corps des victimes – qui avaient reçu des injections mortelles, avaient été gazées ou qu’on avait simplement laissé mourir de faim – furent en général incinérés. La famille était informée qu’ils étaient morts d’une maladie contagieuse. En 1942 et 1943, plusieurs responsables du programme d’euthanasie apportèrent leur « talent » dans les camps de la mort d’Europe orientale. Le maréchal Wilhelm Keitel était le chef d’étatmajor du haut commandement allemand. Conseiller militaire le plus proche d’Hitler, Keitel ne remit jamais en question les plans d’Hitler et garda le silence lorsqu’il était en désaccord avec le Führer. De nombreux ordres concernant les opérations génocidaires en Europe orientale portent la signature de Keitel. Keitel fut reconnu coupable de conspiration, de crimes contre la paix et de crimes contre l’humanité par le tribunal militaire international de Nuremberg. Sa requête d’être fusillé comme un soldat ayant été rejetée, le maréchal Keitel fut pendu le 16 octobre 1946. soviétiques sortent de leur cachette pour accueillir l’Armée rouge qui libère Kiev, en Ukraine. • 9 novembre 1943 : Deux cents Juifs de Venise (Italie) et quatre cents autres de Florence et de Bologne sont déportés à Auschwitz. • Au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, le chef du Conseil des anciens, Jacob Edelstein, et La Résistance allemande émana de milieux très divers. Des militaires, des pasteurs, des diplomates, des juristes et des dirigeants politiques d’obédiences très variées s’unirent dans la conviction que le régime nazi devait prendre fin. Ils ne s’accordaient pas tous sur les moyens à utiliser pour atteindre cet objectif. À Munich, l’organisation de la Rose blanche des étudiants Hans et Sophie Scholl imprima des tracts contre Hitler, mais ils furent pris et exécutés. Le cercle Kreisau du comte Helmut James von Moltke (photo) préparait une nouvelle Allemagne guidée par des principes chrétiens. Leur projet d’un avenir débarrassé du nazisme aboutit à leur mort. Le groupe militaire sous la direction du colonel Claus von Stauffenberg conspira pour assassiner Hitler dans un attentat à la bombe et pour établir un gouvernement qui ferait la paix avec les Alliés. Leur complot faillit réussir, mais Hitler survécut. Les conspirateurs et quiconque était en relation avec eux, y compris le pasteur luthérien Dietrich von Bonhoeffer, furent tués. Certains furent abattus, d’autres furent torturés, puis envoyés à la prison de Plötzensee où ils furent suspendus à des crochets de boucherie pour provoquer une lente agonie. Dans toutes les couches de la société, des Allemands guidés par leur conscience et leur conviction s’opposèrent à la tyrannie nazie et entravèrent la persécution croissante des Juifs. Bon nombre perdirent la vie pour avoir défié l’autorité. trois autres Juifs sont accusés d’avoir épargné la déportation à 55 Juifs du ghetto, en falsifiant des rapports sur la population. • Le sénateur américain Guy Gillette et les députés Will Rogers et Joseph Baldwin introduisent une résolution au Congrès, appelant le président à constituer « une commission d’experts dans les domaines de la diplomatie, de l’économie et de la défense pour élaborer et mettre en œuvre un plan d’action destiné à sauver les Juifs survivants en Europe. » Cette résolution sera la base du War Refugee Board (WRB). • Création de l’UNRRA (United National Relief and Rehabilitation Administration). • 10 novembre 1943 : Exécution, à Hambourg, du théologien protestant antinazi Karl Friedrich Stellbrink. 497 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Kurt Waldheim La carrière de Kurt Waldheim illustre la facilité avec laquelle certains individus évoluèrent entre la société civile et le nazisme. Lorsqu’en 1987, le ministère de la Justice des États-Unis inscrivit son nom sur sa Liste de surveillance en tant que criminel de guerre présumé, le voile du secret entourant le passé de Waldheim fut rapidement levé. Kurt Waldheim entra à la faculté de droit de l’université de Vienne, en 1937. Après l’Anschluss, il s’inscrivit à l’Association des étudiants nazis et devint membre des SA (Sections d’assaut). Soldat de la Wehrmacht, Waldheim participa aux campagnes en France et en Russie et fut blessé en décembre 1941. Le service de Waldheim dans les Balkans, de 1942 à 1945, lui fit connaître directement les atrocités perpétrées contre les partisans yougoslaves. Bien qu’il n’ait pas personnellement participé aux massacres, il fit l’objet d’une enquête et la commission autrichienne qui étudiait son rôle trancha qu’il s’était trouvé proche de personnes qui avaient perpétré des atrocités et qu’il n’avait rien tenté pour les en empêcher. Après la guerre, Waldheim prit immédiatement ses distances visà-vis de son passé nazi. Il rejoignit le corps diplomatique autrichien en 1945, fut ministre des Affaires étrangères de 1968 à 1970 et fut nommé secrétaire général des Nations unies en 1971. Bien que publiquement discrédité, Waldheim n’a pas encore été véritablement confronté à son passé. Cette circulaire encourage les Palestiniens à faire des dons pour financer le sauvetage des Juifs européens. Voici un extrait de ce texte : « Enfants d’Israël, écoutez ! Écoutez la voix qui demande de l’aide. Souvenez-vous de vos frères à tout moment, lorsque vous étudiez et lorsque vous vous reposez, lorsque vous mangez et lorsque vous jouez. Regroupez-vous comme un seul homme pour sauver et soutenir [nos frères]. » Les Juifs cherchant à émigrer en Palestine sans autorisation devaient éviter la marine britannique qui tentait de les empêcher d’entrer. Fin novembre 1943, des Juifs à bord de trois bateaux, qui souhaitaient entrer en Palestine, furent détenus et envoyés dans un camp sur l’île Maurice. Devant se prendre en charge, les détenus créèrent un hôpital. Infirmières et médecins durent relever de nombreux défis, notamment une épidémie de typhus. 1943 498 • Arthur Liebehenschel remplace Rudolf Höss au poste de commandant d’Auschwitz. • 11 novembre 1943 : Au camp / ghetto de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie, pour le 25ème anniversaire de la défaite de l’Allemagne dans la Première Guerre mondiale, les Allemands rassemblent les 47 000 Juifs sur une grande place pour un recensement mal organisé. Il dure pendant 18 heures sous une pluie glaciale. Une partie des Juifs meurent durant ce recensement ou peu après. • 13 novembre 1943 : Un Juif nommé Fritz Lustig tente en vain de s’évader du camp de la mort d’Auschwitz-Birkenau. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE Un four crématoire isolé se dresse à l’extérieur de la clôture de Vught, aux Pays-Bas. Vught n’était pas un camp d’extermination, mais de nombreux prisonniers moururent durant leur détention, notamment entre octobre 1943 et janvier 1944, lorsque le camp se trouva sous la direction du Sturmbannführer Adam Grünewald. Devant le four, se trouve un tas de cendres humaines. Un mur en béton surmonté de verre brisé et de pointes en acier entoure une partie du camp de concentration de Vught, la principale gare de transit pour les Juifs dans le sud des Pays-Bas. Créé en décembre 1942, Vught reçut les premiers prisonniers juifs le mois suivant. Si les conditions dans le camp n’étaient pas aussi mauvaises que celles qui prévalaient en Europe orientale, il n’en demeure pas moins que Vught envoyait ses détenus à Westerbork, importante étape de l’aller simple pour Auschwitz. Le ministre du Reich Richard Walther Darré accueille Hitler en 1943. La formation de Darré en agriculture et en économie le propulsa à la tête de l’Office central de la race et de la colonisation (RuSHA) et à la tête du Bureau de la politique agricole. Il fut limogé de ses deux fonctions pour avoir critiqué la façon dont Hitler et Himmler menaient la guerre et, banni, se retira dans son pavillon de chasse à Schorfheide, en Allemagne. • 14 novembre 1943 : Les Juifs de Ferrare, en Italie, sont déportés à Auschwitz. • 16 novembre 1943 : Les Juifs réduits en esclavage et malades de l’usine de munitions de SkarzyskoKamienna, en Pologne, attirés hors de leurs baraquements par les promesses de soupe faites par des gardes ukrainiens et des SS, sont abattus ou chargés sur des camions et emmenés à un autre endroit du camp pour être exécutés. • 17 novembre 1943 : 995 Juifs néerlandais arrivent à Auschwitz ; 531, dont 166 enfants, sont immédiatement gazés. • Le dictateur roumain Ion Antonescu ordonne à son gouvernement de résister aux efforts investis par les Allemands pour exterminer les Juifs de la région de Transnistrie. • 19 novembre 1943 : Les prisonniers du Sonderkommando 1005, une unité chargée de brûler les corps, se révoltent au camp de travail de Janówska, près de Lvov. Le dirigeant du soulèvement, Leon Weliczker, est l’un des rares survivants. • Un millier de Juifs sont abattus au cimetière juif de Sandomierz, en Pologne. 499 1943 • MORT ET RÉSISTANCE « On voyait des rats aussi gros que des chats courir et ronger les cadavres et même s’attaquer aux mourantes qui n’avaient plus la force de s’en débarrasser… [À l’intérieur], les paillasses étaient souillées, on ne les changeait que lorsqu’elles étaient complètement pourries. Les couvertures étaient si pleines de poux qu’on les voyait grouiller comme des fourmis. » —Marie Vaillant-Couturier, résistante française détenue à Auschwitz La partie principale de la synagogue de Cracovie, en Pologne, fut détruite durant l’hiver 1943-44. Amon Goeth, le commandant du camp de Plaszów, ordonna sans hésiter sa destruction pour laisser passer une ligne de chemin de fer. Les communications par train étaient indispensables à l’effort de guerre nazi et des milliers de kilomètres de rails furent posés pour faciliter le mouvement des matières premières et du matériel de guerre. 1943 Des garçonnets tsiganes décharnés, choisis pour subir l’ablation de leur pénis et de leurs testicules, sont catalogués par l’appareil photo d’Auschwitz. Hitler s’intéressait vivement à la stérilisation des « indésirables », moyen de contrôler la croissance des populations. Avantage corollaire, du point de vue d’Hitler : les sujets stérilisés pouvaient s’avérer utiles en travaillant pour le Reich. Les médecins des camps nazis procédèrent sans vergogne à des opérations chirurgicales et autres procédés. Outre son aspect profondément contraire à l’éthique, une expérimentation médicale de ce type était souvent maladroite et absolument infondée en termes de science véritable. Le docteur Josef Mengele d’Auschwitz et les chirurgiens d’autres camps étaient animés par une mentalité amorale du « et si ? », par une curiosité morbide sur ce qui arriverait à un être humain si tel ou tel procédé était appliqué. Pour ces médecins, la souffrance humaine ne comptait pas. • 22 novembre 1943 : Plus de 1 000 patients juifs de l’hôpital psychiatrique de Berlin sont déportés à Auschwitz. • 23 novembre 1943 : 150 partisans juifs s’évadent de Kovno, ville de Lituanie occupée, et se dirigent vers l’Est dans la forêt de Rudninkai. • 28 novembre-1er décembre 1943 : 500 Les dirigeants alliés Winston Churchill, Franklin Roosevelt et Joseph Staline se rencontrent à Téhéran, en Iran. Ils discutent d’un débarquement américanobritannique contre les Allemands à partir de l’ouest. • 30 novembre 1943 : Le ministre italien de l’Intérieur ordonne que tous les Juifs italiens soient internés dans des camps. 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La « vie » dans les camps Les nazis soumirent les prisonniers des camps de concentration à une déshumanisation qui débilitait le corps et brisait l’esprit : alimentation cruellement insuffisante, eau non potable, baraquements surpeuplés et infestés de poux, salles d’eau et toilettes innommables, interminables heures d’un labeur exténuant et, souvent, des punitions sadiques. La journée d’un détenu commençait extrêmement tôt. Redoutant d’être battus par les gardes qui juraient, les détenus épuisés se jetaient fébrilement à bas de leur couchette, rangeant à la hâte la couverture. Se précipitant vers des latrines crasseuses et heurtant les centaines de personnes qui tentaient de se laver aux quelques robinets, les détenus attendaient ensuite en rang le « petit déjeuner » souvent constitué d’un breuvage amer et d’un morceau de pain. Après un long appel, les équipes de travail étaient constituées. Dans certains camps, les membres des groupes de travail étaient obligés de chanter en sortant du camp ; l’orchestre du camp les accompagnait. Certains prisonniers marchaient jusqu’à 15 kilomètres pour se rendre sur leur lieu de travail. D’autres effectuaient un travail stérile et torturant dans l’enceinte du camp. Le soir, après 11 ou 12 heures de travail, les prisonniers subissaient à nouveau l’appel, restant au garde-à-vous pendant des heures, appel suivi du « dîner ». L’extinction des feux avait lieu à 21 heures. • Début décembre 1943 : Le secrétaire d’État au Trésor des ÉtatsUnis, Henry Morgenthau demande à ses assistants Randolph Paul et John W. Pehle, d’enquêter sur la façon dont le Département d’État a traité de la question des réfugiés juifs. • 2 décembre 1943 : 100 Juifs de Vienne arrivent à Auschwitz. Dans les baraquements toujours surpeuplés et souvent sans chauffage, les prisonniers trouvaient difficilement le sommeil. Entassés sur des châlits en bois de trois étages, deux ou trois personnes occupaient parfois l’espace prévu pour une seule – parfois sur des matelas de paille, souvent à même la planche, pas toujours avec des couvertures. Les sanitaires consistaient en urinoirs et latrines qui n’étaient que des rangées de trous percés dans des dalles de bétons au-dessus de tuyaux de vidange. Les lavabos consistaient en gouttières de faïence ponctuées de plusieurs robinets apportant de l’eau de puits polluée. Les prisonniers étaient affamés en permanence et mouraient littéralement de faim. Le matin et le soir, le breuvage sombre était parfois accompagné de pain dur aigre. Si les détenus avaient de la chance, le dîner comportait quelques grammes de saucisson, ou de fromage rassis • 12 décembre 1943 : Le président du Conseil juif de Wlodzimierz Wolynski (Pologne), lieu d’un massacre de rue en 1942, affirme aux derniers habitants du ghetto qu’ils seront sains et saufs ; voir 13 décembre 1943. • 13 décembre 1943 : Liquidation de la communauté juive de Wlodzimierz Wolynski, en Pologne. • En Grèce, les ou moisi, ou un peu de confiture. À midi, une infecte soupe de navets trop liquide – contenant de vagues traces de pommes de terre et d’orge – fournissait 3 à 400 calories. Souvent obligés de manger dehors, même par un temps glacial, les prisonniers devaient boire leur soupe dans des gamelles. De nombreux prisonniers en étaient réduits à fouiller dans les poubelles situées près des cuisines du camp, contractant la dysenterie pour avoir mangé des épluchures crues ou du chou pourri. Certains détenus volaient ou échangeaient de la nourriture, encourant un terrible châtiment. Les coups étaient routiniers. Tout SS avait le droit de battre, ou de tuer n’importe quel prisonnier. Les coups de fouet étaient infligés en général durant l’appel. Les prisonniers s’étendaient sur des bancs spéciaux, les jambes entravées, et recevaient des dizaines de coups de bâton ou de fouet. Un châtiment extrêmement douloureux, appelé le « pilier », consistait à lier les mains des prisonniers derrière le dos puis à les suspendre à une poutre ou à un arbre par une corde attachée à leurs poignets. La réclusion dans la « cellule debout » était également terrible. Quatre prisonniers étaient entassés pendant plusieurs jours dans le noir absolu dans un espace de moins d’un mètre carré, dans l’incapacité de s’allonger et disposant seulement d’une ouverture de 5 centimètres fournissant de l’air. Les prisonniers capturés après avoir tenté de s’évader étaient pendus devant les autres détenus. nazis massacrent tous les hommes âgés de plus de 14 ans dans le village de Kalávrita. • 17 décembre 1943 : En représailles à l’évasion de plusieurs Juifs du ghetto, d’autres Juifs sont exécutés à Kovno, en Lituanie. • 21 décembre 1943 : Hersz Kurcweig, 501 1943 • MORT ET RÉSISTANCE La vie des partisans Pendant la Seconde Guerre mondiale, des dizaines de milliers d’hommes et de femmes rejoignirent les partisans qui opéraient principalement en Europe orientale et dans les Balkans. Agissant seuls, en équipe avec des membres de leur famille ou dans des unités nationalistes, les partisans menaient une vie précaire et dangereuse. De nombreux partisans élirent domicile dans les régions boisées d’Europe orientale, survivant grâce à des vivres pris au cours de raids. Pour éviter d’être découverts, ils s’abstenaient de construire des structures permanentes. Ils s’abritaient dans des tranchées ou dormaient sous des branchages et des feuilles. Les longues nuits d’hiver étaient particulièrement rigoureuses, car le feu était un luxe que les combattants clandestins ne pouvaient s’offrir. La vie des partisans était différente pour les Juifs et pour les non Juifs. Alors que les partisans non juifs pouvaient s’éclipser pour trouver refuge chez des habitants de la région, très peu de personnes en Europe orientale étaient disposées à offrir un abri et des vivres aux partisans juifs. S’étant évadés d’un ghetto pour devenir partisans, les Juifs ne disposaient d’aucun endroit neutre où ils auraient pu vivre sans être agressés par les autorités nazies. Traqués par les nazis, les partisans juifs étaient souvent haïs par les habitants de la région. Le rabbin Stephen S. Wise (à gauche) s’entretient avec le député américain Sol Bloom, de New York, au cours d’une séance de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants. Les inlassables efforts de Wise en faveur des Juifs d’Europe apportèrent peu de soulagement à ses frères persécutés. Au cours de cette séance de décembre 1943, le rabbin Wise présenta à nouveau le programme en six points qu’il avait suggéré huit mois plus tôt lors de la conférence des Bermudes. Ce programme appelait la Grande-Bretagne à ouvrir la Palestine à l’immigration juive. L’opposition britannique fit en sorte que l’idée ne puisse être sérieusement envisagée. Les SS du camp de concentration de Neuengamme, en Allemagne, célèbrent Noël avec leurs familles en 1943 ou 1944. La guerre et la « solution finale » n’empêchaient pas le personnel du camp de prendre le temps de célébrer la fête. Tout au long de la guerre, les SS s’efforcèrent de maintenir la routine ordinaire pour les gardes du camp et leurs familles. 1943 502 un Juif, et Stanislaw Dorosiewicz, un non Juif, s’évadent d’Auschwitz après avoir tué un garde SS. ridge Long, lui disant : « l’impression générale est que vous, en particulier, êtes antisémite ! » • 22 décembre 1943 : La Gestapo • 23 décembre 1943 : Liquidation de la communauté juive de Pinsk, en Pologne. • Le secrétaire d’État au Trésor des États-Unis, Henry Morgenthau, est informé par son équipe que « tout bien considéré, à cette date, l’attitude [du Département d’État] n’est guère découvre 62 Juifs cachés dans la cave d’un bâtiment de la rue Krolewska, à Varsovie. Tous sont massacrés. • Le secrétaire d’État au Trésor des ÉtatsUnis, Henry Morgenthau, s’en prend au secrétaire d’État adjoint Breckin- 1943 Cette photographie de décembre 1943 montre des volontaires SS bosniaques appelés Handoza. Ces soldats, qui se tiennent au gardeà-vous, semblent professionnels – du moins tout aussi intimidants que leurs homologues allemands. L’uniforme de chacun est orné de la croix gammée, de l’aigle allemand et du Totenkopf des SS (tête de mort). La propagande nazie s’étendait audelà des rivages de l’Europe jusqu’en Amérique. Prétendant émettre de l’Iowa, la station de radio nazie « Station Debunk » exhortait au pacifisme et condamnait la politique du président Roosevelt. Pour rallier le soutien de l’opinion publique à l’effort de guerre américain, des écrivains célèbres et des personnalités de la radio associèrent leurs forces contre la propagande de l’Axe. Rex Stout (photo), connu pour être l’auteur des romans policiers mettant en scène le détective Nero Wolfe, anima le programme de radio de CBS intitulé The Secret Weapon (l’arme secrète) et fut le porteparole de The Voice of Freedom (La voix de la liberté). différente de celle d’Hitler. » • 24 décembre 1943 : Sur les 64 Juifs qui s’évadent du Fort n° 9 près de Kovno (Lituanie), 32 sont rapidement repris, cinq sont abattus et huit autres capturés près du ghetto de Kovno. Dix-neuf pénètrent dans le ghetto, mais l’un, le rabbin Gabriel Shusterman, meurt gelé. • À Borki, • MORT ET RÉSISTANCE Edward R. Murrow, éminent correspondant de guerre américain de la radio CBS, exposa la politique d’extermination des Juifs menée par l’Allemagne. Murrow avait déjà présenté à l’Amérique des rapports fiables et dramatiques sur les événements allemands : l’occupation de l’Autriche avant la guerre, la conférence de Munich, la prise du pouvoir par les Allemands en Tchécoslovaquie et la bataille d’Angleterre. Ses courageux reportages constituaient une exception dans les médias américains souvent cyniques devant les rapports sur la Shoah. en Pologne, 60 Juifs qui travaillent dans une équipe chargée d’exhumer les corps tentent de s’évader par un tunnel, mais bien peu réussissent. • 25 décembre 1943 : Des camions transportant des femmes juives nues effectuent régulièrement des voyages vers la chambre à gaz d’Auschwitz-Birkenau. Toute femme qui saute d’un Le fort n° 9 était une prison et un site de massacre à Kovno, en Lituanie, où au moins 9 000 Juifs furent assassinés par des Allemands et des Lituaniens en octobre 1941. Ce jeune homme, Abe Diskont, était l’un des 64 prisonniers qui s’évadèrent du fort n° 9, la veille de Noël 1943. Il rejoignit plus tard des partisans et mourut en combattant les Allemands en 1944. camion est immédiatement abattue. • Fin 1943 : Le chef des SS, Heinrich Himmler, ordonne que le camp d’extermination de Belzec soit rasé, comme l’ont été les camps de la mort de Sobibor et Treblinka. Sur le site des trois camps, la terre est labourée par les Ukrainiens qui s’y installent. 503