Eco-Fiche

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Eco-Fiche
Avril 2016
QUEL PRIX DU PETROLE EN 2016 ?
QUELLES CONSEQUENCES ?
Du 19 janvier 2016 au 11 avril, le prix du baril de pétrole est passé de 28 dollars à 44 dollars. Ainsi, en
moins de trois mois, les prix ont connu une augmentation de 57 %. Cette hausse, au premier trimestre
2016, correspond cependant davantage à une stabilisation des cours qu’à un réel retour des prix à des
niveaux élevés. En cause, une offre qui excède toujours la demande. Les surplus devraient ainsi s’élever
à 1,1 million de barils par jour (mbj) en 2016, après des excédents de 0,9 mbj en 2014 et de 2 mbj en
20151.
Un prix du pétrole toujours faible
Malgré la hausse récente des cours, ceux-ci restent à un niveau faible en ce début d’année. En effet,
entre 2011 et l’été 2014, le baril de pétrole atteignait habituellement 110 dollars. Dès lors, depuis cette
période, les prix se sont effondrés de plus de 60 %.
Cette chute brutale s’explique, d’une part, par une croissance significative de la production ces
dernières années, portée par l’exploitation des pétroles de type non conventionnel (sables bitumeux,
pétrole de schiste, etc.). Ainsi, la production nord-américaine (Etats-Unis et Canada) a crû de 42 %
entre 2011 et 2014, passant de 463 millions de tonnes à 657 millions sur la période2. Aux Etats-Unis, la
production a même atteint au printemps 2015 son plus haut niveau en 44 ans.
De plus, la levée des sanctions internationales en Iran, en ce début d’année 2016, permettra au pays
d’augmenter sa production de pétrole3, de manière à pouvoir l’exporter sur les marchés mondiaux,
européens notamment. Pour rappel, avant la mise en œuvre des sanctions en 2012, l’Iran était le
troisième exportateur de pétrole, derrière l’Arabie Saoudite et la Russie.
D’autre part, parmi les pays développés, une baisse de la consommation de pétrole a été observée en
France (- 8,5 %) ou au Japon (- 4 %) entre 2011 et 2014. Aux Etats-Unis, bien que la croissance de
l’activité ait été dynamique sur la période, la consommation de pétrole est restée stable.
1
Données de l’Agence Internationale de l’Energie (IEA).
Données INSEE.
3 Entre 2011 et 2012, la production iranienne de pétrole a reculé de 14,1 %, passant de 206 millions de tonnes à 177 millions.
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Par ailleurs, le ralentissement actuel des économies émergentes, en particulier de la Chine, limite leur
consommation de matières premières. La croissance chinoise s’est ainsi établie à 6,9 % en 2015, soit
son plus bas niveau depuis 25 ans. Aussi, ce pays souhaite-t-il axer davantage son économie vers les
services, au détriment de l’industrie. Dès lors, les besoins en énergie, par unité de croissance, sont plus
faibles.
Les conséquences pour les pays producteurs
Naturellement, les pays exportateurs de pétrole sont pénalisés par la baisse des prix. En Arabie
Saoudite, les exportations nettes de cette matière première représentent en effet 48 % du PIB. Dès
lors, la diminution des revenus impacte négativement les finances publiques de ces pays. Ainsi, pour
l’Arabie, les prévisions budgétaires de 2016 tablent sur un déficit de 19 % du PIB, après 21 % en 2015.
L’activité est par ailleurs au ralenti et les perspectives de croissance, au moins à court terme, sont
fortement dégradées.
Si l’Arabie Saoudite est le premier exportateur de pétrole de la planète, il n’est cependant pas le plus
pénalisé par la baisse des prix. En effet, durant les années de prix élevés, le pays a su se doter de
réserves conséquentes au sein de fonds souverains4 et à contenir la dette publique à un niveau
négligeable (3,5 % du PIB en 2012). Les marges de manœuvre sont donc importantes et les risques
limités pour ce pays du Golfe. En revanche, d’autres pays comme l’Algérie et le Venezuela éprouvent
de lourdes difficultés à traverser la crise, du fait que leur appareil productif n’a pas su s’adapter à la
chute des prix. Leurs productions de pétrole ont ainsi reculé depuis juin 2014 (- 6,7 % pour l’Algérie,
- 0,3 % pour le Venezuela), tandis que les réserves de change de ces pays s’érodent rapidement. Au
Venezuela, la récession de l’économie (contraction de 5,7 % du PIB en 2015) s’accompagne également
d’une hyperinflation (+ 180,9 % cette année-là) et d’une forte contestation politique. Par ailleurs, après
être devenus le premier producteur mondial de pétrole, les Etats-Unis ont vu le nombre de forages sur
le territoire chuter de manière spectaculaire (- 70 % entre octobre 2014 et janvier 2016), tandis que le
nombre de défaillances dans le secteur énergétique accélère5.
Pour les pays exportateurs de pétrole, le prix du baril est donc trop faible pour rétablir leurs finances
publiques. Aussi, afin d’équilibrer le solde courant6, le prix devrait-il s’élever à 60 dollars pour l’Iran et
à 100 dollars pour la Russie. Dès lors, la sortie de crise pour ces pays nécessite inexorablement une
remontée des cours, et par conséquent une diminution de l’offre de pétrole. Pourtant, chacun d’entre
eux cherche à préserver ses parts de marché, de telle manière que toute tentative (en particulier de
l’OPEP) de geler la production mondiale a jusqu’à présent échoué7. Sans une convergence politique
des pays exportateurs, il semble donc très peu probable que les cours du pétrole remontent à court
terme. Le prix du baril de pétrole devrait donc se stabiliser autour de 40 dollars en 2016, voire reculer
à nouveau si le ralentissement de l’économie mondiale se poursuit.
4
SAMA Foreign Holding, fonds souverain saoudien, disposait de 533 milliards de dollars d’actifs en 2012.
L’hebdomadaire « The Economist » a estimé que la dette cumulée des producteurs d’hydrocarbures de schiste (pétrole et
gaz) équivaut à celle de la Grèce.
6 La balance courante représente le solde des flux monétaires d’un pays liés aux échanges internationaux (biens, services,
mais également revenus, dons, aides, etc.)
7 La dernière réunion entre les membres de l’OPEP, ayant eu lieu le 17 avril 2016, a échoué, principalement en raison de la
volonté de l’Iran de retrouver son niveau de production historique, avant la mise en œuvre des sanctions internationales.
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Les conséquences pour la France
Les difficultés liées à la baisse des prix du pétrole ne se limitent pas seulement aux pays exportateurs.
En effet, le recul des recettes pour ces pays entraine un ralentissement économique et par conséquent
une diminution des importations. Ainsi, la demande de produits français en provenance de ces pays
risque de se replier en 2016, en particulier pour l’industrie aéronautique française, qui trouve de
nombreux débouchés au Moyen-Orient. D’autre part, la baisse des recettes des pays exportateurs de
pétrole limitent fortement leurs capacités d’investissement à l’étranger. Dès lors, une moindre entrée
de capitaux en France, en provenance de ces pays, pourrait se ressentir cette année.
Il n’empêche, le faible prix actuel du pétrole reste globalement très positif pour l’économie française.
En effet, les économies réalisées au titre des importations énergétiques (pétrole, gaz, carburants) en
2015 par rapport à 2013 s’élève à 23,3 milliards d’euros8. Aussi, l’économie totale en 2016 pourraitelle-même être plus importante, à hauteur de 34 milliards d’euros (toujours par rapport à 2013).
Pour les entreprises
Les premiers bénéficiaires sont les entreprises. Celles-ci ont réalisé 12,3 milliards d’euros d’économie
imputables à la baisse des prix des produits pétroliers et 2 milliards imputables à la baisse des prix du
gaz. Au total, la réduction des dépenses liée à ces deux produits énergétiques s’élève à 14,2 milliards
en 2015 par rapport à 2013. Aussi, pour 2016, les économies réalisées par les entreprises seraient-elles
croissantes. Les services de transport de marchandises ou de personnes sont la première branche
bénéficiaire de la diminution des prix du pétrole et du gaz. Pour celle-ci, l’économie en 2015 par rapport
à 2013 serait de 4,5 milliards d’euros, dont 2 milliards pour le fret et 1,3 milliard pour le transport
aérien. Dans la chimie et la fabrication de plastiques, secteurs fortement utilisateurs de produits
pétroliers, la baisse est également significative.
La baisse des coûts a permis aux entreprises d’améliorer leur taux de marge, celui-ci passant de 29,5
% en 2014 à 31,1 % en 2015. Pour l’année suivante, dans le cas d’un prix moyen annuel plus bas (ce
qui est fort probable), le taux de marge des entreprises pourrait donc à nouveau s’améliorer. Dès lors,
celles-ci peuvent être amenées à soit investir davantage, en augmentant notamment leurs dépenses
de R&D, soit à réduire leur endettement. Entre le 1er trimestre 2008, soit au démarrage de la crise, et
le 4e trimestre 2015, le taux d’endettement est en effet passé de 53,9 % du PIB à 69 %9.
Dans un second temps, l’impact direct est plus limité pour les entreprises puisque celles-ci répercutent
la baisse du coût de leurs consommations intermédiaires énergétiques sur leurs prix de vente (- 0,9 %
en 2014 et 2015 pour les produits manufacturés).
Pour les ménages
Les ménages ont également profité du recul des prix des produits pétroliers. Les économies réalisées
par rapport à 2013 s’élèvent à 2,3 milliards d’euros en 2014 et à 8,3 milliards en 2015. Concernant le
gaz, les économies imputables à la baisse des prix sont du même montant que celles des entreprises.
A court terme, les ménages ont bénéficié d’une partie de la réduction de la facture énergétique via
une diminution des dépenses de consommation pour les carburants et le fioul. Les prix à la pompe ont
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Qui a bénéficié de la chute du prix du pétrole ? ; mars 2016, INSEE.
Données Banque de France
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ainsi reculé de 10,8 % en 2015 pour le gazole par rapport à 201410. La baisse des prix de vente sur
l’ensemble des biens et services a également un effet positif sur le pouvoir d’achat des ménages. Ces
derniers pourraient alors accroître leurs dépenses de consommation, ainsi que leurs investissements.
L’économie française profiterait donc à nouveau de la baisse des prix du pétrole, à condition néanmoins
que les achats concernent des biens et services produits en France.
A moyen terme, les gains de pouvoir d’achat des ménages seraient néanmoins plus restreints, en
raison d’une décélération des salaires nominaux, plus à même de correspondre à la croissance de la
productivité11. Les prestations sociales, indexées sur l’inflation, ralentiraient également. Les prix à la
consommation devraient en effet demeurer quasiment stables en 2016 (+ 0,1 %).
Schéma récapitulatif de transmission de la baisse du prix du pétrole12
Baisse du prix du
pétrole
Effet à la baisse
1
Effet à la hausse
Prix des importations de
produits énergétiques
5
2
Prix des
consommations
intermédiaires
énergétiques
Entreprises
Ménages
Prix des autres
consommations
intermédiaires
Prix à la
consommation
(hors prix à la
pompe et prix
du fioul)
4
3
Prix à la
consommation
(prix à la pompe
et prix du fioul)
6
8
7
Prix de
production
Salaires
nominaux
9
Pouvoir
d’achat
Source : Direction Générale du Trésor
10 L’écart entre la
baisse des prix du pétrole et celle des prix à la pompe s’explique par le fait que le pétrole brut ne représente
qu’environ un tiers du prix des carburants.
11 En 2014 et 2015, la hausse des salaires a pesé davantage sur le taux de marge des entreprises que les gains de productivité.
12 Baisse du prix du pétrole : quelles conséquences pour l’économie mondiale et pour la France.
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