Agitation iatrogène chez le sujet âgé : prévalence, causes et prise

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Médicaments et personnes âgées
Dossier thématique
Mise au point
Presse Med. 2013; 42: 181–186
ß 2012 Elsevier Masson SAS.
Tous droits réservés.
Agitation iatrogène chez le sujet âgé :
prévalence, causes et prise en charge
Michèle Dicko1, Philippe Caillet2, Carmelo Lafuente-Lafuente3, Elena Paillaud2
1. Groupe hospitalier Mondor (AP–HP), site hôpital Albert-Chenevier, département
de médecine interne et gériatrie, 94010 Créteil cedex, France
2. Groupe hospitalier Mondor (AP–HP), site hôpital Henri-Mondor, département de
médecine interne et gériatrie, 94010 Créteil cedex, France
3. Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix (AP–HP), site Charles-Foix, pôle
de gériatrie Paris Val de Marne, 94205 Ivry-sur-Seine, France
Correspondance :
Key points
Iatrogenic agitation in elderly patient: Prevalence, aetiologies and management
Iatrogenic agitation is frequently drug-induced in the elderly.
The management of the iatrogenic agitation is based on: a
detailed analysis of the patient’s medications, stopping nonessential drugs, prescribing drugs to the lowest and effective
dose possible.
This management of the iatrogenic agitation is also based on:
adjustment of drugs according to renal function and limitation of polypharmacy.
Special attention is necessary when prescribing treatments for
patients with cognitive impairment.
tome 42 > n82 > février 2013
http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.06.024
Points essentiels
L’agitation est très fréquemment d’origine médicamenteuse
chez le sujet âgé.
La prévention et prise en charge de l’agitation iatrogène
repose sur une analyse détaillée des médicaments du patient,
l’arrêt des médicaments non essentiels, la prescription des
médicaments nécessaires aux posologies efficaces les plus
basses possibles.
Elles se fondent aussi sur l’ajustement des médicaments à la
fonction rénale et la limitation de la polymédication.
Une attention particulière est nécessaire lors de la prescription
de traitements chez des patients atteints de troubles cognitifs.
En cas d’agitation, le traitement non médicamenteux est à
privilégier. Si l’agitation est importante, l’utilisation d’un sédatif à demi-vie courte, à faible dose et par voie orale de
préférence, peut-être considérée de façon ponctuelle et temporaire.
181
Disponible sur internet le :
16 janvier 2013
Elena Paillaud, Groupe hospitalier Mondor (AP–HP), site hôpital Henri-Mondor,
département de médecine interne et gériatrie, 51, avenue du Maréchal-de-Lattrede-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France.
[email protected]
M Dicko, P Caillet, C Lafuente-Lafuente, E Paillaud
L’
agitation aiguë est un symptôme fréquemment rencontré chez la personne âgée. Il s’agit d’un trouble du
comportement qui se traduit par un état d’excitation verbale
et/ou motrice, d’instabilité psychomotrice, pathologique, non
adapté à l’environnement, d’intensité et de durée variable. Elle
peut être associée ou non à de l’agressivité. Enfin, elle constitue
une situation urgente dans la mesure où il existe fréquemment
une mise en danger du patient et/ou de son entourage [1].
L’agitation doit systématiquement faire chercher une cause
iatrogène par une démarche diagnostique rigoureuse. En effet,
l’iatrogénie médicamenteuse est plus fréquente dans cette
population en raison d’une plus grande polymédication [1,2]
et des modifications pharmacologiques survenues avec l’âge
qui augmentent la susceptibilité aux effets indésirables des
médicaments.
La prévalence de l’agitation liée à l’iatrogénie chez le sujet âgé
est mal évaluée. Nombreux sont les médicaments impliqués
dans les états d’agitation soit lors d’un surdosage, soit en
raison de leurs effets indésirables, soit enfin lors d’un sevrage.
Bien que l’origine des agitations soit souvent multifactorielle,
on estime que 12 à 39 % des agitations sont imputables aux
médicaments [1,3].
Prévalence de l’agitation chez le sujet âgé
L’agitation est associée à une maladie clairement identifiable
chez l’adulte et la personne âgée dans 85 % des cas [4,5].
L’agitation entre le plus souvent dans le cadre d’un syndrome
confusionnel aigu, très fréquent chez le sujet âgé, principalement en milieu hospitalier [2,6–8]. À l’hôpital, la prévalence de
l’agitation varie selon les services considérés : 15 à 40 % en
milieu chirurgical, 20 à 40 % en soins intensifs, 20 à 30 % en
milieu neurologique ou psychiatrique, 15 à 20 % en médecine
générale [9].
Chez les patients déments, la prévalence de l’agitation varie
entre 10 % et 90 % suivant les études. Cet écart très important
résulte très probablement de l’utilisation d’échelles de mesure
différentes. En outre, la démarche diagnostique est souvent
plus difficile du fait des troubles cognitifs et de la multiplicité
des causes possibles d’agitation [10].
Dans une étude américaine, réalisée sur une population de
5092 patients âgés de plus de 65 ans, l’agitation (mesurée par
le Neuro-Psychatric Inventory ou NPI [11]) est trouvée plus
fréquemment chez les sujets déments que non déments
(23,7 % vs 2,8 %) et notamment en cas de démence
évoluée [12].
Causes de l’agitation iatrogène
182
Le patient âgé a une plus grande fréquence des facteurs
prédisposant à l’agitation, tels que des troubles cognitifs,
des déficits sensoriels, des comorbidités cérébrovasculaires,
une dénutrition, et surtout une polymédication [2,13]. On peut
proposer de classer les causes iatrogènes de l’agitation selon
leur origine non médicamenteuse ou, au contraire, médicamenteuse.
Iatrogénie non médicamenteuse chez le sujet âgé
La douleur est un symptôme fréquent chez le malade âgé mais
non spécifique, qui peut être responsable d’une agitation.
Certaines causes doivent être d’emblée éliminées, telles
qu’une rétention aiguë d’urine, une constipation avec fécalome
responsable de douleurs abdominales, ou encore une fracture
méconnue suite à un traumatisme parfois minime. Un
comportement d’agitation au cours de l’alimentation doit faire
réaliser un examen de la cavité buccale à la recherche de
lésions secondaires à un appareillage mal adapté, une mucite,
une mycose buccale ou encore une lésion herpétique par
exemple. Une agitation lors de la réfection d’un pansement
ou dès les préparatifs du soin doit faire évoquer un traitement
antalgique insuffisamment efficace. De même, au décours
d’une intervention chirurgicale, l’agitation doit faire poser la
question de l’efficacité du traitement antalgique proposé. Une
vigilance accrue doit être apportée à la prise en charge de la
douleur chez le patient âgé ayant des troubles cognitifs et/ou
non communiquant pour limiter ce risque d’agitation.
La présence de dispositifs médicaux (perfusions, sonde urinaire,
oxygénothérapie, sonde nasogastrique,. . .) peut également
être source d’agitation chez le malade âgé d’autant plus qu’il
existe une altération cognitive susceptible d’obérer la compréhension du patient.
La non-mise en place d’une correction visuelle (lunettes) et/ou
d’appareils auditifs peut aussi générer de l’agitation chez un
patient âgé qui n’appréhende plus son environnement.
Enfin nous rappelons le risque de troubles du comportement et
notamment d’agitation chez les patients âgés lors d’un changement d’environnement en raison de la perte des repères
habituels, plus particulièrement chez la patients âgés atteints
de maladies démentielles.
Iatrogénie médicamenteuse chez le sujet âgé
Les états d’agitation s’inscrivent très fréquemment dans la
problématique de l’iatrogénie médicamenteuse chez le sujet
âgé [2,14,15]. La polymédication et les modifications de la
pharmacologie liées à l’âge expliquent pour une grande partie
l’augmentation du risque d’effets secondaires et/ou d’évènements indésirables médicamenteux graves (EIMG) [16].
Les modifications pharmacologiques des médicaments chez les
sujets âgés ne sont pas détaillées dans ce travail, car elles font
l’objet d’un autre article de ce dossier thématique [17]. Nous
rappelons cependant les points essentiels suivants :
la diminution du débit de filtration glomérulaire avec l’âge,
qui augmente le risque de surdosage des médicaments à
élimination rénale [18] ;
tome 42 > n82 > février 2013
Agitation iatrogène chez le sujet âgé : prévalence, causes et prise en charge
Médicaments à effets anticholinergiques
L’utilisation de médicaments ayant une activité anticholinergique fait partie intégrante des traitements de routine de nombreuses maladies telles que l’asthme, l’incontinence urinaire, la
douleur viscérale (antispasmodiques), la maladie de Parkinson
(antiparkinsoniens non L-dopa) et divers troubles psychiatriques (antidépresseurs tricycliques notamment). On estime
que 20 à 50 % des sujets âgés de 65 ans et plus ont pris au
moins une fois un médicament ayant des propriétés anticholinergiques. La susceptibilité des patients âgés aux effets
indésirables de type anticholinergique est bien connue, notamment les effets périphériques (sécheresse buccale, constipation) et les effets sur le système nerveux central tels que les
déficits attentionnels, la sédation, la confusion, l’agitation et les
hallucinations. Le système nerveux central des patients âgés
est très sensible aux effets anticholinergiques en raison de la
diminution importante des récepteurs cholinergiques dans le
cerveau, de l’augmentation de la perméabilité de la barrière
hémato-encéphalique, de la réduction du métabolisme hépatique et de la diminution potentielle de l’élimination rénale de
ces médicaments [23].
Iatrogénie et psychotropes
Il existe une sur-prescription, souvent délétère, des psychotropes dans les troubles du comportement dits « productifs »
(cris, agitation, agressivité, déambulation, etc.) de la personne
âgée, qu’ils apparaissent au cours d’un épisode confusionnel
aigu ou chez les patients déments. Les psychotropes sont
responsables d’une iatrogénie importante chez la personne
âgée, en grande partie évitable car plus de la moitié de ces
traitements ne serait pas réellement indiquée [24].
Environ la moitié des personnes âgées a déjà reçu des
benzodiazépines, ce qui est trois fois supérieur à la
population générale [25]. Même si cela est peu fréquent, les
tome 42 > n82 > février 2013
benzodiazépines peuvent être à l’origine de réactions paradoxales d’agitation et d’agressivité, ainsi que d’états confusionnels [26]. Le sevrage brutal en benzodiazépines peut aussi
déclencher un syndrome confusionnel et de l’agitation [27].
Cette situation fréquente chez les patients âgés hospitalisés,
doit faire préciser en début d’hospitalisation l’intégralité des
traitements pris par le patient, y compris un traitement hypnotique prescrit depuis de nombreuses années, que le patient ne
considère souvent plus comme un médicament [2,27].
Les syndromes dépressifs sont fréquents dans la population
âgée. En cas de traitement antidépresseur par inhibiteur de la
recapture de la sérotonine (IRS) ou par inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA), il convient
de garder à l’esprit que l’agitation constitue un des effets
secondaires possibles de ces traitements, comme libellé dans
les mentions légales.
Iatrogénie et opioïdes
En raison des modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques liées au vieillissement, le traitement morphinique
s’accompagne d’un risque important d’accumulation de métabolites actifs se traduisant cliniquement chez le sujet âgé par un
risque d’effets secondaires trois à quatre fois supérieur à celui
du sujet jeune [4]. En effet, la demi-vie d’élimination moyenne
de la morphine est de quatre heures et demi chez les patients
âgés, contre 2,9 heures chez les patients plus jeunes [28]. La
réduction du volume de distribution, la baisse de la clairance de
50 % et la liaison protéique plus faible expliquent aussi la plus
grande fréquence des effets secondaires liés aux opiacés. De
plus, les patients âgés ont une sensibilité cérébrale plus élevée
aux effets des opioïdes. Selon les études, la prévalence des
effets secondaires lors de la première prescription d’opiacés
chez le sujet âgé varient de 55 % à 90 % en fonction de
la molécule. De même, 5,4 % des accidents iatrogéniques
médicamenteux sont imputables aux antalgiques de paliers
OMS 2 et 3 [29]. Cependant, la prévalence de l’agitation au
cours d’un traitement morphinique est mal connue chez le
malade âgé. Dans ce cas, elle s’intègre le plus souvent à un
syndrome confusionnel.
L’association de médicaments opiacés agonistes–antagonistes
est à éviter car l’incidence de l’agitation aiguë est plus élevée
chez les patients âgés que chez les patients plus jeunes.
Enfin, il est bien établi dans les mentions légales des traitements morphiniques que l’agitation peut constituer l’un des
éléments diagnostiques du syndrome de sevrage à ces médicaments.
Iatrogénie et autres médicaments
De nombreux médicaments peuvent aussi indirectement
contribuer à l’apparition d’un syndrome confusionnel et d’un
état d’agitation en provoquant des troubles somatiques tels
qu’un syndrome sérotoninergique, un syndrome malin des
neuroleptiques, une rétention aiguë d’urine, un fécalome, une
183
la diminution de la masse musculaire et le gain de masse
grasse qui augmentent le volume de distribution des
médicaments lipophiles [19] ;
la prévalence de la dénutrition et l’hypoalbuminémie qui
entraînent un risque potentiel de surdosage des médicaments
fortement fixés aux protéines plasmatiques [20] ;
une augmentation de la perméabilité de la barrière hématoencéphalique, selon plusieurs études, [21] ainsi que des
changements de la neurotransmission, qui accroissent la
sensibilité aux médicaments agissant au niveau du système
nerveux central, notamment les psychotropes [22].
Chez le patient âgé, l’iatrogénie médicamenteuse est principalement liée aux médicaments du système cardiovasculaire
(43,7 %) et aux psychotropes (31,1 %). Une interaction médicamenteuse est impliquée dans 60,6 % des EIMG [5].
Les médicaments les plus souvent impliqués dans l’agitation
chez les sujets âgés sont les médicaments à effets anticholinergiques, les psychotropes et les opioïdes [5,14,15].
Mise au point
Médicaments et personnes âgées
M Dicko, P Caillet, C Lafuente-Lafuente, E Paillaud
hypoglycémie, une déshydratation ou encore une hyponatrémie [3]. Parmi ces médicaments, nous pouvons citer les
antidépresseurs, les inhibiteurs de la pompe à protons, les
antiparkinsoniens dopaminergiques, les fluoroquinolones, la digoxine, l’amiodarone, les diurétiques et les bétabloquants [3].
Agitation iatrogène sans confusion
Plusieurs médicaments peuvent être responsables d’une agitation sans confusion. On peut par exemple citer la corticothérapie connue pour les troubles neuropsychiques qu’elle peut
induire, notamment l’euphorie, l’agitation psychomotrice et
les troubles du sommeil.
Certaines études, non spécifiquement gériatriques, ont mis en
évidence la relation étroite entre l’hypoglycémie et l’agitation
aux urgences [30]. Chez le patient diabétique de type II âgé, les
antidiabétiques oraux peuvent être responsables d’hypoglycémie notamment en raison de l’insuffisance rénale
fréquente dans cette population et des troubles de l’observance en cas de polymédication et/ou d’une altération cognitive [31]. L’existence d’une agitation doit donc faire chercher
systématiquement une hypoglycémie chez le patient âgé
diabétique de type II.
Prise en charge de l’agitation iatrogène
L’agitation iatrogène du sujet âgé nécessite une détection et
une prise en charge rapide et efficace car il s’agit d’une
situation à haut risque de perte d’autonomie et de rupture
avec le milieu habituel du patient.
Prise en charge non médicamenteuse
184
La prise en charge non médicamenteuse ne doit pas être
négligée car elle est souvent utile [32]. Une approche relationnelle et empathique permet fréquemment de désamorcer
un comportement d’agitation [33]. Le contact verbal doit
permettre d’instaurer un climat de confiance dont l’objectif
est d’obtenir l’adhésion du patient au traitement. Ce dialogue
est fondamental et il doit être maintenu tout au long de la
prise en charge. Le soignant doit se présenter, adopter une
attitude calme mais ferme pour expliquer les raisons et le but
de la prise en charge. Le langage utilisé doit être simple, sans
recourir aux termes médicaux complexes. L’entretien, emprunt
d’empathie et de compréhension, doit permettre au patient
d’exprimer les raisons de son agitation. Il faut respecter une
distance physique de sécurité et éviter les gestes brusques. Les
questions qui peuvent être vécues de manière persécutive
doivent être posées à la fin de l’entretien. Enfin, il ne faut
pas hésiter à changer d’interlocuteur si le dialogue n’est pas
établi [34,35].
Bien qu’il n’y ait pas de preuve que l’environnement soit luimême une cause d’agitation, certaines conditions environnementales peuvent exacerber un syndrome confusionnel et
majorer l’agitation [36]. L’agitation peut être aggravée par
les troubles sensoriels visuels et/ou auditifs, d’où l’importance
de s’assurer que le patient est bien équipé de ses lunettes ou
son appareil auditif. Des objets personnels peuvent contribuer à
rendre l’environnement moins anxiogène. La présence des
proches peut également permettre de rassurer le patient et
par là-même de calmer son agitation. Afin de maintenir un
environnement calme et propice à la bonne communication, la
télévision et la radio doivent être éteintes.
La contention physique (associée ou non à une sédation médicamenteuse) peut ponctuellement et temporairement permettre d’assurer la sécurité du patient et de l’entourage [2,37]. Son
usage ne se justifie qu’après échec de la prise en charge non
médicamenteuse et médicamenteuse. Mais le maintien d’une
contention, outre les aspects éthiques, risque de contribuer au
prolongement de la confusion et de l’agitation [38].
La contention consiste à restreindre les mouvements du
patient par tous moyens, matériels ou vêtements, qui limitent
la mobilisation volontaire du patient agité, tels qu’un dispositif fixé sur un lit ou au fauteuil. La contention physique est
un acte thérapeutique, prescrit et destiné à assurer la sécurité
du patient et de l’entourage [39]. Elle ne doit en aucun cas
être une réponse agressive à un comportement agressif : il
s’agit d’une mesure d’exception. De plus, elle ne constitue
pas à elle seule un traitement et doit de ce fait être associée à
un traitement médicamenteux. Enfin, elle doit être levée
lorsque la sédation est obtenue. La contention physique doit
d’autant plus être réévaluée que les effets indésirables
graves sont bien rapportés : chutes, traumatisme, majoration
de l’agitation, syndrome d’immobilisation, perte d’autonomie, etc. Aussi la contention physique doit-elle être prescrite
pour la plus courte durée possible, et son indication réévaluée
très régulièrement [40].
Prise en charge médicamenteuse
La première démarche à effectuer est de réévaluer le traitement du patient, avant d’envisager d’ajouter un nouveau
médicament pour contrôler l’agitation. Les traitements médicamenteux du patient doivent être revus systématiquement et
les médicaments non essentiels doivent être arrêtés. La posologie efficace des médicaments nécessaires doit être la plus
basse possible [2]. Les dosages doivent être ajustés en fonction
de la clairance de la créatinine. Les modalités d’arrêt d’un
traitement doivent être adaptées à la classe thérapeutique
pour éviter les manifestations de sevrage (benzodiazépines,
bétabloquants et antiparkinsoniens) [3]. Une attention particulière doit être donnée aux médicaments anticholinergiques
que l’on doit toujours tenter d’arrêter, quitte à les remplacer par
des traitements alternatifs [23].
Le recours à un traitement médicamenteux spécifique de
l’agitation ne doit pas être systématique en cas d’agitation
du sujet âgé. Lorsqu’il est impossible de pratiquer un examen
clinique et de réaliser des examens complémentaires chez
tome 42 > n82 > février 2013
Agitation iatrogène chez le sujet âgé : prévalence, causes et prise en charge
un patient agité, et qu’il persiste une incertitude diagnostique,
l’administration d’un sédatif fait courir un risque iatrogène
(interactions médicamenteuses et effets secondaires) [41].
Dans une telle situation, la Haute Autorité de Santé recommande de choisir une molécule dont l’efficacité est rapide sur
les symptômes aigus et bien tolérée (index thérapeutique
large ; effets indésirables limités ; peu d’interactions avec
les autres traitements ; demi-vie courte ; facile d’administration, en privilégiant la voie orale ; en débutant par la moitié
voire le quart de la posologie de l’adulte jeune ; et dont
l’utilisation est maitrisée par le prescripteur) [2].
Les molécules qui peuvent être ainsi envisagées dans le traitement médicamenteux de l’agitation du sujet âgé sont les
benzodiazépines de demi-vie courte, à petites doses par voie
orale [42,43].
Chez certains patients âgés avec des symptômes productifs
(délire, hallucinations angoissantes) ou non contrôlés par les
benzodiazépines, l’utilisation des neuroleptiques peut être
nécessaire, à faible dose initiale, par voie orale ou sublinguale.
Si la voie injectable doit être envisagée, on s’assurera de
l’absence de traitement anticoagulant efficace.
L’hydroxyzine, antihistaminique sédatif souvent utilisé dans
ces cas d’agitation n’est pas un médicament adapté au
sujet âgé puisqu’il induit une somnolence et un ralentissement psychomoteur généralisé, a des effets anticholinergiques, et a une demi-vie longue (29 heures en moyenne
chez le sujet âgé).
Enfin, le traitement médicamenteux, quand nécessaire, doit
être réduit et arrêté dès que l’état d’agitation est contrôlé.
Dans tous les cas où une prise en charge médicamenteuse de
l’agitation s’avère nécessaire, il convient d’insister sur la nécessité majeure de réévaluer la prescription médicamenteuse,
d’utiliser le médicament et la posologie efficace la plus basse
et de limiter le plus possible la durée du traitement.
Conclusion
L’agitation est une situation fréquente chez le patient âgé, plus
particulièrement en cas de syndrome démentiel. Parmi les
nombreuses étiologies, l’iatrogénie médicamenteuse représente une part importante des causes d’agitation chez le
sujet âgé et elle doit être dépistée de façon systématique chez
tout patient âgé confus et/ou agité. Sa prise en charge repose
sur une analyse détaillée des traitements médicamenteux du
patient. Les médicaments non essentiels doivent être arrêtés et
les médicaments nécessaires doivent être prescrits aux posologies efficaces les plus basses possibles, ajustées à la fonction
rénale et au poids du patient. Les modalités d’arrêt des médicaments doivent être adaptées à la classe thérapeutique pour
éviter les manifestations de sevrage (benzodiazépines, bétabloquants et antiparkinsoniens). Une attention particulière doit
être prêtée aux médicaments anticholinergiques que l’on doit
toujours tenter d’arrêter, quitte à les remplacer par des traitements alternatifs.
L’agitation iatrogène peut être en partie prévenue en évitant la
polymédication et en adhérant à l’adage anglo-saxon start low
and go slow concernant l’instauration d’un nouveau traitement.
Une attention particulière est nécessaire lors de la prescription
de traitements chez les patients atteints de troubles cognitifs.
Dans tous les cas où une prise en charge médicamenteuse est
nécessaire, il est nécessaire de réévaluer la prescription médicamenteuse, d’utiliser le médicament à la posologie efficace la
plus faible et de limiter le plus possible la durée du traitement.
Mise au point
Médicaments et personnes âgées
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits
d’intérêts en relation avec cet article.
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tome 42 > n82 > février 2013
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