UN ALLIÉ TANT POUR LE PATIENT QUE POUR LE MG Bien souvent, le généraliste est amené à recevoir des patients victimes d’un accident du travail, de la route, ou atteints d’une maladie professionnelle. Si dans la partie médicale du dossier (anamnèse, examen clinique, proposition thérapeutique) le médecin généraliste se sent parfaitement à l’aise, il peut en aller autrement dans le suivi médico-légal (constitution du dossier, évaluation précise du dommage corporel, discussion du dossier en séance d’expertise, respect des procédures et négociation du préjudice). C’est pourquoi nous avons choisi aujourd’hui de vous présenter une discipline particulière et apte à vous accompagner dans votre pratique quotidienne: la médecine de recours. " Docteur, j'ai reçu une proposition de la compagnie d'assurance me proposant un taux de 6% d'incapacité suite à mon accident de travail, dois-je accepter? ", " Si je ne suis pas d'accord avec la décision de la mutuelle puis-je la contester, que dois-je faire? "… Ces quelques questions et tant d’autres, vous ont probablement déjà été posées par de nombreux patients. Il ne vous a certainement pas été facile d’y répondre avec certitude et assurance. Après tout, chacun sa spécialité, et celle-là est sans nul doute celle du médecin de recours. Pour définir au mieux cette activité, laissons la parole au Dr Benoît Rennotte. Docteur en médecine générale et licencié en médecine d’expertise, il s’est spécialisé depuis 1987 dans le domaine de l’expertise médicale et de l’évaluation du dommage corporel. Il a également créé en avril 2000 la sprl Expertises Médicales, Défense et Recours. " Il est intéressant d'identifier les différents acteurs qui interviennent dans un dossier d'expertise qui concerne, par exemple, un accident du travail. Tout d’abord, c’est le médecin traitant qui est sollicité par son patient pour compléter certains documents (rapport de premier constat, certificat d’incapacité, demande d’examens complémentaires, prescription de soins, etc.). Ensuite, la compagnie d’assurances de l’employeur mandate un médecin-conseil qui est chargé notamment de déterminer les périodes d’incapacité temporaire totale et partielle ainsi que l’incapacité permanente (séquelles). Les décisions de la compagnie d’assurances sont adressées au patient qui demandera alors l’avis de son médecin traitant. C’est à ce moment que peut intervenir le médecin de recours qui est en quelque sorte l’alter ego du médecin-conseil d’assurances. En effet, il s’agit d’un médecin spécialisé en médecine d’expertise, indépendant, qui a fait le choix de se consacrer uniquement à la défense des intérêts des patients. Le médecin de recours, dans le cas d’un accident du travail, devra prendre position à propos de la proposition formulée par la compagnie d’assurances. Il devra, dès lors, constituer le dossier médicolégal du patient de façon rigoureuse et professionnelle. Il aura également un important travail d’information du patient étant donné le caractère particulier des différentes législations en cause (secteur privé, secteur public notamment) . Il devra, par ailleurs, choisir la procédure la plus efficace pour régler rapidement le problème médico-légal soit orienter le dossier vers une procédure "amiable" (examen en commun avec le médecin-conseil de l’assurance) soit préférer la mise sur pied d’une expertise judiciaire. Ce dernier élément nous permet d’évoquer la présence d’un autre acteur des dossiers d’expertise. L’expert judiciaire est désigné par le juge du Tribunal du travail qui lui demande de formuler un avis technique à propos d’un dossier. Le médecin de recours sera dès lors amené à accompagner le patient dans toutes ces procédures afin de convaincre les acteurs directs du dossier du caractère équitable de sa proposition. En effectuant cette démarche, il aura également à cœur de tenir strictement informé son patient et son médecin traitant de l’évolution du dossier et ce dans le strict respect de la déontologie médicale." Aux côtés de la victime Indépendamment des problèmes d’accidents de travail, la médecine de recours a pour objet le traitement de l’ensemble des problèmes médico-légaux que peuvent subir les patients; cela concerne tant les personnes qui sont en conflit avec leur mutuelle, que les demandes auprès du fonds des maladies professionnelles ou du ministère des Affaires Sociales (allocations d’handicapés); mais aussi des conflits dans le cadre de l’assurance revenu garanti, les accidents de roulage, les agressions, etc. " Il m'est arrivé de défendre des confrères dans le cadre de l'assurance revenu garanti qui ne fonctionnait pas de façon correcte " ajoute le Dr Rennotte. Il précise que " l'originalité de la médecine de recours c'est d'une part d'être indépendante, d'autre part d'être systématiquement aux côtés de la victime. Il s’agit, en fait, d’un choix permettant de garder une cohérence et une crédibilité dans le cadre des démarches entreprises. Les médecins de recours qui exercent "à temps plein" sont peu nombreux en Belgique". Le Dr Rennotte a pu assez rapidement envisager de se consacrer exclusivement à la médecine de recours et a rencontré la nécessité de créer une société 1 . " Nous avons décidé en avril 2000 de structurer notre activité dans le cadre d'un bureau de médecine de recours avec un statut de société. D'une part pour donner une rigueur logistique à nos activités et d'autre part parce que nous avions décidé d’offrir un service de proximité à une patientèle provenant de l’ensemble de la Belgique francophone." Sélection Si les personnes qui sont amenées à s'adresser au médecin de recours sont généralement orientées par le médecin traitant les circonstances dans lesquelles il est amené à intervenir sont elles aussi très diversifiées. Au-delà de son rôle d'information, le médecin a aussi, parfois, un rôle de dissuasion: "En effet, outre le rôle d’informations et d’explications, le médecin de recours doit impérativement effectuer un gros travail de sélection à propos des dossiers qui lui sont soumis. Notre volonté est d’effectuer un choix dans les dossiers en ne conservant que ceux qui sont susceptibles d’aboutir. Il est hors de question d’embarquer un patient dans des procédures inutiles, onéreuses et sans objet. Je crois que le patient à qui l'on explique que le jeu n'en vaut pas la chandelle, qu'il est inutile d'investir du temps et de l'argent dans le cadre d'une procédure de recours et qu'il vaut mieux accepter les propositions de l'assurance, nous en est reconnaissant. " Propos recueillis par Julie Gueulette 1. Expertises Médicales - Défense et Recours sprl, place Emile Dupont, 15/1 à 4000 Liège. Paru dans le Journal du Médecin du 22.05.2001