Des faits nouveaux concernant les troubles de l`humeur et la

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Des faits nouveaux concernant
les troubles de l’humeur
et la dépendance tabagique
Tableau. Troubles psychiatriques et dépendance
tabagique.
Gilbert Lagrue*, Didier Touzeau**
Dans un article récent du Courrier des addictions, nous avions abordé le problème
général des liens entre maladies psychiatriques et dépendance tabagique en insistant tout particulièrement sur les situations où le trouble psy était méconnu ou en
tout cas non traité, non caractérisé lors de la consultation de tabacologie (1).
Simultanément à cette publication, sont parus sur ce même thème deux articles très
importants : l’un signé de M. Strong, l’autre de J. Swendsen. Éclairage.
L
’association fréquente des épisodes
dépressifs majeurs (EDM) chez les
fumeurs est confirmée par D. Strong
(Single versus recurrent depression history:
differentiating risk factors among current US
smokers. Drug and Alcohol Dependence), qui
montre que celle-ci est beaucoup plus fréquente pour les EDM récidivants que pour les
épisodes uniques. En cas d’EDM récidivants,
en effet, le tabagisme est plus important. On
obtient moins souvent les arrêts de la consommation et on observe plus fréquemment l’association de l’usage d’autres substances. Avec un
retentissement plus important sur la qualité de
vie tant physique que mentale (2).
J. Swendsen (Mental disorders as risk factors
for substances use, abuse and dependence: results from the 10 year follow-up of the National
* Centre d’addictologie, hôpital Albert-Chenevier, Créteil.
** Département addictions, hôpital Paul-Guiraud, Villejuif
et clinique Liberté, Bagneux.
Comorbidity Survey. Addiction 2010) apporte
des éléments essentiels dans la discussion des
relations entre troubles psychiatriques et addictions, cause ou conséquence ou facteurs
génétiques communs. Son étude prospective
réalisée en population générale (National Comorbidity Survey) sur une durée de 10 ans, a
permis de préciser la chronologie d’apparition
des troubles. Pour le tabagisme, en utilisant les
critères de dépendance du DSM, il a montré
que les troubles psychiatriques préexistaient le
plus souvent, d’une part, à la date de début de
l’usage quotidien et, d’autre part, à la dépendance tabagique. Parmi les troubles de l’humeur, il insiste sur la fréquence particulière
des troubles bipolaires pour lesquels l’odds-ratio est le plus élevé. Les troubles anxieux (panique, phobie sociale, agoraphobie et anxiété
généralisée et stress post-traumatique) jouent
également un rôle important. Enfin, il en est
de même des troubles du comportement, tout
particulièrement du trouble d’hyperactivité
avec déficit de l’attention (THADA) [tableau].
Odds-ratio
usage
régulier
Odds-ratio
DT (selon
DSM)
Troubles de l’humeur
Dysthymie
EDM
Troubles bipolaires
1,6
1,5
1,4
1,8
1,9
1,8
1,4
3,9
Troubles anxieux
Panique
Phobie sociale
Stress post-traumatique
1,9
2
1,9
1,4
1,3
1,4
1,3
2,3
THADA
1,8
1,4
DT : dépendance tabagique.
Ces faits sont très importants car ils permettent de confirmer l’impression clinique quotidienne : dans la majorité des cas, ces troubles
psychiatriques, plus ou moins évidents, ont
précédé l’installation de l’usage du tabac. La
cigarette constitue alors une véritable automédication des différents troubles anxieux, de
l’humeur et de l’attention. Ils justifient, comme
nous l’avions indiqué, la recherche systématique de l’ensemble de ces troubles dont la fréquence est le plus souvent sous-estimée. v
Références bibliographiques
1. Lagrue G, Touzeau D. Dépendance tabagique :
troubles anxieux et dépressifs. Le Courrier des addictions 2010;1:8-12.
2. Swendsen J, Conway K, Degenhardt et al. Mental
disorders as risk factors for substances use, abuse
and dependence: results from the 10 year followup of the National Comorbidity Survey. Addiction
2010;105:1117-28.
3. Strong D, Cameron A et al. Single versus recurrent depression history: differentiating risk factors
among current US smokers. Drug Alcohol Depend
2010;109:90-5.
vvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv
L’addiction peut être liée à une perte
de plasticité du cerveau
la plasticité synaptique et la transition vers l’addiction. Remettant en
question les conceptions répandues jusqu’alors, qui proposent que
l’addiction résulte de modifications cérébrales pathologiques se développant progressivement avec l’usage de drogues, les résultats des
équipes du Neurocentre Magendie montrent que l’addiction proviendrait plutôt d’une forme "d’anaplasticité", c’est-à-dire une incapacité
des personnes dépendantes à contrecarrer les modifications pathologiques provoquées par la drogue chez tous les usagers.
v
Pourquoi seuls certains usagers de drogue deviennent-ils toxicomanes ? Telle est la question que se posent, les équipes de
Pier Vincenzo Piazza et d’Olivier Manzoni, du Neurocentre
Magendie de Bordeaux (unité Inserm 862). Ces chercheurs viennent
de découvrir que la transition vers l’addiction résulterait d’un défaut
persistant de plasticité synaptique dans une structure cérébrale clé. Il
s’agit de la première démonstration qu’il existe une corrélation entre
Kasanetz F, Deroche-Gamonet V, Berson N et al. Transition to addiction is associated with a persistent impairment in synaptic plasticity. Science, 25 juin 2010,
vol. 328, n° 5986.
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Le Courrier des addictions (12) ­– n ° 3 – juillet-août-septembre 2010
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