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A l’heure du café, on n’a pas toujours le temps
d’aller au bout des interrogations.
Questions d’astro
Alors voici quelques éléments de réponses un peu
plus détaillés aux questions qui se sont posées lors
des rencontres du club.
le sujet du jour : Sirius
Première étoile de la constellation du Grand Chien, illuminant les nuits d’hiver d’un éclat blanc bleuté,
Sirius est aussi la plus brillante de tout le ciel. On la trouve facilement dans l‘alignement des trois étoiles
qui forment la ceinture du géant Orion. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard : Sirius – en grec – qui
signifie « ardent » était le nom de l’un de ses chiens de chasse.
On va voir ici que cette étoile est non seulement la plus brillante mais qu’elle a joué un rôle important dans
l’histoire de l’Astronomie.
A
Le lever héliaque de Sothis
Si on regarde le ciel étoilé toutes les nuits à la même heure, on observe que les étoiles glissent un peu
chaque jour vers l’ouest. Cela est dû au fait qu’en même temps qu’elle tourne sur elle-même autour de
son axe, la Terre tourne aussi autour du Soleil. Par exemple, Sirius passe au méridien le 28 décembre à
minuit. Si l’on observe à nouveau à minuit, le 29 décembre, on verra l’étoile environ un degré à l’ouest du
méridien, le 30 décembre, elle sera à environ deux degrés à l’ouest. Nuit après nuit Sirius s’écarte du
méridien. Début mars à minuit, elle se couche à l’ouest. Elle devient alors pour quelques mois invisible.
Mais vient un jour où elle réapparaît à l’aube, juste avant le lever du soleil. On est alors au début de juillet.
Dans l’ancienne Égypte, on guettait cette réapparition parce qu’elle marquait le début de la crue du Nil.
L’étoile que nous appelons Sirius s’appelait Sothis chez les égyptiens. Lorsqu’elle apparaissait juste avant
le soleil, on parlait de « lever héliaque de Sothis ».
Entre deux levers héliaques, la Terre avait donc fait le tour du soleil. Cela permettait aux savants de
l’époque de mesurer la durée de l’année. Évidemment, repérer une étoile dans les lumières de l’aube
pouvait conduire à une erreur de quelques jours mais en poursuivant l’observation sur des dizaines
d’années, il leur était possible d’atteindre une grande précision. Ainsi avaient-ils établi que l’année dure
365.25 jours. C’est d’ailleurs l’astronome égyptien Sosigène qui inventa le calendrier promulgué par Jules
César avec son système de jour supplémentaire tous les 4 ans.
C’est donc à l’observation de Sirius qu’on doit le premier calendrier astronomique rigoureux. Bien sûr,
toute autre étoile aurait pu servir dans le même but ... pourvu qu’elle soit visible dans l’aube. Mais là,
Sirius avait un avantage décisif.
B
La distance des étoiles
Dans l’Antiquité il était admis qu’à part les cinq astres errants, les planètes Mercure, Vénus, Mars, Jupiter
et Saturne, toutes les étoiles étaient parfaitement fixes les unes par rapport aux autres. Et même plus tard,
après Copernic, lorsqu’on eût placé le Soleil au centre du Monde et transformé la Terre à son tour en
planète, les étoiles restèrent fixes, comme clouées sur la sphère céleste.
Fixes et si lointaines qu’il était impensable d’en évaluer la distance.
C’est seulement vers 1830 qu’on observa que certaines étoiles semblent se déplacer sur le fond du ciel et
effectuer une toute petite boucle elliptique en un an. En 1838, Bessel expliqua le phénomène : du fait que
la Terre parcourt son orbite autour du Soleil en un an, les étoiles proches ne sont pas vues tout le temps
exactement dans la même direction. ( Voir figure 1 ) De cette observation, il tira une méthode pour
parvenir à ce qu’on pensait impossible : mesurer la distance des étoiles. ( Voir figure 2 )
Parallax e 
E
1 UA
T1
S
T2
Fig 1 : Comme la Terre effectue le tour du Soleil en
un an, une étoile proche, ici en rouge, semble
effectuer une petite boucle elliptique parmi les
étoiles plus lointaines qui, elles, semblent fixes.
C
Fig 2 : On vise l’étoile proche à 6 mois d’intervalle ( T1 puis T2 ). La différence de
direction qu’on observe (en vert) est le double de l’angle sous lequel, depuis l’étoile,
est vu le rayon ST de l’orbite terrestre. Cet angle (en jaune) est appelé parallaxe et
noté  . Le connaissant, on peut en déduire la distance SE de l’étoile, exprimée en
Unité Astronomique.
La distance de Sirius
Sirius étant très brillante, on peut s’attendre à ce qu’elle soit assez proche.
Effectivement, sa parallaxe vaut 0.379 secondes d’arc, c’est à dire 0.379 / 3600 = 0.0001053 degré.
Bien sûr, vous vous dites que cet angle est effroyablement petit. Vous avez raison ! Et c’est bien pour cela
que la distance des étoiles est restée longtemps impossible à mesurer. Cependant, la parallaxe de Sirius
est l’une des plus grandes que l’on connaisse.
Dans le triangle rectangle STE, on a :
On en déduit immédiatement que :
ST
 tan   tan  0.0001053   1.84  106
SE
ST
SE 
544 000 ST
1.84  106
Sirius est donc située à 544 000 UA du Soleil.
Si l’on veut s’exprimer dans nos unités usuelles, il faut utiliser une autre mesure fondamentale de
l’Astronomie, celle de l’Unité Astronomique, la distance Terre – Soleil. Celle-ci vaut 150 millions de km.
Une petite multiplication va nous créer une belle brochette de zéros.
Sirius est située à 81 600 000 000 000 km = 8.16  1013 km du Soleil.
Comme vous savez, il est intéressant de parler en temps-lumière pour exprimer les distances
gigantesques qu’on rencontre souvent dans l’Univers. À raison de 300 000 km/s, la lumière parcourt
environ 9.46  1012 km en un an. Ainsi : 1 al  9.46  1012 km .
On peut donc exprimer la distance de Sirius en années-lumière.
Sirius est située à 8.6 années-lumière du Soleil.
Comparée à ces valeurs, la distance Terre-Soleil est négligeable. En nombres très arrondis, retenons :
Sirius est à 9 années-lumière de la Terre, 500 000 fois plus loin que le Soleil.
D
La luminosité de Sirius
Partons d’une banalité. Dans notre ciel, le Soleil est bien plus brillant que Sirius, certes, mais il est
544 000 fois plus proche. Or ce qui est intéressant c’est de comparer les deux astres « à armes égales »,
autrement dit à la même distance. Cette problématique est à la base de l’Astronomie stellaire : pour
avancer sur la connaissance des étoiles, il faut au minimum mesurer leur luminosité apparente, c’est à
dire l’éclairement qu’elles produisent, et leur distance. On pourra alors très facilement calculer gr^ce leur
luminosité vraie, leur puissance lumineuse, ce qu’en Astronomie on appelle la luminosité absolue.
Cette luminosité absolue, comme toute puissance, pourrait s’exprimer en Watt mais vous imaginez bien
qu’on aurait là encore des nombres impossibles à lire, s’exprimant en milliards de milliards ... Bon, je vois
que vous ne me croyez pas ...
Sachez donc que la puissance du Soleil vaut 38 000 000 000 000 000 000 000 000 = 3.8  1026 Watt
Il est plus intuitif de prendre comme unité le Soleil. On pourra alors dire, par exemple, qu’une étoile est 5
fois moins ou 12 fois plus lumineuse que le Soleil.
Comment faire ? C’est théoriquement assez simple : il suffit de mesurer l’éclairement produit par le Soleil
et celui produit par l’étoile. La difficulté est dans la réalisation pratique car il n’existe pas d’appareils
simples suffisamment sensibles pour détecter la lumière de l’étoile et suffisamment résistants pour ne pas
griller au soleil. Mais bon, on se débrouille. Et on parvient à ce résultat :
L’éclairement produit par le Soleil est 11.4 milliards de fois plus grand que celui produit par Sirius.
On sait par ailleurs que l’éclairement produit par une source lumineuse diminue comme le carré de la
distance. Ainsi, si la distance double, l’éclairement est divisé par 4. Si la distance triple, il est divisé par 9
et ainsi de suite. Si l’on expédiait le Soleil à coté de Sirius, la distance serait multipliée par 544 000 et
l’éclairement serait divisé par 544 0002
On peut donc enfin répondre à la question.
Le rapport des luminosités absolues est :
Luminosité Soleil 11.4  109

Luminosité Sirius 544 0002
Moralité : dans l’absolu, Sirius est 26 fois plus lumineuse que le Soleil.
E
Le curieux mouvement propre de Sirius
On vu au paragraphe B que Sirius – comme toutes les étoiles
proches – semblait décrire une petite boucle elliptique sur le fond
du ciel. On a vu aussi que ce mouvement apparent est dû à la
révolution annuelle de la Terre autour du Soleil. Mais dans le cas
de Sirius, à ces boucles parallactiques se superpose un second
mouvement, réel celui-ci.
À vrai dire, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’une étoile se déplace
parmi les autres. Si ce mouvement est quasi imperceptible, c’est
uniquement parce que les étoiles sont très lointaines. En
revanche, pour peu qu’aucune autre étoile ne dévie leur
trajectoire, celle-ci devrait être parfaitement rectiligne.
Or, en 1844, Bessel découvrit que Sirius suivait une trajectoire en
forme de ressort à boudin très étiré ainsi qu’on peut le voir sur le
relevé ci-contre s’étendant sur une plus longue période.
Comprenant que cette déformation de la trajectoire rectiligne était
due à la présence d’un compagnon invisible qui orbitait ainsi que
l’étoile principale autour de leur centre de gravité commun lequel
suivait une ligne droite, Peters publia en 1851 la position où il
fallait chercher ce compagnon.
0.0385
1
26
Pendant encore une dizaine d’année, celui-ci resta introuvable et ce n’est qu’en 1862 que Clark put enfin
l’observer. Mais l’étoile qu’il découvrait était extrêmement faible. Et cela était très étonnant.
En effet, comme on le voit sur le dessin
ci-contre, le centre de gravité du système
qu’on appelle maintenant Sirius A / Sirius
B est situé au tiers de la distance des
deux étoiles. D’après le principe des
centres de gravité, cela signifie que
Sirius B est deux fois moins lourd que
Sirius A.
Sirius A
Et une étoile seulement deux fois moins
lourde que Sirius A aurait dû être
facilement visible !
Centre de gravité
Bizarre, bizarre !
Sirius B
F
« Peser » Sirius A et Sirius B
En revanche, découvrir que Sirius était une étoile double était une excellente nouvelle !
En effet, grâce à la loi de la Gravitation Universelle, il est possible de calculer la masse d’un objet dès lors
qu’on sait à quelle distance et à quelle vitesse un satellite tourne autour de lui. Ainsi, c’est en observant la
vitesse de la Lune qu’on calcule la masse de la Terre. C’est en observant la vitesse de la Terre qu’on
calcule la masse du Soleil. (Voir le Parcours d’astro « On a pesé Jupiter »). Lorsque les deux corps sont de
masses comparables, le calcul est à peine plus compliqué et il donne la somme des masses.
Or, dans le cas de Sirius, on disposait de toutes les données nécessaires. Voyons cela :
Distance de Sirius :
Distance angulaire entre Sirius A et Sirius B :
Distance entre Sirius A et Sirius B :
Durée de révolution :
Vitesse de révolution :
connue
mesurable
calculable grâce aux deux valeurs précédentes
mesurable : 50 ans
calculable grâce aux précédentes.
Ainsi, en valeurs très légèrement arrondies, on arrivait à ceci :
Masse totale = 3 masses solaires
et donc, puisque Sirius A est deux fois plus lourde que Sirius B :
Masse de Sirius A = 2 masses solaires
Masse de Sirius B = 1 masse solaire
Ce résultat confirmait que Sirius B était anormale !
Une étoile de même masse que le Soleil aurait dû être à peu
près aussi brillante que lui. Or elle l’était 33 fois moins !
Il y avait bien une solution, c’est que Sirius B eût été froide
et que, par conséquent, sa surface eût peu rayonné.
Malheureusement ce n’était pas le cas, bien au contraire,
Sirius B est d’une couleur bleue encore plus intense que
celle de Sirius A donc encore plus chaude.
La photo ci-contre montre les deux astres. Sirius B est noyé dans la lumière de
Sirius A. La croix qui rayonne autour de celle-ci est un artefact du à la diffraction
de la lumière sur les minces tôles qui soutiennent le miroir secondaire du
télescope. De même l’énorme halo qui entoure l’étoile principale est provoqué par
la saturation du capteur. Sans cette saturation, Sirius A apparaîtrait comme un
simple point très brillant.
G
Couleur et luminosité à notre secours
Vous avez certainement utilisé un variateur de lumière pour gérer l’ambiance de votre séjour. En position
minimale, l’halogène émet une faible lueur rougeâtre semblable à celle des braises d’un barbecue. En
poussant le curseur, on obtient une lumière plus vive et plus jaune et si l’on va au maximum, la lampe
devient d’un blanc éblouissant. Cette petite expérience illustre deux très importantes lois de Physique.
Lorsqu’un corps dense émet de la lumière parce qu’il est chaud, l’intensité lumineuse et la couleur sont
toutes les deux liées à la température.
Le phénomène est décrit avec précision par les lois de Wien et de Stefan. ( Voir « Le message de la
lumière ») mais nous n’avons pas besoin ici de formules.
La loi de Wien nous apprend que, vue la couleur bleutée de Sirius B, on est certain que sa température de
surface est de 24 000 Kelvin. Cela représente 4 fois la température de la surface du Soleil.
La loi de Stefan prend alors le relais. Elle affirme que l’intensité lumineuse est proportionnelle à la
puissance 4 de la température. Étant 4 fois plus chaud, chaque mètre carré de Sirius B émet 44  256
fois plus d’énergie qu’un mètre carré de Soleil.
Si Sirius B était aussi vaste que le Soleil, elle serait 256 fois plus lumineuse. Or, tous rayonnements pris en
compte de l’infra rouge à l’ultra violet, elle l’est 33 fois moins !
C’est donc que sa surface est 33  256
8500 de fois plus petite !
Et si la surface est 8 500 fois plus petite, c’est que le diamètre est
8 500  93 fois plus petit
Ces calculs étant basés sur des approximations, il serait ridicule de donner trop de précisions. Retenons :
Le diamètre de Sirius B est environ 100 fois plus petit que celui du Soleil.
Autrement dit, Sirius B est une étoile de la même taille que la Terre !
H
Tableau final
Au terme de cette randonnée, regroupons tout ce que nous avons découvert ou que nous aurions pu
découvrir pour Sirius A avec les mêmes méthodes ( en italique ).
Étoile
Soleil
Sirius A
Sirius B
Distance en UA
1
544 000
544 000
Luminosité absolue comparée au Soleil
1
26
0.03 = 1 / 33
Couleur
jaune
blanche
bleue
Température Kelvin
6 000
10 000
24 000
Puissance rayonnée par m² comparée au Soleil
1
8
256
Masse comparée au Soleil
1
2
1
Diamètre comparé au Soleil
1
1.7
0.01 = 1/100
Masse volumique moyenne
1.4 kg/dm3
0.6 kg/dm3
1 400 tonnes / dm3
Remarquez la colossale masse volumique de Sirius B. Pour atteindre une telle masse volumique, il faut
que les atomes soient écrasés au point où tous les électrons sont arrachés. La matière est alors formée
d’une « purée » de protons et d’électrons. On dit qu’elle est dégénérée.
Sirius B a été la première étoile de ce type à être découverte. On en connait aujourd’ hui des milliers. On
les appelle des naines blanches. Elles représentent le stade ultime de l’évolution des étoiles de masse
inférieure à 8 masses solaires. C’est donc sous cette forme que finira notre Soleil lorsque, dans 5 milliards
d’années, après un passage par le stade géante rouge et faute d’énergie interne, il s’effondrera sur luimême.
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