BANQUE MONDIALE AGRICULTURE ET DEVELOPPEMENT RURAL Changement Climatique Les pêches et l’aquaculture face au changement climatique Le changement climatique (CC) créera de profonds changements au niveau des écosystèmes aquatiques, de la pêche et de l'aquaculture, ce qui affectera la sécurité alimentaire et le moyen de subsistance de milliards de pêcheurs, pisciculteurs, et habitants du littoral. En collaboration avec plusieurs partenaires internationaux, PROFISH a élaboré une note de synthèse pour mettre en évidence les problématiques clés liées à ces changements. Cette note permet aux politiciens et aux négociateurs traitant du changement climatique de considérer l’intégration des écosystèmes aquatiques, de la pêche et de l'aquaculture au sein des initiatives internationales sur le changement climatique, ainsi que dans leurs programmes nationaux. Les pêcheurs, les aquaculteurs et les habitants du littoral subiront de plein fouet les impacts du changement climatique. Leurs moyens de subsistance seront moins stables car la disponibilité et la qualité du poisson ne seront pas constantes, ce qui entrainera une augmentation des risques de santé et une diminution de la sécurité d’autrui et des foyers. De nombreuses collectivités tributaires de la pêche vivent déjà une existence précaire et vulnérable du a leur pauvreté et au manque de services sociaux et d'infrastructures essentielles. La fragilité de ces communautés est d’autant plus compromise à cause de la surexploitation des ressources halieutiques et de la dégradation générale des écosystèmes aquatiques et côtiers. Le changement climatique aura un impact important sur la sécurité alimentaire et la subsistance des pays en voies de développement. Le CC modifie la température et l’acidité des océans, ainsi que la fréquence et l'intensité des cyclones tropicaux. Il modifie la distribution et la productivité des espèces marines et d'eau douce et affecte déjà les processus biologiques et la modification des réseaux trophiques. Les conséquences pour la durabilité des écosystèmes aquatiques, la pêche et l'aquaculture, et les gens qui en dépendent, en sont incertaines. Des investissements d'urgence sont nécessaires non seulement pour atténuer ces menaces croissantes et pour s'adapter à leurs effets, mais aussi pour approfondir notre connaissance des océans et de la complexité des processus aquatiques. Il s’agit surtout de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre – principal moteur humain du changement climatique. Des adaptations spécifiques et des mesures d’atténuation sont également nécessaires pour : 1) améliorer la gestion des pêches et de l’aquaculture et l’intégrité des écosystèmes aquatiques ; 2) répondre aux opportunités et aux menaces des impacts du changement climatique sur la sécurité alimentaire et les moyens d’existence; et 3) aider le secteur des pêches et de l’aquaculture à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Des écosystèmes aquatiques en bon état contribuent à la sécurité alimentaire et à l’amélioration des moyens d’existence Les pêches et l’aquaculture contribuent de façon importante à la sécurité alimentaire et aux moyens d’existence et elles sont tributaires de la santé des écosystèmes aquatiques – mais leur contribution est souvent méconnue et sous-évaluée. • Le poisson (et les crustacés et mollusques) apportent des éléments nutritifs essentiels à 3 milliards de personnes et au moins 50 pour cent des protéines animales et des sels minéraux à 400 millions de personnes des pays les plus pauvres ; • Plus de 500 millions de personnes sont tributaires des pêches et de l’aquaculture pour leurs moyens d’existence ; • L’aquaculture est le système de production alimentaire qui connaît la croissance la plus rapide au monde, soit 7 pour cent par an ; • Les produits halieutiques sont parmi les aliments les plus échangés dans le cadre du commerce international, avec plus de 37 pour cent [en volume] de la production mondiale faisant l’objet d’échanges internationaux. JUIN 2010 Messages Clés (i) Les océans sont en train de subir des changements chimiques et biologiques irréversibles et il existe énormément d'incertitudes en ce qui concerne les conséquences de ces changements pour les stocks de poissons, pour les populations côtières et pour le climat planétaire; (ii) Une réduction fondamentale; des émissions est (iii) Des écosystèmes aquatiques sains peuvent aider a prévenir des changements trop soudains et aussi permettre de mieux résister à ces changements. Les efforts visant à créer et à maintenir ces écosystèmes (y compris la reconstruction des stocks de poissons) ont beaucoup de sens, que se soit sur le plan environnemental ou économique. De plus cela renforce les capacités d'adaptation et d'atténuation de ces écosystèmes aux effets du CC; (iv) La gestion responsable des pêches est une approche dites «sans regret» qui permettra aux populations de poissons, aux habitats sensibles (tels que les récifs coralliens) et aux communautés côtières d’avoir plus d’élasticité envers les effets du au changement climatique. De plus, une gestion durable (responsable) des pêches peut générer de l’emploi ainsi que de la croissance économique; (v) Les décisions d'investissement (qu'il s'agisse de navires de pêche, de sites de débarquement, ou de l'aquaculture) exigent une plus grande prise de conscience de l'évolution du CC ; de la vulnérabilité de ces investissements aux impacts du CC ; et des solutions les moins onéreuses pour faire face aux CC; (vi) Au niveau des négociations internationales sur le CC, il est important de «laisser la porte ouverte» à l'utilisation future des financements du carbone pour les pêcheries, l'aquaculture et des océans. (vii) Des investissements accrus sont nécessaires pour améliorer les connaissances scientifiques sur le rôle des océans dans le CC, par exemple pour élever la comptabilisation du carbone océanique au niveau de celui de la forêt ou de celle du sol (tous deux inclus dans les mécanismes de financement du carbone) - Le puits de carbone océanique est presque cinq fois plus importants que tous les autres puits réunis. www.worldbank.org/fish PROFISH 2 La durabilité des écosystèmes aquatiques – élément capital de l’adaptation au changement climatique La santé des écosystèmes aquatiques est essentielle pour la production de poissons sauvages, pour certaines semences et pour une grande partie des aliments destinés à l’aquaculture. La productivité des pêches côtières est étroitement liée à la santé des écosystèmes côtiers qui fournissent des aliments, des habitats et des aires d’alevinage pour les poissons. Les estuaires, les récifs coralliens, les mangroves et les prairies sous-marines sont particulièrement importants. Dans les systèmes d’eau douce, la santé et la productivité de l’écosystème sont liées à la qualité et au débit de l’eau et à la santé des zones humides. Les écosystèmes côtiers qui maintiennent la pêche aident aussi à protéger les communautés des dangers et des catastrophes naturels. Les mangroves créent des barrières et une protection contre les vagues destructrices provoquées par les tempêtes et retiennent les sédiments dans leurs systèmes racinaires, réduisant ainsi l’érosion côtière. Les récifs coralliens en bon état, les prairies sous-marines et les marécages offrent des avantages analogues. Le changement climatique menace la structure et la fonction de ces écosystèmes déjà mis à rude épreuve. Les pêches et l’aquaculture peuvent contribuer à l’atténuation et l’adaptation Les mesures d’adaptation sont bien connues des gestionnaires et des décideurs, mais la volonté politique et l’action font souvent défaut. Pour renforcer la capacité d’adaptation aux effets du changement climatique et en tirer des avantages durables, les gestionnaires de la pêche et de l’aquaculture doivent adopter et appliquer des pratiques optimales telles que celles décrites dans le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable. Ces pratiques doivent être intégrées plus efficacement dans la gestion des bassins hydrographiques, des bassins versants et des zones côtières. De nombreuses pêcheries et les écosystèmes qui les maintiennent ont été mal gérés et les pertes économiques dues à la surpêche, à la pollution et à la perte d’habitats dépasseraient, selon les estimations, 50 milliards d’USD par an. L’amélioration de la gouvernance, les technologies novatrices et les pratiques plus responsables peuvent permettre de tirer des bénéfices accrus et durables des pêches. Il y a actuellement plus de navires de pêche consommant du carburant fossile en activité qu’il n’en faudrait pour pêcher les ressources halieutiques disponibles de manière efficace. La réduction de la surcapacité de la flotte non seulement aidera à reconstituer les stocks de poisson et à maintenir durablement les captures mondiales, mais peut aussi réduire considérablement les émissions de carbone de ce secteur. Si elle favorise les espèces herbivores, l’aquaculture peut fournir des aliments nutritifs à faible empreinte de carbone. La conchyliculture et l’ostréiculture constituent non seulement une bonne activité rémunératrice, mais elles aident aussi à épurer les eaux côtières, tandis que la culture de plantes aquatiques aide à éliminer les déchets des eaux polluées. Alors qu’il risque de provoquer des baisses des rendements agricoles dans de nombreuses régions du monde, le changement climatique offre de nouvelles possibilités pour l’aquaculture, dans la mesure où un nombre croissant d’espèces sont élevées, où la mer gagne du terrain sur les terres côtières, où un grand nombre de barrages et de bassins réservoirs sont construits dans les bassins hydrographiques pour amortir les variations pluviométriques et où les déchets urbains nécessitent un mode d’élimination plus innovateur. Les pêches et l’aquaculture doivent être prises en compte dans les stratégies nationales d’adaptation au changement climatique. En l’absence de planification prudente, les écosystèmes aquatiques, les pêches et l’aquaculture pourraient pâtir des mesures d’adaptation appliquées par d’autres secteurs, notamment le recours accru aux barrages et à la production d’énergie hydroélectrique dans des lacs de retenue alimentés par des pluies abondantes, la construction de défenses côtières artificielles ou les parcs éoliens marins. Rôle crucial des océans en bonne santé dans le changement climatique • Les océans et les écosystèmes côtiers sont les principaux amortisseurs du changement climatique de la planète et vont probablement subir la plus grande partie des impacts ; • Les océans ont éliminé environ 25 pour cent des émissions de dioxyde de carbone dues aux activités humaines entre 2000 et 2007 ; • Les océans fournissent « chaque second souffle que nous respirons » car le plancton qu’ils contiennent produit plus de la moitie de l’oxygène de notre planète ; • Les océans absorbent plus de 95 pour cent du rayonnement solaire, rendant les températures de l’air tolérables pour la vie terrestre ; • Les océans fournissent 85 pour cent de la vapeur d’eau de l’atmosphère, ces nuages ont un rôle essentiel de régulation du climat terrestre et marin ; • L’état de santé des océans a une influence sur leurs capacités d’absorption du carbone. Les solutions d’atténuation pour réduire l’empreinte de carbone des pêches et de l’aquaculture nécessiteront des approches innovatrices telles que la récente éligibilité de la conservation des mangroves au programme de financement REDD (Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation in Developing Countries), qui montre les possibilités de protection des forêts des bassins versants dans le cadre du programme. D’autres approches à explorer sont notamment l’établissement d’un lien entre le désarmement des navires et les plans de financement de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la mise au point de moyens innovateurs et sûrs de piéger le carbone dans les écosystèmes aquatiques et la mise au point de systèmes de production aquacole à basse émission de carbone. Océans de carbone L’ampleur du puits de carbone océanique environ cinq fois tous les autres puits combinés - signifie que même des modifications mineures et imprévues au niveau de ce puits, pourraient rendre insignifiant et dévaloriser tous les efforts consentis pour réduire les émissions terrestres. Au niveau des discussions internationales sur le climat, le rôle des océans reste souvent en périphérie et on n’en discute fort peu. Il est grand temps que la communauté internationale s’intéresse d’avantage à la quantité de carbone stockée par ceux-ci et : • de considérer un océan en bonne sante, et donc plus résistant/élastique, en tant qu'instrument de politique climatique; • de prévenir la communauté internationales des menaces que pose la perte des fonctions vitales d'océans de plus en plus fragiles; • de mettre une valeur véritable sur le maintien de la santé des océans ; et • de s'appuyer sur une connaissance des océans plus robuste afin de mieux orienter les politiques PROFISH, la Banque Mondiale et le Changement Climatique PROFISH continuera de travailler avec ses principaux partenaires internationaux (la FAO, le WorldFish Center, l’UNEP, le SPC et d'autres) afin de développer un programme de travail collaboratif qui inclura: • des contributions écrites, et en personne, aux principales réunions techniques; • une focalisation sur les questions politiques clés et le financement des activités relatives au CC et ses effets dans les secteurs marins, des pêches et de l’aquaculture; • l'inclusion initiatives traitant du CC, de la pêche et des milieux aquatiques dans les projets et les documents clés de la Banque. 1818 H Street. NW - Washington, DC 20433 - www.worldbank.org/fish