DOULEUR THORACIQUE Infarctus ? Pas toujours... Une admission aux urgences sur quatre dans les pays occidentaux se fait pour cause de douleur à la poitrine. Les médecins savent qu’elle n’est pas toujours annonciatrice d’un problème grave, mais le patient, lui, est confronté à ses pires craintes. Une douleur intense, parfois soudaine, au niveau du thorax, la respiration qui se fait éventuellement plus difficile… on pense de suite à l’infarctus ou, en tout cas, à un problème cardia- que. Faut-il pour autant se rendre immédiatement aux urgences ? Ce peut être utile car, en cas de problème grave, la vitesse d’intervention d’une équipe médicale est essentielle. Mais il est bien des cas où la douleur n’a rien à voir avec un problème cardiaque. Ce n’est pas toujours le cœur Comment se peut-il qu’une douleur dans le thorax n’implique pas La douleur peut avoir bien d’autres origines qu’un infarctus automatiquement un problème cardiaque ? Parce que la cage thoracique est le siège du cœur, mais également de la trachée, des bronches, des poumons, de l’aorte, des veines caves ainsi que de l’œsophage. Et si l’on considère les organes géographiquement proches que sont l’estomac, le pancréas et la vésicule biliaire, ainsi que certains os et muscles, on comprend mieux les multiples origines possibles du "point" dans la poitrine. test santé 84 avril/mai 2008 Une douleur dans la poitrine peut avoir des origines bénignes. Mais ne la négligez jamais. Surtout si elle est intense et s’accompagne d’autres symptômes (vertiges, malaise...). > 15 DOULEUR THORACIQUE LES CAUSES PRINCIPALES C’est le cœur qui souffre L’Infarctus L’infarctus du myocarde est dû à la formation d’un caillot bloquant la circulation du sang dans une artère coronaire. Les artères coronaires sont des vaisseaux courant à la surface du cœur pour apporter oxygène et nutriments au muscle cardiaque (le myocarde), permettant à ce dernier d’assurer correctement son rôle de pompe sanguine. Quand l’une de ces artères se bouche, elle n’oxygène, ni ne nourrit plus les cellules du muscle cardiaque qui, si la circulation n’est pas rétablie, se nécrosent rapidement. C’est l’ischémie, qui laisse une cicatrice de cellules "mortes" et entrave les contractions ultérieures du cœur. Une prise en charge la plus rapide possible est donc nécessaire pour éviter ou limiter les dégâts, irréversibles. Les symptômes : – une douleur intense ou une impression de lourdeur, de poids sur le thorax, qui perdure (plus de 15 minutes). Parfois, il y a eu des signes annonciateurs tels qu’une douleur apparaissant après un exercice physique, mais disparaissant au repos. Ce signe peut apparaître plusieurs fois, des jours, voire des semaines avant la véritable crise cardiaque. Dans le cas de l’infarctus, cette douleur n’est plus liée à un effort physique. En général, elle est intense et soudaine; – la douleur peut se diffuser dans les bras (surtout le gauche) et peut aller jusqu’aux épaules, au dos, au cou et à la mâchoire; – d’autre signes peuvent y être associés : pâleur, agitation, transpiration, nausée, difficultés de respirer… Ce type de douleur classique liée à un problème cardiaque est souvent rencontrée chez des hommes d’âge moyen avec risque d’athérosclérose. Les femmes, les diabétiques et les personnes plus âgées ne se présentent pas toujours avec des symptômes classiques. L’Angine de poitrine L’angine de poitrine, aussi appelée "angor" constitue le stade avant l’infarctus. Dans ce cas, l’artère coronaire n’est pas complètement bouchée, mais seulement rétrécie (par du cholestérol, par exemple). L’effet est cependant très proche : quand le cœur ne reçoit plus suffisamment d’oxygène pour effectuer les tâches demandées (un effort physique, par exemple), il lance un signal d’alarme. C’est la douleur. Les symptômes : Ils sont très semblables à ceux de l’infarctus, mais de moindre intensité. – la forme stable survient généralement après l’effort ou lors d’une grosse émotion et disparaît dans les 15 minutes suivant la disparition du facteur déclenchant; – il existe aussi une forme instable. Il peut s’agir d’une premier angor ou d’un angor plus grave que lors d’un précédent angor, mais de toute façon, c’est une urgence au même titre que l’infarctus. Le spasme artériel ou angine de Prinzmetal Il s’agit d’une angine de poitrine dont la cause est toujours un rétrécissement temporaire d’une artère coronaire mais due non à des dépôts (cholestérol…) mais à une contraction de l’artère, soit spontanée, soit liée à la consommation de stimulants tels que nicotine ou caféine. En particulier quand les personnes sont déjà sujettes à des problèmes de cœur. Les symptômes : Semblables à ceux de l’angine de poitrine. La douleur peut cependant apparaître au repos, y compris durant le sommeil. Elle peut, par contre, disparaître rapidement. La péricardite La péricardite est une inflammation du péricarde, la membrane entourant le cœur. Son origine est souvent virale, ce qui explique une part de ses symptômes. Les symptômes : – une douleur aiguë, perçante, partant du centre de la poitrine, irradiant éventuellement vers le haut (épaules, cou) ou vers le bas (abdomen) et souvent accompagnée de fièvre et de toux; – la douleur n’est pas influencée par l’effort mais peut varier en intensité selon les positions. Elle est plus forte lors de l’inspiration, d’une quinte de toux et en position allongée sur le dos. Œsophage Plèvre Aorte Côtes Poumons test santé 84 avril/mai 2008 Cœur 16 Foie Vésicule biliaire Estomac Quand c’est l’artère qui lâche Dissection (ou rupture) de l’aorte L’aorte est l’artère principale, qui reçoit le sang du cœur et le distribue dans l’ensemble du corps (sauf les poumons). Sa paroi est épaisse et constituée de 3 feuillets : un interne (paroi interne), un intermédiaire et un périphérique (paroi externe). La dissection aortique est la rupture de la paroi interne. Cette rupture provoque un afflux de sang contre la paroi intermédiaire. Dans ce cas, le sang poussé par la pression artérielle s’insinue entre les parois, au risque, entre autres, de rompre la paroi externe et de provoquer une hémorragie foudroyante. Ce problème est très rare, mais grave. Il peut résulter tant d’une hypertension artérielle mal contrôlée (facteur de risque principal), que d’un traumatisme (accident, par exemple). Les symptômes : – une douleur intense dans la poitrine et dans le dos, semblable à un coup de poignard; – signes associés : gêne respiratoire et, parfois, perte de conscience. Les poumons sont atteints La pleurésie Il s’agit de l’inflammation de la plèvre, membrane entourant les deux poumons. Elle peut avoir pour origine une série de facteurs dont, par exemple, la pneumonie et, rarement, une maladie auto-immune comme le lupus. Les symptômes : – une douleur brutale localisée sur une partie seulement du thorax, une sensation de poids sur la poitrine; – la douleur peut varier quand on change de position et elle s’aggrave dès que l’on tousse; – signes associés en cas de pneumonie : fièvre, quintes de toux sèche. L’embolie pulmonaire L’embolie pulmonaire est due à un caillot circulant dans le système sanguin et allant se loger dans une ramification pulmonaire qu’il bouche. Cette fois, c’est le tissu du poumon qui n’est plus irrigué et se nécrose. L’embolie peut être mortelle et demande une prise en charge immédiate. Son origine est souvent une phlébite survenue chez des patients alités après une intervention chirurgicale. Les symptômes : – la douleur est brutale et intense, s’aggravant avec la respiration et la toux; – signes associés : essoufflement, crachat de sang, palpitations. Autres maladies pulmonaires Certaines provoquent des douleurs semblables à l’infarctus, comme l’hypertension artérielle pulmonaire ou le pneumothorax (présence d’air dans la plèvre avec collapsus du poumon). Les problèmes gastrointestinaux La colique hépatique Il s’agit d’une obstruction des voies biliaires. Les symptômes : – la douleur apparaît brusquement et peut être intense avec des impressions d’étau, de crampe, de déchirure. – La douleur irradie parfois vers le dos et peut s’accompagner de nausées, de vomissements et bloquer la respiration profonde. gastrique. Les symptômes : – le reflux gastro-œsophagien ainsi qu’un ulcère peuvent notamment donner une sensation de brûlure douloureuse sous le sternum, parfois accompagnée de régurgitations. Le trouble de la motilité œsophagienne Il s’agit d’un trouble frappant la capacité de l’œsophage à se contracter pour permettre la déglutition et le transfert des aliments de la bouche à l’estomac. Les symptômes : – régurgitation de nourriture non digérée, surtout la nuit. Quand c’est le psychique qui est en cause Et si c’était les muscles et les côtes ? L’attaque de panique est une forme d’anxiété qui donne lieu à une intense douleur thoracique. Selon les sources, de 10 à 20 % des admissions en urgence pour une douleur thoracique y sont liés. Les symptômes : - la douleur est souvent accompagnée d’angoisse, de palpitations, d’accélération de la respiration (l’hyperventilation donne des piccotements et une perte de sensibilité autour de la bouche) et de transpiration excessive. Ces derniers peuvent, en effet, être objet de douleurs intenses : quand une côte est brisée ou un nerf pincé, quand il y a costochondrite (inflammation du cartilage). Douleur musculaire soudaine ou douleurs chroniques comme arthrose ou fibromyalgie test santé 84 avril/mai 2008 Les brûlures d’estomac Un excès de sécrétion acide de l’estomac peut remonter dans l’œsophage et provoquer douleur et inflammation. En temps normal, le sphincter (muscle) situé entre l’œsophage et l’estomac se relâche uniquement quand on mange ou pour laisser passer de l’air ingéré. Quand il fonctionne mal, il se relâche à d’autres moments et laisse remonter le liquide 17 DOULEUR THORACIQUE > D’ailleurs, la douleur prend, ellemême, de multiples formes. Il peut s’agir d’impressions de brûlure, de crampe, d’un "coup de poignard" ou encore d’un étau qui se resserre… Mais la douleur de l’infarctus présente souvent plusieurs constantes : en général, elle démarre brusquement, au milieu de la poitrine et provoque un sentiment d’oppression. Ensuite, elle peut se diffuser vers les épaules, le bras (surtout le gauche), le dos, voire la gorge et la mâchoire, et s’accompagner de nausées, de vomissements, de sueur et de malaise. Mais surtout, elle ne varie a priori pas en intensité si on change de position ou si l’on mange, alors que ce peut être le cas avec une douleur d’autre origine. Cela dit, les différences sont parfois très subtiles. Mieux vaut laisser au médecin le soin de les détecter. Un mot d’ordre : agir rapidement test santé 84 avril/mai 2008 La cause réelle est souvent difficile à déterminer sans examens. Pour évaluer la situation, le médecin peut commencer par une simple prise de la tension, du pouls et de la température et par des questions concernant la localisation de la douleur, son intensité, etc. Très vite, il fera, si nécessaire, pratiquer les examens nécessaires pour écarter toutes les causes potentiellement mortelles comme l’infarctus, l’embolie pulmonaire ou la rupture de l’aorte. L’examen le plus pratiqué à ce stade est l’électrocardiogramme (ECG). Ce dernier enregistre l’activité électrique du cœur par le biais d’électrodes placées sur la peau. Cette activité est alors imprimée. 18 L’électrocardiogramme est, en général, le premier examen pratiqué. Il permet de mesurer l’activité électrique du cœur et de s’assurer ainsi de son (bon) fonctionnement. En cas d’infarctus, l’activité électrique du cœur se modifie, un ECG peut donc signaler non seulement si un infarctus est en cours au moment de l’examen, mais aussi s’il y a eu infarctus précédemment. Si l’on vous a déjà fait un ECG, emportez le document avec vous. Le médecin pourra alors comparer les deux. Si l’ECG est normal, mais que la douleur persiste, le médecin le répétera pour repérer d’éventuelles modifications. Autre examen indispensable en cas d’infarctus : la prise de sang pour contrôler les taux de certaines enzymes présentes normalement dans le muscle cardiaque et qui, en cas d’infarctus, migrent dans le sang. A répéter aussi éventuellement. E. Deltenre et M. Van Hecke EN SAVOIR PLUS Si vous souhaitez en savoir plus sur les maladies cardiovasculaires, les facteurs de risque, etc., consultez notre site www.test-achats.be. Rubrique Soins de santé > Symptômes et maladies > Maladies cardiovasculaires. QUE FAIRE ? Ecouter son corps Quand on souffre dans la poitrine, déterminer soi-même s’il s’agit d’un problème cardiaque est difficile, surtout si c’est la première fois. En cas de douleur thoracique : - d’une durée de plus de 20 minutes ou se répétant toutes les heures; - et/ou irradiant vers la gorge, les mâchoires, les bras ou les épaules ; - et/ou provoquant malaise, transpiration, essoufflement et/ou vertige. Appelez le 112 ou votre médecin s’il peut être plus rapidement sur place. ´ Les facteurs augmentant le risque sont : l’âge (surtout les hommes de plus de 45 ans et les femmes au-delà de 55 ans), le tabagisme, le manque d’exercice, le surpoids, l’hypertension, un taux de cholestérol trop élevé, le diabète, une alimentation riche en graisses saturées, des antécédents familiaux de problèmes cardiaques, des antécédents d’attaque ou de chirurgie cardiaque ainsi que la présence d’une angine de poitrine. ´ Attention : l’absence de facteurs de risque n’exclut pas pour autant l’infarctus. ´