LIN-1621 Phonétique Lucie Ménard et Annie Brasseur 1 6. Phonétique perceptive 6.1. L’oreille 6.2. Le système auditif central 6.3. Correspondances perceptuelles des paramètres physiques 2 6.1 L’oreille • Situation de l’oreille dans la boîte crânienne: 3 • L’oreille se divise en trois parties: l’oreille externe, oreille moyenne et oreille interne: 4 L’oreille externe • Sa fonction principale est de capter les vibrations aériennes • Elle se compose : – du pavillon (sorte de cornet acoustique, qui dirige le flux sonore dans le conduit auditif externe) ; – du conduit auditif externe (sorte de tuyau cylindrique d’environ 25 mm de long et de 6 à 8 mm de diamètre) ; 5 L’oreille externe • Elle joue le rôle de résonateur qui amplifie d’environ deux fois les pressions sonores pour les fréquences comprises entre 2000 et 5000 Hz L’oreille moyenne • Lieu de l’amplification de l’énergie sonore; • Elle est constituée de la caisse tympanique (cavité de 1 à 2 cm3) qui comprend: – Le tympan: membrane élastique, mince (0,1 mm), circulaire, de 30 à 60 mm2 d’aire. Le tympan peut entrer en vibrations pour toutes les fréquences de 16 à 16000 Hz. La troupe d’Eustache (3 à 4 cm), reliée au pharynx, assure une égalisation de la pression aérienne moyenne des deux côtés du tympan ; ***Parfois inclus dans l’oreille externe. 6 Le tympan: 7 L’oreille moyenne – les osselets : une chaîne d’osselets (marteau, enclume, étrier) reliés entre eux par des articulations peu mobiles, est fixée, par des ligaments, d’un côté au tympan (le marteau), de l’autre à la fenêtre ovale (l’étrier). Les osselets jouent le rôle de levier en multipliant par trois l’énergie sonore reçue par le tympan. En ajoutant la différence de surface entre le tympan et la fenêtre ovale, l’amplification totale depuis le pavillon jusqu’à la fenêtre ovale est de 180 fois l’énergie initiale. tympan Fenêtre ovale 8 L’oreille moyenne • Ce gain d’énergie est nécessaire pour le passage des vibrations d’un milieu gazeux (l’air) au milieu liquide de l’oreille interne. 9 L’oreille interne • Lieu de transformation des vibrations mécaniques en influx nerveux ; • Elle comprend: – les canaux semi-circulaires (organe d’équilibration) – le vestibule – la cochlée (ou limaçon): ce canal membraneux, de 25 à 35 mm de long, enroulé sur un peu plus de deux tours et demi, est limité par trois membranes, dont la membrane basilaire (32 mm). Cette dernière supporte l’organe de Corti, contenant quelque 15 à 20000 cellules ciliées, d’où partent les fibres nerveuses du nerf de l’audition (nerf cochléaire) et où la pression hydraulique se convertit en impulsions électriques; 10 L’oreille interne Canaux semicirculaires 11 L’oreille interne Fenêtre ovale Fenêtre ronde • Fonctionnement de la cochlée: – Une matière membraneuse appelée canal cochléaire divise la cochlée sur presque toute sa longueur en deux régions : la rampe vestibulaire, du côté de la fenêtre ovale, et la rampe tympanique, de l’autre côté. Ces deux régions sont remplies d’un fluide deux fois visqueux comme l’eau et appelé périlymphe. Le canal cochléaire est creux. À la pointe du limaçon s’ouvre un passage, l’hélicotrème, qui permet au fluide de passer d’une rampe à l’autre. La rampe tympanique aboutit à la fenêtre ronde, obturée par une membrane et donnant sur l’oreille moyenne. 12 L’oreille interne • Fonctionnement de la cochlée: • Le canal cochléaire est rempli d’un fluide très visqueux et presque gélatineux qui s’appelle endolymphe. Ce conduit est isolé de la rampe vestibulaire par la membrane de Reissner et il est isolé de la rampe tympanique par la membrane basilaire. Membrane de Reissner Membrane basilaire 13 L’oreille interne • Fonctionnement de la cochlée: – La membrane basilaire est très étroite à la base du limaçon (0,04 mm environ) et très large près de l’hélicotrème (près de 0,5 mm). De plus, elle est plutôt raide, mais légère, près de la fenêtre ovale, tandis que près de l’hélicotrème, elle est plutôt relâchée et massive. Entre ces extrêmes, le long de la cochlée, la transition est graduelle. 14 L’oreille interne • Fonctionnement de la cochlée: – Lorsqu’une onde simple est transmise, le canal cochléaire entre en vibration, mais l’amplitude de la vibration en différents points du parcours dépend largement de la fréquence d’origine. Aux hautes fréquences, la vibration la plus forte se situe près de la fenêtre ovale, là où la membrane basilaire est la plus légère. Aux fréquences inférieures, le point d’amplitude maximum gagne la région large de l’extrémité. La structure de la membrane basilaire tend donc à répartir le point de réponse maximum à la stimulation selon les fréquences. 15 L’oreille interne • Fonctionnement de la cochlée: – Sur la membrane basilaire se trouvent des milliers de cellules appelées “cellules ciliées”. L’ensemble de ces cellules est appelé “organe de Corti”. C’est l’organe de conversion des ondes mécaniques de la membrane basilaire aux ondes électrochimiques transmises au cerveau. 16 L’oreille interne • Fonctionnement de la cochlée: 17 L’oreille interne • Fonctionnement de la cochlée: – Il y a 4 rangées de cellules ciliées, une interne et trois externes, sur presque toute la longueur de la membrane basilaire, de la fenêtre ovale à l’hélicotrème. Il y a au total environ 3500 cellules internes et 20 000 cellules externes. – Quand la membrane basilaire vibre sous l’influence d’ondes sonores, les cellules ciliées se recourbent. Ces cellules stimulent alors les fibres nerveuses par l’organe de Corti, en produisant des impulsions électrochimiques qui atteignent le cerveau par le nerf auditif. 18 6.2. Le système auditif central • L’on reconnaît généralement que la membrane basilaire effectue, au résultat, une décomposition de l’onde complexe en ses composants simples (similaire à un spectre). • Comme démontré auparavant, la membrane basilaire est mince à la base et épaisse à l’autre extrémité. Au résultat, la base de la membrane basilaire répond aux sons de haute fréquence, alors que le bout répond aux basses fréquences. • C’est ce qu’on appelle la tonotopie cochléaire. • L’oreille interne envoie par la suite au cerveau un signal bioélectrique correspondant à chacune des composantes de l’onde, par l’intermédiaire du nerf cochléaire. 19 Le trajet du son de la cochlée au cerveau 20 6.3. Correspondances perceptives des paramètres physiques • La fréquence correspond à la hauteur perçue d’un son: plus la fréquence est élevée, plus le son est perçu haut; • L’intensité, en dB, correspond à la force perçue, plus le nombre de dB est important, plus le son perçu est fort; • La durée correspond à la durée perçue d’un son; • Mais la relation entre ces paramètres objectifs et leurs homologues subjectifs n’est pas linéaire. Par exemple, une différence de 100 Hz, dans les basses fréquences, ne sera pas perçue équivalente à une différence de 100 Hz dans les hautes fréquences. Les chercheurs ont donc conduit des expériences psychoacoustiques afin de mettre au point des échelles d’équivalence perceptive des paramètres physiques 21 • Une première échelle a été établie pour rendre compte de façon quantitative des différences de sensations perçues relativement à la force d’un son (intensité). Il s’agit du décibel. dB Pa 22 • Hauteur perçue: Une échelle quantitative de la hauteur perçue a été établie également par des expériences psychoacoustiques. On a donné le nom de Mel à l’unité de hauteur. Pour graduer l’échelle, on a fixé à 1000 Mels la hauteur d’un son de fréquence 1000 Hz, 0 Mel égalant 0 Hz. Le reste de l’échelle est proportionnel. La courbe des hauteurs ainsi réalisée indique que notre évaluation perceptive de la hauteur d’un son est loin d’être proportionnelle à sa fréquence. 23 • Relation fréquence-intensité perçue: la perception de la fréquence influence la sensation subjective de force du son (intensité perçue). C’est l’échelle de Fletcher. 24 Apprendre à percevoir…. • Les étapes du développement du langage chez le bébé sont reprérées plus précisément depuis les années 1970-1980; • En ce qui concerne la perception, il a été montré que le bébé pouvait percevoir beaucoup de sons dès la naissance. • Ex.: la distinction entre /pa/ et /ba/ La méthodologie exploitait la méthode de succion non nutritive (High Amplitude Sucking, HAS) utilisée jusqu’alors pour la vision; Méthode HAS: Mesure du taux de succion de l’enfant à qui l’on présente différents stimuli. Plus l’enfant est intéressé par un stimulus, plus son taux de succion est élevé; Habituation: lorsque l’enfant s’habitue à un stimulus, le taux de succion diminue. Eimas et al., 1971 Ramus, LSCP, Paris Pas spécifique aux humains… -Capacités de perception catégorielle chez les chinchillas (Kuhl et Miller, 1975) • Chinchillas entraînés à reconnaître deux exemplaires extrêmes de [da] et [ta] • Après conditionnement de plusieurs mois: 96% de discrimination • Testés sur syllabes de voisements intermédiaires entre [da] et [ta] • Leurs taux d’identification (certaines syllabes identifiées comme [da] d’autres comme [ta]) sont alors proches de ceux des humains Perception chez les bébés plus âgés… Méthodologie: • La méthode de succion non-nutritive n’est pas applicable aux bébés plus âgés (6 à 12 mois ici) • Les chercheurs ont utilisé la technique de conditionnement de l’orientation du regard (head-turn preference procedure, HPP), développée à l’origine pour la détection de seuil auditif Hypothèse de la surdité phonologique: • À la naissance, les bébés ont la capacité de percevoir des phonèmes de n’importe quelle langue; • Puis, au fur et à mesure qu’ils entendent leur langue maternelle, ils ne perçoivent plus que les phonèmes qui sont utilisés dans leur langue; • Effet aimant • Apprentissage par « oubli » ou « sélection » • À noter cependant: l’exception des clics (Best et al., 1998) Pas de perte de sensibilité aux clics chez les anglophones même après l’âge d’un an. Le clic n’est pas en concurrence articulatoire ni acoustique avec d’autres phonèmes, n’appartient pas à l’espace phonologique de l’anglophone. • Autres méthodes de mesure chez les bébés: EEG, activité électrique cérébrale • Autres méthodes de mesure chez les bébés: imagerie optique (Near InfraRed Spectroscopy), mesure de l‟oxygénation du cerveau, liée à l’activité cérébrale • Autres méthodes de mesure chez les bébés: IRMf, mesure de la réponse hémodynamique liée à l’activité cérébrale Autres préférences perceptives (ou biais) à la naissance: • Préférence pour les histoires lues par la mère pendant la grossesse plutôt que pour les nouvelles histoires • Préférence pour la voix maternelle • Préférence pour la parole adressée à l’enfant (infant-directed speech) plutôt qu’à l’adulte (F0 plus élevée, voyelles plus longues, plus de variations de F0 et de rythme) • Préférence pour des sons de parole plutôt que du son non-parole • Discrimination entre langues de classes rythmiques différentes • Discrimination de durées et de F0 entre voyelles Résumé Âge Naissance Capacité perceptive -préférence pour la voix de la mère -préférence pour la langue maternelle -discrimination de langues de différentes classes rythmiques 1-2 mois -discrimination des contrastes /b/ vs. /d/, /p/ vs. /b/, /b/ vs. /m/ même pour les contrastes absents de la langue maternelle 2-5 mois -catégorisation des sons malgré les variations de l’intonation -reconnaissance d’une syllabe dans des énoncés différents -capacité de détecter des dialectes -reconnaissance du prénom Résumé Âge 6-8 mois 8-10 mois Capacité perceptive -catégorisation des voyelles selon la langue maternelle (perte des contrastes vocaliques non-maternels) -détection des indices de fin de phrase -correspondances entre voyelles et mouvements de la bouche (multimodalité) -détection des frontières de groupes syntaxiques et rythmiques -préférence pour les formes de mots respectant l’accentuation de la langue maternelle -préférence pour les formes respectant les contraintes phonotactiques de la langue maternelle -début de la compréhension de mots en contexte