Électronique et transmission de l’information ÉLABORATION D’UNE TABLE DE COMMUTATION FLOUE POUR LA COMMANDE D’UN FILTRE ACTIF DE PUISSANCE HABIB HAMDAOUI1, ABDELHAFID SEMMAH1, AHMED MASSSOUM1, PATRICE WIRA2, ABDELGHANI AYAD1, ABDELKADER MEROUFEL1 Mots clés: Filtre actif de puissance, Contrôle direct de puissance (DPC: direct power control), Estimation des puissances active et réactive instantanées, Table de commutation, Système à inférences floues. L’étude faite dans cet article concerne l’utilisation du concept de contrôle direct de puissance dans la commande d’un filtre actif parallèle. Cette stratégie est utilisée pour améliorer les performances du filtre actif de puissance en matière d’élimination d’harmonique et de compensation de puissance réactive. L’utilisation de la stratégie de contrôle direct de puissance engendre l’apparition d’ondulations au niveau des différentes grandeurs caractérisant le filtre actif de puissance, ce qui peut limiter ses performances de filtrage et de compensation. A cet effet on se propose, dans cet article, l’utilisation d’une méthode intelligente pour la sélection de la position du vecteur de tension, en remplaçant la table de commutation classique par un système à inférences floues. Les résultats de simulation numérique donnée à la fin de cet article montrent l’efficacité de la solution proposée. 1. INTRODUCTION L’utilisation croissante des dispositifs d’électronique de puissance dans les systèmes électriques a entraîné de plus en plus de problèmes liés aux distorsions harmoniques dans les réseaux électriques. Les courants harmoniques sont majoritairement émis par des charges non linéaires à base de dispositifs d’électronique de puissance. Ces harmoniques vont générer des tensions harmoniques aux différents points de connexion avec le réseau. Les filtres actifs représentent un moyen efficace pour la compensation des harmoniques générés par des charges non linéaires. Ils compensent les perturbations dues à une charge non linéaire en réinjectant en opposition de phase sur le réseau les harmoniques et le réactif du courant consommé par la charge afin que le réseau n’est plus qu’à fournir un courant sinusoïdal et en phase avec la tension. Les performances du filtre actif, et notamment la diminution du taux de distorsion totale du courant de source et l’amélioration du facteur de puissance, ne sont pas liées seulement aux performances de la génération des références de courants harmoniques, mais dépendent également de la stratégie de 1 2 Université Djillali Liabes, 22000 Sidi Bel Abbes- Algérie ; E-mail : [email protected] Université de Haute Alsace, Mulhouse, France Rev. Roum. Sci. Techn.– Électrotechn. et Énerg., 58, 4, p. 405–414, Bucarest, 2013 406 Habib Hamdaoui et al. 2 commande adoptée. Plusieurs stratégies de contrôle ont été proposées dans la littérature [1–3]. Malgré des principes différents, leur objectif principal est d’aboutir à un facteur de puissance unitaire et un courant de forme sinusoïdale. L’idée principale de la technique DPC proposée initialement par Ohnishi [4], et développée ensuite par Noguchi et Takahachi [5], est similaire à la commande directe du couple (DTC : Direct Torque Couple) des machines asynchrones. Au lieu du flux et du couple, les puissances active et réactive instantanées sont choisies comme deux grandeurs à contrôler. Dans cette technique de commande, les boucles internes de courants ainsi que le bloc de modulation sont éliminés. Les états des interrupteurs du pont onduleur sont sélectionnés à partir d’une table de commutation basée sur les erreurs instantanées entre les puissances active et réactive estimées et leurs valeurs de référence. L’inconvénient majeur de la stratégie DPC est les ondulations au niveau des différents paramètres du filtre actif, ce qui engendre une mauvaise estimation de la tension du réseau et par conséquent des pertes harmoniques. Ceci est du à la fréquence de commutation non contrôlable engendrée par l’utilisation de régulateurs par bandes d’hystérésis. Aussi le système ne fait pas de différence entre les différents niveaux d’erreurs des puissances active et réactive, ce qui peut affecter la stabilité et la rapidité de la réponse du système et en particulier en régime transitoire. Pour remédier à cela, une technique DPC améliorée sera considérée dans cet article, en se basant sur la théorie des ensembles flous pour la génération des instants de commutation de l’onduleur. 2. FILTRE ACTIF DE PUISSANCE Le schéma structurel d’un filtre actif parallèle de puissance est donné par Fig. 1 [6]. Soient les tensions de ligne va, vb, vc et les tensions d’entrée du convertisseur vAN, vBN, vCN. Sa, Sb, Sc représentent les variables logiques de commande, et vA, vB, vC, vN et vM les potentiels pris respectivement aux points A, B, C, N et M. Fig. 1 – Filtre actif à structure source de tension. 3 Table de commutation floue pour le contrôle d’un filtre actif 407 Le principe de fonctionnement du filtre actif est donnée par : v AO 2 − 1 − 1 1 v BO = 3 − 1 2 − 1 vCO − 1 − 1 2 v AN v BN . vCN (1) Du côté alternatif, on peut écrire : v AN v a R v BN = vb − 0 vCN vc 0 0 i a L 0 .ib − 0 0 R ic 0 0 R 0 ia 1 d ib − 1 .v NO . 0 . dt ic 1 0 L 0 L (2) Du côté continu, le courant est donné par : I dc = S aia + Sbib + Scic . (3) Le même courant peut être exprimé comme suit : I dc = C dVdc . dt (4) 3. COMMANDE DIRECTE DE PUISSANCE La technique de contrôle direct de puissance (Fig. 2) consiste à sélectionner un vecteur de commande d’après une table de commutation. Cette dernière est fondée sur les erreurs numérisées Sp, Sq des puissances active et réactive instantanées, fournies par des régulateurs à hystérésis, aussi bien que sur la position angulaire du vecteur de tension estimée. En fonction de la valeur de cette position, le plan (α – β) est divisé en six secteurs où on doit associer à chaque secteur un état logique de l’onduleur. La référence de la puissance active est obtenue par régulation de la tension continue, en utilisant un contrôleur proportionnel-intégrateur (PI). Tandis que pour assurer un facteur de puissance unitaire un contrôle de la puissance réactive à zéro est effectué [7–9]. L’estimation des puissances active et réactive est donnée par : di di di pˆ = L a + b + c dt dt dt qˆ = + Vdc ( Sa ia + Sb ib + Sc ic ) , di 1 di a ic − c ia + Vdc (S a (ib − ic ) + S b (ic − ia ) + S c (ia − ib )) . dt 3 dt La tension de ligne peut être estimée par l’équation suivante : (5) (6) 408 Habib Hamdaoui et al. vˆα 1 vˆ = 2 2 β iα + iβ Les sorties des régulateurs booléennes Sp et Sq tel que : pref − pˆ > hp p − pˆ > −h ref p ˆ q q h − > q ref qref − qˆ > −hq 4 iα −iβ pˆ (7) i . i ˆ q β α à hystérésis sont données par les variables ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ Sp =1 Sp = 0 Sq = 1 Sq = 0 , (8) où hp, hq sont les écarts des régulateurs à d’hystérésis. Fig. 2 – Configuration générale de la stratégie DPC. La dynamique des puissances active et réactive dépend du choix du vecteur de tension à l’entrée de l’onduleur. Pour les huit vecteurs de tension de type Vi nous obtenons huit valeurs possibles des dérivées des puissances active et réactive. Les dynamiques des puissances active et réactive peuvent être exprimées par : ( ) dp 1 2 2 1 = vα + vβ − ( vαuc α + vβucβ ) , dt L L ( ) dq 1 = vα .ucβ − vα .ucα . dt L (9) (10) Avec ucα et ucβ les composantes de Concordia de la tension d’entrée de l’onduleur. 5 Table de commutation floue pour le contrôle d’un filtre actif 409 Table 1 Table de commutation classique Sp Sq γ1 γ2 γ3 γ4 γ5 γ6 1 0 V5 V5 V6 V6 V1 V1 1 1 V3 V3 V4 V4 V5 V5 0 0 V6 V1 V1 V2 V2 V3 0 1 V1 V2 V2 V3 V3 V4 4. COMMANDE DIRECTE DE PUISSANCE FLOUE Dans la technique DPC classique, les états sélectionnés pour un bon contrôle en régime de fonctionnement normal sont les même que ceux choisis pour une grande perturbation intervenant durant une variation dans la commande de la puissance active ou de la puissance réactive. En d’autres termes il est difficile, en utilisant des régulateurs par hystérésis, de prendre en considération toutes les dynamiques des puissances instantanées active et réactive pendant la phase de génération des instants de commutation. Ceci peut affecter les performances de la réponse du système en termes de stabilité et de rapidité. Pour remédier à cela, la génération des instants de commutation doit être basée sur différents niveaux d’erreurs. Ceci peut être réalisé en utilisant un contrôleur par logique floue. La table de commutation (Table 1) sera remplacée par le système à inférences floues présenté par Fig. 3. Fig. 3 – Variables d’entrée et de sortie d’une table de commutation floue. L’univers de discours de l’erreur de puissance active est divisé en deux variables linguistiques avec des fonctions d’appartenance triangulaires et trapézoïdales, où N et P désignent respectivement les valeurs négatives et positives de l’erreur de puissance active (Fig. 4). L’univers de discours de l’erreur de puissance réactive est divisé en trois variables linguistiques avec des fonctions d’appartenance triangulaires et trapézoïdales, où Z désigne l’environ de zéro de l’erreur de puissance réactive (Fig. 4). L’univers de discours de la position du vecteur de tension θ est divisé en six ensembles flous de θ1 à θ6, comme le montre Fig. 5. Pour les vecteurs de tension Vi (i = 0÷6), la distribution en fonctions d’appartenance est donnée par Fig. 5. 410 Habib Hamdaoui et al. 6 Fig. 4 – Fonctions d’appartenance pour les erreurs des puissances active ∆p et réactive ∆q. Fig. 5 – Fonctions d’appartenance pour la position θ du vecteur de tension et pour la variable de sortie Vi. Chaque règle d’inférences peut être décrite en utilisant les variables ∆p, ∆q et θ ainsi que la variable de commande n qui caractérise l’état de commutation de l’onduleur. La ième règle peut être exprimée comme suit : SI ∆p est Ai ET ∆q est Bi ET θ est Ci ALORS n est Ni. Ces règles (Table 2) sont établies en utilisant la littérature [10–12] et notre expérience à l’aide de plusieurs essais de simulations numérique par ordinateur. Le contrôleur flou a été conçu en utilisant la méthode d’inférence de Mamdani [13], basée sur la décision min-max. Le facteur de pondération (αi) pour la ième règle peut être donnée par : αi = min ( µ Ai (∆p), µ Bi (∆q), µCi (θ) ) . (11) Table 2 Table de commutation floue ∆p P N N° de secteur ∆q 1 2 3 4 5 6 P V3 V4 V5 V6 V1 V2 Z V7 V0 V7 V0 V7 V0 N V5 V6 V1 V2 V3 V4 P V1 V2 V3 V4 V5 V6 Z V0 V7 V0 V7 V0 V7 N V6 V1 V2 V3 V4 V5 7 Table de commutation floue pour le contrôle d’un filtre actif 411 Le degré d’appartenance µN de la sortie n est donné par : 36 µ N (n) = max ( µ Ni (n) ) . i =1 (12) Le critère du maximum est utilisé pour la défuzzifizcation [13]. 5. SIMULATION ET DISCUSSION L’efficacité de la stratégie DPC ainsi que de la table de commutation floue sont testées à travers une simulation numérique réalisée sur le système présenté par Fig. 6. Fig. 6 – Contrôle direct de puissance associé à un filtre actif parallèle de puissance. Trois essais ont été testé (Fig. 7) : le réseau électrique alimente une charge linéaire inductive, ensuite l’élimination de la charge intervient entre 0.06 s et 0.12 s. Enfin la source de tensions alimente une charge non linéaire. La forme déformée du courant qui apparait entre 0.12 et 0.2 s correspond à une charge non linéaire et dont le spectre harmonique est illustré par Fig. 7. Selon cette même figure, le courant absorbé par la charge non linéaire lui correspond un THD estimé à 26.92%. Les formes d’onde du courant et de la tension de ligne sont illustrées par Fig. 8. Comme le montre cette figure, le courant est presque sinusoïdal et il est en phase avec la tension. Sur cette même figure, on peut clairement observer que le THD a été largement amélioré (de 26.9% à 1.4%). Figures 9 à 11 illustrent les résultats obtenus en utilisant un filtre actif parallèle de puissance associé à deux types de techniques DPC : – sur la partie gauche, les résultats sont obtenus pour une DPC classique ; – les résultats de la DPC floue sont donnés sur la partie droite. Fig. 10 montre que la technique DPC répond rapidement en ce qui concerne différentes variations au niveau de la charge. Fig. 11 confirme la remarque faite sur 412 Habib Hamdaoui et al. 8 Fig. 8, c'est-à-dire qu’aucun écoulement de puissance réactive ne circule sur la ligne. Ces figures illustrent la nette amélioration dans les formes d’onde des puissances instantanées active et réactive en présentant moins d’ondulations par rapport à la DPC classique. Fig. 7 – Tension du réseau et courant absorbé par la charge non linéaire avec son spectre d’harmoniques. Fig. 8 – Tension et courant du réseau pour un filtre actif associé à la technique DPC classique. Fig. 9 – Tension et courant du réseau après compensation. Fig. 10 – Puissance active instantanée de la ligne. 9 Table de commutation floue pour le contrôle d’un filtre actif 413 Fig. 11 – Puissance réactive instantanée de la ligne. 6. CONCLUSION Les résultats obtenus ont pu montrer l’apport positif de la logique floue aux performances de contrôle d’un filtre actif parallèle de puissance, auquel est associée la technique DPC. Tous les résultats de simulations ont confirmé la suprématie de la DPC floue par rapport à la DPC conventionnelle en matière de diminution des ondulations au niveau des formes d’onde des différentes grandeurs caractérisant le système étudié. Ainsi, l’association de la technique DPC à un système à inférences flous offre une grande flexibilité lors de la sélection des états de commutation en prenant en compte différentes dynamiques des puissances instantanées active et réactive. Reçu le 22 Avril 2013 REFERENCES 1. N. K. Nguyen, Approche neuromimétiques pour l'identification et la commande des systèmes électriques: application au filtrage actif et aux actionneurs synchrones, Thèse de doctorat, Université de Haute Alsace de Mulhouse, France, 2010. 2. A. Chaoui, F. Krim, J.P. Gaubert, L. Rambault, DPC controlled three-phase active filter for power quality improvement, Int J Electric Power Energy Syst, 30, 8, pp. 476–85, 2008. 3. Amaia Lopez de Heredia Bermeo, Commandes avancées des systèmes dédiés à l’amélioration de la qualité d’énergie : de la basse tension a la montée en tension, Thèse de doctorat, institut national polytechnique de Grenoble, France, 2006. 4. T. 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This strategy is used to improve performances of an active power filter as regards the elimination of current harmonics and compensation of reactive power. The use of the DPC strategy can generate ripples on the different variables who characterize the active power filter, which can limit its performances. For that purpose we suggest, in this study, the use of an intelligent method for the selection of the voltage vector position, by replacing the conventional switching table by a fuzzy inference system. A digital simulation was carried out and given at the end of this paper. Simulation results show clearly the supremacy of the adopted fuzzy switching table.