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Mai 2016
Politique
en Algérie pour rencontrer le
président Bouteflika et il
veut absolument se rendre à
Tibhirine. Le président Bouteflika refuse et il lui répond:
« J’irai là-bas sans journalistes, à titre privé, personne
n’en saura rien… » Bouteflika lui dit : « C’est dangereux. » Nicolas Sarkozy
rétorque : « Jamais le danger
ne m’a fait peur. » Quand il
est prêt à aller se recueillir à
Tibhirine en toute confidentialité, c’est forcément l’âme
qui parle…
C’est son âme qui parle et qui
crie son admiration pour les
moines de Tibhirine et pour
le père Christian de Chergé.
Objectivement, Nicolas Sarkozy est fasciné par ceux qui
ont la liberté et la force de
donner leur vie gratuitement.
Les religieux, les prêtres qui
choisissent librement le célibat, ce sont des choses qui
l’impressionnent très favorablement. En revanche, des religieux qui vivent un peu
comme des fonctionnaires,
cela engendre chez lui plutôt
de la raillerie ou du mépris.
Nicolas Sarkozy évolue au fil
du temps et, pourtant, il y a
toujours quelques imperfections, c’est-à-dire des rendezvous manqués, comme ce fut
le cas avec les catholiques à
plusieurs reprises…
C’est ce qui est déconcertant.
Un témoin m’a dit que Nicolas Sarkozy est quelqu’un de
terriblement « attachiant ». Il
essaie de bien faire et, en voulant trop bien faire, il se
plante. Il y a l’exemple du
mariage pour tous : au lieu de
dire qu’il était favorable à la
réécriture de la loi Taubira,
une fois revenu au pouvoir, il
s’énerve et il va beaucoup
plus loin en disant : « Il faudra
abroger cette loi. » Dans son
dernier livre, il revient en arrière, c’est un rétropédalage
car il s’est rendu compte que
la façon dont il avait annoncé
les choses était difficilement
tenable. Il déclenche des attentes et des espoirs immenses et, très souvent, il
suscite des déceptions à la
hauteur de ces espoirs. Je vais
vous donner un autre exemple. Une rumeur court dans
les rédactions au moment de
la présidentielle de 2007 : « Si
Nicolas Sarkozy est élu, il fera
une retraite spirituelle pour habiter la fonction. Vous êtes le rédacteur en chef de Famille
Chrétienne, je peux vous le dire
en avant-première, il ira dans un
monastère quelque part en
Corse… » On est assez étonné,
il n’est pas banal qu’un nou-
veau président, sous la Ve République, commence son
mandat dans un monastère.
C’est impressionnant ! Finalement, le monastère s’est
transformé en yacht de Vincent Bolloré et je comprends
la déception de mes lecteurs :
« On nous parle d’une retraite
dans un monastère en Corse et il
se retrouve sur un yacht en train
de se faire bronzer ! »
Islam et liberté
religieuse : on lui a
répondu oui, mais de
manière tellement
alambiquée, que ce
oui est plutôt un non
Dans son rapport avec l’islam, il enchaîne les méconnaissances, il a été sur un
terrain qu’il ne connaissait
pas…
Une fois encore, beaucoup
d’énergie, beaucoup d’intuition, et des résultats douteux
et inachevés. Il arrive place
Beauvau, au ministère de
l’Intérieur, en se fixant pour
objectif de bâtir l’islam de
France. Objectivement, il
n’avait aucune connaissance
de l’islam. Il a réuni autour
d’une même table toutes les
composantes de l’islam en
France. Il a l’énergie pour le
faire. Ma thèse est qu’il a
voulu absolument faire exister le contenant, ce fameux
Conseil français du culte musulman, mais absolument pas
le contenu. Aujourd’hui, le
contenu est toujours aussi
vague, avec tous les problèmes qui continuent de se
poser. Il a voulu faire ce que
Napoléon a fait avec la communauté juive. À l’époque,
Bonaparte avait posé des
questions précises aux rabbins pour tester leur degré de
patriotisme : le mariage religieux est-il supérieur au mariage civil ? Leur religion les
dédouanait-elle d’un patriotisme absolu en cas de
guerre? Ce sont des questions
très précises. La communauté
juive a répondu, mais Nicolas
Sarkozy n’a pas voulu les
poser de manière explicite à
la communauté musulmane.
Nicolas Sarkozy a simplement abordé la question de la
liberté religieuse : est-il licite
qu’un musulman français
change de religion ? On lui a
répondu oui, mais de manière tellement alambiquée,
que ce oui est plutôt un non.
Baroin, c’est
typiquement le bébé
Chirac. Ce n’est pas du
tout la ligne de Nicolas
Sarkozy
Dans la presse, on découvre
que le nouveau joker de Nicolas Sarkozy serait François
Baroin et qu’il voudrait en
faire son Premier ministre.
D’un côté, nous venons
d’avoir cette conversation
sur Nicolas Sarkozy et, de
l’autre, on sait que François
Baroin a une aversion incroyable pour la religion,
pour l’Église catholique en
particulier : c’est d'ailleurs
lui qui avait demandé que
l’on retire les crèches des
mairies à Noël… En réalité,
les deux hommes sont totalement opposés. Nicolas Sarkozy dit les choses franco,
François Baroin c’est l’inverse : il explique à des députés qu’il a comme stratégie de
ne jamais rien dire, car moins
on exprime ses positions,
plus les militants s’imaginent que l'on partage leur
opinion…
Je partage votre portrait de
François Baroin. Je ne sais
pas si ce choix est un vrai
choix ou si c’est une mode
dont on ne parlera plus dans
quinze jours... Baroin, c’est
typiquement le bébé Chirac.
Ce n’est pas du tout la ligne
de Nicolas Sarkozy. Chirac
et Baroin sont dans la tradition du radicalisme, c’est-àdire une distance vis-à-vis
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de la religion, du catholicisme en particulier, en
proximité avec une IIIe République et des valeurs
quasi maçonniques. Chirac
ne voulait pas inscrire les racines chrétiennes dans le
préambule de la Constitution européenne, alors que
pour Nicolas Sarkozy c’était
une évidence de l’histoire.
Effectivement, si c’est un
vrai choix de Nicolas Sarkozy, ce serait étonnant, à la
fois du point de vue de la
tradition politique et du
tempérament. Un peu l’alliance de la glace et du feu :
cela ne peut donner que de
l’eau... Je ne vois pas ce que
cela donnerait d’autre…
Propos recueillis par
Yannick Urrien.
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