sermon pour donatella et cristiano

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SERMON POUR DONATELLA ET CRISTIANO Chers Donatella et Cristiano, Aujourd’hui cela fait dix ans que vous vous êtes mariés selon le rite catholique. Que vous ayez tenus à commémorer cet anniversaire exactement le même jour avec ce mariage selon le rite bouddhiste zen sôtô fait preuve de votre esprit de continuité et d’œcuménisme. Vous voulez renouveler votre engagement en tant que couple sans faire de ruptures, juste l’ajuster à votre situation spirituelle voire religieuse de maintenant. Je ne peux que me réjouir d’un tel esprit. Suite à un aperçu de l’impermanence vous voulez renforcer vos liens karmiques pour être plus forts personnellement et ensemble. Bien sûr, il est clair pour vous et pour moi que le salut ne tombe pas du ciel, n’émane pas d’une cérémonie, mais se produit à partir de ses propres forces, de sa propre pratique et de sa propre compréhension. Mais d’exprimer devant la famille et le Sangha, lors d’une cérémonie, en y mettant tout son cœur et son engagement créée un point de repère auquel on peut retourner quand le temps ou les évènements vous mettent à l’épreuve. Tout dans notre expérience est impermanent. Comprenez bien l’importance de l’impermanence et vous connaîtrez l’importance de bien utiliser votre temps, de ne pas gâcher la présence de l’autre, de ne rien prendre pour acquis. Chaque instant est précieux dans le vent de l’impermanence. Aussi importantes que soient les paroles du Bouddha, la manière dont chacun assimile les enseignements compte beaucoup. Nous avons une chance extraordinaire, car l’existence humaine nous donne la possibilité d’accéder à une pratique authentique du Dharma. Tout ce qui nous arrive dans la vie s’inscrit dans notre cheminement. Les choses qui relèvent de notre karma font intégralement partie de nous, ainsi on ne devrait pas les rejeter. Mais approcher ce karma d’une manière de voir la réalité derrière chaque phénomène et de ne pas répéter les causes de ces fruits karmiques. C’est ainsi que chaque instant est une occasion d’éveil, la moindre expérience peut s’intégrer à notre vie spirituelle. Développer chaque jour la sagesse, la lucidité, le bon sens et la compassion : telle est l’expression du Dharma de l’intériorisation. C’est votre tâche de tous les jours, le moyen de sacraliser le quotidien. C’est se faire les demandes suivantes. Comment équilibrer son vécu « extérieur » et sa vie intérieure. Comment donner une traduction concrète à ses bonnes intentions à l’égard des autres. Comment pratiquer à plein temps dans un contexte d’un monde contemporain si compliqué. Comment éclairer la compassion désintéressée et la distinguer de la pitié dualiste. Comment faire le tri entre attachement et engagement, entre amour et attachement, entre retenue et peur ? 2
Mêler le Dharma à son quotidien veut dire essayer de faire des choix mieux avisés, de prendre des décisions un peu plus éclairées, en rapport avec l’engagement de s’éveiller du rêve de l’illusion. Le Dharma de ce qu’on a soi­même compris et assimilé, telle est la source du refuge intérieur. Refuge dans l’apprentissage de la vérité, dans son expression et son intégration à tout votre être La méditation quotidienne est le moyen le plus simple pour rester sur la Voie de l’Eveil. Vivre le Dharma, c’est suivre un chemin équilibré, modéré, sincère, sans détour. Apprendre à vivre sans se laisser dominer par la confusion, la colère, l’attachement, l’instabilité et l’avidité. Le bon sens éclairé, c’est être en phase avec les choses telles qu’elles sont – et c’est encore le Dharma. Suivre un chemin de Dharma, c’est donner la priorité à sa vie spirituelle et cultiver un cœur chaleureux, bon et aimant, capable d’empathie et d’amitié. Cela signifie aussi avoir de l’intégrité et du caractère, et de ne pas se contenter de rechercher un bien­être éphémère ou des expériences mystiques sans lendemain. La vérité n’est pas faite pour planer mais pour se libérer. Se consacrer à une cause plus grande et plus durable que nos mortelles individualités, c’est entrer dans la voie de l’immortalité. Le Bouddhisme enseigne que vous seul contrôlez votre destinée. Elle dépend entièrement de vous : le bouddha est entre vos mains, le potentiel de perfection est déjà vôtre. Prenez l’engagement d’atteindre l’éveil, l’illumination spirituelle, et devant vous s’ouvriront les portes du Dharma et la Voie de l’Eveil. S’engager ainsi à s’éveiller, c’est ce qu’on appelle dans le bouddhisme « prendre refuge ». Votre mariage et l’éducation de vos fils sera le terrain de jeux pour l’approfondissement et le développement de cette prise de Refuge, de l’Eveil au quotidien. Votre pratique au dojo en sera la source nourrissante. Une société se développe à travers un réseau de relations qui sont réciproquement inter­pénétrantes et interdépendantes. Chaque relation est un engagement complet, de tout son cœur, pour supporter et protéger les autres dans un groupe ou une communauté. Un bon mariage pousse, grandit et se développe graduellement à partir de la compréhension et pas d’une impulsion, de la vraie loyauté et non pas de la seule indulgence. Dans le mariage, chaque partenaire développe un rôle complémentaire, donnant force et soutien et courage moral à chacun. Chacun manifestant une reconnaissance du soutien et d’appréciation pour les qualités de l’autre. Il ne doit pas y avoir de pensées sur une éventuelle supériorité que ce soit de l’homme ou de la femme ; chacun est complémentaire par rapport à l’autre, un partenariat d’égalité qui déborde en amitié et gentillesse, générosité, calme et avec dévouement. 3
Chacun se concentre sur la sublimation de ses mauvaises qualités pour ne pas déranger l’autre et pour renforcer une attitude d’harmonie. Pour ne pas se laisser envahir des Trois Poisons, les partenaires se concentrent sur les qualités positives du conjoint, ainsi ils écartent les nuages orageux et poussent l’autre vers son développement personnel qui viendra en aide à la relation du couple. Une forte et sincère étude de soi­même est donc indispensable pour bien faire fonctionner une relation, voire pour bien faire fonctionner le monde tout entier. Il n’est pas toujours évident de reconnaître ses manquements. Il est souvent encore moins évident de reconnaître que ce qu’on considère comme une qualité ne l’est pas toujours dans tous les circonstances. Autrement dit, on n’a pas l’habitude de se voir, de se percevoir d’une manière flexible. On se forge dans des harnais, on s’y enferme car on espère trouver ainsi un peu de sécurité. Même si ça fait mal, on reste trop souvent figé dans ses habitudes et revendications par rapport à soi­même. Ce qui devrait être flexible est rendu immuable. Ceci est la source de nos souffrances et de nos conflits avec les autres et avec notre environnement en générale. Ayez donc confiance en vous­même pour vous examiner continuellement et vous rendre flexible et souple, sans relâche. Si ceci est votre engagement mutuel vous pouvez non seulement avoir confiance en vous­même car le soutien de l’autre est là, mais vous pouvez aussi avoir confiance en l’autre et le soutenir. Quand les deux partenaires ont confiance en chacun, qu’ils utilisent des mots agréables pour communiquer avec l’autre, font preuve d’une autodiscipline et maintiennent une conduite juste, alors leurs progrès augmentent et une vie agréable est née. Faites que la relation soit une bénédiction pour l’autre et pour soi­même. Pour cela, la réalisation de ses devoirs et de ses obligations est beaucoup plus convaincante comme option de comportement dans un mariage qu’aucune dispute pour avoir raison ne puisse être. Au lieu d’une attitude de soumission ou de domination, un rôle actif comme compagnon, guide et mentor fait qu’on devient une bonne femme ou un bon mari. Partager équitablement les responsabilités de la famille. Donner de l’amour à chacun comme on donnerait de l’amour à son enfant. Donner l’exemple comme un frère ou une sœur ainé ferait pour le cadet. Se considérer comme des amis mutuels et des partenaires égaux. N’oubliez pas que toute chose, chaque être est impermanent. Que ceci est juste et que cette impermanence permet le renouvellement. Cette impermanence s’inscrit dans le karma de chacun. On ne doit donc pas s’y opposer ou y accorder une valeur ni morale, ni sociale, ni matérialiste. Une vie est une vie et elle est complète et parfaite. En soi ! Seulement, si on est toujours pris dans ses peurs et ses jugements sur le comment les choses devraient être, on passe à côté de 4
l’existence. L’existence de soi et de l’autre. Si on est consommé par ses angoisses on ne voit plus la beauté de cet instant. On n’est pas présent là où se passe la vie. On flotte dans ses appréhensions et ses attentes. Et enivré par l’ignorance on les prend pour la dure réalité de la vie. Seulement la réalité n’est pas celle­là. Reprenez contact avec la réalité telle qu’elle est, c’est­à­dire se connecter dans son vécu même à la coproduction conditionnée. A la loi karmique, à annicca (rien n’est permanent), dukkha (tout est imparfait) et anatman (rien n’a une existence en soi). Ce qui est accompli est accompli et se désintègre en tant que conglomérat. Etre présent permet de réaliser son devoir comme conjoint et comme parent. C’est­à­dire de montrer le chemin pour que l’autre être puisse se développer spirituellement selon ses propres capacités. Prenant ses propres responsabilités. Développer soi­même son bonheur et sa compassion, pour avoir la capacité de rendre les autres heureux. Autrement que par son propre bonheur, on ne peut influencer sur le bonheur des autres. Prenez contact avec votre nature de bouddha innée et laissez­vous imprégner de celle­ci. Soyez présents et arrêtez d’aller chercher dans des endroits ou des temps hors d’ici et maintenant pour accomplir votre vie, pour accomplir votre destin dont vous êtes vous­même producteur et héritier. Enseignez à vos enfants à être heureux dans le cadre des causes et conditions qui font que les choses, les phénomènes sont comme ils sont. Embrassez toutes les causes et conditions de sa vie sans en vouloir exclure ou regretter une n’est autre que la sagesse et la compassion combinées pour se permettre une vie réalisée en unité avec toutes les existences. Une vie longue où on a sa ligne de mire, son regard, sa recherche, juste à côté du but ne sert pas à grand chose. Ce n’est pas la quantité qui permet de se réaliser mais la qualité du regard. Une vie courte en années peut ainsi être d’une grande valeur pour l’humanité et l’univers tout entier. Notre nature essentielle est vraiment complètement pure, entière, et infiniment spacieuse. Il y a beaucoup de manières où on peut se sentir piégé par l’anxiété, la dépression, ou le remords, mais il y a toujours une autre option disponible pour nous. Et c’est une option qui ne nous demande pas d’arrêter de sentir ce que nous sentons déjà, ou d’arrêter d’être ce que nous sommes déjà. Au contraire, si on sait où regarder et comment regarder, on peut trouver la paix de l’esprit au milieu des émotions frénétiques, une compréhension profonde au milieu d’une complète confusion, et les graines de la compassion dans nos moments les plus obscurs. Je vous souhaite une belle vie et un beau travail comme couple et comme parents. 
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