Noyaux et radioactivité

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L’objectif de cet ouvrage est de permettre au lecteur d’appréhender les
phénomènes nucléaires et la physique des hautes énergies, d’illustrer les
retombées de la physique fondamentale dans la société, et d’éveiller ainsi la
curiosité et l’intérêt pour ces disciplines.
Le premier chapitre rappelle les notions indispensables de mécanique quantique
et de relativité restreinte. Il se termine par une introduction sur l’antimatière
et ses applications. Le deuxième chapitre aborde la physique des particules
par la description des constituants de la matière et des lois qui gouvernent
leurs interactions. L’interaction faible est l’occasion de développements sur les
notions de section efficace, désintégration, symétrie discrète. Les neutrinos, aux
propriétés étonnantes, font l’objet d’une attention particulière. Les concepts
de base de la physique nucléaire sont ensuite abordés, puis un chapitre entier
est consacré à l’énergie nucléaire. Le dernier chapitre, à travers l’étude de la
nucléosynthèse, permet une ouverture sur l’astrophysique et la cosmologie, et
enfin sur l’univers sombre, la matière noire et l’énergie noire.
Mots-clés : noyaux, particules, radioactivité, physique nucléaire, physique des particules, énergie
nucléaire, nucléosynthèse, interactions fondamentales.
Pascal Debu est un ancien élève de l’École Polytechnique, chercheur en physique des particules au CEA.
Il enseigne à l’École Nationale Supérieure de Techniques Avancées et à Mines ParisTech. Il a dirigé le
Laboratoire de Physique Nucléaire et des Hautes Energies du CNRS. Son travail de recherche actuel porte
sur l’effet de la gravité sur l’antimatière.
Pascal Debu
Les Cours
ées au début du XXe siècle, la physique nucléaire et la physique des
particules ont bouleversé notre vision du monde et révolutionné la société
par leurs innombrables applications : l’énergie nucléaire et l’utilisation des
rayonnements pour la médecine et les sciences des matériaux en sont des
exemples emblématiques.
Noyaux et radioactivité - P. Debu
N
Noyaux et radioactivité
Une introduction à la physique des particules
et à la physique nucléaire
25 euros
Presses des Mines
Noyaux.indd 1
06/01/17 14:58
Pascal Debu, Noyaux et radioactivité - Une introduction à la physique des particules
et à la physique nucléaire Paris : Presses des MINES, collection Les Cours, 2017.
© Presses des MINES - TRANSVALOR, 2017
60, boulevard Saint-Michel - 75272 Paris Cedex 06 - France
[email protected]
www.pressesdesmines.com
© Illustration de couverture : Laurent Chevalier, collaboration ATLAS, Copyright CERN.
ISBN : 978-2-35671-405-3
Dépôt légal : 2017
Achevé d’imprimer en 2017 (Paris)
Cette publication a bénéficié du soutien de l’Institut Carnot M.I.N.E.S
Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays.
Noyaux et radioactivité
Une introduction à la physique
des particules et à la physique nucléaire
Collection Les cours
Dans la même collection :
Ali Azarian et Yann Pollet, Analyse fonctionnelle des systèmes
Francis Maisonneuve, Mathémathiques 2 et 3
Bernard Wiesenfeld, Une introduction à la neutronique
Francis Maisonneuve, Probabilités
Francis Maisonneuve, Mathémathiques 2
Renaud Gicquel, Introduction aux problèmes énergétiques globaux
Francis Maisonneuve, Mathémathiques 3
Francis Maisonneuve, Mathémathiques 1
J. Adnot, D. Marchio, Ph. Rivière, Cycles de vie des systèmes énergétiques
Brigitte d’Andréa-Novel, Benoît Fabre, Pierre Jouvelot, Acoustique-Informatique-Musique
Jean-Claude Moisdon, Michel Nakhla, Recherche opérationnelle
Anne-Françoise Gourgues-Lorenzen, Jean-Marc Haudin, Jacques Besson, Matériaux pour
l’ingénieur
Renaud Gicquel, Systèmes énergétiques Tome 3
Renaud Gicquel, Systèmes énergétiques Tome 2
Renaud Gicquel, Systèmes énergétiques Tome 1
Thierry Weil, Stratégie d’entreprise
François Cauneau, Mécanique des fluides
Pierre Chauvet, Aide-mémoire de géostatistique linéaire
Dominique Marchio, Paul Reboux, Introduction aux transferts thermiques
François Engel, Frédéric Kletz, Cours de comptabilité analytique
François Engel, Frédéric Kletz, Cours de comptabilité générale
Jacques Bouchard, Jean-Paul Deffain, Alain Gouchet, Introduction au génie atomique
Daniel Fargue, Abrégé de thermodynamique : principes et applications
Georges Pierron, Introduction au traitement de l’énergie électrique
Bernard Degrange, Introduction à la physique quantique
Michel Cohen de Lara, Brigitte d’Andréa-Novel, Cours d’automatique
Fixari Daniel, Les Imperfections des marchés
Jacques Lévy, Introduction à la métallurgie générale
Hugues Molet, Comment maîtriser sa productivité industrielle ?
Margaret Armstrong, Jacques Carignan, Géostatistique linéaire
Pascal Debu
Noyaux et radioactivité
Une introduction à la physique
des particules et à la physique nucléaire
Noyaux et radioactivité
Une introduction à la physique des particules
et à la physique nucléaire
Pascal Debu
Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers
Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
Chargé de cours à Mines ParisTech
Introduction
Cette introduction à la physique des particules et à la physique nucléaire constitue
le corps d’un enseignement que je donne à Mines ParisTech depuis 2013. Le cours
poursuit plusieurs objectifs :
— présenter les notions de base permettant d’appréhender les phénomènes
nucléaires et la physique des hautes énergies ;
— servir d’introduction aux enseignements spécialisés de physique nucléaire,
de génie atomique, de physique des particules et de cosmologie ;
— mettre en application les concepts de base en mécanique quantique, relativité et physique statistique ;
— illustrer les retombées de la physique fondamentale dans la société ;
— éveiller l’intérêt et la curiosité pour ces disciplines.
La physique microscopique est née au début du vingtième siècle. Elle a révolutionné la société par la compréhension qu’elle a apportée sur la structure de la
matière et les interactions fondamentales. Elle a engendré d’innombrables applications et retombées techniques : l’énergie nucléaire et les accélérateurs de
particules pour la médecine et les sciences des matériaux en sont des exemples
emblématiques.
La physique nucléaire et la physique des particules représentent ainsi des enjeux
de société importants, à la fois culturels, par la vision du monde qu’elles proposent, et aussi économiques, par les produits qui en dérivent, ainsi que par les
projets ambitieux qu’elles induisent. Les développements de ces disciplines nécessitent en effet la construction de très grandes infrastructures de recherche. Les
futurs ingénieurs et responsables de haut niveau, physiciens ou non, pourront avoir
à évaluer certains de ces grands programmes, et il importe qu’ils en aient une
connaissance suffisamment précise pour en discerner les objectifs, les difficultés
et les retombées potentielles.
Ce livre est une rapide introduction à ces deux disciplines. Il en présente les
concepts et acquis principaux. Par manque de place, il ne couvre pas l’étude des
techniques expérimentales, malgré leur importance et leur intérêt. Le contenu du
cours comprend le corps proprement dit, des annexes dans lesquelles les calculs
un peu longs sont reportés pour alléger la présentation, et des compléments pour
ceux qui souhaitent continuer en physique et pour les curieux.
ii
Noyaux et radioactivité
Après un chapitre de rappel des notions indispensables de mécanique quantique
et de relativité restreinte, avec en supplément un aperçu sur l’antimatière, une
introduction à la physique des particules permet de décrire les constituants de la
matière et leurs interactions, et les lois qui les gouvernent. L’interaction faible
mérite un court chapitre pour ses propriétés étonnantes et les applications qui en
découlent. Les éléments de base de physique nucléaire sont ensuite abordés, puis
un chapitre est consacré à l’énergie nucléaire. Le dernier chapitre, à travers l’étude
de la nucléosynthèse, permet une ouverture sur l’astrophysique et la cosmologie,
et enfin sur l’univers sombre, matière noire et énergie noire.
La physique est avant tout une démarche et une méthode. Elle définit un langage
pour décrire les phénomènes naturels. Elle propose des modèles ou des théories
pour les organiser, comprendre leurs relations et prédire leur occurrence. Elle repose sur l’expérimentation et la mesure, ses acquis sont universellement partagés
et sont toujours en évolution.
Ce cours doit beaucoup à celui de Philippe Miné, qui en a été le responsable
de 2000 à 2012. Je le remercie vivement de m’avoir proposé de lui succéder.
Je remercie également Jérôme Adnot, Julien Bohdanowicz et Marcel Filoche de
m’avoir accueilli dans l’équipe enseignante, mes collègues Florian Beaudette,
Vincent Boudry, Pierre Brun, Antoine Drouart et Fouad Maroun pour leur aide
précieuse, ainsi que Nicolas Alamanos et Vanina Ruhlmann pour leur relecture de
certaines parties délicates. Enfin, je remercie les élèves, leur enthousiasme et leur
curiosité sont une source constante de stimulation et d’inspiration.
Chapitre 1
Espace, temps, matière, antimatière
Dans ce chapitre, nous rappelons ou introduisons des notions de base qui sont un
indispensable préliminaire de la physique des particules et des noyaux.
Afin d’aborder l’étude du monde microscopique, il est pratique d’introduire des
unités mieux adaptées que les unités du système international. On ne mesure pas
l’énergie d’une particule en joules, ni la taille d’un noyau en mètres !
Nous définissons le système d’unités naturelles souvent utilisé par les physiciens
pour simplifier l’écriture des équations, et qui permet aussi d’établir des correspondances utiles entre différentes grandeurs, comme énergie et longueur, énergie
et température, etc.
Nous rappelons ensuite les quelques notions de relativité restreinte et de mécanique quantique qui seront mises en œuvre dans la suite du cours.
Armés de ces outils, nous verrons comment l’idée d’antimatière s’est imposée à
Dirac lorsqu’il a entrepris de marier les équations de la relativité restreinte et de
la mécanique quantique.
2
1.1
1.1.1
Noyaux et radioactivité
Unités en physique microscopique
Constantes fondamentales et unités
Les constantes fondamentales qui s’introduisent en électromagnétisme, en relativité, en mécanique quantique et en physique statistique sont rappelées dans le
tableau ci-dessous (on peut contester le caractère fondamental de la constante de
Boltzmann) :
Constante
Charge élémentaire
Vitesse de la lumière dans le vide
Constante de Planck
Constante de Planck réduite
Constante de Boltzmann
Symbole
e
c
h
~
k
Valeur
1,602 × 10−19 C
2,998 × 108 m/s
6,626 × 10−34 J · s
1,055 × 10−34 J · s
1,381 × 10−23 J/K
Exprimées dans les unités du système international (SI), elles ont des valeurs très
grandes ou très petites, peu agréables à manier pour les physiciens. Rappelons
que le système international d’unités repose sur sept unités de base desquelles
sont déduites les autres unités (dites dérivées) :
Grandeur
Temps
Longueur
Température
Masse
Quantité de matière
Intensité électrique
Intensité lumineuse
Symbole
T
L
Θ
M
N
I
J
Unité SI
seconde
mètre
kelvin
kilogramme
mole
ampère
candela
Symbole
s
m
K
kg
mol
A
cd
Plutôt que d’utiliser l’ensemble de ces unités, lorsque nous étudierons les particules et les noyaux, nous aurons souvent avantage à exprimer les énergies et les
distances respectivement en électron-volts et en fermis :
1 eV = 1,602 × 10−19 J
;
1 fm = 10−15 m.
En vertu de l’équivalence masse énergie (E = mc2 au repos, comme on le rappelle au paragraphe 1.2), les masses des particules peuvent s’exprimer en eV/c2 ,
ainsi la masse de l’électron qui vaut 9,11 × 10−31 kg en unités SI est aussi égale
à 511 keV/c2 , une valeur plus pratique à employer pour les physiciens des particules.
Enfin, nous rencontrerons à plusieurs reprises la constante de conversion très pratique :
~c = 197 MeV · fm ' 200 MeV · fm
Espace, temps, matière, antimatière
1.1.2
3
Unités naturelles
Les constantes fondamentales rappelées dans le paragraphe précédent interviennent fréquemment dans les formules. Aussi, il arrive souvent que l’on omette
d’écrire les constantes ~, c, et k, on dit que l’on utilise le système d’unités naturelles « ~ = c = k = 1 ».
Cette pratique repose sur l’observation suivante : soit une quantité X de dimension
[X] = La M b T c Θd et qui n’est pas proportionnelle à un produit de la forme
cx ~y k z , et une quantité Y de dimension [Y ] = Lα M β T γ Θδ , alors il existe une
façon unique d’écrire de façon homogène Y = cx ~y k z X w . Ainsi, on peut de
façon non ambigüe exprimer une distance en secondes, ou une énergie en longueur
inverse, etc. Le rétablissement de la valeur en unité standard s’obtient en réinsérant
les constantes fondamentales pour obtenir une relation homogène.
Exemples :
Grandeurs
Longueur et temps
Énergie et longueur
Énergie et masse
Énergie et température
Relation
L=cT
E = ~c/L
E = m c2
E = kΘ
Correspondance
1 fm = 3,3 × 10−24 s
200 MeV = (1 fm)−1
511 keV = 9,11 × 10−31 kg
1 eV = 12 000 K
Cette dernière relation permet de voir rapidement par exemple que les atomes ne
sont pas ionisés à température ambiante, puisque les énergies d’ionisation sont de
l’ordre de quelques électron-volts, et donc équivalentes à des températures de plusieurs dizaines de milliers de kelvins. Il faut cependant prendre garde aux facteurs
numériques parfois importants qui peuvent fausser ces correspondances d’ordres
de grandeur basées uniquement sur l’analyse dimensionnelle.
Dans ce système d’unités naturelles, on a les équivalences suivantes :
[E] ∼ [P ] ∼ [M ] ∼ [Θ] ∼ [L]−1 ∼ [T ]−1 .
Ainsi, dans ce système d’unités, au lieu d’écrire :
masse de l’électron = 511 keV/c2 ,
on pourra écrire :
masse de l’électron = 511 keV.
1.2
Relativité restreinte
La relativité restreinte est construite à partir des deux postulats énoncés en 1905
par Einstein :
1. Les lois de la physique (et notamment celles de l’électromagnétisme) sont
les mêmes dans tous les référentiels d’inertie.
2. Dans le vide, la lumière se déplace toujours avec la même vitesse, indépendamment de la vitesse de la source.
4
Noyaux et radioactivité
1.2.1
Transformation des coordonnées d’espace et de temps
On considère deux repères d’inertie R (O, x, y, z) et R0 (O0 , x0 , y 0 , z 0 ). R0 est en
translation rectiligne uniforme à la vitesse #»
v par rapport à R : #»
v est la vitesse de
0
R mesurée dans R. Pour simplifier, on suppose qu’à l’instant initial les origines
et les axes des deux repères sont confondus, et que R0 se déplace parallèlement à
l’axe des x.
Le quadrivecteur :
 
ct
x
y
z
des coordonnées d’un point dans l’espace temps mesuré dans R0 est relié à celui
mesuré dans R par les relations :
0 ct
γ
−γβ
ct
=
,
x0
−γβ
γ
x
avec :
1
v
; γ=p
β=
c
1 − β2
et en outre : y 0 = y et z 0 = z.
En mécanique classique, la mesure du temps est indépendante du repère, et on a :
0 1 0
t
t
=
.
−v 1
x
x0
1.2.2
Énergie et quantité de mouvement
L’énergie et la quantité de mouvement d’une particule s’expriment différemment
en mécanique classique et en relativité :
T : énergie cinétique
Mécanique classique
Relativité
#»
p = m #»
v
m #»
v
#»
p =q
= γ m #»
v
v2
1 − c2
1
T = m v2
2
m c2
= γ m c2
E=q
v2
1 − c2
T =
p2
2m
E 2 = p2 c2 + m2 c4
T = E − mc2
Espace, temps, matière, antimatière
5
En relativité, l’énergie est la somme de l’énergie de masse (ou énergie au repos)
mc2 et de l’énergie cinétique définie par T = E −mc2 . Quand la vitesse de la particule est petite devant c, on dit que la particule est non relativiste, et on retrouve
l’expression classique de l’énergie cinétique. Lorsque l’énergie de la particule est
grande devant son énergie de masse, E mc2 , on dit qu’elle est ultra-relativiste.
On a alors la relation approchée : E ' pc. Pour une particule de masse nulle,
comme le photon, on a exactement E = pc et la particule se déplace à la vitesse
de la lumière dans le vide.
Quand on passe de R à R0 , l’énergie et la quantité de mouvement se transforment
par (les quantités de mouvement suivant y et z sont inchangées) :
0 E
E
γ
−γβ
.
=
px c
−γβ
γ
p0 x c
Par construction, la masse ne dépend pas du référentiel inertiel :
q
p
2
2
2
2
mc = E − p c = E 0 2 − p0 2 c2 .

E
px c
p c est le quadrivecteur énergie impulsion.
y
pz c
On insiste parfois sur cette propriété en parlant de « masse invariante ». Pour un
système de plusieurs particules, les énergies et les quantités de mouvement des
particules s’ajoutent, et la masse invariante désigne, par définition, l’énergie du
système dans le référentiel où la quantité de mouvement totale est nulle. Attention, la masse invariante du système n’est pas égale à la somme des masses
des particules individuelles.
Soit un système A composé des particules 1,2,. . ., alors :

EA
#»
PA
mA c2
1.3
= E1 + E2 + . . .
#»
#»
= Pq1 + P 2 + . . .
2 − P 2 c2
EA
6= (m1 + m2 + . . .) c2 .
=
A
Mécanique quantique
La mécanique quantique est née au début du XXe siècle, lorsque la physique
classique s’est avérée insuffisante pour comprendre quantitativement nombre de
phénomènes : le rayonnement des corps, l’effet photoélectrique, la stabilité des
atomes et leurs interactions avec le champ électromagnétique. Parmi les nombreux pionniers de la mécanique quantique, on peut citer Planck, Einstein, Bohr,
6
Noyaux et radioactivité
F IGURE 1.1 – La résolution d’un objet de taille a nécessite λ ∼ a.
de Broglie, Heisenberg, Pauli, Schrödinger, Dirac, Born. La mécanique quantique
a été une révolution profonde de la physique qui a demandé de longues années à
de nombreux physiciens pour aboutir à une formulation cohérente.
Nous nous limitons dans ce paragraphe au rappel des notions indispensables pour
la suite, et renvoyons le lecteur au cours de première année pour une présentation
plus complète.
1.3.1
Fonction d’onde
De même que les ondes lumineuses sont « portées » par des photons, c’est-àdire qu’elles peuvent adopter un comportement corpusculaire, dans l’effet photoélectrique par exemple, de façon symétrique, les particules de matière, électrons. . ., peuvent se comporter comme des ondes, comme l’expérience de diffraction des électrons sur un cristal de Davisson et Germer (1927) l’a pour la première
fois démontré, après que cette dualité onde-corpuscule a été proposée par de Broglie en 1923.
En conséquence, la notion de trajectoire d’une particule, point matériel défini par
sa masse, sa position, et sa vitesse à un instant donné perd de son sens. On aboutit à
la représentation d’une particule par une fonction d’onde ψ, qui prend ses valeurs
dans un espace de Hilbert et qui rassemble l’ensemble de ses propriétés. À une
particule d’impulsion p est associée une longueur d’onde λ = h/p. Ainsi, de la
même manière que la lumière ou les rayons X permettent de sonder la structure
d’un cristal avec une résolution environ égale à la longueur d’onde employée (voir
figure 1.1), on pourra sonder la matière avec une très grande résolution à l’aide de
particules de grande énergie.
On vérifiera sans peine le pouvoir de résolution obtenu avec les faisceaux suivants :
Particule
Électron
Électron
Proton
Énergie cinétique
1 keV
1 GeV
7 TeV
Résolution
1Å
1 fm
2 × 10−19 m
Objet correspondant
atome
noyau
structure des quarks ?
Espace, temps, matière, antimatière
1.3.2
7
Inégalités de Heisenberg
Lorsqu’on cherche à mesurer une propriété physique d’un système décrit par la
fonction d’onde ψ, le résultat de la mesure est une des valeurs propres de l’opérateur hermitien agissant dans l’espace de Hilbert des états du système associé à
la quantité physique. Ainsi, le résultat de la mesure d’une quantité physique suit
une loi de probabilité dépendant de la décomposition de la fonction d’onde du
système sur la base des vecteurs propres de l’opérateur.
Le principe de correspondance stipule que la mesure d’une coordonnée x, y ou z
est associée à l’opérateur multiplication par x ou y ou z (on note les opérateurs
avec un chapeau) :
x̂ [ψ] = xψ etc.,
#»
et que la mesure de l’impulsion est associée à l’opérateur −i~∇ :
#»
#»
p → #b
p» = −i~∇.
Du fait que les opérateurs x̂ et p̂x ne commutent pas, et de même pour les directions y et z, il en résulte les inégalités (ou relations d’incertitude) de Heisenberg :
∆x.∆px ≥
~
2
∆y.∆py ≥
~
2
∆z.∆pz ≥
~
.
2
Les quantités ∆x, ∆px , etc. représentent les écarts-types des distributions de probabilité des variables position ou impulsion.
Du fait que le temps est un paramètre et non une propriété du système, il n’est pas
associé à un opérateur, il se distingue donc des coordonnées d’espace. On peut
cependant quand même énoncer une relation d’incertitude temps-énergie :
∆E.∆t % ~.
La borne inférieure est moins rigoureusement définie, et ∆t désigne un laps de
temps pendant lequel le système évolue de façon appréciable. Par exemple, un état
excité d’un atome n’a pas une énergie parfaitement définie, et le spectre du photon
émis lors de sa décroissance vers un autre état possède une largeur intrinsèque.
1.3.3
Équation de Schrödinger
C’est l’équation de Schrödinger qui décrit l’évolution d’un système (non relativiste) décrit par une fonction d’onde ψ. Cette équation remplace le principe fondamental de la dynamique qui permet de prédire la trajectoire d’une particule.
Pour une particule de masse m dans un potentiel V , l’équation de Schrödinger
s’écrit :
!
2
∂ψ
~
2
i~
= −
∇ + V ψ.
∂t
2m
8
Noyaux et radioactivité
On remarque que cette équation s’obtient en exprimant l’énergie totale en fonction
de l’impulsion et de l’énergie potentielle, en appliquant le principe de correspondance et en remplaçant l’énergie E par l’opération i~∂/∂t :
!
2
1
∂ψ
~
E = mv 2 + V
→ i~
= −
∇2 + V ψ.
2
∂t
2m
Le remplacement de l’énergie par i~∂/∂t est une extension naturelle du principe
de correspondance pour l’impulsion si on se réfère au quadrivecteur énergie impulsion de la relativité restreinte. Il faut cependant noter que l’équation de Schrödinger n’est pas compatible avec la dynamique relativiste (cf paragraphe 1.4).
1.3.4
Spin
En présence d’un champ magnétique, le nombre de raies du spectre de certains
atomes se démultiplie, c’est l’effet Zeeman. Il est dû à l’interaction avec le champ
#»
magnétique du moment magnétique M L créé par l’électron en mouvement. Pour
certains atomes, on observe que le nombre de raies est multiplié par un nombre
pair, et non impair comme on s’y attend à cause des règles de quantification du
moment orbital. Cet effet Zeeman anormal ainsi que l’expérience de Stern et Gerlach (déviation d’un jet d’atomes dans un champ magnétique variable conduisant
à la séparation du jet en un nombre pair de jets pour certains atomes) ont conduit
à admettre que l’électron possède un moment cinétique intrinsèque, le spin, lui
#»
conférant un moment magnétique intrinsèque M S . En champ faible, l’énergie
d’interaction magnétique s’écrit :
#»
# » #»
E = − M L + M S · B,
e #»
e #»
#»
#»
avec : M L = −
L ; M S = −g
S ; g ' 2, 002.
2me
2me
C’est cette énergie d’interaction qui perturbe le spectre des atomes, et c’est la
valeur 1/2 du spin de l’électron qui explique le nombre pair de raies. Le spin et le
facteur g (facteur de Landé) ne sont pas expliqués par l’équation de Schrödinger.
1.4
Équation de Dirac
« A great deal more was hidden in the Dirac equation than the author had expected when he wrote it down in 1928. Dirac himself remarked in one of his talks that
his equation was more intelligent than its author. It should be added, however,
that it was Dirac who found most of the additional insights. »
Weisskopf on Dirac
10
Noyaux et radioactivité
connaitre l’hypothèse de Dirac, il découvre une particule de masse beaucoup plus
faible que le proton, mais de charge opposée, qu’il nomme positron (on dit aussi
positon en français). La première antiparticule est découverte !
1.5.2
Création de paire
Comment ce positron a-t-il été produit ? Les rayons cosmiques interagissent dans
la très haute atmosphère, et en vertu de l’équivalence masse-énergie, ils produisent
des gerbes de particules et d’antiparticules de toutes sortes : lorsque qu’une grande
énergie est mise en jeu dans l’interaction entre particules, cette énergie peut se
transformer en une paire particule-antiparticule. C’est le processus appelé création
de paire.
Dans les années qui ont suivi cette découverte, c’est grâce aux rayons cosmiques
de haute énergie que le bestiaire des particules élémentaires s’est enrichi, après la
découverte de l’électron (1897), du proton (1919) et du neutron (1932), et avant
l’avènement des grands accélérateurs de particules.
La concentration d’une grande quantité d’énergie lors d’un choc permet la conversion d’une partie de cette énergie en paires de particules et d’antiparticules, pourvu
que l’énergie disponible dans le centre de masse soit supérieure à la somme des
énergies de masse des particules produites. C’est grâce à la construction d’accélérateurs de plus en plus puissants que l’antiproton et l’antineutron ont été découverts dans les années 50. Aujourd’hui, on produit de façon routinière des antiparticules auprès des grands accélérateurs de particules et on peut ainsi les étudier en
détail.
Mais on verra au chapitre 4 que les positrons sont aussi produits tout à fait naturellement dans certaines formes de radioactivité.
1.5.3
Propriétés de l’antimatière
Toutes les particules ont leur antiparticule associée, de même masse, de même
durée de vie, de même spin, mais de charge(s) opposée(s) (on verra au chapitre 2
qu’il y a d’autres « charges » que la charge électrique).
Masse
Durée de vie
Spin
Charge
Particule
m
τ
S
q
Antiparticule
m
τ
S
−q
Lorsqu’une antiparticule entre en collision avec la particule associée, la réaction
inverse de la réaction de création de paire peut se produire, l’antiparticule et la
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