L’objectif de cet ouvrage est de permettre au lecteur d’appréhender les phénomènes nucléaires et la physique des hautes énergies, d’illustrer les retombées de la physique fondamentale dans la société, et d’éveiller ainsi la curiosité et l’intérêt pour ces disciplines. Le premier chapitre rappelle les notions indispensables de mécanique quantique et de relativité restreinte. Il se termine par une introduction sur l’antimatière et ses applications. Le deuxième chapitre aborde la physique des particules par la description des constituants de la matière et des lois qui gouvernent leurs interactions. L’interaction faible est l’occasion de développements sur les notions de section efficace, désintégration, symétrie discrète. Les neutrinos, aux propriétés étonnantes, font l’objet d’une attention particulière. Les concepts de base de la physique nucléaire sont ensuite abordés, puis un chapitre entier est consacré à l’énergie nucléaire. Le dernier chapitre, à travers l’étude de la nucléosynthèse, permet une ouverture sur l’astrophysique et la cosmologie, et enfin sur l’univers sombre, la matière noire et l’énergie noire. Mots-clés : noyaux, particules, radioactivité, physique nucléaire, physique des particules, énergie nucléaire, nucléosynthèse, interactions fondamentales. Pascal Debu est un ancien élève de l’École Polytechnique, chercheur en physique des particules au CEA. Il enseigne à l’École Nationale Supérieure de Techniques Avancées et à Mines ParisTech. Il a dirigé le Laboratoire de Physique Nucléaire et des Hautes Energies du CNRS. Son travail de recherche actuel porte sur l’effet de la gravité sur l’antimatière. Pascal Debu Les Cours ées au début du XXe siècle, la physique nucléaire et la physique des particules ont bouleversé notre vision du monde et révolutionné la société par leurs innombrables applications : l’énergie nucléaire et l’utilisation des rayonnements pour la médecine et les sciences des matériaux en sont des exemples emblématiques. Noyaux et radioactivité - P. Debu N Noyaux et radioactivité Une introduction à la physique des particules et à la physique nucléaire 25 euros Presses des Mines Noyaux.indd 1 06/01/17 14:58 Pascal Debu, Noyaux et radioactivité - Une introduction à la physique des particules et à la physique nucléaire Paris : Presses des MINES, collection Les Cours, 2017. © Presses des MINES - TRANSVALOR, 2017 60, boulevard Saint-Michel - 75272 Paris Cedex 06 - France [email protected] www.pressesdesmines.com © Illustration de couverture : Laurent Chevalier, collaboration ATLAS, Copyright CERN. ISBN : 978-2-35671-405-3 Dépôt légal : 2017 Achevé d’imprimer en 2017 (Paris) Cette publication a bénéficié du soutien de l’Institut Carnot M.I.N.E.S Tous droits de reproduction, de traduction, d’adaptation et d’exécution réservés pour tous les pays. Noyaux et radioactivité Une introduction à la physique des particules et à la physique nucléaire Collection Les cours Dans la même collection : Ali Azarian et Yann Pollet, Analyse fonctionnelle des systèmes Francis Maisonneuve, Mathémathiques 2 et 3 Bernard Wiesenfeld, Une introduction à la neutronique Francis Maisonneuve, Probabilités Francis Maisonneuve, Mathémathiques 2 Renaud Gicquel, Introduction aux problèmes énergétiques globaux Francis Maisonneuve, Mathémathiques 3 Francis Maisonneuve, Mathémathiques 1 J. Adnot, D. Marchio, Ph. Rivière, Cycles de vie des systèmes énergétiques Brigitte d’Andréa-Novel, Benoît Fabre, Pierre Jouvelot, Acoustique-Informatique-Musique Jean-Claude Moisdon, Michel Nakhla, Recherche opérationnelle Anne-Françoise Gourgues-Lorenzen, Jean-Marc Haudin, Jacques Besson, Matériaux pour l’ingénieur Renaud Gicquel, Systèmes énergétiques Tome 3 Renaud Gicquel, Systèmes énergétiques Tome 2 Renaud Gicquel, Systèmes énergétiques Tome 1 Thierry Weil, Stratégie d’entreprise François Cauneau, Mécanique des fluides Pierre Chauvet, Aide-mémoire de géostatistique linéaire Dominique Marchio, Paul Reboux, Introduction aux transferts thermiques François Engel, Frédéric Kletz, Cours de comptabilité analytique François Engel, Frédéric Kletz, Cours de comptabilité générale Jacques Bouchard, Jean-Paul Deffain, Alain Gouchet, Introduction au génie atomique Daniel Fargue, Abrégé de thermodynamique : principes et applications Georges Pierron, Introduction au traitement de l’énergie électrique Bernard Degrange, Introduction à la physique quantique Michel Cohen de Lara, Brigitte d’Andréa-Novel, Cours d’automatique Fixari Daniel, Les Imperfections des marchés Jacques Lévy, Introduction à la métallurgie générale Hugues Molet, Comment maîtriser sa productivité industrielle ? Margaret Armstrong, Jacques Carignan, Géostatistique linéaire Pascal Debu Noyaux et radioactivité Une introduction à la physique des particules et à la physique nucléaire Noyaux et radioactivité Une introduction à la physique des particules et à la physique nucléaire Pascal Debu Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives Chargé de cours à Mines ParisTech Introduction Cette introduction à la physique des particules et à la physique nucléaire constitue le corps d’un enseignement que je donne à Mines ParisTech depuis 2013. Le cours poursuit plusieurs objectifs : — présenter les notions de base permettant d’appréhender les phénomènes nucléaires et la physique des hautes énergies ; — servir d’introduction aux enseignements spécialisés de physique nucléaire, de génie atomique, de physique des particules et de cosmologie ; — mettre en application les concepts de base en mécanique quantique, relativité et physique statistique ; — illustrer les retombées de la physique fondamentale dans la société ; — éveiller l’intérêt et la curiosité pour ces disciplines. La physique microscopique est née au début du vingtième siècle. Elle a révolutionné la société par la compréhension qu’elle a apportée sur la structure de la matière et les interactions fondamentales. Elle a engendré d’innombrables applications et retombées techniques : l’énergie nucléaire et les accélérateurs de particules pour la médecine et les sciences des matériaux en sont des exemples emblématiques. La physique nucléaire et la physique des particules représentent ainsi des enjeux de société importants, à la fois culturels, par la vision du monde qu’elles proposent, et aussi économiques, par les produits qui en dérivent, ainsi que par les projets ambitieux qu’elles induisent. Les développements de ces disciplines nécessitent en effet la construction de très grandes infrastructures de recherche. Les futurs ingénieurs et responsables de haut niveau, physiciens ou non, pourront avoir à évaluer certains de ces grands programmes, et il importe qu’ils en aient une connaissance suffisamment précise pour en discerner les objectifs, les difficultés et les retombées potentielles. Ce livre est une rapide introduction à ces deux disciplines. Il en présente les concepts et acquis principaux. Par manque de place, il ne couvre pas l’étude des techniques expérimentales, malgré leur importance et leur intérêt. Le contenu du cours comprend le corps proprement dit, des annexes dans lesquelles les calculs un peu longs sont reportés pour alléger la présentation, et des compléments pour ceux qui souhaitent continuer en physique et pour les curieux. ii Noyaux et radioactivité Après un chapitre de rappel des notions indispensables de mécanique quantique et de relativité restreinte, avec en supplément un aperçu sur l’antimatière, une introduction à la physique des particules permet de décrire les constituants de la matière et leurs interactions, et les lois qui les gouvernent. L’interaction faible mérite un court chapitre pour ses propriétés étonnantes et les applications qui en découlent. Les éléments de base de physique nucléaire sont ensuite abordés, puis un chapitre est consacré à l’énergie nucléaire. Le dernier chapitre, à travers l’étude de la nucléosynthèse, permet une ouverture sur l’astrophysique et la cosmologie, et enfin sur l’univers sombre, matière noire et énergie noire. La physique est avant tout une démarche et une méthode. Elle définit un langage pour décrire les phénomènes naturels. Elle propose des modèles ou des théories pour les organiser, comprendre leurs relations et prédire leur occurrence. Elle repose sur l’expérimentation et la mesure, ses acquis sont universellement partagés et sont toujours en évolution. Ce cours doit beaucoup à celui de Philippe Miné, qui en a été le responsable de 2000 à 2012. Je le remercie vivement de m’avoir proposé de lui succéder. Je remercie également Jérôme Adnot, Julien Bohdanowicz et Marcel Filoche de m’avoir accueilli dans l’équipe enseignante, mes collègues Florian Beaudette, Vincent Boudry, Pierre Brun, Antoine Drouart et Fouad Maroun pour leur aide précieuse, ainsi que Nicolas Alamanos et Vanina Ruhlmann pour leur relecture de certaines parties délicates. Enfin, je remercie les élèves, leur enthousiasme et leur curiosité sont une source constante de stimulation et d’inspiration. Chapitre 1 Espace, temps, matière, antimatière Dans ce chapitre, nous rappelons ou introduisons des notions de base qui sont un indispensable préliminaire de la physique des particules et des noyaux. Afin d’aborder l’étude du monde microscopique, il est pratique d’introduire des unités mieux adaptées que les unités du système international. On ne mesure pas l’énergie d’une particule en joules, ni la taille d’un noyau en mètres ! Nous définissons le système d’unités naturelles souvent utilisé par les physiciens pour simplifier l’écriture des équations, et qui permet aussi d’établir des correspondances utiles entre différentes grandeurs, comme énergie et longueur, énergie et température, etc. Nous rappelons ensuite les quelques notions de relativité restreinte et de mécanique quantique qui seront mises en œuvre dans la suite du cours. Armés de ces outils, nous verrons comment l’idée d’antimatière s’est imposée à Dirac lorsqu’il a entrepris de marier les équations de la relativité restreinte et de la mécanique quantique. 2 1.1 1.1.1 Noyaux et radioactivité Unités en physique microscopique Constantes fondamentales et unités Les constantes fondamentales qui s’introduisent en électromagnétisme, en relativité, en mécanique quantique et en physique statistique sont rappelées dans le tableau ci-dessous (on peut contester le caractère fondamental de la constante de Boltzmann) : Constante Charge élémentaire Vitesse de la lumière dans le vide Constante de Planck Constante de Planck réduite Constante de Boltzmann Symbole e c h ~ k Valeur 1,602 × 10−19 C 2,998 × 108 m/s 6,626 × 10−34 J · s 1,055 × 10−34 J · s 1,381 × 10−23 J/K Exprimées dans les unités du système international (SI), elles ont des valeurs très grandes ou très petites, peu agréables à manier pour les physiciens. Rappelons que le système international d’unités repose sur sept unités de base desquelles sont déduites les autres unités (dites dérivées) : Grandeur Temps Longueur Température Masse Quantité de matière Intensité électrique Intensité lumineuse Symbole T L Θ M N I J Unité SI seconde mètre kelvin kilogramme mole ampère candela Symbole s m K kg mol A cd Plutôt que d’utiliser l’ensemble de ces unités, lorsque nous étudierons les particules et les noyaux, nous aurons souvent avantage à exprimer les énergies et les distances respectivement en électron-volts et en fermis : 1 eV = 1,602 × 10−19 J ; 1 fm = 10−15 m. En vertu de l’équivalence masse énergie (E = mc2 au repos, comme on le rappelle au paragraphe 1.2), les masses des particules peuvent s’exprimer en eV/c2 , ainsi la masse de l’électron qui vaut 9,11 × 10−31 kg en unités SI est aussi égale à 511 keV/c2 , une valeur plus pratique à employer pour les physiciens des particules. Enfin, nous rencontrerons à plusieurs reprises la constante de conversion très pratique : ~c = 197 MeV · fm ' 200 MeV · fm Espace, temps, matière, antimatière 1.1.2 3 Unités naturelles Les constantes fondamentales rappelées dans le paragraphe précédent interviennent fréquemment dans les formules. Aussi, il arrive souvent que l’on omette d’écrire les constantes ~, c, et k, on dit que l’on utilise le système d’unités naturelles « ~ = c = k = 1 ». Cette pratique repose sur l’observation suivante : soit une quantité X de dimension [X] = La M b T c Θd et qui n’est pas proportionnelle à un produit de la forme cx ~y k z , et une quantité Y de dimension [Y ] = Lα M β T γ Θδ , alors il existe une façon unique d’écrire de façon homogène Y = cx ~y k z X w . Ainsi, on peut de façon non ambigüe exprimer une distance en secondes, ou une énergie en longueur inverse, etc. Le rétablissement de la valeur en unité standard s’obtient en réinsérant les constantes fondamentales pour obtenir une relation homogène. Exemples : Grandeurs Longueur et temps Énergie et longueur Énergie et masse Énergie et température Relation L=cT E = ~c/L E = m c2 E = kΘ Correspondance 1 fm = 3,3 × 10−24 s 200 MeV = (1 fm)−1 511 keV = 9,11 × 10−31 kg 1 eV = 12 000 K Cette dernière relation permet de voir rapidement par exemple que les atomes ne sont pas ionisés à température ambiante, puisque les énergies d’ionisation sont de l’ordre de quelques électron-volts, et donc équivalentes à des températures de plusieurs dizaines de milliers de kelvins. Il faut cependant prendre garde aux facteurs numériques parfois importants qui peuvent fausser ces correspondances d’ordres de grandeur basées uniquement sur l’analyse dimensionnelle. Dans ce système d’unités naturelles, on a les équivalences suivantes : [E] ∼ [P ] ∼ [M ] ∼ [Θ] ∼ [L]−1 ∼ [T ]−1 . Ainsi, dans ce système d’unités, au lieu d’écrire : masse de l’électron = 511 keV/c2 , on pourra écrire : masse de l’électron = 511 keV. 1.2 Relativité restreinte La relativité restreinte est construite à partir des deux postulats énoncés en 1905 par Einstein : 1. Les lois de la physique (et notamment celles de l’électromagnétisme) sont les mêmes dans tous les référentiels d’inertie. 2. Dans le vide, la lumière se déplace toujours avec la même vitesse, indépendamment de la vitesse de la source. 4 Noyaux et radioactivité 1.2.1 Transformation des coordonnées d’espace et de temps On considère deux repères d’inertie R (O, x, y, z) et R0 (O0 , x0 , y 0 , z 0 ). R0 est en translation rectiligne uniforme à la vitesse #» v par rapport à R : #» v est la vitesse de 0 R mesurée dans R. Pour simplifier, on suppose qu’à l’instant initial les origines et les axes des deux repères sont confondus, et que R0 se déplace parallèlement à l’axe des x. Le quadrivecteur : ct x y z des coordonnées d’un point dans l’espace temps mesuré dans R0 est relié à celui mesuré dans R par les relations : 0 ct γ −γβ ct = , x0 −γβ γ x avec : 1 v ; γ=p β= c 1 − β2 et en outre : y 0 = y et z 0 = z. En mécanique classique, la mesure du temps est indépendante du repère, et on a : 0 1 0 t t = . −v 1 x x0 1.2.2 Énergie et quantité de mouvement L’énergie et la quantité de mouvement d’une particule s’expriment différemment en mécanique classique et en relativité : T : énergie cinétique Mécanique classique Relativité #» p = m #» v m #» v #» p =q = γ m #» v v2 1 − c2 1 T = m v2 2 m c2 = γ m c2 E=q v2 1 − c2 T = p2 2m E 2 = p2 c2 + m2 c4 T = E − mc2 Espace, temps, matière, antimatière 5 En relativité, l’énergie est la somme de l’énergie de masse (ou énergie au repos) mc2 et de l’énergie cinétique définie par T = E −mc2 . Quand la vitesse de la particule est petite devant c, on dit que la particule est non relativiste, et on retrouve l’expression classique de l’énergie cinétique. Lorsque l’énergie de la particule est grande devant son énergie de masse, E mc2 , on dit qu’elle est ultra-relativiste. On a alors la relation approchée : E ' pc. Pour une particule de masse nulle, comme le photon, on a exactement E = pc et la particule se déplace à la vitesse de la lumière dans le vide. Quand on passe de R à R0 , l’énergie et la quantité de mouvement se transforment par (les quantités de mouvement suivant y et z sont inchangées) : 0 E E γ −γβ . = px c −γβ γ p0 x c Par construction, la masse ne dépend pas du référentiel inertiel : q p 2 2 2 2 mc = E − p c = E 0 2 − p0 2 c2 . E px c p c est le quadrivecteur énergie impulsion. y pz c On insiste parfois sur cette propriété en parlant de « masse invariante ». Pour un système de plusieurs particules, les énergies et les quantités de mouvement des particules s’ajoutent, et la masse invariante désigne, par définition, l’énergie du système dans le référentiel où la quantité de mouvement totale est nulle. Attention, la masse invariante du système n’est pas égale à la somme des masses des particules individuelles. Soit un système A composé des particules 1,2,. . ., alors : EA #» PA mA c2 1.3 = E1 + E2 + . . . #» #» = Pq1 + P 2 + . . . 2 − P 2 c2 EA 6= (m1 + m2 + . . .) c2 . = A Mécanique quantique La mécanique quantique est née au début du XXe siècle, lorsque la physique classique s’est avérée insuffisante pour comprendre quantitativement nombre de phénomènes : le rayonnement des corps, l’effet photoélectrique, la stabilité des atomes et leurs interactions avec le champ électromagnétique. Parmi les nombreux pionniers de la mécanique quantique, on peut citer Planck, Einstein, Bohr, 6 Noyaux et radioactivité F IGURE 1.1 – La résolution d’un objet de taille a nécessite λ ∼ a. de Broglie, Heisenberg, Pauli, Schrödinger, Dirac, Born. La mécanique quantique a été une révolution profonde de la physique qui a demandé de longues années à de nombreux physiciens pour aboutir à une formulation cohérente. Nous nous limitons dans ce paragraphe au rappel des notions indispensables pour la suite, et renvoyons le lecteur au cours de première année pour une présentation plus complète. 1.3.1 Fonction d’onde De même que les ondes lumineuses sont « portées » par des photons, c’est-àdire qu’elles peuvent adopter un comportement corpusculaire, dans l’effet photoélectrique par exemple, de façon symétrique, les particules de matière, électrons. . ., peuvent se comporter comme des ondes, comme l’expérience de diffraction des électrons sur un cristal de Davisson et Germer (1927) l’a pour la première fois démontré, après que cette dualité onde-corpuscule a été proposée par de Broglie en 1923. En conséquence, la notion de trajectoire d’une particule, point matériel défini par sa masse, sa position, et sa vitesse à un instant donné perd de son sens. On aboutit à la représentation d’une particule par une fonction d’onde ψ, qui prend ses valeurs dans un espace de Hilbert et qui rassemble l’ensemble de ses propriétés. À une particule d’impulsion p est associée une longueur d’onde λ = h/p. Ainsi, de la même manière que la lumière ou les rayons X permettent de sonder la structure d’un cristal avec une résolution environ égale à la longueur d’onde employée (voir figure 1.1), on pourra sonder la matière avec une très grande résolution à l’aide de particules de grande énergie. On vérifiera sans peine le pouvoir de résolution obtenu avec les faisceaux suivants : Particule Électron Électron Proton Énergie cinétique 1 keV 1 GeV 7 TeV Résolution 1Å 1 fm 2 × 10−19 m Objet correspondant atome noyau structure des quarks ? Espace, temps, matière, antimatière 1.3.2 7 Inégalités de Heisenberg Lorsqu’on cherche à mesurer une propriété physique d’un système décrit par la fonction d’onde ψ, le résultat de la mesure est une des valeurs propres de l’opérateur hermitien agissant dans l’espace de Hilbert des états du système associé à la quantité physique. Ainsi, le résultat de la mesure d’une quantité physique suit une loi de probabilité dépendant de la décomposition de la fonction d’onde du système sur la base des vecteurs propres de l’opérateur. Le principe de correspondance stipule que la mesure d’une coordonnée x, y ou z est associée à l’opérateur multiplication par x ou y ou z (on note les opérateurs avec un chapeau) : x̂ [ψ] = xψ etc., #» et que la mesure de l’impulsion est associée à l’opérateur −i~∇ : #» #» p → #b p» = −i~∇. Du fait que les opérateurs x̂ et p̂x ne commutent pas, et de même pour les directions y et z, il en résulte les inégalités (ou relations d’incertitude) de Heisenberg : ∆x.∆px ≥ ~ 2 ∆y.∆py ≥ ~ 2 ∆z.∆pz ≥ ~ . 2 Les quantités ∆x, ∆px , etc. représentent les écarts-types des distributions de probabilité des variables position ou impulsion. Du fait que le temps est un paramètre et non une propriété du système, il n’est pas associé à un opérateur, il se distingue donc des coordonnées d’espace. On peut cependant quand même énoncer une relation d’incertitude temps-énergie : ∆E.∆t % ~. La borne inférieure est moins rigoureusement définie, et ∆t désigne un laps de temps pendant lequel le système évolue de façon appréciable. Par exemple, un état excité d’un atome n’a pas une énergie parfaitement définie, et le spectre du photon émis lors de sa décroissance vers un autre état possède une largeur intrinsèque. 1.3.3 Équation de Schrödinger C’est l’équation de Schrödinger qui décrit l’évolution d’un système (non relativiste) décrit par une fonction d’onde ψ. Cette équation remplace le principe fondamental de la dynamique qui permet de prédire la trajectoire d’une particule. Pour une particule de masse m dans un potentiel V , l’équation de Schrödinger s’écrit : ! 2 ∂ψ ~ 2 i~ = − ∇ + V ψ. ∂t 2m 8 Noyaux et radioactivité On remarque que cette équation s’obtient en exprimant l’énergie totale en fonction de l’impulsion et de l’énergie potentielle, en appliquant le principe de correspondance et en remplaçant l’énergie E par l’opération i~∂/∂t : ! 2 1 ∂ψ ~ E = mv 2 + V → i~ = − ∇2 + V ψ. 2 ∂t 2m Le remplacement de l’énergie par i~∂/∂t est une extension naturelle du principe de correspondance pour l’impulsion si on se réfère au quadrivecteur énergie impulsion de la relativité restreinte. Il faut cependant noter que l’équation de Schrödinger n’est pas compatible avec la dynamique relativiste (cf paragraphe 1.4). 1.3.4 Spin En présence d’un champ magnétique, le nombre de raies du spectre de certains atomes se démultiplie, c’est l’effet Zeeman. Il est dû à l’interaction avec le champ #» magnétique du moment magnétique M L créé par l’électron en mouvement. Pour certains atomes, on observe que le nombre de raies est multiplié par un nombre pair, et non impair comme on s’y attend à cause des règles de quantification du moment orbital. Cet effet Zeeman anormal ainsi que l’expérience de Stern et Gerlach (déviation d’un jet d’atomes dans un champ magnétique variable conduisant à la séparation du jet en un nombre pair de jets pour certains atomes) ont conduit à admettre que l’électron possède un moment cinétique intrinsèque, le spin, lui #» conférant un moment magnétique intrinsèque M S . En champ faible, l’énergie d’interaction magnétique s’écrit : #» # » #» E = − M L + M S · B, e #» e #» #» #» avec : M L = − L ; M S = −g S ; g ' 2, 002. 2me 2me C’est cette énergie d’interaction qui perturbe le spectre des atomes, et c’est la valeur 1/2 du spin de l’électron qui explique le nombre pair de raies. Le spin et le facteur g (facteur de Landé) ne sont pas expliqués par l’équation de Schrödinger. 1.4 Équation de Dirac « A great deal more was hidden in the Dirac equation than the author had expected when he wrote it down in 1928. Dirac himself remarked in one of his talks that his equation was more intelligent than its author. It should be added, however, that it was Dirac who found most of the additional insights. » Weisskopf on Dirac 10 Noyaux et radioactivité connaitre l’hypothèse de Dirac, il découvre une particule de masse beaucoup plus faible que le proton, mais de charge opposée, qu’il nomme positron (on dit aussi positon en français). La première antiparticule est découverte ! 1.5.2 Création de paire Comment ce positron a-t-il été produit ? Les rayons cosmiques interagissent dans la très haute atmosphère, et en vertu de l’équivalence masse-énergie, ils produisent des gerbes de particules et d’antiparticules de toutes sortes : lorsque qu’une grande énergie est mise en jeu dans l’interaction entre particules, cette énergie peut se transformer en une paire particule-antiparticule. C’est le processus appelé création de paire. Dans les années qui ont suivi cette découverte, c’est grâce aux rayons cosmiques de haute énergie que le bestiaire des particules élémentaires s’est enrichi, après la découverte de l’électron (1897), du proton (1919) et du neutron (1932), et avant l’avènement des grands accélérateurs de particules. La concentration d’une grande quantité d’énergie lors d’un choc permet la conversion d’une partie de cette énergie en paires de particules et d’antiparticules, pourvu que l’énergie disponible dans le centre de masse soit supérieure à la somme des énergies de masse des particules produites. C’est grâce à la construction d’accélérateurs de plus en plus puissants que l’antiproton et l’antineutron ont été découverts dans les années 50. Aujourd’hui, on produit de façon routinière des antiparticules auprès des grands accélérateurs de particules et on peut ainsi les étudier en détail. Mais on verra au chapitre 4 que les positrons sont aussi produits tout à fait naturellement dans certaines formes de radioactivité. 1.5.3 Propriétés de l’antimatière Toutes les particules ont leur antiparticule associée, de même masse, de même durée de vie, de même spin, mais de charge(s) opposée(s) (on verra au chapitre 2 qu’il y a d’autres « charges » que la charge électrique). Masse Durée de vie Spin Charge Particule m τ S q Antiparticule m τ S −q Lorsqu’une antiparticule entre en collision avec la particule associée, la réaction inverse de la réaction de création de paire peut se produire, l’antiparticule et la