Le traité de Lisbonne I Historique Processus engagé depuis 60 ans ( Appel de Robert Schuman le 9 mai 1950 ) pour substituer : - Un ordre juridique et politique fondé sur la démocratie - Aux traditionnels rapports de force. - 1951 – CECA - 1954 – CED : échec qui impose un long détour par l’économie - 1957 – Traités de Rome : CEE et Euratom ( De Gaulle en refuse les dispositions supranationales ) • Commission européenne ( exécutif avec droit d’initiative ) • Conseil des Ministres • Parlement européen ( pouvoir consultatif ) • Cour de justice • Conseil économique et social. - 1986 – Acte Unique ( Delors ) : parachever l’unit é du marché et organiser la coopération politique. - 1992 – Traité de Maastricht qui laisse en suspend beaucoup de questions. « Union sans cesse plus étroite entre les peuples d’Europe » Trois piliers : • Communauté européenne ( = CEE ) • PESC • JAI : justice, affaires intérieures - 1997 Traité d’Amsterdam veut réformer les institutions avant l’élargissement. - 2001 – Traité de Nice : réformes absolument insuffisantes pour gérer l’Europe élargie. Nice fait apparaître les limites de la méthode CIG - D’où Laeken qui décide de la nécessité d’un traité constitutionnel Décision de confier à une convention l’élaboration d’un nouveau traité pour parvenir à : • Un meilleur fonctionnement des institutions • Les démocratiser et les rapprocher des citoyens. La convention a siégé 18 mois ( mars 2002- juin 2003 ) Le texte du traité conventionnel : • Définit les valeurs et les objectifs de l’UE. Il en détermine l’architecture institutionnelle ( Partie I ) • Reprend la Charte des droits fondamentaux de l’UE ( Partie II ) • Reprend les dispositions des traités précédents ( Partie III ) Les avancées de ce texte : La Charte Réduction des domaines soumis à la règle d’unanimité. Majorité qualifiée : 55% des Etats, 65% de la population de l’Union Minorité de blocage pas inférieure à 4 Etats. Le Parlement européen se voit reconnaître la fonction législative et budgétaire à égalité avec le conseil des Ministres. Il élit le Président de la Commission Droit d’initiative populaire des citoyens Suppression des piliers Répartition des compétences claire entre : • Exclusives • Partagées • D’appui Politique étrangère et de sécurité restent à l’unanimité Création d’un Président stable du Conseil européen : 2,5 ans, non cumulable avec des fonctions nationales Création d’un Ministre des Affaires étrangères à double casquette : -relevant du Conseil -vice-président de la Commission Politique étrangère et de sécurité commune : Clause de solidarité face à une agression armée Agence de l’armement - 29 octobre 2004 : signature du traité établissant une constitution pour l’Europe par les 25 Etats à Rome - Ratifications Avant le referendum français ( 29 mai 2005 : 54% de non ) 9 pays ont ratifié dont l’Espagne avec referendum ( 76% ) Pays-Bas, referendum le 1er juin 2005 ( 61% de non ) Puis suspension Grande Bretagne, République tchèque. - Deux ans de gel - 21 juin 2007: Conseil européen décidant d’un traité simplifié avec : • Suppression des symboles ( 9 mai, hymne, drapeau, devise ) • Suppression du terme « constitution » • Opting-out pour la Charte des droits fondamentaux de l’UE • Le Ministre des Affaires étrangères redevient « Haut représentant » - 13 décembre 2007 : signature du traité de Lisbonne par les 27 chefs d’Etat et de Gouvernement. - 12 juin 2008, referendum négatif des Irlandais ( 53% ) - 2 octobre 2009, referendum irlandais positif, l’Irlande ayant obtenu : • Le maintien d’un commissaire européen pour chaque Etat • Sa souveraineté sur les questions fiscales et éthiques • Sa souveraineté sur sa neutralité militaire - Après avoir surmonté les réticences des Présidents polonais et tchèque, le traité est donc ratifié par les 27 Etats et s’applique à partir du 1er décembre 2009. II Quelles solutions le traité de Lisbonne apporte-t-il aux problèmes laissés en suspend par les traités antérieurs ? - Le traité opère la fusion entre l’UE et la Communauté européenne. Cela donne la personnalité juridique qui permet de signer des traités internationaux - Le traité opère la suppression des trois piliers ( domaine communautaire, PESC, justice et sécurité intérieure ). Il établit une procédure législative inspirée de la méthode communautaire qui permet : • A la Commission européenne de disposer du monopole du droit d’initiative • Le vote en Conseil des Ministres à la majorité qualifiée • La codécision au profit du Parlement européen. Cette procédure ne s’étend pas à la PESC qui reste intergouvernementale, ni à la coopération judiciaire en matière pénale qu requiert l’unanimité au Conseil des Ministres et la consultation du PE - Le traité explicite le partage des compétences entre l’UE et les Etats membres : • Compétences exclusives : l’UE a le monopole pour intervenir. 6 domaines : L’Union douanière Les règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur La politique monétaire pour les Etats dont la monnaie est l’euro Les quotas de pêche La politique commerciale commune Compétences partagées entre l’UE et les Etats : Marché intérieur Politique sociale La cohésion économique, sociale et territoriale L’agriculture et la pêche L’environnement La protection des consommateurs Les transports Les réseaux transeuropéens L’énergie L’espace de liberté, de sécurité et de justice ( Schengen ) Les enjeux communs en matière de santé publique. La capacité de mener des actions en matière de recherche, de développement technologique et d’espace. La capacité de mener des actions en matière d’aide humanitaire. Compétences d’appui ( l’UE a un rôle de coordination ) Industrie Education Culture Tourisme Protection civile Etc… - Le traité reconnait la valeur juridique de la Charte des droits fondamentaux de l’UE ( avec dérogation pour Royaume-Uni et Pologne ) - Le traité dote le Conseil européen , érigé en institution ( il peut prendre certaines décisions à la majorité qualifiée ), d’un Président permanent pour 2,5 ans renouvelable une fois. - Le traité renforce le statut du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune qui : • Préside le conseil affaires étrangères de l’UE comme mandataire du Conseil européen • Est assisté d’un important service des affaires extérieures • Assure la vice-présidence de la Commission européenne pour les affaires extérieures ( commerce extérieur, aide au développement, soutien humanitaire ) - Le traité poursuit la démocratisation des institutions de l’Union : • En étendant le système de codécision au profit du PE • En obligeant le Conseil des Ministres à délibérer publiquement en matière législative • En conférant aux Parlements nationaux un droit de regard et de contrôle sur le respect du principe de subsidiarité • En instituant un droit d’initiative populaire d’un million au moins de citoyens européens relevant d’un nombre significatif d’Etats membres ( possibilité de soumettre des propositions à la Commission européenne qui peuvent devenir des règlements et des directives ) - Le traité simplifie la procédure des coopérations renforcées et prévoit une coopération structurée - Un droit de retrait est ouvert aux Etats qui veulent faire sécession. - Le calcul de la majorité qualifiée au Conseil est établi sur la base de 55% des Etats et 65% de la population de l’Union. - Le traité a prévu que des groupes prédéterminés de trois Etats membres assument la présidence pour une période de 18 mois. Ainsi la présidence semestrielle qui est supprimée au niveau du Conseil européen est maintenue pour le Conseil des Ministres ( à l’exception du conseil affaires étrangères ) III Quelles difficultés dans la mise en œuvre ? - Le format de la Commission européenne L’article 17 prescrit, qu’à partir du 1er novembre 2014 la Commission est composée d’un nombre de membres correspondant aux 2/3 du nombre des Etats membres selon un système de rotation strictement égal entre Etats. Mais le traité ajoute « à moins que le Conseil européen statuant à l’unanimité décide de modifier ce nombre » Or le Conseil européen s’est engagé vis-à-vis de l’Irlande, compte tenu des contraintes liées au second referendum de ce pays, à lui conserver son commissaire ( CE du 18-19 juin 2009 ), ce qui maintient le principe d’un commissaire par Etat. Quid des prochaines adhésions ? - La coexistence de plusieurs types de présidence. Pas de réponse claire à la célèbre question de Kissinger « L’Europe, quel numéro de téléphone ? » Est-ce : • Celui du président permanent du Conseil européen ( Van Rompuy ) ? • Celui du président de la présidence tournante de l’UE ( Zapatero de janvier à juin 2010 ) ? • Celui du vice-président de la Commission européenne en charge des relations extérieures ( Catherine Ashton ) ? • Celui du président de la Commission européenne ( José Manuel Barroso ) ? • Celui du président de l’Eurogroup ( Jean Claude Juncker ) ? - Le développement d’une Europe à géométrie variable Maintes dérogations : • Euro • Espace Schengen • Charte des droits fondamentaux • Europe de la Défense = risque d’Europe à la carte - Rôle dévolu aux Parlements nationaux Garants du principe de subsidiarité Chaque Parlement national dispose d’un droit de veto lui permettant d’empêcher l’activation de la clause passerelle. Clause passerelle= extension de la majorité qualifiée dans un domaine quand le Conseil européen autorise le conseil des Ministres à statuer ainsi alors que le domaine relevait de l’unanimité ( excepté pour le domaine militaire dans lequel il ne peut y avoir de clause passerelle ) - Une série de dispositions restrictives tendant à préserver la souveraineté des Etats en limitant la capacité d’intervention de l’UE - Enfin , selon le principe de réversibilité prévu par le traité de Lisbonne, le Conseil européen peut décider de retransférer aux Etats des compétences attribuées à l’Union. Conclusion Il ne s’agit pas d’un traité simplifié mais d’un traité compliqué par une flexibilité qui permet un repli en faveur des Etats. Ces possibilités de retour en arrière inscrites dans le traité reflètent un problème politique plus général. D’où une grande frilosité que l’on a pu observer devant la crise financière internationale, Et que l’on observe aujourd’hui devant les difficultés de la Grèce Les rédacteurs du traité se sont bien gardés de trancher toutes les difficultés d’articulation entre certaines institutions, laissant au temps, aux hommes et aux évènements le soin de le faire. Or comme le soulignait de manière prémonitoire Jean Monnet : « si donc la construction européenne est un changement formidable qui demandera beaucoup de temps, les obstacles seront de plus en plus nombreux à mesure que l’on s’approchera du but, parce que , dans la construction de l’Europe comme dans toute grande entreprise, les hommes poussent devant eux les difficultés de plus en plus grandes, laissant à leurs successeurs le soin de les résoudre. » Mais il ajoutait : « J’ai toujours pensé que l’Europe se ferait dans les crises et qu’elle serait la source des solutions à ces crises » ( Mémoires, p.488)