Article original Ann Biol Clin 2012 ; 70 (6) : 666-8 Résistance aux antibiotiques de souches isolées d’infections urinaires communautaires entre 2007 et 2011 à Guelma (Algérie) Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Antibiotic resistance of strains isolated from community acquired urinary tract infections between 2007 and 2011 in Guelma (Algeria) Ahmed Aimen Bentroki1 Adel Gouri2 Amina Yakhlef3 Amel Touaref4 Abderrahim Gueroudj1 Takieddine Bensouilah1 1 Laboratoire de microbiologie, <[email protected]> 2 Laboratoire de biochimie médicale, 3 Service d’hématologie, 4 Service de maladies infectieuses, Hôpital Ibn Zohr, Guelma, Algérie Résumé. Les infections urinaires constituent un véritable problème de santé publique. Elles représentent un motif fréquent de consultation, car elles entraînent une prescription importante et parfois inappropriée d’antibiotiques. Il s’agit d’une étude rétrospective qui a porté sur 1 334 malades entre octobre 2007 et février 2011. Les entérobactéries représentent 85 % des bactéries isolées, avec prédominance d’Escherichia coli (60 %). Les bactéries à Gram positif ne représentent que 11 %. Le taux de résistance acquise le plus élevé d’Escherichia coli a été observé avec l’ampicilline (70 %). Cette étude sans précédent à Guelma a permis d’avoir une idée sur les taux de résistance aux antibiotiques des principales bactéries impliquées dans les infections urinaires, d’où l’importance d’une action de sensibilisation au bon usage des antibiotiques couplée à une surveillance afin de maîtriser la diffusion de ces résistances. Mots clés : antibiorésistance, infection urinaire Abstract. Urinary tract infections are a real public health problem. They are a frequent reason for consultation as they entail a significant and sometimes inappropriate prescription of antibiotics. This is a retrospective study which involved 1,334 patients between October 2007 and February 2011. Enterobacteriaceae accounted for 85% of isolated bacteria, predominantly Escherichia coli (60%). Gram-positive bacteria account for only 11%. The highest rate of acquired resistance of Escherichia coli was observed with ampicillin (70%). This study give an idea on the rates of antibiotic resistance of the main bacteria involved in urinary tract infections and illustrate the importance of the proper use of antibiotics coupled to surveillance in order to control the spread of these resistances. Article reçu le 26 mars 2012, accepté le 30 mai 2012 Key words: antimicrobial resistance, urinary tract infection Tirés à part : A.A. Bentroki 666 la ville de Guelma dans l’Est algérien, tant sur le plan de la fréquence des germes isolés que sur celui de la sensibilité de ces derniers à différents antibiotiques. L’intérêt de cette étude, sans précédent à Guelma, est qu’elle pourra servir de base de réflexion pour l’optimisation du traitement empirique des IUC dans cette région. Matériel et méthodes Ce travail a été réalisé au niveau du laboratoire de bactériologie de l’hôpital Ibn Zohr de Guelma. Ont fait l’objet Pour citer cet article : Bentroki AA, Gouri A, Yakhlef A, Touaref A, Gueroudj A, Bensouilah T. Résistance aux antibiotiques de souches isolées d’infections urinaires communautaires entre 2007 et 2011 à Guelma (Algérie). Ann Biol Clin 2012 ; 70(6) : 666-8 doi:10.1684/abc.2012.0760 doi:10.1684/abc.2012.0760 Les infections urinaires constituent un véritable problème de santé publique. Elles représentent un motif fréquent de consultation, car elles entraînent une prescription importante et parfois inappropriée d’antibiotiques. Cette forte consommation d’antibiotiques favorise l’émergence de souches bactériennes résistantes, ce qui justifie une surveillance régionale périodique de l’efficacité de ces médicaments [1, 2]. À ce titre, nous avons entrepris une étude du profil des infections urinaires communautaires (IUC) dans Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Résistance aux antibiotiques et infections urinaires en Algérie de cette étude 1 334 souches différentes colligées entre décembre 2008 et novembre 2011, isolées chez des patients externes non hospitalisés, et souffrant pour la plupart d’IUC. L’uroculture a été interprétée suivant les recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) à la lumière de la symptomatologie et du contexte clinique [3]. L’antibiogramme a été réalisé selon la technique de référence de diffusion en milieu gélosé Mueller-Hinton (Institut Pasteur d’Algérie) selon les recommandations du CLSI (Clinical laboratory standards institute). Les souches de références : Escherichia coli ATCC 25922 et Staphylococcus aureus ATCC 25923 ont été utilisées périodiquement comme contrôle interne de qualité. L’analyse statistique des résultats a été faite sur le Whonet 5.4® . Résultats Quatre-vingt-cinq pour cent (85 %) des IUC ont été enregistrées chez des patients de sexe féminin, 75 % sont des adultes. Parmi les 1 334 bactéries isolées, les entérobactéries représentent 85 %, avec prédominance d’Escherichia coli (60 %) suivi de Klebsiella spp (12 %), et Proteus mirabilis (5 %). Les bactéries à Gram positif ne représentent que 11 % (tableau 1). Escherichia coli Le taux de résistance acquise le plus élevé a été observé avec l’ampicilline (75 %) et l’association amoxicilline-acide clavulanique (46 %), ainsi que le cotrimoxazole (50 %). Il a atteint 30 % vis-à-vis de la céfazoline et l’acide nalidixique, 10 % à la gentamicine, 18 % à la ciprofloxacine et enfin 5 % vis-à-vis du céfotaxime. Le plus faible taux de résistance a été obtenu avec l’amikacine et l’imipénème, respectivement 4 % et 0 % (tableau 2). Klebsiella pneumoniae Quarante-cinq pour cent (45 %) des souches étaient résistantes à l’association amoxicilline-acide clavulanique, 40 % au cotrimoxazole et à la céfazoline, 27 % à la ciprofloxacine, et 15 % à la gentamicine et au céfotaxime. Proteus mirabilis Les taux de résistance sont relativement moins élevés avec 60 % à l’ampicilline, 45 % au cotrimoxazole, 30 % à l’amoxicilline-acide clavulanique, 9 % à la ciprofloxacine et enfin 5 % au céfotaxime. Bactéries à Gram positif Pour Staphylococcus aureus, on a noté une résistance de l’ordre de 20 % à l’oxacilline, et 4 % à la gentamicine. Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 6, novembre-décembre 2012 Autres Pour les Pseudomonas, on a noté 20 % de résistance à l’imipénème et 44 % à la tobramycine. Enfin, il importe de signaler que 25 % des entérocoques isolés sont résistants à l’amoxicilline. Discussion Notre étude confirme que les femmes sont plus à risque de développer une infection urinaire en raison de facteurs favorisants spécifiques (urètre court, grossesse. . .). E. coli reste l’espèce prédominante comme l’ont démontré de nombreuses études [4-7]. Cette espèce a acquis des résistances touchant plusieurs classes d’antibiotiques, particulièrement les bêtalactamines dont l’ampicilline et l’amoxicilline (75 %) ; ce taux concorde bien avec les résultats obtenus par le réseau national de surveillance de la résistance aux antibiotiques (RNSRA) (70 %), mais reste nettement supérieur à ceux retrouvés au Maroc ou encore en Tunisie (61 et 65 % respectivement) [4-6], ce qui nous amène à suggérer d’exclure définitivement le recours à ces molécules dans le traitement empirique des infections urinaires chroniques (IUC), notamment dans notre région. Le sulfaméthoxazole-triméthoprime, un antibiotique majeur dans le traitement des IUC, n’est actif que sur la moitié des souches d’E. coli isolées, ce taux de résistance reste très significatif par rapport aux taux retrouvés en France ou encore au Maroc [4, 5]. Cette fréquence de résistance pourrait être expliquée par un recours excessif à cet antibiotique dans le traitement des infections digestives et respiratoires. En revanche, les céphalosporines de troisième génération (C3G) restent très actives sur E. coli, avec un pourcentage de résistance qui concorde avec celui du RNSRA ainsi que de nombreux pays voisins, ce qui n’est pas le cas des céphalosporines de première génération (C1G) 30 % pour E. coli. Ce taux a atteint 13 % à Ain M’lila dans l’Est algérien et Tableau 1. Répartition des souches responsables d’infections urinaires. Bactérie Escherichia coli Klebsiella spp. Proteus mirabilis Staphylococcus spp. Pseudomonas aeruginosa Enterococcus faecalis Autres Nombre (%) 786 (60) 160 (12) 70 (5,3) 102 (7,6) 32 (2,4) 21 (1,6) 163 (9,1) 667 Article original Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Tableau 2. Profil de résistance aux antibiotiques des isolats (%). * Escherichia coli Klebsiella spp. Proteus mirabilis Ampicilline Amoxicillineacide clavulanique Céfazoline Céfotaxime Imipénème Gentamicine Amikacine Acide nalidixique Ciprofloxacine Cotrimoxazole Tobramycine 75 45 100 42 60 35 Enterococcus faecalis 25 NT Pseudomonas aeruginosa NT NT 30 5 0 10 4 30 18 50 13 35 12 0 14 4.5 40 22,5 42 14 48 7.5 0 20 9 9 45 13 NT NT NT NT NT NT NT 20 NT NT NT 20 55 3.5 NT 59 NT 44 Furanes 18 28 100* 0 NT résistance naturelle ; NT : non testé. 27 % à l’échelle nationale. Ainsi notre étude confirme la tendance à la hausse de la résistance aux C1G [4, 6]. Aucune résistance à l’imipénème n’a été détectée. Les carbapénèmes demeurent de ce fait les molécules les plus actives. Les taux de résistance aux fluoroquinolones restent proches des taux nationaux, mais nettement supérieurs à ceux des pays du pourtour méditerranéen [5-7]. Par ailleurs, les bactéries à Gram positif, bien que moins fréquentes, restent dans notre étude très sensibles aux antibiotiques actifs, avec cependant un taux de résistance de 25 % à l’ampicilline pour E. faecalis qui est l’antibiotique de choix. Conclusion L’intérêt de notre étude, sans précédent à Guelma, nous a permis d’avoir une idée sur le taux de résistance aux antibiotiques des principales bactéries impliquées dans les infections urinaires communautaires. Il importe de signaler que malgré l’origine communautaire de la majorité des souches isolées dans cette étude, les taux de résistance ont atteint un niveau alarmant pour les antibiotiques dits « urinaires » à l’exception des C3G et des aminosides. Il serait donc important d’entreprendre une action de sensibilisation au bon usage de ces médicaments et, pourquoi pas, émettre des recommandations nationales pour le traitement des infections urinaires afin de standardiser les régimes thérapeutiques et par conséquent maîtriser la diffusion de la 668 résistance aux antibiotiques, qui est un des enjeux majeurs du nouveau millénaire. Conflits d’intérêts : aucun. Références 1. Pitout JD, Nordmann P, Laupland K, Poirel L. Emergence of Enterobacteriaceae producing extended spectrum betalactamases (ESBL) in the community. J Antimicrob Chemother 2005 ; 56 : 52-9. 2. McCaig LF, Besser RE, Hughes JM. Antimicrobial drug prescriptions in ambulatory care settings, United states, 1992-2000. Emerg Infect Dis 2003 ; 9 : 432-7. 3. Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Recommandation de bonne pratique. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires bactériennes communautaires chez l’adulte. 2008. http://afssaps.sante.fr/pdf/5/rbp/reco-antibiothérapie-infectionsurinaires-adulte.pdf.(28 décembre 2008). 4. Bouzenoune F, Boudersa F, Bensaad A, Harkat F, Siad N. Les infections urinaires à Ain M’lila (Algérie). Résistance aux antibiotiques des 239 isolées entre 2006 et 2007. Med Mal Infect 2009 ; 39 : 142-3. 5. Nadmi H, Elotmani F, Talmi M, Zerouali K, Pierre-Gros-Claude JD. Profil de résistance aux antibiotiques des entérobactéries uropathogènes communautaires à El Jadida (Maroc). Med Mal Infect 2010 ; 40 : 303-5. 6. 11e rapport d’évaluation. Surveillance de la résistance des bactéries aux antibiotiques (janvier à décembre 2009). http://www.sante.dz/ aarn/documents/pdf/rapport11.pdf.(20 novembre 2011). 7. Boutiba I, Boubaker EN, Ghozzi R, Jouaihia W, Mahjoubi F, Thabet L, et al. Résistance bactérienne aux antibiotiques en Tunisie : données de 1999 à 2003. 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