Sém3 représentations de la maladie

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APPROCHE DES MODES DE REPRESENTATION DE LA MALADIE
02/01/2011
Philippe Binder
D’après les travaux de François LAPLANTINE (CN) et Dr Pascale FRANCK (B)
Au-delà de la requête d’un patient et de la réponse d’un médecin, leur rencontre est celle de deux modes (et mondes)
de représentations.
Si le médecin désire être à l’aise dans la rencontre, il est nécessaire qu’il ait conscience de ses propres
représentations et capital qu’il appréhende celles du ou des patients qui le sollicitent.
Si ces représentations ne sont pas appelées à être forcément congruentes, on peut penser que la rencontre a tout à
gagner qu’elles se reconnaissent.
Pour aborder les différents modes de représentation de la maladie, la clarté nécessite d’être schématique donc un
peu excessif. Ces propositions marquent essentiellement des pôles de représentations qui varient selon les
personnes et les cultures et parfois se combinent entre elles. Les représentations sont marquées essentiellement en
ce qui concerne l’étiologie et la thérapeutique. On distingue 8 modèles étiologiques et 8 modèles thérapeutiques qui
s’opposent deux à deux.
Modèles étiologiques:
– Ontologique (ou descriptif) et fonctionnel (ou relationnel)
– Exogène et endogène
– Additif et soustractif
– Maléfique et bénéfique
Modèles thérapeutiques
– Allopathique et Homéopathique
– Additif et soustractif
– Excitatif et Sédatif
– Exorcistique et adorcistique
Nous illustrons les différentes représentations et décisions qui en découlent à partir du cas clinique suivant :
« une mère, consulte avec son fils de 11 ans pour un certificat de non contre indication à la pratique du sport
(natation). L’interrogatoire et l’examen de l’enfant montre un poumon asthmatique qui est traité de façon trop
irrégulière, à la demande.
Le fils veut prendre des médicaments uniquement lors des crises et le plus discrètement possible car il est sujet de
temps en temps à des moqueries quand on voit ses médicaments et on chuchote quand il a des crises en cours de
sport. Lui, il voudrait être dispensé de sport « pour ne pas perdre la face » Taille normale mais en surpoids. IMC à 28.
Il n’a pas encore eu son rappel des vaccins de 11 ans . Il a son carnet de santé
La mère tendance écologiste, a une représentation de la maladie asthmatique comme étant d’origine psy et cherche
en vain des relations de cause à effet avec l’école, les enseignants, ses problèmes de couple. Elle accepte facilement
le traitement de crise mais s’interroge sur le traitement de fond et voudrait un traitement « naturel ». Elle résiste à un
traitement permanent. Elle pousse à ce qu’il fasse du sport parce qu’elle a vu sur Internet que c’était bon même pour
les asthmatiques et puis ça le « fortifiera ». Voudrait qu’il voie un psy d’enfant.
Elle ne fume pas. Ses grossesses ont été difficiles, Un oncle dépressif est décédé d’un problème pulmonaire de type
asthmatique. Elle est donc inquiète.
Le mari fume ½ paquet par jour, mais pas dans la ma ison, fait de la natation, il est suivi de façon itérative pour un
début de SPA.
Ils ont vu un homéopathe, sans résultats mais pas vu de pneumologue. Les EFR n’ont pas été faites.
MODELES ETIOLOGIQUE S
– Ontologique (ou descriptif) et fonctionnel (ou relationnel)
Le modèle ontologique ou descriptif observe, classe et répertorie des entités, les effets et les causes. (c’est le modèle
dominant surtout en milieu hospitalier) Il s’oppose au modèle fonctionnel ou relationnel qui interprète plutôt les
maladies comme un déséquilibre d’une personne avec son environnement.
Quand un patient a été opéré et traité d’un cancer localisé,
- la représentation ontologique est un retour à son équilibre originel. Le patient « a guérit »
- la représentation fonctionnelle décrit une expérience qui a modifié définitivement sa vie. Il « est marqué »
Quand un patient a cessé l’alcool depuis longtemps
-
la représentation ontologique indique qu’il peut reboire raisonnablement. Il n’est plus alcoolique
la représentation fonctionnelle recommande une abstinence définitive. Il est qu’un alcoolique abstinent.
ONTOLOGIQUE
Centré sur la maladie
Modèle dominant actuellement
Les maladies sont des altérations d’organe
FONCTIONNEL
Centré sur le malade
Modèle « alternatif »
La maladie est un déséquilibre de la personne
avec son environnement ou son histoire
Elles sont isolées et classées sur un modèle
botanique universel d’observation.
Ce sont les multiples spécialités médicales et
chirurgicales
La cause en est l’agent pathogène externe
Homéostasie : retour à l’équilibre
Etude la plus objective des organes, physiologie
anatomopathologie. Elle est expérimentale
Trouble interne à une personne
Le fils pense que c’est son poumon qui est
malade.
Il pense que la médecine peut faire disparaître
complètement son trouble et devenir « comme
avant »
Elles sont classées par approches de
paradigmes fondateurs empiriques :
Humorales, homéopathie, anthroposophie,
psychanalyse
La cause en est la réaction de l’organisme
Allostasie : atteint un équilibre nouveau
Etude de la subjectivité de la personne dans son
contexte. Elle est empirique
Rupture d’avec la communauté
Même si elle ne néglige pas le rôle des acariens,
elle pense que son fils a une hyperréactivité
bronchique au stress et qu’il faudra qu’il s’adapte
à son asthme et à son environnement
– Exogène et endogène
Le modèle exogène situe la cause hors du sujet, qu’elle soit microbienne (BK), environnementale (pollution) ou
culturelle (sort) , le sujet est donc victime.
Le modèle endogène situe la cause dans le sujet lui-même (gènes, immunité, psychologie). Le sujet porte donc une
partie de responsabilité voire de culpabilité.
Ce sont des modèles qui ne s’excluent pas forcément, ils sont même présentés souvent comme complémentaires.
Mais il reste des débats non résolu encore comme sur l’origine de la dépression ou de certains cancers.
EXOGENE
causalité externe réelle ou symbolique
L’environnement est responsable
Le microbe, le climat, pollution, le sort, les astres
Emprise de la Société/culture/Sorcier
Le fils pense :
C’est le sport ou les acariens qui déclenchent les
crises
ENDOGENE
causalité interne, désordre intérieur au sujet
L’individu est responsable :
génétique, immunité, psychologie, constitution
Culpabilité
La mère pense : il fait des crises quand il est
contrarié, d’ailleurs untel était déjà asthmatique
dans la famille
– Additif et soustractif
Le modèle additif vit la maladie comme un problème en plus à gérer et appelle à enlever, ralentir. Il utilise plutôt le
verbe «avoir». J’ai un diabète, un handicap.
Le modèle soustractif vit la maladie plutôt comme une carence et appelle à ajouter ou stimuler. Le sujet utilise plutôt le
verbe «être». Je suis diabétique, handicapé.
La situation des représentations est particulièrement utile ici à comprendre pour approcher le handicap. Certains
pensent que le sujet est diminué par son handicap car il lui manque quelque chose. D’autres pensent qu’il a une
expérience en plus : la nécessité de s’adapter à un problème en plus.
ADDITIF
La maladie est une chose en plus et invasive
« J’ai » un handicap
J’ai la fièvre, une tumeur,
Sortilège, hystérie, burn-out
Plutôt de tradition judéo-chrétienne
La mère pense qu’il a une gène en plus, une
hyper réactivité bronchique majorée par une
sensibilité excessive
SOUSTRACTIF
La maladie est une chose en moins, une carence
« je suis sans » amputé de
Je suis sans défense, fatigué, je perds la
mémoire,
Perd la raison, dépression
Plutôt de tradition islamique
Le fils, lui ressent une capacité respiratoire
limitée. Une diminution de ses possibilités. Il
craint l’effort.
– Maléfique et bénéfique
Dans le modèle maléfique, proche du modèle exorcistique, l’étiologie est une force négative, nocive, et absurde à
éliminer
Dans le modèle bénéfique, proche du modèle adorcistique, l’étiologie est lié à un sens qu’il s’agit d’identifier et une
occasion pour rebondir et maitriser.
MALEFIQUE exorcistique
La maladie est toujours nocive,
Les épreuves altèrent dévaluent
Scandale, pas de sens
Le symptôme est inutile et absurde
honteuse
Emprisonne par limitation
A éviter, à combattre
Guérison = homéostasie
Le fils se sent inférieur dans ses capacités et le
regard des autres. Les crises lui font honte. Il
craint ne pouvoir assurer en toutes
circonstances.
Les parents vont tout faire pour combattre cette
maladie qui perturbe leur enfant et leur relation
BENEFIQUE : adorcistique
La maladie est une expérience positive
Les épreuves endurcissent, font grandir
Prend du sens, c’est une occasion de salut
Le symptôme est signifiant d’un problème plus
profond
Gratifiante, attire l’attention, bénéfice
secondaires
Libère par fixation sur l’essentiel
A comprendre, composer avec
Guérison =allostasie
…Mais il a remarqué que ses crises à la maison
lui apportent beaucoup de sollicitudes de la part
de ses parents
…mais tentent de montrer l’intérêt de surmonter
ses difficultés par le sport. Ils valorisent les
efforts réalisés et les progrès effectués.
MODELES THERAPEUTIQUES
– Allopathique et Homéopathique
Le mode thérapeutique allopathique est le plus courant, il domine la pratique hospitalière occidentale, il correspond
plutôt au modèle étiologique, ontologique, exogène et additif.
Le mode homéopathique (à ne pas confondre avec l’homéopathie) correspond davantage aux modèles étiologiques
fonctionnel, relationnel, endogène et soustractif
ALLOPATIQUE
Détruire la cause externe
Juguler les symptômes
Thérapie frontales- Chimiothérapie
Antiallergiques
Effets secondaires=inévitables
Preuves Scientifique mesurées
TCC thérapies cognitivo-comportementales
Le fils veut voir un pneumologue qui lui donnera
un médicament spécifique même quotidien pour
empêcher les crises
HOMEOPATHIQUE
Renforcer l’interne
Aider la nature à s’adapter
Vacciner
Désensibiliser
Effets secondaires = le problème
Témoignages recueillies
Psychanalyse
La mère souhaite une consultation psy pour une
exploration psychologique, relationnelle et
contextuelle
– Additif et soustractif
Ils sont les conséquences logiques des représentations additives et soustractives. Ce sont des modes thérapeutiques
souvent complémentaire et ne s’excluant pas. Ainsi on peut mettre à la diète tout en apportant des médicaments.
SOUSTRACTIF
ADDITIF
Apporter
Médicaments
nourriture
Éliminer,
Saignée
Diète /vomir
Fortifiant/Vitamines
Greffes
Le fils souhaite tout de suite un traitement
puissant et efficace rapidement. Il apprécie le
Salbutamol qu’il a déjà essayé.
Usage des pets, des rots
Ablations
La mère privilégie des solutions de détente tout
en pensant qu’il faudra aussi essayer d’éliminer
les acariens et les situations déclenchantes.
– Excitatif et Sédatif
Comme dans les représentations précédentes, ces modèles peuvent être complémentaires. Cependant les
différences d’appréciation sont à l’origine d’avis actuellement divergents: dans l’entorse de cheville, le chirurgien
orthopédique prescrit une botte plâtrée de 45 jours tandis que le rééducateur s’y oppose : attelle solide avec début
précoce de rééducation. De la même manière le mouvement des malentendants s’oppose au dépistage de la surdité
et développement des prothèses auditives précoces chez les enfants en demandant au contraire des moyens pour la
diffusion du langage des signes.
EXCITATIF
toniques
fortifiants
antidépresseurs
Bio énergie
rééducation
antiallergiques
Langage des signes
Sur un plan « excitatif » on propose une
désensibilisation, un apprentissage à la gestion
des crises, une évaluation du retentissement
psychologique.
SEDATIF
Freinateurs
Calmants
sédatifs
Cure de repos
Chirurgie
désensibilisation
Prothèse auditive
Sur un plan « sédatif « on prescrira l’inhalateur
interrompant les crises et un médicament
quotidien anti allergique.
– Exorcistique et adorcistique
Le modèle exorcistique donne priorité thérapeutique à une démarche active du thérapeute ayant pour but l'élimination
du problème considéré comme un mal en soi. Le thérapeute décide et exécute .Il « traite » le problème à la façon
d’un militaire qui «traite» un objectif . Etymologiquement « Traiter » vient de tirer activement . Traduit par : « the
cure » en anglais
Dans l'adorcisme la fonction thérapeutique est dévolue au malade, lui-même considéré comme l'agent principal de la
cure alors que le thérapeute est plutôt un passeur, un facilitateur. Etymologiquement « soigner » vient de Soin:
« besogne, empêchement juridique ». C’est çà dire suppléer à un problème. Traduit par : « the care » en anglais.
EXORCISTIQUE
C’est un combattant engagé dans une guerre
Il ordonne
Il extrait le mal par chirurgie
Le thérapeute « traite »
Il donne un programme thérapeutique
Il donne des explications utiles
Il fait le meilleur choix
Après avoir expliqué la physiopathologie de
l’asthme d’effort, le médecin ordonne une
consultation spécialisée, des EFR, et prescrit le
traitement au long cours
ADORCISTIQUE
C’est un assistant du malade
Il propose
Il aide à intégrer cette nouvelle dimension
Le thérapeute « soigne »
Il élabore avec le patient un projet de santé
Il échange sur l’éducation thérapeutique
Il augmente les choix possibles
Le médecin propose de s’entretenir avec la mère
pour explorer les situations de survenue, puis
avec le fils pour mieux comprendre ses
représentations hors la présence de la mère. Il
fait diverses propositions d’améliorations
possibles selon les circonstances.
« Ta manière de penser s’orientera d’après la nature des objets que tu représentes le plus souvent car
c’est des représentations que l’âme prends sa couleur »
Marc Aurèle
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