Angba Martin Amon Mondialisation et crise identitaire au prisme du marxisme 2 2 Résumé La mondialisation réalise la prophétie marxienne de l’expansion du capitalisme. Le perfectionnement de la technologie accélère l’universalisation, l’uniformisation et surtout l’unification de l’économie, la politique et la culture. Les antagonismes ethnologiques, économiques et culturels qu’elle génère sont souvent étouffés dans la violence. Cette expansion du capital marque une nouvelle ère de domination dont le principe directeur est la maximisation du profit au-delà des zones de production. Le libre échange qui se traduit par la course effrénée des ressources nécessaires à l’industrialisation, est devenu le paradigme économique universel à partir duquel l’IDH (indicateur de développement humain composé de l’espérance de vie à la naissance, du niveau d’éducation (taux d’alphabétisation et taux de scolarisation) et du PIB réel par habitant en parité de pouvoir d’achat (PPA). L’IDH étant la moyenne de ces trois indicateurs (ramenés sur une échelle de 0 à1), 2 3 permettent d’évaluer le niveau de développement de chaque nation. La mondialisation a donc un effet potentiel sur les crises identitaires dans la mesure où les programmes d’ajustement structurels imposés aux pays pauvres déconstruisent la structure traditionnelle et communautaire de ces peuples. Les inégalités identitaires existaient certes, mais ces programmes ont contribué à accroître ces tensions ethniques car le découpage entre professions menacées et professions protégées correspondait à un découpage identitaire. Du coup, l’irrédentisme s’est développé dans les régions périphériques. Dans ces œuvres politiques et économiques, Marx anticipait sur les tendances avenir du capitalisme dominant et de toutes ses crises subséquentes à partir de la description de la réalité de son époque. Il analyse dans le capital avec pertinence que le capitalisme est poussé par sa nature à se développer mondialement. La domination du marché mondial était ainsi engagée, car la bourgeoisie à travers la mondialisation envahit le globe entier en faisant du monde un village planétaire où toutes les choses se déterminent et s’articulent autour du capital. Avec la mondialisation, « une baisse brutale des « capacités », ou leur maintien prolongé ou à un niveau bas, tend à générer des tensions sociales et à accentuer les clivages identitaires, notamment lorsque les inégalités sont importantes ; et que l’éventualité d’une amélioration sensible à long terme est rarement suffisante pour empêcher le développement de ces 42 tensions »1. Elle permet donc une analyse synthétique et transdisciplinaire des causes des tensions ethniques en Afrique et dans le monde, incluant une étude des programmes d’ajustement structurel, montrant que ces programmes « déconstruisent » aussi bien les États africains que les États européens. On peut, de là retenir en substance que, les programme d’ajustement des IFI (institutions financières internationales) fragilisent les États et permettent aux tensions ethniques et aux clivages identitaires de s’exprimer. Au cours de la décennie précédente, le financement des achats d’armes en particuliers fut principalement réalisé par le recours à l’emprunt international. Cette situation économique des pays de la périphérie fut exacerbée avec la mondialisation qui voit une explosion de la dette de la plupart de ces pays contraints de faire appel aux IFI, qui conditionnent leurs prêts à l’application de programmes d’ajustement structurel. Ainsi, les inégalités et les clivages identitaires endogènes, vont s’accroître car les fonctions les plus nobles, sont exercées par l’ethnie dominante. Aujourd’hui, les leaders politiques se dissimulent derrière l’ethnie qu’ils instrumentalisent montrant ainsi leur incapacité de bien gérer, une bonne gouvernance capable de trouver des solutions idoines aux difficultés économico-sociales de leurs 1 KAUFFMANN, MAYEUL, Gouvernance économique mondiale et conflits armés, Banque mondiale, FMI et GATT-OMC, Paris, L’Harmattan, 2006, p.205. 2 5 peuples respectifs. L’analyse de la mondialisation esquissée par Marx se légitime dans ces crises identitaires, financières et politiques actuelles de l’économie. Mais dans le processus d’uniformisation des comportements et des représentations de la mondialisation, se pose désormais la question identitaire aussi bien pour l’individu que pour les peuples respectifs. Mots clés Capital – Identité – Exploitation – Marché – Production – Pauvreté – violence 62 Abstract Marx foresaw the acceleration of globalization. Development of technology accelerates the universalization, standardization and especially the unification of economics, politics and culture. Antagonisms ethnological, economic and cultural it generates are often smothered in violence. This capital expansion marks a new era of domination whose guiding principle is the maximization of profit beyond the production zones. Free trade which results in the rat race of resources for industrialization, has become the universal economic paradigm from which the HDI (human development index composed of life expectancy at birth, the level of education (literacy and enrollment rates) and real GDP per capita in purchasing power parity (PPP). The HDI is the average of these three indicators (brought on a scale from 0 to1), allow assess the development of each nation level. Globalization therefore has a potential 2 7 effect on identity crises in that the structural adjustment programs imposed on poor countries deconstruct traditional and community structure of these peoples. Identity inequality certainly exist but these programs have contributed to increasing ethnic tensions as cutting between threatened and protected professions corresponded to an identity-cutting. So irredentism has developed in peripheral regions. In these political and economic works, Marx anticipated the future of capitalism dominant trends and all its subsequent attacks from the description of the reality of his time. It analyzes in the capital pertinently that capitalism is driven by nature to grow globally. The domination of the world market was thus engaged, as the bourgeoisie through globalization invades the entire globe by making the world a global village where all things are determined and are built around the capital. With globalization, “a sharp drop in” capacity “or extended maintenance or low, tends to generate social tensions and accentuate the identity cleavages, especially when inequalities are important ; and the possibility of a long-term significant improvement is rarely sufficient to prevent the development of these tensions.” It therefore allows a comprehensive and interdisciplinary analysis of the causes of ethnic tensions in Africa and the world, including a study of structural adjustment programs, showing that these programs “deconstruct” African states as well as European states. We can, hence retain 82 essentially that the adjustment program of the IFIs (international financial institutions) weaken the states and allow ethnic tensions and identity cleavages to express themselves. During the past decade, funding for arms purchases in particular was mainly achieved by the use of international borrowing. The economic situation of the peripheral countries was exacerbated with globalization that sees an explosion of debt in most of these countries forced to call on the IFIs, which condition their loans to the implementation of structural adjustment programs. Thus, inequality and endogenous identity cleavages will increase as the noblest functions are exercised by the dominant ethnic group. Today, political leaders hide behind ethnicity they orchestrate showing their inability to manage well, good governance able to find appropriate solutions to the economic and social difficulties of their respective peoples. The analysis of globalization outlined by Marx in these legitimate identity crises, fiscal and political economy. But in the process of standardization of behaviors and representations of globalization, now raises the question of identity for both the individual and the respective peoples. Keywords Capital – Identity-Operating Production – Poverty – violence 2 – Market – 9 10 2 « À l’ère de la mondialisation du marché et du capitalisme qui commence en 1989, c’est un autre Marx qui prend une place grandissante dans mon esprit. Elle avait été non oubliée, mais occultée à l’époque où le colonialisme européen se désintégrait et où le totalitarisme dit communiste me semblait devenu le danger principal pour l’humanité. C’est Marx penseur de la mondialisation »2. 2 MORIN, Edgar, Pour et contre Marx, Paris, Temps Présents, 2010, p.13. 2 11 12 2 Introduction La critique sociale amorcée par Marx, met en relief la politique et l’économie comme deux catégories consubstantielles à la vie de toute société humaine. L’ancrage économique est la catégorie permettant d’appréhender le mieux l’évolution de la société. En prophétisant ainsi l’expansion du capital depuis 1848, Marx a montré que le monde sera envahit par l’universalisation du capital qui, dans sa logique totalitaire et son développement, va phagocyter tout sur son chemin en imposant de gré ou de force une pensée unique et uniforme à tous les peuples. Certes son rayonnement cosmopolite fut inévitable, car le progrès du capital a bouleversé l’existence humaine dans le sens d’une amélioration qualitative et quantitative la condition de vie, mais en réalité elle a rendu encore l’homme plus aliéné et assujetti. L’application des programmes d’ajustement structurel produisit une forte détérioration des conditions sociales. Les représentants de l’ethnie 2 13