Partie 1 Introduction aux lasers et applications Dans cette partie, on évoque la science des lasers de façon heuristique et de manière qualitative. Dans le chapitre 1.1, la jeune histoire des lasers et le développement commercial tardif, mais inattendu et rapide, des systèmes laser et de leurs innombrables applications constituent une entrée en matière judicieuse : le laser ne résulte pas d’un miracle, sa découverte est la conséquence des nombreuses recherches fondamentales qui l’ont précédée. Si ses applications dans le domaine de la production industrielle et de l’activité économique n’ont vraiment décollé qu’une quinzaine d’années après sa découverte, c’est qu’il a fallu entreprendre au préalable de nombreuses études de longue haleine dans les laboratoires de recherche et développement pour valider cet outil. Dans le chap. 1.2, on définit les grandeurs énergétiques et les processus de conversion d’énergie utiles dans la physique du laser. Par des considérations physiques simples, on déduit les équations fondamentales du fonctionnement du laser, ainsi que les résultats lorsque le laser fonctionne en continu. Des notions aussi importantes que le "seuil" d’oscillation et la "saturation" de la transition sont introduites par des arguments simples de nature physique. Le chap. 1.3 est consacré au comportement de la lumière dans les résonateurs, le chap. 1.4 met en évidence l’originalité des propriétés de la lumière des faisceaux laser comparée à la lumière délivrée par des sources classiques. Une sélection des principaux lasers est présentée dans le chap. 1.5 en fonction de leur importance industrielle, commerciale et scientifique. On décrit les propriétés des milieux amplificateurs, les caractéristiques des lasers et leurs principales applications. La présentation résulte de choix didactiques et n’est donc pas uniforme pour chacun des lasers. 1.1 INTRODUCTION 1.1.1 Historique Le "laser" optique ("Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation") fête son cinquantenaire en 2010 après un développement exponentiel des systèmes laser et de leurs applications maintenant innombrables. Curieusement, le mot "laser" apparaît dans un texte latin de Pline l'Ancien (23-79 ap. J.-C.) tiré de sa Naturalis Historia, XXII, 49 : "Le laser est l'un des présents les plus miraculeux de la nature, et il se prête à une grande diversité d'applications" ; il s'agissait d'une plante ombellifère rare appelée aussi "silphium de Cyrénaïque" que l'on trouvait en Lybie (Cyrène), qui était utilisée comme plante aromatique pour la cuisine et qui avait la réputation de guérir de maladies diverses et de servir d'antidote de poisons et de venins. Cette plante a malheureusement disparu vers le Vème siècle. En 1898, H. G. Wells donne dans son livre La guerre des mondes (chap. VI, Le rayon ardent sur la route de Chobham) une anticipation étonnante d'une arme martienne meurtrière que l'on pourrait maintenant identifier à un laser moléculaire de très forte puissance fonctionnant dans l'infrarouge, comme le laser à dioxyde de carbone CO2. 2 Partie 1 On donne ci-dessous les principaux repères chronologiques dans le développement des systèmes laser actuels dont on précise la longueur d’onde λ de fonctionnement. 1897 : interféromètre Fabry-Perot (R. Boulouch, C. Fabry, A. Perot). 1916 : introduction de la notion de photons et de l'émission stimulée, explication de la loi de Planck (A. Einstein). 1949 : pompage optique et inversion de population (A. Kastler [figure 1.1] et J. Brossel). Après 1950 : propositions de dispositifs maser (A. L. Schawlow et C. H. Townes [fig. 1.2], N. G. Basov et A. M. Prokhorov). 1954 : 1er maser à ammoniac NH3 (λ = 1,25 cm, J. P. Gordon, H. J. Zeiger, C. H. Townes). 1955 : sigle "MASER", acronyme introduit par J. P. Gordon et al, Phys. Rev. 99 (1955) 1264 pour "Microwave Amplification by Stimulated Emission of Radiation". 1956-59 : propositions de masers optiques de type Fabry-Perot (N. Bloembergen, A. L. Schawlow, C. H. Townes). 1959 : sigle "LASER", acronyme introduit par Gordon R. Gould. 1960 (16 mai) : premier faisceau laser observé dans le rubis Cr3+:Al2O3 (λ = 694,3 nm, T. H. Maiman [fig. 1.2] et al) ; 1er laser à uranium (P. P. Sorokin et al). Fin 1960 : 1er laser hélium-néon infrarouge continu (He-Ne IR, λ = 1,15 μm, A. Javan et al). Fig. 1.1. Alfred Kastler (1902-84), professeur à l'ENS d'Ulm, prix Nobel en 1966 pour la découverte et le développement de méthodes optiques dans le but d'étudier les résonances hertziennes atomiques. 1961 : laser hélium-néon rouge continu (λ = 633 nm, A. Javan et al) ; premier doublage de fréquence d’un laser à rubis dans un cristal de quartz, naissance de l'optique non linéaire (P. A. Franken et al) ; théorie des résonateurs optiques (A. G. Fox et T. Li). Fig. 1.2. À gauche, Arthur L. Schawlow (1921-99), professeur à l'université de Stanford, prix Nobel en 1981 pour le développement de la spectroscopie laser. Au centre, Charles H. Townes (1915-), physicien au Bell labs, prix Nobel en 1964 pour sa contribution à l'invention des lasers. À droite, Théodore H. Maiman (1927-2007) du Hughes Research Laboratory, inventeur du premier laser dont il montre le résonateur avec le cristal de rubis et le flash. 1962 : 1er laser IR à semi-conducteur à impulsions (R. Hall) ; impulsions déclenchées géantes, Q-switching, (F. J. McClung et R. W. Hellwarth) ; laser solide continu (L. F. Johnson et al). 1963 : 1er laser ionique à mercure (E. Bell) ; synchronisation de modes. 1964 : 1er laser à dioxyde de carbone CO2 (λ ≈ 10 μm, K. N. Patel) ; 1er laser à argon ionisé (λ = 488 nm, 515 nm, W. Bridges) ; 1er laser Nd3+:YAG (λ = 1,064 μm, J. E. Geusic et al). Partie 1 3 1965 : 1er laser chimique HCl à impulsions (G. Pimentel) ; propagation des ondes dans un milieu non linéaire (N. Bloembergen). 1966 : 1er laser à vapeurs métalliques (Zn/Cd, W. Silfvast et al) ; 1er laser à colorant à impulsions rouge, orange, jaune (P. P. Sorokin et al). 1970 : 1er laser ultraviolet (UV) à excimères de xénon (N. Basov et al). 1971 : 1er laser à colorant fonctionnant en continu (S. A. Succio). 1974 : 1er laser UV à excimères d'halogénures de gaz rares (J. J. Ewing et al). 1975 : 1er laser continu semi-conducteur GaAs à puits quantique (J. van der Ziel et al). 1977 : 1er laser à électrons libres (M. J. Madey et al) ; 1er laser chimique iode oxygène (W. E. McDermott et al). 1984 : 1er laser à rayons X avec un plasma (D. Matthews et al.). 1986 : 1er laser continu titane-saphir (P Moulton et al). 1991 : 1er laser bleu-vert continu à semi-conducteur ZnSe (M. Hasse et al). 1993 : Laser titane-saphir "femtosecondes" (10 fs). 1994 : Laser à cascade quantique (F. Capasso et al). 1996 : 1er laser bleu continu à GaN (S. Nakamura et al). 1997 : 1er laser visible pulsé pétawatt (1015 W). 2001 : 1ères impulsions isolées de rayons X "attoseconde" de durée 650 as (F. Krausz et al). Prix Nobel "Lasers et optique non linéaire" : A. Einstein (1921) ; C. H. Townes, N. G. Basov, A. M. Prokhorov (1964) ; A. Kastler (1966) ; N. Bloembergen, L. Schawlow (1981). Prix Nobel "Interaction lasers-matière" : C. Cohen-Tannoudji, S. Chu, W. Phillips (1997) ; A. H. Zewail (chimie 1999) ; Z. I. Alferov, H. Kroemer (2000) ; E. A. Cornell, W. Ketterle, C. E. Wieman (2001) ; J. L. Hall, T. W. Hänsch (2005). Depuis 1960, de nombreux lasers ont été mis au point chaque année. Actuellement, la recherche et le développement sont majoritairement axés sur les lasers "tout solides" (diodes laser, lasers à ions dopant des matrices cristallines ou amorphes). 1.1.2 Économie mondiale du laser (cf. "Laser Focus World", janvier-février 2008) L'étude du marché mondial des systèmes laser constitue un indicateur intéressant de la recherche et développement dans le secteur des lasers, de l'optique non linéaire et de l'optoélectronique. Les tableaux 1.1-3 illustrent les tendances actuelles de ce secteur. Revenus annuels mondiaux des lasers commerciaux 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Croissance 2003-2008 3,54 3,90 3,98 4,05 5,03 5,30 + 50 % Lasers diode (%) 63 59 59 56 55 55 + 31 % Autres lasers (%) 37 41 41 44 45 45 + 82 % Total en G€ Tableau 1.1. Évolution de 2003 à 2008 des revenus annuels mondiaux en milliards d'euros (G€) de vente de systèmes lasers et répartition en pourcentage de ces revenus entre lasers diode et lasers non diode. Les valeurs pour 2008 sont prévisionnelles. 4 Partie 1 Comme le montre le tableau 1.1, le montant total des revenus de vente de lasers dans le monde atteindrait 7,4 milliards de dollars US environ en 2008. Depuis la crise des télécommunications en 2001 qui a vu le marché des diodes laser s'effondrer, on assiste à une reprise lente de ce marché, ainsi qu'à un rééquilibrage entre les marchés des lasers diode et des autres lasers en raison de la croissance importante du secteur des lasers non diode. Bien entendu, ces évolutions sont directement liées au développement des applications. Revenus annuels mondiaux 2008 par application en M€/ croissance des revenus 2003-2008 (%) Lasers diode Autres lasers (non diode) 10 / stable 1670 / + 90 % Télécommunications optiques 1350 / + 100 % 0 Stockage optique de données 1200 / − 10 % 0 Applications médicales 50 / + 11 % 400 / + 70 % Pompage de lasers solides 140 / + 55 % <1 Recherche fondamentale < 5 / stable 130 / + 30 % Instrumentation, inspection, mesure, contrôle 50 / stable 80 / + 15 % Enregistrement d'images 30 / − 30 % 20 / − 35 % Divertissement et visualisation 5 / − 70 % 10 / + 20 % Autres applications 90 / + 60 % 70 / stable Traitement des matériaux Tableau 1.2. Répartition des revenus annuels mondiaux de 2008 en millions d'euros (M€) des systèmes lasers diode et non diode pour leurs principales applications. Dans certaines rubriques, on précise la variation en pourcentage approximative des revenus du secteur entre 2003 et 2008. Les applications sont classées par revenu global décroissant. Les valeurs pour 2008 sont prévisionnelles. Le tableau 1.2 présente la part des revenus des lasers diode et des autres lasers pour les applications actuellement dominantes. Le traitement des matériaux par laser ("materials processing") recouvre un vaste domaine industriel en plein essor : découpe, soudage, trempe, traitement de surface, micro-perçage, micro-usinage, gravure, marquage, fabrication de semiconducteur et de micro-électronique, etc. ; ces traitements sont essentiellement réalisés par des lasers IR à CO2, des lasers UV à excimères, des lasers solides pompés par lampe flash ou par diode (surtout Nd:YAG) et des lasers à fibre. Le stockage optique de données sur CD, DVD, ROM optique, etc., ("optical data storage") utilise des lasers diode dans le proche IR (750980 nm), dans le rouge et dans le bleu. Les télécommunications optiques par fibres, en plein développement, fonctionnent avec des lasers diode dans le domaine IR 980-1550 nm qui présente le minimum de danger pour les yeux des opérateurs ; certaines de ces diodes servent à pomper les amplificateurs à fibres optiques dans les transmissions à longue distance. Les applications médicales (imagerie, ophtalmologie, chirurgie, thérapeutique, cosmétique, dermatologie, aide aux aveugles, etc.) utilisent une grande variété de lasers selon les opérations réalisées : CO2, solides pompés par lampe flash ou par diode (surtout Nd:YAG), colorant, excimères, fibre, diode IR, etc. Le marché du pompage de lasers solides, florissant, est relatif au développement des systèmes du type laser titane-saphir pompé par un laser Nd:YAG doublé en fréquence, lui-même pompé par des diodes. Partie 1 5 L'instrumentation, l'inspection, la mesure et le contrôle dans tous les domaines sont actuellement réalisés au moyen de lasers He-Ne, de diodes laser visibles (code-barres, par exemple), de lasers ioniques et de lasers solides pompés par laser diode. Tous les types de lasers sont utilisés dans la recherche fondamentale, principalement les lasers solides pompés par lampe flash, laser et diode, les lasers à excimères et les lasers à fibres. L’enregistrement d'images ("image recording") correspond notamment aux imprimantes et scanneurs laser, télécopieurs et à tous les systèmes enregistreurs d’images ; il est obtenu à l'aide de lasers diode, de lasers à fibres et de lasers solides pompés par diode. Enfin les applications dans le divertissement et la visualisation ("entertainment and display" : spectacle, affichage d’informations, pointeurs laser, hologrammes de visualisation, vidéoprojecteur laser, etc.) requièrent surtout des lasers diode visibles et des lasers solides pompés par diode. Les autres applications correspondent surtout au secteur d’activité important qui combine les domaines aérospatial et militaire : aviation commerciale, armes laser, détection par laser, etc. Revenus annuels mondiaux des principaux lasers non diode commerciaux Type de laser CO2 solide pompé lampes (M€) 830 530 2008/ 2007 Exci- solide fibre ionique solide He-Ne colorant He-Cd mère pompé optique pompé diodes laser 430 275 230 24 22,5 12,1 + 6 % + 11 % + 4,3 % + 9 % + 16 % − 9 % − 1,6 % − 0,2 % 7,7 2,2 0% −9% Tableau 1.3. Répartition des revenus annuels mondiaux de 2008 en millions d'euros (M€) entre les différents types de lasers non diode les plus utilisés. On précise pour chaque rubrique la variation en pourcentage approximative des revenus du secteur entre 2007 et 2008. Les types de lasers sont classés par revenu décroissant. Les valeurs pour 2008 sont prévisionnelles. Le tableau 1.3 présente la part des revenus des lasers non diode et leur tendance d’une année sur l’autre. En raison de leurs applications respectives dans l’industrie, cinq types de lasers se partagent le gros du marché : i) Selon leur conception de construction, les lasers moléculaires à CO2 appartiennent aux catégories suivantes : laser à flux longitudinal lent (puissance de l’ordre de 50 W par mètre de longueur), lasers scellés sans circulation (∼ 60 W/m), lasers à guide d’onde capillaire (∼ 50 W/m), laser à flux longitudinal rapide (∼ 3 kW/m), laser compact refroidi par diffusion (∼ 2 kW), laser à flux transversal (TE CO2, ∼ 20 kW), laser excité transversalement à pression atmosphérique fonctionnant en impulsions (TEA CO2, puissance moyenne ∼ 300 W). ii) Les principaux lasers solides pompés par lampes sont les suivants : Nd:YAG, Nd:YLF, Nd:verre, Er:YAG, Cr:Al2O3 (rubis), Cr:BeAl2O4 (alexandrite) et Cr:LiSAF tous deux balayables en fréquence. iii) Les principaux lasers moléculaires à excimères sont les suivants : ArF (λ = 193 nm), KrF (λ = 248 nm), XeF (λ = 351 nm), XeCl (λ = 309 nm). iv) Les principaux lasers solides pompés par des lasers diode sont les suivants : Nd:YAG, Nd:YVO4, Nd:YLF, Yb:YAG, Er:YAG, Ti:Al2O3 (titane-saphir) et Cr:LiSAF tous deux balayables en fréquence. v) Les lasers à fibres sont constitués de fibres de silice ou de ZBLAN (fluorures de Zr, Ba, La, Al, Na) dopées avec des terres rares (Nd, Yb, Tm, Pr). 6 Partie 1 1.1.3 Qu'est-ce qu'un laser ? Le laser est un dispositif qui produit ou amplifie un rayonnement cohérent pour des longueurs d’onde situées dans les domaines infrarouge (IR), visible, ultraviolet (UV) du spectre électromagnétique. Les masers émettent sur le même principe dans le domaine hertzien. Dans ce manuel, on se limite aux lasers : ces dispositifs emploient, en effet, une variété extraordinaire de matériaux et de méthodes d’amplification, et ils ont donné le jour à d’innombrables applications réalisées ou potentielles. Au-delà de cette diversité, on peut distinguer pour un laser de base les quatre éléments fondamentaux schématisés dans la fig. 1.3, que l'on retrouve dans le premier laser à rubis construit par T. H. Maiman (cf. fig. 1.2 et fig. 1.4). i) Un milieu amplificateur constitué d’atomes, molécules, ions ou électrons localisés dans un gaz, un plasma, un liquide ou un solide, et dont le rôle est d'accroître la puissance d'une onde lorsqu'elle se propage dans ce milieu (cf. parties 3 et 6). ii) Un système d’excitation ou de "pompage" qui permet de créer les conditions d’une amplification du rayonnement électromagnétique, comme "l’inversion de population" par un pompage lumineux (cf. partie 4). iii) Un résonateur optique ou "cavité" qui crée les conditions d’une oscillation laser résonnante, par exemple les cavités linéaires Fabry-Perot ou en anneau (cf. partie 2). iv) Un couplage de sortie qui permet de sortir et d’utiliser une partie du rayonnement stocké dans la cavité, notamment par un miroir de sortie ou une lame séparatrice (cf. partie 5). Miroir totalement réfléchissant Oscillation résonnante Excitation-pompage Faisceau utile ↑ Milieu amplificateur ↑ Miroir de sortie partiellement réfléchissant Fig. 1.3. Schéma d'un système laser élémentaire montrant les éléments à la base de l'effet laser : entrée de l'énergie, amplification, interféromètre résonnant et sortie de l'énergie laser. Miroir Tube flash Miroir de sortie Faisceau laser Électrode de déclenchement Tube quartz Barreau rubis Fig. 1.4. À gauche, schéma et composants du premier laser à rubis construit par T. H. Maiman en 1960 au Hughes Laboratory à Malibu (Californie). À droite, photographie du laser en fonctionnement. Partie 1 7 A l’intérieur ou à l’extérieur du résonateur, on peut ajouter des éléments de sélection en longueur d'onde (filtre coloré, filtre interférentiel, filtre biréfringent de Lyot, prisme, réseau, interféromètre) pour adapter les propriétés spectrales du laser aux besoins de l’utilisateur (cf. partie 5), des commutateurs ou des modulateurs temporels pour créer des impulsions plus ou moins brèves (cf. partie 5), des milieux non linéaires capables de produire une conversion de fréquences par doublage, triplage, addition, soustraction, émission paramétrique, effet Raman, etc. (cf. partie 7). L’étude des dispositifs laser et leurs applications scientifiques entrent dans le champ de l’électronique quantique ("Quantum Electronics"). 1.1.4 Organisation du manuel Ce manuel s’articule autour des éléments fondamentaux du laser. Dans la partie 1, outre les notions utiles pour comprendre son fonctionnement par des arguments physiques simples, on étudie les particularités du rayonnement laser par rapport au rayonnement classique, et on dresse une liste non exhaustive des différents types de lasers et de leurs applications principales. Dans la partie 2, on étudie les propriétés optiques des cavités laser (ou résonateurs) et des faisceaux sphériques gaussiens, les conditions de stabilité et d’instabilité d’une cavité, les modes Hermite-gaussiens et Laguerre-gaussiens dans un résonateur. Dans la partie 3, on introduit quantitativement les concepts sur l'interaction entre matière et rayonnement dans le modèle des probabilités de transition, dont la connaissance est requise pour la compréhension de la physique du laser : largeur homogène, section efficace, différence de population, coefficient d'amplification, gain et susceptibilité complexe, saturation dans le cas des milieux à élargissements homogène et inhomogène. Dans la partie 4, on établit les équations d'évolution temporelle de Statz et DeMars du laser dans l'approximation des équations de débit ("rate equations") et on passe en revue les mécanismes de pompage. L'application au régime stationnaire permet d'introduire le seuil d'oscillation et de généraliser la notion de gain au cas d'amplificateur à fort gain. Dans la partie 5, on décrit le fonctionnement continu d'un laser, d'abord pour un milieu amplificateur à élargissement homogène, puis à élargissement inhomogène en prenant l'exemple des lasers à gaz ; on applique ensuite les équations de Statz et DeMars aux régimes de fonctionnement impulsionnels relaxé et déclenché qui montrent l'intérêt et les limites de l'approximation des équations de débit ; on étudie enfin le fonctionnement multimode en blocage de modes pour lequel les équations de Statz et DeMars ne peuvent plus s'appliquer. Dans la partie 6, on applique le formalisme de la matrice densité dans les cas où l'approximation des équations de débit n'est plus valable, et on introduit les équations de Bloch et de Bloch-Maxwell qui permettent d'approfondir la théorie du laser. Dans la partie 7, on étudie la polarisation et les susceptibilités non linéaires et on établit pour le mélange à trois ondes les équations de propagation des ondes planes colinéaires et les relations de Manley-Rowe pour les flux d'énergie et les intensités ; on développe ensuite la notion d'accord de phase qui est traitée de façon approfondie dans les milieux biréfringents ; un chapitre est consacré à l'amplification et à l'oscillation paramétriques dont les applications actuelles sont nombreuses ; enfin, on étudie l'exemple de la conjugaison de phase optique pour illustrer les effets non linéaires du 3ème ordre, et le cas des solitons optiques pour montrer l'intérêt général de la non-linéarité. La partie 8 rassemble des exercices d'application avec leurs corrigés ; de plus, une série de problèmes d'examens avec leur solution sont proposés dans la partie 9. 8 1.2 Partie 1 PROCESSUS DE CONVERSION D'ÉNERGIE ET EFFET LASER 1.2.1 Grandeurs énergétiques utilisées Il est nécessaire de préciser les grandeurs énergétiques qui sont couramment utilisées dans le domaine des lasers, avec leur unité dans le système international d'unités (SI) et leur traduction en anglais : - Énergie ("energy"), E [J, joule] (exemple : énergie d'un niveau ou d’une impulsion laser). - Densité d’énergie surfacique ou fluence, ("fluence"), F = dE /dS [J.m-2] : énergie déposée par unité de section droite du faisceau (exemple : fluence d’une impulsion laser). Appelée quelquefois "exposition énergétique". - Puissance ("power"), P = dE /dt [W, watt] : énergie par unité de temps d'une onde progressive traversant sa section droite (exemples : puissance d’un faisceau laser continu, puissance crête d’une impulsion, puissance moyenne d'un train d'impulsions). - Intensité, ("intensity"), I = dP /dS [W.m-2] : densité surfacique de puissance, puissance par unité de section droite du faisceau, valeur moyenne du module du vecteur de Poynting (exemple : intensité d’un faisceau laser continu, intensité crête d’une impulsion, intensité moyenne d'un train d'impulsions). Appelée encore "éclairement énergétique". - Flux de photons, ("photon flux"), Φ = I /hν [m-2.s-1] : nombre de photons de fréquence ν traversant l’unité de section droite par unité de temps (exemple : flux de photon d’une onde plane progressive). - Intensité spectrale, ("spectral intensity"), I(ν) [W.m-2.Hz-1] : intensité par unité de fréquence définie dans l'intervalle spectral [ν, ν + dν] par la relation dI = I(ν) dν . Attention ! On peut aussi définir l’intensité spectrale par unité de longueur d’onde, de dimension différente : I(λ) [W.m-3], intensité par unité de longueur d'onde définie dans l'intervalle spectral [λ, λ + dλ] par la relation dI = I(λ) dλ . - Densité d’énergie, ("energy density"), u = dE /dV [J.m-3] : énergie de l’onde électromagnétique par unité de volume (exemple : densité d'énergie d’une onde plane progressive, densité d'énergie électrique d'une onde stationnaire dans une cavité). - Densité spectrale d’énergie, ("spectral energy density"), ρ(ν) [J.m-3.Hz-1] : densité d’énergie par unité de fréquence définie dans l'intervalle spectral [ν, ν + dν] par la relation du = ρ(ν) dν . Attention ! On peut aussi définir la densité spectrale d’énergie par unité de longueur d’onde, de dimension différente : ρ(λ) [J.m-4], densité d'énergie par unité de longueur d'onde définie dans l'intervalle spectral [λ, λ + dλ] par la relation du = ρ(λ) dλ . - Luminance spectrale, ("spectral radiance" or "brightness"), L(ν) [W.m-2.Hz-1.sr-1] : puissance transportée par unité de surface de la source, par unité de fréquence et par unité d’angle solide (stéradian). C'est une grandeur utile pour caractériser un faisceau lumineux provenant d'une source classique ou d'une source laser de surface S , de puissance P , d'angle solide ΔΩ et de largeur spectrale Δν : L(ν) = P /S ΔΩ Δν . La luminance spectrale est faible pour les sources classiques et est importante pour les sources lasers. Elle est aussi appelée "densité spectrale de luminance" ou "luminance spectrique".