Georges Daujat Vivre et travailler au pays, pour une politique de plein emploi. Il y avait un slogan qui avait cours pendant les années 70 qui était « vivre et travailler au pays ». A l'époque cela signifiait travailler dans sa province. On en était alors aux premières vagues de suppressions d'emplois industriels à partir de 1974 - 1975. C’était la fin des « 30 glorieuses ». Je dois traiter le sujet « Vivre et travailler au pays - Pour une politique de plein emploi », faut-il limiter mon intervention à la France, à l'Europe? Je préfère limiter cette intervention à la France, l’autre « pays », la Province porte nécessairement des déséquilibres démographiques et des spécialisations (agricoles, industrielles ou services). Pour définir une politique de plein emploi, il faut d'abord connaître les freins à l’existence de celui-ci : ils sont de 2 ordres. On retrouve bien entendu tout d’abord la mondialisation libérale, source de nombreux maux sociaux, qui joue sur les sources de production, qui inspire et utilise les règles de concurrence européennes, celles de l’OMC, de l’AGCS en cours et qui conduisent irrémédiablement à la délocalisation de beaucoup d'emplois industriels vers le tiers-monde et notamment vers la Chine, réservoir ultime de Main d'Oeuvre du grand capital, où il n'y a pas de syndicats, pas de droit du travail et qui dispose d’un immense réservoir de main d’oeuvre agricole non qualifiée n’attendant que l’opportunité de travailler dans l’industrie à n’importe quelle condition, ce qui sera toujours préférable à la misère des campagnes. Egalement, demain, on assistera à la délocalisation de beaucoup d'emplois agricoles avec la disparition programmée de la PAC. Ensuite ce sera le tour des emplois de services avec déjà des exemples : notamment l’informatique de production de quelques banques en Inde, l’ingénierie en République Tchèque et des centres d’appels ou de S.A.V téléphoniques se sont déjà délocalisés vers le Maghreb. On retrouve aussi parmi les causes de la disparition d’emplois en France, la répartition de la Valeur Ajoutée à l’intérieur du pays avec plus de 10 points de PIB passés d'un côté (le travail) à l'autre (le capital) depuis 1983. Il s’agit d’environ 150 milliard d’euro par an qui manquent à la consommation française pour utiliser des services ou acquérir des biens en France. La concentration de richesse, accrue, induit un accroissement du taux d'épargne. l’Epargne implique l’investissement et donc l’emploi, me direz vous. Et bien oui et non : cela induit certes l’emploi, mais ailleurs qu'en France. L’insuffisance de consommation en France procède de la même cause et réduit la taille du marché, donc l'emploi du pays et du fait d’un pouvoir d’achat insuffisant, la concentration de richesse implique des importations à bas prix. Les exemples du textile et celui plus dangereux de l’alimentation sont à ce titre flagrants avec un coût en terme de qualité et de sécurité. Alors, quelle politique faut-il pour favoriser le retour du plein emploi ? Les causes étant clairement définies, les solutions apparaissent simples, mais bien sûr pas faciles à mettre en œuvre. D'une part, il y a une nécessité à encadrer le capitalisme, à mettre fin aux dérives libérales, à reprendre la main en matière économique et à ce que le pouvoir politique ne subisse plus l’économique, qu’il le maîtrise . Cela passe notamment par : - la nécessité de sortir de la concurrence absolue qui paupérise les travailleurs de tous les pays. Une ouverture est nécessaire, indispensable mais pas à n’importe quel prix. Comment peut-on lutter même avec une productivité supérieure contre des pays dépourvus de droit social. Cela ne peut que créer le chômage. - la renégociation des règles de l'O.M.C. est impérative, il faut en sortir si cela n'est pas possible. Les Etats Unis d’Amérique n’hésite pas à s’en affranchir lorsqu’elles les gênent. - Il faut aussi renégocier les règles de l’U.E. et là cela devrait être plus facile dans la mesure où la crainte de la crise institutionnelle fait réfléchir nos partenaires. Le maintien de la clause d’unanimité est à défendre impérativement. Le dogme de la concurrence et de l’ouverture doit être remplacé par celui du plein emploi : rappelons nous que la P.A.C. qui est une exception à la concurrence et qu’on veut abattre maintenant a permis le maintien d’une agriculture puissante en Europe et d’une population agricole conséquente en France - laisser au secteur public les champs d’activité qui doivent lui revenir et non la peau de chagrin que l'A.G.C.S veut lui laisser pour le plus grand profit des multinationales. Il ne s'agit pas, ce n’est pas mon propos, de prôner un isolationnisme nationaliste à visée autarcique. Il est nécessaire, je le redis, d’avoir un degré d’ouverture sur l’extérieur, mais avec des barrières qui permettent de conserver un pouvoir sur notre économie (politique monétaire, taxe à l’importation sur les produits à dumping social etc). Et pour que la France tienne sa place, il convient aussi d'avoir une réelle politique industrielle et notamment visant à favoriser la recherche, la formation. En effet ce sont vers des productions de plus en plus élaborées que la France doit tendre pour développer l’emploi. Là encore, les Etats-Unis l’ont bien compris et la recherche privée en apparence mais basée sur des commandes publiques leur permet un taux de croissance plus élevé que celui de l’Europe dont la préoccupation première est d’ouvrir ses marchés à tous vents Enfin, l’existence d’un mouvement social fort me paraît de nature à réparer les méfaits des 20 dernières années de libéralisme et d’enrichissement accru du capital sur le dos du travail. La répartition actuelle de la Valeur ajoutée ne permet pas une consommation suffisante : inversons cette répartition et c’est là le rôle du politique. Malheureusement le mouvement social est souvent éloigné du mouvement politique. On parlait autrefois du syndicat courroie de transmission du parti. Moi, je rêve plutôt d’un parti courroie de transmission du mouvement social. Alors vivre et travailler au pays, pour une politique de plein emploi. Ce n’est pas au pays du capitalisme libéral.