Expertise écologique de la réhabilitation d

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Conservatoire
Botanique
National
Alpin
Expertise écologique
Réhabilitation de la base de vie de l'Espinasse
et de la plate-forme de Rochebrune (05)
janvier 201 4
Stéphanie HUC
Jérémie VAN ES
Fiche résumé du rapport
Titre
Expertise écologique de la réhabilitation
de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune
Date
13/12/2013 Nombre de page
Rédacteur(s) S. Huc, J. Van Es
Relecteur(s)
11
C. Winter
EDF
Financeur(s)
Organisme(s)
partenaire(s)
Mots clés
diagnostic écologique, restauration après chantier, proposition d'actions de réhabilitation
Résumé
La revégétalisation des sites de Rochebrune et l’Espinasse s’inscrit dans la remise en état
des bases de vie lié aux travaux menés par EDF sur le canal de la Durance. Les sites,
transformés en plateforme de dépôt de matériaux, ont subi un aplanissement et un
déplacement de sol, suivi d’un tassement. La présente expertise écologique sollicitée par
EDF vise à i- faire un bilan des actions menées (revégétalisation), ii- dégager des
enseignements et des problématiques comme pistes de réflexion pour des futurs projets
et iii- poser les bases en vue de la mise en place d’un suivi de végétation.
N° contrat
CBNA
Diffusion site Internet CBNA
(indiquer OUI ou NON)
407
N° GTA CBNA
407
oui
Expertise écologique de la réhabilitation
de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune
Sommaire
1- Introduction ................................................................................ 2
2- Contexte écologique des sites de Rochebrune et de l’Espinasse ......... 2
3- Analyse critique des travaux de réhabilitation effectués sur les sites de
Rochebrune et l’Espinasse .................................................................. 4
4- Proposition alternative de végétalisation des sites ............................ 8
5- Conclusion ................................................................................ 11
Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58
Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04
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1
Expertise écologique de la réhabilitation
de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune
1- Introduction
La revégétalisation des sites de Rochebrune et l’Espinasse s’inscrit dans la remise
en état des bases de vie lié aux travaux menés par EDF sur le canal de la
Durance. Les sites, transformés en plateforme de dépôt de matériaux, ont subi
un aplanissement et un déplacement de sol, suivi d’un tassement.
La DDT 05 a opté pour un renaturation vers un milieu forestier, habitat
anciennement présent sur les sites de Rochebrune et l’Espinasse.
La présente expertise écologique sollicitée par Frédéric Jacob, Ingénieur écologue
au Centre d'Ingénierie Hydraulique du Département Développement Durable
d’EDF, vise à i- faire un bilan des actions menées (revégétalisation), ii- dégager
des enseignements et des problématiques comme pistes de réflexion pour des
futurs projets et iii- poser les bases en vue de la mise en place d’un suivi de
végétation.
Une visite de terrain a eu lieu le 7 octobre 2013 sur les deux sites concernés. Le
présent rapport constitue un compte-rendu d’expertise.
2- Contexte écologique des sites de Rochebrune et de
l’Espinasse
Etablis sur les terrasses alluviales d’origine glaciaire de la Durance, ces sites sont
recouverts par une série de végétations dont le stade évolutif terminal est
actuellement représenté par la pinède de Pin sylvestre (Pinus sylvestris). A plus
long terme, cette évolution pourrait se poursuivre vers la hêtraie (pour les
situations les plus fraîches) ou la chênaie (pour les situations les plus chaudes et
sèches).
Les premières végétations à coloniser ces terrasses caillouteuses sont des
communautés
herbacées
dominées
par
la
Calamagrostide
argentée
(Achnatherum calamagrostis), évoluant à leur tour progressivement vers des
pelouses sèches à Fétuque cendrée (Festuca cinerea) et/ou Fétuque marginée
(Festuca marginata), plus ou moins infiltrées de sous-arbustes de garrigue
comme la Sariette des montagnes (Satureja montana). Ces milieux ouverts sont
observables aux abords immédiats de ces sites, au contact (lisières et clairières)
des boisements de Pin sylvestre.
Ces végétations ouvertes évoluent à leur tour vers des fourrés pionniers
dominés, selon l’humidité du sol qui varie avec la microtopographie, par
l’Argousier (Hippophaë rhamnoides) ou des espèces de fruticées, représentées
par l’Epine-vinette (Berberis vulgaris), le Cerisier de Sainte-Lucie (Prunus
mahaleb), l’Arbre à perruques (Cotinus coggygria) ou encore l’Amélanchier à
feuilles ovales (Amelanchier ovalis). Le caractère pionnier du Pin sylvestre lui
permet de participer à la colonisation de ces espaces ouverts.
Les zones d’accumulation de limons qui offrent un substrat plus durablement
humide sont activement colonisées par le Peuplier noir (Populus nigra). La
capacité de cette essence à se développer jusqu’au stade adulte semble
néanmoins incertaine sur ces terrasses déconnectées de la nappe de la Durance.
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Expertise écologique de la réhabilitation
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Le développement de ces espèces arbustives pionnières, capables de germer en
pleine lumière, ombrage progressivement le sol et apporte la fraîcheur
nécessaire à la germination, puis au développement, d’une seconde vague
d’espèces arbustives. Parmi ces espèces figurent notamment le FauxBaguenaudier (Hippocrepis emerus), l’Alisier (Sorbus aria), le Frêne (Fraxinus
excelsior) ou encore le Camerisier à ballais (Lonicera xylosteum).
Le Pin sylvestre qui continue sa croissance, s’élève progressivement au-dessus
de ces espèces, qui se retrouvent à terme englobées dans le sous-bois de la
pinède. Selon la densité du couvert forestier, les espèces arbustives pionnières
pourront, soit dépérir, soit se maintenir à l’état végétatif sans fleurir ni fructifier.
Cette sorte de dormance leur permet de rester en place et « d’attendre » une
éventuelle réouverture de la forêt (chablis ou coupe forestière) pour fleurir et
fructifier à nouveau.
Au fil de ces successions végétales, se met en place une flore de plus en plus
sciaphile et de plus en plus dépendante d’une bonne humidité atmosphérique.
Cette évolution du cortège et du comportement des plantes se traduit par une
augmentation de la surface foliaire visant à compenser la baisse de lumière.
Cette augmentation de la surface foliaire a pour effet d’augmenter la surface
d’évapotranspiration mais l’ombrage et l’humidité atmosphérique limitent les
pertes en eau. Par ailleurs, les horizons supérieurs du sol qui agissent comme un
paillage et la plus grande réserve hydrique de ces sols forestiers rendent ces
comportements « peu économes » en eau, moins préjudiciables pour la survie de
telles plantes que sur les bancs de galets chauffés par le soleil.
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3- Analyse critique des travaux de réhabilitation effectués sur
les sites de Rochebrune et l’Espinasse
Les opérations de réhabilitation effectuées sur ces sites ont consisté à la
plantation de pieds juvéniles d’espèces arbustives et arborescentes, à
l’enherbement de certains secteurs, précédé d’un épandage de terres rapportées
et de compost pour certains secteurs visant à enrichir le sol pierreux.
 Epandage de terres rapportées
Sur le plan agronomique, l’épandage de terre sur des terrains maigres et
pierreux permet :
- une amélioration de la fertilité du sol ;
- une augmentation de la réserve en eau du sol.
Cet épandage doit essentiellement profiter à la végétation herbacée couvre-sol
semée ainsi qu’à la flore herbacée ou ligneuse colonisatrice ; la plantation des
arbres et arbustes se faisant en effet dans des fosses remplies de terre.
Cette mesure qui découle davantage d’une logique agronomique que d’une
logique de renaturation de site, risque de modifier la trajectoire de la
recolonisation de la végétation par deux effets :
-
le premier effet de cet apport de terre est d’améliorer les conditions de vie
et d’ « ouvrir » le milieu à une flore généraliste (dont font partie les
espèces invasives) peu adaptée au sol d’origine (superficiel, pauvre en
nutriments et à faible réserve hydrique) et nettement plus compétitive sur
sols améliorés (croissance aérienne plus rapide) que la flore xérophile de
ces terrasses. Cet amendement induit une rudéralisation du milieu
susceptible de modifier la trajectoire évolutive de la végétation et
d’empêcher un retour vers les végétations naturelles de ces terrasses ;
-
le deuxième effet de cet apport de terre en provenance de la région de
Sisteron est d’avoir introduit sur le site des semences d’espèces exogènes
qui atteignaient dans la vallée de la Durance jusqu’à présent leur limite
nord dans cette région de Sisteron. Parmi ces espèces figurent le Panic
capillaire (Panicum capillare), qui abonde sur le site de Rochebrune, ou
encore la Lampourde d’Italie (Xanthium italicum), une espèce figurant sur
la liste des espèces invasives de PACA, observée sur le site de l’Espinasse.
 Enherbement
A l’exception du Thym serpolet (Thymus serpyllum) et du Céraiste tomenteux
(Cerastium tomentosum), les espèces herbacées semées sont pour la plupart des
espèces fourragères liées à des sols fertiles non limités en eau. En dépit des
apports de terre, ce cortège pourrait avoir des difficultés à s’implanter sur le
substrat de ces sites.
La plupart des espèces semées rentre déjà dans la composition de mélanges
pour gazons ou prairies de fauche artificielles. Leur ensemencement sur le site ne
fait donc pas émerger de nouveaux cas de pollution génétique.
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La forte teneur de ce mélange en légumineuses traduit un objectif d’amélioration
du sol par fixation de l’azote atmosphérique. Cette recherche de fertilité s’oppose
là encore à celle d’une renaturation du site par les végétations naturelles
adaptées aux substrats pauvres.
 Plantation de ligneux
Les plantations de ligneux qui s’inscrivent dans l’obligation de recréer des milieux
boisés sur ces sites, suscitent plusieurs remarques, certaines à caractère
générale portant sur le bien-fondé d’un tel objectif et d’autres sur la nature des
espèces employées.
 Remarque générale
Du point de vue de l’écologue, cet objectif de recréation de milieu forestier vise à
court-circuiter les lents processus de succession végétale et de maturation des
sols, qui n’aboutissent à la constitution d’un couvert et sol forestier, que suite à
plusieurs décennies d’ajustements permanents entre l’évolution des conditions
du milieu (accumulation progressive de matière organique dans le sol,
augmentation de l’ombrage au sol par le développement d’espèces de plus en
plus grandes, etc.) et la nature des espèces.
Exposer à un ensoleillement direct des essences forestières juvéniles
dépendantes d’un ombrage protecteur et d’une bonne humidité atmosphérique,
est une entreprise incertaine et discutable, particulièrement dans les conditions
chaudes et sèches de ces sites.
 Choix des espèces
Trois sources de problèmes relevant d’une inadéquation entre le
« comportement » des espèces et les caractéristiques écologiques du site
peuvent être relevées :
 Inadéquation entre espèces et facteur lumière
L’objectif de recréer un milieu forestier sur un substrat pierreux mis à nu
comporte en lui-même une contradiction, mais celle-ci est accentuée par certains
choix d’espèces à comportement sciaphile marqué comme l’Erable faux platane
(Acer platanoides), une espèce de boisements frais (forêts d’ubac ou ripisylves),
et dans une moindre mesure, l’Alisier blanc (Sorbus aria). Le Chêne pubescent
(Quercus pubescens) et l’Erable champêtre (Acer campestre), qui peuvent tolérer
au stade juvénile une exposition directe au soleil, constituent de meilleurs choix.
 Inadéquation entre espèces et facteur hydrique
La plantation d’espèces affectionnant des sols humides, voire marécageux, est
incohérente sur ces sites déconnectés de la nappe alluviale de la Durance.
Figurent parmi ces espèces le Saule blanc (Salix alba), espèce pionnière
colonisant les rives de la Durance ou les fossés humides de la plaine alluviale de
ce cours d’eau, la Bourdaine (Frangula alnus), arbuste colonisant les prairies
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humides et marécageuses, ou encore l’Aulne glutineux (Alnus glutinosa), petit
arbre typique des dépressions marécageuses et très rare dans le contexte
climatique chaud et sec des Alpes du Sud.
Le Cerisier de Sainte-Lucie (Prunus mahaleb) et le Prunellier (Prunus spinosa),
qui colonisent naturellement les terrasses caillouteuses environnantes
constituent en revanche de bons choix.
 Inadéquation entre espèces et facteur température
Certaines espèces employées sont naturellement présentes dans les Alpes du
Sud mais à des altitudes plus élevées leur procurant davantage de fraîcheur.
C’est le cas du Groseillier à maquereaux (Ribes uva-crispa) ou encore du Rosier
pimprenelle (Rosa pimpinellifolia).
Le Romarin (Rosmarinus officinalis), lié à l’étage méso-méditerranéen, n’est
naturellement présent, au plus près, qu’au sud de Sisteron et représente un
choix inadapté pour ce site.
L’inadaptation d’une espèce à une situation écologique n’est pas forcément
synonyme de mort immédiate des plants. Lorsque celle-ci intervient, c’est le plus
souvent suite à un dessèchement. Il est possible que ces espèces se
maintiennent (en végétant plus ou moins) tant que la concurrence végétale
exercée par les espèces colonisant spontanément l’espace ne se fait pas trop
sentir.
L’important piquetage du site par des plantules de Peuplier noir (Populus nigra),
Pin sylvestre (Pinus sylvestris) ou Cornouiller sanguin (Cornus sanguinea) laisse
entrevoir une supplantation des espèces plantées dans quelques années, sans
que l’on puisse vraiment accréditer aux espèces plantées, un rôle facilitateur
dans cette colonisation ligneuse.
Plus anecdotiquement, la plantation d’individus à plus haute tige pour des
espèces parmi les plus hygrophiles de celles implantées apparaît maladroite. Des
espèces plus xérophiles comme le Chêne pubescent (Quercus pubescens)
auraient été en effet plus à même de surmonter les risques accrus d’un manque
d’eau estival liés à cette plus grande taille.
 Pollution génétique
La renaturation d’espaces impactés par un aménagement devrait être idéalement
réalisée à partir de semences ou de plants provenant du site impacté, ou de ses
abords immédiats. Dans cette situation, l’implantation d’un nombre assez élevé
d’espèces, pourrait s’avérer en effet bénéfique en recréant de la diversité.
Mais l’introduction de semences ou de plants d’origine plus lointaine fait
théoriquement courir le risque d’une pollution génétique des végétations en
place. Il est donc préférable dans ce cas, par principe de précaution, de ne
recourir qu’à un nombre très restreint d’espèces, bien adaptées aux conditions
écologiques du site. L’utilisation de plus d’une dizaine d’espèces ligneuses dans
ce projet représente une diversité assez importante et fait courir un risque de
pollution génétique pour l’ensemble de ces espèces.
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L’aspect de deux espèces observées au cours de la visite de terrain était
particulièrement saisissant : l’Amélanchier à feuilles ovales, qui présentait des
feuilles d’une dimension très inhabituelle, et le Pin sylvestre, qui possédait des
aiguillons presque aussi longs que ceux du Pin noir présent sur les marges de ces
sites.
 Densité de plantation
Dans un souci d’économie, il serait opportun d’adapter la densité des plants
(homogène semble-t-il pour ces sites) au contexte environnant les marges du
site. Un boisement ayant tendance à diffuser par ses marges, comme c’est
particulièrement le cas sur le site de Rochebrune en contre-bas de la route avec
un important piquetage de Cornouiller sanguin, une diminution de la densité des
plants sur ces marges serait logique.
 Végétation invasive
La présence de plusieurs espèces invasives a été relevée sur ces sites.
 Site de Rochebrune
Des jeunes pieds de Robinier faux-acacia (Robinia pseudo-acacia) ont été
observés sur ce site. L’extension de cette espèce qui possède la faculté de fixer
l’azote atmosphérique dans le sol pourrait fortement tirer la trajectoire évolutive
de la végétation vers une flore nitrophile plus banale. Cette espèce est à
supprimer.
D’autres espèces exogènes introduites par les terres rapportées sont abondantes
mais celles-ci ne présentent toutefois pas véritablement de caractère invasif
susceptible d’impacter le reste de la végétation. Figurent parmi ces espèces la
Vergerette du Canada (Conyza canadensis) et le Panic capillaire (Panicum
capillare).
 Site de l’Espinasse
Plusieurs espèces inscrites sur la liste des espèces invasives de la région PACA
ont été observées sur ce site :
- l’Aster (Aster x-salignus), un aster américain d’origine horticole fortement
naturalisée dans les vallées du sud de la France. Sa forte abondance aux
abords du site rend inutile d’entreprendre son éradication sur ce site ;
celle-ci recolonisera immanquablement ce site par ses bordures ;
- la Lampourde d’Italie (Xanthium italicum), une astéracée colonisant
activement, plus au sud (sous Sisteron), certaines cultures et espaces
incultes mais aussi les alluvions de la Durance. Un arrachage de cette
espèce encore très contenue sur ce site est à entreprendre.
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4- Proposition alternative de végétalisation des sites

Démarche
Est proposée ci-dessous une démarche alternative, affichant plus clairement
l’objectif de renaturation de ces sites et reposant sur des choix d’espèces basés
sur une analyse plus écologique et fonctionnelle du site et du contexte
environnant. Cette démarche repose par ailleurs sur l’utilisation de plants ou
semences d’origine locale. La mise en œuvre de cette démarche reste néanmoins
problématique en l’état actuel des pratiques des pépinières. Cependant, la prise
en compte de ces aspects de restauration/réhabilitation dès la phase amont des
projets, doit rendre possible la mise en œuvre de cette démarche. Des pistes
pour faciliter cette démarche sont proposées à la fin de ce chapitre.
La démarche proposée s’inscrit davantage dans le respect des processus de
dynamique naturelle de la végétation, dans laquelle les premières espèces à
coloniser un substrat à caractère minéral sont des plantes herbacées et sousarbustives, ne nécessitant qu’un sol rudimentaire.
Ces communautés pionnières sont représentées sur les abords du site par une
végétation dominée par la Calamagrostide argentée dans laquelle s’infiltrent au
fil du temps des espèces de pelouses sèches et de garrigues. Dans cette
démarche, cette végétation à Calamagrostide argentée constitue le modèle à
reproduire.
Cette végétation adaptée aux sols secs et maigres des terrasses caillouteuses de
la Durance ne nécessitera pas d’apports de terre. Au contraire, un tel apport
nuirait indirectement à cette végétation en favorisant des espèces plus
compétitives de friches, qui envahiraient alors rapidement le milieu.
La Calamagrostide argentée est une graminée qui doit pouvoir jouer un rôle clef
dans la limitation du développement d’espèces rudérales de friches et d’espèces
généralistes, pouvant potentiellement s’installer durablement. La forte biomasse
de cette espèce lui confère en effet d’une part un pouvoir de couvre-sol en
limitant le développement aérien des autres espèces, et d’autre part une action
de compétition importante pour la ressource en eau vis-à-vis des autres espèces.
Cette espèce est munie d’un système racinaire très développé permettant le
pompage de l’eau d’un vaste volume de terre. Elle présente par ailleurs une
surface foliaire relativement importante qui, en induisant une forte
évapotranspiration (perte d’eau par les feuilles), lui confère un pouvoir
« asséchant » du sol. Cela limite la disponibilité en eau pour les autres espèces
et par voie de conséquence leur développement.
La pression sélective exercée par cette espèce conduit à la mise en place d’un
cortège de plus en plus xérophile. A terme, la Calamagrostide argentée finie par
être elle-même supplantée par des espèces munies d’adaptations plus
performantes pour pallier le manque d’eau : feuilles filiformes enroulées pour les
graminées (fétuques et stipes), feuilles de petite dimension à derme épaissi ou
muni de glandes pour limiter l’évapotranspiration pour des espèces sousarbustives de garrigues. Ces espèces xérophiles pourront naturellement coloniser
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ces végétations à Calamagrostide argentée, depuis les marges des sites qu’elles
occupent actuellement.
Afin de diversifier la végétation implantée, sont associées des espèces qui
accompagnent généralement la Calamagrostide argentée sur les terrasses
alluviales de la Durance, mais cette dernière jouera un rôle prépondérant dans la
végétalisation du milieu.
Proposition d’espèces :
-
Espèces
herbacée :
la
Calamagrostide
argentée
(Achnatherum
calamagrostis), le Mélilot blanc (Melilotus albus), le Plantain toujours vert
(Plantago sempervirens), la Gypsophile rampante (Gypsophila repens), la
Vipérine (Echium vulgare), la Germandrée des montagnes (Teucrium
montanum), la Bugrane natrix (Ononis natrix), l’Orpin de Nice (Sedum
sediforme).
-
Espèces sous-arbustives (de type garrigue) : la Lavande à Feuille étroite
(Lavandula angustifolia), la Sariette des montagnes (Satureja montana),
le Thym serpolet (Thymus praecox).
Les espèces herbacées seront semées, les sous-arbustives pourront être soit
semées, soit implantées au stade de jeunes plants, soit les deux simultanément.
La micro-topographie associant conditions humides et conditions plus sèches sur
le site de l’Espinasse permettra d’adjoindre aux espèces citées d’autres espèces
plus hygrophiles comme la Molinie bleutée, une graminée formant d’imposantes
touffes qui pourrait jouer un rôle analogue à celui joué par la Calamagrostide
argentée en situations plus sèches.
Sauf problématique particulière comme la restauration de cordons boisés de
déplacements pour les chauves-souris, une démarche de renaturation devrait
certainement s’arrêter à ces premiers stades de végétalisation.
Néanmoins, les espèces suivantes sont proposées pour répondre à l’obligation de
restauration d’espaces boisés :
-
strate arbustive : utilisation d’une ou deux espèces tolérant un large
spectre de luminosité, comme le Cornouiller sanguin (Cornus sanguinea)
ou l’Arbre à perruque (Cotinus coggygria). Sur le site de l’Espinasse, ce
dernier pourrait être remplacé par l’Argousier (Hippophaë rhamnoides) ;
-
strate arborescente : l’utilisation d’essences forestières adaptées à des
sols secs et tolérant au stade juvénile un ensoleillement important, comme
le Chêne pubescent (Quercus pubescens) ou l’Erable champêtre (Acer
campestre).

Pistes de mise en œuvre
Il est rare que les mélanges proposés respectent les particularités écologiques
des territoires concernés, il est donc important de réaliser des récoltes de
semences d’espèces locales in situ avec un fauchage de parcelles voisines où ce
cortège est présent et de les semer dans la foulée. Cette thématique rentre
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d’ailleurs dans les objectifs de la Trame verte et bleue régionale pour lesquels il
est indispensable de proposer des taxons indigènes.
Le bouturage des espèces sous-arbustives peut être réalisé à partir de plants
locaux en passant un marché avec une pépinière locale. Ces techniques
nécessitent cependant une anticipation des travaux, au moins une année entre la
récolte d’individus, le bouturage en pépinière et la remise sur site.
Il semble important de conserver systématiquement sur le site les pieds
d’arbres ou d’arbustes spontanés indigènes et les intégrer dans le cadre du
projet.
La structure spatiale des plantations est également importante : elle devra
être optimalement diversifiée en choisissant des essences et des espèces
arbustives de hauteur et de port complémentaires.
Il nous semblerait également intéressant de rédiger un guide pour l’utilisation
d’arbres, d’arbustes et de plantes herbacées pour la végétalisation des sites de
travaux d’EDF dans les Alpes. Ce guide à vocation écologique et paysagère
présenterait i- les listes des espèces susceptibles d’être implantées en fonction
de territoires phytogéographiques, ii- une présentation des espèces retenues
avec des indications des caractéristiques biologiques et écologiques, ainsi que
leurs utilisations ou leurs intérêts dans le cadre d’un projet de végétalisation, iiiles éléments à prendre en compte dans les cahiers des charges des études
préalables à un tel projet, iv- les aspects réglementaires liés aux plantations de
ligneux et v- les méthodes de suivi appropriées.
Le programme national nommé {flore-locale} et Messicoles a pour but de
créer une marque et un cahier des charges pour la production et l’utilisation de
semences indigènes d’herbacées et de ligneux (dossier de presse en annexe).
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Expertise écologique de la réhabilitation
de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune
5- Conclusion
Les travaux de remise en état de ces sites, comme d’autres observés par le
CBNA effectués dans d’autres contextes, sont davantage sous-tendus par une
approche paysagère que par une démarche de renaturation de site.
Si ces deux démarches ne s’excluent théoriquement pas, les démarches
paysagères observées par le CBNA conduisent toutes à réaliser des contre-sens
écologiques par rapport à une démarche de renaturation.
En témoigne dans le cas de ces sites, l’épandage de terres rapportées, qui
compromet l’évolution naturelle de la végétation vers les formations typiques des
terrasses alluviales glaciaires de la Durance ou encore le recours à des plants et
semences d’origine inconnue faisant courir un risque de pollution génétique pour
la flore locale.
Quelques recommandations pour limiter les effets possibles d’une pollution
génétique :
-
privilégier des plants et semences indigènes locales. Possibilité dans ce cas
d’introduire une certaine diversité d’espèces ;
-
si recours à des plants et semences d’origine lointaine ou non déterminée,
limiter au maximum la diversité des espèces utilisées ;
-
dans le cas d’une obligation de restauration d’espaces boisés, utiliser une
ou deux espèces arbustives associées à une ou deux espèces
arborescentes, en s’appuyant sur des espèces à forte amplitude
écologique. Il pourrait s’agir du Cornouiller sanguin et du Chêne pubescent
dans le cas présent ;
-
si absence d’obligation de restauration de milieu forestier, il est préférable
de laisser la recolonisation par les ligneux se faire naturellement. Celle-ci
est par exemple très active sur ces sites avec un piquetage important de
jeunes pieds de Peuplier noir, de Pin sylvestre et localement de Cornouiller
sanguin ;
-
l’anticipation semble être le maître-mot pour réaliser un projet de grande
qualité écologique, favorable à la biodiversité : la récolte de semences in
situ et le bouturage d’espèces locales prennent du temps et nécessitent de
prévoir les opérations de végétalisation bien en amont.
Et retenons que « pour restaurer des boisements spontanés, il peut être
intéressant de laisser évoluer les milieux concernés, qui seront peu à peu
colonisés par des arbres et des arbustes indigènes adaptés et qui, à long terme,
verront l’émergence de végétations forestières se reconstituant naturellement
sans intervention humaine » (Cornier et al., 2011).
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