Conservatoire Botanique National Alpin Expertise écologique Réhabilitation de la base de vie de l'Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune (05) janvier 201 4 Stéphanie HUC Jérémie VAN ES Fiche résumé du rapport Titre Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune Date 13/12/2013 Nombre de page Rédacteur(s) S. Huc, J. Van Es Relecteur(s) 11 C. Winter EDF Financeur(s) Organisme(s) partenaire(s) Mots clés diagnostic écologique, restauration après chantier, proposition d'actions de réhabilitation Résumé La revégétalisation des sites de Rochebrune et l’Espinasse s’inscrit dans la remise en état des bases de vie lié aux travaux menés par EDF sur le canal de la Durance. Les sites, transformés en plateforme de dépôt de matériaux, ont subi un aplanissement et un déplacement de sol, suivi d’un tassement. La présente expertise écologique sollicitée par EDF vise à i- faire un bilan des actions menées (revégétalisation), ii- dégager des enseignements et des problématiques comme pistes de réflexion pour des futurs projets et iii- poser les bases en vue de la mise en place d’un suivi de végétation. N° contrat CBNA Diffusion site Internet CBNA (indiquer OUI ou NON) 407 N° GTA CBNA 407 oui Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune Sommaire 1- Introduction ................................................................................ 2 2- Contexte écologique des sites de Rochebrune et de l’Espinasse ......... 2 3- Analyse critique des travaux de réhabilitation effectués sur les sites de Rochebrune et l’Espinasse .................................................................. 4 4- Proposition alternative de végétalisation des sites ............................ 8 5- Conclusion ................................................................................ 11 Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 1 Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune 1- Introduction La revégétalisation des sites de Rochebrune et l’Espinasse s’inscrit dans la remise en état des bases de vie lié aux travaux menés par EDF sur le canal de la Durance. Les sites, transformés en plateforme de dépôt de matériaux, ont subi un aplanissement et un déplacement de sol, suivi d’un tassement. La DDT 05 a opté pour un renaturation vers un milieu forestier, habitat anciennement présent sur les sites de Rochebrune et l’Espinasse. La présente expertise écologique sollicitée par Frédéric Jacob, Ingénieur écologue au Centre d'Ingénierie Hydraulique du Département Développement Durable d’EDF, vise à i- faire un bilan des actions menées (revégétalisation), ii- dégager des enseignements et des problématiques comme pistes de réflexion pour des futurs projets et iii- poser les bases en vue de la mise en place d’un suivi de végétation. Une visite de terrain a eu lieu le 7 octobre 2013 sur les deux sites concernés. Le présent rapport constitue un compte-rendu d’expertise. 2- Contexte écologique des sites de Rochebrune et de l’Espinasse Etablis sur les terrasses alluviales d’origine glaciaire de la Durance, ces sites sont recouverts par une série de végétations dont le stade évolutif terminal est actuellement représenté par la pinède de Pin sylvestre (Pinus sylvestris). A plus long terme, cette évolution pourrait se poursuivre vers la hêtraie (pour les situations les plus fraîches) ou la chênaie (pour les situations les plus chaudes et sèches). Les premières végétations à coloniser ces terrasses caillouteuses sont des communautés herbacées dominées par la Calamagrostide argentée (Achnatherum calamagrostis), évoluant à leur tour progressivement vers des pelouses sèches à Fétuque cendrée (Festuca cinerea) et/ou Fétuque marginée (Festuca marginata), plus ou moins infiltrées de sous-arbustes de garrigue comme la Sariette des montagnes (Satureja montana). Ces milieux ouverts sont observables aux abords immédiats de ces sites, au contact (lisières et clairières) des boisements de Pin sylvestre. Ces végétations ouvertes évoluent à leur tour vers des fourrés pionniers dominés, selon l’humidité du sol qui varie avec la microtopographie, par l’Argousier (Hippophaë rhamnoides) ou des espèces de fruticées, représentées par l’Epine-vinette (Berberis vulgaris), le Cerisier de Sainte-Lucie (Prunus mahaleb), l’Arbre à perruques (Cotinus coggygria) ou encore l’Amélanchier à feuilles ovales (Amelanchier ovalis). Le caractère pionnier du Pin sylvestre lui permet de participer à la colonisation de ces espaces ouverts. Les zones d’accumulation de limons qui offrent un substrat plus durablement humide sont activement colonisées par le Peuplier noir (Populus nigra). La capacité de cette essence à se développer jusqu’au stade adulte semble néanmoins incertaine sur ces terrasses déconnectées de la nappe de la Durance. Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 2 Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune Le développement de ces espèces arbustives pionnières, capables de germer en pleine lumière, ombrage progressivement le sol et apporte la fraîcheur nécessaire à la germination, puis au développement, d’une seconde vague d’espèces arbustives. Parmi ces espèces figurent notamment le FauxBaguenaudier (Hippocrepis emerus), l’Alisier (Sorbus aria), le Frêne (Fraxinus excelsior) ou encore le Camerisier à ballais (Lonicera xylosteum). Le Pin sylvestre qui continue sa croissance, s’élève progressivement au-dessus de ces espèces, qui se retrouvent à terme englobées dans le sous-bois de la pinède. Selon la densité du couvert forestier, les espèces arbustives pionnières pourront, soit dépérir, soit se maintenir à l’état végétatif sans fleurir ni fructifier. Cette sorte de dormance leur permet de rester en place et « d’attendre » une éventuelle réouverture de la forêt (chablis ou coupe forestière) pour fleurir et fructifier à nouveau. Au fil de ces successions végétales, se met en place une flore de plus en plus sciaphile et de plus en plus dépendante d’une bonne humidité atmosphérique. Cette évolution du cortège et du comportement des plantes se traduit par une augmentation de la surface foliaire visant à compenser la baisse de lumière. Cette augmentation de la surface foliaire a pour effet d’augmenter la surface d’évapotranspiration mais l’ombrage et l’humidité atmosphérique limitent les pertes en eau. Par ailleurs, les horizons supérieurs du sol qui agissent comme un paillage et la plus grande réserve hydrique de ces sols forestiers rendent ces comportements « peu économes » en eau, moins préjudiciables pour la survie de telles plantes que sur les bancs de galets chauffés par le soleil. Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 3 Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune 3- Analyse critique des travaux de réhabilitation effectués sur les sites de Rochebrune et l’Espinasse Les opérations de réhabilitation effectuées sur ces sites ont consisté à la plantation de pieds juvéniles d’espèces arbustives et arborescentes, à l’enherbement de certains secteurs, précédé d’un épandage de terres rapportées et de compost pour certains secteurs visant à enrichir le sol pierreux. Epandage de terres rapportées Sur le plan agronomique, l’épandage de terre sur des terrains maigres et pierreux permet : - une amélioration de la fertilité du sol ; - une augmentation de la réserve en eau du sol. Cet épandage doit essentiellement profiter à la végétation herbacée couvre-sol semée ainsi qu’à la flore herbacée ou ligneuse colonisatrice ; la plantation des arbres et arbustes se faisant en effet dans des fosses remplies de terre. Cette mesure qui découle davantage d’une logique agronomique que d’une logique de renaturation de site, risque de modifier la trajectoire de la recolonisation de la végétation par deux effets : - le premier effet de cet apport de terre est d’améliorer les conditions de vie et d’ « ouvrir » le milieu à une flore généraliste (dont font partie les espèces invasives) peu adaptée au sol d’origine (superficiel, pauvre en nutriments et à faible réserve hydrique) et nettement plus compétitive sur sols améliorés (croissance aérienne plus rapide) que la flore xérophile de ces terrasses. Cet amendement induit une rudéralisation du milieu susceptible de modifier la trajectoire évolutive de la végétation et d’empêcher un retour vers les végétations naturelles de ces terrasses ; - le deuxième effet de cet apport de terre en provenance de la région de Sisteron est d’avoir introduit sur le site des semences d’espèces exogènes qui atteignaient dans la vallée de la Durance jusqu’à présent leur limite nord dans cette région de Sisteron. Parmi ces espèces figurent le Panic capillaire (Panicum capillare), qui abonde sur le site de Rochebrune, ou encore la Lampourde d’Italie (Xanthium italicum), une espèce figurant sur la liste des espèces invasives de PACA, observée sur le site de l’Espinasse. Enherbement A l’exception du Thym serpolet (Thymus serpyllum) et du Céraiste tomenteux (Cerastium tomentosum), les espèces herbacées semées sont pour la plupart des espèces fourragères liées à des sols fertiles non limités en eau. En dépit des apports de terre, ce cortège pourrait avoir des difficultés à s’implanter sur le substrat de ces sites. La plupart des espèces semées rentre déjà dans la composition de mélanges pour gazons ou prairies de fauche artificielles. Leur ensemencement sur le site ne fait donc pas émerger de nouveaux cas de pollution génétique. Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 4 Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune La forte teneur de ce mélange en légumineuses traduit un objectif d’amélioration du sol par fixation de l’azote atmosphérique. Cette recherche de fertilité s’oppose là encore à celle d’une renaturation du site par les végétations naturelles adaptées aux substrats pauvres. Plantation de ligneux Les plantations de ligneux qui s’inscrivent dans l’obligation de recréer des milieux boisés sur ces sites, suscitent plusieurs remarques, certaines à caractère générale portant sur le bien-fondé d’un tel objectif et d’autres sur la nature des espèces employées. Remarque générale Du point de vue de l’écologue, cet objectif de recréation de milieu forestier vise à court-circuiter les lents processus de succession végétale et de maturation des sols, qui n’aboutissent à la constitution d’un couvert et sol forestier, que suite à plusieurs décennies d’ajustements permanents entre l’évolution des conditions du milieu (accumulation progressive de matière organique dans le sol, augmentation de l’ombrage au sol par le développement d’espèces de plus en plus grandes, etc.) et la nature des espèces. Exposer à un ensoleillement direct des essences forestières juvéniles dépendantes d’un ombrage protecteur et d’une bonne humidité atmosphérique, est une entreprise incertaine et discutable, particulièrement dans les conditions chaudes et sèches de ces sites. Choix des espèces Trois sources de problèmes relevant d’une inadéquation entre le « comportement » des espèces et les caractéristiques écologiques du site peuvent être relevées : Inadéquation entre espèces et facteur lumière L’objectif de recréer un milieu forestier sur un substrat pierreux mis à nu comporte en lui-même une contradiction, mais celle-ci est accentuée par certains choix d’espèces à comportement sciaphile marqué comme l’Erable faux platane (Acer platanoides), une espèce de boisements frais (forêts d’ubac ou ripisylves), et dans une moindre mesure, l’Alisier blanc (Sorbus aria). Le Chêne pubescent (Quercus pubescens) et l’Erable champêtre (Acer campestre), qui peuvent tolérer au stade juvénile une exposition directe au soleil, constituent de meilleurs choix. Inadéquation entre espèces et facteur hydrique La plantation d’espèces affectionnant des sols humides, voire marécageux, est incohérente sur ces sites déconnectés de la nappe alluviale de la Durance. Figurent parmi ces espèces le Saule blanc (Salix alba), espèce pionnière colonisant les rives de la Durance ou les fossés humides de la plaine alluviale de ce cours d’eau, la Bourdaine (Frangula alnus), arbuste colonisant les prairies Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 5 Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune humides et marécageuses, ou encore l’Aulne glutineux (Alnus glutinosa), petit arbre typique des dépressions marécageuses et très rare dans le contexte climatique chaud et sec des Alpes du Sud. Le Cerisier de Sainte-Lucie (Prunus mahaleb) et le Prunellier (Prunus spinosa), qui colonisent naturellement les terrasses caillouteuses environnantes constituent en revanche de bons choix. Inadéquation entre espèces et facteur température Certaines espèces employées sont naturellement présentes dans les Alpes du Sud mais à des altitudes plus élevées leur procurant davantage de fraîcheur. C’est le cas du Groseillier à maquereaux (Ribes uva-crispa) ou encore du Rosier pimprenelle (Rosa pimpinellifolia). Le Romarin (Rosmarinus officinalis), lié à l’étage méso-méditerranéen, n’est naturellement présent, au plus près, qu’au sud de Sisteron et représente un choix inadapté pour ce site. L’inadaptation d’une espèce à une situation écologique n’est pas forcément synonyme de mort immédiate des plants. Lorsque celle-ci intervient, c’est le plus souvent suite à un dessèchement. Il est possible que ces espèces se maintiennent (en végétant plus ou moins) tant que la concurrence végétale exercée par les espèces colonisant spontanément l’espace ne se fait pas trop sentir. L’important piquetage du site par des plantules de Peuplier noir (Populus nigra), Pin sylvestre (Pinus sylvestris) ou Cornouiller sanguin (Cornus sanguinea) laisse entrevoir une supplantation des espèces plantées dans quelques années, sans que l’on puisse vraiment accréditer aux espèces plantées, un rôle facilitateur dans cette colonisation ligneuse. Plus anecdotiquement, la plantation d’individus à plus haute tige pour des espèces parmi les plus hygrophiles de celles implantées apparaît maladroite. Des espèces plus xérophiles comme le Chêne pubescent (Quercus pubescens) auraient été en effet plus à même de surmonter les risques accrus d’un manque d’eau estival liés à cette plus grande taille. Pollution génétique La renaturation d’espaces impactés par un aménagement devrait être idéalement réalisée à partir de semences ou de plants provenant du site impacté, ou de ses abords immédiats. Dans cette situation, l’implantation d’un nombre assez élevé d’espèces, pourrait s’avérer en effet bénéfique en recréant de la diversité. Mais l’introduction de semences ou de plants d’origine plus lointaine fait théoriquement courir le risque d’une pollution génétique des végétations en place. Il est donc préférable dans ce cas, par principe de précaution, de ne recourir qu’à un nombre très restreint d’espèces, bien adaptées aux conditions écologiques du site. L’utilisation de plus d’une dizaine d’espèces ligneuses dans ce projet représente une diversité assez importante et fait courir un risque de pollution génétique pour l’ensemble de ces espèces. Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 6 Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune L’aspect de deux espèces observées au cours de la visite de terrain était particulièrement saisissant : l’Amélanchier à feuilles ovales, qui présentait des feuilles d’une dimension très inhabituelle, et le Pin sylvestre, qui possédait des aiguillons presque aussi longs que ceux du Pin noir présent sur les marges de ces sites. Densité de plantation Dans un souci d’économie, il serait opportun d’adapter la densité des plants (homogène semble-t-il pour ces sites) au contexte environnant les marges du site. Un boisement ayant tendance à diffuser par ses marges, comme c’est particulièrement le cas sur le site de Rochebrune en contre-bas de la route avec un important piquetage de Cornouiller sanguin, une diminution de la densité des plants sur ces marges serait logique. Végétation invasive La présence de plusieurs espèces invasives a été relevée sur ces sites. Site de Rochebrune Des jeunes pieds de Robinier faux-acacia (Robinia pseudo-acacia) ont été observés sur ce site. L’extension de cette espèce qui possède la faculté de fixer l’azote atmosphérique dans le sol pourrait fortement tirer la trajectoire évolutive de la végétation vers une flore nitrophile plus banale. Cette espèce est à supprimer. D’autres espèces exogènes introduites par les terres rapportées sont abondantes mais celles-ci ne présentent toutefois pas véritablement de caractère invasif susceptible d’impacter le reste de la végétation. Figurent parmi ces espèces la Vergerette du Canada (Conyza canadensis) et le Panic capillaire (Panicum capillare). Site de l’Espinasse Plusieurs espèces inscrites sur la liste des espèces invasives de la région PACA ont été observées sur ce site : - l’Aster (Aster x-salignus), un aster américain d’origine horticole fortement naturalisée dans les vallées du sud de la France. Sa forte abondance aux abords du site rend inutile d’entreprendre son éradication sur ce site ; celle-ci recolonisera immanquablement ce site par ses bordures ; - la Lampourde d’Italie (Xanthium italicum), une astéracée colonisant activement, plus au sud (sous Sisteron), certaines cultures et espaces incultes mais aussi les alluvions de la Durance. Un arrachage de cette espèce encore très contenue sur ce site est à entreprendre. Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 7 Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune 4- Proposition alternative de végétalisation des sites Démarche Est proposée ci-dessous une démarche alternative, affichant plus clairement l’objectif de renaturation de ces sites et reposant sur des choix d’espèces basés sur une analyse plus écologique et fonctionnelle du site et du contexte environnant. Cette démarche repose par ailleurs sur l’utilisation de plants ou semences d’origine locale. La mise en œuvre de cette démarche reste néanmoins problématique en l’état actuel des pratiques des pépinières. Cependant, la prise en compte de ces aspects de restauration/réhabilitation dès la phase amont des projets, doit rendre possible la mise en œuvre de cette démarche. Des pistes pour faciliter cette démarche sont proposées à la fin de ce chapitre. La démarche proposée s’inscrit davantage dans le respect des processus de dynamique naturelle de la végétation, dans laquelle les premières espèces à coloniser un substrat à caractère minéral sont des plantes herbacées et sousarbustives, ne nécessitant qu’un sol rudimentaire. Ces communautés pionnières sont représentées sur les abords du site par une végétation dominée par la Calamagrostide argentée dans laquelle s’infiltrent au fil du temps des espèces de pelouses sèches et de garrigues. Dans cette démarche, cette végétation à Calamagrostide argentée constitue le modèle à reproduire. Cette végétation adaptée aux sols secs et maigres des terrasses caillouteuses de la Durance ne nécessitera pas d’apports de terre. Au contraire, un tel apport nuirait indirectement à cette végétation en favorisant des espèces plus compétitives de friches, qui envahiraient alors rapidement le milieu. La Calamagrostide argentée est une graminée qui doit pouvoir jouer un rôle clef dans la limitation du développement d’espèces rudérales de friches et d’espèces généralistes, pouvant potentiellement s’installer durablement. La forte biomasse de cette espèce lui confère en effet d’une part un pouvoir de couvre-sol en limitant le développement aérien des autres espèces, et d’autre part une action de compétition importante pour la ressource en eau vis-à-vis des autres espèces. Cette espèce est munie d’un système racinaire très développé permettant le pompage de l’eau d’un vaste volume de terre. Elle présente par ailleurs une surface foliaire relativement importante qui, en induisant une forte évapotranspiration (perte d’eau par les feuilles), lui confère un pouvoir « asséchant » du sol. Cela limite la disponibilité en eau pour les autres espèces et par voie de conséquence leur développement. La pression sélective exercée par cette espèce conduit à la mise en place d’un cortège de plus en plus xérophile. A terme, la Calamagrostide argentée finie par être elle-même supplantée par des espèces munies d’adaptations plus performantes pour pallier le manque d’eau : feuilles filiformes enroulées pour les graminées (fétuques et stipes), feuilles de petite dimension à derme épaissi ou muni de glandes pour limiter l’évapotranspiration pour des espèces sousarbustives de garrigues. Ces espèces xérophiles pourront naturellement coloniser Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 8 Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune ces végétations à Calamagrostide argentée, depuis les marges des sites qu’elles occupent actuellement. Afin de diversifier la végétation implantée, sont associées des espèces qui accompagnent généralement la Calamagrostide argentée sur les terrasses alluviales de la Durance, mais cette dernière jouera un rôle prépondérant dans la végétalisation du milieu. Proposition d’espèces : - Espèces herbacée : la Calamagrostide argentée (Achnatherum calamagrostis), le Mélilot blanc (Melilotus albus), le Plantain toujours vert (Plantago sempervirens), la Gypsophile rampante (Gypsophila repens), la Vipérine (Echium vulgare), la Germandrée des montagnes (Teucrium montanum), la Bugrane natrix (Ononis natrix), l’Orpin de Nice (Sedum sediforme). - Espèces sous-arbustives (de type garrigue) : la Lavande à Feuille étroite (Lavandula angustifolia), la Sariette des montagnes (Satureja montana), le Thym serpolet (Thymus praecox). Les espèces herbacées seront semées, les sous-arbustives pourront être soit semées, soit implantées au stade de jeunes plants, soit les deux simultanément. La micro-topographie associant conditions humides et conditions plus sèches sur le site de l’Espinasse permettra d’adjoindre aux espèces citées d’autres espèces plus hygrophiles comme la Molinie bleutée, une graminée formant d’imposantes touffes qui pourrait jouer un rôle analogue à celui joué par la Calamagrostide argentée en situations plus sèches. Sauf problématique particulière comme la restauration de cordons boisés de déplacements pour les chauves-souris, une démarche de renaturation devrait certainement s’arrêter à ces premiers stades de végétalisation. Néanmoins, les espèces suivantes sont proposées pour répondre à l’obligation de restauration d’espaces boisés : - strate arbustive : utilisation d’une ou deux espèces tolérant un large spectre de luminosité, comme le Cornouiller sanguin (Cornus sanguinea) ou l’Arbre à perruque (Cotinus coggygria). Sur le site de l’Espinasse, ce dernier pourrait être remplacé par l’Argousier (Hippophaë rhamnoides) ; - strate arborescente : l’utilisation d’essences forestières adaptées à des sols secs et tolérant au stade juvénile un ensoleillement important, comme le Chêne pubescent (Quercus pubescens) ou l’Erable champêtre (Acer campestre). Pistes de mise en œuvre Il est rare que les mélanges proposés respectent les particularités écologiques des territoires concernés, il est donc important de réaliser des récoltes de semences d’espèces locales in situ avec un fauchage de parcelles voisines où ce cortège est présent et de les semer dans la foulée. Cette thématique rentre Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 9 Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune d’ailleurs dans les objectifs de la Trame verte et bleue régionale pour lesquels il est indispensable de proposer des taxons indigènes. Le bouturage des espèces sous-arbustives peut être réalisé à partir de plants locaux en passant un marché avec une pépinière locale. Ces techniques nécessitent cependant une anticipation des travaux, au moins une année entre la récolte d’individus, le bouturage en pépinière et la remise sur site. Il semble important de conserver systématiquement sur le site les pieds d’arbres ou d’arbustes spontanés indigènes et les intégrer dans le cadre du projet. La structure spatiale des plantations est également importante : elle devra être optimalement diversifiée en choisissant des essences et des espèces arbustives de hauteur et de port complémentaires. Il nous semblerait également intéressant de rédiger un guide pour l’utilisation d’arbres, d’arbustes et de plantes herbacées pour la végétalisation des sites de travaux d’EDF dans les Alpes. Ce guide à vocation écologique et paysagère présenterait i- les listes des espèces susceptibles d’être implantées en fonction de territoires phytogéographiques, ii- une présentation des espèces retenues avec des indications des caractéristiques biologiques et écologiques, ainsi que leurs utilisations ou leurs intérêts dans le cadre d’un projet de végétalisation, iiiles éléments à prendre en compte dans les cahiers des charges des études préalables à un tel projet, iv- les aspects réglementaires liés aux plantations de ligneux et v- les méthodes de suivi appropriées. Le programme national nommé {flore-locale} et Messicoles a pour but de créer une marque et un cahier des charges pour la production et l’utilisation de semences indigènes d’herbacées et de ligneux (dossier de presse en annexe). Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 10 Expertise écologique de la réhabilitation de la base de vie de l’Espinasse et de la plate-forme de Rochebrune 5- Conclusion Les travaux de remise en état de ces sites, comme d’autres observés par le CBNA effectués dans d’autres contextes, sont davantage sous-tendus par une approche paysagère que par une démarche de renaturation de site. Si ces deux démarches ne s’excluent théoriquement pas, les démarches paysagères observées par le CBNA conduisent toutes à réaliser des contre-sens écologiques par rapport à une démarche de renaturation. En témoigne dans le cas de ces sites, l’épandage de terres rapportées, qui compromet l’évolution naturelle de la végétation vers les formations typiques des terrasses alluviales glaciaires de la Durance ou encore le recours à des plants et semences d’origine inconnue faisant courir un risque de pollution génétique pour la flore locale. Quelques recommandations pour limiter les effets possibles d’une pollution génétique : - privilégier des plants et semences indigènes locales. Possibilité dans ce cas d’introduire une certaine diversité d’espèces ; - si recours à des plants et semences d’origine lointaine ou non déterminée, limiter au maximum la diversité des espèces utilisées ; - dans le cas d’une obligation de restauration d’espaces boisés, utiliser une ou deux espèces arbustives associées à une ou deux espèces arborescentes, en s’appuyant sur des espèces à forte amplitude écologique. Il pourrait s’agir du Cornouiller sanguin et du Chêne pubescent dans le cas présent ; - si absence d’obligation de restauration de milieu forestier, il est préférable de laisser la recolonisation par les ligneux se faire naturellement. Celle-ci est par exemple très active sur ces sites avec un piquetage important de jeunes pieds de Peuplier noir, de Pin sylvestre et localement de Cornouiller sanguin ; - l’anticipation semble être le maître-mot pour réaliser un projet de grande qualité écologique, favorable à la biodiversité : la récolte de semences in situ et le bouturage d’espèces locales prennent du temps et nécessitent de prévoir les opérations de végétalisation bien en amont. Et retenons que « pour restaurer des boisements spontanés, il peut être intéressant de laisser évoluer les milieux concernés, qui seront peu à peu colonisés par des arbres et des arbustes indigènes adaptés et qui, à long terme, verront l’émergence de végétations forestières se reconstituant naturellement sans intervention humaine » (Cornier et al., 2011). Siège : CBNA - Domaine de Charance – 05000 GAP - Tél. 00 33 (0)4 92 53 56 82 - Fax 00 33 (0)4 92 51 94 58 Antenne Alpes du Nord /Ain : 148 rue Pasteur –73000 Chambéry – Tél. 00 33 (0)4 79 33 45 04 Site : http://cbn-alpin.fr – Mail : [email protected] 11