COURRIER DES LECTEURS LE POOL DE PRATIQUE DES MÉDECINS DU CHUS, RateMDs, ET PLUS ces histoires, mais il doit y avoir un moyen de mieux encadrer de tels sites. Et les médecins qui savent que les écrits sont diffamatoires ont-ils des recours? Mes notions de droit se sont évanouies et le droit a bien changé depuis 25 ans! Francine Cardinal, MD Dermatologue Montréal *** COURRIER DES LECTEURS ment en cours de route. Vous avez bien expliqué pourquoi dans votre article: les cliniciens ne recevraient rien sans voir de patients, chose qui prendrait encore trois ans avant l'ouverture de l'hôpital. Cette demande était une condition sine qua non de ma part. Pendant mes trois années à la clinique Mayo de Rochester (Minnesota), j'avais connu ce qu'étaient le «virage ambulatoire» et le plan de pratique que je préconisais pour Sherbrooke. Ce pool entre cliniciens, fondamentalistes et chercheurs avait contribué fortement à la réussite et la réputation mondiale de Mayo depuis 1882. Maurice Leclair, MD Hématologue, interniste retraité *** LE POOL DE PRATIQUE DU CHUS J'ai pris connaissance de votre excellent article concernant le pool au CHUS. Vous me permettrez quelques commentaires quant à l'origine de ce pool. En 1965, le doyen LaSalle m'a demandé de me joindre à lui pour bâtir un vrai CHU à Sherbrooke. À ce moment, j'étais vicedoyen responsable des sciences cliniques à l'Université de Montréal et clinicien interniste à l'hôpital Notre-Dame. Pendant sept ans, j'avais essayé sans succès de créer un CHU à Montréal. L'invitation du Dr LaSalle était alléchante et j'avais accepté, mais à une condition, soit la création d'un pool de pratique. Le Dr LaSalle avait accepté, mais sans trop de conviction; j'ai dû insister assez forte10 Santé inc. novembre / décembre 2009 RateMDs D'abord, les civilités: je suis plus qu'heureuse qu'un tel journal existe... Je suis arrivée en médecine après 10 ans de pratique en droit, et vraiment, les médecins et le rapport à l'argent, c'est toujours un problème... Mais qui est mieux géré, il me semble, depuis l'existence de Santé inc. En parlant de problème : RateMDs en est un. Je pense que des évaluations [de médecins faites par des patients] doivent exister, mais c'est aussi un terrain propice à mille vengeances (exemple, pour moi, avec ma vie antérieure, je n'ai pas seulement des amis)… Je pense que plusieurs médecins se sentent lésés, mais ont mal à l'ego en lisant RateMDs (cela n'a pas été facile à lire pour moi, et j'ai la couenne dure)... Je pense qu’Internet donne lieu à UN PEU DE RESPECT S’IL VOUS PLAÎT ! J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article de la Dre Denise Drolet «Un peu de respect s’il vous plaît» au sujet de la non-reconnaissance par la société du travail et des efforts des médecins [publié dans le numéro de septembre/octobre du magazine Santé inc.]. Omnipraticien en bureau et à l’hôpital, ce sentiment, mélange de rancune et d’amertume, je l’ai moi-même éprouvé à plusieurs reprises. Pourtant, toute personne travaillant avec le public doit s’attendre un jour à affronter l’ingratitude d’autrui. La détresse ressentie pourrait-elle être amplifiée par notre propre insécurité face à nos interventions? L’inconfort induit par les difficultés inhérentes à notre profession ne pourrait-il pas être le principal responsable de notre vulnérabilité face à la critique? Les reproches les plus douloureux sont ceux auxquels on accorde du crédit Je soutiens ici que ce sentiment d’être victime d’ingratitude provient beaucoup plus des doutes face au bien-fondé de nos gestes que de l’attitude de la clientèle à notre égard, parfois revendicatrice, mais le plus souvent fort reconnaissante. À plusieurs reprises depuis le début de ma carrière, un collègue, un patient, un administrateur a contesté la validité de mes décisions. La plupart du temps, je sentais ma position suffisamment étoffée pour persister dans l’orientation que j’avais choisie. J’étais un peu incommodé par la situation, sans plus, et ce désagréable sentiment d’être victime d’un manque de respect ne m’envahissait pas. J’envoyais intérieurement promener le «gérant d’estrade» importun et continuais ma journée. Si, par contre, je doutais un peu de ma conduite, la critique induisait inévitablement un malaise beaucoup plus important. Conscient du phénomène, j’en ai conclu que le meilleur moyen de le combattre était de maximiser mes connaissances afin d’évoluer le plus proche possible de la certitude. Le remède s’est avéré en partie efficace, mais s’est rapidement vu confronté à l’importante part d’inconnu que je devais affronter au quotidien, particulièrement au bureau, loin des performantes technologies hospitalières. Le diagnostic médical possède des limites que nous oublions souvent En médecine familiale et possiblement dans beaucoup d’autres spécialités, les demandes des patients, et possiblement nos propres attentes, s’avèrent fréquemment irréalistes, une grande majorité des problèmes touchant à des sujets bien plus vastes que la médecine elle-même. Notre science possède pourtant des armes phénoménales contre la maladie, lorsque celle-ci est présente. Elle est par contre passablement démunie devant le mal de vivre de plus en plus prévalent dans notre société et qui ne peut être considéré comme une maladie au sens où nous l’entendons. Nous pouvons guérir certains cancers, mais comment aider l’employé en conflit avec son patron? Nous pouvons soulager la douleur d’un patient aux prises avec des métastases osseuses, mais comment soulager celle causée par l’isolement social d’un autre? Pourtant, dans une situation comme dans l’autre, on exige de nous des solutions efficaces, immédiates et définitives. Le sens du devoir, la générosité, la volonté réelle d’aider nous exposent au piège de croire posséder ces solutions. Malheureusement, notre pensée scientifique étant conditionnée à affronter les pathologies avec le paradigme du tout ou rien, de la présence ou de l’absence de maladie, avec l’inévitable nécessité d’établir un diagnostic précis, elle ne peut s’attaquer pleinement à l’infinité de zones grises que l’humanité de nos patients déverse dans nos bureaux. Trop souvent nous oublions que notre méthode de travail et nos outils sont bien peu adaptés aux problèmes qu’on nous demande de résoudre, souvent tellement plus vastes que ce que nous voulons croire. Quand l’art remplace la science La détresse humaine s’exprime de mille façons. D’innombrables situations ne cadrent que de façon approximative dans notre classification des maladies, et il est toujours tentant, par souci de simplification ou par nécessité d’agir, d’essayer de les y faire entrer. Devant la complexité des situations humaines dont nous sommes témoins, notre quête d’un diagnostic forcément réducteur nous oblige à oublier un peu la rigueur que l’on attend de nous et que nous exigeons de nous-mêmes. Ainsi, nous accepterons de fournir une explication scientifique un peu boiteuse, mais qui s’inscrit dans un modèle valorisé par tous plutôt que de nous en remettre à notre instinct, notre sensibilité, mais, par le fait même, nous exposer à ne pouvoir défendre objectivement notre conduite. Il nous est facile d’affronter la contestation d’un employeur qui aurait l’audace de remettre en question un diagnostic de pneumonie. Nous possédons des évidences cliniques, radiologiques, biochimiques. Un diagnostic de trouble d’adaptation comme dans l’article de la docteure Drolet repose sur des bases beaucoup moins stables. Il fait appel principalement à notre jugement, à une sorte de flair émotionnel, très peu à nos connaissances scientifiques de docteur. Or c’est principalement notre science que l’on interpelle. Rendu à ce point, c’est beaucoup plus l’art qui nous guide. Et l’art ne fait jamais l’unanimité. Je ne crois pas que la société manque de respect envers les médecins. Je crois plutôt qu’elle attend trop de notre science, qui parfois donne l’illusion de la toute-puissance. Ne pas l’entretenir demande du courage et une fermeté difficile à maintenir devant les inévitables déceptions que nous pouvons ainsi engendrer. Encore en 2009, une multitude de situations nous obligent à nous armer de sensibilité, d’imagination et de créativité, donc forcément d’incertitude. Ce n’est souvent pas ce que l’on attend de nous. Nos interventions n’en sont pas moins valables. En être convaincu permet de mieux soigner, et par le fait même de se sentir moins vulnérable. Mathieu Brouillet, MD Omnipraticien Centre hospitalier régional de Rimouski ⌧ novembre / décembre 2009 Santé inc. 11