OPÉRATION MORTELLE par Pierre Clément

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OPÉRATION MORTELLE
par Pierre Clément
Opération : imprimer trois cents mots. L’instrument d’observation est
ma conscience. L’appareil photographique et la caméra mais aussi
l’électrocardiogramme, le tomographe à émission de positrons et le
cyclotron sont l’extension de mes capteurs sensibles. Ma conscience
saisit la surface imagée de ma corporéité subjective. Elle s’émerveille
dans l’image colorée sur écran plasmatique indiquant les
concentrations de dopamine, de sérotonine et d’acétylcholine
attachées à mes récepteurs synaptiques. Le tracé linéaire indiquant les
variations dépolarisantes de mon moteur cardiaque est l’instrument
même de mon regard. Mais ma conscience ultra performante non
seulement capte-t-elle les signaux aléatoires transmis dans sa direction
mais émet un flux discursif, un flot ininterrompu de variations
électriques, électromagnétiques et isotopiques. Elle ne dit rien et ne
signifie rien. Elle transmet dans un espace vide ou si l’on veut, dans une
dimension technico-solipsiste, une énergie ondulatoire adressée à
personne. En fait non seulement il n’y a pas de destinataire mais aussi
pas d’émissaire. En tous les cas, pas d’émissaire doté d’une intention.
En fait (bis), ma conscience est un instrument d’observation dernier cri
doté d’un système autoréflexif capable de capter ses propres
computations. Je compute, donc je raisonne.
Je ne comprends rien à ma transmission mais telle une énergie
liquéfiée empruntant l’axone de moindre résistance, j’y suis compris. Il
arrive pourtant que ma transmission, coincé quelque part à l’intérieur
de mes hémisphères, croise un signal électrique porteur d’une énergie
technico-solipsiste inconnue. Il se produit de ce cas une résistance
structurant le morcellement de ma techno-pensée. Après tout, l’autre
n’est qu’un neurone lointain à l’intérieur de ma boîte crânienne. Ceci
étant dit, ma machine auto-computationnelle est programmée de telle
sorte qu’à la réception de telles résistances, elle s’auto galvanise
d’endorphines jouissives. J’aime les endorphines. Ma jouissance est ma
résistance. Deux cents quatre-vingt-treize mots. Voilà. Six mots et puis
plus rien.
Pierre Clément
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