mémoire DU pédagogie JJK

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Mémoire pour le
Diplôme Inter-Universitaire de Pédagogie Médicale
Universités Paris V, Paris VI, Paris XI, Paris XII
2010
APPRENDRE AUX MALADES A VIVRE AVEC UNE
PATHOLOGIE TUMORALE CHRONIQUE :
RESULTATS D’UNE ENQUETE CROISEE MEDECINS - PATIENTS
DANS LA THROMBOCYTEMIE ESSENTIELLE
Jean-Jacques Kiladjian
Centre d’Investigations Cliniques
Hôpital Saint-Louis
Paris
Membre du conseil des enseignants :
Pr M. Chabot (HAS), Dr D. Marra (Paris VI), Pr B. Guidet (Paris VI, Coordinateur),
Pr J.L. Lagrange (Paris XII), Pr C. Lejeune (Paris V), Pr S. Poiraudeau (Paris V),
Pr J.L. Teboul (Paris XI)
RESUME
La thrombocytémie essentielle est une maladie tumorale, mais n’affectant pas l’espérance de
vie des patients. Ils sont donc confrontés à un diagnostic de cancer, avec lequel ils vont devoir
vivre toute leur existence. Dans une enquête croisée entre patients et médecins, nous avons
relevé les points du questionnaire patient reflétant la façon dont ils ont reçu les informations
concernant la maladie et sa prise en charge. De nombreuses discordances avec le
questionnaire rempli en parallèle par le médecin, et les contradictions à l’intérieur des
questionnaires patients ont confirmé les problèmes de transmission d’information. De
nombreuses initiatives ont permis ces dernières années d’améliorer la prise en charge d’une
part des maladies chroniques, d’autre part du cancer. Ces évolutions peuvent sans doute être
encore améliorées dans le champ de l’hématologie maligne chronique.
Mots clés : Education – Cancer – Observance
Déclaration d’intérêts : Cette étude a été financée par le laboratoire SHIRE.
Contribution : L’auteur de ce mémoire était l’investigateur principal de cette étude nationale
multicentrique. Il a participé à l’élaboration des questionnaires, au recueil des données, à
l’interprétation des résultats.
1
INTRODUCTION :
La thrombocytémie essentielle (TE) est un syndrome myéloprolifératif Philadelphie
négatif caractérisé par une élévation isolée des plaquettes sanguines.1 Comme les autres
syndromes myéloprolifératifs (hors leucémie myéloïde chronique), environ 60 % des patients
sont porteurs d’une anomalie moléculaire sous la forme d’une mutation activatrice de la
tyrosine kinase JAK2 (JAK2V617F). Il s’agit donc d’une pathologie tumorale, clonale,
susceptible d’évoluer vers des hémopathies plus agressives, plus actives de type myélofibrose,
syndrome myélodysplasique, voire leucémie aiguë. Néanmoins une telle évolution reste rare,
touchant environ 5 % des patients seulement après 10 à 15 années d’évolution. En revanche,
la TE s’accompagne d’un risque vasculaire élevé et les premières années d’évolution sont
essentiellement marquées par des accidents thrombotiques, aussi bien artériels que veineux, et
hémorragiques. Les facteurs de risque de développer de telles complications vasculaires les
plus puissants actuellement mis en évidence sont un âge supérieur à 60 ans et l’existence d’un
antécédent d’évènement vasculaire. La quantité de mutant JAK2V617F présente dans le sang
ainsi qu’un chiffre de leucocytes élevé pourraient être de nouveaux facteurs pronostics
récemment mis en évidence dans des études rétrospectives en ce qui concerne le risque
vasculaire. Paradoxalement, malgré ce risque vasculaire et ce risque d’évolution vers la
leucémie aiguë au long terme, de nombreuses études ont montré que la TE n’altérait pas
l’espérance de vie des patients en comparaison à une population appariée pour l’âge et le
sexe. De tels résultats sont obtenus si la prise en charge des patients est rigoureuse. Ainsi, les
patients de faible risque vasculaire (de moins de 60 ans et sans antécédent vasculaire) sont
habituellement traités par aspirine à doses anti-agrégantes. Pour les patients de haut risque
vasculaire, un traitement cytoréducteur (par hydroxyurée ou anagrélide le plus souvent) pour
ramener le chiffre de plaquettes dans des valeurs normales est ajouté à l’aspirine. L’utilisation
de ces traitements cytoreducteurs nécessite une surveillance biologique et une adaptation des
doses aux chiffres de plaquettes pour éviter une inefficacité ou une toxicité pouvant être
source de complications, notamment hémorragiques.
La TE présente donc le paradoxe d’être une maladie cancéreuse mais n’altérant pas
l’espérance de vie des patients. Cette apparente contradiction est parfois difficile à
comprendre par les patients, rapidement inquiets du diagnostic d’une pathologie tumorale. A
l’inverse, du côté des hématologues, ces maladies (qui sont la plupart du temps
asymptomatiques) sont souvent considérées comme peu graves en comparaison avec les
autres hémopathies malignes. Il semble que le temps consacré à l’éducation des patients
2
porteurs de TE pourrait parfois être limité, et la discussion avec ces patients centrée sur le
chiffre de plaquettes, seul marqueur objectif de la maladie et de l’efficacité du traitement pour
l’hématologue.
Une grande enquête basée sur internet auprès des 1179 patients porteurs de TE et
effectué par l’intermédiaire d’une association de patients américains, a permis de montrer en
2007 qu’alors que ces maladies sont considérées comme très bénignes par les hématologues,
les patients qui en sont porteurs se plaignent de nombreux symptômes parmi lesquels
notamment une fatigue importante.2 La proportion de patients se plaignant de fatigue
atteignait même 70% dans cette étude.
PATIENTS ET METHODES :
Nous avons conduit en France une étude visant à évaluer l’impact de la
thrombocytémie essentielle sur la vie quotidienne des patients. Cette étude comportait deux
parties : une partie rétrospective sous la forme d’un questionnaire pour l’hématologue en
charge du patient, recueillant les caractéristiques de la maladie, ses critères diagnostiques,
pronostiques, les traitements reçus, et l’évaluation par le médecin des symptômes et de la
qualité de vie des patients. La partie prospective était effectuée par l’intermédiaire d’un
questionnaire remis au patient et comportant une série de données permettant d’évaluer la
perception de sa maladie, de sa prise en charge, de l’impact de la TE sur la vie quotidienne.
Les critères d’inclusion étaient très simples : patient atteint d’une TE, ayant donné son accord
de participation, capable de remplir un auto-questionnaire. Le seul critère de non inclusion
était la participation du patient à une étude interventionnelle sur la TE.
BUT DU TRAVAIL :
Nous avons tiré profit de cette enquête pour relever les discordances entre les questionnaires
remplis par les patients et leurs hématologues en ce qui concerne l’appréciation des
symptômes et l’information, afin d’évaluer la qualité de l’éducation de ces patients porteurs
d’une pathologie chronique, mais aux complications potentiellement sévères.
3
RESULTATS :
Au total, 85 hématologues français ont accepté de participer à cette étude et y ont
inclus au moins un patient. Un total de 245 patients porteurs de TE sur le territoire français
ont été inclus dans l’étude. 218 cahiers d’observation remplis par les médecins ont été
recueillis et 221 auto-questionnaires de patients réceptionnés. La répartition géographique des
centres d’hématologie ayant participé à cette étude était assez homogène sur le territoire, avec
néanmoins deux régions majoritaires : l’Ile-de-France (22 % des centres), et la région
Provence-Alpes-Côte d’Azur (16 % des centres). Le reste des régions représentait de 1,2 à
9,4% des centres participant à l’étude. Soixante-sept pourcent de ces centres d’hématologie
étaient dans des hôpitaux universitaires et 33 % dans des centres anti-cancéreux ou des
hôpitaux généraux.
Les caractéristiques des patients TE inclus dans cette étude étaient comparables à
celles de la littérature. L’âge moyen au diagnostic de la maladie était de 53 ans (de 12 à 86
ans) et il y avait 61 % de femmes. L’âge moyen au moment de l’inclusion dans l’étude était
de 58 ans (de 19 à 90 ans). La distribution entre les patients de moins et de plus de 60 ans
(limite d’age d’une valeur pronostique majeure pour le risque vasculaire) était bien équilibrée,
avec 55 % des patients ayant moins de 60 ans au moment de l’inclusion.
Perception de la maladie, gravité, inquiétude
Une première série de questions permettait d’évaluer la perception de la maladie par
les patients. Parmi les 30 % de patients se « sentant malades » parce qu’ils présentaient une
TE, le groupe de patients se sentant le plus malade était celui des patients de moins de 60 ans
ayant besoin de traitement cyto-réducteur pour réduire leurs plaquettes (40 % de patients se
sentant malades), en comparaison avec les patients de moins de 60 ans qui n’avaient pas
besoin de traitement cyto-réducteur (15 %), ou les sujets de plus de 60 ans (27 %, p < 0,05).
Soixante pourcent des patients considéraient que la TE était une maladie « grave ». Il n’y
avait pas de différence significative concernant ce sentiment vis-à-vis de la TE en fonction du
sexe, de la nécessité d’un traitement cyto-réducteur, de la survenue d’évènements vasculaires
ou de l’existence ou pas de symptômes liés à la maladie. En revanche, les sujets de plus de 60
ans, avaient un ressenti significativement plus mauvais de leur santé que les patients de moins
de 60 ans (38 % contre 15 %, p < 0,05). Vingt pourcent des patients étaient beaucoup ou
extrêmement inquiets par la TE, sans différence significative en fonction de l’âge, du sexe, de
l’existence d’antécédents vasculaires, de symptômes ou de traitement cytoréducteur. Ces
4
résultats montrent que le diagnostic de TE est considéré comme un événement grave pour les
patients, alors que ce diagnostic (parmi les hémopathies malignes ) est plutôt une bonne
nouvelle pour l’hématologue.
Motivation et traitement
Une série de questions permettait également d’évaluer la motivation et les contraintes
liées au traitement de la TE. Au total, 96 % des patients de cette étude prenaient un traitement
pour la TE, que ce soit de l’aspirine ou un autre anti-agrégant seul, ou un traitement cytoréducteur, et ce depuis une longue durée (52 % d’entre-eux depuis plus de deux ans, et 20 %
depuis plus d’un an). Concernant leur motivation pour prendre un médicament pour le
traitement de la TE, 39 % des patients qualifiaient cette motivation de « grande » et 30 %
« extrême ». Il existait néanmoins une différence significative selon l’âge des patients, cette
motivation étant déclarée de manière beaucoup plus importante chez les patients de plus de 60
ans que chez les plus jeunes (p < 0,05). 96 % des patients considéraient néanmoins qu’il était
indispensable de prendre un médicament pour le traitement de la TE. Cette prise
médicamenteuse était vécue comme une contrainte par 16 % des patients, et ce de manière
significativement plus importante chez les patients de moins de 60 ans prenant un traitement
cyto-réducteur (28 %, p < 0,001). Seulement 2 % des patients déclaraient oublier souvent ou
très souvent de prendre leur traitement, et seulement 1 % ne jamais ou rarement les prendre
tels qu’ils ont été prescrits par leur médecin.
Considérant le but du traitement de la TE, les critères considérés comme essentiels
pour les patients étaient : la diminution du taux de plaquettes chez 89 % d’entre-eux, l’avis
positif de leur médecin pour 45 % d’entre-eux, l’absence ou la légèreté des effets indésirables
pour 26 %, la diminution des symptômes chez 14 %. La forte prévalence de la satisfaction du
médecin dans les objectifs du traitement pour les patients, bien avant l’intensité de ses effets
secondaires ou de son efficacité sur les symptômes qu’ils présentent, souligne le poids du
jugement du médecin dans l’évaluation par les patients de l’efficacité de leur traitement.
Information des patients
Lorsque nous avons demandé aux patients s’ils se sentaient suffisamment informés sur
la TE, 16,7 % d’entre-eux ne se sentaient pas du tout informés, et 55,6 % seulement un peu
informés (Figure 1). Concernant le contenu de l’information, 87 % des patients se sentaient
peu ou très mal informés quant aux évolutions possibles de la maladie, 35,6 % sur les risques
de la maladie à plus court terme, 21 % sur les options thérapeutiques (Figure 2). Ces résultats
5
étaient néanmoins en contraste avec les réponses aux séries de questions concernant les
causes, les symptôme et les conséquences de cette maladie. En effet, ces réponses reflétaient
les connaissances scientifiques actuelles sur la TE : 54 % des patients déclaraient que les
causes n’étaient pas connues, 40 % que celles-ci étaient encore à l’étude. Les réponses des
patients concernant les manifestations cliniques de la maladie, qu’elles soient vasculaires
thrombotiques, ischémiques ou hémorragiques, montraient également une bonne connaissance
des risques et des symptômes de cette maladie.
Vous sentez-vous suffisamment informé sur la
thrombocytémie essentielle ?
De quels types d’informations manquez-vous sur la
thrombocytémie essentielle ?
55,6%
60%
40%
80%
25,0%
60%
16,7%
20%
0%
87,0%
100%
2,8%
Pas du tout
Un peu
Beaucoup
35,6%
21,2%
40%
11,1%
20%
0%
Extrêmement
Les risques de Les évolutions
Les options
la maladie
possibles de la thérapeutiques
maladie
Figure 1
Les examens
de suivi
nécessaires
Figure 2
Concernant les conseils donnés par le médecin, 25 % des patients ont déclaré n’avoir
eu absolument aucun conseil de la part de leur hématologue. 56 % s’estimaient satisfaits des
conseils donnés quant à la prévention des risques vasculaires, 25 % sur les questions
concernant l’activité physique, 16 % sur l’alimentation, et 12 % seulement sur les désirs de
maternité ou de paternité. Néanmoins, lorsque l’on demandait au patient comment il
s’informait sur la TE, 86 % d’entre-eux déclaraient s’informer préférentiellement auprès de
leur médecin (Figure 3). 40 % seulement s’informaient par l’intermédiaire de sites internet.
Toutes les autres sources d’information (associations de patients, revues ou journaux
scientifiques et médicaux, livres, autres patients ayant la même pathologie…) n’étaient
considérées comme des sources d’information fiable que pour moins de 5 % des patients.
Comment vous informez-vous sur la thrombocytémie essentielle ?
Figure 3
86,1%
90%
80%
70%
60%
50%
40,3%
40%
30%
20%
10%
0%
3,2%
Médecins
4,6%
Autres
Association de
patients avec
patients
le même
trouble
6,5%
0,9%
Membres de
ma famille
Amis, voisins
4,2%
Livres
4,6%
Revues
scientifiques
2,8%
Sites Internet
Autre
6
Expression et recueil des symptômes
C’est dans le domaine des symptômes de la maladie que les plus grandes discordances
entre les données recueillies auprès des patients et de leurs hématologues ont été relevées. En
effet, 58 % des patients se plaignaient de fatigue, alors que ce symptôme n’était considéré
comme relevant et rapporté par leur hématologue que pour 17 % d’entre-eux (Figure 4). Les
manifestations ischémiques de la maladie étaient rapportées par 39 % des patients mais
considérées simplement pour 6 % d’entre-deux comme significatives par leur médecin. Il faut
noter que ces manifestations ischémiques de la thrombocytémie essentielle regroupent un
ensemble de symptômes très communs comme des céphalées, des vertiges, des acouphènes,
des troubles visuels mineurs, qu’il est souvent difficile de mettre formellement en rapport
avec la maladie du sang. A l’inverse, 23 % seulement des patients se déclaraient
asymptomatiques, alors que cette proportion atteignait 75 % selon les questionnaires remplis
par les médecins (Figure 4). Ces résultats peuvent s’expliquer en partie par la difficulté à
attribuer de manière formelle à la TE des symptômes à la sémiologie parfois floue et qui
pouvaient parfois exister chez les patients depuis de nombreuses années. Cette discordance
peut néanmoins également être le reflet d’une absence de considération par les médecins de
symptômes qu’ils jugent mineurs, et qui leur semblent peu importants alors que, au vu des
résultats de cette enquête, ils ont un grand impact négatif sur la qualité de vie du point de vue
des patients.
Figure 4 : Discordances Patients / Médecins
7
DISCUSSION :
Les résultats de cette enquête auprès de 245 patients porteurs de TE ont permis de
montrer que le diagnostic de TE a un impact important sur la vie des patients dans son
ensemble. Bien que maladie chronique, considérée comme plutôt peu agressive par les
hématologues, il s’agit néanmoins d’une pathologie tumorale, ce qui implique un ensemble de
bouleversements chez le patient et son entourage.
Les discordances que nous avons observées entre le point de vue du patient et ce qui
est rapporté par le médecin qui le prend en charge soulignent l’importance de travailler à
améliorer une communication efficace entre le médecin et son patient. Bien entendu, il s’agit
dans le cadre de la TE, d’améliorer les moyens d’éduquer le patient au long cours. Cette
éducation porte à la fois sur une connaissance des signes et symptômes de la maladie, des
signes d’alertes en cas de risque vasculaire ou d’évolution hématologique péjorative. Il doit
également apprendre à surveiller ses résultats biologiques et adapter ses doses de traitement
en fonction de ces derniers. A ce titre, l’éducation d’un patient porteur de TE n’est pas
différente dans ses objectifs de l’éducation d’un patient sous anti-vitamine K, d’un patient
atteint de diabète ou d’un asthme grave.3 Les efforts portés dans ces dernières pathologies
avec notamment la création « d’écoles », organisant des séances pendant lesquelles les
patients peuvent apprendre à gérer l’ensemble des problèmes cliniques et techniques liés à
leur maladie sont totalement absents dans le champ de l’hématologie maligne chronique.
Pourtant, si l’espérance de vie des patients porteurs de TE n’est pas différente de celle de la
population générale, c’est au prix d’une surveillance continue au long cours.
En dehors de la création de lieux et de moments dédiés à l’éducation des patients, un
certain nombre de techniques peuvent être utilisées pour améliorer notamment la compliance
au traitement. Dans ce domaine, les techniques « d’entretien motivationnel »4 ont montré leur
efficacité en particulier dans le traitement des dépendances aux substances psycho-actives. Il
s’agit d’une méthode de communication directive, centrée sur le patient, qui a pour but
d’induire un changement de comportement en aidant le patient à explorer et résoudre ses
ambivalences. Un certain nombre de principes sont utilisés au cours de l’entretien. Ainsi, une
empathie avec le patient doit être exprimée. L’entretien doit ensuite l’aider à découvrir les
divergences. La résistance du patient au changement, ou le déni, ne doivent pas être confortés.
Enfin, il s’agit à la fin de ce processus, de développer le sentiment d’efficacité personnelle du
8
patient, gage final de l’efficacité de l’entretien. Le changement de comportement du patient
peut passer par cinq étapes. Tout d’abord une étape dite de « pré contemplation » pendant
laquelle le patient ne considère pas qu’il y ait de problèmes dans son comportement. Puis une
phase de « contemplation » pendant laquelle s’exprime toute l’ambivalence puisque le patient
prend conscience que son comportement pose un problème et commence à considérer le
changement. Il y a ensuite une phase dite de « préparation » pendant laquelle le patient a
décidé de changer, et a bâti un plan spécifique pour cela. Enfin arrive une « phase d’action »
pendant laquelle le changement est effectivement appliqué par le patient. Néanmoins, une
phase dite « d’entretien », qui a pour but d’éviter la rechute, reste encore nécessaire par la
suite.
Un point crucial de la confiance du patient cancéreux pour son médecin, et dans l’écoute que
le patient apportera par la suite au discours du médecin, est dans la manière dont le diagnostic
de cancer est annoncé. Du côté des oncologues, les problèmes de communication redoutés
sont souvent de donner l’information primaire, d’annoncer le choix entre un traitement curatif
et un traitement palliatif. Il existe également chez pratiquement un médecin sur deux une
crainte de difficulté de communication du fait de l’agressivité d’un patient ou de son
entourage. Le déni du patient ou son absence de réaction sont également des sources
d’inquiétude lorsqu’un médecin commence un entretien pour l’annonce d’un cancer. Du côté
du patient, une étude australienne ayant inclus 218 patients a permis d’identifier quelques
préférences des patients sur la façon dont ils auraient aimé que leur soit annoncé le pronostic
de leur maladie.5 L’immense majorité des patients (98 %) souhaitaient que leur médecin soit
réaliste, leur offre l’occasion de poser des questions et les reconnaissent en tant qu’individu
lors de la discussion du pronostic. L’accent a été mis dans cette étude sur la nécessité
d’augmenter l’espoir. A ce titre, il semblait très important à la majorité des patients que le
médecin apparaisse à l’aise, ne parle du pronostic qu’au patient en premier lieu et surtout pas
à sa famille, et qu’il n’utilise pas d’euphémisme. Tous ces facteurs pour les patients étaient
« suspects » et ne favorisaient pas l’espoir. Il apparaît également important que l’information
sur le cancer soit une conversation et non pas une série d’instructions. S’enquérir de ce que le
patient veut savoir, quand et comment, au lieu de décider à un temps donné de fournir
l’ensemble des informations, peut faciliter l’acceptation du diagnostic et améliorer la suite de
la prise en charge. Il s’agit donc de respecter l’agenda du patient. Il faut également évaluer les
pensées et les besoins du patient avant de délivrer l’information, dans le but d’éviter une
information trop ambitieuse qui risque de laisser le patient derrière soi au cours de la
9
discussion. Le point capital dans cette communication, reste bien entendu le temps qu’on veut
bien lui accorder. Il est indispensable de laisser du temps pour les réactions et les questions du
patient.
CONCLUSION :
De nombreuses initiatives au cours des dernières années ont permis de prendre
conscience et de résoudre certains problèmes liés au diagnostic du cancer d’une part, et à la
prise en charge des maladies chroniques d’autre part. Malheureusement, peu d’entre-elles ont
encore touché le domaine de l’hématologie. Si l’annonce du cancer a profité des plans
d’actions développés par les autorités, demeure la relation individuelle entre le patient et son
médecin, qui prend encore une nouvelle dimension lorsqu’il s’agit de pathologie à la fois
tumorale et chronique. De simples améliorations des moyens de communication peuvent déjà
permettre d’améliorer grandement, aussi bien l’acceptation du patient de sa maladie et de ses
contraintes, que la facilité et l’efficacité de l’éducation que l’on souhaite lui donner pour gérer
au mieux sa maladie.
REFERENCES
1.
2.
3.
4.
5.
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Hettema J, Steele J, Miller WR. Motivational interviewing. Annu Rev Clin Psychol.
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Hagerty RG, Butow PN, Ellis PA et al. Cancer patient preferences for communication
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