LE JOURNAL avril-juin 2014 Eugène Ionesco I Emmanuel Demarcy-Mota I Troupe du Théâtre de la Ville I Rhinocéros au Théâtre de la Ville du 2 au 10 juin 2014 © KARSTEN MORAN/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA 2 • ÉDITO Théâtre de la Ville PARIS avril-juin 2014 LA BELLE SAISON Avril, mai, juin : trois mois à venir pour accomplir une saison 2013-2014 jusqu’ici très heureuse. Je saisis cette occasion pour en faire un premier bilan : 25 spectacles de théâtre, 25 spectacles de danse, 39 concerts de musique venant de tous les coins du globe, réunissant à ce jour 234 291 spectateurs. Si les temps sont troublés, pour tous et pour chacun, le public accompagne de manière fidèle et éclatante l’ensemble des propositions que nous pouvons lui faire dans toutes les disciplines, jusque dans les plus inattendues, du « grotesque au sublime », comme dirait Victor Hugo (et on aura vu en cette saison des exemples extrêmes). Des propositions représentatives de ce que notre temps inspire à ces artistes, pour faire œuvre de théâtre, de musique et de danse. Cette diversité fonde notre désir d’ouverture aux arts de la scène, à ceux qui mobilisent des corps vivants, leurs gestes, leurs voix, leurs instruments, leurs techniques…, comme elle fonde notre volonté d’ouvrir le théâtre à l’enfance (et à la jeunesse) afin qu’elle y trouve des occasions de s’amuser et de s’instruire en même temps, de jouer, de rêver… Les différents ateliers et week-ends ouverts au public visent aussi à répondre aux désirs des spectateurs de toutes les générations de s’initier à un art, à une technique, à une pratique. Nous poursuivrons dans cette voie. Nous sommes aussi heureux que le public se soit, au cours de ces dernières saisons, diversifié, notamment sur la question des âges. Car 24 % de nos spectateurs, maintenant, ont moins de 30 ans. Bien entendu, aucune préférence à marquer en cela pour une « tranche d’âge » plutôt qu’une autre, mais seulement un équilibre à trouver, sans quoi une société fût-elle celle des spectateurs, ne subsiste pas longtemps. Libre à chacun de méditer sur ce que cela signifie, mais cela correspond chez nous à un désir profond. Celui que des jeunes gens prennent l’habitude « naturelle » de venir au théâtre. Cette fin de saison : qu’irez-vous voir ? Qu’irez-vous entendre ? Le retour après de nombreuses années du Théâtre national Populaire (TNP) de Villeurbanne, que Christian Schiaretti dirige depuis 2002. Sa troupe et lui viennent avec un Roi Lear (sans doute l’une des plus grandes pièces de tous les temps) incarné par Serge Merlin, acteur singulier, unique. Rhinocéros, d’Eugène Ionesco, que nous avions créé, avec la même troupe d’acteurs, en 2005, puis entièrement réinventé en 2011, revient, après un parcours de plusieurs milliers de kilomètres dans 53 villes du monde et près de 260 représentations depuis la première. Avec sa toute dernière création, David Lescot, auteur et metteur en scène associé pour la quatrième saison au Théâtre de la Ville, viendra évoquer les temps de l’action clandestine et poursuivre, à sa manière unique, un questionnement sur les formes de « résistance » qui semble traverser toute son œuvre. Toutes les formes de danse, plusieurs générations de chorégraphes se trouveront réunies en ce dernier trimestre de la saison. Le Tanztheater de Pina Bausch, avec Palermo Palermo (1989), reprise d’une pièce rare de son répertoire, les nouvelles créations de Wim Vandekeybus, d’Anne Teresa de Keersmaeker, de Christian Rizzo, de Lemi Ponifasio, de Faustin Linyekula… Une fascinante palette d’esthétiques, auxquelles s’ajouteront les vingt très jeunes équipes qui formeront la sélection de la 3e édition du concours Danse élargie. Vous le savez maintenant, ces journées, ouvertes à tous et gratuites, sont autant d’occasion de révéler des univers à suivre : ainsi les découvertes passées de Noé Soulier, Pauline Simon, KLP, Simon Tanguy, Chien-Hao Chang ou Lenio Kaklea que nous retrouverons d’ailleurs cette année dans les Chantiers d’Europe. Chantiers d’Europe, 5e édition Quatre pays seront cette année réunis pour une édition exceptionnelle : la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal. Quatre pays à qui nous sommes depuis des siècles redevables d’une belle part de notre culture : philosophes, architectes, poètes, peintres, sculpteurs, Homère, Dante, Cervantès, Camoes, Pessoa… sans parler des navigateurs qui découvrirent l’Afrique, et le Nouveau Monde… Mais c’est « leur aujourd’hui » que nous visiterons dans ces nouveaux Chantiers d’Europe, aujourd’hui où il leur faut subir une crise que nous surmonterons plus vite qu’eux, mais à quel prix ? Ces jeunes artistes de toutes les disciplines seront présentés dans tout Paris durant trois semaines. L’occasion unique d’entendre leur voix. Voilà pour cette fin de saison 2013-2014. Puisse-t-elle vous faire éprouver tous les sentiments, toutes les émotions que nous sommes en droit d’attendre du théâtre, de la danse et de la musique. Puissions-nous, puissent les acteurs et les danseurs continuer à partager la rêverie du monde. Notre temps en a bien besoin. Emmanuel Demarcy-Mota avril-juin 2014 RHINOCÉROS • 3 BIENVENUE DE GAUCHE À DROITE : Serge Maggiani, Gérald Maillet, Céline Carrère, Stéphane Krähenbühl, Sarah Karbasnikoff, Pascal Vuillemot DANS Rhinocéros © KARSTEN MORAN/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA 4 • UNE ŒUVRE Théâtre de la Ville PARIS avril-juin 2014 FAIRE ENTENDRE Faire entendre les mots de Ionesco, ce qu’ils disent de ce que nous vivons ; s’enrichir de nos différences, voilà pourquoi Emmanuel Demarcy-Mota envoie son Équipe en tournée, et l’accompagne. Les aventures de son Équipe, à Paris, en France, d’ouest en est de par le monde, Emmanuel Demarcy-Mota les vit, sur place, avec tous et en même temps. Ce qu’il considère comme normal puisque, après tout, il en fait partie de l’Équipe, il en est « le centre ». Donc, il a vécu tous les instants de la tournée de Rhinocéros, et quelques-uns de bien surprenants. Ainsi au Chili, où il a fallu d’urgence trouver une autre scène et en adapter le décor, après l’incendie qui a détruit le théâtre où le spectacle était initialement prévu. « Quand la directrice du Festival où nous étions invités nous a téléphoné pour nous prévenir, les décors étaient déjà en route par bateau et, de toute façon, il n’était pas question de laisser tomber. » Voilà donc les techniciens et comédiens face au Théâtre des Carabiniers. Le seul disponible, qui jamais n’a collaboré avec le Festival, où aucun spectateur habituel n’a jamais pénétré, car depuis toujours il appartient à l’armée, lui est réservé. Il est dirigé par des généraux, dont les portraits ornent les couloirs. Où par ailleurs est exposé un matériel qui, tout au long de la dictature, a beaucoup servi contre la population. « C’était une situation ahurissante et inédite pour les spectateurs chiliens comme pour nous. Est-ce qu’il existe un autre pays, y compris une démocratie, où l’armée possède son propre théâtre ? Quel peut bien être le répertoire ? En tout cas, donner là Rhinocéros ! Qui aurait osé l’espérer, même y penser ? Quoi qu’il en soit, le public a compris, et fortement réagi, il savait de quoi nous parlions. Quant au “général-directeur”, il est venu poliment féliciter les comédiens à la fin de la représentation. » C’était, en tout cas, une belle façon de commencer la tournée en Amérique Latine. La suite, en Argentine, a été moins tumultueuse, même si le public, dans sa majorité, ne connaissait pas la pièce. Et peut-être ignorait même le nom de Ionesco. « Cela dit, professionnels ou non, ils sont entrés dans le spectacle, dans ce qu’il met en jeu et qui forcément les touche, eux qui sont également si proches de la fin d’une dictature. Nous y avons rencontré un public très mélangé, très jeune, senti un vrai désir de théâtre, une grande curiosité. Les relations entre Buenos Aires et Paris ont toujours été profondes, chaleureuses… » Emmanuel et l’Équipe se sentent chez eux là-bas, un peu comme aux États-Unis, principalement à New York. Car après tout, même si on n’y est jamais allé, on a vu des films. Et de toute façon, Emmanuel ne veut pas laisser passer une seule occasion de connaître. Et comme les répétitions avaient lieu l’après-midi, le soir était réservé… au théâtre. « Nous avions retenu des places pour des spectacles dont on nous avait parlé. D’autre part, nous avions invité des comédiens intéressés à des workshops de trois jours avec l’équipe. Ensuite, nous discutions, c’était passionnant. Ils étaient surpris par notre jeu, qu’ils qualifient de “physique”, c’est-à-dire plus proche des performances Off-Off Broadway, que de ce qui se fait sur une scène officielle. » Finalement, en dépit des différences de langage, de culture, de passé, le monde occidental parvient à se trouver des points de rencontre. Les acteurs peuvent assez naturellement ressentir les réactions des publics, les prévoir, s’y adapter, s’en servir. En allant vers l’est, les choses changent. Les mêmes événements ne sont pas, et n’ont pas été, vécus de la même façon. « À Moscou, la tension du public nous a surpris. Le seul moment de rire a été celui où on ne sait pas trop si Jean va oui ou non choisir de rejoindre les rhinocéros. Dans tous les débats, les entretiens, revenaient des questions sur le double langage, le double jeu, les stratégies secrètes. Une autre lecture de la pièce, tout aussi contemporaine est apparue, ainsi qu’une vision très noire de sa fin, où le “je ne capitule pas” final de Bérenger ne suscitait aucun espoir, à cause de la solitude du personnage. « En Turquie aussi, nous avons été surpris : à la réplique “je ne veux pas d’enfant”, la salle a applaudi… Par la suite, on nous a expliqué que le gouvernement était alors en train de remettre en cause le droit à l’avortement… En Grèce, nous avions le sentiment d’arriver au juste moment, le directeur du Festival auquel nous participions nous l’a confirmé. Et au journaliste de RFI qui interrogeait les spectateurs de toutes générations à la sortie du spectacle, chacun répondait que la pièce parlait d’eux, de ce qu’ils vivent… Et puis, partout où nous sommes allés, on nous a confié le plaisir d’écouter notre langue. » Emmanuel Demarcy-Mota a bien l’intention de continuer à la faire entendre, à transmettre les avertissements de Ionesco. Il projette de faire découvrir Rhinocéros en Asie, à Taiwan, à Singapour, au Japon. « Dans ce continent, le spectacle prendra évidemment encore un autre sens, des dimensions différentes. Nous, nous apprendrons. Les comédiens recevront des réactions nouvelles, qu’ils vont intégrer et retransmettre. » Notamment aux publics français. Emmanuel Demarcy-Mota garde Rhinocéros au répertoire de sa troupe tant que le thème résonnera dans le présent, tant que le spectacle offrira aux spectateurs des idées, des histoires qui les touchent, leur parlera de ce qu’ils vivent. Et d’abord, du 2 au 10 juin, Rhinocéros revient au Théâtre de la Ville, enrichi de ce que l’Équipe a vécu au long de cette immense tournée, de ce que chacun, pendant ce temps, a pu donner, recevoir, comprendre, chercher, interroger. « Toutes ces questions, ces expériences, qu’ils portent en eux, ils vont les communiquer à un public avec lequel ils partagent la langue, et le quotidien. Là encore, ils vont recevoir, apprendre. » Encore et toujours c’est l’inattendu qui les attend, qui nous attend. Nous sommes au théâtre. Colette Godard → THÉÂTRE DE LA VILLE I B 2 < 10 JUIN IONESCO I EMMANUEL DEMARCY-MOTA Rhinocéros REPRISE Emmanuel Demarcy-Mota ASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE Christophe Lemaire François Regnault SCÉNOGRAPHIE & LUMIÈRES Yves Collet COLLABORATION LUMIÈRES Nicolas Bats MUSIQUE Jefferson Lembeye COSTUMES Corinne Baudelot ASSISTÉE D’Élisabeth Cerqueira MAQUILLAGES Catherine Nicolas ACCESSOIRES Clémentine Aguettant AVEC Hugues Quester, Serge Maggiani, Valérie Dashwood, Philippe Demarle, Charles-Roger Bour, Jauris Casanova, Sandra Faure, Gaëlle Guillou, Sarah Karbasnikoff, Stéphane Krähenbühl, Gérald Maillet, Walter N’Guyen, Pascal Vuillemot MISE EN SCÈNE COLLABORATION ARTISTIQUE PRODUCTION Théâtre de la Ville-Paris. COPRODUCTION Le Grand T, scène conventionnée de Loire-Atlantique – les Théâtres de la Ville de Luxembourg. PAGE DE GAUCHE : Serge Maggiani & Valérie Dashwood © JEAN-LOUIS FERNANDEZ Athènes, programme de Salle de l’Athens Festival PAGE DE DROITE : La scène des bureaux © JEAN-LOUIS FERNANDEZ Londres, programme de salle du Barbican New York, couverture du supplément arts du New York Times Los Angeles, tract du Performing Art Center de UCLA TOURNÉES • 5 avril-juin 2014 DE PAR LE MONDE, ILS SONT ÉCOUTÉS D’ouest en est, partout, dans le rire et l’angoisse, le spectacle éveille des souvenirs douloureux, met à nu le dangereux confort de l’aveuglement. Et c’est bien là ce qui est reconnu à travers cette mise en scène, dont sont admirées la force et l’évidence, la simplicité raffinée dans la complexité des décors en mouvements minutieusement décrits. Un parti pris esthétique manifestement inhabituel, mis sur le compte de… « l’élégance française » ! Mais ce qui, au-delà de toute interprétation personnelle, emporte adhésion et admiration, ce sont les comédiens, leur présence physique, leur rythme, et aussi leur cohésion, leur cohérence. C’est l’Équipe tout entière qui est saluée avec, naturellement, une mention pour Hugues Quester dans le rôle de Jean, l’ami qui finira par se joindre aux rhinocéros : « Sa transformation est formidable, il est horriblement poignant. Valérie Dashwood excelle dans le rôle de Daisy, dont « les doutes puis la trahison finale sont totalement poignants dans le troisième acte ». Et Serge Maggiani, Bérenger, est « intense et ambivalent, un outsider qui traîne la patte, un clown sage dont l’inaptitude sociale et l’incapacité à s’intégrer font de lui la voix réticente de la raison », (Financial Times). LONDRES Voilà environ un an, en février 2013, le Théâtre de la Ville se trouve donc à Londres, au Barbican Theater, grande salle inscrite au centre d’un complexe rassemblant tout ce qui touche aux arts, y compris une bibliothèque et une serre de plantes tropicales… Quant au théâtre lui-même, de par son programme pluridisciplinaire – musiques et danses comprises – de par les troupes accueillies – comme la Schaubühne de Thomas Ostermeier – il est, en quelque sorte, un Théâtre de la Ville londonien. Rhinocéros y a été programmé parallèlement à une exposition du grand maître dadaïste ravageur : Marcel Duchamp. Façon de préparer le spectateur aux dérives de Ionesco ? Plutôt une façon de le faire, par opposition, basculer tout naturellement dans son irréfutable, terrifiante, et si personnelle logique. Qui donc est Ionesco pour le public britannique ? Même s’il ne semble pas l’auteur étranger le plus joué, il reste manifestement important. Un maître de l’Absurde. Qu’est-ce à dire pour les Anglais ? Un théâtre dont la force comique serait proche de ce que nous, en France, appelons leur humour : bien noir, féroce, voire cynique, en tout cas impitoyable, imprévisible… Ce que cherche justement la mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota « pleine de style et terrifiante à la fois », (Sarah Hemming, Financial Time). Le spectacle, sans laisser de côté la violence de la pièce, met aussi en lumière son impact politique. Bizarrement, à ce sujet, si quelques-uns mentionnent l’antagonisme avec Sartre, dont Ionesco supporte mal les sympathies communistes, dans la plupart des articles, la pièce – bien qu’écrite en 1959, en temps de guerre froide – est plutôt vue comme une fable sur la montée du fascisme, voire du nazisme… Certains y lisent même une critique de la collaboration française pendant l’Occupation. Finalement, les Anglais, et d’ailleurs les Américains, bien qu’ils aient combattu Hitler, n’ont pas vécu les méfaits de son idéologie d’une façon aussi quotidienne que les Français. Donc, même si l’horreur est reconnue, elle reste en quelque sorte abstraite. Un symbole généralisé. Peu importe. Rhinocéros n’est pas une « pièce historique ». Emmanuel Demarcy-Mota met en scène le présent, la façon dont vivent les humains, leurs rêves, leurs désarrois, leurs abandons, leur résistance et ses conséquences, y compris la plus glacée des solitudes. À Londres, comme en France, aux États-Unis, à Moscou, Madrid, Istanbul ou Barcelone, partout où a tourné le spectacle est reconnu son caractère universel. « Un rappel profondément troublant de la fragilité de l’être humain », (Telegraph). Au-delà des frontières et du temps, « la pièce garde son pouvoir d’amuser, d’étonner, de provoquer. Que l’hystérie qui s’empare du groupe soit d’origine religieuse, communiste, fasciste n’est pas la question. Ionesco lance une attaque contre tout conformisme aveugle », (onestoparts). LOS ANGELES I BERKELEY (SAN FRANCISCO) I NEW YORK I ANN ARBOR « Serge Maggiani capte magnifiquement l’humanité débraillée de Bérenger, loin de tout héroïsme […] Il personnifie l’homme instinctif, ni dépourvu de conscience ni submergé par elle », écrit Charles McNulty, critique au Los Angeles Times. En septembre et octobre 2012, le spectacle s’en va en effet aux États-Unis. Et si les comédiens se souviennent de leur stupéfaction, de leur trac et de leur bonheur lorsqu’ils se sont trouvés à New York, à la Brooklyn Academy of Music, bondée, avec des spectateurs, attentifs, enthousiastes et finalement debout, c’est sans doute à Los Angeles, première étape de la tournée, que leur présence fut la plus attendue. Pour la première fois depuis très longtemps, venait une troupe étrangère. Et c’est Rhinocéros, œuvre reconnue mais relativement peu jouée sur les grandes scènes américaines, qui a été choisi pour inaugurer le nouveau Festival UCLA dirigé par Kristy Edmunds, « Pour ceux qui croient que Los Angeles devrait avoir une culture théâtrale proportionnelle à sa place de capitale mondiale de l’art, de la musique classique, de l’architecture, il y a tout lieu de croire que Edmunds apportera une contribution inestimable à la diversité esthétique de notre activité scénique. » Voilà un propos apte à nous extirper de nos clichés, en tout cas de celui qui nous fait voir Los Angeles comme une banlieue de Hollywood. Que signifie l’Absurde pour les journalistes américains ? Après tout, si on se fie à leurs grands comiques, de Groucho Marx à Woody Allen en passant par Jerry Lewis, on trouve moins de noirceur que de désinvolture, et une forte propension aux enchaînements saugrenus… Ce que l’on pourrait définir comme le sens de l’absurde. En fait, selon l’Équipe, les pays où le spectacle a déclenché le plus de rires sont l’Angleterre et les États-Unis. Il n’en a pas été de même à Moscou, où il a été joué au Festival Tchekhov 2013, « juste à un moment, où dès que tu allumes la télé, tu vois les newsmakers et les gens simples se transformer en rhinocéros »… Ainsi se rejoignent, par le biais des ondes, Russes et Américains, qui eux aussi voient dans la pièce un avertissement contre la dictature des écrans, les dangers de la normalisation, la perte d’identité. 6 • TOURNÉES Théâtre de la Ville PARIS avril-juin 2014 MOSCOU À Moscou, le spectacle s’est donné au Théâtre Pouchkine devant des salles pleines d’un public attentif plus troublé que réjoui, admirant, comme ce fut le cas partout, la présence émouvante, envoûtante des acteurs, la rigueur de la mise en scène, ici qualifiée de « laconique », ce qui n’est pas faux si on la compare aux exubérances des spectacles russes que nous connaissons. Sans doute Ionesco est-il connu là-bas. Mais est-il souvent joué ? Et comment ? Que signifie l’Absurde dans ce vaste pays dont les cultures, les modes de vie, les façons de penser, de réagir n’ont qu’un rapport extrêmement lointain avec ce que nous désignons comme « logique et raison »? La pièce y a créé une grande émotion en soulevant des questions liées à l’avenir de l’homme, de l’humanité, aux dangers des pouvoirs en place. Quoi qu’il en soit, à Moscou, on aimerait savoir ce qui enfante, tout au moins selon Emmanuel Demarcy-Mota, les rhinocéros français : « L’angoisse de l’avenir dans l’Europe d’aujourd’hui, l’incapacité à se révolter… », comptent parmi les nombreuses causes. BARCELONE Lorsque, en juillet 2013 Rhinocéros se donne à Barcelone, invité par le Festival GREC, avant de rejoindre le Teatre Lliure de Montjuïc, le spectacle suscite nombre d’interprétations, d’interrogations, et d’abord à propos de sa longévité. Ainsi rappelle-t-on que la première mise en scène par Emmanuel Demarcy-Mota date de 2004, la seconde de 2011, et que la pièce est toujours au programme, y compris en France. En somme se confirme la réputation de Ionesco, considéré en Espagne non pas seulement comme le Maître de l’Absurde, mais comme un vrai « classique ». Respecté bien que peu souvent joué. Et de citer Emmanuel Demarcy-Mota : « Rhinocéros est un vrai classique, Il ne change pas, il mue. Il change de peau au fil du temps. » Quant aux raisons pour lesquelles il s’est attaché à cette pièce particulière, elles sont analysées au fil des entretiens et déclarations : « D’après le metteur en scène, les rhinocéros sont le reflet d’une “servitude volontaire”, puisqu’il n’y a aucun chef identifié. Il s’agit d’une attitude commode, paresseuse, consistant à se réfugier dans la masse. Et à ce propos il en appelle à la responsabilité individuelle pour faire front aux totalitarismes », (El periódico de Catalunya). Pour la Catalogne qui, comme l’ensemble de l’Espagne, a vécu quarante ans d’une dictature franquiste, alliée de Mussolini et de Hitler, le totalitarisme fasciste et nazi n’a rien d’abstrait. Et la presse catalane se demande si les dictatures à craindre aujourd’hui ne seraient pas moins idéologiques que religieuses ou (et) financières. « La grande victoire du néolibéralisme : savoir convaincre tout le monde qu’il est absolument normal d’être néolibéral. Et ça, ça se transmet. Dans la pièce, être rhinocéros apparaît comme la meilleure solution. » Sinon la seule, en tout cas la plus évidente. Sauf pour Bérenger. Enfin, comme en Angleterre, aux États-Unis, comme partout, l’impact de la représentation tient aux comédiens qui, une fois encore, ont emporté le public. Il tient également à la force et l’acuité de la mise en scène « très rodée, d’où se détache particulièrement la précision des douze interprètes […], la façon remarquable dont Emmanuel Demarcy-Mota dessine l’action, grâce notamment à deux éléments de base : la scénographie et les lumières d’Yves Collet… », (La Vanguardia, édition catalane). À vrai dire, les spectateurs, professionnels ou non, ont également été éblouis par ce qui est apparu comme somptueux, de par le nombre d’interprètes, la variété et la mobilité des éléments scéniques, leur sophistication… SANTIAGO DU CHILI Au long des siècles, malgré les convulsions de l’Histoire, le théâtre survit, et vit. Alors, nous traversons l’Océan et le temps et, en janvier 2014, nous arrivons au Chili, au Festival SANTIAGO A MIL. Évidemment Ionesco n’est pas là-bas un inconnu, mais il semble bien que la pièce est une découverte, dans laquelle on reconnaît une « fable allégorique, fantastique et kafkaïenne, dont la signification est tellement ouverte, que l’on peut en faire les lectures les plus variées », (Chili Eccliping). Kafkaïen… Comment ne pas penser à la phrase qui ouvre La Métamorphose : « Un matin Gregor Samsa se réveille, transformé en insecte… » Et suit le désarroi d’un homme qui tente de s’adapter à son corps, son désir de se faire reconnaître, accepter. De s’intégrer. S’intégrer ou rester lui-même ? Là est la question pour un Bérenger « ambivalent et attendrissant […] symbole de la fragilité et de l’héroïsme de l’être humain ». Un homme seul. Non pas contre tous, mais à côté des autres. Pourquoi justement ici relève-t-on la solitude de Bérenger dans ses refus, ses combats ? Alors vient la question : comment, au quotidien, a donc été vécue la dictature militaire de Pinochet, qui a tout de même duré de 1973 à 1990 ? BUENOS AIRES Et puis on se retrouve quelques jours plus tard en Argentine, au Teatro San Martin de Buenos Aires, ville où persiste le souvenir d’Eva Perón, dans le grand cimetière, non loin de la statue dédiée à la première star mondiale du tango, Carlos Gardel. Lorsque l’on a trop longtemps été enfermé dans une dictature sans autre issue que l’exil, peut-être cherche-t-on à en reléguer les souvenirs du côté du rêve. Du cauchemar. Ainsi remercie-t-on Emmanuel Demarcy-Mota pour avoir « exhumé » cette pièce, « où, au cours d’une scène inquiétante, les bêtes féroces du titre apparaissent d’une manière quasiment onirique. Peut-être pour nous rappeler que persiste toujours le fantôme du totalitarisme politique », (Notícias). Si les démocraties en butte aux tractations banquières mondialisées concentrent leurs craintes sur le retour d’un fascisme bien connu ou quelque peu modernisé, les Argentins semblent penser qu’ils ont eu leur dose et que le danger pourrait venir d’ailleurs. Et puis cette œuvre, c’est à travers le spectacle qu’ils la découvrent. Un spectacle qui « démontre que le plaidoyer contenu dans la pièce reste d’actualité, de même que son ironie. […] Le dispositif scénique offre un soutien magnifique au travail physique accompli par toute la troupe. La chute inattendue des escaliers et des cloisons fait bien ressentir la progression des bêtes féroces sur une société fragile et instable, qui possède de moins en moins de valeurs susceptibles d’affronter la barbarie », (Ámbito financiero). Enfin, au-delà même du plaisir théâtral, quelque chose d’intime a touché les publics argentins. « Quelque chose de très difficile à obtenir. Quelque chose qui a été obtenu en utilisant la lumière et son absence. Et une musique qui dérange et renforce la sensation d’étrangeté. Le jeu des acteurs et le texte font le reste. Comment une personne peut-elle se transformer en animal sauvage sans autre aide que son corps ? […] Il n’y a pas d’effets spéciaux, seulement des corps non domestiqués, qui sont encore capables d’expression. […] Hautement crédible, le jeu des acteurs fait que nous acceptons comme naturelle la distorsion. Et se passe quelque chose de rare : les effets de cette pièce continuent de se faire ressentir longtemps dans l’esprit des spectateurs », (Tiempo Argentino). Dans leur esprit, leur mémoire, leur cœur… Au long du temps, au long des voyages. C. G. DE GAUCHE À DROITE : Moscou, affiche de Rhinocéros pour le Festival Tchekhov Buenos Aires, programme de salle du Teatro San Martin Buenos aires, couverture du supplément spectacle de La Nacion Barcelone, façade du Théâtre LLiure ACTEUR-ACTRICE, PORTRAITS • 7 avril-juin 2014 UNE TROUPE ter L’Équipe rassemblée par Emmanuel Demarcy-Mota comprend dix-huit personnes, qui régulièrement se retrouvent. Et chacune a son histoire. Charles-Roger Bour © JEAN-LOUIS FERNANDEZ Valérie Dashwood © JEAN-LOUIS FERNANDEZ MIEUX VAUT TARD POUR L’AMOUR DES MOTS Il est arrivé tard dans un monde auquel il ne pensait même pas, le hasard lui a fait rencontrer Emmanuel Demarcy-Mota et son équipe, que demander d’autre? Depuis toujours, elle est attirée par l’écriture et ce que celle-ci fait entendre, ce qu’elle fait vivre à travers les voix, les corps. Elle est née pour le théâtre. Charles-Roger Bour approche de la trentaine quand il vient au monde. Tout au moins à celui du théâtre. Auparavant, tambour battant, il mène la carrière pour laquelle il était programmé, celle de jeune cadre dynamique plein d’avenir. Le chômage, les tsunamis familiaux en décident autrement. Et puisque le hasard fait bien les choses, de rencontres en rencontres, il se retrouve en Provence dans une troupe de théâtre amateur. Lui reviennent alors des souvenirs de lycée qu’il avait complètement occultés, avec étude de textes, spectacles en groupe. « Alors le théâtre commence à envahir ma vie. À ce moment-là, je suis condamné, je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre. » Il devient donc professionnel, passe des auditions, fonde avec un camarade une compagnie, grâce à laquelle il s’initie à toutes sortes de formes et de techniques, joue dans des institutions, retourne à Lyon, sa ville natale, s’y ennuie, décide de tenter sa chance à Paris. La capitale, en dépit de la décentralisation, porte toujours les espoirs de changement, de rencontres. Effectivement, par l’intermédiaire d’un comédien qui connaît un comédien qui travaille avec Emmanuel Demarcy-Mota, mais n’est pas libre pour une tournée de L’Histoire du soldat, la toute première création d’Emmanuel Demarcy-Mota, Charles-Roger Bour passe une audition, et le voilà engagé, intégré à l’Équipe en train de se former. « Nous avons travaillé, et je fais ma première représentation avec eux à Lisbonne. Tout change pour moi, car connaître Emmanuel, c’est en même temps connaître son entourage proche, notamment Christophe Lemaire, Alpar… Des gens qui n’ont pas besoin de se parler pour se comprendre. À ce moment-là, Emmanuel a 22 ans, moi davantage, mais je suis impressionné par son incroyable maturité en tant que metteur en scène, directeur d’acteurs. « L’Équipe s’est formée au fur et à mesure, par la force des choses et sa force à lui, qui sait comment nous emmener là où il veut aller, devancer nos questions, nos difficultés, y répondre. Après les Peines d’amour, dont nous avons donné une version pour les jeunes publics, moins rude, plus courte, j’ai joué le roi Pierre dans Léonce et Léna. D’ailleurs, à l’exception de Ma vie de chandelle de Fabrice Melquiot, et de Victor ou les Enfants au pouvoir, j’ai tout joué. À la Comédie de Reims, où la troupe s’était totalement investie, nous avons vécu des expériences bouleversantes, par exemple les “consultations poétiques”, lorsque les gens nous confiaient leurs problèmes et que, pour les soulager, nous leur choisissions des poèmes. « Et puis il y a eu Ionesco Suite pour lequel Emmanuel nous a fait confiance, qui a marché immédiatement, et continue. Quand on a commencé à mettre au point cet enchaînement de morceaux choisis dans les premières pièces, aucun de nous ne savait ce que ça donnerait. Mais nous nous connaissons. Et je crois bien que la raison pour laquelle nous pouvons travailler ensemble sans tomber dans la routine, c’est que, encore et toujours, nous voulons nous surprendre les uns les autres. En même temps, être ensemble et nous connaître nous aide à traverser des moments difficiles, comme lorsque, à cause du volcan islandais, nous avons dû faire la route en bus, affronter les douanes pour aller en Russie jouer Casimir et Caroline. « Emmanuel était là, avec nous comme toujours. Comme sur scène, il nous entraîne dans ses projets, ses aventures, qui deviennent les nôtres. Il ne dirige pas l’Équipe, il lui offre des buts, cherche avec elle comment les atteindre. Il m’épate toujours. » C. G. C’est au collège que Valérie Dashwood entre en contact avec le théâtre. Grâce à un « club » fondé par deux professeurs auquel, le samedi après-midi, tout le monde, y compris le directeur, peut aller. Rien, à cette époque, ne la prédispose au métier de comédienne sinon son amour des mots, son plaisir à les dire. Tout naturellement, elle participe à un concours interscolaire organisé par Marcelle Tassencourt (comédienne, professeur au Conservatoire de Versailles.) Elle y présente Antigone d’Anouilh et, parfaitement en accord avec ce personnage dans lequel s’inscrivent les doutes et fureurs de l’adolescence, elle obtient le prix d’interprétation féminine. Après quoi, tout s’enchaîne : Conservatoire, Jeune Théâtre national… « J’ai eu la chance d’avoir des professeurs formidables, et très différents les uns des autres. Dans la classe libre du cours Florent, Jean-Pierre Garnier a été déterminant, il m’a donné confiance en moi. Et au Conservatoire : une comédienne, Dominique Valadié, qui entraîne dans des univers très singuliers en passant de Molière à Edward Bond. Des metteurs en scène, Daniel Mesguich, puis Stuart Seide, grand pédagogue et qui m’a engagée dès ma sortie du Conservatoire. » Des auteurs, Valérie Dashwood en rencontrera, et des plus variés : ainsi Shakespeare, en 1998, quand elle passe une audition pour la Rosalinde de Peine d’amour perdue que met en scène Emmanuel Demarcy-Mota. Spectacle fondateur, rencontre décisive. Y compris avec l’Équipe qui, de spectacle en spectacle, se constitue, se définit, construit son identité, même s’il arrive aux uns et aux autres de travailler ailleurs : « Personnellement, j’ai joué, dans la première mise en scène de Daniel Jeanneteau, Iphigénie de Racine parce que depuis le collège j’adore la tragédie et les alexandrins. Plus tard, j’ai découvert Olivier Cadiot, dont la poésie, le langage m’ont fascinée. Avec Ludovic Lagarde et Laurent Poitrenaux, j’ai créé trois nouveaux textes de Cadiot, Retour définitif et durable de l’être aimé – trois mois de laboratoire pour passer du roman à la pièce – Fairy Queen, d’après Gertrud Stein puis Un nid pour quoi faire… Pendant ce temps, avec la troupe d’Emmanuel DemarcyMota, nous étions engagés à la Comédie de Reims. « Ce que j’aime: travailler ensemble, chercher ensemble. Se retrouver. Retrouver nos habitudes communes, les confronter aux changements. Aux nouveaux textes. Aux re-créations. S’adapter aux nouveaux venus, à leurs habitudes, comme ils s’adaptent aux nôtres. Et, par exemple, l’arrivée de Hugues Quester à l’occasion de Six personnages en quête d’auteur a été vraiment importante, pour lui qui nous découvrait et abordait pour la première fois un rôle de père. Pour nous, avec qui il a partagé son expérience. « Et puis il y a les écritures, aussi variées que celles de Fabrice Melquiot ou David Lescot ou encore de Roger Vitrac, Ionesco, dont le vocabulaire, parfois, n’est plus tout à fait le nôtre… Sans parler de Balzac dont nous jouons Le Faiseur… Nous cherchons ensemble. « Heureusement, Emmanuel fonctionne sur l’enthousiasme. Il ne laisse rien passer, nous écoute, demande qu’on lui propose. Il sait comment nous emmener là où il veut. Avec lui, il n’y a pas de grands ou de moins grands rôles, il sait nous réunir. » C. G. 8 • LE ROI LEAR Théâtre de la Ville PARIS avril-juin 2014 SHAKESPEARE SUR TOUS LES TONS Sobriété « vilarienne » avec Christian Schiaretti, dans un Roi Lear joué par Serge Merlin ; vision plus déjantée de La Nuit des rois, avec Bérangère Jannelle, qui inaugure la salle du Carreau du Temple. Deux mises en scène fort différentes qui témoignent de l’inégalable force d’attrait du théâtre de Shakespeare, miroir des fragilités identitaires face aux jeux et enjeux du pouvoir. → THÉÂTRE DE LA VILLE I B 12 < 28 MAI WILLIAM SHAKESPEARE CHRISTIAN SCHIARETTI Le Roi Lear CRÉATION TNP TEXTE FRANÇAIS Yves Bonnefoy Florent Siaud SCÉNOGRAPHIE & ACCESSOIRES Fanny Gamet D’APRÈS UNE IDÉE DE Christian Schiaretti COSTUMES Thibaut Welchlin LUMIÈRES Julia Grand COIFFURES, MAQUILLAGES Romain Marietti SON Laurent Dureux ILLUSTRATIONS SONORES Thierry Seneau CORNISTES Pandora Burrus, Pierre-Alain Gauthier, Jean-Philippe Cochenet, Alessandro Viotti COLLABORATRICE ARTISTIQUE Michèle Merlin ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE Yasmina Remil ÉLÈVE-ASSISTANTE DE L’ENSATT Julie Guichard STAGIAIRE À LA DRAMATURGIE Pauline Picot AVEC Serge Merlin, Pauline Bayle, Andrew Bennett, Magali Bonat, Olivier Borle*, Paterne Boungou**, Clément Carabédian*, Philippe Duclos, Philippe Dusigne**, Christophe Maltot, Mathieu Petit, Clara Simpson**, Philippe Sire, Julien Tiphaine*, Vincent Winterhalter, Marc Zinga, Victor Bratovic, Romain Bressy, Franck Fargier, Lucas Fernandez, Florent Maréchal, Aurélien Métral, Sven Narbonne, Joël Prudent, Loïc Yavorsky DRAMATURGIE * COMÉDIENS DE LA TROUPE DU TNP ** COMÉDIENS DE LA MAISON DES COMÉDIENS PRODUCTION Théâtre National Populaire. Théâtre de la Ville-Paris. du Jeune Théâtre COPRODUCTION AVEC LA PARTICIPATION ARTISTIQUE national. DE HAUT EN BAS : Le Roi Lear © MICHEL CAVALCA Twelfth Night © STÉPHANE PAUVRET TWELFTH NIGHT • 9 Serge Merlin, Le Roi Lear © MICHEL CAVALCA avril-juin 2014 Lear : Serge Merlin, incandescent, douloureux et odieux, attendrissant et monstrueux, indéchiffrable et ouvert à tout ce qui est amour… C’est pour lui, au centre d’une distribution nombreuse et homogène, que Christian Schiaretti a décidé de mettre en scène cette tragédie shakespearienne. Directeur du TNP, il s’attache à la noblesse du « théâtre populaire », tel que, à sa naissance il a été voulu. Un théâtre capable de réunir, et puis d’ouvrir à chacun un espace de réflexion, de plaisir. Une mise en scène délibérément « vilarienne » dans sa sobriété et sa rigueur, avec la simplicité de ce mur courbe et clair, qui parfois s’ouvre par segments sur le noir du néant, de l’imprévisible. Il n’y a pas de palais d’où est chassé le Roi, il n’y a pas de lande où il s’en va mourir. Juste ce mur qui encercle un espace indéfini où tout peut arriver… Semblable, peut-être, à celui dont disposait Shakespeare ? Les personnages y viennent vivre. Non pas en veston-cravate ni en uniformes militaires. Ils sont en « costumes d’époque ». Plus précisément – et en accord avec la belle traduction poétique d’Yves Bonnefoy – en ces costumes de théâtre qui, justement, annulent les époques dans la mesure où ils marquent moins un temps précis de l’Histoire qu’une ambiance historique, et la place qu’y tiennent les personnages. Personnages qui se retrouvent donc là, par groupes familiaux autant que politiques. Car Christian Schiaretti tient à ce que la tragédie du roi Lear ne se borne pas à l’errance désespérée d’un vieillard aveugle, trahi par ses filles, mené par son Fou. Comme il l’a fait avec Coriolan – toujours de Shakespeare, créé en 2006, invité par le Festival d’Automne à Paris en 2008 – il met en mouvement les mécanismes de la tragédie, les jeux et enjeux du pouvoir, leurs inéluctables effets sur les êtres humains, sur leurs comportements, leurs sentiments, leurs relations. Le pouvoir ! Lorsque Lear demande à ses filles d’exprimer clairement leur amour et leur respect, il s’agit pour lui de retrouver une autorité, une influence que, plus ou moins consciemment, il sait avoir déjà perdues, ce qu’il ne supporte pas. À la manière dont les deux aînées se prêtent au jeu, sans trop faire semblant d’y croire, à la manière dont Cordelia tente de le raisonner, on peut supposer que ce n’est pas la première fois, et qu’elles en ont assez. Ce serait donc la fois de trop. Celle qui désorganise, déséquilibre l’édifice politico-familial, et de ce fait, ouvre des perspectives, des ambitions nouvelles, entraîne ces princes et rois, et puis ceux qui en dépendent, sur des chemins inconnus, incontrôlés. Des chemins sur lesquels beaucoup vont se perdre. Et pas seulement Lear, qui se retrouve tel qu’en lui-même, et n’est plus, ne sera plus ni roi ni père. Sinon trop tard… S’en rend-il compte, lorsque, dans son long manteau blanc, il offre sa dérisoire couronne, guère plus impressionnante qu’un jouet oublié ? Dans cette tragédie dont sont absents les sentiments, où les couples sont liés par les nécessités politiques, Lear est le seul à chercher quelque chose d’autre, quelque chose de désintéressé. L’affection, l’indispensable chaleur de l’amour. Alors Serge Merlin est là, tel un enfant abandonné, tel un mourant en quête d’un regard, et il emporte le spectacle, il emporte les spectateurs… Qui d’autre que lui pouvait être ce Lear ? Il est unique. C. G. Twelfth Night © STÉPHANE PAUVRET LE MOUVEMENT DE LA TRAGÉDIE LA LIBERTÉ DES MÉTAMORPHOSES TWELFTH NIGHT, La Nuit des rois. Nuit de carnaval au lendemain de l’épiphanie, où tout peut arriver ; d’ailleurs tout arrive. Pour commencer, un naufrage, qui laisse les survivants sur les bords d’un pays, l’Illyrie, dont personne n’a entendu parler – et pour cause. S’ensuivent d’improbables rencontres plus ou moins amoureuses, échanges d’identité, travestissements divers… Au titre, Shakespeare ajoute « What you will », ce que vous voulez. Séduite par cette liberté, Bérangère Jannelle se lance dans l’aventure, envisage d’abord d’en tirer un film. Formée par le théâtre, elle ne s’y enferme pas, s’intéresse à la philosophie comme au cinéma. Elle a d’ailleurs réalisé plusieurs courts-métrages et un documentaire à partir de la pièce de Pasolini, Pylade. Ses références puisent essentiellement dans la nouvelle vague italienne : « Antonioni pour sa langueur rêveuse, et puis bien entendu Fellini pour son goût du théâtre qui se retrouve dans chacune de ses œuvres, pour ses musiques, sa mélancolie, sa sensualité. » Pendant trois ans, elle travaille sur l’adaptation, avec André Markowicz. Après quoi, elle décide de revenir à la source. Au théâtre, tout en conservant les codes cinématographiques : « montage, enchaînement des séquences, rythme, jeu, gros plans… en l’occurrence sonores. Le spectacle ne comporte en effet aucune vidéo ni projection d’aucune sorte. Et puis, étant donné le nombre de personnages, lourd à assumer au théâtre, les rôles sont concentrés sur huit comédiens, avec le parti pris très fort de pointer ce quelque chose de souterrain et de permanent avec Shakespeare : les fragilités identitaires. Les personnages sont là, dans une position de post-naufrage, égarés, encore flottants. Une situation qui permet de confronter les désirs égoïstes, les désirs d’aimer, de devenir autre, et même quelqu’un d’autre. En fait, cette pièce traite de la métamorphose, des mutations. Les naufragés se retrouvent en terre inconnue, ouverte à tous les changements, et pour laquelle ils peuvent inventer une nouvelle façon de vivre, une société toute neuve. Et se produit alors la confrontation entre les désirs et une nécessité politique, que chacun assume à sa manière. » Hier et aujourd’hui se rejoignent, y compris là où à Paris est présentée cette Nuit des rois : jouxtant la mairie du 3e arrondissement, le Carreau du Temple. Lieu historique, entièrement rénové à l’identique, ossatures métalliques, immenses verrières filtrant le jour… Et dont Bérangère Jannelle inaugure la salle de spectacles. Et que la fête commence ! Elle commence dans une salle de pompes funèbres, reconstituée de façon assez réaliste. Manière de poser directement le sujet. En effet, l’île est habitée par la jeune Olivia qui, depuis sept ans, porte le deuil de son frère… D’autre part, Viola, persuadée que Sébastien, son frère jumeau, est mort dans le naufrage, endosse son identité, de sorte qu’Olivia en devient amoureuse… Juste un exemple des quiproquos et malentendus qui se bousculent tout au long de la pièce. Et la fête continue ! Que Bérangère Jannelle promet bien déjantée, suffisamment alcoolisée. Et l’on quitte les pompes funèbres pour un établissement façon boîte de nuit irréaliste, tout en rideaux noirs, éclairages trompeurs, chansons, tubes de toujours, musiques diverses, de celles qui font danser, de celles qui emmènent ailleurs. Ainsi, les musiques baroques, portées par la voix de Thomas Gonzalez. Haute-contre et danseur, il nous fait voyager dans le temps et le rêve, jusque dans les rideaux blancs d’un univers sans âge, le théâtre. C. G. → LE CARREAU DU TEMPLE I A 12 < 28 MAI WILLIAM SHAKESPEARE I BÉRANGÈRE JANNELLE CIE LA RICOTTA TWELFTH NIGHT, La Nuit des rois, ou ce que vous voulez Bérangère Jannelle André Markowicz ADAPTATION André Markowicz & Bérangère Jannelle MISE EN SCÈNE NOUVELLE TRADUCTION ASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE Michaël Martin-Badier SCÉNOGRAPHIE, PHOTOGRAPHIES Stéphane Pauvret SON Jean-Damien Ratel LUMIÈRES Sébastien Michaud COSTUMES Laurence Chalou ASSISTÉE DE Lea Rutkowski RÉALISATION DE PIÈCES DE COSTUMES Ouria Dahmani COLLABORATION ARTISTIQUE COIFFURES Sylvain Prunenec & PERRUQUES Guilaine Tortereau Nathalie Regior MAQUILLAGE Christophe Oliveira AVEC Cyril Anrep, Caroline Breton, Émilie Incerti Formentini, Thomas Gonzalez, Clémentine Lebocey, David Migeot, Rodolphe Poulain, Douglas Rand ASSISTÉE DE La Magnanerie, Julie Comte et Victor Leclère. PRODUCTION La Ricotta (accompagnement La Magnanerie). COPRODUCTION Le théâtre-scène nationale de Saint-Nazaire – L’Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de Savoie – Equinoxe-scène nationale de Châteauroux – La Comédie de Saint-Etienne- Centre dramatique national – MC2 : Grenoble – Théâtre de la Ville-Paris. AVEC LE SOUTIEN DE la Ferme du Buisson, scène nationale de Marne-la-Vallée, du Parvis, scène nationale de Tarbes, du DIESE # Rhône-Alpes et de la Spédidam. AVEC LE PARTENARIAT D’On Hair International, de Make Up for Ever et Bioderma. La Ricotta est une compagnie associée au Théâtre-scène nationale de Saint-Nazaire et compagnie en résidence à Equinoxe, scène nationale de Châteauroux. La compagnie est conventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication – DRAC et par le conseil régional du Centre. Bérangère Jannelle est artiste associée au Centre dramatique national de Haute-Normandie, elle est artiste accompagnée par Le Carreau du Temple, établissement culturel de la ville de Paris. PRODUCTION ET DIFFUSION 10 • DAVID LESCOT I ARTISTE ASSOCIÉ Théâtre de la Ville PARIS avril-juin 2014 → THÉÂTRE DES ABBESSES I A 14 < 28 MAI DAVID LESCOT CIE DU KAÏROS Nos occupations CRÉATION TEXTE & MISE EN SCÈNE David Lescot Damien Lehman Alwyne de Dardel LUMIÈRES Laïs Foulc COSTUMES Sylvette Dequest COMPOSITION MUSICALE SCÉNOGRAPHIE ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE Charlotte Lagrange ÉCRITURE CHORÉGRAPHIQUE Roser Montlló Guberna AVEC Scali Delpeyrat, Sara Llorca, Damien Lehman, Céline MilliatBaumgartner, Grégoire Oestermann, Norah Krief, Jean-Christophe Quenon Nos occupations © PATRICK BERGER COPRODUCTION Compagnie du Kaïros, Théâtre de la Ville-Paris – la Filature, scène nationale de Mulhouse. La Compagnie du Kaïros est subventionnée par le ministère de la Culture – DRAC Île-de-France. David Lescot est artiste associé à la Filature-scène nationale de Mulhouse. Nos Occupations est publié aux Éditions Actes sud-Papiers AVEC L’AIDE DE la SPEDIDAM. La SPEDIDAM est une société de perception et de distribution qui gère les droits des artistes interprètes en matière d’enregistrement, de diffusion et de réutilisation des prestations enregistrées. L’ART DU RÉCIT → PALAIS DE TOKYO LES 18 & 25 JUIN 19 H 30 PALAIS DÉCALÉS/VISITES ALTERNATIVES I TARIF 2 € EN PLUS DU BILLET D’ENTRÉE NOYAU CLANDESTIN Comment « se cacher en pleine lumière » ? Avec Nos occupations, dans un antre encombré de pianos, David Lescot joue la partition d’un groupe clandestin, entre langage crypté et stratagèmes pour rester invisible et imprenable. Nos occupations, nom commun accolé à un pronom possessif pluriel, résume ce qui se trame dans la pièce de David Lescot : la vie et la mort d’un groupe, en deux temps : celui de l’action clandestine et celui de « l’après », quand la dissolution de l’être ensemble s’unit à la difficulté de donner un sens à sa propre vie. Nul réalisme ou idéologie ne président à l’écriture : on ne saura jamais ce que font exactement les personnages de ce réseau clandestin, à quelle époque ils évoluent, pas plus qu’on n’apprendra le succès ou l’échec de leurs activités. Mais on plonge directement dans un univers où la nécessité de rester invisible, imprenable, oblige à communiquer à l’aide de codes, de cryptages, comme autant de masques destinés à se protéger. Une thématique de la résistance qui colle à la peau du théâtre de David Lescot : « Je pense que ça me travaille depuis toujours et que ça fait même partie de ma venue au théâtre. J’ai commencé l’écriture de ce texte il y a plusieurs années et n’ai cessé de le retravailler, ce que je ne fais pas d’habitude. Quand j’ose écrire quelque chose, réunir des gens pour faire du théâtre, le premier mouvement est peut-être celui-là : projeter l’univers clandestin sur la scène du théâtre. » Sept personnages constituent ce réseau. L’un d’eux sera liquidé et il n’est pas innocent que son nom de code soit celui d’un Juif, un personnage inspiré par le film Monsieur Klein, « où quelqu’un devient juif parce qu’il y a une ambiguïté sur son nom ». Il y a aussi la femme recrutée parce qu’elle découvre l’existence du réseau et que la meilleure manière de l’empêcher de la révéler consiste alors à lui faire croire qu’elle aussi en fait partie. « […] Cette pièce raconte comment se cacher en pleine lumière. Il y a une histoire du metteur en scène Tadeusz Kantor que j’adore. Pour ses tournées, on lui avait collé un commissaire politique qui devait vérifier ce qu’il faisait et il lui a donné un rôle dans le spectacle pour être peinard. Là, c’est pareil : au lieu de se cacher, on ramène le témoin gênant à l’intérieur. » Très documentée, la pièce emprunte à l’univers du cryptage son langage codé, ses techniques artisanales qui, pour un néophyte, se muent en poésie concrète, objectiviste, sur l’art de décacheter et recacheter une enveloppe, ou de mémoriser un message délivré en série de 28 groupes de cinq lettres. Les dialogues sont accompagnés au piano par le compositeur Damien Lehman, la musique assumant le rôle de l’action et rappelant celui que, dans la Résistance, l’on appelait « le pianiste » et qui était chargé de crypter les messages. D’où ce décor composé de pianos – en état de marche ou explosés après le passage d’une bombe – dans lequel se déroule le spectacle. C’est encore le pianiste qui soutient le chant final de Merle, au refrain évocateur d’une histoire bien réelle : « J’étais, je suis, je serai. » Ce sont à la fois les mots écrits par Rosa Luxemburg dans ses dernières lettres en prison, et ceux que trois Juifs baltes avaient choisis comme texte de leur pièce de théâtre, jouée en secret dans un camp de concentration où était prisonnier Armand Gatti et qui marqua sa première rencontre avec le théâtre, au cœur de la clandestinité. Une partition à la ligne claire pour dire la conscience mélancolique suscitée par ce constat : « Un groupe a une durée de vie limitée, moins longue que celle des gens parce que c’est l’action qui le constitue. Dans une vie, on aura appartenu à un certain nombre de groupes, un réseau de résistance, une pièce de théâtre, et on aura déploré leur dissolution. » DURÉE 1 H 30 David Lescot sera l’invité du Palais de Tokyo, dans le cadre des visites guidées « Palais décalés », à partir de l’exposition « L’état du ciel », les 18 et 25 juin 2014. Les visiteurs sont entraînés vers une approche quelque peu inattendue, et parfois théâtralisée. Ces visites, en présence parfois d’un invité, permettent de faire découvrir les expositions de manière alternative et sur un ton différent. David Lescot, en compagnie d’un médiateur culturel, usera des mots et du regard scéniques pour décrypter ou brouiller les différentes mises en scène que peuvent nous donner à voir les œuvres de cette saison. Fabienne Arvers ATELIERS D’ÉCRITURE → THÉÂTRE DE LA VILLE LES 17 & 24 MAI DE 10 H À 13 H David Lescot, en tant qu’auteur associé au Théâtre de la Ville, animera des ateliers d’écriture composés de spectateurs relais. Rendez-vous sur notre page facebook pour gagner la possibilité de participer à un de ces ateliers. YOANN BOURGEOIS • 11 avril-juin 2014 L’EXACTITUDE L’INSTANT DE Acrobate-magicien, trampoliniste-danseur, Yoann Bourgeois conçoit une série de performances spécialement imaginées pour le Théâtre des Abbesses. ENTRETIEN Votre spectacle MINUIT est composé de différents morceaux courts issus de la genèse d’autres pièces, comme par exemple L’Art de la fugue, pièce créée en 2011. Pour quelles raisons avez-vous décidé d’en faire une production à part entière ? YOANN BOURGEOIS : Lorsque je crée un spectacle, je conçois préalablement de nombreuses pièces courtes comme autant d’esquisses, d’études avant de finaliser la pièce. Mon quotidien est ce processus ininterrompu de création qui fait émerger des formes en tout genre dont j’ai le le sentiment que certaines parfois tiennent debout toutes seules. Dans le cas par exemple de L’Art de la fugue, cinq Fugues l’ont précédé. De la même façon, ma prochaine production, dont la création est prévue pour la Biennale de la danse à Lyon, a engendré une quinzaine de petits formats pas loin du numéro. Depuis quatre ans, j’ai réalisé que ces petites formes autonomes composaient, dans mon travail, et plus généralement dans le cirque, une constellation qui gravitait autour d’une notion centrale : le point de suspension. J’ai sélectionné trois Fugues, de cinq à dix minutes chacune, et quatre Paroles impossibles, c’est le titre que j’ai donné à ces travaux d’une durée variant entre quelques secondes et quatre minutes. J’ai décidé alors de donner à voir cette constellation, sous la forme d’un programme toujours en devenir que j’ai nommé : Tentatives d’approches d’un point de suspension. Quelle serait la définition de « point de suspension » dans les techniques du cirque ? Y. B. : J’ai entendu parler pour la première fois de cette notion en apprenant le jonglage à l’âge de 15 ans. Dans cette pratique, elle désigne le moment précis – l’instant – où l’objet lancé dans les airs atteint le plus haut point de la parabole, juste avant la chute. Cette notion se retrouve dans toutes les disciplines du cirque. Par exemple, au trapèze, c’est le moment où il n’y a plus de poids – pour le dire simplement – et où les artistes vont déclencher leurs figures dans l’espace. Lorsqu’un trapèze se balance d’un côté et de l’autre, il atteint un instant où les forces s’équilibrent parfaitement qui est ce fameux point de suspension. De la même façon, pour le trampoline, il y a ce moment de suspension. Pour MINUIT, je vais tenter de rendre perceptible ce point-là en l’amplifiant par la création de dispositifs physiques. Quelles notions ce point met-il en jeu ? Y. B. : Ce point est à la croisée de deux champs lexicaux cruciaux pour moi : celui de la physique mécanique et celui du temps. Ce carrefour dirait l’instant exact, une sorte de présent absolu. Je crois qu’il y a là un dynamisme fondamental pour l’art vivant. L’enjeu de la relation entre la gravité et le temps qui passe me semble majeur. Il s’agit d’une expérience que chacun vit, celle de son corps qui pèse et des années qui passent inexorablement. Parfois, pourtant, un point de suspension vient ouvrir un espace d’éternité. C’est à travers le jeu des forces entre elles que je tente de faire surgir une théâtralité singulière, matérielle. Le plateau ressemblera à un chantier couvert d’objets hétéroclites. Vous avez choisi de vous entourer de quatre autres artistes. Autour de quel motif commun allez-vous vous croiser ? Y. B. : Tous sont des complices de longue date, des amis. Marie Fonte, d’abord, avec qui je collabore depuis mes débuts sur l’ensemble de mes projets. Les acrobates et metteurs en scène Mathurin Bolze et Jorg Müller, ainsi que la harpiste Laure Brisa, qui sample en direct les sons de sa harpe. On retrouve ce rapport de matérialité et de construction qui est au cœur de MINUIT. Je veux mettre en relation un homme et une force, et faire ainsi apparaître une situation ouverte, une fiction polysémique. Une manière, à travers le cirque, de me rapprocher du théâtre en prenant paradoxalement mes distances avec lui. Je parle d’un certain théâtre qui pose l’homme au centre de la scène et du monde, tandis que notre cirque tente de traduire une autre vision, celle d’un homme qui coexiste à côté des animaux, des objets, des machines… Ici, il ne domine pas : il est traversé. Propos recueillis par Jeanne Liger → THÉÂTRE DES ABBESSES I A 16 < 24 AVRIL YOANN BOURGEOIS CIE YOANN BOURGEOIS MINUIT Tentatives d’approches d’un point de suspension Yoann Bourgeois, Marie Fonte, Jörg Müller, Mathurin Bolze, Laure Brisa CRÉATION SON Antoine Garry © MAGALI BAZI INTERPRÉTATION Entre 20 H et 20 H 30 dans la cour du Théâtre des Abbesses, en forme de prologue, présentation de Autoportrait avec Jörg Müller et La Balance de Lévité avec Marie Fonte. 12 • PARCOURS {ENFANCE & JEUNESSE} Théâtre de la Ville PARIS Le Coq d’or © JEAN-FRANÇOIS SANTONI avril-juin 2014 Entre avril et juin, la 3e édition du Parcours { enfance & jeunesse } continue de vous proposer de grands spectacles à voir dès le plus jeune âge : une féerie musicale et visuelle aux Abbesses, une performance burlesque et colorée à la Cité internationale, tandis qu’au Monfort, le conte imaginé par Joël Jouanneau devient un somptueux Théâtre d’ombres. PARFUMS DE RUSSIE → THÉÂTRE DES ABBESSES I C Après Trois contes, œuvre qui réunissait Maurice Ravel et Charles Perrault, les Percussions Claviers de Lyon proposent leur nouvelle création destinée aux jeunes oreilles, en s’associant au metteur en scène Jean Lacornerie et à l’illustrateur Étienne Guiol. 3 < 5 JUIN Sur une trame musicale cousue d’extraits du répertoire de Nikolaï Rimsky-Korsakov, les Percussions Claviers de Lyon revisitent Le Coq d’or, un étrange conte écrit par l’un des plus célèbres écrivains russes, Alexandre Pouchkine. Un roi guerrier, un mage, un animal merveilleux et une charmante princesse sont les principaux personnages de cette histoire en forme d’énigme. Pour la raconter, un spectacle total qui mêle textes, images et percussions. Les illustrations ciselées d’Étienne Guiol sont projetées partout sur la scène. Elles invitent le spectateur à plonger dans une cathédrale de mots et de sons portée par cinq instrumentistes virtuoses devenus aussi conteurs pour célébrer une Russie fantastique embaumant le parfum de l’encens oriental. Le Coq d’or Un spectacle musical d’abord destiné aux jeunes spectateurs mais qui, par sa poésie et son raffinement, est susceptible de toucher un bien plus large public. Une réalisation technique d’une virtuosité assez bluffante. Une heure de féerie ! Alain Cochard, concert classique.com TOUT PUBLIC I À PARTIR DE 7 ANS LES PERCUSSIONS CLAVIERS DE LYON ALEXANDRE POUCHKINE I NIKOLAÏ RIMSKY-KORSAKOV Alexandre Pouchkine Nikolaï Rimsky-Korsakov Gérard Lecointe MISE EN ESPACE, ADAPTATION Jean Lacornerie IMAGE Étienne Guiol SCÉNOGRAPHIE Bruno de Lavenère CRÉATION LUMIÈRES Christophe Braconnier RÉGIE GÉNÉRALE, RÉGIE VIDÉO Arnaud Perrat & Emmanuel Sauldubois AVEC LES PERCUSSIONS CLAVIERS DE LYON, Raphaël Aggery, Sylvie Aubelle, Jérémy Daillet, Gilles Dumoulin, Gérard Lecointe TEXTE MUSIQUE DIRECTION MUSICALE, TRANSCRIPTION PRODUCTION ADIPAC / Percussions Claviers de Lyon. COPRODUCTION Théâtre de la Croix-Rousse. PARCOURS {ENFANCE & JEUNESSE} THÉÂTRES PARTENAIRES • 13 Tête haute © CAROLINE BIGRET Mystery Magnet © REINOUT HIEL avril-juin 2014 FÉERIE GROTESQUE CONTE INITIATIQUE D’improbables créatures, comme sorties d’un méchant dessin animé, font de Mystery Magnet un drôle de carnaval. Venue des arts visuels, Miet Warlop a le sens d’un burlesque foutraque. L’enfance est au cœur de l’écriture de Joël Jouanneau, passé maître dans l’art du récit. Dans Tête haute, entre émerveillements et fantasmagories, Cyril Teste et le collectif MxM créent un paysage virtuel où une fillette doit affronter la peur pour se mesurer à l’expérience de la vie. Savoir faire parler les images : possible définition d’un théâtre visuel ? Mission accomplie, en tout cas avec Mystery Magnet, de Miet Warlop. Avant tout plasticienne et scénographe, cette jeune artiste flamande s’est d’abord formée à l’Académie royale des Beaux-Arts de Gand, où elle a étudié l’art tridimensionnel et obtenu, voici dix ans, son Master en arts visuels. En Belgique, il semble qu’il soit plus aisé qu’ailleurs d’enfreindre les disciplines artistiques. C’est notamment le cas à Gand, qui n’est pas seulement le royaume d’Alain Platel et des Ballets C. de la B. (avec lesquels Miet Warlop a naturellement travaillé), mais aussi la ville où une épatante officine artistique, Campo (ex-Victoria), n’a pas son pareil pour dénicher de jeunes talents, et les accompagner dans les plus inclassables des aventures. En 2006 et 2007, après avoir été repérée dès son spectacle de fin d’étude, c’est au sein de Campo que Miet Warlop a eu l’opportunité de développer un projet personnel, décliné en plusieurs « propositions », dont nous retiendrons ce titre programmatique : Play the Life. Au strict sens du terme, il n’y a pas d’histoire dans Mystery Magnet. Plutôt des tableaux vivants, entre actionnisme performatif et illusionnisme burlesque, où s’affairent des êtres bizarres qu’on pourrait croire sortis d’un dessin animé : femmes sans tête, pantalons de géants, créatures mihommes, mi-objets, sculptures animées, fantasmagoriques. « Je fais collection d’images, confie Miet Warlop. Je trouve que l’art visuel est parfois trop statique. La scène me donne l’occasion de mettre mes images face à face et d’observer comment elles interagissent. » Il y a dans Mystery Magnet une réjouissante débauche de couleurs (avec un mur magnétique blanc qui devient support d’action painting) et de cocasse fantaisie, laquelle n’est pas exempte de « douce horreur »: « Quelqu’un doit vomir seize fois, quatre personnages urinent contre le mur, j’en éventre un autre, et ainsi de suite. Chaque objet ou personnage est en mesure de laisser sa marque, le plus souvent un liquide. À la fin, ce qui nous reste, c’est un canevas, une sorte de dessin des actions de chacun. » Nulle cruauté excessive, pourtant, dans le stupéfiant défilé de ce monde où tout cloche : dans ce que Miet Warlop nomme une « boucherie de tendresse », on se prend de sympathie pour ces étranges personnages empêtrés, qui sont impayables dans leur obstination à se fourrer dans d’inextricables situations, mais qui restent profondément naïfs et enthousiastes, comme épargnés par tout frein de culpabilité ou d’inconvenance. En riant d’eux et de leurs actions foutraques, c’est de nos propres maladresses que l’on s’amuse. Mystery Magnet agit alors comme un épatant miroir de nos petites vanités d’êtres fragiles et enfantins. Au fil d’une dramaturgie onirique, cette féerie grotesque ne craint pas de s’affirmer comme telle et, malgré ses allures d’ovni théâtral, Mystery Magnet dégage un surprenant pouvoir d’attraction. Le désir de métamorphose qui hante le cortège hallucinant de ce carnaval bancal a, sans doute, quelque chose de secrètement cathartique. Car plus la pièce tire à hue et à dia, à la lisière de situations inconfortables, plus elle affirme son charme jubilatoire, libre et fatal. Jean-Marc Adolphe « Dans les couloirs du temps du Monde d’Avant, il était une dernière fois un roi et sa reine et ils attendent le prince qui sera leur enfant. (…) Ni le roi ni la reine ne voulant de cette enfant, dans la nuit de colère noire qui suivit, neuf cavaliers masqués enlevèrent la princesse pour l’abandonner dans la lande sauvage. » La fillette grandit ainsi avec, pour compagnon de fortune, Babel, le vieux dictionnaire. Elle croisa le mot « peur » et l’affronta tête haute ; elle rencontra un roi de fer déchu, vieil acariâtre au cœur perdu, qu’elle tira de sa nuit. Avec Tête haute, Joël Jouanneau trame un conte initiatique qui délie en douce les maux d’enfance serrés au creux du temps. « Dans la chambre de l’enfant, le jeu vidéo et le jouet électronique ont aujourd’hui pris la place de la toupie et du cheval à bascule, c’est un constat. Je n’en éprouve pas de nostalgie, je n’ai pas eu de cheval à bascule. J’avais mieux : le vrai poulain dans le pré. Et surtout, plus encore que tout, cette chance que furent ces heures de vide et d’ennui dans la nature, et qui conduisent à des jeux qu’on s’invente », raconte-t-il. Car Joël Jouanneau n’écrit pas pour, mais depuis l’enfance. « Il invente ici un conte contemporain sur la conquête de soi et fait confiance aux enfants pour recevoir la gourmandise du langage. Son écriture se déploie en une végétation généreuse et dense », note Cyril Teste, metteur en scène et cofondateur du Collectif MxM, qui rassemble des artistes du plateau et des images. « Depuis plusieurs créations maintenant, nous explorons le thème de l’enfance. Où se situe la nôtre ? A-t-elle disparu avec les années ? J’ai créé des laboratoires de recherche et des ateliers d’écriture avec des enfants, j’en ai amenés sur le plateau pour qu’ils me guident vers des endroits que j’avais peut-être perdus. J’avais besoin d’écrire un spectacle non seulement sur eux mais pour eux. S’adresser à eux et les faire rêver, c’est une façon de garder le lien avec notre enfance. » Maniant l’image vidéo comme un langage scénique, Cyril Teste fusionne le corps et l’image en un théâtre d’ombres qui encre, en noir et blanc, découvertes, émerveillements et autres fantasmagories. « La génération née à l’ère numérique évolue naturellement dans les jeux vidéo, la 3D… En utilisant ces techniques, je voulais montrer qu’elles peuvent porter un univers poétique », explique-t-il. En scène, les comédiens tantôt se fondent dans les paysages numériques tantôt jouent par caméra interposée. Ce monde aux lisières du virtuel ouvre grand l’imagination et donne vie au parcours poignant de la jeune princesse, qui traverse le rêve pour affronter l’expérience de la vie. Gwénola David Tête haute de Joël Jouanneau, ill. Valérie Gutton, Actes Sud Papiers, coll. Heyoka Jeunesse, 2013. → LE MONFORT I C 13 < 25 MAI TOUT PUBLIC I À PARTIR DE 6 ANS → THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE I C 3 < 15 AVRIL TOUT PUBLIC I À PARTIR DE 10 ANS MIET WARLOP Mystery Magnet Miet Warlop Sophie Durnez, Ian Gyselinck, Namik Mackic (DRAMATURGIE) MUSIQUE, SON Stefaan Van Leuven, Stephen Dewaele COLLABORATION ARTISTIQUE Nicolas Provost ASSISTANT À LA DRAMATURGIE Namik Mackic AVEC Christian Bakalov, Kristof Coenen, Sophie Durnez, Ian Gyselinck, Wietse Tanghe, Laura Vanborm, Miet Warlop CONCEPTION, DIRECTION ET SCÉNOGRAPHIE ASSISTANTS À LA SCÉNOGRAPHIE PRODUCTION Kunstencentrum Campo. COPRODUCTION Göteborgs Dans & Teater Festival, KunstenFestivaldesArts. JOËL JOUANNEAU I CYRIL TESTE Tête haute Joël Jouanneau MISE EN SCÈNE Cyril Teste COLLABORATION DRAMATURGIQUE Philippe Guyard Émilie Mousset & Sandy Boizard SCÉNOGRAPHIE MxM LUMIÈRES Julien Boizard MUSIQUE ORIGINALE Nihil Bordures VIDÉO Patrick Laffont, Mehdi Toutain-Lopez, Nicolas Doremus COSTUMES Marion Montel & Lise Pereira VOIX DE PLUME Mireille Mossé AVEC Murielle Martinelli/Valentine Alaqui (EN ALTERNANCE), Gérald Weingand TEXTE ASSISTANTES À LA MISE EN SCÈNE Collectif MxM et TGP-CDN de Saint-Denis. COPRODUCTION Scène nationale de Cavaillon – La Filature, scène nationale de Mulhouse – Nouveau Théâtre de Montreuil-Centre dramatique national – Le Canal-Théâtre intercommunal du Pays de Redon. AVEC LA PARTICIPATION du DICRéAM et l’aide à la production et à la diffusion du Fonds SACD Théâtre. Le Collectif MxM est artiste associé au TGP-CDN de Saint-Denis et au Canal, Théâtre intercommunal du Pays de Redon, et soutenu par la direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France – ministère de la Culture et de la Communication et le conseil régional d’Île-de-France. Le Collectif MxM est artiste associé au CENTQUATRE-Paris et à la Scène nationale de Cavaillon. www.collectifmxm.com PRODUCTION 14 • DANSE Théâtre de la Ville PARIS avril-juin 2014 RITUELS COLLECTIFS « Je conviens de nommer “Divers” tout ce qui jusqu’aujourd’hui fut appelé étranger, insolite, inattendu, surprenant, mystérieux, amoureux, surhumain, héroïque et divin même, tout ce qui est Autre ; – c’est-à-dire, dans chacun de ces mots de mettre en valeur dominatrice la part du Divers essentiel que chacun de ces termes recèle. » Dans son Essai sur l’exotisme, l’écrivain-voyageur Victor Segalen (1878-1919) fait l’éloge de l’altérité dans la multitude : ce qu’il nomme le « Divers ». La danse contemporaine est bien souvent au diapason de cette quête voyageuse dont elle irrigue son cours. Avec Palermo Palermo, en 1989, Pina Bausch s’éloignait de son fief de Wuppertal pour aller capter des énergies et des saveurs dont la Méditerranée est le creuset. Ce fut le début d’un long périple à travers pays, continents et cultures. Le Divers se présente parfois sans crier gare. En Turquie, à la fin d’un spectacle, Christian Rizzo assiste à la brève irruption d’une danse traditionnelle, martelée par un groupe masculin. Une vive émotion le saisit, alors même que le « folklore » semble étranger à la danse contemporaine. Bravant cette coupure, Rizzo s’est mis à explorer, en créant d’après une histoire vraie, le mystère de l’attrait qu’il a ressenti des années plus tôt. Des histoires vraies, le Congolais Faustin Linyekula en est encombré : celles de son pays conjuguent guerre et misère. Avec Drums and Digging, il construit un fragile abri pour préserver la part de rêve que s’accorde malgré tout un peuple, à travers récits, danses et chants. Cette « invitation à rester éveillés », le Portugais Paulo Ribeiro est allé la chercher du côté de Jim Morrison. Dans JIM, la fougue du chanteur des Doors fédère les énergies, le sens du collectif venant ici faire digue contre les vagues du renoncement. Dans The CRIMSON HOUSE, Lemi Ponifasio part d’un conte fondateur de la culture samoane, et en appelle à une « conscience cosmique » pour retrouver le sentiment d’appartenance à un monde commun, à rebours d’une société de contrôle qui étend son pouvoir de surveillance sur les individus. Devons-nous nous assujettir à la domination des images et autres « visuels » que cette société produit à satiété ? Avec la présence sur scène d’un photographe, Wim Vandekeybus cherche, dans booty Looting, à prendre l’image de vitesse, et à témoigner du débordement de sens dont la danse est le sujet. Entre mémoire vive et fraîcheur du présent, il s’agit au fond de prendre la mesure du temps, qui donne consistance à l’expérience sensible. Laissant infuser la musique spectrale de Gérard Grisey dans Vortex Temporum, Anne Teresa De Keersmaeker donne ainsi corps aux « contractions et dilatations de l’expérience du temps ». Tous ces spectacles peuvent être perçus comme autant de rituels collectifs, qui sauraient éveiller ce que la chorégraphe de Rosas appelle « l’imaginaire kinesthésique du public ». Sur scène, en « danse élargie », autant de corps conducteurs qui mettent en mouvement la force des énergies plurielles, aimantées par la multitude du Divers, et dont on se plaît à penser qu’elles pourraient renverser bien des murs que nous érigeons dans nos têtes, à l’instar de celui qui s’écroule au début de Palermo Palermo. J.-M. A. LEMI PONIFASIO • 15 avril-juin 2014 MAELSTRÖM CONTEMPLATIF Le Samoan Lemi Ponifasio, aujourd’hui installé en Nouvelle-Zélande, questionne d’un spectacle à l’autre les effets pervers de la modernité. L’omniprésence d’une société de contrôle est au cœur de sa nouvelle création. On sait tout ce que la danse contemporaine doit à des plasticiens d’origine : qu’il suffise de mentionner ici Robert Wilson, Jan Fabre, ou encore Tadeusz Kantor. Avec Lemi Ponifasio, c’est un tout autre background qui fonde l’origine : il a en effet suivi une formation en philosophie et en science politique, avant de créer en 1995 un collectif d’artistes baptisé MAU, ce qui signifie « ma destinée », mais reprend aussi le nom d’un ancien mouvement indépendantiste samoan. Car telle est la culture dont est issu Lemi Ponifasio. Né dans un village au bord de l’océan Pacifique, sur l’une des deux îles principales des Samoa occidentales (indépendantes depuis 1962), il s’est exilé à Auckland, en NouvelleZélande, où il vit et travaille aujourd’hui, sans rien renier de ses sources. Fin connaisseur de la culture polynésienne, il envisage aujourd’hui, nous dit-il, la création d’une université à Samoa. Dans Tempest : without a body, le spectacle qui l’a fait connaître au Théâtre de la Ville, en janvier 2010, la présence sur scène d’un chef maori (un temps suspecté de terrorisme, puis relâché par la police néo-zélandaise, faute de preuves) fut particulièrement remarquée. Que l’on n’imagine pourtant pas Lemi Ponifasio en prosélyte d’une cause. « Le théâtre est lié à la poésie et n’a rien de précis à exprimer » ; nous avons au contraire « besoin de silence pour nous extraire de la confusion que crée la propagande de l’information. Cela fait beaucoup trop de bruit, et on s’y accoutume comme s’il s’agissait d’une drogue. Nous devons être capables de porter attention au présent. Je veux projeter le spectateur dans son propre silence, dans le sens même qu’il donne à son existence… Qu’il contemple la place qu’il a dans l’univers. » Cela n’est pourtant pas synonyme de désengagement. Face au système politique, qu’il qualifie sans fard de « système de gangsters », Lemi Ponifasio en appelle à la faculté individuelle et collective d’assumer la responsabilité de nos actes. Si ce monde est en crise, il nous faut « changer de culture. Les artistes sont comme des philosophes qui doivent aider à cette transformation, nous ne sommes pas les pourvoyeurs d’un marché du divertissement ! Si une pièce ne fait pas évoluer votre regard sur le monde, ce n’est pas de l’art. » Pour Birds with Skymirrors, présenté au Théâtre de la Ville en novembre 2011, Lemi Ponifasio était parti de l’image, pour le moins insolite dans le contexte d’une île du Pacifique, d’oiseaux transportant dans leur bec des bandes magnétiques pour bâtir leur nid. De cette vision, Lemi Ponifasio avait fait un prégnant tableau mouvant, en un rituel de corps-sémaphores, qui invitait à questionner nos rapports à la nature face à la dégradation croissante de notre planète. Chacun de ses spectacles nous plonge ainsi dans un univers où se croisent les humains, les oiseaux, les dieux, le chant, des figures animales et la présence des ancêtres, le tout fondu dans le creuset d’une esthétique contemporaine, qu’on pourrait curieusement qualifier de « maelström contemplatif ». The CRIMSON HOUSE, sa nouvelle création, part d’un conte fondateur de la civilisation samoane, et se questionne : comment l’humanité s’est-elle laissé déposséder du savoir que lui a confié un Dieu géniteur, pour s’en remettre aux dispositifs technologiques d’une société de contrôle qui semble garder en permanence un œil suspicieux sur le moindre de nos faits et gestes ? Pour reprendre en mains le cours de notre destinée, Lemi Ponifasio n’hésite pas à parler de la nécessité d’une « conscience cosmique ». J.-M. A. → THÉÂTRE DE LA VILLE I B The CRIMSON HOUSE © MAU 1er < 6 AVRIL LEMI PONIFASIO MAU The CRIMSON HOUSE CRÉATION 2014 & DIRECTION Lemi Ponifasio LUMIÈRES Helen Todd Ioane Papalii, Charles Koroneho, Nina Arsenault, Teataki Tamango, Bainrebu Tonganibeia, Arikitau Tentau, Kelemete Fu’a, Maereke Teteka CONCEPT, DÉCOR, CHORÉGRAPHIE AVEC MAU. COPRODUCTION New Zealand Festival – Théâtre de la Ville-Paris – Festspielhaus St Polten – Théâtres de la Ville de Luxembourg – Holland Festival – Onassis Cultural Centre Athens – Melbourne Arts Festival. PRODUCTION 16 • CHRISTIAN RIZZO Théâtre de la Ville PARIS d’après une histoire vraie © MARC DOMAGE avril-juin 2014 CONSTELLATION TRIBALE Ravivant « l’émotion archaïque » que lui a laissée la vision fugace d’une danse folklorique, Christian Rizzo puise dans les motifs de danses traditionnelles méditerranéennes, matière à l’élan collectif des corps. Le temps silencieusement perle en une brume incertaine. Quelque chose attend, qui gît là, en suspens, au revers du réel. Comme une vibration qui sourd de la blancheur étale, hésitante et tranquille. Un homme, puis deux, puis trois… enfin huit se groupent au sol puis se séparent et entonnent une marche polyphonique. Ils martèlent ensemble leurs pas, sautent et voltent au son de deux batteries, scandent leurs gestes en variations minimalistes. Se croisent, s’effleurent ou s’échauffent. Ils tressent ensemble leur solitude et, peu à peu, trouvent l’harmonie dans le jaillissement du mouvement. La barbe en broussaille et la tête échevelée, ils exaltent d’abord une masculinité brute que vient adoucir cette fraternité scellée par l’élan collectif des corps, jusqu’à la délicatesse. La communauté lentement se constitue par ce rituel, archaïque et pourtant pleinement inscrit dans notre époque. Créateur singulier, passé par le rock, le stylisme et les arts plastiques, le chorégraphe Christian Rizzo souvent déploie ses mondes imaginaires en notre for intérieur, comme des installations vivantes qui prennent tout leur sens par la métamorphose. Il entame, avec cette pièce pour huit danseurs et deux batteurs/compositeurs, une inflexion chorégraphique. « La danse est l’enjeu central de mon travail », dit-il aujourd’hui ; d’après une histoire vraie est née d’un souvenir vécu voici dix ans. Christian Rizzo assistait à un spectacle quand, à quelques instants de la fin, surgit une bande d’hommes qui exécuta une brève danse folklorique puis disparut. « Une émotion profonde, presque archaïque m’envahit », se rappelle-il. Troublé par l’écho incertain de cette sensation longtemps abandonnée au creux du conscient, le chorégraphe a fouillé sa mémoire pour y desceller les histoires cachées dans le murmure du temps. « L’observation factuelle et décontextualisée des mouvements, souvent similaires entre ces danses, m’offre le terrain idéal pour questionner les notions de communauté, transe, répétition, minimalisme… », explique-t-il. « Je ne pars qu’avec des corps et des principes chorégraphiques. J’ai envie d’une danse tellurique, qui creuse le sol en même temps qu’elle cherche l’élévation. Une double spirale qui monte et descend, qui creuse et s’élève. Une danse qui tente de résoudre la question de la gravité, de la chute, non pas en se battant contre elle, mais en l’acceptant. La question de l’être-ensemble est centrale. Les danses à partir desquelles nous avons travaillé sont empruntées au populaire, au sens où elles sont partagées, où chacun peut se les approprier. Elles sont avant tout le socle pour une écriture abstraite. Il y a toujours dans ces danses des mouvements extrêmement archaïques qui réunissent à coup sûr : taper des pieds, lever les bras en l’air, joindre les mains, tourner. L’écriture appartient à une culture, mais le mouvement non. Peut-on inventer une danse folklorique qui ne revendique aucune culture précise, qui ne peut exister que sur un plateau ? » Tandis que Didier Ambact et King Q4 battent le rythme aux confins de la musique tribale, du rock psychédélique et du dub*, les danseurs tantôt se groupent en constellations, tantôt s’éparpillent par contrepoints, pris dans les flux et reflux du mouvement. Leur gestuelle mêle avec fluidité le populaire et le contemporain, le folk et le sacré. Reprenant des motifs des danses traditionnelles méditerranéennes, elle se déroule en infinies volutes, ondulations et tournoiements… Et nous emporte dans son fascinant mystère. G. D. * Genre musical issu du reggae jamaïcain. → THÉÂTRE DE LA VILLE I A 9 < 11 AVRIL CHRISTIAN RIZZO L’ASSOCIATION FRAGILE d’après une histoire vraie CRÉATION 2013 & COSTUMES Christian Rizzo & INTERPRÉTATION Didier Ambact & King Q4 LUMIÈRES Caty Olive & DIFFUSION Bureau Cassiopée INTERPRÉTATION Fabien Almakiewicz, Yaïr Barelli, Massimo Fusco, Miguel Garcia Llorens, Pep Garrigues, Kerem Gelebek, Filipe Lourenço, Roberto Martínez CONCEPTION, CHORÉGRAPHIE, SCÉNOGRAPHIE MUSIQUE ORIGINALE ADMINISTRATION, PRODUCTION l’association fragile COPRODUCTION Théâtre de la Ville-Paris – Festival d’Avignon – Opéra de Lille – Centre de développement chorégraphique de Toulouse-Midi-Pyrénées – La Ménagerie de verre-Paris – La Filature, scène nationale-Mulhouse – L’Apostrophe, scène nationale de CergyPontoise et du Val-d’Oise – Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape/direction Yuval Pick. AVEC LE SOUTIEN du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, de la convention Institut français + ville de Lille, de l’association Beaumarchais- SACD et de l’Institut français dans le cadre du fonds de production circles. AVEC L’AIDE du Phénix scène nationale de Valenciennes. RÉSIDENCES DE CRÉATION Opéra de Lille, Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape/direction Yuval Pick, Centre chorégraphique national Roubaix Nord-Pas-de-Calais. L’association fragile est aidée par le ministère de la Culture et de la Communication/DRAC Nord-Pas-de-Calais au titre de l’aide à la compagnie chorégraphique conventionnée et reçoit le soutien du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, de la ville de Lille et de l’Institut français pour ses tournées à l’étranger. De septembre 2007 à juin 2012, l’association fragile/Christian Rizzo a été en résidence à l’opéra de Lille. PRODUCTION DÉLÉGUÉE Théâtre de la Ville PARIS juin 2014 Daniel Abreu, Animal © YASSIEK Tiago Guedes, Materiais Diversos © PATRICIA ALMEIDA CHANTIERS D’EUROPE I 4 < 28 JUIN 2014 UNE RICHESSE EUROPÉENNE Portugal, Grèce, Italie et Espagne. Pour sa 5e édition, Chantiers d’Europe réunit, en 2014, les pays d’Europe du Sud qui ont marqué les éditions précédentes et y ajoute l’Espagne. Théâtre, danse, musique, cinéma, arts plastiques, performances et arts numériques, dans toutes les disciplines, des artistes – jeunes, le plus souvent – viendront nous faire découvrir leur travail, partager leurs recherches et faire entendre leur voix. Ce que nous souhaitons, à travers ce temps fort, c’est susciter la rencontre avec une scène diverse et singulière, une scène qui bien souvent survit malgré la « crise » et reste totalement reliée aux questionnements esthétiques et politiques qui traversent notre continent européen. Après la grande édition 2013, Chantiers d’Europe continuera cette année à se déployer dans Paris : aux côtés de ses partenaires de la première heure le Centquatre et le Monfort, le Théâtre de la Ville est heureux d’accueillir sous la bannière de ses Chantiers d’Europe les propositions du Théâtre de la Colline et de la Grande Halle de la Villette. Le cercle des collaborations s’agrandit avec le festival June Events de l’Atelier de Paris-Carolyn Carlson, le Théâtre de la Cité Internationale, Le Théâtre Paris-Villette, les Berges de Seine, et à nouveau la Maison de la poésie et le Palais de Tokyo… Dans chacun de ces 10 premiers lieux de Paris, auxquels d’autres seront associés d’ici le programme final, résonneront les voix des artistes qui sont l’Europe d’aujourd’hui. Emmanuel Demarcy-Mota & l’équipe du Théâtre de la Ville, mars 2014 ESPAGNE I ITALIE I GRÈCE I PORTUGAL EFFERVESCENCE À L’ŒUVRE Elle est la nouvelle impératrice d’Europe. Nul ne sait plus quand Elle a pris le pouvoir. Elle, la Dette souveraine, ainsi nommée parce qu’émise ou garantie par un État censé exercer la souveraineté des dépenses publiques. Mais il semble aujourd’hui que « la dette » soit « souveraine » en elle-même, précipitant des pays entiers au bord de la banqueroute, planant comme une épée de Damoclès sur toute décision publique. De fait, depuis les années 1970, les États européens sont contraints, pour financer leurs investissements, de faire appel aux marchés financiers et aux banques commerciales, qui se refinancent pour leur part auprès des banques centrales ! Et les « plans d’austérité » semblent aussi douloureux qu’impuissants à résorber déficits et chômage endémique. Jugés trop dépensiers, pas assez rentables, les secteurs de la santé, de l’éducation et de la culture sont parmi les premiers à souffrir de coupes budgétaires parfois drastiques. Un certain art de vivre, la qualité et la diversité de l’activité culturelle, ne sont-ils pourtant pas l’apanage d’une certaine richesse européenne ? L’Italie, le Portugal, la Grèce et l’Espagne souffraient, avant même « la crise », de l’absence de « politiques culturelles » dignes de ce nom. La créativité n’y est pourtant pas moindre qu’ailleurs, comme l’ont manifesté les précédentes éditions de Chantiers d’Europe à l’initiative du Théâtre de la Ville. Quoique diffuse, manquant parfois de « visibilité » (et plus encore de moyens), une certaine effervescence y est pourtant à l’œuvre, portée par une nouvelle génération qui prend à bras-le-corps la pluralité des langages, et parvient à contourner les obstacles économiques pour coaliser des aventures contemporaines. Cette Europe-là est aussi en marche : les Chantiers d’Europe s’en font heureusement les messagers. J.-M. A. BUFFET DÉGARNI LA MORT D’HYPÉRION À quoi bon continuer à idéaliser le mythe de la civilisation hellénique ? La Grèce actuelle est bien réelle. Son expression contemporaine exige de faire face à l’invention humaine. JOURNALISTE : On peut donc dire que le sort de l’Europe dans son ensemble dépend de l’avenir de la Grèce. BARBARA SPINELLI : Je crois que oui, car on a toujours comme point de départ la réalité que subit le plus faible, non le plus fort, le vaincu, non le vainqueur. Tout nouveau commencement part de la base. Le Journal des rédacteurs, 25-26 janvier 2014 Hypérion de Friedrich Hölderlin est un texte qui, depuis sa rédaction (1792-1799), a formé la perception exclusive de la Grèce antique pour plusieurs générations dans l’ensemble des pays d’Europe, et par la suite dans le monde entier. Hypérion, jeune grec idéaliste, se meut dans une Grèce immatérielle, créée de la matière des textes, des œuvres d’art, de son histoire déterminante pour l’avenir de la civilisation européenne. La Renaissance (XIVe-XVIe siècles) n’est qu’une nouvelle naissance de la Grèce antique et, chose significative, elle aura lieu pendant l’occupation du pays par les Turcs (1453). Depuis le XVIIe siècle français jusqu’à nos jours, il y aura, en Europe et ailleurs, une succession impressionnante d’auteurs dramatiques, de penseurs, de poètes, de philologues, dont la réflexion et l’art seront déterminés par la civilisation hellénique dans sa totalité, comme source d’inspiration inépuisable et comme référence indépassable. Les Grecs modernes, depuis leur libération de l’Empire ottoman (1821), en traversant des périodes d’exaltation patriotique ou de fanatisme héréditaire, de perte et de recherche d’une identité ont, eux aussi, malgré quelques rares exceptions, une position mythologisante, entre un sentiment d’infériorité raciale ou d’orgueil national et un provincialisme folklorique vis-à-vis de leur propre passé. Pourquoi cette idéalisation, tant de la part des Européens que des Grecs eux-mêmes ? La raison n’en est pas uniquement la qualité incontestable de l’art et de la pensée helléniques en tant que tels, mais le fait qu’ils ne sont pas perçus dans le réel. Le côté irréel d’Hypérion, son aspiration à magnifier ce pays en le proposant comme modèle, sous le poids d’une nostalgie écrasante, est le produit d’une ignorance ou d’une sous-estimation du facteur « réalité ». Derrière et avant cette civilisation en effet éblouissante, il y a tout simplement l’humain, sa condition charnelle, sa sexualité complexe, sa souffrance omniprésente, sa cruauté inépuisable, l’humain chtonien et mortel, le fumier d’Héraclite. La Grèce actuelle est réelle. La quotidienneté étouffante, la médiocrité écrasante, la déception constante et la désespérance inépuisable sont là, mais là aussi existent des forces mentales et sentimentales, malgré les conventions, les préjugés, les retards et les obscurantismes de toutes sortes. Ces forces sont au seuil de leur métabolisme face à ce qui justement apparaît toujours après le réel : l’invention humaine. Hypérion est mort parce qu’il s’est détourné de ce réel. Nous devons tous faire un immense effort pour nous tourner vers notre présent, qui seul peut devenir, libéré des entraves mystificatrices du passé, un point d’appui capable d’apporter à notre propre réel l’expression contemporaine d’une autre naissance, bien à nous. Dimitris Dimitriadis Au mirage espagnol a succédé une cure d’austérité dont la culture a fait les frais. Les artistes, pourtant, sont loin de s’avouer vaincus. En 2006, la Comédie-Française a participé au Festival de Otoño de Madrid. La crise n’était pas encore là et la Comunidad de Madrid ne lésinait pas sur les dépenses. Le Festival durait un mois et, chaque semaine, une fête était organisée dans un endroit chic, avec boissons à volonté. Un soir, les membres de la compagnie française furent invités à un dîner de 80 personnes. Le chef était Ferran Adrià, le plus fameux représentant de la nouvelle cuisine espagnole. Un des convives français demanda, admiratif : « Et qui paye tout ça ? » C’était l’époque de la bulle immobilière et de la croissance de 3 % l’an. L’Espagne avait un revenu par habitant qui dépassait celui de l’Italie, et le président socialiste José Luis Zapatero rêvait à voix haute de rejoindre la France et l’Allemagne. Le budget du festival en 2006 fut de 3,2 millions d’euros, avec 37 spectacles. En 2012, le montant chuta à 1,2 million, avec sept spectacles. Cette époque est maintenant connue comme l’ère du gaspillage. Mais c’est peut-être une qualification erronée – nous devrions plutôt l’appeler l’ère de la rapine. Maintenant, nous savons que ces dîners et ces festivals qui placèrent l’Espagne sur la carte culturelle européenne et mondiale, ces réalisations pharaoniques d’autoroutes, de ponts, de musées et d’aéroports – beaucoup d’entre elles aujourd’hui sans voitures, sans œuvres d’art, sans avions –, ces logements qui doublèrent la superficie construite sur la côte méditerranéenne, ne furent qu’un mirage dont beaucoup profitèrent pour détourner des fonds publics vers leur propre bourse ainsi que vers celles de fournisseurs et d’intermédiaires du secteur privé. Après la fin des vaches grasses, la culture, l’éducation, la santé en Espagne souffrent aujourd’hui – comme en Grèce, au Portugal ou en Italie – de la cure d’austérité idéologique et budgétaire imposée par Bruxelles, Berlin et la Banque centrale européenne, avec l’aide zélée de Madrid. La première décision prise par le conservateur Mariano Rajoy, après avoir gagné les élections en 2011, fut de supprimer le ministère de la Culture en l’intégrant au ministère de l’Éducation. Comme l’État et les organismes locaux étaient terriblement endettés, la deuxième décision fut de réduire les programmes culturels. Pour terminer d’achever un secteur considéré comme politiquement hostile à la droite catholique, la troisième décision fut de faire passer la TVA sur les produits culturels de 8 % à 21 % ; et enfin la quatrième fut de supprimer la redevance numérique sur la copie privée pour les droits d’auteur. Cette attaque sans précédent a ramené la production de spectacles, de films, d’art et de culture, à son plus bas niveau historique dans la démocratie, conduisant à la pauvreté matérielle de milliers de cinéastes, musiciens, chorégraphes, techniciens et auteurs, et contribuant à augmenter la pauvreté intellectuelle des citoyens. Il y a trente ans, Simone de Beauvoir prévoyait qu’il suffirait d’une crise politique, économique ou sociale pour que les droits des femmes régressent. Le gouvernement espagnol a validé cette prédiction en l’étendant aux créateurs, qu’il considère comme des spécimens dangereux et subversifs. Il y a quelques semaines, le ministre de l’Éducation (et de la Culture) fit montre une nouvelle fois de son mépris en ne se rendant pas aux Goya, la cérémonie de remise des prix du cinéma espagnol. C’était la première fois depuis 28 ans que cela se produisait. Mais la culture espagnole est loin de s’avouer vaincue. Après tout, le meilleur du génie – la passion, le charme, la poésie – du pays de Cervantes, Lorca, Valle-Inclán, Carmen Amaya, Picasso ou Almodóvar, a toujours été sa capacité à dénoncer les injustices et à lutter contre l’obscurantisme. Comme tant de fois par le passé, la France continue à être un refuge pour un grand nombre de ces merveilleux artistes niés dans leur propre pays. Je suis sûr que vous pourrez le vérifier, le démontrer – en jouir – en voyant cet échantillon varié de la production espagnole présenté dans cette 5e édition des Chantiers d’Europe. Miguel Mora, correspondant de El País en France. (Trad. Jean Lepeule) CHANTIERS D’EUROPE I 4 < 28 JUIN 2014 Théâtre de la Ville PARIS juin 2014 UNE SCÈNE AGILE ET VERSATILE INNOVER PLUTÔT QUE SE RÉSIGNER Dans un pays généralement méfiant vis-à-vis des nouvelles générations, la scène contemporaine italienne témoigne d’une vitalité et d’un esprit créatif que la littérature et le cinéma ont du mal à manifester. Dans un pays sans politique culturelle tangible, le réseau artistique compte sur ses propres forces pour se structurer. Quarante ans après la révolution des Œillets, le théâtre et la danse se pensent comme des agents du futur. Il y a quelques années, Massimiliano Civica, l’un des meilleurs metteurs en scène de la nouvelle génération italienne et déjà à l’époque directeur du Teatro della Tosse de Gênes, commentait l’effervescence de la scène romaine émergente, en soulignant que ceux qui travaillent dans la contrainte, sans le support des institutions et aux marges des grandes places théâtrales, développent presque par obligation un langage rude et puissant, arrogamment nécessaire. Cependant – clairvoyant – il terminait son analyse par le constat qu’une dialectique de ce type peut garder une dimension positive pendant cinq, dix ans maximum, mais que, par la suite, d’une telle indigence, on meurt. Au début du mois de février, la Commission européenne a délivré son message : le Portugal est un exemple. Ceci est bien sûr à mettre en rapport avec le programme d’intervention financière, l’ajustement et la pression fiscale auxquels le pays est soumis à l’heure actuelle, à cause d’années de mauvaise gestion politico-financière et de débauches de nouveau riche. La compensation se résumait donc ainsi : nous sommes le meilleur élève d’Europe. Celui qui obéit sans broncher. Pas comme la Grèce, ni non plus, à vrai dire, comme l’Irlande. Dans la dernière ligne droite d’un programme qui a appauvri le pays à des niveaux qui contrarient tous les indices de décennies d’évolution sociale (désormais la méprise est flagrante), les arts, comme tout le reste, ont été mis à l’écart. À défaut de mesures, de plans, de stratégie, de sauvetage, les artistes ont toujours fait preuve, avec leurs moyens modestes, de résistance, de résilience, ils ont tissé un réseau créatif qui s’est toujours structuré par lui-même avec les personnes qui le constituent. Ce sont précisément les personnes qui, de but en blanc, même en l’absence de perspectives à long terme, même désargentées, même obligées de licencier ceux qui travaillaient depuis longtemps sans contrat ; établissant des factures en guise de cachets absorbés par les impôts, ont décidé une fois de plus de se réinventer. En l’espace d’un an – laps de temps soulignant le temps écoulé depuis les derniers Chantiers d’Europe dédiés à Lisbonne – ce que nous avons vu sur les scènes portugaises a été un déploiement d’élan, de force et de détermination qui montrent bien leur singularité. En cette année du 40e anniversaire de la révolution des Œillets, l’imagination envahit la rue et il est beau de voir les scènes se remplir de danseurs qui refusent la soumission de danser tout seuls ! Des chorégraphes comme Paulo Ribeiro et Tiago Guedes (que nous retrouverons en juin respectivement avec JIM et Hoje), aux côtés de Clara Andermatt, Cláudia Dias, Victor Hugo Pontes ou Né Barros – différentes générations pour différentes esthétiques – explorant un mouvement et sa force, une chorégraphie et son identité, une scène comme symbole matériel de la communauté. La synthèse proposée par Civica saisit pleinement ce que signifie faire du théâtre au XXIe siècle, en Italie, et elle peut s’appliquer aisément à la scène nationale émergente dans son intégralité. Bien évidemment, pour la comprendre, il faut la situer dans le contexte d’un pays généralement méfiant vis-à-vis de ce qui est nouveau et des nouvelles générations. L’élite théâtrale, comme dans bien d’autres champs de la culture, est solidement entre les mains des générations les plus anciennes parmi lesquelles, de temps en temps, quelques rarissimes exceptions arrivent à se frayer un chemin. C’est le cas de Mario Martone. En général, ceux qui ont réussi à imposer au grand public leur façon de faire du théâtre et leur poétique l’ont fait « contre » et « en dehors » des principales institutions théâtrales, comme par exemple Ascanio Celestini ou Emma Dante. Et même ceux qui ont pu être produits ou coproduits par les principaux théâtres italiens, comme Pippo Delbono et Antonio Latella, ont accompli cet exploit grâce à une fréquentation intense de la scène étrangère, qui a su leur fournir la légitimité leur faisant souvent défaut en Italie. Pourtant, au cours de ces dix, quinze dernières années, la scène contemporaine a énormément produit en termes de chiffres et de diversité de langages. S’il reste difficile d’en repérer la trace dans les programmations des théâtres, cela l’est moins dans celles des festivals d’été qui sont désormais devenus des scènes centrales pour le théâtre contemporain et débordent le cadre saisonnier s’étendant de mai jusqu’à fin novembre. Ensuite, il y a les espaces hybrides, les centres culturels indépendants, les petits théâtres ; la diffusion, exception faite pour Rome et Milan, est de plus en plus liée à une dimension provinciale, anti-métropolitaine, à une prolifération de petits lieux, dont l’Emilie-Romagne et la Toscane sont les épicentres les plus riches et les plus complexes. Ce réseau pluriel et hétérogène, où on retrouve parfois des représentants des générations précédentes – Barberio Corsetti et Romeo Castellucci – après le succès de Fausto Paravidino, qui remonte désormais à une quinzaine d’années, a engendré dans la plus grande des effervescences beaucoup de dramaturgies nouvelles. De la plus classique, celle d’un Michele Santeramo, à celle, plus introspective, imagée et très personnelle, d’une Lucia Calamaro, qui est sans doute la voix majeure de cette décennie. À côté d’auteurs dont l’écriture se caractérise par une très ample respiration, se développe également, chez certains artistes, une tendance à élaborer des textes qu’ils mettront en scène et interpréteront aussi. Une dramaturgie d’acteur qui n’est jamais improvisée, mais est au contraire très élaborée. C’est le cas, entre autres, de Daniele Timpano, Andrea Cosentino et du duo Deflorian-Tagliarini à Rome, des Babilonia Teatri en Vénétie, de Fibre Parallele dans les Pouilles, de Teatro Sotterraneo en Toscane, de Carullo-Minasi en Sicile et de Quotidiana.com à Rimini, dans la région d’Emilie-Romagne. Avec ce courant qui porte une attention particulière à l’écriture – grande absente des scènes du théâtre contemporain de la fin du siècle dernier – cohabite un courant plus « performatif » : les expérimentations conceptuelles de Pathosformel ; les visions de Muta Imago, Opera et Anaggor ; les œuvres plus froides et technologiques de Santasangre ou, à l’opposé, celles plus chaudes des clowns du Tony Clifton Circus ; la fantaisie comique del Sacchi di Sabbia ; les projets conceptuels aux arrière-plans comiques de Menoventi. Et il ne faut pas oublier la richesse de la danse, capable aujourd’hui de proposer des projets extrêmement rigoureux, comme « Habillé d’eau », mais aussi des œuvres en dialogue avec un langage plus théâtral – MK et Ambra Senatore, sortie de la pépinière de Roberto Castello – qui traversent nonchalamment les prétendues barrières entre disciplines. Le caractère le plus frappant de cette effervescence est sans doute la pluralité des langages et la capacité des artistes à dialoguer entre eux avec assurance, en collaborant autour de projets parfois très éloignés de leurs propres horizons esthétiques. C’est une scène théâtrale agile et versatile et ce n’est pas par hasard que cet humus est à la source d’expériences intéressantes, tant au niveau du jeu que de la mise en scène (Roberto Latini, Gaetano Ventriglia, Roberto Rustoni, Fabrizio Arcuri, Lisa Natoli, Oscar De Summa). La pauvreté est parfois capable de produire une langue tranchante : sur la scène théâtrale, dépourvue d’éditeurs et de producteurs prêts à édulcorer les langages au nom du profit, on repère une vitalité et un esprit créatif que la littérature et le cinéma italiens ont du mal aujourd’hui à manifester. Faire exister (et résister) une culture « autre », dans un pays qui fait actuellement face à de grandes difficultés sur le plan culturel, crée même une sorte de fierté chez les acteurs de la scène théâtrale. Mais, comme le disait Civica, jusqu’à quand ce travail « en dépit » des institutions culturelles sera-t-il une valeur ajoutée ? Graziano Graziani* (Trad. Alice Mosca) * Graziano Graziani, journaliste, écrivain, critique théâtral. Il collabore notamment avec Radio3 Rai et Paese Sera. Et, au théâtre, en ce 450e anniversaire de la naissance de William Shakespeare que nous célèbrons également, des noms tels que Nuno Cardoso, Beatriz Batarda, Marcos Barbosa, Tiago Rodrigues et le collectif Mala Voadora (ces deux derniers étaient présents lors de la dernière édition des Chantiers d’Europe) ont l’intelligence de relire Shakespeare sous les traits d’un pays utopique qui commença sa construction il y a quarante ans. Mais la révolution, comme dit Teatro Praga, ne dure qu’un moment : « maintenant ». Et maintenant, en 2014, en cette année du centenaire de la Première Guerre mondiale et des quarante ans de la fin des dictatures en Europe (la portugaise, la grecque, l’espagnole, mais aussi la fin de la monarchie à Malte), le théâtre et la danse, au Portugal, se pensent comme des agents du futur, agissant maintenant, et faisant la révolution « maintenant ». Dans un pays sans politique culturelle tangible et avec un désir énorme d’anéantir ce qui résiste encore, il y a quand même une offre culturelle qui refuse de céder. Si la danse fait à nouveau appel aux danseurs, abandonnant les solos qui avaient fait l’identité de ses chorégraphes, et si le théâtre laisse de côté le texte en tant que métaphore pour l’utiliser en tant qu’arme, c’est parce qu’ils ont compris que, dans ce coin d’Europe que l’Europe elle-même a oublié, il y a un désir permanent qui n’est pas seulement fait de changements mais aussi d’apprentissage. Au Portugal, nous avons l’habitude de dire que le peuple est serein parce qu’il a coutume de se résigner. Cependant, au Portugal, la révolution est silencieuse. Un spectacle comme Antonio Miguel (de Miguel Pereira et Antonio Tagliarini) travaille sur la façon dont on peut habiter l’autre, un être étranger, en le faisant nôtre. Notre frère, notre ami, notre corps. Dans JIM, de Paulo Ribeiro, on peut danser seul parce qu’on danse tous la même musique, on danse les uns avec les autres. Dans Tear Gas, de Teatro Praga, la mémoire de ce que nous fûmes nous oblige à ne pas oublier. Dans ENCYCLOPEDIA: X, Cão Solteiro transforme l’idée même de communauté et, tout en faisant l’inventaire de notre héritage, propose un ordre social et philosophique susceptible de nous rapprocher. Un an après, lorsque Lisbonne revient à Paris, ayant réappris sa leçon, son corps meurtri par la crise persistante, il faut regarder à nouveau cette langue poétique et finalement comprendre que le meilleur élève n’est pas celui qui résiste et qui a appris sa leçon, comme la « troïka » le veut bien. Le meilleur élève, c’est celui qui innove. Tiago Bartolomeu Costa, journaliste au Publico. (trad. de Jorge Tomé) AVANT-PROGRAMME → CENTQUATRE I PERFORMANCE/THÉÂTRE SAMEDI 28 JUIN 15 H & 18 H ROGER BERNAT Domaine Public AVEC 150 Domaine Public est (comme) un jeu de société où Roger Bernat propose à un groupe de personnes – le public – → THÉÂTRE DE L’AQUARIUM I DANSE FESTIVAL JUNE EVENTS d’écouter une série de questions et d’instructions au moyen d’un casque audio sans fil. Ces personnes forment des micro-communautés mettant en évidence des règles et des modèles sociaux que Roger Bernat dévoile avec soin. Domaine Public commence comme un sondage en 3D et se transforme en une inquiétante fiction. MARDI 10 JUIN 21 H DANIEL ABREU Animal AVEC casques audio 5 interpètes © DR Dans une atmosphère onirique, Animal explore la nécessité et le désir par un flux d’images et de scènes émotionnellement chargées, en réponse à des situations extrêmes dans lesquelles l’instinct surgit du quotidien. Sans recourir à la narration, le travail du chorégraphe explore les images de combat, de besoin primaire, de relaxation, d’amour… Images liées à l’idée d’animalité et de survie. Dans cette pièce, la danse fait écho aux textes de Marina Wainer qui font référence à l’intime et l’instinctif. → THÉÂTRE DES ABBESSES I MUSIQUE SAMEDI 21 JUIN 20 H 30 AMANCIO PRADA © JUAN RAYOS Compositeur et interprète, Amancio Prada s’inscrit dans la grande tradition espagnole des cantautores, ces chanteurs à texte, contestataires, qui ont été nombreux à s’expatrier et se sont distingués en France, tels Paco Ibañez, Joan Manuel Serrat ou Luís Llach. Il est l’auteur, notamment, d’un vibrant hommage à Léo Ferré mais puise également ses textes aux sources de la poésie ancienne qu’il réhabilite, comme dans sa célèbre version du Cantique spirituel de Saint-Jean de la Croix. → THÉÂTRE DES ABBESSES I THÉÂTRE LUNDI 16 JUIN 20 H 30 LA TRISTURA Materia Prima AVEC © JAVIER SOCIAS … chante les poètes → THÉÂTRE DE LA VILLE I GRANDE SALLE I MUSIQUE SAMEDI 28 JUIN 20 H 30 DIEGO EL CIGALA AVEC 5 musiciens Diego El Cigala est actuellement l’un des chanteurs de flamenco les plus populaires en Espagne. Accompagné par un quintet de musiciens (piano, guitare flamenca, guitare électrique, contrebasse et percussion), il offrira des chansons choisies dans son répertoire qui réunit tangos, boléros et flamencos. 4 jeunes interprètes © ANAÏS LLEIXÀ Réflexion sur l’héritage, l’éducation et l’avenir, Materia Prima est jouée par de jeunes interprètes nés dans les années 2000. La conscience historique et politique de ces enfants sera-t-elle capable de nous effrayer? Serons-nous surpris de les entendre parler comme des adultes ? Ou nous sommes-nous habitués à tout ? → THÉÂTRE DE LA VILLE I COUPOLE I INSTALLATION/DANSE SAMEDI 28 JUIN 19 H JORDI GALÍ © TONI VILCHES T cie Arrangement Provisoire © JESÚS ROBISCO Jordi Galí, danseur espagnol installé en France, articule → THÉÂTRE DES ABBESSES I DANSE VENDREDI 20 JUIN 20 H 30 DANIEL ABREU Cabeza CRÉATION & INTERPRÉTATION Daniel Abreu Les pièces de Daniel Abreu ressemblent à des voyages, peintures et images en mouvement. Cabeza a été créé en 2012 au Mercat de Les Flors à Barcelone. « …L’utilisation juste de l’espace, des silences, de l’obscurité lie des scènes élaborées tout aussi cérébrales que physiques, lyriques que cruelles… » Roger Salas. El País sa recherche autour d’un travail sur l’objet, sous la forme d’installations vivantes et éphémères. Dans T, tout est question d’équilibre, de mise en tension, d’assemblage d’objets. Une construction délicate, balancée, complexe, sur laquelle se promène, tout en la bâtissant, Jordi Galí, danseur architecte. Un dispositif fait de rouages et de balanciers sonores qui progresse jusqu’à atteindre son paroxysme. → PARIS-VILLETTE I MUSIQUE DIMANCHE 15 JUIN 11 H I 15 H 30 & 17 H PAULO LAMEIRO I CARLES PEDRAGOSA Concert pour les bébés flûte, guitare, violes, saxophone, accordéon, harpe, mouvement & voix Les concerts, conçus pour des enfants de 0 à 3 ans, s’organisent autour d’un soliste invité ou d’un thème, comme la sonorité de la trompette, les sons graves (qui calment les bébés), la guitare portugaise, le jazz, Monteverdi, Bach, etc. Le musicien et pédagogue portugais Paulo Lameiro est le concepteur de ce projet (interprété par d’excellents musiciens espagnols) qui a rencontré un succès éclatant. Trad. Marie-Christine Vila CHANTIERS D’EUROPE I AVANT-PROGRAMME FLAMENCO Théâtre de la Ville PARIS juin 2014 → HALL DE LA GRANDE HALLE DE LA VILLETTE I DANSE SAMEDI 14 JUIN 19 H Pour la troisième année, la Grande halle de la Villette résonne flamenco lors d’un week-end de chants, de guitares et de danse. Chantiers d’Europe est heureux de s’associer au Parc de la Villette pour présenter la vitalité d’un genre en perpétuelle mutation. SÓNIA SÁNCHEZ El Pliegue SCÈNE DU HALL DE LA GRANDE HALLE (ACCÈS LIBRE) © LEA DINZER Dans ce solo sans musique, Sónia Sánchez propose une lecture contemporaine de la danse flamenca, comme s’il s’agissait de disséquer une forme très codée pour revenir à ses racines et à son essence. & AUSSI → THÉÂTRE DES ABBESSES I THÉÂTRE → THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS MERCREDI 18 JUIN 20 H 30 MARDI 17 JUIN 20 H LENA KITSOPOULOU → COUR DU THÉÂTRE DES ABBESSES MERCREDI 18 JUIN 20 H → BERGES DE SEINE Javier Barón © DANIEL MUÑOZ SAMEDI 21 JUIN 11 H I 12 H I 13 H Little Red Riding Hood The First Blood AVEC 5 interprètes TEXTE & MISE EN SCÈNE Lena Kitsopoulou L’imprévisible Lena Kitsopoulou ajoute “First Blood” (tiré de Rambo : First Blood, le film américain avec Sylvester Stallone) au titre du célèbre conte des frères Grimm. « Personne n’a jamais vécu heureux jusqu’à la fin de ses jours », explique-t-elle. Elle nous défie de donner au Petit Chaperon Rouge sa revanche sanguinaire, celle d’aller au-delà des tabous, des conventions et des stéréotypes. Et d’ôter le leg de fausses croyances qui hantent nos vies. → LA GRANDE HALLE DE LA VILLETTE I DANSE/MUSIQUE Gitanas Andaluzas Concha Vargas, Juana La Del Pipa, Tomasa « La Macanita » → LIEU À DÉTERMINER I THÉÂTRE réunies pour célébrer toute l’émotion des femmes gitanes de la basse Andalousie ! BLITZ CIE BELÉN MAYA AVEC Invitados Galaxy est une performance longue distance. Les spectateurs Galaxy 8 interprètes français sont libres d’entrer et sortir dans ce spectacle qui raconte les histoires de personnes, célèbres ou non, et évoque des événements historiques, théories, objets et mots disparus. Galaxy est comique et dramatique, absurde et grandiose. Dans ce nouveau spectacle, la danseuse approfondit son écriture, entre joie et douleur, et met ses invités au cœur de la scène. © CLAUDIA MATEUS CONCHA VARGAS I JUANA LA DEL PIPA I TOMASA GUERRERO « LA MACANITA » © MARIANA BISTI JEUDI 12 JUIN 20 H VENDREDI 13 JUIN 20 H MIGUEL POVEDA CHANT → THÉÂTRE DE LA VILLE I COUPOLE I THÉÂTRE/PERFORMANCE Récital de Cante Flamenco MARDI 24 JUIN 19 H Bien qu’il ne soit ni gitan, ni andalou, ce cantaor reprend l’héritage des maîtres tout en apportant un souffle innovant au chant flamenco. ANTONIO TAGLIARINI I MIGUEL PEREIRA Antonio & Miguel AVEC JAVIER BARÓN Miguel Pereira, Antonio Tagliarini En 2000, Antonio Tagliarini et Miguel Pereira ont créé Antonio Miguel. Dix ans après, les voici avec une nouvelle performance, Antonio & Miguel. Un « & » a fait son apparition pour renforcer une distance physique entre deux prénoms, deux identités. Le temps a-t-il réellement produit un changement sur eux ? y la música © DR Une des plus grandes figures masculines de la danse rend hommage à la musique et aux musiciens et invite José Valencia, chanteur en constante évolution. SAMEDI 14 JUIN 20 H ESPERANZA FERNÁNDEZ CHANT → ATELIER DE PARIS I DANSE FESTIVAL JUNE EVENTS Raíces del Alma MARDI 10 JUIN 19 H 30 Cette chanteuse à la voix singulière et charismatique convie à un voyage musical à travers les grands moments de sa carrière. Arranged by date CIE ISABEL BAYÓN Caprichos del Tiempo Avec ce spectacle, la danseuse sévillane Isabel Bayón propose une réflexion sur le temps et son influence sur nos actes et se regarde dans le miroir du passé pour mieux comprendre le présent. LENIO KAKLEA Festival JUNE EVENTS, un événement de l’Atelier de Paris-Carolyn Carlson Un événement inattendu a entraîné la création de cette œuvre: la chorégraphe Lenio Kaklea a oublié le code de sa carte de crédit. Tandis qu’elle s’efforce de se souvenir sur scène de ce que « la mémoire a occulté », elle compose une histoire qui oscille entre le réel et l’imaginaire. → PALAIS DE TOKYO I ARTS PLASTIQUES LUNDI 16 JUIN 21 H 30 Giorgio Andreotta Calò met le feu au Palais de Tokyo ESPAGNE I ITALIE I GRÈCE I PORTUGAL → THÉÂTRE DES ABBESSES I DANSE 10 < 14 JUIN PAULO RIBEIRO COMPAGNIE PAULO RIBEIRO JIM CRÉATION 2012 Le Théâtre de la Colline et Face à Face-Paroles d’Italie pour les scènes de France présentent en collaboration avec Chantiers d’Europe un programme de lectures et de spectacles confirmant la vitalité et la richesse de la création contemporaine italienne. → THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE I DANSE voir p. 28 5 & 6 JUIN 21 H TIAGO GUEDES Hoje AVEC 7 interprètes Hoje signifie « aujourd’hui » en portugais. Que faire, aujourd’hui, © DR L’origine del mondo © CLAIRE PASQUIER en ces temps troublés ? Cette question est le point de départ de Hoje, dernière pièce de Tiago Guedes. Que faire ? Lutter, protester, agir, parfois dormir, foncer dans le tas (de matelas) et bien sûr danser, danser sa jeunesse, danser à tout rompre, jusqu’à l’épuisement. → LE MONFORT I MUSIQUE MARDI 17 JUIN 20 H 30 Oquestrada → THÉÂTRE DE LA COLLINE I THÉÂTRE VENDREDI 20 JUIN 1 PROG. © PATRICIA ALMEIDA EN ITALIEN SURTITRÉ EN FRANÇAIS DARIA DEFLORIAN I ANTONIO TAGLIARINI Reality CONCEPTION AVEC er & INTERPRÉTATION Daria Deflorian & Antonio Tagliarini → THÉÂTRE DE LA VILLE I COUPOLE I DANSE À la mort de Janina Turek, une femme polonaise, on a trouvé 748 carnets où étaient notées minutieusement « les dates » de sa vie. Le spectacle tente de construire un dialogue entre ce que nous savons et ce que nous ne savons pas de Janina en créant une série de courts-circuits autour de la perception de ce qu’est la réalité. DIMANCHE 22 JUIN SAMEDI 7 JUIN 19 H TIAGO GUEDES Materiais diversos CONCEPTION, CHORÉGRAPHIE 6 musiciens C’est une musique qui vient de loin, des banlieues de Lisbonne, des bals et des bars, des lieux canailles où la musique respire l’humeur du moment avant de s’inspirer des airs du passé. Leur swing nomade voyage au long cours. Leurs malles exhalent des parfums du monde entier : le fununa cap-verdien, le tango argentin, le fado bien de chez eux, la musette bien de chez nous, le jazz ou le ska ont droit de cité, tout comme ils chantent aussi bien en portugais, espagnol, français et anglais ! & INTERPRÉTATION Tiago Guedes « Frontalement exposés, il y a là des matériaux de danse. Des fondamentaux. Ils nous indiquent qu’un simple pas du pied amorce un projet sur le monde. Que la main qui trace son parcours s’anime d’une translation de regard. Ou que le temps est sujet à torsions dans l’étreinte de l’espace, par où s’énonce l’art chorégraphique. Ce sont autant de promenades de la perception habitée. […] 2e PROG. EN ITALIEN SURTITRÉ EN FRANÇAIS DARIA DEFLORIAN I ANTONIO TAGLIARINI C’e ne andiamo per non darvi altre preoccupazioni Extraits texte de Gérard Mayen (Nous partons pour ne pas vous donner plus de soucis) AVEC 4 interprètes © CÃO SOLTEIRO TCI Inspirée des premières pages du roman Le Justicier d’Athènes de l’écrivain Pétros Márkaris, la pièce, qui a pour toile de fond la crise économique grecque, s’empare des destins de quatre retraitées qui ont décidé de ne plus vivre, en laissant un mot «… nous avons compris que nous sommes un poids pour l’État, pour toute la société… » SAMEDI 21 JUIN LUCIA CALAMARO (L’Origine du monde. Portrait d’un intérieur) AVEC 3 interprètes Ce spectacle, réelle révélation en Italie, capture le spectateur pour l’emmener dans un monde d’élucubrations. Dans le quotidien d’une famille en pleine introspection, où tous les gestes habituels sondent le réel : manger, parler, s’habiller… Cette œuvre questionne la transmission d’une identité féminine à travers la puissance de la parole. → THÉÂTRE DE LA COLLINE I LECTURE/MISE EN ESPACE Il macello di Giobbe (Le Massacre de Job) FAUSTO PARAVIDINO AUTEUR, METTEUR EN SCÈNE ET COMÉDIEN Deux autres lectures sont en cours de programmation. Programme complet début avril sur www.colline.fr → THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE INSTALLATION/THÉÂTRE © TIAGO BARTOLOMEU COSTA L’origine del mondo. Ritratto di un interno SAMEDI 21 JUIN CÃO SOLTEIRO ENCYCLOPEDIA : X 3 performers Cão Solteiro, André Godinho, António Gouveia, Maria Sequeira Mendes, Nuno Fonseca AVEC → THÉÂTRE DE LA VILLE I COUPOLE I THÉÂTRE/PERFORMANCE MARDI 17 JUIN 20 H 30 TEATRO PRAGA Tear Gas (Gaz lacrymogène) Marquant le retour de Teatro Praga aux Chantiers d’Europe, Tear Gas est née de la résidence de Pedro Penim, fondateur de la compagnie, à Athènes. « Une semaine à Athènes pour retrouver la mémoire, une semaine à Athènes à la recherche de ce qui reste des ruines, une semaine à Athènes sur les traces de l’évangile selon Saint-Marc ». DÉVELOPPÉ PAR Entre performance de théâtre, art et événement mondain, ENCYCLOPEDIA : X est une installation avec le public au centre. Trois actrices guident un groupe de personnes qui sont invitées à la dégustation de neuf types de bières délicieuses. Résultat de l’interaction entre les comédiennes et les spectateurs, ENCYCLOPEDIA est la célébration de notre stupéfaction face au sentiment d’être vivants ici et maintenant coincés que nous sommes, comme Platonov, entre notre fête de mariage, rituel initiatique, et nos funérailles, rituel de fin. CHANTIERS D’EUROPE I AVANT-PROGRAMME CALENDRIER EN COURS VENDREDI 6 21 H // Tiago Guedes // DANSE // THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE SAMEDI 7 19 H // Tiago Guedes // DANSE // THÉÂTRE DE LA VILLE I LA COUPOLE MARDI 10 18 H 30 // Portugal // LECTURE // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS 19 H 30 // Lenio Kaklea // DANSE // JUNE EVENTS I ATELIER DE PARIS 20 H 30 // Paulo Ribeiro // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES 21 H // Daniel Abreu // DANSE // JUNE EVENTS I THÉÂTRE DE L’AQUARIUM juin 2014 LIEUX PARTENAIRES EXPLORER LES ÉCRITURES CONTEMPORAINES JEUDI 5 21 H // Tiago Guedes // DANSE // THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE Théâtre de la Ville PARIS France Culture est partenaire des Chantiers d’Europe depuis la toute première édition. Chaque année, nous proposons ensemble aux auditeurs et aux spectateurs des textes inédits d’auteurs vivants. Ces textes, choisis à l’issue de nos lectures communes, sont lus, enregistrés en public et diffusés sur l’antenne de France Culture. Ils ont souvent trouvé un peu plus tard une existence sur les scènes de théâtre en France. Ensemble, nous avons exploré les écritures contemporaines en Angleterre, en Italie, en Grèce, au Portugal. Cette année nous donnerons aussi à entendre des textes d’auteurs espagnols. Et bien sûr, France Culture sera aux côtés du Théâtre de la Ville pour la soirée d’ouverture des Chantiers d’Europe. Blandine Masson MERCREDI 11 18 H 30 // Conférence // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS PARTENAIRES MÉDIA 20 H 30 // Paulo Ribeiro // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES JEUDI 12 20 H // Gitanas Andaluzas // MUSIQUE + Belén Maya // DANSE // GRANDE HALLE DE LA VILLETTE 20 H 30 // Paulo Ribeiro // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES VENDREDI 13 20 H // Miguel Poveda I Javier Barón // MUSIQUE // GRANDE HALLE DE LA VILLETTE 20 H 30 // Paulo Ribeiro // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES SAMEDI 14 19 H // Sónia Sánchez // DANSE // GRANDE HALLE DE LA VILLETTE AVEC LE SOUTIEN DE 20 H // Esperanza Fernández // MUSIQUE I Isabel Bayón // DANSE // GRANDE HALLE DE LA VILLETTE 20 H 30 // Paulo Ribeiro // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES PROGRAMME EN COURS // SUIVEZ LA PROGRAMMATION SUR DIMANCHE 15 11 H I 15 H 30 I 17 H // Paulo Lameiro I Carles Pedragosa // MUSIQUE // PARIS-VILLETTE LUNDI 16 21 H 30 // Giorgio Andreotta Calò met le feu au Palais de Tokyo // PERFORMANCE // PALAIS DE TOKYO 20 H 30 // La Tristura // THÉÂTRE // THÉÂTRE DES ABBESSES MARDI 17 18 H 30 // Sónia Sánchez // DANSE // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS 19 H // Espagne // LECTURE // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS 20 H 30 // Teatro Praga // THÉÂTRE/PERFORMANCE // THÉÂTRE DE LA VILLE I COUPOLE 20 H 30 // Oquestrada // MUSIQUE // LE MONFORT MERCREDI 18 20 H // Sónia Sánchez // DANSE // COUR DU THÉÂTRE DES ABBESSES 20 H 30 // Lena Kitsopoulou // THÉÂTRE // THÉÂTRE DES ABBESSES VENDREDI 20 20 H 30 // Daniel Abreu // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES HORAIRES À PRÉCISER // D. Deflorian I A. Tagliarini 1er PROG. // THÉÂTRE //THÉÂTRE DE LA COLLINE HORAIRES À PRÉCISER // Cão Solteiro // THÉÂTRE // THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE SAMEDI 21 20 H 30 // Amancio Prada // MUSIQUE // THÉÂTRE DES ABBESSES THÉÂTRE DE LA VILLE-PARIS www.théâtredelaville-paris.com LA GRANDE HALLE DE LA VILLETTE www.villette.com THÉÂTRE NATIONAL DE LA COLLINE www.colline.fr THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE www.theatredelacite.com THÉÂTRE PARIS-VILLETTE www.theatre-paris-villette.fr FESTIVAL JUNE EVENTS ATELIER DE PARIS-CAROLYN CARLSON CARTOUCHERIE www.junevents.fr www.atelierdeparis.org LE MONFORT www.lemonfort.fr 11 H I 12 H I 13 H // Sónia Sánchez // DANSE // BERGES DE SEINE HORAIRES À PRÉCISER // Lucia Calamaro // THÉÂTRE // THÉÂTRE DE LA COLLINE LE CENTQUATRE HORAIRES À PRÉCISER // Cão Solteiro // THÉÂTRE // THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE www.104.fr DIMANCHE 22 HORAIRES À PRÉCISER // D. Deflorian I A. Tagliarini 2e PROG. // THÉÂTRE DE LA COLLINE MARDI 24 18 H 30 // Grèce // LECTURE // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS PALAIS DE TOKYO www.palaisdetokyo.com MAISON DE LA POÉSIE www.maisondelapoesieparis.com 19 H // Antonio Tagliarini I Miguel Pereira // DANSE I PERFORMANCE // THÉÂTRE DE LA VILLE I LA COUPOLE LES BERGES DE SEINE VENDREDI 27 www.lesberges.paris.fr 18 H 30 // Italie // LECTURE // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS SAMEDI 28 15 H I 18 H // Roger Bernat // THÉÂTRE // LE CENTQUATRE 19 H // Jordi Gali // DANSE I INSTALLATION // THÉÂTRE DE LA VILLE I LA COUPOLE 20 H 30 // Diego El Cigala // MUSIQUE // THÉÂTRE DE LA VILLE I GRANDE SALLE MERCI À Francesc Casadesus, Ariel Goldenberg, Salvador Sunyer, Francesca Corona, Christophe Slagmuylder, Antonio Pinto Ribeiro, Tiago Bartolomeu Costa, Mark Deputter, Cristina Grande, Katia Arfara, Yorgos Loukos www.theatredelaville-paris.com WIM VANDEKEYBUS • 25 booty Looting © DANNY WILLEMS avril-juin 2014 VOL EN BANDE ORGANISÉE Créer, c’est piller des histoires, et partager le butin. Dans booty Looting, un photographe « vole », en direct sur le plateau, les expressions des danseurs. Wim Vandekeybus a toujours cherché à prendre l’image de vitesse. Attraper au vol, chorégraphier comme un chasseur-voleur. De mouvements, d’énergies, d’intensités. Dès son premier spectacle, What the Body Does Not Remember, en 1987 (pièce fondatrice qu’il a récemment reprise et que sa compagnie, Ultima Vez, danse à nouveau), Wim Vandekeybus entrait par effraction dans le monde de la danse contemporaine, jetant sur le plateau un commando de corps bagarreurs, aimantés par quelque instinct de survie. Certes, il avait participé à la création du légendaire Pouvoir des folies théâtrales de Jan Fabre, mais ses années de formation, en psychologie et en photographie, ne le prédisposaient pas spécialement à se proclamer chorégraphe. Alors, laissant à d’autres les compositions savantes et le raffinement des gestes, Vandekeybus est allé directement dérober à la danse ce qu’elle a de plus secret, en prenant de vitesse des états de corps, ceux-là même dont le corps ne se souvient pas, tant ils ont été digérés par l’apprentissage physique. « La danse pour la danse ne me suffit pas, disait-il au début des années 1990. Ce qui m’intéresse, c’est l’endroit où les limites s’estompent, où les sens se chevauchent, où les états d’âme se mêlent en une seule et même émotion. L’intensité balaie le sens ou, plutôt, elle constitue ce qui substitue au-delà du sens. » Chevauchée des sens, qu’ils viennent des corps eux-mêmes, et des actions qui les engagent, de la musique et des rythmes qu’elle impulse, de la scénographie et des images qui se forment. Puzzle dynamique, en incessante recomposition, qui témoigne du bouillonnement d’un champ de visions, dont la danse attise le feu. Là encore, l’instinct du voleur : prendre l’image de vitesse, la saisir en cours de formation, avant qu’elle ne se stabilise en cliché. Pour Vandekeybus, l’image produite par la danse n’est pas un dépôt résiduel, mais un incendie qui se propage. Les corps en mouvement en sont le phosphore, l’incandescence incarnée. booty Looting, créé en 2012 à la Biennale de Venise, est dans cette veine. Le titre évoque l’idée de « piller un butin ». Voler ce qui a déjà été volé. En recycler le cours. « L’art crée ainsi sa propre mythologie, commente Wim Vandekeybus, en créant à partir de ce qui existe ou a existé, il s’agit d’inventer autre chose et de le rendre crédible. » Sur un fil mélodique rock (Elko Blijweert à la guitare électrique), booty Looting est ainsi parsemé d’histoires et de citations qui se télescopent, d’une Médée contemporaine (l’actrice allemande Birgit Walter) aux coyotes de Joseph Beuys (la célèbre performance I love Amercia and America loves me) et autres happenings légendaires réinterprétés par Jerry Killick en maître de l’esbroufe. Mais au-delà des références qui le nourrissent, c’est le spectacle lui-même qui devient objet de détournements et de pillages. Shooting en direct : un photographe, Danny Willems, se mêle aux danseurs et subtilise leurs expressions. Les clichés sont aussitôt projetés sur grand écran. « Cette instantanéité n’aurait pas été possible il y a vingt ans. Là, on voit chaque image telle qu’il la prend, indique Vandekeybus. En ce sens, c’est pour le public un spectacle interactif, parce qu’il ne s’agit pas seu- lement d’admirer le résultat, mais d’entrer dans sa fabrication. » Et sans doute réalise-t-on alors, en témoins directs de cette prise de vues (comme on pourrait le dire d’un butin), combien notre société se reflète dans une incessante chasse aux icônes, dont la mise en scène contribue à façonner le regard que nous portons sur la réalité. J.-M. A. → THÉÂTRE DE LA VILLE I B 14 < 25 AVRIL WIM VANDEKEYBUS ULTIMA VEZ booty Looting CRÉATION 2012 Wim Vandekeybus & DRAMATURGE Greet Van Poeck Davy Deschepper, Francis Gahide, Wim Vandekeybus CRÉATION SON Antoine Delagoutte STYLISME Isabelle Lhoas ASSISTÉE PAR Frédérick Denis ASSISTANT MOUVEMENT Máte Mészáros CRÉÉ AVEC & INTERPRÉTÉ PAR Jerry Killick, Birgit Walter, Luke Jessop, Dymitry Szypura, Elena Fokina, Luke Murphy MUSIQUE ORIGINALE LIVE Elko Blijweert LIVE STILL-PHOTOGRAPHIE Danny Willems MISE EN SCÈNE, CHORÉGRAPHIE, SCÉNOGRAPHIE ASSISTANTE ARTISTIQUE CRÉATION LUMIÈRES PRODUCTION Ultima Vez (Bruxelles). COPRODUCTION Dance Biennale 2012 (Venise) – KVS (Bruxelles) – Schauspiel Köln (Cologne). Ultima Vez reçoit l’appui des Autorités flamandes et de la Commission communautaire flamande de la région de Bruxelles-Capitale. 26 • FAUSTIN LINYEKULA Théâtre de la Ville PARIS Drums and Digging © AGATHE POUPENEY avril-juin 2014 CHERCHEUR DE RÊVE Ruines et misère : face à l’histoire chaotique de son pays, la République démocratique du Congo, Faustin Linyekula est parti en quête de récits, de rêves et de chants pour étayer l’architecture légère d’un territoire de création. Malgré tout. Raconter des histoires dont le corps est l’ultime dépositaire, tel est l’enjeu et telle est la singularité du parcours de Faustin Linyekula. Son titre de chorégraphe ne suffit pas à embrasser tout ce que représentent les spectacles des Studios Kabako, fondés à l’aube du troisième millénaire, chez lui, en République démocratique du Congo (RDC), un pays qui n’en finit pas de raturer son nom et son histoire depuis son indépendance, en 1960. Assis sur un banc aux côtés d’une marionnette au visage blanc, rappel d’une colonisation qui observe, sans broncher, la dévastation d’un territoire dévoré par les guerres, Faustin prend la parole : « C’est encore moi, Kabako. Je suis un raconteur d’histoires. Cela fait dix ans que je les promène sur les routes de la danse contemporaine… Mais aujourd’hui, je suis dans une impasse, je ne sais plus comment avancer… parce que je ne veux plus raconter des histoires de misères. » Mais, chez lui, en « RDC, ex-Zaïre, ex-Congo belge, ex-État indépendant du Congo, ex-propriété privée du roi des Belges, que trouve-t-on sinon des histoires de ruines ? » Drums and Digging (littéralement « tambours » et « se retrancher » ou « creuser ») épouse la forme ouverte du rêve pour réunir les thèmes de ses pièces précédentes, collectives (Le Festival des mensonges, Sur les traces de Dinozord) ou jouées en solo (Le Cargo). Chaque fois, Faustin Linyekula aura confronté l’histoire chaotique de son pays à sa volonté d’y rester et d’y construire une œuvre avec ses amis et interprètes, qu’ils soient danseurs, comédiens ou musiciens. Pour Drums and Digging, tous sont partis en voyage avec lui, dans le village d’Obilo, où il a passé une partie de son enfance et où se trouvent ses premiers souvenirs de danse. Des danses secrètes qu’il n’avait pas le droit de regarder et qu’il aurait voulu apprendre auprès du grand maître des percussions, Hanabouton, aujourd’hui devenu pasteur évangélique, à qui il est désormais interdit de jouer du tambour. Puis, ils sont allés à Gbadolite, dans le palais en ruine de Mobutu, avec la comédienne Véronique Aka Kwadeba, petite-nièce de l’ex-président de la RDC, qui se souvient de sa splendeur passée, avant de repartir à Kisangani, où sont installés les studios Kabako. De ces voyages, ils ont rapporté des récits, des rêves et des chants où alternent la beauté des rythmes et des danses, en cercles ou en solos, la raucité de la voix du musicien Pasnas, le récit en transe de Véronique Aka Kwadeba mêlant la vérité historique au voyage fantastique d’Alice au pays des merveilles, la neutralité de leurs tenues sombres et les costumes et robes à ballons de tissus africains colorés qui métissent les époques. Jusqu’à l’espace, vide, dans lequel ils construisent une architecture éphémère de bois pour abriter leur rêve, « un rêve qui creuse, un rêve qui brûle, un rêve traqué, un rêve matraqué ». Au rêve de grandeur de Mobutu chanté par Pasnas, égrenant les dates d’une histoire qui démarre en 1963 et se termine en 1997, Faustin Linyekula oppose la grandeur du rêve, revendique le territoire de la création comme un espace de quête et d’exploration. Il conclut, avec les mots du poète chinois du IXe siècle Meng Chiao : « Que peut-on encore dire lorsque le son se meurt ? Si l’espoir est mort, la chanson devient inutile », par l’évidence de ce qui le meut : « Le rêve n’est plus ici, il faut continuer à le chercher. » Chercheur de rêve, voilà ce F. A. qui résume le mieux l’art fragile et invincible de Faustin Linyekula. → THÉÂTRE DES ABBESSES I A 28 AVRIL < 2 MAI FAUSTIN LINYEKULA STUDIOS KABAKO Drums and Digging CRÉATION 2013 Faustin Linyekula SCÉNOGRAPHIE Bärbel Müller Dorine Mokha RÉALISATION COSTUMES Ignace Yenga MUSIQUE TRADITIONNELLE ENREGISTRÉE & MIXÉE PAR Faustin Linyekula LORS DE FÊTES À GBADOLITE ET À OBILO OBILO Jamos & les percussionnistes d’Obilo GBADOLITE Sese & LE GROUPE FOLKLORIQUE Lenge Gbado Chansons Mongo CHANTÉES EN DIRECT TRANSMISES À KINSHASA PAR Mère Evala AVEC Papy Ebotani, Véronique Aka Kwadeba, Rosette Lemba, Faustin Linyekula, Yves Mwamba, Pasnas, Pasco Losanganya DIRECTION ARTISTIQUE ASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE PRODUCTION Studios Kabako – Virginie Dupray. COPRODUCTION Festival d’Avignon – KVS, Bruxelles – Théâtre de la Ville-Paris – Theaterformen, Hannover/Braunschweig avec le soutien de la Kulturstiftung des Bundes dans le cadre de Shared Spaces – Pamoja, projet porté par les Studios Kabako, programme ACP-UE d’appui au secteur culturel ACP financé par l’Union européenne. Les Studios Kabako sont soutenus par la DRAC Île-de-France/ministère de la Culture et de la Communication (aide au projet). ANNE TERESA DE KEERSMAEKER • 27 Vortex Temporum © HERMAN SORGELOOS // À DROITE Anne Teresa de Keersmaeker © ANNE VAN AERSCHOT avril-juin 2014 CARNETS D’UNE CHORÉGRAPHE / EN ATENDANT, CESENA 2 VOLUME e → THÉÂTRE DE LA VILLE GRATUIT SUR RÉSERVATION www.theatredelaville-paris.com RUBRIQUE RENCONTRES PUIS CALENDRIER ET INSCRIPTION MARDI 29 AVRIL 18 H Conversation entre la chorégraphe Anne-Teresa De Keersmaeker et la théoricienne des arts et musicologue Bojana Cvejic. Les deux femmes ouvrent grand les fenêtres et passent en revue les principes, les techniques, les concepts qui ont présidé à l’élaboration du récent diptyque de la chorégraphe (En Atendant et Cesena). Avec extraits vidéo des spectacles. Cf. référence du livre page 37 L’EXPÉRIENCE DU TEMPS Avec les musiciens de l’ensemble Ictus et les interprètes de Rosas, Anne Teresa De Keersmaeker explore les « virtualités dansantes » de Vortex Temporum, une composition de Gérard Grisey considérée comme une œuvre-clé de la musique spectrale. Vortex Temporum (1994-1996) est l’une des œuvres-clés de la musique spectrale, une œuvre de maturité, aussi raffinée que rigoureusement construite, du compositeur français Gérard Grisey. Qu’est-ce qui vous a spécifiquement intéressée dans Vortex ? ANNE TERESA DE KEERSMAEKER : Je suis fascinée par la façon dont cette musique compose le temps, comment elle passe d’un temps codé, régulier, pulsé, à une sorte de temporalité liquéfiée où la pulsation vacille et se dissout. L’espace sonore de Vortex est aussi vaste dans le registre de ses raffinements qu’extrême dans ses contrastes. J’y entends une surabondance de mouvements, avec de puissantes contractions et dilatations de l’expérience du temps. Cette musique ouvre à la danse un immense champ de possibilités, qui tiennent à sa magnifique construction mathématique abstraite, qu’on ne découvre qu’en lisant la partition. Elles tiennent par ailleurs à l’interprétation elle-même, dans sa dimension véritablement gestuelle, à sa physicalité instrumentale, qui exacerbe la relation entre le corps du musicien et son instrument, mettant à nu la part brute et matérielle des actions en jeu dans la production du musical. Dans Vortex j’aime tout particulièrement le fait que cette intensité du geste est d’emblée pensée comme un élément central de l’écriture. L’effort de composition vise ici à forger une expérience d’écoute, comme si l’on avait pénétré par une fissure microscopique dans l’univers des sons pour mieux voir les gestes qui les produisent. Ce qui m’a toujours poussée à inviter des musiciens pour des performances live, c’est qu’au fond j’adore les regarder, j’adore être là, tout près d’eux, tandis qu’ils jouent ! Le mouvement de danse matérialise l’énergie de la musique, l’envoie au regard et à l’imaginaire kinesthésique du public. Les danseurs, en somme, tracent pour le public la fenêtre par laquelle la musique lui parviendra, filtrée par le mouvement. Quels sont les critères que vous utilisez pour apparier danseurs et instrumentistes ? Il s’agit de chorégraphier mon expérience de cette musique. Que le public en perçoive les virtualités dansantes. […] Nous avons passé beaucoup de temps, avec les danseurs, à regarder les musiciens jouer Vortex. Lorsque nous observons la musique, nous tentons de saisir les qualités dansées qui en émanent. […] Je cherche des correspondances intuitives. Toutes sortes d’alliances sont bien sûr possibles entre danseurs et instruments, mais certaines connexions offrent des combinaisons d’énergies physiques particulièrement efficaces : connexions entre le rôle d’un instrument et certains idiomes dansés, ou certains corps dansants, et même, pourquoi pas, des connexions entre certains individus pris pour ce qu’ils sont, tels que la danse et le jeu instrumental les révèlent. A. T. DE K. : Comment distribuez-vous le regard et l’écoute, la danse et le jeu instrumental, les danseurs et les musiciens – et comment cela configure-t-il l’espace ? A. T. DE K. : Il s’agit entre autres de distinguer des premiers plans et des arrière-plans, concrètement dans l’espace, et métaphoriquement dans l’attention du spectateur. De mes sessions de répétitions avec Björn Schmelzer pour Cesena, j’ai retenu l’importance du travail en cercle. Les modèles à l’œuvre dans la musique de Vortex invitent la danse à développer des cercles et des spirales. […] Le modèle géométrique qui gouverne l’occupation de l’espace se compose ici de cinq cercles connectés au cercle principal, que je fais correspondre aux six instruments de la parti- tion. En outre, je focalise mes recherches sur la notion de centre mobile, seul point d’apaisement des tourbillons, et sur les mouvements d’ouverture et de fermeture dans l’espace, correspondant aux mouvements musicaux de contraction et d’expansion du temps. Extraits d’un entretien réalisé par Bojana Cvejić pour MonnaieMuntMagazine n° 22, sept.-nov. 2013 → THÉÂTRE DE LA VILLE I E 28 AVRIL < 7 MAI ANNE TERESA DE KEERSMAEKER 2e PROG. ROSAS & ICTUS Vortex Temporum CRÉATION 2014 Anne Teresa De Keersmaeker CRÉÉ AVEC & DANSÉ PAR Boštjan Antončič, Carlos Garbin, Marie Goudot, Cynthia Loemij, Julien Monty, Michaël Pomero, Igor Shyshko CRÉÉ AVEC Chrysa Parkinson MUSIQUE Vortex temporum, Gérard Grisey (1996) DIRECTION MUSICALE Georges-Elie Octors MUSICIENS ICTUS Jean-Luc Plouvier PIANO Michael Schmid FLÛTE Dirk Descheemaeker CLARINETTE Igor Semenoff VIOLON Jeroen Robbrecht ALTO Geert De Bièvre VIOLONCELLE LUMIÈRES Anne Teresa De Keersmaeker, Luc Schaltin CONSEILLER ARTISTIQUE LUMIÈRES Michel François COSTUMES Anne-Catherine Kunz DRAMATURGIE MUSICALE Bojana Cvejić ASSISTANTE ARTISTIQUE Femke Gyselinck DIRECTEUR DES RÉPÉTITIONS Mark Lorimer COORDINATION ARTISTIQUE & PLANNING Anne Van Aerschot CHORÉGRAPHIE Rosas. COPRODUCTION De Munt / La Monnaie, Bruxelles – Ruhrtriennale – Les Théâtres de la Ville de Luxembourg – Théâtre de la Ville-Paris – Sadler’s Wells, Londres – Opéra de Lille – ImpulsTanz, Vienne – Holland Festival, Amsterdam – Concertgebouw, Bruges. PRODUCTION 28 • PAULO RIBEIRO Théâtre de la Ville PARIS JIM © LUIS BELO avril-juin 2014 AVEC JIM MORRISON, UN SENS DU COLLECTIF Le chorégraphe portugais va chercher auprès de la fougue de Jim Morrison « l’invitation à rester éveillés ». Paulo Ribeiro appartient à cette génération d’artistes portugais à qui la révolution des Œillets, en 1974, a pu ouvrir l’espace des possibles. Quarante ans plus tard, que reste-t-il des rêves d’alors ? « Nous vivons maintenant sous le poids de ce fantôme de la non viabilité d’un pays, d’un continent, d’un monde », dit le chorégraphe. En 2006, avec Malgré nous, nous étions là, il annonçait son retrait de la scène. Avec JIM, il y fait aujourd’hui son retour, entouré de six interprètes. Entre-temps, il a exploré l’univers de Tarkovski, signant en 2011 Du Don de soi. De la générosité d’énergies mises en partage au sentiment de « sacrifice des corps », la ligne de Paulo Ribeiro épouse les soubresauts de l’époque. Contre le risque d’anéantissement, c’est auprès de la fougue de Jim Morrison que le chorégraphe est allé chercher, pour sa nouvelle création, « l’invitation à rester éveillés ». An American Prayer, album culte des Doors, électrise une pièce aux allures de rituel festif, digue collective contre les vagues du renoncement. J.-M. A. ENTRETIEN Pourquoi Jim Morrison ? Jim Morrison était un homme solitaire, totalement tourné vers lui-même et qui défiait constamment la frontière de la lucidité. Bien dans l’esprit des années 1960, cet état médiumnique était un moyen pour atteindre d’autres états de perception et de sensibilité. Dans ma génération, c’est quelque chose qui nous a toujours accompagnés, surtout dans l’adolescence, période où l’on ressent le désir d’être plus ouvert au monde, plus universel. Je suis fasciné par la passion de Jim Morrison pour la poésie. Cette dimension poétique influençait sa propre composition musicale. Je suis aussi fasciné par sa volonté de créer des rituels… Pour moi une chorégraphie doit être un rituel, PAULO RIBEIRO : quelque chose qui nous emporte et nous emmène plus loin, souvent sans que l’on sache où nous allons échouer. Ces points en commun m’ont poussé dans un processus exploratoire qui s’est fait au son de An American Prayer qui constitue, en tant qu’album posthume, un registre fantastique. J’ai décidé de le chorégraphier dans sa totalité, avec quelques échappées. Pour autant, je ne veux pas que ce soit une pièce représentative ou illustrative de Jim Morrison, c’est une pièce habitée par des sensations qui se construisent et se déconstruisent autour d’une époque, des préoccupations d’une politique, d’un abandon, mais aussi de quelque chose de très festif et surtout d’une humanité très forte. Je ressens sur le plan personnel et collectif, ce souci constant de secouer les consciences et d’éviter le prévisible. La pièce se termine dans une célébration de la vie, avec le rythme très prégnant de Ghost Dance, sur lequel les interprètes s’amusent simplement ; ils dansent dans le plaisir et dans le détachement, laissant ouvert quelque chose qui nous invite à devenir plus actifs par rapport à la vie que mène chacun de nous. […] Plus que jamais il est temps de faire face et de trouver différentes stratégies pour nous ressourcer. Secrètement et individuellement, nous devons continuer à revendiquer une place pour l’intériorité. Le rôle de la danse est celui-là : ne pas laisser mourir la capacité à se transformer qui existe en chacun de nous. J’ai voulu que les interprètes construisent quelque chose collectivement, manifestant ainsi une intention claire fondée sur le besoin de plus en plus affirmé de nous réinterroger ensemble, en tant que collectif. Extraits d’un entretien réalisé par Marisa Miranda à la création de JIM → THÉÂTRE DES ABBESSES I A 10 < 14 JUIN PAULO RIBEIRO CIE PAULO RIBEIRO JIM CRÉATION 2012 & DIRECTION Paulo Ribeiro Bernardo Sassetti, Indigo ; The Doors, An American Prayer & Spanish Caravan CHORÉGRAPHIE MUSIQUE COLLABORATION & ASSISTANCE MUSICALE Miquel Bernat VIDÉO Fabio Iaquone & Luca Attilii LUMIÈRES Nuno Meira COSTUMES José António Tenente INTERPRÉTÉ PAR Teresa Alves da Silva, Carla Ribeiro, Leonor Keil, Sandra Rosado, Jácome Filipe & Pedro Ramos AVEC LA PARTICIPATION SPECIALE DE Paulo Ribeiro COPRODUCTION GUIMARÃES 2012/Capital Europeia da Cultura – Teatro Nacional São João – São Luiz Teatro Municipal. avril-juin 2014 TANZTHEATER WUPPERTAL I PINA BAUSCH • 29 → THÉÂTRE DE LA VILLE I E 21 JUIN < 5 JUIL. TANZTHEATER WUPPERTAL I PINA BAUSCH Palermo Palermo 1989 & CHORÉGRAPHIE Pina Bausch DÉCOR Peter Pabst Marion Cito COLLABORATION MUSICALE Matthias Burkert Lutz Förster DIRECTION ADMINISTRATIVE Dirk Hesse AVEC 26 danseurs MISE EN SCÈNE COSTUMES DIRECTION ARTISTIQUE COPRODUCTION Teatro Biondo Stabile – Palerme et Andres Neumann International. PROJECTION Palermo Palermo © LAURENT PHILIPPE → THÉÂTRE DE LA VILLE TARIF 10 € MERCREDI 2 JUILLET 20 H 30 Ahnen Ahnen Il y a des surprises qui ressemblent à des miracles. Ce film resté dans les archives pendant un quart de siècle se révèle extraordinaire. AVANT-APRÈS LA CHUTE DU MUR En décembre 1989, alors que la réunification allemande fait ses premiers pas, Pina Bausch crée Palermo Palermo, pièce-charnière qui ouvre en beauté la voie à toute une « esthétique du divers ». Novembre 1989, le peuple de Berlin s’attaque à la frontière-ligne de démarcation qui déchire la ville en deux, séparant l’Est de l’Ouest. Un mois après la « chute du Mur », loin de là, tombe un autre mur. Celui-ci, au début de Palermo Palermo, obstrue tout le cadre de scène du spectacle que crée Pina Bausch. Puis il vole en éclats, moellons jonchant le plateau. Peu avant la création, la chorégraphe a tenu à préciser que cette image n’est en rien illustration, ou réplique, de ce qui vient d’advenir à Berlin ; que Peter Pabst, le fidèle scénographe de Pina, avait proposé cette idée des mois plus tôt. Et sans doute, en effet, ce mur qui s’écroule au début de Palermo Palermo est-il d’abord et avant tout métaphore des « murs invisibles qui existent partout dans le monde, dans nos têtes 1 ». Il n’empêche. Si l’on veut bien considérer que les artistes sont, parfois, dans l’étrange pressentiment de ce qui vient 2, alors la coïncidence qui va de Berlin à Palermo Palermo ne manque pas de surprendre. Alors que l’histoire de l’Europe se recompose à partir de la réunification allemande, Pina Bausch, en création en Sicile, terre d’éruptions et creuset archaïque de cultures entrelacées, ne serait-elle pas déjà projetée dans le pressentiment de ces énergies bizarres, en partie incontrôlables, qui nous viennent du Sud ? « Le Sud m’a toujours attirée, confiait Pina. J’avais déjà, de nombreuses fois, utilisé des musiques siciliennes, des musiques des pays du Sud. Je ne peux pas dire pourquoi ces musiques m’ont choisie… En tout cas, je trouvais la Sicile follement importante, toutes ces influences si nombreuses, si diverses… Il y avait là tant de choses à vivre, à apprendre, à ressentir 3… » Palermo, Palermo aura été, pour le Tanztheater de Wuppertal, la pièce-charnière à partir de laquelle se sont profilées les escales à venir, ancre jetée dans cette « esthétique du divers » chère à l’écrivain-voyageur Victor Segalen : Madrid, l’Argentine, Los Angeles, Hongkong, Lisbonne, Budapest, Istanbul, le Japon et la Corée du Sud, la Hongrie, le Chili… Déjà, en 1986, la création de Viktor avait été imprégnée de son séjour de trois semaines en résidence à Rome, pour la première fois hors du fief de Wuppertal. Selon Leonetta Bentivoglio, cette pièce, qui reflétait « une méditerranéité perçue comme un charme nocturne et menaçant », était en outre « dominée par le sentiment d’une catastrophe, d’un tremblement de terre ou d’un cataclysme », et l’une des scènes les plus marquantes laissait venir « le déchaînement imprévu d’un désordre collectif effréné. Un lieu de passage surréel où tout est possible et où chacun mène son propre jeu dans une guerre d’actions individuelles 4. » Trois ans plus tard, Palermo Palermo affirmait cette prééminence des solos sur les grands moments d’unisson. « J’ai toujours tellement voulu que chacun soit individuellement présent dans la pièce, que l’on distingue quelque chose de son être, de sa manière, de sa qualité…, commentait Pina. Cela a aussi à voir avec le fait que notre corps est le seul bien que l’on ait et que cette fragilité, à l’époque actuelle, est quelque chose de si important…, parfois on n’a pas envie d’en dire plus, je crois, les temps sont si durs 5. » Il n’est pas certain qu’en 2014, les temps soient moins durs. Mais dans la vigueur de Palermo Palermo, l’une de ses pièces majeures, Pina nous aura légué un formidable appel à danser la vie, dans son anarchique beauté. J.-M. A. Pina Bausch, propos recueillis par Dominique Frétard, Le Monde, 17 mai 1990. Cf. Georges Didi-Huberman, Sentir le grisou, éditions de Minuit, 2014. 3 Entretien avec Jean-Marc Adolphe, in Guy Delahaye, Pina Bausch, éditions Actes Sud, 2007. 4 Leonetta Bentivoglio, « Ce soir, devant vous… », traduction Michel Bataillon, programme des représentations de Viktor à l’Opéra de Lyon, mars-avril 1994. 5 In Guy Delahaye, Pina Bausch, op. cit. 1 2 30 • DANSE ÉLARGIE I 3e ÉDITION Théâtre de la Ville PARIS avril-juin 2014 VOUS PENSEZ QUE LES PORTES DES THÉÂTRES SONT TROP FERMÉES ? QU’IL FAUT EN INVENTER DE NOUVELLES, PLUS LARGES ? VOUS PENSEZ QUE LES NOUVELLES GÉNÉRATIONS N’ONT PAS ASSEZ DE PLACE ? VOUS PENSEZ QUE SOUS PRÉTEXTE D’ORGANISER UNE COMPÉTITION, IL EST POSSIBLE DE FAIRE UN HAPPENING, VRAI, GRAND, LIBRE ? UN MOMENT OUVERT QUI CHANGE LA DONNE DE CE QUI EST AUTORISÉ HABITUELLEMENT ? VOUS PENSEZ QUE DE TOUTE FAÇON LA COMPÉTITION A LIEU AU QUOTIDIEN ? QUE LA SÉLECTION EST IMPITOYABLE MAIS QU’AU MOINS SUR LE GRAND PLATEAU IL Y A DE LA PLACE POUR LES DIAGONALES ? VOUS AVEZ ENVIE DE VOIR, D’ASSISTER, DE DÉCOUVRIR, D’ENCOURAGER ? VOUS ÊTES LES BIENVENUS, ET NOUS SERONS RAVIS DE VOUS ACCUEILLIR. 3e ÉDITION I DANSE ÉLARGIE • 31 avril-juin 2014 LE CONCOURS DE DANSE, UN « READY-MADE » À l’approche d’une nouvelle édition de Danse élargie, entretien croisé entre Boris Charmatz, chorégraphe et directeur du Musée de la danse à Rennes, et Claire Verlet, adjointe à la programmation du Théâtre de la Ville à Paris. Vous présenterez la 3e édition de Danse élargie en juin 2014. Quel bilan tirez-vous des deux premières éditions (2010 et 2012) ? Il est peut-être trop tôt encore pour mesurer l’impact durable de Danse élargie. En tout cas, les deux éditions nous ont permis de rencontrer des artistes que, personnellement, je n’aurais sans doute pas croisés autrement. Les chorégraphes qui s’adressent au Musée de la danse pour solliciter un accueil-studio, principal outil de soutien à la création des centres chorégraphiques nationaux, appartiennent généralement au monde de la danse. Pour Danse élargie, nous recevons des propositions de jeunes créateurs de tous horizons, donc aussi de plasticiens, de performeurs, de comédiens… CLAIRE VERLET : Cette manifestation continue de bousculer les habitudes du Théâtre de la Ville : elle présente des artistes inconnus, des propositions atypiques, dans leur format comme dans leur durée, et attire un public très large, souvent nouveau, car l’entrée est gratuite et sans réservation. Elle s’est révélée être un formidable outil de repérage des jeunes artistes, d’une part parce qu’elle draine au-delà du strict champ chorégraphique, d’autre part parce qu’elle autorise une prise de risque maximale dans la présélection. B. CH. : J’adore la première journée car, contrairement à un festival qui programme des artistes déjà repérés, on découvre ici des essais, des formes qui se testent, qui se cherchent. BORIS CHARMATZ : cinéma ou l’architecture. Les grandes pièces grecques ont été créées lors de concours. Cela ne signifie pas pour autant que nous adoptons le fonctionnement de la Nouvelle Star ou d’un show-case ! Le jury d’ailleurs n’est composé que d’artistes et non de professionnels ou de programmateurs. → SAMEDI 14 JUIN & DIMANCHE 15 JUIN UN CONCOURS IMAGINÉ PAR LE MUSÉE DE LA DANSE À RENNES & LE THÉÂTRE DE LA VILLE À PARIS MAÎTRE DE CÉRÉMONIE Scali Delpeyrat* JURY INTERNATIONAL Que recouvre le concept de « Danse élargie » ? B. CH. : Cette manifestation relève de la création in situ, puisque les règles (dix minutes maximum, trois artistes minimum sur le plateau) sont très spécifiques et ne correspondent pas aux formats standards. CL. V. : Il s’exerce effectivement une tension extrême entre ces règles très strictes et la liberté totale d’action à l’intérieur de ces règles. C’est ce qui permet des propositions inédites. Le concours se déroule en deux phases. Comment s’opère la présélection des vingt projets, retenus parmi les quelque 400 dossiers que vous recevez ? Un comité croisant les équipes du Musée de la danse et du Théâtre de la Ville s’enferme en conclave pour trois jours ! L’exercice est complexe… Au-delà de la pertinence artistique, nous évaluons la capacité de l’artiste à réaliser concrètement son projet, au regard de ses ambitions, de son parcours et de la « maquette » qu’il nous soumet. Bref, on hésite et on discute beaucoup ! CL. V. : Pourquoi avez-vous choisi le format du concours, peu commun aujourd’hui dans la danse contemporaine ? Quel accompagnement proposez-vous aux participants, lauréats ou pas ? B. CH. : Le projet du Musée de la danse vise à reconsidérer l’histoire de la danse et des arts pour mieux penser le présent. Les artistes se sont préoccupés de répertoire et de reconstruction, réactivation, appropriation, citation… mais peu des protocoles de travail et des conditions de la création. D’où l’intérêt de reprendre un objet historique, le concours de danse, qui marqua notamment les années 1980 grâce à celui de Bagnolet, et de l’envisager aujourd’hui différemment, comme un ready-made historique. D’autre part, Paris reste peu accessible aux jeunes artistes, non seulement pour y vivre mais aussi pour y montrer leur travail, encore fragile et hésitant. L’arrivée d’Emmanuel Demarcy-Mota à la direction du Théâtre de la Ville laissait augurer d’une ouverture. Nous avons pensé ensemble une nouvelle modalité collective de partage du plateau, un happening sous forme d’un concours très ouvert, qui attirerait des artistes au-delà du cénacle de la danse. Enfin, je n’avais pas peur du « concours », en vigueur dans nombre de disciplines artistiques, comme le B. CH. : J’aime le côté ready-made de Danse élargie, hors des logiques de carrière… La dotation financière des prix et l’implication de la Fondation d’entreprise Hermès, du Théâtre de la Ville et du Musée de la danse assurent cependant un suivi des équipes repérées. L’accompagnement ne se limite pas aux lauréats. Nous accueillons en résidence des artistes que nous avons découverts lors du concours d’abord en fonction de l’intérêt que nous portons à leur démarche. CL. V. : Ce dispositif de découverte de nouveaux talents ne vaut que par l’accompagnement que nous mettons en place, autrement dit par la tension entre l’effervescence éphémère, la spontanéité du concours et l’action dans la durée, qui va permettre un développement de l’artiste et de ses projets. Les artistes repérés sont régulièrement intégrés dans la programmation du Théâtre de la Ville, avec leur projet issu du concours Danse élargie ou avec une autre création. Entretien réalisé par Gw. D. Trajal Harrell CHORÉGRAPHE États-Unis Mathilde Monnier CHORÉGRAPHE France Thomas Ostermeier METTEUR EN SCÈNE Allemagne Bouchra Ouizguen CHORÉGRAPHE Maroc Pedro Penim COMÉDIEN & METTEUR EN SCÈNE Portugal Marjane Satrapi AUTEUR DE BANDE DESSINÉE, PEINTRE & RÉALISATRICE Iran Noé Soulier DANSEUR & CHORÉGRAPHE France LISTE EN COURS… SAMEDI 14 JUIN Présentation des 20 projets sélectionnés 15 JUIN Présentation des projets finalistes & remise des prix DIMANCHE www.danse-elargie.com UNE AVENTURE ARTISTIQUE À VIVRE AVEC LES 20 CANDIDATS Le temps d’un week-end, le Théâtre de la Ville devient un lieu d’expérimentation, de création et de partage entre les artistes et le public. Dimanche soir, le jury composé d’artistes internationaux décernera trois prix, et le jury des spectateurs remettra le prix du public. * Le maître de cérémonie de cette 3e édition, chargé de présenter le concours tout au long du week-end est l’auteur, comédien et metteur en scène Scali Delpeyrat. Scali Delpeyrat a reçu le prix du public avec Dance is a dirty job but somebody’s got to do it lors de la 1re édition, en 2010. EN PARTENARIAT AVEC AVEC LE SOUTIEN DE ENTRÉE LIBRE SANS RÉSERVATION, OUVERT AU PUBLIC TOUTE LA JOURNÉE. PAGE DE GAUCHE : L’Homme transcendé, Suguru Goto Dance is a dirty job but somebody’s got to do it, Scali Delpeyrat Un allligator deux allligators ohé ohé, Jonathan Drillet & Marlène Saldana © AGATHE POUPENEY 32 • MUSIQUE Théâtre de la Ville PARIS Amandine Beyer & Kristian Bezuidenhout © MARCO BORGGREVE Quatuor Takács © ELLEN APPEL Barthold Kuijken © THIERRY MARTINOT avril-juin 2014 LE SOUFFLE DU GÉNIE Quand la flûte de Barthold Kuijken devient l’âme de Bach. Beauté, pureté, simplicité définissent le jeu du musicien belge : c’est un maître. Son éloquence, la précision de son phrasé, la dimension de sa pensée sont à la hauteur du génie de Bach. Et pourtant, plus il approfondit son œuvre, plus il s’interroge, moins il affirme. Ainsi, le mystère, les imprécisions qui entourent les Sonates pour flûte, au programme de son nouveau concert, il les revendique : « Souvent il n’y a pas de preuve, mais il arrive que, d’article en article, les hypothèses des musicologues deviennent des probabilités puis des certitudes. Eh bien, je remets tout cela en cause et dis qu’on n’en sait rien. » Une seule certitude cependant : « La beauté, la richesse de l’œuvre de Bach pour flûte. Plus on la joue, plus on la comprend, plus on y voit d’autres choses. La vue change, ne devient peut-être pas plus juste mais plus intense. » C’est la raison pour laquelle, en 2002, Barthold Kuijken a voulu faire avec Ewald Demeyere un nouvel enregistrement de ces Sonates pour flûte dont il avait réalisé, en 1988, une sublime gravure avec Gustav Leonhardt. Avec ce jeune claveciniste belge, né en 1974, « très doué, alliant à un esprit analytique puissant une grande richesse émotionnelle », il va interpréter trois des « dix pièces de cet ensemble écrites à des dates, pour des occasions et des destinataires différents. Aussi faut-il les voir chacune séparément, non comme la partie d’un cycle mais comme un monde. » Un sortilège. Anne Lombard UN QUATUOR D’ÂME ET D’ÉLÉGANCE Trois chefs-d’œuvre, l’un du XIXe siècle, les deux autres du XXe, semblent raconter l’histoire de ce mythique ensemble. L’œuvre de Webern, 5 Mouvements pour quatuor, de 1909, marque un retour aux sources puisque c’est avec elle que le quatuor, né en 1975 sous le nom de son premier violon Gábor Takács, remporte au prestigieux concours d’Évian 1977, le premier prix et le prix spécial des critiques. Yehudi Menuhin, directeur artistique de la compétition et président du jury, louera à cette occasion l’extraordinaire technique et le style parfait de l’ensemble. « Depuis, nous n’avons pas joué cette œuvre aussi souvent qu’elle l’aurait mérité », constate András Fejér, le magnifique violoncelliste et fondateur de la formation, qui ne s’est jamais laissé abattre par l’adversité et a surmonté de terribles épreuves : départ de Gábor Takács, remplacé par Edward Dusinberre, mort de l’altiste Gábor Ormai, un autre membre fondateur remplacé par Roger Tapping, auquel succède Geraldine Walther en 2005. Beethoven, compagnon de route permanent du Quatuor Takács, qui a donné une intégrale de son œuvre pour quatuor à cordes au cours de la saison 1999/2000, est programmé pour la 13e fois sur ses 32 concerts au Théâtre de la Ville et aux Abbesses. L’Opus 132 (1825), œuvre majeure et dramatique, où Beethoven exprime toute sa reconnaissance d’avoir survécu à la maladie, sera le contrepoids au déchirant Quatuor n°2 de Chostakovitch (1944). Avec le compositeur russe, qu’ils n’abordent que depuis peu de temps et dont ils préparent un enregistrement, les Takács inaugurent une nouvelle étape de leur itinéraire. ApprofondisA. L. sant toujours le cycle de la vie et de la mort. ILS ONT LA GRÂCE Le naturel leur est commun, la sensibilité et la poésie les réunissent, l’élan et l’intelligence les transcendent. En 2013, au Théâtre des Abbesses, Amandine Beyer avait relevé le défi de donner le cycle intégral des six Sonates et Partitas de Bach. Everest mais aussi rocher de Sisyphe de tout violoniste, qu’il joue ou non sur instruments anciens. Amandine Beyer, elle, a choisi son camp de longue date. Approche philologique, interprétation historiquement informée : à l’instar d’une Rachel Podger, elle joue Bach et Mozart sur des cordes en boyau, ouvrant la porte d’autres paysages sonores et poétiques. Nouveau chapitre, nouvel enjeu : il consiste à assembler un bouquet de sonates et variations pour violon et piano de Mozart avec le pianofortiste sud-africain Kristian Bezuidenhout qui en est lui-même un éminent spécialiste. Nul n’a mieux renouvelé récemment l’approche du piano mozartien, révérence gardée à Andreas Staier ou Pierre Goy. C’est à ce même Mozart que Bezuidenhout avait d’ailleurs dédié ses débuts in loco en 2012. Deux artistes doivent se trouver, s’entendre; accorder sentiments et phrasés; s’abandonner enfin l’un à l’autre dans une inspiration commune. C’est le prix et la récompense de l’échange musicien, du zusammen musizieren (faire de la musique ensemble) si cher aux Allemands. La subtilité de l’écoute mutuelle sera vertu cardinale dans l’enchaînement de trois moments de la création mozartienne pour clavier avec accompagnement de violon, selon la terminologie de l’époque. Ici, le caractère, le sentiment juste, la palpitation du phrasé sont tout. Magnifique enjeu pour deux musiciens au monde intérieur aussi riche et accompli. Rémy Louis → THÉÂTRE DES ABBESSES I C → THÉÂTRE DE LA VILLE I A → THÉÂTRE DES ABBESSES I A SAMEDI 5 AVRIL 15 H & 17 H 30 SAMEDI 24 MAI 15 H SAMEDI 14 JUIN 17 H BARTHOLD KUIJKEN FLÛTE TRAVERSIÈRE BAROQUE EWALD DEMEYERE CLAVECIN QUATUOR TAKÁCS AMANDINE BEYER VIOLON KRISTIAN BEZUIDENHOUT BACH Sonate en mi mineur, BWV 1034 (ca. 1725) ; Fantaisie et Fugue, en la mineur BWV 904 (ca. 1725) ; Sonate en mi majeur BWV 1035 (1741) ; Sonate en si mineur BWV 1030 (ca. 1736) WEBERN 5 Mouvements pour quatuor à cordes, op. 5 CHOSTAKOVITCH Quatuor n° 2, en la majeur, op. 68 BEETHOVEN Quatuor n° 15, en la mineur, op. 132 PIANOFORTE MOZART Sonates pour violon et piano : en mi bémol majeur, K 302 ; en ut majeur, K 303 ; en ré majeur, K 306 ; en si bémol majeur, K 454 ; Variations en sol mineur sur Hélas, j’ai perdu mon amant, K 360 avril-juin 2014 KRONOS QUARTET • 33 → THÉÂTRE DE LA VILLE I B LUNDI 5 MAI 20 H 30 KRONOS QUARTET David Harrington VIOLON John Sherba VIOLON Hank Dutt ALTO Sunny Jungin Yang VIOLONCELLE PHILIP GLASS String Quartet n° 6, en 3 mouvements * 1re EN FRANCE TRADITIONAL/KIM SINH (arr. Jacob Garchik) Lu’u thùy tru’ò’ng ** ORLANDO “CHOLO” VALDERRAMA (arr. Kevin Villalta) Y Soy Llanero ** ALTER YECHIEL KARNIOL (arr. Judith Berkson) Sim Sholom ** RICHARD WAGNER (arr. Aleksandra Vrebalov) Prélude de Tristan und Isolde ** 1re EN FRANCE ELENA LANGER Quartet for Five Fiddles * 1re MONDIALE GEORGE CRUMB Black Angels BLACK ANGELS Laurence Neff LUMIÈRES & DÉCOR Brian Mohr SON Calvin Ll. Jones DIRECTION TECHNIQUE Kronos Quartet © JAY BLAKESBERG Programme susceptible d’être modifié. * écrit pour Kronos Quartet ** arrangé pour Kronos Quartet CONTRE LA FIN DES TEMPS Fidèle au Théâtre de la Ville, le Kronos Quartet est de retour avec le légendaire, âpre et captivant Black Angels, de George Crumb et, en création, avec un quatuor à cordes du grand Philip Glass ainsi qu’une partition de la Britannique d’origine russe Elena Langer. Ceux qui y assistèrent n’ont certainement pas oublié cette soirée du 19 mai 1998 où le Kronos Quartet interpréta, sur la scène du Théâtre de la Ville, Black Angels de George Crumb. Car on n’oublie pas Black Angels ; on ne sort pas indemne de cette monumentale partition pour « quatuor à cordes électrifié », que le compositeur acheva à l’hiver 1970. Monumentale à tous les sens du terme, puisque cette musique du « temps de guerre » (comme Crumb le nota lui-même sur la partition) est une sorte de tombeau pour les centaines de milliers de soldats et de civils innocents qui, au même moment, mouraient au Vietnam. Black Angels n’est pas seulement un quatuor à cordes : ces « treize images du pays obscur » (sous-titre de l’œuvre) composent un requiem d’un noir d’encre comme le sang, tour à tour apocalyptique et séraphique, scandé de thrènes déchirants. Il faut découvrir sur scène cette musique âpre et captivante, aux accents parfois schubertiens, pour mieux en mesurer l’aura singulière, que renforce sa dimension extrêmement théâtrale et physique – les quatre instrumentistes étant amenés non seulement à donner de la voix, mais surtout à jouer d’un ensemble d’instruments (harmonica de verre, gongs) qui confèrent à la matière sonore un surcroît de résonance. David Harrington, lui non plus, n’a jamais oublié Black Angels, depuis cette nuit de 1973 où, découvrant l’œuvre à la radio, ce jeune Californien décida instantanément de donner corps à ses convictions idéalistes en formant un quatuor à cordes. Le Kronos Quartet est désormais quadragénaire, et s’est déjà produit à dix reprises au Théâtre de la Ville. Il compte depuis 2013 une nouvelle violoncelliste. Mais il n’a jamais oublié ses rêves d’adolescent. Il n’a rien perdu de son charme ni de sa force d’engagement, jamais dévié de sa ligne. Une ligne sinueuse, dont ce concert du 5 mai offre un parfait exemple, et qui pourrait être résumé en une phrase : ouvrir les frontières de la musique, et l’inscrire, comme l’indique le nom qu’il s’est choisi, dans son temps. Les Kronos n’ont pas seulement chamboulé les codes du concert classique, exploitant lors de véritables concerts-happenings toutes les ressources de la scène moderne. Ils n’ont pas seulement exploré de nouvelles cartographies sonores, conviant sur disque ou sur scène d’innombrables traditions populaires, du jazz de Thelonious Monk ou Bill Evans au rock de Sigur Rós, en passant par la musique yiddish, la Colombie et le Vietnam. Ils ont surtout manifesté une fidélité indéfectible à la musique de leur époque. La création française du Quatuor à cordes n° 6 de Philip Glass témoigne en particulier du long compagnonnage qui les lie aux compositeurs minimalistes américains. Notant que ce quatuor est le premier que Glass numérote depuis 1991, année du Quatuor n° 5 (créé comme les quatre précédents par les Kronos), David Harrington y pressent une allusion à Bartók, dont le groupe des six quatuors à cordes est à ce répertoire ce que les neuf symphonies de Beethoven sont à la musique orchestrale. Philip Glass, également auteur de symphonies et de concertos, chercherait-il de plus en plus à se rapprocher de cette grande tradition européenne contre laquelle était née, en réaction, la musique minimaliste ? Toujours est-il que, sans le soutien du Kronos Quartet, ses œuvres, comme celles de Steve Reich, Terry Riley, Meredith Monk ou de John Adams, n’auraient peut-être pas acquis cette popularité qui, aujourd’hui, excède largement les cercles spécialisés. Pour autant, les Kronos, nomades ataviques, n’ont jamais cessé de traverser les océans, allant par exemple explorer l’envers de ce que l’on appelait jadis le « rideau de fer », et les œuvres du Polonais Henryk Górecki, du Letton Pēteris Vasks ou, surtout, du Russe Alfred Schnittke. C’est d’ailleurs plutôt de ce côté-là que semblent se situer les influences de la compositrice Elena Langer. Fortement expressive, la musique de cette Britannique d’origine russe née en 1974 pourrait en faire la petite sœur des deux grandes dames de la musique soviétique du XXe siècle, Galina Oustvolskaïa et Sofia Goubaïdoulina. Comme cette dernière d’ailleurs, Elena Langer n’hésite pas à mettre à contribution les instruments traditionnels de son pays: c’est une vièle qui accompagnera le Kronos Quartet dans les rues de New York, nouvelle partition (et premier quatuor à cordes) donnée en création mondiale… En 41 ans (et quelques dizaines de CD), le Kronos Quartet a fini, bien sûr, par enregistrer Black Angels. C’était en 1990. Deux ans après – et cela n’est peut-être pas anodin – est née une autre œuvre essentielle et « mémorielle » : Different Trains de Steve Reich. David Harrington l’a toujours su : la musique est le meilleur rempart face à l’oubli, le meilleur antidote à la barbarie. Les Kronos ? Un quatuor contre la fin des temps. David Sanson 34 • MUSIQUES DU MONDE Théâtre de la Ville PARIS Sanubar Tursun © LIU PING/AGA KHAN MUSIC Tambour Lambodoara © VICTOR RANDRIANY Tomás Gubitsch © YOURI ZAKOVITCH avril-juin 2014 LE TANGO D’ULYSSE Après la création, au Théâtre de la Ville, du Tango d’Ulysse, Todos los sueños, el sueño est la deuxième partie d’un cycle conçu comme un triptyque. L’ART DES LAMBODOARA Venus du cœur de la brousse du Sud-Ouest malgache, les Lambodoara se produisent pour la première fois à Paris. La troupe a été créée à la fin des années 1970 dans la grande province de Tuléar, au sud-ouest de Madagascar. Sous l’œil et l’oreille avertis du fondateur Édouard, les huit musiciens de Lambodoara comptent parmi les rares représentants de ce spectacle total mêlant chants polyphoniques, danses et acrobaties, au son des flûtes, des tambours et des hochets, nommés paritaky. Dans la longue tradition orale et paysanne, les Lambodoara sont très respectés et recherchés pour animer enterrements, mariages mais surtout cérémonies de guérison et d’exorcisme qui durent souvent plusieurs jours. Depuis plusieurs années, ils travaillent avec Manindry, de la communauté Antandroy, lui aussi maître de cérémonies de possession, qui entretient une relation soutenue et particulière avec les ancêtres, au son de sa cithare sur caisse marovany. Il est l’un des grands interprètes du genre vocal beko, longues ballades a capella, d’une grande beauté, chantées en polyphonies et qui laissent une grande place à l’improvisation. Il accompagnera le groupe au son de sa vièle et de sa voix. Ce premier concert parisien sera pour beaucoup l’occasion d’une découverte musicale, mais sera aussi pour le groupe l’occasion de sortir de sa ruralité pour devenir, le temps d’un concert, le grand ambassadeur d’un style original de l’art du Sud malgache. Françoise Degeorges En janvier 2012, nous avions laissé notre voyageur sur le point d’entreprendre son retour, faisant l’inventaire intime de son long exil. Cette partie centrale devait avoir pour sujet principal le voyage en soi. Mais un passage du Chant XIII de L’Odyssée a attiré ma curiosité : Ulysse passe l’ultime et cruciale étape de son voyage… à dormir ! Il était inévitable que je vous raconte ses rêves*. Des rêves qui s’enchaînent et se déchaînent, au cours desquels notre héros, dans son intimité la plus absolue, voit défiler ses péripéties. Il s’avère que son exil n’est pas seulement rupture géographique, mais aussi perte de ce qu’il a été. Ses rêves, comme prévu, racontent le voyage pour soi et en soi : les monstres réels et imaginaires, bien sûr, mais également cette violente nécessité de redevenir lui-même en les affrontant, souvent, ou en les acceptant comme siens, parfois. Peut-être parce qu’il sait que redevenir lui-même lui est essentiel avant d’aborder son Ithaque natale. Musique, son et textes seront les principaux protagonistes de ce volet central. Celui-ci nous permettra d’entendre de nouvelles pièces mêlées à de plus anciennes entièrement revisitées, ainsi que, entre autres, les voix de Marilú Marini, Angélique Ionatos et John Greaves. Tomás Gubitsch, janvier 2014 * En castillan, sueño peut à la fois signifier l’envie de dormir et le rêve lui-même, c’est aussi un hommage à Julio Cortázar et son Todos los fuegos, el fuego. Tomás Gubitsch naît à Buenos Aires en 1957. Comme beaucoup d’Argentins, ses parents sont des immigrants, arrivés dans le pays en 1938. Sa mère est roumaine, son père hongrois. L’ouverture au monde est donc pour lui congénitale. Son enfance est bercée par l’écoute de la musique et la fréquentation des livres. À 9 ans, Le Sacre du printemps de Stravinsky « est un tremblement de terre » : Tomás sera donc musicien. À 16 ans, guitariste, il livre son premier enregistrement. Par ailleurs, il s’initie au tango avec un disciple d’Astor Piazzolla. À 19 ans, le jeune homme est une star du rock : des milliers de jeunes Argentins l’applaudissent. En 1977, il a 20 ans et Astor Piazzolla l’invite à l’accompagner à Paris : il l’escorte à l’Olympia. Il échappe ainsi à la dictature militaire et s’installe dans cette ville qu’il n’a plus quittée : « Paris, écrit-il, une ville ouverte accueillante à toute forme de musique innovante à la fin des années 1970… » En 1980 paraît son premier disque de compositeur. À partir de 1991, il écrit pour des formations classiques et dirige des orchestres : il mène alors « une vie de compositeur iconoclaste et parisien ». En janvier 2012, il crée, à Paris, au Théâtre de la Ville, le premier volet du triptyque Le Tango d’Ulysse et, en 2014, dans ce même théâtre, il offre au public parisien le deuxième pan de cette œuvre. En attendant la suite… VOYAGE MUSICAL AU PAYS DES OUÏGHOURS Entre Asie centrale, Chine et Mongolie, une musique au croisement de diverses traditions. Depuis des siècles, les Ouïghours cultivent les terres fertiles des oasis du désert Taklamakan et font le commerce des produits transitant par la route de la soie. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux vivent dans la région du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine. Leur musique s’enracine au cœur de la tradition urbaine d’Asie centrale mais s’inspire aussi des traditions musicales issues de Mongolie et de Chine. Elle est également liée au monde musical islamique. En témoignent les paroles des chants soufis et l’utilisation du dotâr, luth à manche long, et du daf, tambour sur cadre. Née dans une famille de musiciens dans la vallée d’Ili, Sanubar Tursun est actuellement l’une des meilleures chanteuses d’Asie centrale et considérée par beaucoup comme un symbole de la nation ouïghoure. Sa voix délicate et sensuelle ravive le répertoire du Maqam classique comme celui des chansons traditionnelles. Dans les années 1990, elle a sorti une série de vidéo CD qui l’ont propulsée sur le devant de la scène. Depuis quinze ans, elle chante et joue ses propres compositions, ancrées dans le style local, parcourt villes et villages du Xinjiang, notamment le sud rural de la région où se pressent des milliers de personnes. « Je suis proche des gens, je passe beaucoup de temps avec eux, confie-t-elle. Ce que beaucoup de personnes pensent mais ne peuvent pas mettre en mots, je l’exprime dans mes chansons. » Plus récemment, audelà des frontières de son pays, elle a donné des concerts en Turquie, au Japon, à Taïwan et aux États-Unis. Dr Rachel Harris Jacques Erwan → THÉÂTRE DE LA VILLE I C → THÉÂTRE DE LA VILLE I C → THÉÂTRE DES ABBESSES I C SAMEDI 5 AVRIL 17 H MERCREDI 14 MAI 20 H 30 SAMEDI 17 MAI 17 H LAMBODOARA TOMÁS GUBITSCH Madagascar Argentine/France Chine Édouard CHANT, DANSE, TAMBOUR Tsitamby CHANT, FLÛTE, DANSE Velosoa CHANT, FLÛTE, DANSE Manahy CHANT, DANSE, TAMBOUR Gilbert CHANT, DANSE, TAMBOUR, HOCHET Zefa CHANT, DANSE, TAMBOUR, HOCHET Mahafalibe CHANT, DANSE, TAMBOUR, HOCHET Manindry CHANT, VIÈLE, DANSE Lionel Allemand VIOLONCELLE I Éric Chalan CONTREBASSE I Marc Desmons ALTO I Juanjo Mosalini BANDONÉON I Sébastien Surel VIOLON Sanubar Tursun CHANT, DOTÂR, DAF Abdukerim Osman GHIJÄK, VIÈLE À PIQUE Rozimemet Musa TAMBÛR GUITARE & COMPOSITIONS Todos los sueños, el sueño David Gubitsch CO-CONCEPTION & MISE EN ESPACE Katia Hernandez I Vincent Gabriel I SON François Gouverneur I COSTUMES Gwendoline Grandjean I AVEC LES VOIX DE Angélique Ionatos, Marilú Marini, John Greaves & CELLES DE Jacqueline Bernabeu, Noé Gubitsch, Rafaël Gubitsch, Katia Hernandez, Juliette Le Goff, Inés Ruiz, Pascal Sagratella MISE EN SON CONCEPTION LUMIÈRES COPRODUCTION TG & CO — Théâtre des Bergeries de Noisy-le-Sec CHANT ET MUSIQUE DU XINJIANG MUSIQUES DU MONDE • 35 Orchestre arabo-andalou de Fès © DR Annie Ebrel © DR Lo Còr de la Plana © AUGUSTIN LE GALL avril-juin 2014 JOUTES VOCALES AU CŒUR DE LA BRETAGNE Des hommes de chœur ! Cinq voix, cinq couleurs vocales, cinq Marseillais issus du quartier de la Plaine visitent et rénovent le patrimoine populaire. Un journal intime et musical qui touche à l’universalité. Des bars de la cité phocéenne au Carnegie Hall new-yorkais, une ascension sociale ? En tout cas, la voie de la notoriété ! Au fil de trois disques, successivement chants sacrés, chants de fêtes et chants rebelles, Lo Còr de la Plana visite et rénove le patrimoine populaire et recrée la polyphonie. Sicile, Naples ou Algérie, celleci se nourrit d’emprunts, puisés en cet ailleurs méditerranéen riche d’une ancienne culture commune. Percussions, « bendirs et autres peaux », battements de mains et pieds éloquents rythment le chant. Les cinq diablotins y instillent swing, allégresse et humour : « Masurka mafiosa marselhesa », chantent-ils, dans leur dernier disque, Marcha, avec une verve iconoclaste et salutaire… Pour cet ultime opus, ils sollicitent la mémoire populaire et s’enracinent au sein de la tradition des chansonniers marseillais de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Ils « ré-enchantent le passé afin de dire le présent », a-t-on écrit. Outre-folklore, ils inventent la chanson traditionnelle d’aujourd’hui. Un chant qualifié de « pan-occitan ». Gouaille et truculence, les cinq sorciers se livrent à un véritable sabbat, disputant ces « joutes vocales âpres et rugueuses » propres à susciter la transe. Une musique à ouïr et même à danser. Un récital pour se dégourdir l’âme et les sens ! L’autre visage de Marseille. J. E. Annie Ebrel grandit dans une petite ferme du Centre Bretagne. À 13 ans, elle monte pour la première fois sur scène et fait danser les gens. Elle comprend alors que cette forme musicale – le kan ha diskan – et, par extension, le chant traditionnel, seront son véritable mode d’expression. Quelques années plus tard, son chemin croise celui du contrebassiste de jazz Riccardo Del Fra. Un monde de liberté, une vision transversale et sans frontières de la musique s’imposent à elle. Elle acquiert la certitude que la richesse de ce chant traditionnel, la force de son ancrage dans la terre du Centre Bretagne, lui ouvrent les portes de tous les ailleurs. Le Chant des soupirs nous raconte l’histoire banale et extraordinaire de cette fille de paysans bretons qui, en osmose totale avec ses racines, va permettre au chant traditionnel de s’enrichir des sonorités les plus contemporaines. In extremis, Annie Ebrel a fait du breton sa seconde langue maternelle. Sa langue de cœur. C’est la fable de cette identité arrachée contre le vent de l’histoire qu’elle nous délivre, sereinement. Elle nous invite à nous pencher sur les contes et légendes que charrie ce répertoire et, dans Le Chant des soupirs, à écouter cette langue dans ses sinuosités les plus privées. Avec Kevin Seddiki, elle invente une musique capable de briser les frontières. Une histoire qui devient universelle grâce à cette voix qui tire sa puissance des profondeurs boisées du pays breton. Pierre Guillois ANDALUSSYAT OU L’ESPRIT DE L’ANDALOUSIE Françoise Atlan chante un monde disparu depuis le XV e siècle : l’Andalousie où régnaient une certaine harmonie entre chrétiens, musulmans et juifs et une riche culture. Au Maghreb, les populations musulmanes et juives ont pieusement conservé le souvenir de la musique arabo-andalouse, émigrée avec elles des métropoles ibériques qu’elles furent contraintes de quitter. Les communautés juives du Maghreb, et particulièrement celle du Maroc, ont adapté la musique andalouse à la poésie liturgique de langue hébraïque ou à celle destinée à la célébration des grands moments de la vie familiale. Dans les mariages et autres cérémonies, les musiciens juifs de Constantine jouaient et chantaient les suites les plus populaires, comme les muwashshahat originels en arabe classique ou en dialecte andalou. La simultanéité de propos et d’argumentation entre juifs et non-juifs vivant dans des lieux très éloignés les uns des autres reflète la communauté d’esprit propre aux rapports entre musiciens musulmans et juifs à travers les âges. Ils partageaient la même expérience émotionnelle, le même mode de vie, les mêmes normes d’expression. Dans cette créativité, l’interprète se fonde sur les données du maqam, concept modal spécifique à la musique du Proche-Orient et des pays du Maghreb. Les piyyutim de la liturgie juive ou les chants judéo-espagnols profanes liés aux chants arabo-andalous dans le même mode, interprétés par la voix exceptionnelle de Françoise Atlan et l’orchestre virtuose de Mohammed Briouel dans ce concert, illustrent bien la vivacité de cette tradition au Maroc. Sami Sadak, ethnomusicologue → THÉÂTRE DES ABBESSES I C → THÉÂTRE DES ABBESSES I C → THÉÂTRE DE LA VILLE I C SAMEDI 24 MAI 17 H VENDREDI 6 JUIN 20 H 30 MARDI 24 JUIN 20 H 30 LO CÒR DE LA PLANA ANNIE EBREL I KEVIN SEDDIKI I PIERRE GUILLOIS Marseille/Occitanie Bretagne Le Chant des soupirs FRANÇOISE ATLAN & L’ORCHESTRE ARABO-ANDALOU DE FÈS Rodin Kaufmann, Sébastien Spessa, Benjamin Novarino-Giana, Denis Sampieri & Manu Théron Ar c’hanaouennoù c’ha d’or huanadennoù / Journal intime et musical d’Annie Ebrel Pierre Guillois, ARTISTE ASSOCIÉ AU QUARTZ, SCÈNE NATIONALE DE BREST Carolina Saquel I SON Gwenolé Lahalle I LUMIÈRES Aby Mathieu I COSTUMES Elsa Bourdin TEXTES PARLÉS Annie Ebrel EN COMPLICITÉ AVEC Pierre Guillois COMPOSITIONS MUSICALES Annie Ebrel & Kevin Seddiki I ARRANGEMENTS Kevin Seddiki MISE EN SCÈNE VIDÉO Compagnie Le Fils du Grand Réseau. COPRODUCTION Théâtre de Cornouaille, Centre de création musicale, scène nationale de Quimper – Maison de la Musique de Nanterre – Saison culturelle de Ploërmel – Théâtre du Pays de Morlaix. La Compagnie le Fils du Grand Réseau est subventionnée par la DRAC Bretagne. PRODUCTION France/Maroc Mohamed Briouel VIOLON & DIRECTION D’ORCHESTRE Mohamed Arabi Gharnati VIOLON Driss Berrada OUD (LUTH) Mustafa Amri ALTO Abdessalam Amri DERBOUKA (TAMBOUR GOBELET) Aziz Alami Chentoufi TÂR (TAMBOUR SUR CADRE) & CHANT SOLO 36 • Théâtre de la Ville PARIS avril-juin 2014 Dominique Mercy dans Palermo Palermo © LAURENT PHILIPPE LIBRAIRIE/BRÈVES • 37 avril-juin 2014 LIBRAIRIE DU THÉÂTRE DE LA VILLE & DU THÉÂTRE DES ABBESSES OUVERTURE 1 HEURE AVANT LES SPECTACLES QUELQUES RÉFÉRENCES POUR UN PARCOURS DE SPECTATEURS ANNE TERESA DE KEERSMAEKER VORTEX TEMPORUM 28 AVR. AU 7 MAI I THÉÂTRE DE LA VILLE • Carnets d’une chorégraphe : En Atendant & Cesena, par Anne Teresa De Keersmaeker & Bojana Cvejić, 2 livres et 3 DVD (Rosas & Fonds Mercator) • Vortex Temporum, livret du spectacle SHAKESPEARE I CHRISTIAN SCHIARETTI LE ROI LEAR 12 AU 28 MAI I THÉÂTRE DE LA VILLE • Hamlet-Le Roi Lear, traduction Yves Bonnefoy (Folio Classiques 1069) • Shakespeare, le monde est une scène, Georges Banu (Gallimard) • Le Roi Lear, Cahiers TNP DAVID LESCOT NOS OCCUPATIONS 14 AU 28 MAI I THÉÂTRE DES ABBESSES • Nos occupations suivi de La Commission centrale de l’enfance ; Le système de Ponzi ; Un homme en faillite, David Lescot (édités comme toutes les pièces de David Lescot chez Actes Sud-Papiers) & VIENT DE PARAÎTRE Youssou N’Dour © DR • J’ai trop peur, David Lescot, illustration Anne Simon (Actes Sud-Papiers-Heyoka jeunesse) Pièce de théâtre sur la peur des enfants à l’approche de la rentrée en classe de sixième. IONESCO I EMMANUEL DEMARCY-MOTA RHINOCÉROS 2 AU 10 JUIN I THÉÂTRE DE LA VILLE • Le Solitaire, Eugène Ionesco (Folio n° 827) • Journal en miettes, Eugène Ionesco (Folio essais n° 211) • Emmanuel Demarcy-Mota, Arthur Nauzyciel, James Thiérrée, un théâtre apatride, Colette Godard (L’Arche Éditeur) • Rhinocéros, Folio Théâtre n° 53 • Portrait de l’écrivain dans le siècle : Eugène Ionesco, Marie-France Ionesco (Gallimard) • Ionesco, sous la direction de Noëlle Giret (Gallimard-BNF) & À DÉCOUVRIR • La Photo du colonel, recueil de 7 nouvelles d’Eugène Ionesco (Gallimard) PAULO RIBEIRO JIM 10 AU 14 JUIN I THÉÂTRE DES ABBESSES • Jim Morrison, Jean-Yves Reuzeau (Folio biographies) • Jim Morrison, de l’autre côté, James Henke, livre + CD (Naïve) • The Doors : l’héritage tumultueux, John Densmore (Mot et le reste) • The Doors : 23 nouvelles aux portes du noir (Buchet-Chastel) LE TEMPS DE L’UBUNTU AU THÉÂTRE DE LA VILLE À l’heure où nous mettons sous presse, de grands musiciens, Youssou N’Dour, Ray Lema, Bonga... se sont mobilisés pour un concert de solidarité en faveur de la Centrafrique, lundi 10 mars à 20 H 30. L’intégralité des recettes de la billetterie servira à la reconstruction de l’Espace Linga Téré, lieu de partage, de citoyenneté et d’art de Bangui. Par ailleurs, dans les prochains mois, une caravane de la paix, organisée par l’Espace Linga Téré, voyagera à travers toute la Centrafrique avec la pièce de théâtre Songo la rencontre. PINA BAUSCH PALERMO PALERMO 21 JUIN AU 5 JUILLET I THÉÂTRE DE LA VILLE L’Arche Éditeur est l’agent et l’éditeur de toute l’œuvre de Pina Bausch. RÉCEMMENT PARU • Ahnen ahnen : fragments de répétition, Pina Bausch, livre - DVD (L’Arche Éditeur) & AUSSI • Le théâtre pour la vie, René Gonzalez (Buchet-Chastel) Un hommage en forme de portraits délivrés par de nombreux artistes sur l’homme de théâtre. • Valère Novarina en scène, Claude Büchewald (Presses Universitaires de Vincennes). Yves Collet, qui a participé aux créations de la metteure en scène, est aussi le scénographe d’Emmanuel Demarcy-Mota. « La musique est une amplification de la vie sensible. » Cette citation de Franz Kafka guide les premiers pas d’une nouvelle revue trimestrielle, Musique(s), que lancent Jean-Marc Adolphe, Jérémie Szpirglas et Raphaëlle Tchamitchian. Faire parler « les musiques » dans toute leur diversité, tel est l’objectif de cette nouvelle publication : premier numéro sur 144 pages, fin mars 2014, 9 € (en kiosque). HOMMAGE À PATRICE CHÉREAU Grande émotion jeudi 30 janvier lors des deux projections du film Elektra. Le Théâtre de la Ville, le Festival d’Aix-en-Provence et Arte ont en effet souhaité rendre hommage à Patrice Chéreau en programmant le film Elektra de Richard Strauss, mis en scène par Patrice Chéreau et réalisé par Stéphane Metge au cours du Festival d’Aix-en-Provence 2013. À l’issue de la première séance, Stéphane Metge et Vincent Huguet, respectivement dramaturge et assistant à la mise en scène, ont répondu aux questions du public tandis qu’avant celle du soir, Emmanuel Demarcy-Mota, Stéphane Metge, Bernard Foccroule, ont évoqué l’immense artiste disparu le 7 octobre dernier, devant une salle où, parmi les nombreuses personnalités, on pouvait reconnaître Richard Peduzzi, son décorateur, Dominique Blanc… 38 • BRÈVES PRÉSENTATION DE LA SAISON 2014 I 2015 LUNDI 26 MAI À 18 H I AU THÉÂTRE DE LA VILLE Théâtre de la Ville PARIS avril-juin 2014 PRIX DES PLACES TARIF A TARIF PLEIN - 30 ANS 1re Cat. 26 € 2e Cat. 22 re e 1 et 2 catégories……………. 16 € € TARIF B TARIF PLEIN - 30 ANS 1re Cat. 30 € 2e Cat. 27 € 1re et 2e catégories……………. 18 € TARIF C 1 seule catégorie……………… TARIF PLEIN - 30 ANS 1 seule catégorie……………… ENFANT -14 ANS * 1 seule catégorie……………… 19 € 14 € 9€ TARIF E TARIF PLEIN - 30 ANS 1 seule catégorie…………….. 1 seule catégorie…………….. 35 € 26 € MOINS DE 30 ANS & DE 14 ANS (JUSTIFICATIF OBLIGATOIRE) *accompagnant un adulte pour Mystery Magnet, Tête haute & Le Coq d’or (max. 4 enfants). LOCATION COMMENT RÉSERVER PAR TÉLÉPHONE 01 42 74 22 77 du lundi au samedi de 11 h à 19 h AUX CAISSES Théâtre de la Ville I 2 place du Châtelet, Paris 4 du mardi au samedi de 11 h à 20 h (lundi de 11 h à 19 h) Les Abbesses I 31 rue des Abbesses, Paris 18 du mardi au samedi de 17 h à 20 h PAR INTERNET www.theatredelaville-paris.com QUAND RÉSERVER OUVERTURE DE LA BILLETTERIE 21 jours avant la 1re représentation et pour toutes les représentations du spectacle concerné. © JEAN-LOUIS FERNANDEZ CONSULTEZ NOTRE SITE INTERNET POUR CONNAÎTRE : → Les rencontres du Théâtre de la Ville, organisées dans les deux théâtres et en partenariat avec les bibliothèques, les arrondissements, des associations ou des librairies. PRÉSENTATION AU PUBLIC DE LA PROCHAINE SAISON THÉÂTRE-DANSE-MUSIQUES par Emmanuel Demarcy-Mota en présence d’artistes → Les surprises programmées par le Théâtre de la Ville au fil de la saison : ateliers, bals littéraires, cycle de conférences sur l’histoire de la danse du XXe siècle, expositions, émissions de radio, projections de films, rencontres exceptionnelles avec les auteurs associés et la troupe du Théâtre de la Ville. L’ART POUR GRANDIR & LES CENTRES DE LOISIRS PROGRAMMES & FORMULAIRES DE LA SAISON 2014-2015 : • Envoi à domicile aux abonnés et titulaires de cartes de la saison 2013-2014 du Théâtre de la Ville (LA DATE DE RÉCEPTION DÉPEND DE LA POSTE) • À disposition dans le hall du Théâtre de la Ville aux heures d’ouverture de la location à partir du 26 mai après-midi. RÉSERVATION SUR LE SITE INTERNET www.theatredelaville-paris.com (RUBRIQUE RENCONTRE PUIS CALENDRIER & INSCRIPTIONS) www.theatredelaville-paris.com 2 PL. DU CHÂTELET PARIS 4 Dans le cadre de l’Art pour grandir, les restitutions des travaux des Centres de loisirs se dérouleront cette année au Café des Œillets en mai (dates à préciser). Après les rendez-vous de formation et de pratique à destination des animateurs, Sandra Faure et Pascal Vuillemot de la Troupe du Théâtre de la Ville vont apporter leur regard sur les projets menés pendant une année. Puis, au cours d’un dernier rendez-vous, auront lieu les restitutions, moments festifs et réjouissants où les projets prennent corps et où les enfants, autant acteurs que spectateurs, pourront se rencontrer. SUIVEZ NOTRE ACTUALITÉ SUR CALENDRIER • 39 avril-juin 2014 AVRIL 2014 MA 1 ME 2 JE 3 VE 4 SA 5 DI 6 LU 7 THÉÂTRES PARTENAIRES JUIN 2014 THÉÂTRE DE LA VILLE THÉÂTRE DES ABBESSES THÉÂTRE CITÉ INTERNATIONALE THÉÂTRE DE LA VILLE THÉÂTRE DES ABBESSES 20 H 30 20 H 30 20 H 30 20 H 30 20 H 30 Lemi Ponifasio Lemi Ponifasio Lemi Ponifasio Lemi Ponifasio Lambodoara I Madagascar 17 H Lemi Ponifasio Lemi Ponifasio 15 H Le Faiseur Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30 Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30 Mystery Magnet Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30 Mystery Magnet B. Kuijken I E. Demeyere 15 H & 17 H 30 Le Faiseur Mystery Magnet 19 H 30 Le Faiseur 15 H Mystery Magnet Le Faiseur Mystery Magnet 19 H 30 Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30 Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30 Mystery Magnet 19 H 30 Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30 Mystery Magnet Le Faiseur Mystery Magnet 19 H 30 Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros Le Coq d’or 15 H 15 & 19 H 30 Le Coq d’or 09 H 30 & 14 H 30 Le Coq d’or 14 H 30 & 19 H 30 A. Ebrel I P. Guillois I France MA 8 ME 9 JE 10 VE 11 Christian Rizzo Christian Rizzo Christian Rizzo SA 12 MA 15 ME 16 JE 17 VE 18 Wim Vandekeybus Wim Vandekeybus Wim Vandekeybus Wim Vandekeybus Wim Vandekeybus JE 24 VE 25 ME 30 5 VE 6 SA 7 DI 8 LU 9 SA 14 Danse élargie DI 15 Danse élargie JE 19 VE 20 DI 22 MINUIT Tentatives d’approches … MINUIT Tentatives d’approches … MINUIT Tentatives d’approches … LU 23 MA 24 ME 25 JE 26 VE 27 Anne Teresa De Keersmaeker 2 prog. Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog. Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog. e 1 VE 2 SA 3 DI 29 LU 30 DI 4 LU 5 MA 6 ME 7 JE 8 VE 9 Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch 17 H Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch JUILLET 2014 THÉÂTRE DE LA VILLE THÉÂTRE DE LA VILLE THÉÂTRE DES ABBESSES 20 H 30 20 H 30 Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog. Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog. Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog. 15 H Kronos Quartet Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog. Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog. Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch 17 H Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch F. Atlan I Orch. Arabo-Andalou de Fès Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch SA 28 Faustin Linyekula Faustin Linyekula Faustin Linyekula MAI 2014 JE Paulo Ribeiro Paulo Ribeiro Paulo Ribeiro Paulo Ribeiro A. Beyer I K. Bezuidenhout 17 H Paulo Ribeiro ME 18 SA 21 Wim Vandekeybus Wim Vandekeybus Wim Vandekeybus Wim Vandekeybus Rhinocéros Rhinocéros MA 17 DI 27 MA 29 JE LU 16 SA 26 LU 28 4 VE 13 LU 21 ME 23 ME JE 12 DI 20 MA 22 2 ME 11 MINUIT Tentatives d’approches … MINUIT Tentatives d’approches … MINUIT Tentatives d’approches … MINUIT Tentatives d’approches … 15 H MINUIT Tentatives d’approches … Wim Vandekeybus LU MA 10 Mystery Magnet Mystery Magnet 19 H 30 SA 19 1 MA 3 DI 13 LU 14 DI 20 H 30 MA 1 Faustin Linyekula ME 2 JE 3 VE 4 SA 5 Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch projection Ahnen Ahnen Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch SA 10 LU 12 MA 13 ME 14 JE 15 VE 16 SA 17 DI 18 Le Roi Lear 19 H 30 Le Roi Lear 19 H 30 Tomás Gubitsch I Argentine I France Le Roi Lear 19 H 30 Le Roi Lear 19 H 30 Le Roi Lear 19 H 30 Le Roi Lear 17 H LU 19 MA 20 ME 21 JE 22 VE 23 SA 24 Le Roi Lear 19 H 30 Le Roi Lear 19 H 30 Le Roi Lear 19 H 30 Quatuor Takács 15 H Le Roi Lear 19 H 30 DI 25 LU 26 MA 27 ME 28 JE 29 VE 30 SA 31 Le Roi Lear 19 H 30 Le Roi Lear 19 H 30 Tête haute 10 H Nos occupations Tête haute 14 H 30 Nos occupations Tête haute 14 H 30 Nos occupations Tête haute 10 H Chant & musique du Xinjiang I Chine 17 H Tête haute 15 H Nos occupations Tête haute 19 H Tête haute 15 H Nos occupations Nos occupations Tête haute 10 H Nos occupations Tête haute 14 H 30 Nos occupations Tête haute 14 H 30 Nos occupations Tête haute 10 H Lo Còr de la Plana I Occitanie 17 H Tête haute 15 H Nos occupations Tête haute 19 H Tête haute 15 H Nos occupations Nos occupations Nos occupations Palermo Palermo © LAURENT PHILIPPE DI 11 Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … Twelfth Night, la Nuit des rois… 19 H 30 Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … Twelfth Night, la Nuit des rois… 19 H 30 Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … Twelfth Night, la Nuit des rois… 19 H 30 Twelfth Night, la Nuit des rois, ou … JOURNAL DU THÉÂTRE DE LA VILLE direction, administration : 16 quai de Gesvres 75180 Paris Cedex 04 Tél. : 01 48 87 54 42 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION & DE LA RÉDACTION Emmanuel Demarcy-Mota COORDINATION ÉDITORIALE Anne-Marie Bigorne CONSEIL ÉDITORIAL Colette Godard, François Regnault, Christophe Lemaire CONCEPTION GRAPHIQUE Émilie Paillot graphiste ASSISTANTE Marie-Pierre Lasne CORRECTRICE Hayet Kechit IMPRESSION BLG Toul - 54200 TOUL I ISSN 0248-8248 I tirage à 28 000 ex. 4e COUVERTURE Nos occupations, David Lescot © PATRICK BERGER // Concert pour les bébé, Paoulo Lameiro, Carles Pedragosa © TONI VILCHES // Twelfth Night…, Bérangère Jannelle © STÉPHANE PAUVRET // Le Coq d’or, Les Percussions Claviers de Lyon © BRUNO AMSELLEM // Booty Looting, Wim Vandekeybus © DANNY WILLEMS // Lambodoara © VICTOR RANDRIANY