journal - Nouveau Théâtre de Montreuil

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LE
JOURNAL
avril-juin 2014
Eugène Ionesco I Emmanuel Demarcy-Mota I Troupe du Théâtre de la Ville I Rhinocéros au Théâtre de la Ville du 2 au 10 juin 2014 © KARSTEN MORAN/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
2 • ÉDITO
Théâtre de la Ville PARIS
avril-juin 2014
LA BELLE SAISON
Avril, mai, juin : trois mois à venir pour accomplir une saison 2013-2014 jusqu’ici très heureuse.
Je saisis cette occasion pour en faire un premier bilan : 25 spectacles de théâtre, 25 spectacles de danse, 39 concerts de musique
venant de tous les coins du globe, réunissant à ce jour 234 291 spectateurs.
Si les temps sont troublés, pour tous et pour chacun, le public accompagne de manière fidèle et éclatante l’ensemble des propositions
que nous pouvons lui faire dans toutes les disciplines, jusque dans les plus inattendues, du « grotesque au sublime », comme dirait
Victor Hugo (et on aura vu en cette saison des exemples extrêmes). Des propositions représentatives de ce que notre temps inspire
à ces artistes, pour faire œuvre de théâtre, de musique et de danse.
Cette diversité fonde notre désir d’ouverture aux arts de la scène, à ceux qui mobilisent des corps vivants, leurs gestes, leurs voix,
leurs instruments, leurs techniques…, comme elle fonde notre volonté d’ouvrir le théâtre à l’enfance (et à la jeunesse) afin qu’elle y
trouve des occasions de s’amuser et de s’instruire en même temps, de jouer, de rêver…
Les différents ateliers et week-ends ouverts au public visent aussi à répondre aux désirs des spectateurs de toutes les générations
de s’initier à un art, à une technique, à une pratique. Nous poursuivrons dans cette voie.
Nous sommes aussi heureux que le public se soit, au cours de ces dernières saisons, diversifié, notamment sur la question des âges.
Car 24 % de nos spectateurs, maintenant, ont moins de 30 ans. Bien entendu, aucune préférence à marquer en cela pour une
« tranche d’âge » plutôt qu’une autre, mais seulement un équilibre à trouver, sans quoi une société fût-elle celle des spectateurs,
ne subsiste pas longtemps.
Libre à chacun de méditer sur ce que cela signifie, mais cela correspond chez nous à un désir profond. Celui que des jeunes gens
prennent l’habitude « naturelle » de venir au théâtre.
Cette fin de saison : qu’irez-vous voir ? Qu’irez-vous entendre ?
Le retour après de nombreuses années du Théâtre national Populaire (TNP) de Villeurbanne, que Christian Schiaretti dirige
depuis 2002. Sa troupe et lui viennent avec un Roi Lear (sans doute l’une des plus grandes pièces de tous les temps) incarné par
Serge Merlin, acteur singulier, unique.
Rhinocéros, d’Eugène Ionesco, que nous avions créé, avec la même troupe d’acteurs, en 2005, puis entièrement réinventé en 2011,
revient, après un parcours de plusieurs milliers de kilomètres dans 53 villes du monde et près de 260 représentations depuis la
première.
Avec sa toute dernière création, David Lescot, auteur et metteur en scène associé pour la quatrième saison au Théâtre de la Ville,
viendra évoquer les temps de l’action clandestine et poursuivre, à sa manière unique, un questionnement sur les formes de « résistance » qui semble traverser toute son œuvre.
Toutes les formes de danse, plusieurs générations de chorégraphes se trouveront réunies en ce dernier trimestre de la saison. Le
Tanztheater de Pina Bausch, avec Palermo Palermo (1989), reprise d’une pièce rare de son répertoire, les nouvelles créations de
Wim Vandekeybus, d’Anne Teresa de Keersmaeker, de Christian Rizzo, de Lemi Ponifasio, de Faustin Linyekula… Une fascinante
palette d’esthétiques, auxquelles s’ajouteront les vingt très jeunes équipes qui formeront la sélection de la 3e édition du concours
Danse élargie. Vous le savez maintenant, ces journées, ouvertes à tous et gratuites, sont autant d’occasion de révéler des univers à
suivre : ainsi les découvertes passées de Noé Soulier, Pauline Simon, KLP, Simon Tanguy, Chien-Hao Chang ou Lenio Kaklea que
nous retrouverons d’ailleurs cette année dans les Chantiers d’Europe.
Chantiers d’Europe, 5e édition
Quatre pays seront cette année réunis pour une édition exceptionnelle : la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal. Quatre pays à qui
nous sommes depuis des siècles redevables d’une belle part de notre culture : philosophes, architectes, poètes, peintres, sculpteurs,
Homère, Dante, Cervantès, Camoes, Pessoa… sans parler des navigateurs qui découvrirent l’Afrique, et le Nouveau Monde…
Mais c’est « leur aujourd’hui » que nous visiterons dans ces nouveaux Chantiers d’Europe, aujourd’hui où il leur faut subir une
crise que nous surmonterons plus vite qu’eux, mais à quel prix ? Ces jeunes artistes de toutes les disciplines seront présentés dans
tout Paris durant trois semaines. L’occasion unique d’entendre leur voix.
Voilà pour cette fin de saison 2013-2014. Puisse-t-elle vous faire éprouver tous les sentiments, toutes les émotions que nous
sommes en droit d’attendre du théâtre, de la danse et de la musique. Puissions-nous, puissent les acteurs et les danseurs continuer
à partager la rêverie du monde. Notre temps en a bien besoin.
Emmanuel Demarcy-Mota
avril-juin 2014
RHINOCÉROS • 3
BIENVENUE
DE GAUCHE À DROITE :
Serge Maggiani, Gérald Maillet, Céline Carrère,
Stéphane Krähenbühl, Sarah Karbasnikoff,
Pascal Vuillemot DANS Rhinocéros
© KARSTEN MORAN/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA
4 • UNE ŒUVRE
Théâtre de la Ville PARIS
avril-juin 2014
FAIRE ENTENDRE
Faire entendre les mots de Ionesco, ce qu’ils disent de ce que nous vivons ; s’enrichir de nos différences,
voilà pourquoi Emmanuel Demarcy-Mota envoie son Équipe en tournée, et l’accompagne.
Les aventures de son Équipe, à Paris, en France, d’ouest en est
de par le monde, Emmanuel Demarcy-Mota les vit, sur place,
avec tous et en même temps. Ce qu’il considère comme normal
puisque, après tout, il en fait partie de l’Équipe, il en est « le
centre ».
Donc, il a vécu tous les instants de la tournée de Rhinocéros, et
quelques-uns de bien surprenants. Ainsi au Chili, où il a fallu
d’urgence trouver une autre scène et en adapter le décor, après
l’incendie qui a détruit le théâtre où le spectacle était initialement prévu.
« Quand la directrice du Festival où nous étions invités nous a téléphoné pour nous prévenir, les décors étaient déjà en route par
bateau et, de toute façon, il n’était pas question de laisser tomber. »
Voilà donc les techniciens et comédiens face au Théâtre des
Carabiniers. Le seul disponible, qui jamais n’a collaboré avec le
Festival, où aucun spectateur habituel n’a jamais pénétré, car
depuis toujours il appartient à l’armée, lui est réservé. Il est
dirigé par des généraux, dont les portraits ornent les couloirs.
Où par ailleurs est exposé un matériel qui, tout
au long de la dictature, a beaucoup servi contre
la population.
« C’était une situation ahurissante et inédite pour
les spectateurs chiliens comme pour nous. Est-ce
qu’il existe un autre pays, y compris une démocratie, où l’armée possède son propre théâtre ? Quel
peut bien être le répertoire ? En tout cas, donner
là Rhinocéros ! Qui aurait osé l’espérer, même y
penser ? Quoi qu’il en soit, le public a compris, et
fortement réagi, il savait de quoi nous parlions.
Quant au “général-directeur”, il est venu poliment
féliciter les comédiens à la fin de la représentation. »
C’était, en tout cas, une belle façon de commencer la tournée en Amérique Latine. La suite, en
Argentine, a été moins tumultueuse, même si
le public, dans sa majorité, ne connaissait pas
la pièce. Et peut-être ignorait même le nom de
Ionesco.
« Cela dit, professionnels ou non, ils sont entrés
dans le spectacle, dans ce qu’il met en jeu et qui
forcément les touche, eux qui sont également si
proches de la fin d’une dictature. Nous y avons
rencontré un public très mélangé, très jeune, senti
un vrai désir de théâtre, une grande curiosité. Les
relations entre Buenos Aires et Paris ont toujours
été profondes, chaleureuses… »
Emmanuel et l’Équipe se sentent chez eux là-bas, un peu comme
aux États-Unis, principalement à New York. Car après tout,
même si on n’y est jamais allé, on a vu des films. Et de toute façon,
Emmanuel ne veut pas laisser passer une seule occasion de
connaître. Et comme les répétitions avaient lieu l’après-midi, le
soir était réservé… au théâtre.
« Nous avions retenu des places pour des spectacles dont on nous
avait parlé. D’autre part, nous avions invité des comédiens intéressés
à des workshops de trois jours avec l’équipe. Ensuite, nous discutions, c’était passionnant. Ils étaient surpris par notre jeu, qu’ils
qualifient de “physique”, c’est-à-dire plus proche des performances
Off-Off Broadway, que de ce qui se fait sur une scène officielle. »
Finalement, en dépit des différences de langage, de culture, de
passé, le monde occidental parvient à se trouver des points de
rencontre. Les acteurs peuvent assez naturellement ressentir
les réactions des publics, les prévoir, s’y adapter, s’en servir.
En allant vers l’est, les choses changent. Les mêmes événements
ne sont pas, et n’ont pas été, vécus de la même façon.
« À Moscou, la tension du public
nous a surpris. Le seul moment
de rire a été celui où on ne sait
pas trop si Jean va oui ou non
choisir de rejoindre les rhinocéros. Dans tous les débats, les
entretiens, revenaient des questions sur le double langage, le
double jeu, les stratégies secrètes.
Une autre lecture de la pièce, tout
aussi contemporaine est apparue,
ainsi qu’une vision très noire de
sa fin, où le “je ne capitule pas”
final de Bérenger ne suscitait
aucun espoir, à cause de la solitude du personnage.
« En Turquie aussi, nous avons
été surpris : à la réplique “je ne
veux pas d’enfant”, la salle a
applaudi… Par la suite, on nous
a expliqué que le gouvernement
était alors en train de remettre
en cause le droit à l’avortement…
En Grèce, nous avions le sentiment d’arriver au juste moment, le
directeur du Festival auquel nous participions nous l’a confirmé.
Et au journaliste de RFI qui interrogeait les spectateurs de toutes
générations à la sortie du spectacle, chacun répondait que la pièce
parlait d’eux, de ce qu’ils vivent… Et puis, partout où nous sommes
allés, on nous a confié le plaisir d’écouter notre langue. »
Emmanuel Demarcy-Mota a bien l’intention de continuer à la
faire entendre, à transmettre les avertissements de Ionesco. Il
projette de faire découvrir Rhinocéros en Asie, à Taiwan, à Singapour, au Japon.
« Dans ce continent, le spectacle prendra évidemment encore un
autre sens, des dimensions différentes. Nous, nous apprendrons.
Les comédiens recevront des réactions nouvelles, qu’ils vont intégrer
et retransmettre. »
Notamment aux publics français. Emmanuel Demarcy-Mota
garde Rhinocéros au répertoire de sa troupe tant que le thème
résonnera dans le présent, tant que le spectacle offrira aux spectateurs des idées, des histoires qui les touchent, leur parlera de
ce qu’ils vivent. Et d’abord, du 2 au 10 juin, Rhinocéros revient
au Théâtre de la Ville, enrichi de ce que l’Équipe a vécu au long
de cette immense tournée, de ce que chacun, pendant ce temps,
a pu donner, recevoir, comprendre, chercher, interroger.
« Toutes ces questions, ces expériences, qu’ils portent en eux, ils
vont les communiquer à un public avec lequel ils partagent la
langue, et le quotidien. Là encore, ils vont recevoir, apprendre. »
Encore et toujours c’est l’inattendu qui les attend, qui nous
attend. Nous sommes au théâtre.
Colette Godard
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I B
2 < 10 JUIN
IONESCO I EMMANUEL DEMARCY-MOTA
Rhinocéros REPRISE
Emmanuel Demarcy-Mota ASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE Christophe Lemaire
François Regnault SCÉNOGRAPHIE & LUMIÈRES Yves Collet
COLLABORATION LUMIÈRES Nicolas Bats MUSIQUE Jefferson Lembeye
COSTUMES Corinne Baudelot ASSISTÉE D’Élisabeth Cerqueira
MAQUILLAGES Catherine Nicolas ACCESSOIRES Clémentine Aguettant
AVEC Hugues Quester, Serge Maggiani, Valérie Dashwood, Philippe Demarle,
Charles-Roger Bour, Jauris Casanova, Sandra Faure, Gaëlle Guillou,
Sarah Karbasnikoff, Stéphane Krähenbühl, Gérald Maillet, Walter N’Guyen,
Pascal Vuillemot
MISE EN SCÈNE
COLLABORATION ARTISTIQUE
PRODUCTION Théâtre de la Ville-Paris. COPRODUCTION Le Grand T, scène conventionnée de Loire-Atlantique
– les Théâtres de la Ville de Luxembourg.
PAGE DE GAUCHE :
Serge Maggiani & Valérie Dashwood © JEAN-LOUIS FERNANDEZ
Athènes, programme de Salle de l’Athens Festival
PAGE DE DROITE :
La scène des bureaux © JEAN-LOUIS FERNANDEZ
Londres, programme de salle du Barbican
New York, couverture du supplément arts du New York Times
Los Angeles, tract du Performing Art Center de UCLA
TOURNÉES • 5
avril-juin 2014
DE PAR LE MONDE, ILS SONT ÉCOUTÉS
D’ouest en est, partout, dans le rire et l’angoisse, le spectacle éveille des souvenirs douloureux,
met à nu le dangereux confort de l’aveuglement.
Et c’est bien là ce qui est reconnu à travers cette mise en scène, dont sont admirées la force et
l’évidence, la simplicité raffinée dans la complexité des décors en mouvements minutieusement
décrits. Un parti pris esthétique manifestement inhabituel, mis sur le compte de… « l’élégance
française » !
Mais ce qui, au-delà de toute interprétation personnelle, emporte adhésion et admiration, ce sont
les comédiens, leur présence physique, leur rythme, et aussi leur cohésion, leur cohérence. C’est
l’Équipe tout entière qui est saluée avec, naturellement, une mention pour Hugues Quester dans
le rôle de Jean, l’ami qui finira par se joindre aux rhinocéros : « Sa transformation est formidable,
il est horriblement poignant. Valérie Dashwood excelle dans le rôle de Daisy, dont « les doutes puis
la trahison finale sont totalement poignants dans le troisième acte ». Et Serge Maggiani, Bérenger,
est « intense et ambivalent, un outsider qui traîne la patte, un clown sage dont l’inaptitude sociale et
l’incapacité à s’intégrer font de lui la voix réticente de la raison », (Financial Times).
LONDRES
Voilà environ un an, en février 2013, le Théâtre de la Ville se trouve donc à Londres, au Barbican
Theater, grande salle inscrite au centre d’un complexe rassemblant tout ce qui touche aux arts, y
compris une bibliothèque et une serre de plantes tropicales… Quant au théâtre lui-même, de par
son programme pluridisciplinaire – musiques et danses comprises – de par les troupes accueillies – comme la Schaubühne de Thomas Ostermeier – il est, en quelque sorte, un Théâtre de la
Ville londonien.
Rhinocéros y a été programmé parallèlement à
une exposition du grand maître dadaïste ravageur : Marcel Duchamp. Façon de préparer le
spectateur aux dérives de Ionesco ? Plutôt une
façon de le faire, par opposition, basculer tout
naturellement dans son irréfutable, terrifiante,
et si personnelle logique.
Qui donc est Ionesco pour le public britannique ? Même s’il ne semble pas l’auteur
étranger le plus joué, il reste manifestement
important. Un maître de l’Absurde. Qu’est-ce à
dire pour les Anglais ? Un théâtre dont la
force comique serait proche de ce que nous,
en France, appelons leur humour : bien noir,
féroce, voire cynique, en tout cas impitoyable,
imprévisible… Ce que cherche justement la
mise en scène d’Emmanuel Demarcy-Mota
« pleine de style et terrifiante à la fois », (Sarah
Hemming, Financial Time).
Le spectacle, sans laisser de côté la violence de
la pièce, met aussi en lumière son impact politique. Bizarrement, à ce sujet, si quelques-uns
mentionnent l’antagonisme avec Sartre, dont
Ionesco supporte mal les sympathies communistes, dans la plupart des articles, la pièce –
bien qu’écrite en 1959, en temps de guerre froide – est plutôt vue comme une fable sur la montée
du fascisme, voire du nazisme… Certains y lisent même une critique de la collaboration française
pendant l’Occupation. Finalement, les Anglais, et d’ailleurs les Américains, bien qu’ils aient combattu Hitler, n’ont pas vécu les méfaits de son idéologie d’une façon aussi quotidienne que les
Français. Donc, même si l’horreur est reconnue, elle reste en quelque sorte abstraite. Un symbole
généralisé.
Peu importe. Rhinocéros n’est pas une « pièce historique ». Emmanuel Demarcy-Mota met en scène
le présent, la façon dont vivent les humains, leurs rêves, leurs désarrois, leurs abandons, leur
résistance et ses conséquences, y compris la plus glacée des solitudes.
À Londres, comme en France, aux États-Unis, à Moscou, Madrid, Istanbul ou Barcelone, partout
où a tourné le spectacle est reconnu son caractère universel. « Un rappel profondément troublant de
la fragilité de l’être humain », (Telegraph). Au-delà des frontières et du temps, « la pièce garde son
pouvoir d’amuser, d’étonner, de provoquer. Que l’hystérie qui s’empare du groupe soit d’origine religieuse,
communiste, fasciste n’est pas la question. Ionesco lance une attaque contre tout conformisme aveugle »,
(onestoparts).
LOS ANGELES I BERKELEY (SAN FRANCISCO) I
NEW YORK I ANN ARBOR
« Serge Maggiani capte magnifiquement l’humanité débraillée de Bérenger, loin de tout héroïsme […]
Il personnifie l’homme instinctif, ni dépourvu de conscience ni submergé par elle », écrit Charles
McNulty, critique au Los Angeles Times. En septembre et octobre 2012, le spectacle s’en va en effet
aux États-Unis. Et si les comédiens se souviennent de leur stupéfaction, de leur trac et de leur
bonheur lorsqu’ils se sont trouvés à New York, à la Brooklyn Academy of Music, bondée, avec des
spectateurs, attentifs, enthousiastes et finalement debout, c’est sans doute à Los Angeles, première
étape de la tournée, que leur présence fut la plus attendue.
Pour la première fois depuis très longtemps, venait une troupe étrangère. Et c’est Rhinocéros,
œuvre reconnue mais relativement peu jouée sur les grandes scènes américaines, qui a été choisi
pour inaugurer le nouveau Festival UCLA dirigé par Kristy Edmunds, « Pour ceux qui croient que
Los Angeles devrait avoir une culture théâtrale proportionnelle à sa place de capitale mondiale de l’art,
de la musique classique, de l’architecture, il y a tout lieu de croire que Edmunds apportera une contribution inestimable à la diversité esthétique de notre activité scénique. »
Voilà un propos apte à nous extirper de nos clichés, en tout cas de celui qui nous fait voir Los
Angeles comme une banlieue de Hollywood.
Que signifie l’Absurde pour les journalistes américains ? Après tout, si on se fie à leurs grands
comiques, de Groucho Marx à Woody Allen en passant par Jerry Lewis, on trouve moins de noirceur que de désinvolture, et une forte propension aux enchaînements saugrenus… Ce que l’on
pourrait définir comme le sens de l’absurde.
En fait, selon l’Équipe, les pays où le spectacle a déclenché le plus de rires sont l’Angleterre et les
États-Unis. Il n’en a pas été de même à Moscou, où il a été joué au Festival Tchekhov 2013, « juste
à un moment, où dès que tu allumes la télé, tu vois les newsmakers et les gens simples se transformer
en rhinocéros »… Ainsi se rejoignent, par le biais des ondes, Russes et Américains, qui eux aussi
voient dans la pièce un avertissement contre la dictature des écrans, les dangers de la normalisation, la perte d’identité.
6 • TOURNÉES
Théâtre de la Ville PARIS
avril-juin 2014
MOSCOU
À Moscou, le spectacle s’est donné au Théâtre
Pouchkine devant des salles pleines d’un public
attentif plus troublé que réjoui, admirant, comme
ce fut le cas partout, la présence émouvante,
envoûtante des acteurs, la rigueur de la mise en
scène, ici qualifiée de « laconique », ce qui n’est
pas faux si on la compare aux exubérances des
spectacles russes que nous connaissons.
Sans doute Ionesco est-il connu là-bas. Mais est-il
souvent joué ? Et comment ? Que signifie l’Absurde dans ce vaste pays dont les cultures, les
modes de vie, les façons de penser, de réagir n’ont
qu’un rapport extrêmement lointain avec ce que
nous désignons comme « logique et raison »? La
pièce y a créé une grande émotion en soulevant
des questions liées à l’avenir de l’homme, de l’humanité, aux dangers des pouvoirs en place.
Quoi qu’il en soit, à Moscou, on aimerait savoir
ce qui enfante, tout au moins selon Emmanuel
Demarcy-Mota, les rhinocéros français : « L’angoisse de l’avenir dans l’Europe d’aujourd’hui,
l’incapacité à se révolter… », comptent parmi les
nombreuses causes.
BARCELONE
Lorsque, en juillet 2013 Rhinocéros se donne à Barcelone, invité par le Festival GREC, avant de
rejoindre le Teatre Lliure de Montjuïc, le spectacle suscite nombre d’interprétations, d’interrogations, et d’abord à propos de sa longévité. Ainsi rappelle-t-on que la première mise en scène par
Emmanuel Demarcy-Mota date de 2004, la seconde de 2011, et que la pièce est toujours au programme, y compris en France. En somme se confirme la réputation de Ionesco, considéré en
Espagne non pas seulement comme le Maître de l’Absurde, mais comme un vrai « classique ».
Respecté bien que peu souvent joué.
Et de citer Emmanuel Demarcy-Mota : « Rhinocéros est un vrai classique, Il ne change pas, il mue.
Il change de peau au fil du temps. »
Quant aux raisons pour lesquelles il s’est attaché à cette pièce particulière, elles sont analysées au
fil des entretiens et déclarations : « D’après le metteur en scène, les rhinocéros sont le reflet d’une
“servitude volontaire”, puisqu’il n’y a aucun chef identifié. Il s’agit d’une attitude commode, paresseuse, consistant à se réfugier dans la masse. Et à ce propos il en appelle à la responsabilité individuelle pour faire front aux totalitarismes », (El periódico de Catalunya).
Pour la Catalogne qui, comme l’ensemble de l’Espagne, a vécu quarante ans d’une dictature franquiste, alliée de Mussolini et de Hitler, le totalitarisme fasciste et nazi n’a rien d’abstrait. Et la
presse catalane se demande si les dictatures à craindre aujourd’hui ne seraient pas moins idéologiques que religieuses ou (et) financières.
« La grande victoire du néolibéralisme : savoir convaincre tout le monde qu’il est absolument normal
d’être néolibéral. Et ça, ça se transmet. Dans la pièce, être rhinocéros apparaît comme la meilleure
solution. » Sinon la seule, en tout cas la plus évidente. Sauf pour Bérenger.
Enfin, comme en Angleterre, aux États-Unis, comme partout, l’impact de la représentation tient
aux comédiens qui, une fois encore, ont emporté le public. Il tient également à la force et l’acuité
de la mise en scène « très rodée, d’où se détache particulièrement la précision des douze interprètes […],
la façon remarquable dont Emmanuel Demarcy-Mota dessine l’action, grâce notamment à deux éléments de base : la scénographie et les lumières d’Yves Collet… », (La Vanguardia, édition catalane).
À vrai dire, les spectateurs, professionnels ou non, ont également été éblouis par ce qui est
apparu comme somptueux, de
par le nombre d’interprètes, la
variété et la mobilité des éléments scéniques, leur sophistication…
SANTIAGO DU CHILI
Au long des siècles, malgré les convulsions de l’Histoire, le théâtre survit, et vit. Alors, nous traversons l’Océan et le temps et, en janvier 2014, nous arrivons au Chili, au Festival SANTIAGO A MIL.
Évidemment Ionesco n’est pas là-bas un inconnu, mais il semble bien que la pièce est une découverte, dans laquelle on reconnaît une « fable allégorique, fantastique et kafkaïenne, dont la signification est tellement ouverte, que l’on peut en faire les lectures les plus variées », (Chili Eccliping).
Kafkaïen… Comment ne pas penser à la phrase qui ouvre La Métamorphose : « Un matin Gregor
Samsa se réveille, transformé en insecte… » Et suit le désarroi d’un homme qui tente de s’adapter à
son corps, son désir de se faire reconnaître, accepter. De s’intégrer. S’intégrer ou rester lui-même ?
Là est la question pour un Bérenger « ambivalent et attendrissant […] symbole de la fragilité et de
l’héroïsme de l’être humain ». Un homme seul. Non pas contre tous, mais à côté des autres.
Pourquoi justement ici relève-t-on la solitude de Bérenger dans ses refus, ses combats ? Alors
vient la question : comment, au quotidien, a donc été vécue la dictature militaire de Pinochet, qui
a tout de même duré de 1973 à 1990 ?
BUENOS AIRES
Et puis on se retrouve quelques jours plus tard en Argentine, au Teatro San Martin de Buenos
Aires, ville où persiste le souvenir d’Eva Perón, dans le grand cimetière, non loin de la statue
dédiée à la première star mondiale du tango, Carlos Gardel.
Lorsque l’on a trop longtemps été enfermé dans une dictature sans autre issue que l’exil, peut-être
cherche-t-on à en reléguer les souvenirs du côté du rêve. Du cauchemar. Ainsi remercie-t-on
Emmanuel Demarcy-Mota pour avoir « exhumé » cette pièce, « où, au cours d’une scène inquiétante,
les bêtes féroces du titre apparaissent d’une manière quasiment onirique. Peut-être pour nous rappeler
que persiste toujours le fantôme du totalitarisme politique », (Notícias).
Si les démocraties en butte aux tractations banquières mondialisées concentrent leurs craintes sur
le retour d’un fascisme bien connu ou quelque peu modernisé, les Argentins semblent penser qu’ils
ont eu leur dose et que le danger pourrait venir d’ailleurs.
Et puis cette œuvre, c’est à travers le spectacle qu’ils la découvrent. Un spectacle qui « démontre que
le plaidoyer contenu dans la pièce reste d’actualité, de même que son ironie. […] Le dispositif scénique
offre un soutien magnifique au travail physique accompli par toute la troupe. La chute inattendue des
escaliers et des cloisons fait bien ressentir la progression des bêtes féroces sur une société fragile et
instable, qui possède de moins en moins de valeurs susceptibles d’affronter la barbarie », (Ámbito
financiero).
Enfin, au-delà même du plaisir théâtral, quelque chose d’intime a touché les publics argentins.
« Quelque chose de très difficile à obtenir. Quelque chose qui a été obtenu en utilisant la lumière et son
absence. Et une musique qui dérange et renforce la sensation d’étrangeté. Le jeu des acteurs et le texte
font le reste. Comment une personne peut-elle se transformer en animal sauvage sans autre aide que
son corps ? […] Il n’y a pas d’effets spéciaux, seulement des corps non domestiqués, qui sont encore
capables d’expression. […] Hautement crédible, le jeu des acteurs fait que nous acceptons comme
naturelle la distorsion. Et se passe quelque chose de rare : les effets de cette pièce continuent de se faire
ressentir longtemps dans l’esprit des spectateurs », (Tiempo Argentino).
Dans leur esprit, leur mémoire, leur cœur… Au long du temps, au long des voyages.
C. G.
DE GAUCHE À DROITE :
Moscou, affiche de Rhinocéros pour le Festival Tchekhov
Buenos Aires, programme de salle du Teatro San Martin
Buenos aires, couverture du supplément spectacle de La Nacion
Barcelone, façade du Théâtre LLiure
ACTEUR-ACTRICE, PORTRAITS • 7
avril-juin 2014
UNE TROUPE ter
L’Équipe rassemblée par Emmanuel Demarcy-Mota comprend dix-huit personnes, qui régulièrement se retrouvent.
Et chacune a son histoire.
Charles-Roger Bour © JEAN-LOUIS FERNANDEZ
Valérie Dashwood © JEAN-LOUIS FERNANDEZ
MIEUX VAUT TARD
POUR L’AMOUR DES MOTS
Il est arrivé tard dans un monde auquel il ne pensait même pas, le hasard lui a
fait rencontrer Emmanuel Demarcy-Mota et son équipe, que demander d’autre?
Depuis toujours, elle est attirée par l’écriture et ce que celle-ci fait entendre,
ce qu’elle fait vivre à travers les voix, les corps. Elle est née pour le théâtre.
Charles-Roger Bour approche de la trentaine quand il vient au monde. Tout au moins à celui du
théâtre. Auparavant, tambour battant, il mène la carrière pour laquelle il était programmé, celle
de jeune cadre dynamique plein d’avenir. Le chômage, les tsunamis familiaux en décident autrement. Et puisque le hasard fait bien les choses, de rencontres en rencontres, il se retrouve en Provence dans une troupe de théâtre amateur. Lui reviennent alors des souvenirs de lycée qu’il avait
complètement occultés, avec étude de textes, spectacles en groupe. « Alors le théâtre commence à
envahir ma vie. À ce moment-là, je suis condamné, je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre. »
Il devient donc professionnel, passe des auditions, fonde avec un camarade une compagnie,
grâce à laquelle il s’initie à toutes sortes de formes et de techniques, joue dans des institutions,
retourne à Lyon, sa ville natale, s’y ennuie, décide de tenter sa chance à Paris. La capitale, en dépit
de la décentralisation, porte toujours les espoirs de changement, de rencontres.
Effectivement, par l’intermédiaire d’un comédien qui connaît un comédien qui travaille avec
Emmanuel Demarcy-Mota, mais n’est pas libre pour une tournée de L’Histoire du soldat, la toute
première création d’Emmanuel Demarcy-Mota, Charles-Roger Bour passe une audition, et le
voilà engagé, intégré à l’Équipe en train de se former.
« Nous avons travaillé, et je fais ma première représentation avec eux à Lisbonne. Tout change pour moi,
car connaître Emmanuel, c’est en même temps connaître son entourage proche, notamment Christophe
Lemaire, Alpar… Des gens qui n’ont pas besoin de se parler pour se comprendre. À ce moment-là,
Emmanuel a 22 ans, moi davantage, mais je suis impressionné par son incroyable maturité en tant
que metteur en scène, directeur d’acteurs.
« L’Équipe s’est formée au fur et à mesure, par la force des choses et sa force à lui, qui sait comment
nous emmener là où il veut aller, devancer nos questions, nos difficultés, y répondre. Après les Peines
d’amour, dont nous avons donné une version pour les jeunes publics, moins rude, plus courte, j’ai joué
le roi Pierre dans Léonce et Léna. D’ailleurs, à l’exception de Ma vie de chandelle de Fabrice Melquiot, et de Victor ou les Enfants au pouvoir, j’ai tout joué. À la Comédie de Reims, où la troupe
s’était totalement investie, nous avons vécu des expériences bouleversantes, par exemple les “consultations poétiques”, lorsque les gens nous confiaient leurs problèmes et que, pour les soulager, nous leur
choisissions des poèmes.
« Et puis il y a eu Ionesco Suite pour lequel Emmanuel nous a fait confiance, qui a marché immédiatement, et continue. Quand on a commencé à mettre au point cet enchaînement de morceaux choisis
dans les premières pièces, aucun de nous ne savait ce que ça donnerait. Mais nous nous connaissons.
Et je crois bien que la raison pour laquelle nous pouvons travailler ensemble sans tomber dans la routine, c’est que, encore et toujours, nous voulons nous surprendre les uns les autres. En même temps, être
ensemble et nous connaître nous aide à traverser des moments difficiles, comme lorsque, à cause du
volcan islandais, nous avons dû faire la route en bus, affronter les douanes pour aller en Russie jouer
Casimir et Caroline.
« Emmanuel était là, avec nous comme toujours. Comme sur scène, il nous entraîne dans ses projets,
ses aventures, qui deviennent les nôtres. Il ne dirige pas l’Équipe, il lui offre des buts, cherche avec elle
comment les atteindre. Il m’épate toujours. »
C. G.
C’est au collège que Valérie Dashwood entre en contact avec le théâtre. Grâce à un « club » fondé
par deux professeurs auquel, le samedi après-midi, tout le monde, y compris le directeur, peut
aller. Rien, à cette époque, ne la prédispose au métier de comédienne sinon son amour des mots,
son plaisir à les dire. Tout naturellement, elle participe à un concours interscolaire organisé par
Marcelle Tassencourt (comédienne, professeur au Conservatoire de Versailles.) Elle y présente
Antigone d’Anouilh et, parfaitement en accord avec ce personnage dans lequel s’inscrivent les
doutes et fureurs de l’adolescence, elle obtient le prix d’interprétation féminine. Après quoi, tout
s’enchaîne : Conservatoire, Jeune Théâtre national…
« J’ai eu la chance d’avoir des professeurs formidables, et très différents les uns des autres. Dans la
classe libre du cours Florent, Jean-Pierre Garnier a été déterminant, il m’a donné confiance en moi. Et
au Conservatoire : une comédienne, Dominique Valadié, qui entraîne dans des univers très singuliers
en passant de Molière à Edward Bond. Des metteurs en scène, Daniel Mesguich, puis Stuart Seide,
grand pédagogue et qui m’a engagée dès ma sortie du Conservatoire. »
Des auteurs, Valérie Dashwood en rencontrera, et des plus variés : ainsi Shakespeare, en 1998,
quand elle passe une audition pour la Rosalinde de Peine d’amour perdue que met en scène
Emmanuel Demarcy-Mota. Spectacle fondateur, rencontre décisive. Y compris avec l’Équipe qui,
de spectacle en spectacle, se constitue, se définit, construit son identité, même s’il arrive aux uns
et aux autres de travailler ailleurs : « Personnellement, j’ai joué, dans la première mise en scène de
Daniel Jeanneteau, Iphigénie de Racine parce que depuis le collège j’adore la tragédie et les alexandrins. Plus tard, j’ai découvert Olivier Cadiot, dont la poésie, le langage m’ont fascinée. Avec Ludovic
Lagarde et Laurent Poitrenaux, j’ai créé trois nouveaux textes de Cadiot, Retour définitif et durable
de l’être aimé – trois mois de laboratoire pour passer du roman à la pièce – Fairy Queen, d’après
Gertrud Stein puis Un nid pour quoi faire… Pendant ce temps, avec la troupe d’Emmanuel DemarcyMota, nous étions engagés à la Comédie de Reims.
« Ce que j’aime: travailler ensemble, chercher ensemble. Se retrouver. Retrouver nos habitudes communes,
les confronter aux changements. Aux nouveaux textes. Aux re-créations. S’adapter aux nouveaux venus,
à leurs habitudes, comme ils s’adaptent aux nôtres. Et, par exemple, l’arrivée de Hugues Quester à l’occasion de Six personnages en quête d’auteur a été vraiment importante, pour lui qui nous découvrait et abordait pour la première fois un rôle de père. Pour nous, avec qui il a partagé son expérience.
« Et puis il y a les écritures, aussi variées que celles de Fabrice Melquiot ou David Lescot ou encore de
Roger Vitrac, Ionesco, dont le vocabulaire, parfois, n’est plus tout à fait le nôtre… Sans parler de Balzac dont nous jouons Le Faiseur… Nous cherchons ensemble.
« Heureusement, Emmanuel fonctionne sur l’enthousiasme. Il ne laisse rien passer, nous écoute,
demande qu’on lui propose. Il sait comment nous emmener là où il veut. Avec lui, il n’y a pas de
grands ou de moins grands rôles, il sait nous réunir. »
C. G.
8 • LE ROI LEAR
Théâtre de la Ville PARIS
avril-juin 2014
SHAKESPEARE
SUR TOUS LES TONS
Sobriété « vilarienne » avec Christian Schiaretti, dans un Roi Lear joué par Serge Merlin ; vision plus déjantée
de La Nuit des rois, avec Bérangère Jannelle, qui inaugure la salle du Carreau du Temple.
Deux mises en scène fort différentes qui témoignent de l’inégalable force d’attrait du théâtre de Shakespeare,
miroir des fragilités identitaires face aux jeux et enjeux du pouvoir.
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I B
12 < 28 MAI
WILLIAM SHAKESPEARE
CHRISTIAN SCHIARETTI
Le Roi Lear
CRÉATION TNP
TEXTE FRANÇAIS Yves
Bonnefoy
Florent Siaud
SCÉNOGRAPHIE & ACCESSOIRES Fanny Gamet
D’APRÈS UNE IDÉE DE Christian Schiaretti
COSTUMES Thibaut Welchlin
LUMIÈRES Julia Grand
COIFFURES, MAQUILLAGES Romain Marietti
SON Laurent Dureux
ILLUSTRATIONS SONORES Thierry Seneau
CORNISTES Pandora Burrus, Pierre-Alain
Gauthier, Jean-Philippe Cochenet,
Alessandro Viotti
COLLABORATRICE ARTISTIQUE Michèle Merlin
ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE Yasmina Remil
ÉLÈVE-ASSISTANTE DE L’ENSATT Julie Guichard
STAGIAIRE À LA DRAMATURGIE Pauline Picot
AVEC Serge Merlin, Pauline Bayle,
Andrew Bennett, Magali Bonat,
Olivier Borle*, Paterne Boungou**,
Clément Carabédian*, Philippe Duclos,
Philippe Dusigne**, Christophe Maltot,
Mathieu Petit, Clara Simpson**,
Philippe Sire, Julien Tiphaine*,
Vincent Winterhalter, Marc Zinga,
Victor Bratovic, Romain Bressy,
Franck Fargier, Lucas Fernandez,
Florent Maréchal, Aurélien Métral,
Sven Narbonne, Joël Prudent,
Loïc Yavorsky
DRAMATURGIE
* COMÉDIENS DE LA TROUPE DU TNP
** COMÉDIENS DE LA MAISON DES COMÉDIENS
PRODUCTION
Théâtre National Populaire.
Théâtre de la Ville-Paris.
du Jeune Théâtre
COPRODUCTION
AVEC LA PARTICIPATION ARTISTIQUE
national.
DE HAUT EN BAS :
Le Roi Lear © MICHEL CAVALCA
Twelfth Night © STÉPHANE PAUVRET
TWELFTH NIGHT • 9
Serge Merlin, Le Roi Lear © MICHEL CAVALCA
avril-juin 2014
Lear : Serge Merlin, incandescent, douloureux et odieux, attendrissant et monstrueux, indéchiffrable et ouvert à tout ce qui
est amour… C’est pour lui, au centre d’une distribution nombreuse et homogène, que Christian Schiaretti a décidé de mettre
en scène cette tragédie shakespearienne.
Directeur du TNP, il s’attache à la noblesse du « théâtre populaire », tel que, à sa naissance il a été voulu. Un théâtre capable
de réunir, et puis d’ouvrir à chacun un espace de réflexion, de
plaisir. Une mise en scène délibérément « vilarienne » dans sa
sobriété et sa rigueur, avec la simplicité de ce mur courbe et
clair, qui parfois s’ouvre par segments sur le noir du néant, de
l’imprévisible. Il n’y a pas de palais d’où est chassé le Roi, il n’y
a pas de lande où il s’en va mourir. Juste ce mur qui encercle un
espace indéfini où tout peut arriver… Semblable, peut-être, à
celui dont disposait Shakespeare ? Les personnages y viennent
vivre. Non pas en veston-cravate ni en uniformes militaires. Ils
sont en « costumes d’époque ». Plus précisément – et en accord
avec la belle traduction poétique d’Yves Bonnefoy – en ces costumes de théâtre qui, justement, annulent les époques dans la
mesure où ils marquent moins un temps précis de l’Histoire
qu’une ambiance historique, et la place qu’y tiennent les personnages.
Personnages qui se retrouvent donc là, par groupes familiaux
autant que politiques.
Car Christian Schiaretti tient à ce que la tragédie du roi Lear ne
se borne pas à l’errance désespérée d’un vieillard aveugle, trahi
par ses filles, mené par son Fou. Comme il l’a fait avec Coriolan
– toujours de Shakespeare, créé en 2006, invité par le Festival
d’Automne à Paris en 2008 – il met en mouvement les mécanismes de la tragédie, les jeux et enjeux du pouvoir, leurs inéluctables effets sur les êtres humains, sur leurs comportements,
leurs sentiments, leurs relations.
Le pouvoir ! Lorsque Lear demande à ses filles d’exprimer clairement leur amour et leur respect, il s’agit pour lui de retrouver
une autorité, une influence que, plus ou moins consciemment,
il sait avoir déjà perdues, ce qu’il ne supporte pas. À la manière
dont les deux aînées se prêtent au jeu, sans trop faire semblant
d’y croire, à la manière dont Cordelia tente de le raisonner, on
peut supposer que ce n’est pas la première fois, et qu’elles en
ont assez.
Ce serait donc la fois de trop. Celle qui désorganise, déséquilibre
l’édifice politico-familial, et de ce fait, ouvre des perspectives,
des ambitions nouvelles, entraîne ces princes et rois, et puis
ceux qui en dépendent, sur des chemins inconnus, incontrôlés.
Des chemins sur lesquels beaucoup vont se perdre. Et pas seulement Lear, qui se retrouve tel qu’en lui-même, et n’est plus, ne
sera plus ni roi ni père. Sinon trop tard…
S’en rend-il compte, lorsque, dans son long manteau blanc, il
offre sa dérisoire couronne, guère plus impressionnante qu’un
jouet oublié ?
Dans cette tragédie dont sont absents les sentiments, où les
couples sont liés par les nécessités politiques, Lear est le seul à
chercher quelque chose d’autre, quelque chose de désintéressé.
L’affection, l’indispensable chaleur de l’amour. Alors Serge Merlin
est là, tel un enfant abandonné, tel un mourant en quête d’un
regard, et il emporte le spectacle, il emporte les spectateurs…
Qui d’autre que lui pouvait être ce Lear ? Il est unique.
C. G.
Twelfth Night © STÉPHANE PAUVRET
LE MOUVEMENT
DE LA TRAGÉDIE
LA LIBERTÉ DES MÉTAMORPHOSES
TWELFTH NIGHT, La Nuit des rois. Nuit de carnaval au lendemain de l’épiphanie, où tout peut arriver ;
d’ailleurs tout arrive. Pour commencer, un naufrage, qui laisse les survivants sur les bords d’un
pays, l’Illyrie, dont personne n’a entendu parler – et pour cause. S’ensuivent d’improbables
rencontres plus ou moins amoureuses, échanges d’identité, travestissements divers… Au titre,
Shakespeare ajoute « What you will », ce que vous voulez.
Séduite par cette liberté, Bérangère Jannelle se lance dans l’aventure, envisage d’abord d’en tirer
un film. Formée par le théâtre, elle ne s’y enferme pas, s’intéresse à la philosophie comme au
cinéma. Elle a d’ailleurs réalisé plusieurs courts-métrages et un documentaire à partir de la pièce
de Pasolini, Pylade. Ses références puisent essentiellement dans la nouvelle vague italienne :
« Antonioni pour sa langueur rêveuse, et puis bien entendu Fellini pour son goût du théâtre qui se
retrouve dans chacune de ses œuvres, pour ses musiques, sa mélancolie, sa sensualité. »
Pendant trois ans, elle travaille sur l’adaptation, avec André Markowicz. Après quoi, elle décide de
revenir à la source. Au théâtre, tout en conservant les codes cinématographiques : « montage,
enchaînement des séquences, rythme, jeu, gros plans… en l’occurrence sonores. Le spectacle ne comporte
en effet aucune vidéo ni projection d’aucune sorte. Et puis, étant donné le nombre de personnages,
lourd à assumer au théâtre, les rôles sont concentrés sur huit comédiens, avec le parti pris très fort de
pointer ce quelque chose de souterrain et de permanent avec Shakespeare : les fragilités identitaires.
Les personnages sont là, dans une position de post-naufrage, égarés, encore flottants. Une situation
qui permet de confronter les désirs égoïstes, les désirs d’aimer, de devenir autre, et même quelqu’un
d’autre.
En fait, cette pièce traite de la métamorphose, des mutations. Les naufragés se retrouvent en terre
inconnue, ouverte à tous les changements, et pour laquelle ils peuvent inventer une nouvelle façon de
vivre, une société toute neuve. Et se produit alors la confrontation entre les désirs et une nécessité politique, que chacun assume à sa manière. »
Hier et aujourd’hui se rejoignent, y compris là où à Paris est présentée cette Nuit des rois : jouxtant
la mairie du 3e arrondissement, le Carreau du Temple. Lieu historique, entièrement rénové à
l’identique, ossatures métalliques, immenses verrières filtrant le jour… Et dont Bérangère Jannelle
inaugure la salle de spectacles.
Et que la fête commence !
Elle commence dans une salle de pompes funèbres, reconstituée de façon assez réaliste. Manière
de poser directement le sujet. En effet, l’île est habitée par la jeune Olivia qui, depuis sept ans,
porte le deuil de son frère… D’autre part, Viola, persuadée que Sébastien, son frère jumeau, est
mort dans le naufrage, endosse son identité, de sorte qu’Olivia en devient amoureuse… Juste un
exemple des quiproquos et malentendus qui se bousculent tout au long de la pièce.
Et la fête continue ! Que Bérangère Jannelle promet bien déjantée, suffisamment alcoolisée. Et
l’on quitte les pompes funèbres pour un établissement façon boîte de nuit irréaliste, tout en
rideaux noirs, éclairages trompeurs, chansons, tubes de toujours, musiques diverses, de celles qui
font danser, de celles qui emmènent ailleurs. Ainsi, les musiques baroques, portées par la voix de
Thomas Gonzalez. Haute-contre et danseur, il nous fait voyager dans le temps et le rêve, jusque
dans les rideaux blancs d’un univers sans âge, le théâtre.
C. G.
→ LE CARREAU DU TEMPLE I A
12 < 28 MAI
WILLIAM SHAKESPEARE
I BÉRANGÈRE JANNELLE
CIE LA RICOTTA
TWELFTH NIGHT,
La Nuit des rois,
ou ce que vous
voulez
Bérangère Jannelle
André Markowicz
ADAPTATION André Markowicz
& Bérangère Jannelle
MISE EN SCÈNE
NOUVELLE TRADUCTION
ASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE
Michaël Martin-Badier
SCÉNOGRAPHIE, PHOTOGRAPHIES
Stéphane Pauvret
SON Jean-Damien Ratel
LUMIÈRES Sébastien Michaud
COSTUMES Laurence Chalou
ASSISTÉE DE Lea Rutkowski
RÉALISATION DE PIÈCES DE COSTUMES
Ouria Dahmani
COLLABORATION ARTISTIQUE
COIFFURES
Sylvain Prunenec
& PERRUQUES Guilaine Tortereau
Nathalie Regior
MAQUILLAGE Christophe Oliveira
AVEC Cyril Anrep, Caroline Breton, Émilie
Incerti Formentini, Thomas Gonzalez,
Clémentine Lebocey, David Migeot,
Rodolphe Poulain, Douglas Rand
ASSISTÉE DE
La Magnanerie, Julie
Comte et Victor Leclère. PRODUCTION La Ricotta
(accompagnement La Magnanerie).
COPRODUCTION Le théâtre-scène nationale de
Saint-Nazaire – L’Espace Malraux, scène nationale
de Chambéry et de Savoie – Equinoxe-scène
nationale de Châteauroux – La Comédie de
Saint-Etienne- Centre dramatique national –
MC2 : Grenoble – Théâtre de la Ville-Paris.
AVEC LE SOUTIEN DE la Ferme du Buisson, scène
nationale de Marne-la-Vallée, du Parvis, scène
nationale de Tarbes, du DIESE # Rhône-Alpes
et de la Spédidam. AVEC LE PARTENARIAT D’On Hair
International, de Make Up for Ever et Bioderma.
La Ricotta est une compagnie associée au
Théâtre-scène nationale de Saint-Nazaire
et compagnie en résidence à Equinoxe, scène
nationale de Châteauroux. La compagnie est
conventionnée par le ministère de la Culture et
de la Communication – DRAC et par le conseil
régional du Centre. Bérangère Jannelle est
artiste associée au Centre dramatique national
de Haute-Normandie, elle est artiste accompagnée par Le Carreau du Temple, établissement
culturel de la ville de Paris.
PRODUCTION ET DIFFUSION
10 • DAVID LESCOT I ARTISTE ASSOCIÉ
Théâtre de la Ville PARIS
avril-juin 2014
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I A
14 < 28 MAI
DAVID LESCOT
CIE DU KAÏROS
Nos
occupations
CRÉATION
TEXTE
& MISE EN SCÈNE David Lescot
Damien Lehman
Alwyne de Dardel
LUMIÈRES Laïs Foulc
COSTUMES Sylvette Dequest
COMPOSITION MUSICALE
SCÉNOGRAPHIE
ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE
Charlotte Lagrange
ÉCRITURE CHORÉGRAPHIQUE
Roser Montlló Guberna
AVEC Scali Delpeyrat, Sara Llorca,
Damien Lehman, Céline MilliatBaumgartner, Grégoire Oestermann,
Norah Krief, Jean-Christophe Quenon
Nos occupations © PATRICK BERGER
COPRODUCTION Compagnie du Kaïros, Théâtre
de la Ville-Paris – la Filature, scène nationale
de Mulhouse. La Compagnie du Kaïros est
subventionnée par le ministère de la Culture –
DRAC Île-de-France. David Lescot est artiste
associé à la Filature-scène nationale de
Mulhouse.
Nos Occupations est publié aux Éditions Actes
sud-Papiers AVEC L’AIDE DE la SPEDIDAM.
La SPEDIDAM est une société de perception
et de distribution qui gère les droits des artistes
interprètes en matière d’enregistrement,
de diffusion et de réutilisation des prestations
enregistrées.
L’ART DU RÉCIT
→ PALAIS DE TOKYO
LES 18 & 25 JUIN 19 H 30
PALAIS DÉCALÉS/VISITES ALTERNATIVES I
TARIF 2 € EN PLUS DU BILLET D’ENTRÉE
NOYAU CLANDESTIN
Comment « se cacher en pleine lumière » ? Avec Nos occupations, dans un antre encombré
de pianos, David Lescot joue la partition d’un groupe clandestin, entre langage crypté
et stratagèmes pour rester invisible et imprenable.
Nos occupations, nom commun accolé à un pronom possessif pluriel, résume ce
qui se trame dans la pièce de David Lescot : la vie et la mort d’un groupe, en deux
temps : celui de l’action clandestine et celui de « l’après », quand la dissolution
de l’être ensemble s’unit à la difficulté de donner un sens à sa propre vie. Nul réalisme ou idéologie ne président à l’écriture : on ne saura jamais ce que font exactement les personnages de ce réseau clandestin, à quelle époque ils évoluent,
pas plus qu’on n’apprendra le succès ou l’échec de leurs activités. Mais on plonge
directement dans un univers où la nécessité de rester invisible, imprenable,
oblige à communiquer à l’aide de codes, de cryptages, comme autant de masques
destinés à se protéger.
Une thématique de la résistance qui colle à la peau du théâtre de David Lescot :
« Je pense que ça me travaille depuis toujours et que ça fait même partie de ma
venue au théâtre. J’ai commencé l’écriture de ce texte il y a plusieurs années et n’ai
cessé de le retravailler, ce que je ne fais pas d’habitude. Quand j’ose écrire quelque
chose, réunir des gens pour faire du théâtre, le premier mouvement est peut-être
celui-là : projeter l’univers clandestin sur la scène du théâtre. »
Sept personnages constituent ce réseau. L’un d’eux sera liquidé et il n’est pas
innocent que son nom de code soit celui d’un Juif, un personnage inspiré par le
film Monsieur Klein, « où quelqu’un devient juif parce qu’il y a une ambiguïté sur
son nom ». Il y a aussi la femme recrutée parce qu’elle découvre l’existence du
réseau et que la meilleure manière de l’empêcher de la révéler consiste alors à lui
faire croire qu’elle aussi en fait partie. « […] Cette pièce raconte comment se cacher
en pleine lumière. Il y a une histoire du metteur en scène Tadeusz Kantor que j’adore.
Pour ses tournées, on lui avait collé un commissaire politique qui devait vérifier ce
qu’il faisait et il lui a donné un rôle dans le spectacle pour être peinard. Là, c’est
pareil : au lieu de se cacher, on ramène le témoin gênant à l’intérieur. »
Très documentée, la pièce emprunte à l’univers du cryptage son langage codé,
ses techniques artisanales qui, pour un néophyte, se muent en poésie concrète,
objectiviste, sur l’art de décacheter et recacheter une enveloppe, ou de mémoriser
un message délivré en série de 28 groupes de cinq lettres.
Les dialogues sont accompagnés au piano par le compositeur Damien Lehman,
la musique assumant le rôle de l’action et rappelant celui que, dans la Résistance, l’on appelait « le pianiste » et qui était chargé de crypter les messages.
D’où ce décor composé de pianos – en état de marche ou explosés après le passage
d’une bombe – dans lequel se déroule le spectacle. C’est encore le pianiste qui
soutient le chant final de Merle, au refrain évocateur d’une histoire bien réelle :
« J’étais, je suis, je serai. » Ce sont à la fois les mots écrits par Rosa Luxemburg
dans ses dernières lettres en prison, et ceux que trois Juifs baltes avaient choisis
comme texte de leur pièce de théâtre, jouée en secret dans un camp de concentration où était prisonnier Armand Gatti et qui marqua sa première rencontre
avec le théâtre, au cœur de la clandestinité. Une partition à la ligne claire pour
dire la conscience mélancolique suscitée par ce constat : « Un groupe a une durée
de vie limitée, moins longue que celle des gens parce que c’est l’action qui le constitue.
Dans une vie, on aura appartenu à un certain nombre de groupes, un réseau de
résistance, une pièce de théâtre, et on aura déploré leur dissolution. »
DURÉE 1 H 30
David Lescot sera l’invité du Palais
de Tokyo, dans le cadre des
visites guidées « Palais décalés »,
à partir de l’exposition « L’état
du ciel », les 18 et 25 juin 2014.
Les visiteurs sont entraînés vers
une approche quelque peu
inattendue, et parfois théâtralisée.
Ces visites, en présence parfois
d’un invité, permettent de faire
découvrir les expositions de
manière alternative et sur un ton
différent.
David Lescot, en compagnie
d’un médiateur culturel, usera
des mots et du regard scéniques
pour décrypter ou brouiller
les différentes mises en scène
que peuvent nous donner à voir
les œuvres de cette saison.
Fabienne Arvers
ATELIERS D’ÉCRITURE
→ THÉÂTRE DE LA VILLE
LES 17 & 24 MAI DE 10 H À 13 H
David Lescot, en tant qu’auteur associé au Théâtre de la Ville, animera des ateliers d’écriture composés de spectateurs relais.
Rendez-vous sur notre page facebook pour gagner la possibilité de participer à un de ces ateliers.
YOANN BOURGEOIS • 11
avril-juin 2014
L’EXACTITUDE
L’INSTANT
DE
Acrobate-magicien, trampoliniste-danseur,
Yoann Bourgeois conçoit une série de performances
spécialement imaginées pour le Théâtre des Abbesses.
ENTRETIEN
Votre spectacle MINUIT est composé de différents morceaux courts issus de la genèse d’autres
pièces, comme par exemple L’Art de la fugue, pièce créée en 2011. Pour quelles raisons
avez-vous décidé d’en faire une production à part entière ?
YOANN BOURGEOIS : Lorsque je crée un spectacle, je conçois préalablement de nombreuses pièces
courtes comme autant d’esquisses, d’études avant de finaliser la pièce. Mon quotidien est ce processus ininterrompu de création qui fait émerger des formes en tout genre dont j’ai le le sentiment
que certaines parfois tiennent debout toutes seules. Dans le cas par exemple de L’Art de la fugue,
cinq Fugues l’ont précédé. De la même façon, ma prochaine production, dont la création est prévue
pour la Biennale de la danse à Lyon, a engendré une quinzaine de petits formats pas loin du
numéro. Depuis quatre ans, j’ai réalisé que ces petites formes autonomes composaient, dans mon
travail, et plus généralement dans le cirque, une constellation qui gravitait autour d’une notion
centrale : le point de suspension. J’ai sélectionné trois Fugues, de cinq à dix minutes chacune, et
quatre Paroles impossibles, c’est le titre que j’ai donné à ces travaux d’une durée variant entre
quelques secondes et quatre minutes. J’ai décidé alors de donner à voir cette constellation, sous
la forme d’un programme toujours en devenir que j’ai nommé : Tentatives d’approches d’un
point de suspension.
Quelle serait la définition de « point de suspension » dans les techniques du cirque ?
Y. B. : J’ai entendu parler pour la première fois de cette notion en apprenant le jonglage à l’âge de
15 ans. Dans cette pratique, elle désigne le moment précis – l’instant – où l’objet lancé dans les
airs atteint le plus haut point de la parabole, juste avant la chute. Cette notion se retrouve dans
toutes les disciplines du cirque. Par exemple, au trapèze, c’est le moment où il n’y a plus de poids
– pour le dire simplement – et où les artistes vont déclencher leurs figures dans l’espace.
Lorsqu’un trapèze se balance d’un côté et de l’autre, il atteint un instant où les forces s’équilibrent
parfaitement qui est ce fameux point de suspension. De la même façon, pour le trampoline, il y a
ce moment de suspension. Pour MINUIT, je vais tenter de rendre perceptible ce point-là en l’amplifiant par la création de dispositifs physiques.
Quelles notions ce point met-il en jeu ?
Y. B. : Ce point est à la croisée de deux champs lexicaux cruciaux pour moi : celui de la physique
mécanique et celui du temps. Ce carrefour dirait l’instant exact, une sorte de présent absolu. Je
crois qu’il y a là un dynamisme fondamental pour l’art vivant. L’enjeu de la relation entre la gravité et le temps qui passe me semble majeur. Il s’agit d’une expérience que chacun vit, celle de
son corps qui pèse et des années qui passent inexorablement. Parfois, pourtant, un point de suspension vient ouvrir un espace d’éternité. C’est à travers le jeu des forces entre elles que je tente
de faire surgir une théâtralité singulière, matérielle. Le plateau ressemblera à un chantier couvert
d’objets hétéroclites.
Vous avez choisi de vous entourer de quatre autres artistes. Autour de quel motif commun
allez-vous vous croiser ?
Y. B. : Tous sont des complices de longue date, des amis. Marie Fonte, d’abord, avec qui je collabore
depuis mes débuts sur l’ensemble de mes projets. Les acrobates et metteurs en scène Mathurin
Bolze et Jorg Müller, ainsi que la harpiste Laure Brisa, qui sample en direct les sons de sa harpe. On
retrouve ce rapport de matérialité et de construction qui est au cœur de MINUIT. Je veux mettre
en relation un homme et une force, et faire ainsi apparaître une situation ouverte, une fiction
polysémique. Une manière, à travers le cirque, de me rapprocher du théâtre en prenant paradoxalement mes distances avec lui. Je parle d’un certain théâtre qui pose l’homme au centre de la
scène et du monde, tandis que notre cirque tente de traduire une autre vision, celle d’un homme
qui coexiste à côté des animaux, des objets, des machines… Ici, il ne domine pas : il est traversé.
Propos recueillis par Jeanne Liger
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I A
16 < 24 AVRIL
YOANN BOURGEOIS
CIE YOANN BOURGEOIS
MINUIT
Tentatives d’approches
d’un point de suspension
Yoann Bourgeois, Marie Fonte, Jörg Müller,
Mathurin Bolze, Laure Brisa CRÉATION SON Antoine Garry
© MAGALI BAZI
INTERPRÉTATION
Entre 20 H et 20 H 30 dans la cour du Théâtre des Abbesses,
en forme de prologue, présentation de Autoportrait
avec Jörg Müller et La Balance de Lévité avec Marie Fonte.
12 • PARCOURS {ENFANCE & JEUNESSE}
Théâtre de la Ville PARIS
Le Coq d’or © JEAN-FRANÇOIS SANTONI
avril-juin 2014
Entre avril et juin, la 3e édition du Parcours { enfance & jeunesse } continue de vous
proposer de grands spectacles à voir dès le plus jeune âge : une féerie musicale
et visuelle aux Abbesses, une performance burlesque et colorée à la Cité
internationale, tandis qu’au Monfort, le conte imaginé par Joël Jouanneau
devient un somptueux Théâtre d’ombres.
PARFUMS DE RUSSIE
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I C
Après Trois contes, œuvre qui réunissait Maurice Ravel et Charles Perrault, les Percussions Claviers de Lyon
proposent leur nouvelle création destinée aux jeunes oreilles, en s’associant au metteur en scène
Jean Lacornerie et à l’illustrateur Étienne Guiol.
3 < 5 JUIN
Sur une trame musicale cousue d’extraits du répertoire de Nikolaï Rimsky-Korsakov, les Percussions Claviers de Lyon revisitent Le Coq
d’or, un étrange conte écrit par l’un des plus célèbres écrivains russes, Alexandre Pouchkine. Un roi guerrier, un mage, un animal
merveilleux et une charmante princesse sont les principaux personnages de cette histoire en forme d’énigme. Pour la raconter, un
spectacle total qui mêle textes, images et percussions. Les illustrations ciselées d’Étienne Guiol sont projetées partout sur la scène.
Elles invitent le spectateur à plonger dans une cathédrale de mots et de sons portée par cinq instrumentistes virtuoses devenus
aussi conteurs pour célébrer une Russie fantastique embaumant le parfum de l’encens oriental.
Le Coq d’or
Un spectacle musical d’abord destiné aux jeunes spectateurs mais qui, par sa poésie et son raffinement, est susceptible de toucher
un bien plus large public.
Une réalisation technique d’une virtuosité assez bluffante.
Une heure de féerie !
Alain Cochard, concert classique.com
TOUT PUBLIC I À PARTIR DE 7 ANS
LES PERCUSSIONS CLAVIERS DE LYON
ALEXANDRE POUCHKINE I
NIKOLAÏ RIMSKY-KORSAKOV
Alexandre Pouchkine
Nikolaï Rimsky-Korsakov
Gérard Lecointe
MISE EN ESPACE, ADAPTATION Jean Lacornerie
IMAGE Étienne Guiol
SCÉNOGRAPHIE Bruno de Lavenère
CRÉATION LUMIÈRES Christophe Braconnier
RÉGIE GÉNÉRALE, RÉGIE VIDÉO Arnaud Perrat & Emmanuel Sauldubois
AVEC LES PERCUSSIONS CLAVIERS DE LYON, Raphaël Aggery, Sylvie Aubelle, Jérémy Daillet,
Gilles Dumoulin, Gérard Lecointe
TEXTE
MUSIQUE
DIRECTION MUSICALE, TRANSCRIPTION
PRODUCTION
ADIPAC / Percussions Claviers de Lyon. COPRODUCTION Théâtre de la Croix-Rousse.
PARCOURS {ENFANCE & JEUNESSE}
THÉÂTRES PARTENAIRES • 13
Tête haute © CAROLINE BIGRET
Mystery Magnet © REINOUT HIEL
avril-juin 2014
FÉERIE GROTESQUE
CONTE INITIATIQUE
D’improbables créatures, comme sorties d’un méchant dessin animé, font
de Mystery Magnet un drôle de carnaval. Venue des arts visuels, Miet Warlop
a le sens d’un burlesque foutraque.
L’enfance est au cœur de l’écriture de Joël Jouanneau, passé maître dans l’art
du récit. Dans Tête haute, entre émerveillements et fantasmagories, Cyril Teste
et le collectif MxM créent un paysage virtuel où une fillette doit affronter la peur
pour se mesurer à l’expérience de la vie.
Savoir faire parler les images : possible définition d’un théâtre visuel ? Mission accomplie, en tout
cas avec Mystery Magnet, de Miet Warlop. Avant tout plasticienne et scénographe, cette jeune
artiste flamande s’est d’abord formée à l’Académie royale des Beaux-Arts de Gand, où elle a étudié
l’art tridimensionnel et obtenu, voici dix ans, son Master en arts visuels. En Belgique, il semble qu’il
soit plus aisé qu’ailleurs d’enfreindre les disciplines artistiques. C’est notamment le cas à Gand,
qui n’est pas seulement le royaume d’Alain Platel et des Ballets C. de la B. (avec lesquels Miet
Warlop a naturellement travaillé), mais aussi la ville où une épatante officine artistique, Campo
(ex-Victoria), n’a pas son pareil pour dénicher de jeunes talents, et les accompagner dans les plus
inclassables des aventures. En 2006 et 2007, après avoir été repérée dès son spectacle de fin
d’étude, c’est au sein de Campo que Miet Warlop a eu l’opportunité de développer un projet personnel, décliné en plusieurs « propositions », dont nous retiendrons ce titre programmatique :
Play the Life.
Au strict sens du terme, il n’y a pas d’histoire dans Mystery Magnet. Plutôt des tableaux vivants,
entre actionnisme performatif et illusionnisme burlesque, où s’affairent des êtres bizarres qu’on
pourrait croire sortis d’un dessin animé : femmes sans tête, pantalons de géants, créatures mihommes, mi-objets, sculptures animées, fantasmagoriques. « Je fais collection d’images, confie
Miet Warlop. Je trouve que l’art visuel est parfois trop statique. La scène me donne l’occasion de mettre
mes images face à face et d’observer comment elles interagissent. » Il y a dans Mystery Magnet une
réjouissante débauche de couleurs (avec un mur magnétique blanc qui devient support d’action
painting) et de cocasse fantaisie, laquelle n’est pas exempte de « douce horreur »: « Quelqu’un doit
vomir seize fois, quatre personnages urinent contre le mur, j’en éventre un autre, et ainsi de suite.
Chaque objet ou personnage est en mesure de laisser sa marque, le plus souvent un liquide. À la fin, ce
qui nous reste, c’est un canevas, une sorte de dessin des actions de chacun. »
Nulle cruauté excessive, pourtant, dans le stupéfiant défilé de ce monde où tout cloche : dans ce
que Miet Warlop nomme une « boucherie de tendresse », on se prend de sympathie pour ces
étranges personnages empêtrés, qui sont impayables dans leur obstination à se fourrer dans
d’inextricables situations, mais qui restent profondément naïfs et enthousiastes, comme épargnés
par tout frein de culpabilité ou d’inconvenance. En riant d’eux et de leurs actions foutraques,
c’est de nos propres maladresses que l’on s’amuse. Mystery Magnet agit alors comme un épatant
miroir de nos petites vanités d’êtres fragiles et enfantins. Au fil d’une dramaturgie onirique, cette
féerie grotesque ne craint pas de s’affirmer comme telle et, malgré ses allures d’ovni théâtral,
Mystery Magnet dégage un surprenant pouvoir d’attraction. Le désir de métamorphose qui hante
le cortège hallucinant de ce carnaval bancal a, sans doute, quelque chose de secrètement cathartique. Car plus la pièce tire à hue et à dia, à la lisière de situations inconfortables, plus elle affirme
son charme jubilatoire, libre et fatal.
Jean-Marc Adolphe
« Dans les couloirs du temps du Monde d’Avant, il était une dernière fois un roi et sa reine et ils attendent le prince qui sera leur enfant. (…) Ni le roi ni la reine ne voulant de cette enfant, dans la nuit de
colère noire qui suivit, neuf cavaliers masqués enlevèrent la princesse pour l’abandonner dans la lande
sauvage. » La fillette grandit ainsi avec, pour compagnon de fortune, Babel, le vieux dictionnaire.
Elle croisa le mot « peur » et l’affronta tête haute ; elle rencontra un roi de fer déchu, vieil acariâtre
au cœur perdu, qu’elle tira de sa nuit.
Avec Tête haute, Joël Jouanneau trame un conte initiatique qui délie en douce les maux d’enfance
serrés au creux du temps. « Dans la chambre de l’enfant, le jeu vidéo et le jouet électronique ont
aujourd’hui pris la place de la toupie et du cheval à bascule, c’est un constat. Je n’en éprouve pas de
nostalgie, je n’ai pas eu de cheval à bascule. J’avais mieux : le vrai poulain dans le pré. Et surtout, plus
encore que tout, cette chance que furent ces heures de vide et d’ennui dans la nature, et qui conduisent
à des jeux qu’on s’invente », raconte-t-il. Car Joël Jouanneau n’écrit pas pour, mais depuis l’enfance. « Il invente ici un conte contemporain sur la conquête de soi et fait confiance aux enfants pour
recevoir la gourmandise du langage. Son écriture se déploie en une végétation généreuse et dense »,
note Cyril Teste, metteur en scène et cofondateur du Collectif MxM, qui rassemble des artistes du
plateau et des images.
« Depuis plusieurs créations maintenant, nous explorons le thème de l’enfance. Où se situe la nôtre ?
A-t-elle disparu avec les années ? J’ai créé des laboratoires de recherche et des ateliers d’écriture avec
des enfants, j’en ai amenés sur le plateau pour qu’ils me guident vers des endroits que j’avais peut-être
perdus. J’avais besoin d’écrire un spectacle non seulement sur eux mais pour eux. S’adresser à eux et
les faire rêver, c’est une façon de garder le lien avec notre enfance. »
Maniant l’image vidéo comme un langage scénique, Cyril Teste fusionne le corps et l’image en un
théâtre d’ombres qui encre, en noir et blanc, découvertes, émerveillements et autres fantasmagories. « La génération née à l’ère numérique évolue naturellement dans les jeux vidéo, la 3D… En utilisant ces techniques, je voulais montrer qu’elles peuvent porter un univers poétique », explique-t-il.
En scène, les comédiens tantôt se fondent dans les paysages numériques tantôt jouent par
caméra interposée. Ce monde aux lisières du virtuel ouvre grand l’imagination et donne vie au
parcours poignant de la jeune princesse, qui traverse le rêve pour affronter l’expérience de la vie.
Gwénola David
Tête haute de Joël Jouanneau, ill. Valérie Gutton, Actes Sud Papiers, coll. Heyoka Jeunesse, 2013.
→ LE MONFORT I C
13 < 25 MAI
TOUT PUBLIC I À PARTIR DE 6 ANS
→ THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE I C
3 < 15 AVRIL
TOUT PUBLIC I À PARTIR DE 10 ANS
MIET WARLOP
Mystery Magnet
Miet Warlop
Sophie Durnez, Ian Gyselinck, Namik Mackic (DRAMATURGIE)
MUSIQUE, SON Stefaan Van Leuven, Stephen Dewaele
COLLABORATION ARTISTIQUE Nicolas Provost
ASSISTANT À LA DRAMATURGIE Namik Mackic
AVEC Christian Bakalov, Kristof Coenen, Sophie Durnez, Ian Gyselinck,
Wietse Tanghe, Laura Vanborm, Miet Warlop
CONCEPTION, DIRECTION ET SCÉNOGRAPHIE
ASSISTANTS À LA SCÉNOGRAPHIE
PRODUCTION Kunstencentrum Campo. COPRODUCTION Göteborgs Dans & Teater Festival,
KunstenFestivaldesArts.
JOËL JOUANNEAU I CYRIL TESTE
Tête haute
Joël Jouanneau MISE EN SCÈNE Cyril Teste COLLABORATION DRAMATURGIQUE Philippe Guyard
Émilie Mousset & Sandy Boizard SCÉNOGRAPHIE MxM
LUMIÈRES Julien Boizard MUSIQUE ORIGINALE Nihil Bordures VIDÉO Patrick Laffont,
Mehdi Toutain-Lopez, Nicolas Doremus COSTUMES Marion Montel & Lise Pereira
VOIX DE PLUME Mireille Mossé
AVEC Murielle Martinelli/Valentine Alaqui (EN ALTERNANCE), Gérald Weingand
TEXTE
ASSISTANTES À LA MISE EN SCÈNE
Collectif MxM et TGP-CDN de Saint-Denis. COPRODUCTION Scène nationale de Cavaillon –
La Filature, scène nationale de Mulhouse – Nouveau Théâtre de Montreuil-Centre dramatique national
– Le Canal-Théâtre intercommunal du Pays de Redon. AVEC LA PARTICIPATION du DICRéAM et l’aide
à la production et à la diffusion du Fonds SACD Théâtre.
Le Collectif MxM est artiste associé au TGP-CDN de Saint-Denis et au Canal, Théâtre intercommunal
du Pays de Redon, et soutenu par la direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France –
ministère de la Culture et de la Communication et le conseil régional d’Île-de-France.
Le Collectif MxM est artiste associé au CENTQUATRE-Paris et à la Scène nationale de Cavaillon.
www.collectifmxm.com
PRODUCTION
14 • DANSE
Théâtre de la Ville PARIS
avril-juin 2014
RITUELS
COLLECTIFS
« Je conviens de nommer “Divers” tout ce qui jusqu’aujourd’hui fut appelé étranger, insolite, inattendu, surprenant,
mystérieux, amoureux, surhumain, héroïque et divin même, tout ce qui est Autre ; – c’est-à-dire, dans chacun de ces
mots de mettre en valeur dominatrice la part du Divers essentiel que chacun de ces termes recèle. » Dans son Essai
sur l’exotisme, l’écrivain-voyageur Victor Segalen (1878-1919) fait l’éloge de l’altérité dans la multitude : ce qu’il nomme
le « Divers ». La danse contemporaine est bien souvent au diapason de cette quête voyageuse dont elle irrigue son
cours. Avec Palermo Palermo, en 1989, Pina Bausch s’éloignait de son fief de Wuppertal pour aller capter des énergies
et des saveurs dont la Méditerranée est le creuset. Ce fut le début d’un long périple à travers pays, continents et cultures.
Le Divers se présente parfois sans crier gare. En Turquie, à la fin d’un spectacle, Christian Rizzo assiste à la brève irruption
d’une danse traditionnelle, martelée par un groupe masculin. Une vive émotion le saisit, alors même que le « folklore »
semble étranger à la danse contemporaine. Bravant cette coupure, Rizzo s’est mis à explorer, en créant d’après une
histoire vraie, le mystère de l’attrait qu’il a ressenti des années plus tôt. Des histoires vraies, le Congolais Faustin Linyekula
en est encombré : celles de son pays conjuguent guerre et misère. Avec Drums and Digging, il construit un fragile abri
pour préserver la part de rêve que s’accorde malgré tout un peuple, à travers récits, danses et chants.
Cette « invitation à rester éveillés », le Portugais Paulo Ribeiro est allé la chercher du côté de Jim Morrison. Dans JIM,
la fougue du chanteur des Doors fédère les énergies, le sens du collectif venant ici faire digue contre les vagues du
renoncement. Dans The CRIMSON HOUSE, Lemi Ponifasio part d’un conte fondateur de la culture samoane, et en appelle
à une « conscience cosmique » pour retrouver le sentiment d’appartenance à un monde commun, à rebours d’une
société de contrôle qui étend son pouvoir de surveillance sur les individus. Devons-nous nous assujettir à la domination
des images et autres « visuels » que cette société produit à satiété ? Avec la présence sur scène d’un photographe,
Wim Vandekeybus cherche, dans booty Looting, à prendre l’image de vitesse, et à témoigner du débordement de sens
dont la danse est le sujet. Entre mémoire vive et fraîcheur du présent, il s’agit au fond de prendre la mesure du temps,
qui donne consistance à l’expérience sensible. Laissant infuser la musique spectrale de Gérard Grisey dans Vortex
Temporum, Anne Teresa De Keersmaeker donne ainsi corps aux « contractions et dilatations de l’expérience du temps ».
Tous ces spectacles peuvent être perçus comme autant de rituels collectifs, qui sauraient éveiller ce que la chorégraphe
de Rosas appelle « l’imaginaire kinesthésique du public ». Sur scène, en « danse élargie », autant de corps conducteurs
qui mettent en mouvement la force des énergies plurielles, aimantées par la multitude du Divers, et dont on se plaît
à penser qu’elles pourraient renverser bien des murs que nous érigeons dans nos têtes, à l’instar de celui qui s’écroule
au début de Palermo Palermo.
J.-M. A.
LEMI PONIFASIO • 15
avril-juin 2014
MAELSTRÖM
CONTEMPLATIF
Le Samoan Lemi Ponifasio, aujourd’hui installé
en Nouvelle-Zélande, questionne d’un spectacle
à l’autre les effets pervers de la modernité.
L’omniprésence d’une société de contrôle
est au cœur de sa nouvelle création.
On sait tout ce que la danse contemporaine doit à des plasticiens
d’origine : qu’il suffise de mentionner ici Robert Wilson, Jan
Fabre, ou encore Tadeusz Kantor. Avec Lemi Ponifasio, c’est un
tout autre background qui fonde l’origine : il a en effet suivi une
formation en philosophie et en science politique, avant de créer
en 1995 un collectif d’artistes baptisé MAU, ce qui signifie « ma
destinée », mais reprend aussi le nom d’un ancien mouvement
indépendantiste samoan. Car telle est la culture dont est issu
Lemi Ponifasio. Né dans un village au bord de l’océan Pacifique,
sur l’une des deux îles principales des Samoa occidentales (indépendantes depuis 1962), il s’est exilé à Auckland, en NouvelleZélande, où il vit et travaille aujourd’hui, sans rien renier de ses
sources. Fin connaisseur de la culture polynésienne, il envisage
aujourd’hui, nous dit-il, la création d’une université à Samoa.
Dans Tempest : without a body, le spectacle qui l’a fait connaître
au Théâtre de la Ville, en janvier 2010, la présence sur scène d’un
chef maori (un temps suspecté de terrorisme, puis relâché par
la police néo-zélandaise, faute de preuves) fut particulièrement
remarquée. Que l’on n’imagine pourtant pas Lemi Ponifasio en
prosélyte d’une cause. « Le théâtre est lié à la poésie et n’a rien de
précis à exprimer » ; nous avons au contraire « besoin de silence
pour nous extraire de la confusion que crée la propagande de l’information. Cela fait beaucoup trop de bruit, et on s’y accoutume
comme s’il s’agissait d’une drogue. Nous devons être capables de
porter attention au présent. Je veux projeter le spectateur dans son
propre silence, dans le sens même qu’il donne à son existence… Qu’il
contemple la place qu’il a dans l’univers. » Cela n’est pourtant
pas synonyme de désengagement. Face au système politique,
qu’il qualifie sans fard de « système de gangsters », Lemi Ponifasio en appelle à la faculté individuelle et collective d’assumer
la responsabilité de nos actes. Si ce monde est en crise, il nous
faut « changer de culture. Les artistes sont comme des philosophes
qui doivent aider à cette transformation, nous ne sommes pas les
pourvoyeurs d’un marché du divertissement ! Si une pièce ne fait
pas évoluer votre regard sur le monde, ce n’est pas de l’art. »
Pour Birds with Skymirrors, présenté au Théâtre de la Ville en
novembre 2011, Lemi Ponifasio était parti de l’image, pour le
moins insolite dans le contexte d’une île du Pacifique, d’oiseaux
transportant dans leur bec des bandes magnétiques pour bâtir
leur nid. De cette vision, Lemi Ponifasio avait fait un prégnant
tableau mouvant, en un rituel de corps-sémaphores, qui invitait
à questionner nos rapports à la nature face à la dégradation croissante de notre planète. Chacun de ses spectacles nous plonge
ainsi dans un univers où se croisent les humains, les oiseaux,
les dieux, le chant, des figures animales et la présence des ancêtres, le tout fondu dans le creuset d’une esthétique contemporaine, qu’on pourrait curieusement qualifier de « maelström
contemplatif ».
The CRIMSON HOUSE, sa nouvelle création, part d’un conte fondateur de la civilisation samoane, et se questionne : comment
l’humanité s’est-elle laissé déposséder du savoir que lui a confié
un Dieu géniteur, pour s’en remettre aux dispositifs technologiques d’une société de contrôle qui semble garder en permanence un œil suspicieux sur le moindre de nos faits et gestes ?
Pour reprendre en mains le cours de notre destinée, Lemi Ponifasio n’hésite pas à parler de la nécessité d’une « conscience
cosmique ».
J.-M. A.
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I B
The CRIMSON HOUSE © MAU
1er < 6 AVRIL
LEMI PONIFASIO
MAU
The CRIMSON HOUSE CRÉATION 2014
& DIRECTION Lemi Ponifasio LUMIÈRES Helen Todd
Ioane Papalii, Charles Koroneho, Nina Arsenault, Teataki Tamango,
Bainrebu Tonganibeia, Arikitau Tentau, Kelemete Fu’a, Maereke Teteka
CONCEPT, DÉCOR, CHORÉGRAPHIE
AVEC
MAU. COPRODUCTION New Zealand Festival – Théâtre de la Ville-Paris – Festspielhaus St Polten
– Théâtres de la Ville de Luxembourg – Holland Festival – Onassis Cultural Centre Athens – Melbourne
Arts Festival.
PRODUCTION
16 • CHRISTIAN RIZZO
Théâtre de la Ville PARIS
d’après une histoire vraie © MARC DOMAGE
avril-juin 2014
CONSTELLATION TRIBALE
Ravivant « l’émotion archaïque » que lui a laissée la vision fugace d’une danse folklorique, Christian Rizzo puise
dans les motifs de danses traditionnelles méditerranéennes, matière à l’élan collectif des corps.
Le temps silencieusement perle en une brume incertaine.
Quelque chose attend, qui gît là, en suspens, au revers du réel.
Comme une vibration qui sourd de la blancheur étale, hésitante
et tranquille. Un homme, puis deux, puis trois… enfin huit se
groupent au sol puis se séparent et entonnent une marche polyphonique. Ils martèlent ensemble leurs pas, sautent et voltent
au son de deux batteries, scandent leurs gestes en variations
minimalistes. Se croisent, s’effleurent ou s’échauffent. Ils tressent
ensemble leur solitude et, peu à peu, trouvent l’harmonie dans
le jaillissement du mouvement. La barbe en broussaille et la tête
échevelée, ils exaltent d’abord une masculinité brute que vient
adoucir cette fraternité scellée par l’élan collectif des corps,
jusqu’à la délicatesse. La communauté lentement se constitue
par ce rituel, archaïque et pourtant pleinement inscrit dans notre
époque.
Créateur singulier, passé par le rock, le stylisme et les arts plastiques, le chorégraphe Christian Rizzo souvent déploie ses
mondes imaginaires en notre for intérieur, comme des installations vivantes qui prennent tout leur sens par la métamorphose. Il entame, avec cette pièce pour huit danseurs et deux
batteurs/compositeurs, une inflexion chorégraphique. « La
danse est l’enjeu central de mon travail », dit-il aujourd’hui ;
d’après une histoire vraie est née d’un souvenir vécu voici dix
ans. Christian Rizzo assistait à un spectacle quand, à quelques
instants de la fin, surgit une bande d’hommes qui exécuta une
brève danse folklorique puis disparut. « Une émotion profonde,
presque archaïque m’envahit », se rappelle-il. Troublé par l’écho
incertain de cette sensation longtemps abandonnée au creux
du conscient, le chorégraphe a fouillé sa mémoire pour y desceller les histoires cachées dans le murmure du temps. « L’observation factuelle et décontextualisée des mouvements, souvent
similaires entre ces danses, m’offre le terrain idéal pour questionner
les notions de communauté, transe, répétition, minimalisme… »,
explique-t-il.
« Je ne pars qu’avec des corps et des principes chorégraphiques. J’ai
envie d’une danse tellurique, qui creuse le sol en même temps
qu’elle cherche l’élévation. Une double spirale qui monte et descend,
qui creuse et s’élève. Une danse qui tente de résoudre la question de
la gravité, de la chute, non pas en se battant contre elle, mais en
l’acceptant. La question de l’être-ensemble est centrale. Les danses
à partir desquelles nous avons travaillé sont empruntées au populaire, au sens où elles sont partagées, où chacun peut se les approprier. Elles sont avant tout le socle pour une écriture abstraite. Il y
a toujours dans ces danses des mouvements extrêmement archaïques
qui réunissent à coup sûr : taper des pieds, lever les bras en l’air,
joindre les mains, tourner. L’écriture appartient à une culture,
mais le mouvement non. Peut-on inventer une danse folklorique
qui ne revendique aucune culture précise, qui ne peut exister que
sur un plateau ? »
Tandis que Didier Ambact et King Q4 battent le rythme aux
confins de la musique tribale, du rock psychédélique et du dub*,
les danseurs tantôt se groupent en constellations, tantôt s’éparpillent par contrepoints, pris dans les flux et reflux du mouvement. Leur gestuelle mêle avec fluidité le populaire et le contemporain, le folk et le sacré. Reprenant des motifs des danses
traditionnelles méditerranéennes, elle se déroule en infinies
volutes, ondulations et tournoiements… Et nous emporte dans
son fascinant mystère.
G. D.
* Genre musical issu du reggae jamaïcain.
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I A
9 < 11 AVRIL
CHRISTIAN RIZZO
L’ASSOCIATION FRAGILE
d’après une histoire vraie CRÉATION 2013
& COSTUMES Christian Rizzo
& INTERPRÉTATION Didier Ambact & King Q4 LUMIÈRES Caty Olive
& DIFFUSION Bureau Cassiopée
INTERPRÉTATION Fabien Almakiewicz, Yaïr Barelli, Massimo Fusco, Miguel Garcia Llorens,
Pep Garrigues, Kerem Gelebek, Filipe Lourenço, Roberto Martínez
CONCEPTION, CHORÉGRAPHIE, SCÉNOGRAPHIE
MUSIQUE ORIGINALE
ADMINISTRATION, PRODUCTION
l’association fragile COPRODUCTION Théâtre de la Ville-Paris – Festival d’Avignon –
Opéra de Lille – Centre de développement chorégraphique de Toulouse-Midi-Pyrénées – La Ménagerie
de verre-Paris – La Filature, scène nationale-Mulhouse – L’Apostrophe, scène nationale de CergyPontoise et du Val-d’Oise – Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape/direction Yuval Pick.
AVEC LE SOUTIEN du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, de la convention Institut français + ville de Lille,
de l’association Beaumarchais- SACD et de l’Institut français dans le cadre du fonds de production
circles. AVEC L’AIDE du Phénix scène nationale de Valenciennes. RÉSIDENCES DE CRÉATION Opéra de Lille,
Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape/direction Yuval Pick, Centre chorégraphique
national Roubaix Nord-Pas-de-Calais. L’association fragile est aidée par le ministère de la Culture
et de la Communication/DRAC Nord-Pas-de-Calais au titre de l’aide à la compagnie chorégraphique
conventionnée et reçoit le soutien du conseil régional Nord-Pas-de-Calais, de la ville de Lille et
de l’Institut français pour ses tournées à l’étranger. De septembre 2007 à juin 2012, l’association
fragile/Christian Rizzo a été en résidence à l’opéra de Lille.
PRODUCTION DÉLÉGUÉE
Théâtre de la Ville PARIS
juin 2014
Daniel Abreu, Animal © YASSIEK
Tiago Guedes, Materiais Diversos © PATRICIA ALMEIDA
CHANTIERS D’EUROPE I 4 < 28 JUIN 2014
UNE RICHESSE
EUROPÉENNE
Portugal, Grèce, Italie et Espagne. Pour sa 5e édition, Chantiers d’Europe réunit, en 2014,
les pays d’Europe du Sud qui ont marqué les éditions précédentes et y ajoute l’Espagne.
Théâtre, danse, musique, cinéma, arts plastiques, performances et arts numériques, dans
toutes les disciplines, des artistes – jeunes, le plus souvent – viendront nous faire découvrir
leur travail, partager leurs recherches et faire entendre leur voix. Ce que nous souhaitons,
à travers ce temps fort, c’est susciter la rencontre avec une scène diverse et singulière,
une scène qui bien souvent survit malgré la « crise » et reste totalement reliée aux
questionnements esthétiques et politiques qui traversent notre continent européen.
Après la grande édition 2013, Chantiers d’Europe continuera cette année à se déployer
dans Paris : aux côtés de ses partenaires de la première heure le Centquatre et le Monfort,
le Théâtre de la Ville est heureux d’accueillir sous la bannière de ses Chantiers d’Europe
les propositions du Théâtre de la Colline et de la Grande Halle de la Villette. Le cercle des
collaborations s’agrandit avec le festival June Events de l’Atelier de Paris-Carolyn Carlson,
le Théâtre de la Cité Internationale, Le Théâtre Paris-Villette, les Berges de Seine, et à
nouveau la Maison de la poésie et le Palais de Tokyo… Dans chacun de ces 10 premiers
lieux de Paris, auxquels d’autres seront associés d’ici le programme final, résonneront
les voix des artistes qui sont l’Europe d’aujourd’hui.
Emmanuel Demarcy-Mota & l’équipe du Théâtre de la Ville, mars 2014
ESPAGNE I ITALIE I GRÈCE I PORTUGAL
EFFERVESCENCE À L’ŒUVRE
Elle est la nouvelle impératrice d’Europe. Nul ne sait plus quand Elle a pris le pouvoir. Elle, la Dette souveraine, ainsi nommée parce qu’émise ou garantie par
un État censé exercer la souveraineté des dépenses publiques. Mais il semble aujourd’hui que « la dette » soit « souveraine » en elle-même, précipitant des pays
entiers au bord de la banqueroute, planant comme une épée de Damoclès sur toute décision publique. De fait, depuis les années 1970, les États européens sont
contraints, pour financer leurs investissements, de faire appel aux marchés financiers et aux banques commerciales, qui se refinancent pour leur part auprès des
banques centrales ! Et les « plans d’austérité » semblent aussi douloureux qu’impuissants à résorber déficits et chômage endémique.
Jugés trop dépensiers, pas assez rentables, les secteurs de la santé, de l’éducation et de la culture sont parmi les premiers à souffrir de coupes budgétaires parfois
drastiques. Un certain art de vivre, la qualité et la diversité de l’activité culturelle, ne sont-ils pourtant pas l’apanage d’une certaine richesse européenne ?
L’Italie, le Portugal, la Grèce et l’Espagne souffraient, avant même « la crise », de l’absence de « politiques culturelles » dignes de ce nom. La créativité n’y est
pourtant pas moindre qu’ailleurs, comme l’ont manifesté les précédentes éditions de Chantiers d’Europe à l’initiative du Théâtre de la Ville. Quoique diffuse,
manquant parfois de « visibilité » (et plus encore de moyens), une certaine effervescence y est pourtant à l’œuvre, portée par une nouvelle génération qui prend
à bras-le-corps la pluralité des langages, et parvient à contourner les obstacles économiques pour coaliser des aventures contemporaines.
Cette Europe-là est aussi en marche : les Chantiers d’Europe s’en font heureusement les messagers. J.-M. A.
BUFFET DÉGARNI
LA MORT D’HYPÉRION
À quoi bon continuer à idéaliser le mythe de la civilisation hellénique ?
La Grèce actuelle est bien réelle. Son expression contemporaine exige
de faire face à l’invention humaine.
JOURNALISTE : On peut donc dire que le sort de l’Europe dans son ensemble dépend de l’avenir
de la Grèce.
BARBARA SPINELLI : Je crois que oui, car on a toujours comme point de départ la réalité que subit
le plus faible, non le plus fort, le vaincu, non le vainqueur. Tout nouveau commencement part
de la base. Le Journal des rédacteurs, 25-26 janvier 2014
Hypérion de Friedrich Hölderlin est un texte qui, depuis sa rédaction (1792-1799), a formé la
perception exclusive de la Grèce antique pour plusieurs générations dans l’ensemble des pays
d’Europe, et par la suite dans le monde entier.
Hypérion, jeune grec idéaliste, se meut dans une Grèce immatérielle, créée de la matière des textes,
des œuvres d’art, de son histoire déterminante pour l’avenir de la civilisation européenne.
La Renaissance (XIVe-XVIe siècles) n’est qu’une nouvelle naissance de la Grèce antique et, chose
significative, elle aura lieu pendant l’occupation du pays par les Turcs (1453).
Depuis le XVIIe siècle français jusqu’à nos jours, il y aura, en Europe et ailleurs, une succession
impressionnante d’auteurs dramatiques, de penseurs, de poètes, de philologues, dont la réflexion
et l’art seront déterminés par la civilisation hellénique dans sa totalité, comme source d’inspiration
inépuisable et comme référence indépassable.
Les Grecs modernes, depuis leur libération de l’Empire ottoman (1821), en traversant des périodes
d’exaltation patriotique ou de fanatisme héréditaire, de perte et de recherche d’une identité ont,
eux aussi, malgré quelques rares exceptions, une position mythologisante, entre un sentiment
d’infériorité raciale ou d’orgueil national et un provincialisme folklorique vis-à-vis de leur propre
passé.
Pourquoi cette idéalisation, tant de la part des Européens que des Grecs eux-mêmes ?
La raison n’en est pas uniquement la qualité incontestable de l’art et de la pensée helléniques en
tant que tels, mais le fait qu’ils ne sont pas perçus dans le réel.
Le côté irréel d’Hypérion, son aspiration à magnifier ce pays en le proposant comme modèle, sous
le poids d’une nostalgie écrasante, est le produit d’une ignorance ou d’une sous-estimation du
facteur « réalité ».
Derrière et avant cette civilisation en effet éblouissante, il y a tout simplement l’humain, sa condition charnelle, sa sexualité complexe, sa souffrance omniprésente, sa cruauté inépuisable, l’humain
chtonien et mortel, le fumier d’Héraclite.
La Grèce actuelle est réelle. La quotidienneté étouffante, la
médiocrité écrasante, la déception constante et la désespérance inépuisable sont là, mais là aussi existent des forces
mentales et sentimentales, malgré les conventions, les préjugés, les retards et les obscurantismes de toutes sortes. Ces
forces sont au seuil de leur métabolisme face à ce qui justement apparaît toujours après le réel : l’invention humaine.
Hypérion est mort parce qu’il s’est détourné de ce réel.
Nous devons tous faire un immense effort pour nous tourner vers notre présent, qui seul peut devenir, libéré des
entraves mystificatrices du passé, un point d’appui capable
d’apporter à notre propre réel l’expression contemporaine
d’une autre naissance, bien à nous.
Dimitris Dimitriadis
Au mirage espagnol a succédé une cure
d’austérité dont la culture a fait les frais.
Les artistes, pourtant, sont loin de s’avouer
vaincus.
En 2006, la Comédie-Française a participé au Festival de Otoño de Madrid. La crise n’était pas
encore là et la Comunidad de Madrid ne lésinait pas sur les dépenses. Le Festival durait un mois
et, chaque semaine, une fête était organisée dans un endroit chic, avec boissons à volonté. Un soir,
les membres de la compagnie française furent invités à un dîner de 80 personnes. Le chef était
Ferran Adrià, le plus fameux représentant de la nouvelle cuisine espagnole. Un des convives français demanda, admiratif : « Et qui paye tout ça ? »
C’était l’époque de la bulle immobilière et de la croissance de 3 % l’an. L’Espagne avait un revenu
par habitant qui dépassait celui de l’Italie, et le président socialiste José Luis Zapatero rêvait à
voix haute de rejoindre la France et l’Allemagne. Le budget du festival en 2006 fut de 3,2 millions
d’euros, avec 37 spectacles. En 2012, le montant chuta à 1,2 million, avec sept spectacles.
Cette époque est maintenant connue comme l’ère du gaspillage. Mais c’est peut-être une qualification erronée – nous devrions plutôt l’appeler l’ère de la rapine. Maintenant, nous savons que
ces dîners et ces festivals qui placèrent l’Espagne sur la carte culturelle européenne et mondiale,
ces réalisations pharaoniques d’autoroutes, de ponts, de musées et d’aéroports – beaucoup d’entre
elles aujourd’hui sans voitures, sans œuvres d’art, sans avions –, ces logements qui doublèrent la
superficie construite sur la côte méditerranéenne, ne furent qu’un mirage dont beaucoup profitèrent pour détourner des fonds publics vers leur propre bourse ainsi que vers celles de fournisseurs et d’intermédiaires du secteur privé.
Après la fin des vaches grasses, la culture, l’éducation, la santé en Espagne souffrent aujourd’hui
– comme en Grèce, au Portugal ou en Italie – de la cure d’austérité idéologique et budgétaire
imposée par Bruxelles, Berlin et la Banque centrale européenne, avec l’aide zélée de Madrid.
La première décision prise par le conservateur Mariano Rajoy, après avoir gagné les élections en
2011, fut de supprimer le ministère de la Culture en l’intégrant au ministère de l’Éducation. Comme
l’État et les organismes locaux étaient terriblement endettés, la deuxième décision fut de réduire
les programmes culturels. Pour terminer d’achever un secteur considéré comme politiquement
hostile à la droite catholique, la troisième décision fut de faire passer la TVA sur les produits culturels de 8 % à 21 % ; et enfin la quatrième fut de supprimer la redevance numérique sur la copie
privée pour les droits d’auteur.
Cette attaque sans précédent a ramené la production de spectacles, de films, d’art et de culture, à
son plus bas niveau historique dans la démocratie, conduisant à la pauvreté matérielle de milliers
de cinéastes, musiciens, chorégraphes, techniciens et auteurs, et contribuant à augmenter la pauvreté intellectuelle des citoyens.
Il y a trente ans, Simone de Beauvoir prévoyait qu’il suffirait d’une crise politique, économique ou
sociale pour que les droits des femmes régressent. Le gouvernement espagnol a validé cette prédiction en l’étendant aux créateurs, qu’il considère comme des spécimens dangereux et subversifs.
Il y a quelques semaines, le ministre de l’Éducation (et de la Culture) fit montre une nouvelle fois
de son mépris en ne se rendant pas aux Goya, la cérémonie de remise des prix du cinéma espagnol.
C’était la première fois depuis 28 ans que cela se produisait.
Mais la culture espagnole est loin de s’avouer vaincue. Après tout, le meilleur du génie – la passion,
le charme, la poésie – du pays de Cervantes, Lorca, Valle-Inclán, Carmen Amaya, Picasso ou
Almodóvar, a toujours été sa capacité à dénoncer les injustices et à lutter contre l’obscurantisme.
Comme tant de fois par le passé, la France continue à être un refuge pour un grand nombre de
ces merveilleux artistes niés dans leur propre pays.
Je suis sûr que vous pourrez le vérifier, le démontrer – en jouir – en voyant cet échantillon varié
de la production espagnole présenté dans cette 5e édition des Chantiers d’Europe.
Miguel Mora, correspondant de El País en France.
(Trad. Jean Lepeule)
CHANTIERS D’EUROPE I 4 < 28 JUIN 2014
Théâtre de la Ville PARIS
juin 2014
UNE SCÈNE AGILE ET VERSATILE
INNOVER PLUTÔT QUE SE RÉSIGNER
Dans un pays généralement méfiant vis-à-vis des nouvelles générations,
la scène contemporaine italienne témoigne d’une vitalité et d’un esprit
créatif que la littérature et le cinéma ont du mal à manifester.
Dans un pays sans politique culturelle tangible, le réseau artistique compte
sur ses propres forces pour se structurer. Quarante ans après la révolution
des Œillets, le théâtre et la danse se pensent comme des agents du futur.
Il y a quelques années, Massimiliano Civica, l’un des meilleurs metteurs en scène de la nouvelle
génération italienne et déjà à l’époque directeur du Teatro della Tosse de Gênes, commentait l’effervescence de la scène romaine émergente, en soulignant que ceux qui travaillent dans la contrainte,
sans le support des institutions et aux marges des grandes places théâtrales, développent presque
par obligation un langage rude et puissant, arrogamment nécessaire. Cependant – clairvoyant –
il terminait son analyse par le constat qu’une dialectique de ce type peut garder une dimension
positive pendant cinq, dix ans maximum, mais que, par la suite, d’une telle indigence, on meurt.
Au début du mois de février, la Commission européenne a délivré son message : le Portugal est un
exemple. Ceci est bien sûr à mettre en rapport avec le programme d’intervention financière, l’ajustement et la pression fiscale auxquels le pays est soumis à l’heure actuelle, à cause d’années de
mauvaise gestion politico-financière et de débauches de nouveau riche. La compensation se résumait donc ainsi : nous sommes le meilleur élève d’Europe. Celui qui obéit sans broncher. Pas
comme la Grèce, ni non plus, à vrai dire, comme l’Irlande.
Dans la dernière ligne droite d’un programme qui a appauvri le pays à des niveaux qui contrarient
tous les indices de décennies d’évolution sociale (désormais la méprise est flagrante), les arts,
comme tout le reste, ont été mis à l’écart. À défaut de mesures, de plans, de stratégie, de sauvetage,
les artistes ont toujours fait preuve, avec leurs moyens modestes, de résistance, de résilience, ils
ont tissé un réseau créatif qui s’est toujours structuré par lui-même avec les personnes qui le
constituent.
Ce sont précisément les personnes qui, de but en blanc,
même en l’absence de perspectives à long terme,
même désargentées, même obligées de licencier ceux
qui travaillaient depuis longtemps sans contrat ; établissant des factures en guise de cachets absorbés par
les impôts, ont décidé une fois de plus de se réinventer.
En l’espace d’un an – laps de temps soulignant le temps
écoulé depuis les derniers Chantiers d’Europe dédiés
à Lisbonne – ce que nous avons vu sur les scènes portugaises a été un déploiement d’élan, de force et de
détermination qui montrent bien leur singularité.
En cette année du 40e anniversaire de la révolution
des Œillets, l’imagination envahit la rue et il est beau
de voir les scènes se remplir de danseurs qui refusent
la soumission de danser tout seuls !
Des chorégraphes comme Paulo Ribeiro et Tiago Guedes (que nous retrouverons en juin respectivement avec JIM et Hoje), aux côtés de Clara Andermatt, Cláudia Dias, Victor Hugo Pontes ou Né
Barros – différentes générations pour différentes esthétiques – explorant un mouvement et sa
force, une chorégraphie et son identité, une scène comme symbole matériel de la communauté.
La synthèse proposée par Civica saisit pleinement ce que signifie faire du théâtre au XXIe siècle, en
Italie, et elle peut s’appliquer aisément à la scène nationale émergente dans son intégralité. Bien
évidemment, pour la comprendre, il faut la situer dans le contexte d’un pays généralement
méfiant vis-à-vis de ce qui est nouveau et des nouvelles générations. L’élite théâtrale, comme
dans bien d’autres champs de la culture, est solidement entre les mains des générations les plus
anciennes parmi lesquelles, de temps en temps, quelques rarissimes exceptions arrivent à se
frayer un chemin. C’est le cas de Mario Martone. En général, ceux qui ont réussi à imposer au
grand public leur façon de faire du théâtre et leur poétique l’ont fait « contre » et « en dehors »
des principales institutions théâtrales, comme par exemple Ascanio Celestini ou Emma Dante.
Et même ceux qui ont pu être produits ou coproduits par les principaux théâtres italiens, comme
Pippo Delbono et Antonio Latella, ont accompli cet exploit grâce à une fréquentation intense de
la scène étrangère, qui a su leur fournir la légitimité leur faisant souvent défaut en Italie.
Pourtant, au cours de ces dix, quinze dernières années, la scène contemporaine a énormément
produit en termes de chiffres et de diversité de langages. S’il reste difficile d’en repérer la trace
dans les programmations des théâtres, cela l’est moins dans celles des festivals d’été qui sont
désormais devenus des scènes centrales pour le théâtre contemporain et débordent le cadre saisonnier s’étendant de mai jusqu’à fin novembre. Ensuite, il y a les espaces hybrides, les centres
culturels indépendants, les petits théâtres ; la diffusion, exception faite pour Rome et Milan, est
de plus en plus liée à une dimension provinciale, anti-métropolitaine, à une prolifération de
petits lieux, dont l’Emilie-Romagne et la Toscane sont les épicentres les plus riches et les plus
complexes. Ce réseau pluriel et hétérogène, où on retrouve parfois des représentants des générations
précédentes – Barberio Corsetti et Romeo Castellucci – après le succès de Fausto Paravidino, qui
remonte désormais à une quinzaine d’années, a engendré dans la plus grande des effervescences
beaucoup de dramaturgies nouvelles. De la plus classique, celle d’un Michele Santeramo, à celle,
plus introspective, imagée et très personnelle, d’une Lucia Calamaro, qui est sans doute la voix
majeure de cette décennie. À côté d’auteurs dont l’écriture se caractérise par une très ample respiration, se développe également, chez certains artistes, une tendance à élaborer des textes qu’ils
mettront en scène et interpréteront aussi. Une dramaturgie d’acteur qui n’est jamais improvisée,
mais est au contraire très élaborée. C’est le cas, entre autres, de Daniele Timpano, Andrea Cosentino
et du duo Deflorian-Tagliarini à Rome, des Babilonia Teatri en Vénétie, de Fibre Parallele dans
les Pouilles, de Teatro Sotterraneo en Toscane, de Carullo-Minasi en Sicile et de Quotidiana.com
à Rimini, dans la région d’Emilie-Romagne.
Avec ce courant qui porte une attention particulière à l’écriture – grande absente des scènes du
théâtre contemporain de la fin du siècle dernier – cohabite un courant plus « performatif » : les
expérimentations conceptuelles de Pathosformel ; les visions de Muta Imago, Opera et Anaggor ;
les œuvres plus froides et technologiques de Santasangre ou, à l’opposé, celles plus chaudes des
clowns du Tony Clifton Circus ; la fantaisie comique del Sacchi di Sabbia ; les projets conceptuels
aux arrière-plans comiques de Menoventi. Et il ne faut pas oublier la richesse de la danse, capable
aujourd’hui de proposer des projets extrêmement rigoureux, comme « Habillé d’eau », mais aussi
des œuvres en dialogue avec un langage plus théâtral – MK et Ambra Senatore, sortie de la pépinière
de Roberto Castello – qui traversent nonchalamment les prétendues barrières entre disciplines.
Le caractère le plus frappant de cette effervescence est sans doute la pluralité des langages et la
capacité des artistes à dialoguer entre eux avec assurance, en collaborant autour de projets parfois très éloignés de leurs propres horizons esthétiques. C’est une scène théâtrale agile et versatile et ce n’est pas par hasard que cet humus est à la source d’expériences intéressantes, tant au
niveau du jeu que de la mise en scène (Roberto Latini, Gaetano Ventriglia, Roberto Rustoni,
Fabrizio Arcuri, Lisa Natoli, Oscar De Summa).
La pauvreté est parfois capable de produire une langue tranchante : sur la scène théâtrale, dépourvue d’éditeurs et de producteurs prêts à édulcorer les langages au nom du profit, on repère une
vitalité et un esprit créatif que la littérature et le cinéma italiens ont du mal aujourd’hui à manifester. Faire exister (et résister) une culture « autre », dans un pays qui fait actuellement face à
de grandes difficultés sur le plan culturel, crée même une sorte de fierté chez les acteurs de la
scène théâtrale. Mais, comme le disait Civica, jusqu’à quand ce travail « en dépit » des institutions
culturelles sera-t-il une valeur ajoutée ?
Graziano Graziani* (Trad. Alice Mosca)
* Graziano Graziani, journaliste, écrivain, critique théâtral. Il collabore notamment avec Radio3 Rai et Paese Sera.
Et, au théâtre, en ce 450e anniversaire de la naissance de William Shakespeare que nous célèbrons
également, des noms tels que Nuno Cardoso, Beatriz Batarda, Marcos Barbosa, Tiago Rodrigues
et le collectif Mala Voadora (ces deux derniers étaient présents lors de la dernière édition des
Chantiers d’Europe) ont l’intelligence de relire Shakespeare sous les traits d’un pays utopique
qui commença sa construction il y a quarante ans. Mais la révolution, comme dit Teatro Praga,
ne dure qu’un moment : « maintenant ».
Et maintenant, en 2014, en cette année du centenaire de la Première Guerre mondiale et des quarante ans de la fin des dictatures en Europe (la portugaise, la grecque, l’espagnole, mais aussi la
fin de la monarchie à Malte), le théâtre et la danse, au Portugal, se pensent comme des agents du
futur, agissant maintenant, et faisant la révolution « maintenant ».
Dans un pays sans politique culturelle tangible et avec un désir énorme d’anéantir ce qui résiste
encore, il y a quand même une offre culturelle qui refuse de céder. Si la danse fait à nouveau
appel aux danseurs, abandonnant les solos qui avaient fait l’identité de ses chorégraphes, et si le
théâtre laisse de côté le texte en tant que métaphore pour l’utiliser en tant qu’arme, c’est parce
qu’ils ont compris que, dans ce coin d’Europe que l’Europe elle-même a oublié, il y a un désir
permanent qui n’est pas seulement fait de changements mais aussi d’apprentissage.
Au Portugal, nous avons l’habitude de dire que le peuple est serein parce qu’il a coutume de se
résigner. Cependant, au Portugal, la révolution est silencieuse. Un spectacle comme Antonio Miguel
(de Miguel Pereira et Antonio Tagliarini) travaille sur la façon dont on peut habiter l’autre, un
être étranger, en le faisant nôtre. Notre frère, notre ami, notre corps. Dans JIM, de Paulo Ribeiro,
on peut danser seul parce qu’on danse tous la même musique, on danse les uns avec les autres.
Dans Tear Gas, de Teatro Praga, la mémoire de ce que nous fûmes nous oblige à ne pas oublier.
Dans ENCYCLOPEDIA: X, Cão Solteiro transforme l’idée même de communauté et, tout en faisant l’inventaire de notre héritage, propose un ordre social et philosophique susceptible de nous
rapprocher.
Un an après, lorsque Lisbonne revient à Paris, ayant réappris sa leçon, son corps meurtri par la
crise persistante, il faut regarder à nouveau cette langue poétique et finalement comprendre que
le meilleur élève n’est pas celui qui résiste et qui a appris sa leçon, comme la « troïka » le veut bien.
Le meilleur élève, c’est celui qui innove.
Tiago Bartolomeu Costa, journaliste au Publico.
(trad. de Jorge Tomé)
AVANT-PROGRAMME
→ CENTQUATRE I PERFORMANCE/THÉÂTRE
SAMEDI 28 JUIN 15 H & 18 H
ROGER BERNAT
Domaine Public
AVEC 150
Domaine Public est (comme) un jeu de société où Roger
Bernat propose à un groupe de personnes – le public –
→ THÉÂTRE DE L’AQUARIUM I DANSE
FESTIVAL JUNE EVENTS
d’écouter une série de questions et d’instructions au moyen
d’un casque audio sans fil. Ces personnes forment des
micro-communautés mettant en évidence des règles
et des modèles sociaux que Roger Bernat dévoile avec soin.
Domaine Public commence comme un sondage en 3D
et se transforme en une inquiétante fiction.
MARDI 10 JUIN 21 H
DANIEL ABREU
Animal
AVEC
casques audio
5 interpètes
© DR
Dans une atmosphère onirique, Animal explore la nécessité
et le désir par un flux d’images et de scènes émotionnellement
chargées, en réponse à des situations extrêmes dans
lesquelles l’instinct surgit du quotidien.
Sans recourir à la narration, le travail du chorégraphe
explore les images de combat, de besoin primaire,
de relaxation, d’amour… Images liées à l’idée d’animalité
et de survie. Dans cette pièce, la danse fait écho aux textes
de Marina Wainer qui font référence à l’intime et l’instinctif.
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I MUSIQUE
SAMEDI 21 JUIN 20 H 30
AMANCIO PRADA
© JUAN RAYOS
Compositeur et interprète, Amancio Prada s’inscrit dans
la grande tradition espagnole des cantautores, ces chanteurs
à texte, contestataires, qui ont été nombreux à s’expatrier et
se sont distingués en France, tels Paco Ibañez, Joan Manuel
Serrat ou Luís Llach. Il est l’auteur, notamment, d’un vibrant
hommage à Léo Ferré mais puise également ses textes
aux sources de la poésie ancienne qu’il réhabilite, comme
dans sa célèbre version du Cantique spirituel de Saint-Jean
de la Croix.
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I THÉÂTRE
LUNDI 16 JUIN 20 H 30
LA TRISTURA
Materia Prima
AVEC
© JAVIER SOCIAS
… chante les poètes
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I GRANDE SALLE I MUSIQUE
SAMEDI 28 JUIN 20 H 30
DIEGO EL CIGALA
AVEC
5 musiciens
Diego El Cigala est actuellement l’un des chanteurs de
flamenco les plus populaires en Espagne. Accompagné
par un quintet de musiciens (piano, guitare flamenca,
guitare électrique, contrebasse et percussion), il offrira
des chansons choisies dans son répertoire qui réunit tangos,
boléros et flamencos.
4 jeunes interprètes
© ANAÏS LLEIXÀ
Réflexion sur l’héritage, l’éducation et l’avenir, Materia Prima est
jouée par de jeunes interprètes nés dans les années 2000.
La conscience historique et politique de ces enfants sera-t-elle
capable de nous effrayer? Serons-nous surpris de les entendre
parler comme des adultes ? Ou nous sommes-nous habitués
à tout ?
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I COUPOLE I INSTALLATION/DANSE
SAMEDI 28 JUIN 19 H
JORDI GALÍ
© TONI VILCHES
T
cie Arrangement Provisoire
© JESÚS ROBISCO
Jordi Galí, danseur espagnol installé en France, articule
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I DANSE
VENDREDI 20 JUIN 20 H 30
DANIEL ABREU
Cabeza
CRÉATION
& INTERPRÉTATION Daniel Abreu
Les pièces de Daniel Abreu ressemblent à des voyages,
peintures et images en mouvement. Cabeza a été créé
en 2012 au Mercat de Les Flors à Barcelone.
« …L’utilisation juste de l’espace, des silences, de l’obscurité
lie des scènes élaborées tout aussi cérébrales que physiques,
lyriques que cruelles… » Roger Salas. El País
sa recherche autour d’un travail sur l’objet, sous la forme
d’installations vivantes et éphémères. Dans T, tout est
question d’équilibre, de mise en tension, d’assemblage
d’objets. Une construction délicate, balancée, complexe,
sur laquelle se promène, tout en la bâtissant, Jordi Galí,
danseur architecte. Un dispositif fait de rouages et
de balanciers sonores qui progresse jusqu’à atteindre
son paroxysme.
→ PARIS-VILLETTE I MUSIQUE
DIMANCHE 15 JUIN 11 H I 15 H 30 & 17 H
PAULO LAMEIRO I
CARLES PEDRAGOSA
Concert pour les bébés
flûte, guitare, violes, saxophone, accordéon, harpe, mouvement & voix
Les concerts, conçus pour des enfants de 0 à 3 ans,
s’organisent autour d’un soliste invité ou d’un thème, comme
la sonorité de la trompette, les sons graves (qui calment
les bébés), la guitare portugaise, le jazz, Monteverdi, Bach,
etc. Le musicien et pédagogue portugais Paulo Lameiro
est le concepteur de ce projet (interprété par d’excellents
musiciens espagnols) qui a rencontré un succès éclatant.
Trad. Marie-Christine Vila
CHANTIERS D’EUROPE I AVANT-PROGRAMME
FLAMENCO
Théâtre de la Ville PARIS
juin 2014
→ HALL DE LA GRANDE HALLE DE LA VILLETTE I DANSE
SAMEDI 14 JUIN 19 H
Pour la troisième année, la Grande halle de la Villette
résonne flamenco lors d’un week-end de chants,
de guitares et de danse. Chantiers d’Europe est
heureux de s’associer au Parc de la Villette pour
présenter la vitalité d’un genre en perpétuelle
mutation.
SÓNIA SÁNCHEZ
El Pliegue
SCÈNE DU HALL DE LA GRANDE HALLE (ACCÈS LIBRE)
© LEA DINZER
Dans ce solo sans musique, Sónia Sánchez propose
une lecture contemporaine de la danse flamenca,
comme s’il s’agissait de disséquer une forme très
codée pour revenir à ses racines et à son essence.
& AUSSI
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I THÉÂTRE
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS
MERCREDI 18 JUIN 20 H 30
MARDI 17 JUIN 20 H
LENA KITSOPOULOU
→ COUR DU THÉÂTRE DES ABBESSES
MERCREDI 18 JUIN 20 H
→ BERGES DE SEINE
Javier Barón © DANIEL MUÑOZ
SAMEDI 21 JUIN 11 H I 12 H I 13 H
Little Red Riding Hood The First Blood
AVEC
5 interprètes
TEXTE
& MISE EN SCÈNE Lena Kitsopoulou
L’imprévisible Lena Kitsopoulou ajoute “First Blood” (tiré
de Rambo : First Blood, le film américain avec Sylvester
Stallone) au titre du célèbre conte des frères Grimm.
« Personne n’a jamais vécu heureux jusqu’à la fin de ses
jours », explique-t-elle. Elle nous défie de donner au Petit
Chaperon Rouge sa revanche sanguinaire, celle d’aller
au-delà des tabous, des conventions et des stéréotypes.
Et d’ôter le leg de fausses croyances qui hantent nos vies.
→ LA GRANDE HALLE DE LA VILLETTE I DANSE/MUSIQUE
Gitanas Andaluzas
Concha Vargas, Juana La Del Pipa, Tomasa « La Macanita »
→ LIEU À DÉTERMINER I THÉÂTRE
réunies pour célébrer toute l’émotion des femmes gitanes
de la basse Andalousie !
BLITZ
CIE BELÉN MAYA
AVEC
Invitados
Galaxy est une performance longue distance. Les spectateurs
Galaxy
8 interprètes français
sont libres d’entrer et sortir dans ce spectacle qui raconte
les histoires de personnes, célèbres ou non, et évoque des
événements historiques, théories, objets et mots disparus.
Galaxy est comique et dramatique, absurde et grandiose.
Dans ce nouveau spectacle, la danseuse approfondit
son écriture, entre joie et douleur, et met ses invités
au cœur de la scène.
© CLAUDIA MATEUS
CONCHA VARGAS I JUANA LA DEL PIPA I
TOMASA GUERRERO « LA MACANITA »
© MARIANA BISTI
JEUDI 12 JUIN 20 H
VENDREDI 13 JUIN 20 H
MIGUEL POVEDA
CHANT
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I COUPOLE I THÉÂTRE/PERFORMANCE
Récital de Cante Flamenco
MARDI 24 JUIN 19 H
Bien qu’il ne soit ni gitan, ni andalou, ce cantaor reprend
l’héritage des maîtres tout en apportant un souffle innovant
au chant flamenco.
ANTONIO TAGLIARINI I MIGUEL PEREIRA
Antonio & Miguel
AVEC
JAVIER BARÓN
Miguel Pereira, Antonio Tagliarini
En 2000, Antonio Tagliarini et Miguel Pereira ont créé Antonio
Miguel. Dix ans après, les voici avec une nouvelle performance, Antonio & Miguel. Un « & » a fait son apparition pour
renforcer une distance physique entre deux prénoms, deux
identités. Le temps a-t-il réellement produit un changement
sur eux ?
y la música
© DR
Une des plus grandes figures masculines de la danse
rend hommage à la musique et aux musiciens et invite
José Valencia, chanteur en constante évolution.
SAMEDI 14 JUIN 20 H
ESPERANZA FERNÁNDEZ
CHANT
→ ATELIER DE PARIS I DANSE
FESTIVAL JUNE EVENTS
Raíces del Alma
MARDI 10 JUIN 19 H 30
Cette chanteuse à la voix singulière et charismatique
convie à un voyage musical à travers les grands moments
de sa carrière.
Arranged by date
CIE ISABEL BAYÓN
Caprichos del Tiempo
Avec ce spectacle, la danseuse sévillane Isabel Bayón
propose une réflexion sur le temps et son influence sur
nos actes et se regarde dans le miroir du passé pour
mieux comprendre le présent.
LENIO KAKLEA
Festival JUNE EVENTS, un événement de l’Atelier de Paris-Carolyn Carlson
Un événement inattendu a entraîné la création de cette œuvre:
la chorégraphe Lenio Kaklea a oublié le code de sa carte
de crédit. Tandis qu’elle s’efforce de se souvenir sur scène
de ce que « la mémoire a occulté », elle compose une
histoire qui oscille entre le réel et l’imaginaire.
→ PALAIS DE TOKYO I ARTS PLASTIQUES
LUNDI 16 JUIN 21 H 30
Giorgio Andreotta Calò
met le feu au Palais de Tokyo
ESPAGNE I ITALIE I GRÈCE I PORTUGAL
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I DANSE
10 < 14 JUIN
PAULO RIBEIRO
COMPAGNIE PAULO RIBEIRO
JIM CRÉATION 2012
Le Théâtre de la Colline et Face à Face-Paroles
d’Italie pour les scènes de France présentent
en collaboration avec Chantiers d’Europe
un programme de lectures et de spectacles
confirmant la vitalité et la richesse de la création
contemporaine italienne.
→ THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE I DANSE
voir p. 28
5 & 6 JUIN 21 H
TIAGO GUEDES
Hoje
AVEC
7 interprètes
Hoje signifie « aujourd’hui » en portugais. Que faire, aujourd’hui,
© DR
L’origine del mondo © CLAIRE PASQUIER
en ces temps troublés ? Cette question est le point de départ
de Hoje, dernière pièce de Tiago Guedes. Que faire ? Lutter,
protester, agir, parfois dormir, foncer dans le tas (de matelas)
et bien sûr danser, danser sa jeunesse, danser à tout rompre,
jusqu’à l’épuisement.
→ LE MONFORT I MUSIQUE
MARDI 17 JUIN 20 H 30
Oquestrada
→ THÉÂTRE DE LA COLLINE I THÉÂTRE
VENDREDI 20 JUIN
1 PROG.
© PATRICIA ALMEIDA
EN ITALIEN SURTITRÉ EN FRANÇAIS
DARIA DEFLORIAN I ANTONIO TAGLIARINI
Reality
CONCEPTION
AVEC
er
& INTERPRÉTATION Daria Deflorian & Antonio Tagliarini
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I COUPOLE I DANSE
À la mort de Janina Turek, une femme polonaise, on a trouvé
748 carnets où étaient notées minutieusement « les dates »
de sa vie. Le spectacle tente de construire un dialogue
entre ce que nous savons et ce que nous ne savons pas
de Janina en créant une série de courts-circuits autour
de la perception de ce qu’est la réalité.
DIMANCHE 22 JUIN
SAMEDI 7 JUIN 19 H
TIAGO GUEDES
Materiais diversos
CONCEPTION, CHORÉGRAPHIE
6 musiciens
C’est une musique qui vient de loin, des banlieues de
Lisbonne, des bals et des bars, des lieux canailles où
la musique respire l’humeur du moment avant de s’inspirer
des airs du passé. Leur swing nomade voyage au long
cours. Leurs malles exhalent des parfums du monde entier :
le fununa cap-verdien, le tango argentin, le fado bien
de chez eux, la musette bien de chez nous, le jazz
ou le ska ont droit de cité, tout comme ils chantent aussi
bien en portugais, espagnol, français et anglais !
& INTERPRÉTATION Tiago Guedes
« Frontalement exposés, il y a là des matériaux de danse.
Des fondamentaux. Ils nous indiquent qu’un simple pas du
pied amorce un projet sur le monde. Que la main qui trace
son parcours s’anime d’une translation de regard. Ou que
le temps est sujet à torsions dans l’étreinte de l’espace,
par où s’énonce l’art chorégraphique. Ce sont autant
de promenades de la perception habitée. […]
2e PROG.
EN ITALIEN SURTITRÉ EN FRANÇAIS
DARIA DEFLORIAN I ANTONIO TAGLIARINI
C’e ne andiamo per non darvi
altre preoccupazioni
Extraits texte de Gérard Mayen
(Nous partons pour ne pas vous donner plus de soucis)
AVEC
4 interprètes
© CÃO SOLTEIRO TCI
Inspirée des premières pages du roman Le Justicier d’Athènes
de l’écrivain Pétros Márkaris, la pièce, qui a pour toile de
fond la crise économique grecque, s’empare des destins
de quatre retraitées qui ont décidé de ne plus vivre,
en laissant un mot «… nous avons compris que nous
sommes un poids pour l’État, pour toute la société… »
SAMEDI 21 JUIN
LUCIA CALAMARO
(L’Origine du monde. Portrait d’un intérieur)
AVEC
3 interprètes
Ce spectacle, réelle révélation en Italie, capture le spectateur
pour l’emmener dans un monde d’élucubrations.
Dans le quotidien d’une famille en pleine introspection,
où tous les gestes habituels sondent le réel : manger, parler,
s’habiller… Cette œuvre questionne la transmission
d’une identité féminine à travers la puissance de la parole.
→ THÉÂTRE DE LA COLLINE I LECTURE/MISE EN ESPACE
Il macello di Giobbe
(Le Massacre de Job)
FAUSTO PARAVIDINO
AUTEUR, METTEUR EN SCÈNE ET COMÉDIEN
Deux autres lectures sont en cours de programmation.
Programme complet début avril sur www.colline.fr
→ THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE
INSTALLATION/THÉÂTRE
© TIAGO BARTOLOMEU COSTA
L’origine del mondo.
Ritratto di un interno
SAMEDI 21 JUIN
CÃO SOLTEIRO
ENCYCLOPEDIA : X
3 performers
Cão Solteiro, André Godinho, António Gouveia,
Maria Sequeira Mendes, Nuno Fonseca
AVEC
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I COUPOLE I THÉÂTRE/PERFORMANCE
MARDI 17 JUIN 20 H 30
TEATRO PRAGA
Tear Gas
(Gaz lacrymogène)
Marquant le retour de Teatro Praga aux Chantiers d’Europe,
Tear Gas est née de la résidence de Pedro Penim, fondateur
de la compagnie, à Athènes.
« Une semaine à Athènes pour retrouver la mémoire, une
semaine à Athènes à la recherche de ce qui reste des
ruines, une semaine à Athènes sur les traces de l’évangile
selon Saint-Marc ».
DÉVELOPPÉ PAR
Entre performance de théâtre, art et événement mondain,
ENCYCLOPEDIA : X est une installation avec le public
au centre. Trois actrices guident un groupe de personnes
qui sont invitées à la dégustation de neuf types de bières
délicieuses. Résultat de l’interaction entre les comédiennes
et les spectateurs, ENCYCLOPEDIA est la célébration
de notre stupéfaction face au sentiment d’être vivants
ici et maintenant coincés que nous sommes, comme
Platonov, entre notre fête de mariage, rituel initiatique,
et nos funérailles, rituel de fin.
CHANTIERS D’EUROPE I AVANT-PROGRAMME
CALENDRIER EN COURS
VENDREDI 6
21 H // Tiago Guedes // DANSE // THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE
SAMEDI 7
19 H // Tiago Guedes // DANSE // THÉÂTRE DE LA VILLE I LA COUPOLE
MARDI 10
18 H 30 // Portugal // LECTURE // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS
19 H 30 // Lenio Kaklea // DANSE // JUNE EVENTS I ATELIER DE PARIS
20 H 30 // Paulo Ribeiro // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES
21 H // Daniel Abreu // DANSE // JUNE EVENTS I THÉÂTRE DE L’AQUARIUM
juin 2014
LIEUX PARTENAIRES
EXPLORER LES ÉCRITURES
CONTEMPORAINES
JEUDI 5
21 H // Tiago Guedes // DANSE // THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE
Théâtre de la Ville PARIS
France Culture est partenaire des Chantiers d’Europe
depuis la toute première édition.
Chaque année, nous proposons ensemble aux auditeurs
et aux spectateurs des textes inédits d’auteurs vivants.
Ces textes, choisis à l’issue de nos lectures communes, sont
lus, enregistrés en public et diffusés sur l’antenne de France
Culture. Ils ont souvent trouvé un peu plus tard une existence
sur les scènes de théâtre en France.
Ensemble, nous avons exploré les écritures contemporaines
en Angleterre, en Italie, en Grèce, au Portugal. Cette année
nous donnerons aussi à entendre des textes d’auteurs espagnols. Et bien sûr, France Culture sera aux côtés du Théâtre de
la Ville pour la soirée d’ouverture des Chantiers d’Europe.
Blandine Masson
MERCREDI 11
18 H 30 // Conférence // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS
PARTENAIRES MÉDIA
20 H 30 // Paulo Ribeiro // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES
JEUDI 12
20 H // Gitanas Andaluzas // MUSIQUE + Belén Maya // DANSE // GRANDE HALLE DE LA VILLETTE
20 H 30 // Paulo Ribeiro // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES
VENDREDI 13
20 H // Miguel Poveda I Javier Barón // MUSIQUE // GRANDE HALLE DE LA VILLETTE
20 H 30 // Paulo Ribeiro // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES
SAMEDI 14
19 H // Sónia Sánchez // DANSE // GRANDE HALLE DE LA VILLETTE
AVEC LE SOUTIEN DE
20 H // Esperanza Fernández // MUSIQUE I Isabel Bayón // DANSE // GRANDE HALLE DE LA VILLETTE
20 H 30 // Paulo Ribeiro // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES
PROGRAMME EN COURS // SUIVEZ LA PROGRAMMATION SUR
DIMANCHE 15
11 H I 15 H 30 I 17 H // Paulo Lameiro I Carles Pedragosa // MUSIQUE // PARIS-VILLETTE
LUNDI 16
21 H 30 // Giorgio Andreotta Calò met le feu au Palais de Tokyo // PERFORMANCE // PALAIS DE TOKYO
20 H 30 // La Tristura // THÉÂTRE // THÉÂTRE DES ABBESSES
MARDI 17
18 H 30 // Sónia Sánchez // DANSE // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS
19 H // Espagne // LECTURE // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS
20 H 30 // Teatro Praga // THÉÂTRE/PERFORMANCE // THÉÂTRE DE LA VILLE I COUPOLE
20 H 30 // Oquestrada // MUSIQUE // LE MONFORT
MERCREDI 18
20 H // Sónia Sánchez // DANSE // COUR DU THÉÂTRE DES ABBESSES
20 H 30 // Lena Kitsopoulou // THÉÂTRE // THÉÂTRE DES ABBESSES
VENDREDI 20
20 H 30 // Daniel Abreu // DANSE // THÉÂTRE DES ABBESSES
HORAIRES À PRÉCISER
// D. Deflorian I A. Tagliarini 1er PROG. // THÉÂTRE //THÉÂTRE DE LA COLLINE
HORAIRES À PRÉCISER
// Cão Solteiro // THÉÂTRE // THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE
SAMEDI 21
20 H 30 // Amancio Prada // MUSIQUE // THÉÂTRE DES ABBESSES
THÉÂTRE DE LA VILLE-PARIS
www.théâtredelaville-paris.com
LA GRANDE HALLE DE LA VILLETTE
www.villette.com
THÉÂTRE NATIONAL DE LA COLLINE
www.colline.fr
THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE
www.theatredelacite.com
THÉÂTRE PARIS-VILLETTE
www.theatre-paris-villette.fr
FESTIVAL JUNE EVENTS
ATELIER DE PARIS-CAROLYN CARLSON
CARTOUCHERIE
www.junevents.fr
www.atelierdeparis.org
LE MONFORT
www.lemonfort.fr
11 H I 12 H I 13 H // Sónia Sánchez // DANSE // BERGES DE SEINE
HORAIRES À PRÉCISER
// Lucia Calamaro // THÉÂTRE // THÉÂTRE DE LA COLLINE
LE CENTQUATRE
HORAIRES À PRÉCISER
// Cão Solteiro // THÉÂTRE // THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE
www.104.fr
DIMANCHE 22
HORAIRES À PRÉCISER
// D. Deflorian I A. Tagliarini 2e PROG. // THÉÂTRE DE LA COLLINE
MARDI 24
18 H 30 // Grèce // LECTURE // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS
PALAIS DE TOKYO
www.palaisdetokyo.com
MAISON DE LA POÉSIE
www.maisondelapoesieparis.com
19 H // Antonio Tagliarini I Miguel Pereira // DANSE I PERFORMANCE // THÉÂTRE DE LA VILLE I LA COUPOLE
LES BERGES DE SEINE
VENDREDI 27
www.lesberges.paris.fr
18 H 30 // Italie // LECTURE // THÉÂTRE DE LA VILLE I CAFÉ DES ŒILLETS
SAMEDI 28
15 H I 18 H // Roger Bernat // THÉÂTRE // LE CENTQUATRE
19 H // Jordi Gali // DANSE I INSTALLATION // THÉÂTRE DE LA VILLE I LA COUPOLE
20 H 30 // Diego El Cigala // MUSIQUE // THÉÂTRE DE LA VILLE I GRANDE SALLE
MERCI À
Francesc Casadesus, Ariel Goldenberg, Salvador Sunyer, Francesca Corona,
Christophe Slagmuylder, Antonio Pinto Ribeiro, Tiago Bartolomeu Costa,
Mark Deputter, Cristina Grande, Katia Arfara, Yorgos Loukos
www.theatredelaville-paris.com
WIM VANDEKEYBUS • 25
booty Looting © DANNY WILLEMS
avril-juin 2014
VOL EN BANDE ORGANISÉE
Créer, c’est piller des histoires, et partager le butin. Dans booty Looting, un photographe « vole », en direct sur le plateau,
les expressions des danseurs. Wim Vandekeybus a toujours cherché à prendre l’image de vitesse.
Attraper au vol, chorégraphier comme un chasseur-voleur. De
mouvements, d’énergies, d’intensités. Dès son premier spectacle, What the Body Does Not Remember, en 1987 (pièce fondatrice qu’il a récemment reprise et que sa compagnie, Ultima Vez,
danse à nouveau), Wim Vandekeybus entrait par effraction
dans le monde de la danse contemporaine, jetant sur le plateau
un commando de corps bagarreurs, aimantés par quelque instinct de survie. Certes, il avait participé à la création du légendaire Pouvoir des folies théâtrales de Jan Fabre, mais ses années
de formation, en psychologie et en photographie, ne le prédisposaient pas spécialement à se proclamer chorégraphe. Alors,
laissant à d’autres les compositions savantes et le raffinement
des gestes, Vandekeybus est allé directement dérober à la danse
ce qu’elle a de plus secret, en prenant de vitesse des états de
corps, ceux-là même dont le corps ne se souvient pas, tant ils
ont été digérés par l’apprentissage physique. « La danse pour la
danse ne me suffit pas, disait-il au début des années 1990. Ce qui
m’intéresse, c’est l’endroit où les limites s’estompent, où les sens se
chevauchent, où les états d’âme se mêlent en une seule et même
émotion. L’intensité balaie le sens ou, plutôt, elle constitue ce qui
substitue au-delà du sens. »
Chevauchée des sens, qu’ils viennent des corps eux-mêmes, et
des actions qui les engagent, de la musique et des rythmes qu’elle
impulse, de la scénographie et des images qui se forment. Puzzle
dynamique, en incessante recomposition, qui témoigne du
bouillonnement d’un champ de visions, dont la danse attise le
feu. Là encore, l’instinct du voleur : prendre l’image de vitesse,
la saisir en cours de formation, avant qu’elle ne se stabilise en
cliché. Pour Vandekeybus, l’image produite par la danse n’est pas
un dépôt résiduel, mais un incendie qui se propage. Les corps
en mouvement en sont le phosphore, l’incandescence incarnée.
booty Looting, créé en 2012 à la Biennale de Venise, est dans
cette veine. Le titre évoque l’idée de « piller un butin ». Voler ce
qui a déjà été volé. En recycler le cours. « L’art crée ainsi sa propre
mythologie, commente Wim Vandekeybus, en créant à partir de
ce qui existe ou a existé, il s’agit d’inventer autre chose et de le rendre
crédible. » Sur un fil mélodique rock (Elko Blijweert à la guitare
électrique), booty Looting est ainsi parsemé d’histoires et de
citations qui se télescopent, d’une Médée contemporaine (l’actrice allemande Birgit Walter) aux coyotes de Joseph Beuys (la
célèbre performance I love Amercia and America loves me) et
autres happenings légendaires réinterprétés par Jerry Killick en
maître de l’esbroufe. Mais au-delà des références qui le nourrissent, c’est le spectacle lui-même qui devient objet de détournements et de pillages. Shooting en direct : un photographe, Danny
Willems, se mêle aux danseurs et subtilise leurs expressions. Les
clichés sont aussitôt projetés sur grand écran. « Cette instantanéité n’aurait pas été possible il y a vingt ans. Là, on voit chaque
image telle qu’il la prend, indique Vandekeybus. En ce sens, c’est
pour le public un spectacle interactif, parce qu’il ne s’agit pas seu-
lement d’admirer le résultat, mais d’entrer dans sa fabrication. »
Et sans doute réalise-t-on alors, en témoins directs de cette prise
de vues (comme on pourrait le dire d’un butin), combien notre
société se reflète dans une incessante chasse aux icônes, dont la
mise en scène contribue à façonner le regard que nous portons
sur la réalité.
J.-M. A.
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I B
14 < 25 AVRIL
WIM VANDEKEYBUS
ULTIMA VEZ
booty Looting CRÉATION 2012
Wim Vandekeybus
& DRAMATURGE Greet Van Poeck
Davy Deschepper, Francis Gahide, Wim Vandekeybus
CRÉATION SON Antoine Delagoutte
STYLISME Isabelle Lhoas ASSISTÉE PAR Frédérick Denis
ASSISTANT MOUVEMENT Máte Mészáros
CRÉÉ AVEC & INTERPRÉTÉ PAR Jerry Killick, Birgit Walter, Luke Jessop, Dymitry Szypura,
Elena Fokina, Luke Murphy
MUSIQUE ORIGINALE LIVE Elko Blijweert
LIVE STILL-PHOTOGRAPHIE Danny Willems
MISE EN SCÈNE, CHORÉGRAPHIE, SCÉNOGRAPHIE
ASSISTANTE ARTISTIQUE
CRÉATION LUMIÈRES
PRODUCTION Ultima Vez (Bruxelles). COPRODUCTION Dance Biennale 2012 (Venise) – KVS (Bruxelles) –
Schauspiel Köln (Cologne). Ultima Vez reçoit l’appui des Autorités flamandes et de la Commission
communautaire flamande de la région de Bruxelles-Capitale.
26 • FAUSTIN LINYEKULA
Théâtre de la Ville PARIS
Drums and Digging © AGATHE POUPENEY
avril-juin 2014
CHERCHEUR DE RÊVE
Ruines et misère : face à l’histoire chaotique de son pays, la République démocratique du Congo, Faustin Linyekula est
parti en quête de récits, de rêves et de chants pour étayer l’architecture légère d’un territoire de création. Malgré tout.
Raconter des histoires dont le corps est l’ultime
dépositaire, tel est l’enjeu et telle est la singularité du parcours de Faustin Linyekula. Son titre
de chorégraphe ne suffit pas à embrasser tout
ce que représentent les spectacles des Studios
Kabako, fondés à l’aube du troisième millénaire, chez lui, en République démocratique
du Congo (RDC), un pays qui n’en finit pas de
raturer son nom et son histoire depuis son indépendance, en 1960. Assis sur un banc aux côtés
d’une marionnette au visage blanc, rappel d’une colonisation qui observe, sans broncher, la
dévastation d’un territoire dévoré par les guerres, Faustin prend la parole : « C’est encore moi,
Kabako. Je suis un raconteur d’histoires. Cela fait dix ans que je les promène sur les routes de la danse
contemporaine… Mais aujourd’hui, je suis dans une impasse, je ne sais plus comment avancer… parce
que je ne veux plus raconter des histoires de misères. » Mais, chez lui, en « RDC, ex-Zaïre, ex-Congo
belge, ex-État indépendant du Congo, ex-propriété privée du roi des Belges, que trouve-t-on sinon des
histoires de ruines ? »
Drums and Digging (littéralement « tambours » et « se retrancher » ou « creuser ») épouse la
forme ouverte du rêve pour réunir les thèmes de ses pièces précédentes, collectives (Le Festival
des mensonges, Sur les traces de Dinozord) ou jouées en solo (Le Cargo). Chaque fois, Faustin
Linyekula aura confronté l’histoire chaotique de son pays à sa volonté d’y rester et d’y construire
une œuvre avec ses amis et interprètes, qu’ils soient danseurs, comédiens ou musiciens.
Pour Drums and Digging, tous sont partis en voyage avec lui, dans le village d’Obilo, où il a passé
une partie de son enfance et où se trouvent ses premiers souvenirs de danse. Des danses secrètes
qu’il n’avait pas le droit de regarder et qu’il aurait voulu apprendre auprès du grand maître des
percussions, Hanabouton, aujourd’hui devenu pasteur évangélique, à qui il est désormais interdit de jouer du tambour. Puis, ils sont allés à Gbadolite, dans le palais en ruine de Mobutu, avec
la comédienne Véronique Aka Kwadeba, petite-nièce de l’ex-président de la RDC, qui se souvient
de sa splendeur passée, avant de repartir à Kisangani, où sont installés les studios Kabako.
De ces voyages, ils ont rapporté des récits, des rêves et des chants où alternent la beauté des
rythmes et des danses, en cercles ou en solos, la raucité de la voix du musicien Pasnas, le récit en
transe de Véronique Aka Kwadeba mêlant la vérité historique au voyage fantastique d’Alice au
pays des merveilles, la neutralité de leurs tenues sombres et les costumes et robes à ballons de
tissus africains colorés qui métissent les époques. Jusqu’à l’espace, vide, dans lequel ils construisent une architecture éphémère de bois pour abriter leur rêve, « un rêve qui creuse, un rêve qui
brûle, un rêve traqué, un rêve matraqué ». Au rêve de grandeur de Mobutu chanté par Pasnas,
égrenant les dates d’une histoire qui démarre en 1963 et se termine en 1997, Faustin Linyekula
oppose la grandeur du rêve, revendique le territoire de la création comme un espace de quête et
d’exploration. Il conclut, avec les mots du poète chinois du IXe siècle Meng Chiao : « Que peut-on
encore dire lorsque le son se meurt ? Si l’espoir est mort, la chanson devient inutile », par l’évidence de
ce qui le meut : « Le rêve n’est plus ici, il faut continuer à le chercher. » Chercheur de rêve, voilà ce
F. A.
qui résume le mieux l’art fragile et invincible de Faustin Linyekula.
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I A
28 AVRIL < 2 MAI
FAUSTIN LINYEKULA
STUDIOS KABAKO
Drums and Digging CRÉATION 2013
Faustin Linyekula SCÉNOGRAPHIE Bärbel Müller
Dorine Mokha RÉALISATION COSTUMES Ignace Yenga
MUSIQUE TRADITIONNELLE ENREGISTRÉE & MIXÉE PAR Faustin Linyekula LORS DE FÊTES À GBADOLITE ET À OBILO
OBILO Jamos & les percussionnistes d’Obilo GBADOLITE Sese & LE GROUPE FOLKLORIQUE
Lenge Gbado Chansons Mongo CHANTÉES EN DIRECT TRANSMISES À KINSHASA PAR Mère Evala
AVEC Papy Ebotani, Véronique Aka Kwadeba, Rosette Lemba, Faustin Linyekula,
Yves Mwamba, Pasnas, Pasco Losanganya
DIRECTION ARTISTIQUE
ASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE
PRODUCTION Studios Kabako – Virginie Dupray. COPRODUCTION Festival d’Avignon – KVS, Bruxelles –
Théâtre de la Ville-Paris – Theaterformen, Hannover/Braunschweig avec le soutien de la Kulturstiftung
des Bundes dans le cadre de Shared Spaces – Pamoja, projet porté par les Studios Kabako,
programme ACP-UE d’appui au secteur culturel ACP financé par l’Union européenne. Les Studios
Kabako sont soutenus par la DRAC Île-de-France/ministère de la Culture et de la Communication
(aide au projet).
ANNE TERESA DE KEERSMAEKER • 27
Vortex Temporum © HERMAN SORGELOOS // À DROITE Anne Teresa de Keersmaeker © ANNE VAN AERSCHOT
avril-juin 2014
CARNETS D’UNE CHORÉGRAPHE /
EN ATENDANT, CESENA 2 VOLUME
e
→ THÉÂTRE DE LA VILLE
GRATUIT SUR RÉSERVATION www.theatredelaville-paris.com
RUBRIQUE RENCONTRES PUIS CALENDRIER ET INSCRIPTION
MARDI 29 AVRIL 18 H
Conversation entre la chorégraphe Anne-Teresa De
Keersmaeker et la théoricienne des arts et musicologue
Bojana Cvejic.
Les deux femmes ouvrent grand les fenêtres et passent
en revue les principes, les techniques, les concepts
qui ont présidé à l’élaboration du récent diptyque
de la chorégraphe (En Atendant et Cesena).
Avec extraits vidéo des spectacles.
Cf. référence du livre page 37
L’EXPÉRIENCE DU TEMPS
Avec les musiciens de l’ensemble Ictus et les interprètes de Rosas, Anne Teresa De Keersmaeker explore les « virtualités
dansantes » de Vortex Temporum, une composition de Gérard Grisey considérée comme une œuvre-clé de la musique
spectrale.
Vortex Temporum (1994-1996) est l’une des œuvres-clés de la
musique spectrale, une œuvre de maturité, aussi raffinée que
rigoureusement construite, du compositeur français Gérard
Grisey. Qu’est-ce qui vous a spécifiquement intéressée dans
Vortex ?
ANNE TERESA DE KEERSMAEKER : Je suis fascinée par la façon dont
cette musique compose le temps, comment elle passe d’un temps
codé, régulier, pulsé, à une sorte de temporalité liquéfiée où la
pulsation vacille et se dissout. L’espace sonore de Vortex est aussi
vaste dans le registre de ses raffinements qu’extrême dans ses
contrastes. J’y entends une surabondance de mouvements, avec
de puissantes contractions et dilatations de l’expérience du
temps. Cette musique ouvre à la danse un immense champ de
possibilités, qui tiennent à sa magnifique construction mathématique abstraite, qu’on ne découvre qu’en lisant la partition.
Elles tiennent par ailleurs à l’interprétation elle-même, dans sa
dimension véritablement gestuelle, à sa physicalité instrumentale, qui exacerbe la relation entre le corps du musicien et son
instrument, mettant à nu la part brute et matérielle des actions
en jeu dans la production du musical. Dans Vortex j’aime tout
particulièrement le fait que cette intensité du geste est d’emblée
pensée comme un élément central de l’écriture. L’effort de composition vise ici à forger une expérience d’écoute, comme si l’on
avait pénétré par une fissure microscopique dans l’univers des
sons pour mieux voir les gestes qui les produisent. Ce qui m’a
toujours poussée à inviter des musiciens pour des performances
live, c’est qu’au fond j’adore les regarder, j’adore être là, tout
près d’eux, tandis qu’ils jouent ! Le mouvement de danse matérialise l’énergie de la musique, l’envoie au regard et à l’imaginaire kinesthésique du public.
Les danseurs, en somme, tracent pour le public la fenêtre par
laquelle la musique lui parviendra, filtrée par le mouvement.
Quels sont les critères que vous utilisez pour apparier danseurs
et instrumentistes ?
Il s’agit de chorégraphier mon expérience de cette
musique. Que le public en perçoive les virtualités dansantes. […]
Nous avons passé beaucoup de temps, avec les danseurs, à
regarder les musiciens jouer Vortex. Lorsque nous observons la
musique, nous tentons de saisir les qualités dansées qui en
émanent. […] Je cherche des correspondances intuitives. Toutes
sortes d’alliances sont bien sûr possibles entre danseurs et instruments, mais certaines connexions offrent des combinaisons
d’énergies physiques particulièrement efficaces : connexions
entre le rôle d’un instrument et certains idiomes dansés, ou certains corps dansants, et même, pourquoi pas, des connexions
entre certains individus pris pour ce qu’ils sont, tels que la danse
et le jeu instrumental les révèlent.
A. T. DE K. :
Comment distribuez-vous le regard et l’écoute, la danse et le
jeu instrumental, les danseurs et les musiciens – et comment
cela configure-t-il l’espace ?
A. T. DE K. : Il s’agit entre autres de distinguer des premiers plans
et des arrière-plans, concrètement dans l’espace, et métaphoriquement dans l’attention du spectateur. De mes sessions de répétitions avec Björn Schmelzer pour Cesena, j’ai retenu l’importance du travail en cercle. Les modèles à l’œuvre dans la musique
de Vortex invitent la danse à développer des cercles et des spirales. […] Le modèle géométrique qui gouverne l’occupation de
l’espace se compose ici de cinq cercles connectés au cercle principal, que je fais correspondre aux six instruments de la parti-
tion. En outre, je focalise mes recherches sur la notion de centre
mobile, seul point d’apaisement des tourbillons, et sur les mouvements d’ouverture et de fermeture dans l’espace, correspondant aux mouvements musicaux de contraction et d’expansion
du temps.
Extraits d’un entretien réalisé par Bojana Cvejić
pour MonnaieMuntMagazine n° 22, sept.-nov. 2013
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I E
28 AVRIL < 7 MAI
ANNE TERESA DE KEERSMAEKER
2e PROG.
ROSAS & ICTUS
Vortex Temporum CRÉATION 2014
Anne Teresa De Keersmaeker CRÉÉ AVEC & DANSÉ PAR Boštjan Antončič,
Carlos Garbin, Marie Goudot, Cynthia Loemij, Julien Monty, Michaël Pomero, Igor
Shyshko CRÉÉ AVEC Chrysa Parkinson MUSIQUE Vortex temporum, Gérard Grisey (1996)
DIRECTION MUSICALE Georges-Elie Octors MUSICIENS ICTUS Jean-Luc Plouvier PIANO Michael
Schmid FLÛTE Dirk Descheemaeker CLARINETTE Igor Semenoff VIOLON Jeroen Robbrecht
ALTO Geert De Bièvre VIOLONCELLE
LUMIÈRES Anne Teresa De Keersmaeker, Luc Schaltin CONSEILLER ARTISTIQUE LUMIÈRES
Michel François COSTUMES Anne-Catherine Kunz DRAMATURGIE MUSICALE Bojana Cvejić
ASSISTANTE ARTISTIQUE Femke Gyselinck DIRECTEUR DES RÉPÉTITIONS Mark Lorimer
COORDINATION ARTISTIQUE & PLANNING Anne Van Aerschot
CHORÉGRAPHIE
Rosas. COPRODUCTION De Munt / La Monnaie, Bruxelles – Ruhrtriennale – Les Théâtres de la
Ville de Luxembourg – Théâtre de la Ville-Paris – Sadler’s Wells, Londres – Opéra de Lille – ImpulsTanz,
Vienne – Holland Festival, Amsterdam – Concertgebouw, Bruges.
PRODUCTION
28 • PAULO RIBEIRO
Théâtre de la Ville PARIS
JIM © LUIS BELO
avril-juin 2014
AVEC JIM MORRISON,
UN SENS DU COLLECTIF
Le chorégraphe portugais va chercher auprès de la fougue de Jim Morrison
« l’invitation à rester éveillés ».
Paulo Ribeiro appartient à cette génération d’artistes portugais à qui la révolution
des Œillets, en 1974, a pu ouvrir l’espace des possibles. Quarante ans plus tard, que
reste-t-il des rêves d’alors ? « Nous vivons maintenant sous le poids de ce fantôme
de la non viabilité d’un pays, d’un continent, d’un monde », dit le chorégraphe. En
2006, avec Malgré nous, nous étions là, il annonçait son retrait de la scène. Avec
JIM, il y fait aujourd’hui son retour, entouré de six interprètes. Entre-temps, il a
exploré l’univers de Tarkovski, signant en 2011 Du Don de soi. De la générosité
d’énergies mises en partage au sentiment de « sacrifice des corps », la ligne de
Paulo Ribeiro épouse les soubresauts de l’époque. Contre le risque d’anéantissement, c’est auprès de la fougue de Jim Morrison que le chorégraphe est allé chercher, pour sa nouvelle création, « l’invitation à rester éveillés ». An American
Prayer, album culte des Doors, électrise une pièce aux allures de rituel festif,
digue collective contre les vagues du renoncement.
J.-M. A.
ENTRETIEN
Pourquoi Jim Morrison ?
Jim Morrison était un homme solitaire, totalement tourné vers
lui-même et qui défiait constamment la frontière de la lucidité. Bien dans l’esprit
des années 1960, cet état médiumnique était un moyen pour atteindre d’autres
états de perception et de sensibilité. Dans ma génération, c’est quelque chose
qui nous a toujours accompagnés, surtout dans l’adolescence, période où l’on
ressent le désir d’être plus ouvert au monde, plus universel.
Je suis fasciné par la passion de Jim Morrison pour la poésie. Cette dimension
poétique influençait sa propre composition musicale. Je suis aussi fasciné par sa
volonté de créer des rituels… Pour moi une chorégraphie doit être un rituel,
PAULO RIBEIRO :
quelque chose qui nous emporte et nous emmène plus loin, souvent sans que
l’on sache où nous allons échouer. Ces points en commun m’ont poussé dans un
processus exploratoire qui s’est fait au son de An American Prayer qui constitue, en
tant qu’album posthume, un registre fantastique. J’ai décidé de le chorégraphier
dans sa totalité, avec quelques échappées. Pour autant, je ne veux pas que ce soit
une pièce représentative ou illustrative de Jim Morrison, c’est une pièce habitée
par des sensations qui se construisent et se déconstruisent autour d’une époque,
des préoccupations d’une politique, d’un abandon, mais aussi de quelque chose
de très festif et surtout d’une humanité très forte. Je ressens sur le plan personnel
et collectif, ce souci constant de secouer les consciences et d’éviter le prévisible.
La pièce se termine dans une célébration de la vie, avec le rythme très prégnant
de Ghost Dance, sur lequel les interprètes s’amusent simplement ; ils dansent
dans le plaisir et dans le détachement, laissant ouvert quelque chose qui nous
invite à devenir plus actifs par rapport à la vie que mène chacun de nous. […]
Plus que jamais il est temps de faire face et de trouver différentes stratégies pour
nous ressourcer. Secrètement et individuellement, nous devons continuer à
revendiquer une place pour l’intériorité. Le rôle de la danse est celui-là : ne pas
laisser mourir la capacité à se transformer qui existe en chacun de nous. J’ai
voulu que les interprètes construisent quelque chose collectivement, manifestant ainsi une intention claire fondée sur le besoin de plus en plus affirmé de
nous réinterroger ensemble, en tant que collectif.
Extraits d’un entretien réalisé par Marisa Miranda à la création de JIM
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I A
10 < 14 JUIN
PAULO RIBEIRO
CIE PAULO RIBEIRO
JIM CRÉATION 2012
& DIRECTION Paulo Ribeiro
Bernardo Sassetti, Indigo ;
The Doors, An American Prayer
& Spanish Caravan
CHORÉGRAPHIE
MUSIQUE
COLLABORATION
& ASSISTANCE MUSICALE
Miquel Bernat
VIDÉO Fabio Iaquone & Luca Attilii
LUMIÈRES Nuno Meira
COSTUMES José António Tenente
INTERPRÉTÉ PAR Teresa Alves da Silva, Carla
Ribeiro, Leonor Keil, Sandra Rosado,
Jácome Filipe & Pedro Ramos
AVEC LA PARTICIPATION SPECIALE DE Paulo Ribeiro
COPRODUCTION GUIMARÃES 2012/Capital
Europeia da Cultura – Teatro Nacional São
João – São Luiz Teatro Municipal.
avril-juin 2014
TANZTHEATER WUPPERTAL I PINA BAUSCH • 29
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I E
21 JUIN < 5 JUIL.
TANZTHEATER WUPPERTAL I
PINA BAUSCH
Palermo Palermo 1989
& CHORÉGRAPHIE Pina Bausch DÉCOR Peter Pabst
Marion Cito COLLABORATION MUSICALE Matthias Burkert
Lutz Förster DIRECTION ADMINISTRATIVE Dirk Hesse
AVEC 26 danseurs
MISE EN SCÈNE
COSTUMES
DIRECTION ARTISTIQUE
COPRODUCTION
Teatro Biondo Stabile – Palerme et Andres Neumann
International.
PROJECTION
Palermo Palermo © LAURENT PHILIPPE
→ THÉÂTRE DE LA VILLE
TARIF 10 €
MERCREDI 2 JUILLET 20 H 30
Ahnen Ahnen
Il y a des surprises qui ressemblent à des miracles. Ce film resté dans les archives pendant
un quart de siècle se révèle extraordinaire.
AVANT-APRÈS LA CHUTE DU MUR
En décembre 1989, alors que la réunification allemande fait ses premiers pas, Pina Bausch crée Palermo Palermo,
pièce-charnière qui ouvre en beauté la voie à toute une « esthétique du divers ».
Novembre 1989, le peuple de Berlin s’attaque à la frontière-ligne
de démarcation qui déchire la ville en deux, séparant l’Est de
l’Ouest. Un mois après la « chute du Mur », loin de là, tombe un
autre mur. Celui-ci, au début de Palermo Palermo, obstrue tout
le cadre de scène du spectacle que crée Pina Bausch. Puis il vole
en éclats, moellons jonchant le plateau. Peu avant la création, la
chorégraphe a tenu à préciser que cette image n’est en rien illustration, ou réplique, de ce qui vient d’advenir à Berlin ; que Peter
Pabst, le fidèle scénographe de Pina, avait proposé cette idée
des mois plus tôt. Et sans doute, en effet, ce mur qui s’écroule au
début de Palermo Palermo est-il d’abord et avant tout métaphore
des « murs invisibles qui existent partout dans le monde, dans nos
têtes 1 ».
Il n’empêche. Si l’on veut bien considérer que les artistes sont,
parfois, dans l’étrange pressentiment de ce qui vient 2, alors la
coïncidence qui va de Berlin à Palermo Palermo ne manque pas
de surprendre. Alors que l’histoire de l’Europe se recompose à
partir de la réunification allemande, Pina Bausch, en création en
Sicile, terre d’éruptions et creuset archaïque de cultures entrelacées, ne serait-elle pas déjà projetée dans le pressentiment de
ces énergies bizarres, en partie incontrôlables, qui nous viennent
du Sud ? « Le Sud m’a toujours attirée, confiait Pina. J’avais déjà,
de nombreuses fois, utilisé des musiques siciliennes, des musiques
des pays du Sud. Je ne peux pas dire pourquoi ces musiques m’ont
choisie… En tout cas, je trouvais la Sicile follement importante,
toutes ces influences si nombreuses, si diverses… Il y avait là tant de
choses à vivre, à apprendre, à ressentir 3… »
Palermo, Palermo aura été, pour le Tanztheater de Wuppertal, la
pièce-charnière à partir de laquelle se sont profilées les escales
à venir, ancre jetée dans cette « esthétique du divers » chère à
l’écrivain-voyageur Victor Segalen : Madrid, l’Argentine, Los
Angeles, Hongkong, Lisbonne, Budapest, Istanbul, le Japon et
la Corée du Sud, la Hongrie, le Chili… Déjà, en 1986, la création
de Viktor avait été imprégnée de son séjour de trois semaines en
résidence à Rome, pour la première fois hors du fief de Wuppertal. Selon Leonetta Bentivoglio, cette pièce, qui reflétait « une
méditerranéité perçue comme un charme nocturne et menaçant »,
était en outre « dominée par le sentiment d’une catastrophe, d’un
tremblement de terre ou d’un cataclysme », et l’une des scènes les
plus marquantes laissait venir « le déchaînement imprévu d’un
désordre collectif effréné. Un lieu de passage surréel où tout est possible et où chacun mène son propre jeu dans une guerre d’actions
individuelles 4. »
Trois ans plus tard, Palermo Palermo affirmait cette prééminence des solos sur les grands moments d’unisson. « J’ai toujours tellement voulu que chacun soit individuellement présent
dans la pièce, que l’on distingue quelque chose de son être, de sa
manière, de sa qualité…, commentait Pina. Cela a aussi à voir
avec le fait que notre corps est le seul bien que l’on ait et que cette
fragilité, à l’époque actuelle, est quelque chose de si important…,
parfois on n’a pas envie d’en dire plus, je crois, les temps sont si
durs 5. » Il n’est pas certain qu’en 2014, les temps soient moins
durs. Mais dans la vigueur de Palermo Palermo, l’une de ses
pièces majeures, Pina nous aura légué un formidable appel à
danser la vie, dans son anarchique beauté.
J.-M. A.
Pina Bausch, propos recueillis par Dominique Frétard, Le Monde, 17 mai 1990.
Cf. Georges Didi-Huberman, Sentir le grisou, éditions de Minuit, 2014.
3 Entretien avec Jean-Marc Adolphe, in Guy Delahaye, Pina Bausch, éditions
Actes Sud, 2007.
4 Leonetta Bentivoglio, « Ce soir, devant vous… », traduction Michel Bataillon,
programme des représentations de Viktor à l’Opéra de Lyon, mars-avril 1994.
5 In Guy Delahaye, Pina Bausch, op. cit.
1
2
30 • DANSE ÉLARGIE I 3e ÉDITION
Théâtre de la Ville PARIS
avril-juin 2014
VOUS PENSEZ QUE LES PORTES DES THÉÂTRES SONT TROP FERMÉES ? QU’IL FAUT
EN INVENTER DE NOUVELLES, PLUS LARGES ? VOUS PENSEZ QUE LES NOUVELLES
GÉNÉRATIONS N’ONT PAS ASSEZ DE PLACE ? VOUS PENSEZ QUE SOUS PRÉTEXTE
D’ORGANISER UNE COMPÉTITION, IL EST POSSIBLE DE FAIRE UN HAPPENING,
VRAI, GRAND, LIBRE ? UN MOMENT OUVERT QUI CHANGE LA DONNE
DE CE QUI EST AUTORISÉ HABITUELLEMENT ? VOUS PENSEZ QUE DE TOUTE FAÇON
LA COMPÉTITION A LIEU AU QUOTIDIEN ? QUE LA SÉLECTION EST IMPITOYABLE
MAIS QU’AU MOINS SUR LE GRAND PLATEAU IL Y A DE LA PLACE POUR
LES DIAGONALES ? VOUS AVEZ ENVIE DE VOIR, D’ASSISTER, DE DÉCOUVRIR,
D’ENCOURAGER ? VOUS ÊTES LES BIENVENUS, ET NOUS SERONS
RAVIS DE VOUS ACCUEILLIR.
3e ÉDITION I DANSE ÉLARGIE • 31
avril-juin 2014
LE CONCOURS DE DANSE, UN « READY-MADE »
À l’approche d’une nouvelle édition de Danse élargie, entretien croisé entre Boris Charmatz, chorégraphe et directeur
du Musée de la danse à Rennes, et Claire Verlet, adjointe à la programmation du Théâtre de la Ville à Paris.
Vous présenterez la 3e édition de Danse élargie en juin 2014.
Quel bilan tirez-vous des deux premières éditions (2010 et
2012) ?
Il est peut-être trop tôt encore pour mesurer
l’impact durable de Danse élargie. En tout cas, les deux éditions
nous ont permis de rencontrer des artistes que, personnellement, je n’aurais sans doute pas croisés autrement. Les chorégraphes qui s’adressent au Musée de la danse pour solliciter un
accueil-studio, principal outil de soutien à la création des centres
chorégraphiques nationaux, appartiennent généralement au
monde de la danse. Pour Danse élargie, nous recevons des propositions de jeunes créateurs de tous horizons, donc aussi de
plasticiens, de performeurs, de comédiens…
CLAIRE VERLET : Cette manifestation continue de bousculer les
habitudes du Théâtre de la Ville : elle présente des artistes
inconnus, des propositions atypiques, dans leur format comme
dans leur durée, et attire un public très large, souvent nouveau,
car l’entrée est gratuite et sans réservation. Elle s’est révélée
être un formidable outil de repérage des jeunes artistes, d’une
part parce qu’elle draine au-delà du strict champ chorégraphique, d’autre part parce qu’elle autorise une prise de risque
maximale dans la présélection.
B. CH. : J’adore la première journée car, contrairement à un festival qui programme des artistes déjà repérés, on découvre ici des
essais, des formes qui se testent, qui se cherchent.
BORIS CHARMATZ :
cinéma ou l’architecture. Les grandes pièces grecques ont été
créées lors de concours. Cela ne signifie pas pour autant que
nous adoptons le fonctionnement de la Nouvelle Star ou d’un
show-case ! Le jury d’ailleurs n’est composé que d’artistes et non
de professionnels ou de programmateurs.
→ SAMEDI 14 JUIN & DIMANCHE 15 JUIN
UN CONCOURS IMAGINÉ PAR LE MUSÉE DE LA DANSE
À RENNES & LE THÉÂTRE DE LA VILLE À PARIS
MAÎTRE DE CÉRÉMONIE
Scali Delpeyrat*
JURY INTERNATIONAL
Que recouvre le concept de « Danse élargie » ?
B. CH. : Cette manifestation relève de la création in situ, puisque
les règles (dix minutes maximum, trois artistes minimum sur le
plateau) sont très spécifiques et ne correspondent pas aux formats standards.
CL. V. : Il s’exerce effectivement une tension extrême entre ces
règles très strictes et la liberté totale d’action à l’intérieur de ces
règles. C’est ce qui permet des propositions inédites.
Le concours se déroule en deux phases. Comment s’opère
la présélection des vingt projets, retenus parmi les quelque
400 dossiers que vous recevez ?
Un comité croisant les équipes du Musée de la danse et
du Théâtre de la Ville s’enferme en conclave pour trois jours !
L’exercice est complexe… Au-delà de la pertinence artistique,
nous évaluons la capacité de l’artiste à réaliser concrètement
son projet, au regard de ses ambitions, de son parcours et de la
« maquette » qu’il nous soumet. Bref, on hésite et on discute
beaucoup !
CL. V. :
Pourquoi avez-vous choisi le format du concours, peu commun aujourd’hui dans la danse contemporaine ?
Quel accompagnement proposez-vous aux participants,
lauréats ou pas ?
B. CH. : Le projet du Musée de la danse vise à reconsidérer l’histoire de la danse et des arts pour mieux penser le présent. Les
artistes se sont préoccupés de répertoire et de reconstruction,
réactivation, appropriation, citation… mais peu des protocoles
de travail et des conditions de la création. D’où l’intérêt de
reprendre un objet historique, le concours de danse, qui marqua notamment les années 1980 grâce à celui de Bagnolet, et
de l’envisager aujourd’hui différemment, comme un ready-made
historique. D’autre part, Paris reste peu accessible aux jeunes
artistes, non seulement pour y vivre mais aussi pour y montrer
leur travail, encore fragile et hésitant. L’arrivée d’Emmanuel
Demarcy-Mota à la direction du Théâtre de la Ville laissait augurer d’une ouverture. Nous avons pensé ensemble une nouvelle
modalité collective de partage du plateau, un happening sous
forme d’un concours très ouvert, qui attirerait des artistes au-delà
du cénacle de la danse. Enfin, je n’avais pas peur du « concours »,
en vigueur dans nombre de disciplines artistiques, comme le
B. CH. : J’aime le côté ready-made de Danse élargie, hors des
logiques de carrière… La dotation financière des prix et l’implication de la Fondation d’entreprise Hermès, du Théâtre de la
Ville et du Musée de la danse assurent cependant un suivi des
équipes repérées. L’accompagnement ne se limite pas aux lauréats. Nous accueillons en résidence des artistes que nous avons
découverts lors du concours d’abord en fonction de l’intérêt
que nous portons à leur démarche.
CL. V. : Ce dispositif de découverte de nouveaux talents ne vaut
que par l’accompagnement que nous mettons en place, autrement dit par la tension entre l’effervescence éphémère, la spontanéité du concours et l’action dans la durée, qui va permettre
un développement de l’artiste et de ses projets. Les artistes
repérés sont régulièrement intégrés dans la programmation du
Théâtre de la Ville, avec leur projet issu du concours Danse
élargie ou avec une autre création.
Entretien réalisé par Gw. D.
Trajal Harrell CHORÉGRAPHE États-Unis
Mathilde Monnier CHORÉGRAPHE France
Thomas Ostermeier METTEUR EN SCÈNE Allemagne
Bouchra Ouizguen CHORÉGRAPHE Maroc
Pedro Penim COMÉDIEN & METTEUR EN SCÈNE Portugal
Marjane Satrapi AUTEUR DE BANDE DESSINÉE, PEINTRE & RÉALISATRICE Iran
Noé Soulier DANSEUR & CHORÉGRAPHE France
LISTE EN COURS…
SAMEDI
14 JUIN Présentation des 20 projets sélectionnés
15 JUIN Présentation des projets finalistes & remise des prix
DIMANCHE
www.danse-elargie.com
UNE AVENTURE ARTISTIQUE À VIVRE AVEC LES 20 CANDIDATS
Le temps d’un week-end, le Théâtre de la Ville devient un lieu
d’expérimentation, de création et de partage entre les artistes
et le public.
Dimanche soir, le jury composé d’artistes internationaux
décernera trois prix, et le jury des spectateurs remettra
le prix du public.
* Le maître de cérémonie de cette 3e édition, chargé de présenter le concours tout
au long du week-end est l’auteur, comédien et metteur en scène Scali Delpeyrat.
Scali Delpeyrat a reçu le prix du public avec Dance is a dirty job but somebody’s
got to do it lors de la 1re édition, en 2010.
EN PARTENARIAT AVEC
AVEC LE SOUTIEN DE
ENTRÉE LIBRE SANS RÉSERVATION,
OUVERT AU PUBLIC TOUTE LA JOURNÉE.
PAGE DE GAUCHE :
L’Homme transcendé, Suguru Goto
Dance is a dirty job but somebody’s got to do it, Scali Delpeyrat
Un allligator deux allligators ohé ohé, Jonathan Drillet & Marlène Saldana
© AGATHE POUPENEY
32 • MUSIQUE
Théâtre de la Ville PARIS
Amandine Beyer & Kristian Bezuidenhout © MARCO BORGGREVE
Quatuor Takács © ELLEN APPEL
Barthold Kuijken © THIERRY MARTINOT
avril-juin 2014
LE SOUFFLE DU GÉNIE
Quand la flûte de Barthold Kuijken devient l’âme
de Bach.
Beauté, pureté, simplicité définissent le jeu du musicien belge :
c’est un maître. Son éloquence, la précision de son phrasé, la
dimension de sa pensée sont à la hauteur du génie de Bach. Et
pourtant, plus il approfondit son œuvre, plus il s’interroge,
moins il affirme. Ainsi, le mystère, les imprécisions qui entourent
les Sonates pour flûte, au programme de son nouveau concert, il
les revendique : « Souvent il n’y a pas de preuve, mais il arrive que,
d’article en article, les hypothèses des musicologues deviennent des
probabilités puis des certitudes. Eh bien, je remets tout cela en cause
et dis qu’on n’en sait rien. » Une seule certitude cependant : « La
beauté, la richesse de l’œuvre de Bach pour flûte. Plus on la joue,
plus on la comprend, plus on y voit d’autres choses. La vue change,
ne devient peut-être pas plus juste mais plus intense. » C’est la raison pour laquelle, en 2002, Barthold Kuijken a voulu faire avec
Ewald Demeyere un nouvel enregistrement de ces Sonates pour
flûte dont il avait réalisé, en 1988, une sublime gravure avec
Gustav Leonhardt. Avec ce jeune claveciniste belge, né en 1974,
« très doué, alliant à un esprit analytique puissant une grande
richesse émotionnelle », il va interpréter trois des « dix pièces de cet
ensemble écrites à des dates, pour des occasions et des destinataires
différents. Aussi faut-il les voir chacune séparément, non comme la
partie d’un cycle mais comme un monde. » Un sortilège.
Anne Lombard
UN QUATUOR D’ÂME
ET D’ÉLÉGANCE
Trois chefs-d’œuvre, l’un du XIXe siècle, les deux autres
du XXe, semblent raconter l’histoire de ce mythique
ensemble.
L’œuvre de Webern, 5 Mouvements pour quatuor, de 1909, marque
un retour aux sources puisque c’est avec elle que le quatuor, né
en 1975 sous le nom de son premier violon Gábor Takács, remporte au prestigieux concours d’Évian 1977, le premier prix et le
prix spécial des critiques. Yehudi Menuhin, directeur artistique
de la compétition et président du jury, louera à cette occasion
l’extraordinaire technique et le style parfait de l’ensemble.
« Depuis, nous n’avons pas joué cette œuvre aussi souvent qu’elle
l’aurait mérité », constate András Fejér, le magnifique violoncelliste et fondateur de la formation, qui ne s’est jamais laissé
abattre par l’adversité et a surmonté de terribles épreuves :
départ de Gábor Takács, remplacé par Edward Dusinberre, mort
de l’altiste Gábor Ormai, un autre membre fondateur remplacé
par Roger Tapping, auquel succède Geraldine Walther en 2005.
Beethoven, compagnon de route permanent du Quatuor Takács,
qui a donné une intégrale de son œuvre pour quatuor à cordes
au cours de la saison 1999/2000, est programmé pour la 13e fois
sur ses 32 concerts au Théâtre de la Ville et aux Abbesses.
L’Opus 132 (1825), œuvre majeure et dramatique, où Beethoven
exprime toute sa reconnaissance d’avoir survécu à la maladie,
sera le contrepoids au déchirant Quatuor n°2 de Chostakovitch
(1944). Avec le compositeur russe, qu’ils n’abordent que depuis
peu de temps et dont ils préparent un enregistrement, les Takács
inaugurent une nouvelle étape de leur itinéraire. ApprofondisA. L.
sant toujours le cycle de la vie et de la mort.
ILS ONT LA GRÂCE
Le naturel leur est commun, la sensibilité et la poésie
les réunissent, l’élan et l’intelligence les transcendent.
En 2013, au Théâtre des Abbesses, Amandine Beyer avait relevé
le défi de donner le cycle intégral des six Sonates et Partitas de
Bach. Everest mais aussi rocher de Sisyphe de tout violoniste,
qu’il joue ou non sur instruments anciens. Amandine Beyer,
elle, a choisi son camp de longue date. Approche philologique,
interprétation historiquement informée : à l’instar d’une Rachel
Podger, elle joue Bach et Mozart sur des cordes en boyau, ouvrant
la porte d’autres paysages sonores et poétiques. Nouveau chapitre, nouvel enjeu : il consiste à assembler un bouquet de sonates
et variations pour violon et piano de Mozart avec le pianofortiste
sud-africain Kristian Bezuidenhout qui en est lui-même un éminent spécialiste. Nul n’a mieux renouvelé récemment l’approche
du piano mozartien, révérence gardée à Andreas Staier ou Pierre
Goy. C’est à ce même Mozart que Bezuidenhout avait d’ailleurs
dédié ses débuts in loco en 2012.
Deux artistes doivent se trouver, s’entendre; accorder sentiments
et phrasés; s’abandonner enfin l’un à l’autre dans une inspiration
commune. C’est le prix et la récompense de l’échange musicien,
du zusammen musizieren (faire de la musique ensemble) si cher
aux Allemands. La subtilité de l’écoute mutuelle sera vertu cardinale dans l’enchaînement de trois moments de la création
mozartienne pour clavier avec accompagnement de violon,
selon la terminologie de l’époque. Ici, le caractère, le sentiment
juste, la palpitation du phrasé sont tout. Magnifique enjeu pour
deux musiciens au monde intérieur aussi riche et accompli.
Rémy Louis
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I C
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I A
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I A
SAMEDI 5 AVRIL 15 H & 17 H 30
SAMEDI 24 MAI 15 H
SAMEDI 14 JUIN 17 H
BARTHOLD KUIJKEN FLÛTE TRAVERSIÈRE BAROQUE
EWALD DEMEYERE CLAVECIN
QUATUOR TAKÁCS
AMANDINE BEYER VIOLON
KRISTIAN BEZUIDENHOUT
BACH Sonate en mi mineur, BWV 1034 (ca. 1725) ;
Fantaisie et Fugue, en la mineur BWV 904 (ca. 1725) ;
Sonate en mi majeur BWV 1035 (1741) ;
Sonate en si mineur BWV 1030 (ca. 1736)
WEBERN 5 Mouvements pour quatuor à cordes, op. 5
CHOSTAKOVITCH Quatuor n° 2, en la majeur, op. 68
BEETHOVEN Quatuor n° 15, en la mineur, op. 132
PIANOFORTE
MOZART Sonates pour violon et piano : en mi bémol majeur, K 302 ;
en ut majeur, K 303 ; en ré majeur, K 306 ; en si bémol majeur, K 454 ;
Variations en sol mineur sur Hélas, j’ai perdu mon amant, K 360
avril-juin 2014
KRONOS QUARTET • 33
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I B
LUNDI 5 MAI 20 H 30
KRONOS QUARTET
David Harrington VIOLON
John Sherba VIOLON
Hank Dutt ALTO
Sunny Jungin Yang VIOLONCELLE
PHILIP GLASS String Quartet n° 6,
en 3 mouvements * 1re EN FRANCE
TRADITIONAL/KIM SINH (arr. Jacob Garchik)
Lu’u thùy tru’ò’ng **
ORLANDO “CHOLO” VALDERRAMA
(arr. Kevin Villalta) Y Soy Llanero **
ALTER YECHIEL KARNIOL (arr. Judith Berkson)
Sim Sholom **
RICHARD WAGNER (arr. Aleksandra Vrebalov)
Prélude de Tristan und Isolde ** 1re EN FRANCE
ELENA LANGER Quartet for Five Fiddles *
1re MONDIALE
GEORGE CRUMB Black Angels
BLACK ANGELS
Laurence Neff LUMIÈRES & DÉCOR
Brian Mohr SON
Calvin Ll. Jones DIRECTION TECHNIQUE
Kronos Quartet © JAY BLAKESBERG
Programme susceptible d’être modifié.
* écrit pour Kronos Quartet
** arrangé pour Kronos Quartet
CONTRE LA FIN DES TEMPS
Fidèle au Théâtre de la Ville, le Kronos Quartet est de retour avec le légendaire, âpre et captivant Black Angels,
de George Crumb et, en création, avec un quatuor à cordes du grand Philip Glass ainsi qu’une partition
de la Britannique d’origine russe Elena Langer.
Ceux qui y assistèrent n’ont certainement pas oublié cette soirée du
19 mai 1998 où le Kronos Quartet
interpréta, sur la scène du Théâtre
de la Ville, Black Angels de George
Crumb. Car on n’oublie pas Black
Angels ; on ne sort pas indemne de
cette monumentale partition pour
« quatuor à cordes électrifié », que
le compositeur acheva à l’hiver
1970. Monumentale à tous les sens du terme, puisque cette musique du « temps de guerre »
(comme Crumb le nota lui-même sur la partition) est une sorte de tombeau pour les centaines de
milliers de soldats et de civils innocents qui, au même moment, mouraient au Vietnam. Black
Angels n’est pas seulement un quatuor à cordes : ces « treize images du pays obscur » (sous-titre
de l’œuvre) composent un requiem d’un noir d’encre comme le sang, tour à tour apocalyptique
et séraphique, scandé de thrènes déchirants. Il faut découvrir sur scène cette musique âpre et
captivante, aux accents parfois schubertiens, pour mieux en mesurer l’aura singulière, que renforce sa dimension extrêmement théâtrale et physique – les quatre instrumentistes étant amenés
non seulement à donner de la voix, mais surtout à jouer d’un ensemble d’instruments (harmonica de verre, gongs) qui confèrent à la matière sonore un surcroît de résonance.
David Harrington, lui non plus, n’a jamais oublié Black Angels, depuis cette nuit de 1973 où,
découvrant l’œuvre à la radio, ce jeune Californien décida instantanément de donner corps à ses
convictions idéalistes en formant un quatuor à cordes. Le Kronos Quartet est désormais quadragénaire, et s’est déjà produit à dix reprises au Théâtre de la Ville. Il compte depuis 2013 une nouvelle violoncelliste. Mais il n’a jamais oublié ses rêves d’adolescent. Il n’a rien perdu de son
charme ni de sa force d’engagement, jamais dévié de sa ligne. Une ligne sinueuse, dont ce
concert du 5 mai offre un parfait exemple, et qui pourrait être résumé en une phrase : ouvrir les
frontières de la musique, et l’inscrire, comme l’indique le nom qu’il s’est choisi, dans son temps.
Les Kronos n’ont pas seulement chamboulé les codes du concert classique, exploitant lors de
véritables concerts-happenings toutes les ressources de la scène moderne. Ils n’ont pas seulement
exploré de nouvelles cartographies sonores, conviant sur disque ou sur scène d’innombrables
traditions populaires, du jazz de Thelonious Monk ou Bill Evans au rock de Sigur Rós, en passant
par la musique yiddish, la Colombie et le Vietnam. Ils ont surtout manifesté une fidélité indéfectible à la musique de leur époque. La création française du Quatuor à cordes n° 6 de Philip Glass
témoigne en particulier du long compagnonnage qui les lie aux compositeurs minimalistes américains. Notant que ce quatuor est le premier que Glass numérote depuis 1991, année du Quatuor
n° 5 (créé comme les quatre précédents par les Kronos), David Harrington y pressent une allusion
à Bartók, dont le groupe des six quatuors à cordes est à ce répertoire ce que les neuf symphonies
de Beethoven sont à la musique orchestrale. Philip Glass, également auteur de symphonies et de
concertos, chercherait-il de plus en plus à se rapprocher de cette grande tradition européenne
contre laquelle était née, en réaction, la musique minimaliste ? Toujours est-il que, sans le soutien
du Kronos Quartet, ses œuvres, comme celles de Steve Reich, Terry Riley, Meredith Monk ou de
John Adams, n’auraient peut-être pas acquis cette popularité qui, aujourd’hui, excède largement
les cercles spécialisés.
Pour autant, les Kronos, nomades ataviques, n’ont jamais cessé de traverser les océans, allant par
exemple explorer l’envers de ce que l’on appelait jadis le « rideau de fer », et les œuvres du Polonais
Henryk Górecki, du Letton Pēteris Vasks ou, surtout, du Russe Alfred Schnittke. C’est d’ailleurs
plutôt de ce côté-là que semblent se situer les influences de la compositrice Elena Langer. Fortement expressive, la musique de cette Britannique d’origine russe née en 1974 pourrait en faire la
petite sœur des deux grandes dames de la musique soviétique du XXe siècle, Galina Oustvolskaïa
et Sofia Goubaïdoulina. Comme cette dernière d’ailleurs, Elena Langer n’hésite pas à mettre à
contribution les instruments traditionnels de son pays: c’est une vièle qui accompagnera le Kronos
Quartet dans les rues de New York, nouvelle partition (et premier quatuor à cordes) donnée en
création mondiale…
En 41 ans (et quelques dizaines de CD), le Kronos Quartet a fini, bien sûr, par enregistrer Black
Angels. C’était en 1990. Deux ans après – et cela n’est peut-être pas anodin – est née une autre
œuvre essentielle et « mémorielle » : Different Trains de Steve Reich. David Harrington l’a toujours su : la musique est le meilleur rempart face à l’oubli, le meilleur antidote à la barbarie. Les
Kronos ? Un quatuor contre la fin des temps.
David Sanson
34 • MUSIQUES DU MONDE
Théâtre de la Ville PARIS
Sanubar Tursun © LIU PING/AGA KHAN MUSIC
Tambour Lambodoara © VICTOR RANDRIANY
Tomás Gubitsch © YOURI ZAKOVITCH
avril-juin 2014
LE TANGO D’ULYSSE
Après la création, au Théâtre de la Ville, du Tango
d’Ulysse, Todos los sueños, el sueño est la deuxième
partie d’un cycle conçu comme un triptyque.
L’ART DES LAMBODOARA
Venus du cœur de la brousse du Sud-Ouest
malgache, les Lambodoara se produisent
pour la première fois à Paris.
La troupe a été créée à la fin des années 1970 dans la grande
province de Tuléar, au sud-ouest de Madagascar. Sous l’œil et
l’oreille avertis du fondateur Édouard, les huit musiciens de
Lambodoara comptent parmi les rares représentants de ce
spectacle total mêlant chants polyphoniques, danses et acrobaties, au son des flûtes, des tambours et des hochets, nommés
paritaky.
Dans la longue tradition orale et paysanne, les Lambodoara sont
très respectés et recherchés pour animer enterrements, mariages
mais surtout cérémonies de guérison et d’exorcisme qui durent
souvent plusieurs jours.
Depuis plusieurs années, ils travaillent avec Manindry, de la
communauté Antandroy, lui aussi maître de cérémonies de possession, qui entretient une relation soutenue et particulière
avec les ancêtres, au son de sa cithare sur caisse marovany. Il est
l’un des grands interprètes du genre vocal beko, longues ballades
a capella, d’une grande beauté, chantées en polyphonies et qui
laissent une grande place à l’improvisation. Il accompagnera le
groupe au son de sa vièle et de sa voix. Ce premier concert parisien sera pour beaucoup l’occasion d’une découverte musicale,
mais sera aussi pour le groupe l’occasion de sortir de sa ruralité
pour devenir, le temps d’un concert, le grand ambassadeur
d’un style original de l’art du Sud malgache.
Françoise Degeorges
En janvier 2012, nous avions laissé notre voyageur sur le point
d’entreprendre son retour, faisant l’inventaire intime de son long
exil. Cette partie centrale devait avoir pour sujet principal le
voyage en soi. Mais un passage du Chant XIII de L’Odyssée a
attiré ma curiosité : Ulysse passe l’ultime et cruciale étape de
son voyage… à dormir ! Il était inévitable que je vous raconte ses
rêves*. Des rêves qui s’enchaînent et se déchaînent, au cours
desquels notre héros, dans son intimité la plus absolue, voit
défiler ses péripéties. Il s’avère que son exil n’est pas seulement
rupture géographique, mais aussi perte de ce qu’il a été.
Ses rêves, comme prévu, racontent le voyage pour soi et en soi :
les monstres réels et imaginaires, bien sûr, mais également cette
violente nécessité de redevenir lui-même en les affrontant, souvent, ou en les acceptant comme siens, parfois. Peut-être parce
qu’il sait que redevenir lui-même lui est essentiel avant d’aborder
son Ithaque natale.
Musique, son et textes seront les principaux protagonistes de ce
volet central. Celui-ci nous permettra d’entendre de nouvelles
pièces mêlées à de plus anciennes entièrement revisitées, ainsi
que, entre autres, les voix de Marilú Marini, Angélique Ionatos et
John Greaves.
Tomás Gubitsch, janvier 2014
* En castillan, sueño peut à la fois signifier l’envie de dormir et le rêve lui-même,
c’est aussi un hommage à Julio Cortázar et son Todos los fuegos, el fuego.
Tomás Gubitsch naît à Buenos Aires en 1957. Comme beaucoup
d’Argentins, ses parents sont des immigrants, arrivés dans le pays
en 1938. Sa mère est roumaine, son père hongrois. L’ouverture
au monde est donc pour lui congénitale. Son enfance est bercée par
l’écoute de la musique et la fréquentation des livres. À 9 ans, Le Sacre
du printemps de Stravinsky « est un tremblement de terre » : Tomás sera
donc musicien. À 16 ans, guitariste, il livre son premier enregistrement.
Par ailleurs, il s’initie au tango avec un disciple d’Astor Piazzolla.
À 19 ans, le jeune homme est une star du rock : des milliers de jeunes
Argentins l’applaudissent. En 1977, il a 20 ans et Astor Piazzolla l’invite
à l’accompagner à Paris : il l’escorte à l’Olympia. Il échappe ainsi à
la dictature militaire et s’installe dans cette ville qu’il n’a plus quittée :
« Paris, écrit-il, une ville ouverte accueillante à toute forme
de musique innovante à la fin des années 1970… » En 1980 paraît
son premier disque de compositeur. À partir de 1991, il écrit pour
des formations classiques et dirige des orchestres : il mène alors
« une vie de compositeur iconoclaste et parisien ». En janvier 2012,
il crée, à Paris, au Théâtre de la Ville, le premier volet du triptyque
Le Tango d’Ulysse et, en 2014, dans ce même théâtre, il offre au public
parisien le deuxième pan de cette œuvre. En attendant la suite…
VOYAGE MUSICAL AU PAYS
DES OUÏGHOURS
Entre Asie centrale, Chine et Mongolie,
une musique au croisement de diverses traditions.
Depuis des siècles, les Ouïghours cultivent les terres fertiles des
oasis du désert Taklamakan et font le commerce des produits
transitant par la route de la soie. Aujourd’hui, la plupart d’entre
eux vivent dans la région du Xinjiang, au nord-ouest de la Chine.
Leur musique s’enracine au cœur de la tradition urbaine d’Asie
centrale mais s’inspire aussi des traditions musicales issues de
Mongolie et de Chine. Elle est également liée au monde musical
islamique. En témoignent les paroles des chants soufis et l’utilisation du dotâr, luth à manche long, et du daf, tambour sur
cadre.
Née dans une famille de musiciens dans la vallée d’Ili, Sanubar
Tursun est actuellement l’une des meilleures chanteuses d’Asie
centrale et considérée par beaucoup comme un symbole de la
nation ouïghoure. Sa voix délicate et sensuelle ravive le répertoire
du Maqam classique comme celui des chansons traditionnelles.
Dans les années 1990, elle a sorti une série de vidéo CD qui l’ont
propulsée sur le devant de la scène. Depuis quinze ans, elle chante
et joue ses propres compositions, ancrées dans le style local,
parcourt villes et villages du Xinjiang, notamment le sud rural
de la région où se pressent des milliers de personnes. « Je suis
proche des gens, je passe beaucoup de temps avec eux, confie-t-elle.
Ce que beaucoup de personnes pensent mais ne peuvent pas mettre
en mots, je l’exprime dans mes chansons. » Plus récemment, audelà des frontières de son pays, elle a donné des concerts en
Turquie, au Japon, à Taïwan et aux États-Unis.
Dr Rachel Harris
Jacques Erwan
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I C
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I C
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I C
SAMEDI 5 AVRIL 17 H
MERCREDI 14 MAI 20 H 30
SAMEDI 17 MAI 17 H
LAMBODOARA
TOMÁS GUBITSCH
Madagascar
Argentine/France
Chine
Édouard CHANT, DANSE, TAMBOUR
Tsitamby CHANT, FLÛTE, DANSE
Velosoa CHANT, FLÛTE, DANSE
Manahy CHANT, DANSE, TAMBOUR
Gilbert CHANT, DANSE, TAMBOUR, HOCHET
Zefa CHANT, DANSE, TAMBOUR, HOCHET
Mahafalibe CHANT, DANSE, TAMBOUR, HOCHET
Manindry CHANT, VIÈLE, DANSE
Lionel Allemand VIOLONCELLE I Éric Chalan CONTREBASSE I Marc Desmons ALTO I
Juanjo Mosalini BANDONÉON I Sébastien Surel VIOLON
Sanubar Tursun CHANT, DOTÂR, DAF
Abdukerim Osman GHIJÄK, VIÈLE À PIQUE
Rozimemet Musa TAMBÛR
GUITARE
& COMPOSITIONS
Todos los sueños, el sueño
David Gubitsch CO-CONCEPTION & MISE EN ESPACE Katia Hernandez I
Vincent Gabriel I SON François Gouverneur I COSTUMES Gwendoline
Grandjean I AVEC LES VOIX DE Angélique Ionatos, Marilú Marini, John Greaves
& CELLES DE Jacqueline Bernabeu, Noé Gubitsch, Rafaël Gubitsch, Katia Hernandez,
Juliette Le Goff, Inés Ruiz, Pascal Sagratella
MISE EN SON
CONCEPTION LUMIÈRES
COPRODUCTION
TG & CO — Théâtre des Bergeries de Noisy-le-Sec
CHANT ET MUSIQUE DU XINJIANG
MUSIQUES DU MONDE • 35
Orchestre arabo-andalou de Fès © DR
Annie Ebrel © DR
Lo Còr de la Plana © AUGUSTIN LE GALL
avril-juin 2014
JOUTES VOCALES
AU CŒUR DE LA BRETAGNE
Des hommes de chœur ! Cinq voix, cinq couleurs
vocales, cinq Marseillais issus du quartier de la
Plaine visitent et rénovent le patrimoine populaire.
Un journal intime et musical qui touche à l’universalité.
Des bars de la cité phocéenne au Carnegie Hall new-yorkais, une
ascension sociale ? En tout cas, la voie de la notoriété ! Au fil de
trois disques, successivement chants sacrés, chants de fêtes et
chants rebelles, Lo Còr de la Plana visite et rénove le patrimoine
populaire et recrée la polyphonie. Sicile, Naples ou Algérie, celleci se nourrit d’emprunts, puisés en cet ailleurs méditerranéen
riche d’une ancienne culture commune. Percussions, « bendirs
et autres peaux », battements de mains et pieds éloquents rythment le chant. Les cinq diablotins y instillent swing, allégresse
et humour : « Masurka mafiosa marselhesa », chantent-ils, dans
leur dernier disque, Marcha, avec une verve iconoclaste et salutaire… Pour cet ultime opus, ils sollicitent la mémoire populaire
et s’enracinent au sein de la tradition des chansonniers marseillais de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. Ils « ré-enchantent
le passé afin de dire le présent », a-t-on écrit. Outre-folklore, ils
inventent la chanson traditionnelle d’aujourd’hui. Un chant
qualifié de « pan-occitan ». Gouaille et truculence, les cinq sorciers se livrent à un véritable sabbat, disputant ces « joutes
vocales âpres et rugueuses » propres à susciter la transe. Une
musique à ouïr et même à danser. Un récital pour se dégourdir
l’âme et les sens ! L’autre visage de Marseille.
J. E.
Annie Ebrel grandit dans une petite ferme du Centre Bretagne.
À 13 ans, elle monte pour la première fois sur scène et fait danser
les gens. Elle comprend alors que cette forme musicale – le kan
ha diskan – et, par extension, le chant traditionnel, seront son
véritable mode d’expression.
Quelques années plus tard, son chemin croise celui du contrebassiste de jazz Riccardo Del Fra. Un monde de liberté, une
vision transversale et sans frontières de la musique s’imposent
à elle. Elle acquiert la certitude que la richesse de ce chant traditionnel, la force de son ancrage dans la terre du Centre Bretagne,
lui ouvrent les portes de tous les ailleurs.
Le Chant des soupirs nous raconte l’histoire banale et extraordinaire de cette fille de paysans bretons qui, en osmose totale avec
ses racines, va permettre au chant traditionnel de s’enrichir des
sonorités les plus contemporaines.
In extremis, Annie Ebrel a fait du breton sa seconde langue
maternelle. Sa langue de cœur. C’est la fable de cette identité
arrachée contre le vent de l’histoire qu’elle nous délivre, sereinement. Elle nous invite à nous pencher sur les contes et légendes
que charrie ce répertoire et, dans Le Chant des soupirs, à écouter
cette langue dans ses sinuosités les plus privées. Avec Kevin
Seddiki, elle invente une musique capable de briser les frontières.
Une histoire qui devient universelle grâce à cette voix qui tire sa
puissance des profondeurs boisées du pays breton.
Pierre Guillois
ANDALUSSYAT OU L’ESPRIT
DE L’ANDALOUSIE
Françoise Atlan chante un monde disparu depuis
le XV e siècle : l’Andalousie où régnaient une certaine
harmonie entre chrétiens, musulmans et juifs
et une riche culture.
Au Maghreb, les populations musulmanes et juives ont pieusement conservé le souvenir de la musique arabo-andalouse,
émigrée avec elles des métropoles ibériques qu’elles furent
contraintes de quitter. Les communautés juives du Maghreb, et
particulièrement celle du Maroc, ont adapté la musique andalouse à la poésie liturgique de langue hébraïque ou à celle destinée à la célébration des grands moments de la vie familiale.
Dans les mariages et autres cérémonies, les musiciens juifs de
Constantine jouaient et chantaient les suites les plus populaires, comme les muwashshahat originels en arabe classique
ou en dialecte andalou.
La simultanéité de propos et d’argumentation entre juifs et
non-juifs vivant dans des lieux très éloignés les uns des autres
reflète la communauté d’esprit propre aux rapports entre musiciens musulmans et juifs à travers les âges. Ils partageaient la
même expérience émotionnelle, le même mode de vie, les mêmes
normes d’expression. Dans cette créativité, l’interprète se fonde
sur les données du maqam, concept modal spécifique à la
musique du Proche-Orient et des pays du Maghreb. Les piyyutim de la liturgie juive ou les chants judéo-espagnols profanes
liés aux chants arabo-andalous dans le même mode, interprétés par la voix exceptionnelle de Françoise Atlan et l’orchestre
virtuose de Mohammed Briouel dans ce concert, illustrent bien
la vivacité de cette tradition au Maroc.
Sami Sadak, ethnomusicologue
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I C
→ THÉÂTRE DES ABBESSES I C
→ THÉÂTRE DE LA VILLE I C
SAMEDI 24 MAI 17 H
VENDREDI 6 JUIN 20 H 30
MARDI 24 JUIN 20 H 30
LO CÒR DE LA PLANA
ANNIE EBREL I KEVIN SEDDIKI I PIERRE GUILLOIS
Marseille/Occitanie
Bretagne
Le Chant des soupirs
FRANÇOISE ATLAN
& L’ORCHESTRE ARABO-ANDALOU DE FÈS
Rodin Kaufmann, Sébastien Spessa, Benjamin Novarino-Giana, Denis Sampieri
& Manu Théron
Ar c’hanaouennoù c’ha d’or huanadennoù / Journal intime et musical d’Annie Ebrel
Pierre Guillois, ARTISTE ASSOCIÉ AU QUARTZ, SCÈNE NATIONALE DE BREST
Carolina Saquel I SON Gwenolé Lahalle I LUMIÈRES Aby Mathieu I COSTUMES Elsa Bourdin
TEXTES PARLÉS Annie Ebrel EN COMPLICITÉ AVEC Pierre Guillois
COMPOSITIONS MUSICALES Annie Ebrel & Kevin Seddiki I ARRANGEMENTS Kevin Seddiki
MISE EN SCÈNE
VIDÉO
Compagnie Le Fils du Grand Réseau. COPRODUCTION Théâtre de Cornouaille, Centre
de création musicale, scène nationale de Quimper – Maison de la Musique de Nanterre – Saison
culturelle de Ploërmel – Théâtre du Pays de Morlaix. La Compagnie le Fils du Grand Réseau
est subventionnée par la DRAC Bretagne.
PRODUCTION
France/Maroc
Mohamed Briouel VIOLON & DIRECTION D’ORCHESTRE
Mohamed Arabi Gharnati VIOLON
Driss Berrada OUD (LUTH)
Mustafa Amri ALTO
Abdessalam Amri DERBOUKA (TAMBOUR GOBELET)
Aziz Alami Chentoufi TÂR (TAMBOUR SUR CADRE) & CHANT SOLO
36 •
Théâtre de la Ville PARIS
avril-juin 2014
Dominique Mercy dans Palermo Palermo
© LAURENT PHILIPPE
LIBRAIRIE/BRÈVES • 37
avril-juin 2014
LIBRAIRIE DU THÉÂTRE DE LA VILLE
& DU THÉÂTRE DES ABBESSES
OUVERTURE 1 HEURE AVANT LES SPECTACLES
QUELQUES RÉFÉRENCES POUR UN PARCOURS DE SPECTATEURS
ANNE TERESA DE KEERSMAEKER VORTEX TEMPORUM 28 AVR. AU 7 MAI I THÉÂTRE DE LA VILLE
• Carnets d’une chorégraphe : En Atendant & Cesena, par Anne Teresa De Keersmaeker
& Bojana Cvejić, 2 livres et 3 DVD (Rosas & Fonds Mercator)
• Vortex Temporum, livret du spectacle
SHAKESPEARE I CHRISTIAN SCHIARETTI LE ROI LEAR 12 AU 28 MAI I
THÉÂTRE DE LA VILLE
• Hamlet-Le Roi Lear, traduction Yves Bonnefoy (Folio Classiques 1069)
• Shakespeare, le monde est une scène, Georges Banu (Gallimard)
• Le Roi Lear, Cahiers TNP
DAVID LESCOT NOS OCCUPATIONS 14 AU 28 MAI I
THÉÂTRE DES ABBESSES
• Nos occupations suivi de La Commission centrale
de l’enfance ; Le système de Ponzi ; Un homme en faillite,
David Lescot (édités comme toutes les pièces de David Lescot
chez Actes Sud-Papiers)
& VIENT DE PARAÎTRE
Youssou N’Dour © DR
• J’ai trop peur, David Lescot, illustration Anne Simon
(Actes Sud-Papiers-Heyoka jeunesse) Pièce de théâtre sur la peur
des enfants à l’approche de la rentrée en classe de sixième.
IONESCO I EMMANUEL DEMARCY-MOTA RHINOCÉROS 2 AU 10 JUIN I
THÉÂTRE DE LA VILLE
• Le Solitaire, Eugène Ionesco (Folio n° 827)
• Journal en miettes, Eugène Ionesco (Folio essais n° 211)
• Emmanuel Demarcy-Mota, Arthur Nauzyciel, James Thiérrée, un théâtre
apatride, Colette Godard (L’Arche Éditeur)
• Rhinocéros, Folio Théâtre n° 53
• Portrait de l’écrivain dans le siècle : Eugène Ionesco, Marie-France Ionesco
(Gallimard)
• Ionesco, sous la direction de Noëlle Giret (Gallimard-BNF)
& À DÉCOUVRIR
• La Photo du colonel, recueil de 7 nouvelles d’Eugène Ionesco (Gallimard)
PAULO RIBEIRO JIM 10 AU 14 JUIN I THÉÂTRE DES ABBESSES
• Jim Morrison, Jean-Yves Reuzeau (Folio biographies)
• Jim Morrison, de l’autre côté, James Henke, livre + CD (Naïve)
• The Doors : l’héritage tumultueux, John Densmore (Mot et le reste)
• The Doors : 23 nouvelles aux portes du noir (Buchet-Chastel)
LE TEMPS DE L’UBUNTU
AU THÉÂTRE DE LA VILLE
À l’heure où nous mettons sous presse, de grands musiciens, Youssou N’Dour, Ray Lema,
Bonga... se sont mobilisés pour un concert de solidarité en faveur de la Centrafrique,
lundi 10 mars à 20 H 30.
L’intégralité des recettes de la billetterie servira à la reconstruction de l’Espace Linga Téré,
lieu de partage, de citoyenneté et d’art de Bangui.
Par ailleurs, dans les prochains mois, une caravane de la paix, organisée par l’Espace Linga
Téré, voyagera à travers toute la Centrafrique avec la pièce de théâtre Songo la rencontre.
PINA BAUSCH PALERMO PALERMO 21 JUIN AU 5 JUILLET I THÉÂTRE DE LA VILLE
L’Arche Éditeur est l’agent et l’éditeur de toute l’œuvre de Pina Bausch.
RÉCEMMENT PARU
• Ahnen ahnen : fragments de répétition, Pina Bausch, livre - DVD (L’Arche Éditeur)
& AUSSI
• Le théâtre pour la vie, René Gonzalez (Buchet-Chastel)
Un hommage en forme de portraits délivrés par de nombreux
artistes sur l’homme de théâtre.
• Valère Novarina en scène, Claude Büchewald (Presses Universitaires
de Vincennes). Yves Collet, qui a participé aux créations de la metteure
en scène, est aussi le scénographe d’Emmanuel Demarcy-Mota.
« La musique est une amplification de la vie sensible. »
Cette citation de Franz Kafka guide les premiers pas d’une
nouvelle revue trimestrielle, Musique(s), que lancent Jean-Marc
Adolphe, Jérémie Szpirglas et Raphaëlle Tchamitchian.
Faire parler « les musiques » dans toute leur diversité,
tel est l’objectif de cette nouvelle publication : premier numéro
sur 144 pages, fin mars 2014, 9 € (en kiosque).
HOMMAGE À PATRICE CHÉREAU
Grande émotion jeudi 30 janvier lors des deux projections du film Elektra.
Le Théâtre de la Ville, le Festival d’Aix-en-Provence et Arte ont en effet souhaité rendre
hommage à Patrice Chéreau en programmant le film Elektra de Richard Strauss,
mis en scène par Patrice Chéreau et réalisé par Stéphane Metge au cours du Festival
d’Aix-en-Provence 2013.
À l’issue de la première séance, Stéphane Metge et Vincent Huguet, respectivement
dramaturge et assistant à la mise en scène, ont répondu aux questions du public tandis
qu’avant celle du soir, Emmanuel Demarcy-Mota, Stéphane Metge, Bernard Foccroule,
ont évoqué l’immense artiste disparu le 7 octobre dernier, devant une salle où, parmi
les nombreuses personnalités, on pouvait reconnaître Richard Peduzzi, son décorateur,
Dominique Blanc…
38 • BRÈVES
PRÉSENTATION DE LA SAISON 2014 I 2015
LUNDI 26 MAI À 18 H I AU THÉÂTRE DE LA VILLE
Théâtre de la Ville PARIS
avril-juin 2014
PRIX DES PLACES
TARIF A
TARIF PLEIN
- 30 ANS
1re Cat. 26 €
2e Cat. 22
re
e
1 et 2 catégories……………. 16
€
€
TARIF B
TARIF PLEIN
- 30 ANS
1re Cat. 30 €
2e Cat. 27 €
1re et 2e catégories……………. 18 €
TARIF C
1 seule catégorie………………
TARIF PLEIN
- 30 ANS
1 seule catégorie………………
ENFANT -14 ANS * 1 seule catégorie………………
19 €
14 €
9€
TARIF E
TARIF PLEIN
- 30 ANS
1 seule catégorie……………..
1 seule catégorie……………..
35 €
26 €
MOINS DE 30 ANS & DE 14 ANS (JUSTIFICATIF OBLIGATOIRE)
*accompagnant un adulte pour Mystery Magnet, Tête haute
& Le Coq d’or (max. 4 enfants).
LOCATION
COMMENT RÉSERVER
PAR TÉLÉPHONE
01 42 74 22 77
du lundi au samedi de 11 h à 19 h
AUX CAISSES
Théâtre de la Ville I 2 place du Châtelet, Paris 4
du mardi au samedi de 11 h à 20 h (lundi de 11 h à 19 h)
Les Abbesses I 31 rue des Abbesses, Paris 18
du mardi au samedi de 17 h à 20 h
PAR INTERNET www.theatredelaville-paris.com
QUAND RÉSERVER
OUVERTURE DE LA BILLETTERIE
21 jours avant la 1re représentation et pour toutes les représentations du spectacle concerné.
© JEAN-LOUIS FERNANDEZ
CONSULTEZ NOTRE SITE INTERNET POUR CONNAÎTRE :
→ Les rencontres du Théâtre de la Ville, organisées dans
les deux théâtres et en partenariat avec les bibliothèques,
les arrondissements, des associations ou des librairies.
PRÉSENTATION AU PUBLIC DE LA PROCHAINE SAISON
THÉÂTRE-DANSE-MUSIQUES
par Emmanuel Demarcy-Mota en présence d’artistes
→ Les surprises programmées par le Théâtre de la Ville au fil
de la saison : ateliers, bals littéraires, cycle de conférences
sur l’histoire de la danse du XXe siècle, expositions, émissions
de radio, projections de films, rencontres exceptionnelles
avec les auteurs associés et la troupe du Théâtre de la Ville.
L’ART POUR GRANDIR
& LES CENTRES DE LOISIRS
PROGRAMMES & FORMULAIRES DE LA SAISON 2014-2015 :
• Envoi à domicile aux abonnés et titulaires de cartes de la saison 2013-2014 du Théâtre de la Ville
(LA DATE DE RÉCEPTION DÉPEND DE LA POSTE)
• À disposition dans le hall du Théâtre de la Ville aux heures d’ouverture de la location à partir du 26 mai après-midi.
RÉSERVATION SUR LE SITE INTERNET
www.theatredelaville-paris.com (RUBRIQUE RENCONTRE PUIS CALENDRIER & INSCRIPTIONS)
www.theatredelaville-paris.com
2 PL. DU CHÂTELET PARIS 4
Dans le cadre de l’Art pour grandir, les restitutions des travaux
des Centres de loisirs se dérouleront cette année au Café
des Œillets en mai (dates à préciser). Après les rendez-vous
de formation et de pratique à destination des animateurs,
Sandra Faure et Pascal Vuillemot de la Troupe du Théâtre
de la Ville vont apporter leur regard sur les projets menés
pendant une année. Puis, au cours d’un dernier rendez-vous,
auront lieu les restitutions, moments festifs et réjouissants
où les projets prennent corps et où les enfants, autant acteurs
que spectateurs, pourront se rencontrer.
SUIVEZ NOTRE ACTUALITÉ SUR
CALENDRIER • 39
avril-juin 2014
AVRIL 2014
MA 1
ME
2
JE
3
VE
4
SA
5
DI
6
LU
7
THÉÂTRES PARTENAIRES
JUIN 2014
THÉÂTRE DE LA VILLE
THÉÂTRE DES ABBESSES
THÉÂTRE CITÉ INTERNATIONALE
THÉÂTRE DE LA VILLE
THÉÂTRE DES ABBESSES
20 H 30
20 H 30
20 H 30
20 H 30
20 H 30
Lemi Ponifasio
Lemi Ponifasio
Lemi Ponifasio
Lemi Ponifasio
Lambodoara I Madagascar 17 H
Lemi Ponifasio
Lemi Ponifasio 15 H
Le Faiseur
Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30
Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30 Mystery Magnet
Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30 Mystery Magnet
B. Kuijken I E. Demeyere 15 H & 17 H 30
Le Faiseur
Mystery Magnet 19 H 30
Le Faiseur 15 H
Mystery Magnet
Le Faiseur
Mystery Magnet 19 H 30
Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30
Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30 Mystery Magnet 19 H 30
Nous n’irons pas… 18 H / Le Faiseur 20 H 30 Mystery Magnet
Le Faiseur
Mystery Magnet 19 H 30
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
Rhinocéros
Le Coq d’or 15 H 15 & 19 H 30
Le Coq d’or 09 H 30 & 14 H 30
Le Coq d’or 14 H 30 & 19 H 30
A. Ebrel I P. Guillois I France
MA 8
ME
9
JE 10
VE 11
Christian Rizzo
Christian Rizzo
Christian Rizzo
SA 12
MA 15
ME 16
JE 17
VE 18
Wim Vandekeybus
Wim Vandekeybus
Wim Vandekeybus
Wim Vandekeybus
Wim Vandekeybus
JE 24
VE 25
ME 30
5
VE
6
SA
7
DI
8
LU
9
SA 14
Danse élargie
DI 15
Danse élargie
JE 19
VE 20
DI 22
MINUIT Tentatives d’approches …
MINUIT Tentatives d’approches …
MINUIT Tentatives d’approches …
LU 23
MA 24
ME 25
JE 26
VE 27
Anne Teresa De Keersmaeker 2 prog.
Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog.
Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog.
e
1
VE
2
SA
3
DI 29
LU 30
DI
4
LU
5
MA 6
ME
7
JE
8
VE
9
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch 17 H
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch
JUILLET 2014
THÉÂTRE DE LA VILLE
THÉÂTRE DE LA VILLE
THÉÂTRE DES ABBESSES
20 H 30
20 H 30
Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog.
Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog.
Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog. 15 H
Kronos Quartet
Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog.
Anne Teresa De Keersmaeker 2 e prog.
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch 17 H
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch
F. Atlan I Orch. Arabo-Andalou de Fès
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch
SA 28
Faustin Linyekula
Faustin Linyekula
Faustin Linyekula
MAI 2014
JE
Paulo Ribeiro
Paulo Ribeiro
Paulo Ribeiro
Paulo Ribeiro
A. Beyer I K. Bezuidenhout 17 H
Paulo Ribeiro
ME 18
SA 21
Wim Vandekeybus
Wim Vandekeybus
Wim Vandekeybus
Wim Vandekeybus
Rhinocéros
Rhinocéros
MA 17
DI 27
MA 29
JE
LU 16
SA 26
LU 28
4
VE 13
LU 21
ME 23
ME
JE 12
DI 20
MA 22
2
ME 11
MINUIT Tentatives d’approches …
MINUIT Tentatives d’approches …
MINUIT Tentatives d’approches …
MINUIT Tentatives d’approches … 15 H
MINUIT Tentatives d’approches …
Wim Vandekeybus
LU
MA 10
Mystery Magnet
Mystery Magnet 19 H 30
SA 19
1
MA 3
DI 13
LU 14
DI
20 H 30
MA 1
Faustin Linyekula
ME
2
JE
3
VE
4
SA
5
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch
projection Ahnen Ahnen
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch
Tanztheater Wuppertal I Pina Bausch
SA 10
LU 12
MA 13
ME 14
JE 15
VE 16
SA 17
DI 18
Le Roi Lear 19 H 30
Le Roi Lear 19 H 30
Tomás Gubitsch I Argentine I France
Le Roi Lear 19 H 30
Le Roi Lear 19 H 30
Le Roi Lear 19 H 30
Le Roi Lear 17 H
LU 19
MA 20
ME 21
JE 22
VE 23
SA 24
Le Roi Lear 19 H 30
Le Roi Lear 19 H 30
Le Roi Lear 19 H 30
Quatuor Takács 15 H
Le Roi Lear 19 H 30
DI 25
LU 26
MA 27
ME 28
JE 29
VE 30
SA 31
Le Roi Lear 19 H 30
Le Roi Lear 19 H 30
Tête haute 10 H
Nos occupations
Tête haute 14 H 30
Nos occupations
Tête haute 14 H 30
Nos occupations
Tête haute 10 H
Chant & musique du Xinjiang I Chine 17 H Tête haute 15 H
Nos occupations
Tête haute 19 H
Tête haute 15 H
Nos occupations
Nos occupations
Tête haute 10 H
Nos occupations
Tête haute 14 H 30
Nos occupations
Tête haute 14 H 30
Nos occupations
Tête haute 10 H
Lo Còr de la Plana I Occitanie 17 H
Tête haute 15 H
Nos occupations
Tête haute 19 H
Tête haute 15 H
Nos occupations
Nos occupations
Nos occupations
Palermo Palermo © LAURENT PHILIPPE
DI 11
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
Twelfth Night, la Nuit des rois… 19 H 30
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
Twelfth Night, la Nuit des rois… 19 H 30
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
Twelfth Night, la Nuit des rois… 19 H 30
Twelfth Night, la Nuit des rois, ou …
JOURNAL DU THÉÂTRE DE LA VILLE
direction, administration :
16 quai de Gesvres 75180 Paris Cedex 04 Tél. : 01 48 87 54 42
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION & DE LA RÉDACTION Emmanuel Demarcy-Mota
COORDINATION ÉDITORIALE Anne-Marie Bigorne
CONSEIL ÉDITORIAL Colette Godard, François Regnault, Christophe Lemaire
CONCEPTION GRAPHIQUE Émilie Paillot graphiste
ASSISTANTE Marie-Pierre Lasne
CORRECTRICE Hayet Kechit
IMPRESSION BLG Toul - 54200 TOUL I ISSN 0248-8248 I tirage à 28 000 ex.
4e COUVERTURE
Nos occupations, David Lescot © PATRICK BERGER // Concert pour les bébé, Paoulo
Lameiro, Carles Pedragosa © TONI VILCHES // Twelfth Night…, Bérangère Jannelle
© STÉPHANE PAUVRET // Le Coq d’or, Les Percussions Claviers de Lyon © BRUNO AMSELLEM //
Booty Looting, Wim Vandekeybus © DANNY WILLEMS // Lambodoara © VICTOR RANDRIANY
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