Burundi : une bien timide croisade contre la grande corruption Syfia Grands Lacs Bujumbura, Burundi, 2010-11-17 (Syfia Grands Lacs) - Untitled 3 Burundi : une bien timide croisade contre la grande corruption Soiurce: Syfia Grands Lacs (Syfia Grands Lacs/Burundi) Le président burundais a récemment proclamé "la tolérance zéro" envers la corruption, attendue des Burundais et des bailleurs de fonds. Mais, en dépit de quelques arrestations, les hauts cadres les plus corrompus restent intouchables. Ce qui creuse chaque jour un peu plus le déficit du Trésor public. "Le Burundi a besoin de prendre des mesures qui préviennent la corruption et d'en sanctionner les cas connus, afin d'envoyer un signal clair que la corruption ne sera pas tolérée dans ce pays", a martelé, le 6 novembre dernier, Obiageli Ezekwesili, vice-présidente de la Banque Mondiale-Région Afrique, lors d'une visite de travail dans ce pays. Deux mois plus tôt, les nouvelles autorités avaient promis une extrême rigueur. "Nous proclamons la tolérance zéro à tous les coupables d'actes de corruption, de malversations économiques et d'autres infractions connexes", déclarait, le 2 septembre, le chef de l'Etat burundais, Pierre Nkurunziza, dans un discours à la nation prononcé au lendemain de son investiture pour un nouveau mandat de 5 ans. Cet engagement politique a été ponctué par un tonnerre d'applaudissements. Et pour cause, le défi est de taille. Gangrené depuis des années, le Burundi apparaît de plus en plus corrompu. Fin juillet, il est arrivé en tête de l'Index est-africain publié par Transparency International (ONG internationale d'origine allemande). Pour le pays, le manque à gagner est abyssal. "Ce fléau a déjà porté au Trésor public un préjudice de plusieurs milliards de francs ces cinq dernières années", fait remarquer l'Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome), une organisation indépendante. "Gros poissons inattaquables" Comme pour annoncer la couleur, le président de la République a immédiatement frappé dans les rangs de son propre parti, CNDD-FDD. Accusés de détournement des deniers publics, quatre hauts responsables de deux grandes entreprises publiques – la Société sucrière du Moso (Sosumo) et l’Office des transports en commun (Otraco)- ont été mis sous les verrous le 30 septembre. "Ce coup de filet a fait tiquer plusieurs commis de l'Etat et bien d'autres cadres et agents enclins à se laisser soudoyer. Rien ne sera plus comme avant : les responsables de ces actes inciviques devront payer et aucune solidarité négative ne sera tolérée quelle que soit la position du coupable", rassurait en septembre le porte-parole du parti présidentiel, Onésime Nduwimana. Dans certaines régions, effectivement, policiers et dirigeants de base font depuis plus attention, par crainte de perdre leurs postes. Mais, la croisade a perdu son entrain initial. Seuls les quatre infortunés arrêtés aux premières heures du nouveau pouvoir sont actuellement en prison. Sans avoir été jugés. "Certains commencent à dire, et avec raison, que c'était du saupoudrage ; les gros poissons comptables de sérieux dossiers de corruption et de malversations économiques restent inattaquables", fait remarquer un militant du MSD, un des grands partis de l'opposition. "L'intention du président est à saluer, commente un acteur de la société civile qui a requis l’anonymat, mais il est entouré par des cadres et agents corrompus, du sommet à la base. Certains hauts cadres, militants du parti présidentiel, sont apparemment intouchables…" Une odeur de déjà vu… "Cet engagement du chef de l'Etat sent le déjà vu. Il avait la même priorité en 2005, mais le phénomène a empiré", commente un responsable du Forum pour le renforcement de la société civile. Pour tenter d'enrayer ce fléau, associations et médias privés n'hésitent pas à mettre le doigt sur les dossiers suspects tout en recommandant au pouvoir de tout faire pour acculer les coupables à restituer l'argent volé. "Il y a plusieurs gros dossiers de malversation et de détournement des deniers publics, mais, dans le meilleur des cas, les auteurs sont emprisonnés puis libérés sur fond de corruption toujours. C'est un cercle vicieux…", analyse, sous couvert de l'anonymat, un des leaders de l'Olucome. Au moment où les autorités promettent une croisade sans précédent, des controverses alimentent toujours le débat. C'est le cas, par exemple, de la privatisation en cours du Complexe textile de Bujumbura (Cotebu), un ex-fleuron de l'industrie textile de la sous région en faillite. Cette usine en banqueroute a été cédée en juillet dernier sans appel d'offres public comme le recommandent les règles des privatisations.