SOCIÉTÉ Le hanok, maison traditionnelle coréenne (1ère partie) Le terme hanok désigne le style architectural traditionnel coréen. Ce mot englobe tous les types d’architecture traditionnelle et comprend notamment les maisons dont le toit est fait de chaume, de bardeaux ou de tuiles. Tandis que les maisons aux toits en chaume, de paille ou à bardeaux ont presque entièrement disparues, les toits en tuile de style hanok peuvent encore être trouvés dans tout le pays. Je vous propose de découvrir dans cette première partie comment sont construits ces habitats traditionnels. Implantation et volume général du hanok L’architecture traditionnelle coréenne est construite en accord avec le Baesanimsu (feng shui en chinois) visant à agencer extérieurement et intérieurement les habitations en fonction des flux visibles et invisibles pour obtenir un équilibre des forces et une circulation de l’énergie, rendant ainsi l’habitation des plus agréables. Soleil L’implantation de la maison prend en en été Jibung compte la topographie environnante Toit (l’idéal étant de s’adosser à la montagne Auvent et d’avoir une rivière devant), ainsi que Montagne les caractéristiques des quatre saisons Soleil pour la conception de l’intérieur. en hiver Afin de s’adapter au mieux aux caractéristiques climatiques et au paysage environnant, les hanok ont Circulation air frais des formes différentes suivant les régions. Au nord où il fait plus froid, la Ondol construction des maisons suit une forme Système de chauffage Gidan carrée/rectangulaire fermée rappelant le Arrière-cour Surélévation caractère coréen “ɖ”, afin de stopper froide et humide en pierres le flux d’air extérieur et de préserver une température plus homogène dans sa cour intérieure et à l’intérieur du bâtiment. Au Sud, les hanok présentent une forme linéaire et droite permettant une meilleure circulation du vent à l’intérieur afin d’atténuer la chaleur humide de l’été. Dans les régions centrales du pays, les hanok ont une forme similaire au caractère coréen “Ɇ” et ses caractéristiques combinent les atouts des styles nordistes et sudistes. Architecture sobre et écologique Exclusivement composée de matériaux naturels, l’architecture traditionnelle coréenne est sobre mais également écologique. Tout comme dans l’architecture traditionnelle française, les hanok sont 9 édifiés avec des matériaux issus du milieu naturel environnant : le bois (le pin en général) provient des forêts et sert à l’ossature de l’édifice et au maru (partie commune), la pierre pour le gudeul (dispositif de chauffage de ondol) et l’argile pour les planchers et les murs, mais aussi pour la toiture. Le hanji, papier traditionnel issu des fibres du mûrier (cf Geoje Gazette édition de mai 2016, article intitulé “le papier traditionnel coréen : le hanji”) est utilisé pour les fenêtres et les portes. Ces constructions tirent parti des propriétés respectives de chaque matériau et en font un habitat écologique par excellence. Les hanok des personnes les plus modestes sont dépourvus de toute touche ostentatoire, et leur beauté réside dans le respect de la nature et les vertus de la banalité. Tandis que les constructions traditionnelles des personnes ayant un rang social plus élevé respectent de nombreux principes et comportent des signes marquant leur appartenance. Éléments architecturaux constituant les hanok La philosophie ancienne voulait que les samjae, les trois entités de l’Univers, soient représentées dans cette architecture : le Ciel se retrouvant ainsi sous la forme du toit, la Terre symbolisée par les fondations et l’Homme matérialisé par l’espace qui les sépare. Pour les Coréens, la conception architecturale du hanok est un équilibre parfait entre ces éléments, c’est pourquoi leur réalisation ne peut être confiée qu’à des maîtres artisans ayant le savoir-faire nécessaire. D’un point de vue technique, ces constructions s’élèvent à partir de fondations enterrées en pierres vers une ossature en bois pour se terminer par une toiture courbe couverte de tuiles. Fondations : En général, la base du bâtiment traditionnel comporte une surélévation en pierres (gidan) afin que la fondation soit plus solide et que la maison soit à un niveau plus élevé et plus plat que le terrain. Cette plate-forme est construite en pierres taillées (généralement du granit) pour les maisons des personnes importantes (type gouverneurs) ainsi que pour les bâtiments royaux et parfois les temples. Pour les habitats des classes moyennes et basses, les plates-formes sont plutôt édifiées à l’aide de pierres empilées ou de mélanges briques / tuiles ou pierres / tuiles. Bien que le matériau de construction soit différent, elles remplissent les mêmes fonctions : éviter les éclaboussures d’eau dans le bâtiment les jours de pluie et empêcher l’air froid et l’humidité du sol d’entrer dans la maison. La hauteur de la surélévation est généralement proportionnelle au statut social des occupants de la maison. Par exemple, les résidences des personnes importantes possèdent des plates-formes de granit d’environ trois à quatre Cheok* de haut (90 cm à 120 cm). *Le Cheok est une unité de mesure ancienne coréenne (1 cheok = 30,303 cm). 10 Ossature en bois : Pour réaliser l’ossature de ces maisons traditionnelles, les artisans élèvent successivement les piliers de soutènement qui vont déterminer l’aspect général de l’ossature, de l’aménagement intérieur et la forme du toit. Puis ils posent les poutres de la charpente dont ils assurent la stabilité à l’aide d’équerres, de blocs porteurs et de supports, comme par exemple les gongpo (éléments aidant à répartir de manière optimale la charge du toit sur les piliers). Comme pour une charpente traditionnelle française, les pannes et les chevrons s’en suivent pour terminer le comble. Ce type de construction doit, entre autre, son exceptionnelle solidité à l’épaisseur de ces éléments structurels. En Corée, c’est l’intervalle qui crée l’espace et non le mur. Un hanok est mesurée en kan*, une unité de mesure ancienne qui servait au calcul de la surface du bâtiment. Ces espaces de transition entre le dehors et le dedans sont très importants, tout comme les portes. * Le kan représente la distance entre deux piliers de soutènement soit 1 kan = 1,818 m. Toiture courbe couverte de tuiles : Dans l’architecture traditionnelle coréenne, le toit (jibung) joue un rôle décisif dans la réalisation d’une composition esthétique. Les deux grands types de hanok sont les giwajip (maisons au toit de tuiles) occupées le plus souvent par la noblesse, et les chogajip (maisons au toit de chaume). La forme de la couverture des habitations traditionnelles coréennes évoque pour les toits de chaume, le dos arrondi d’une vache et pour les toits de tuiles, la pente montagneuse à laquelle est adossée la maison, mais aussi la grâce et l’agilité avec lesquelles la grue s’apprête à s’élancer vers le ciel. Par leurs courbes tout aussi naturelles qu’élégantes, les toits traditionnels produisent un effet de douceur et de stabilité. La profondeur, la structure et la courbure des avant-toits renforcent la dynamique de ces lignes esthétiques, tout en permettant d’éloigner les pluies de mousson de la structure du bâtiment, et de filtrer l’entrée du soleil afin de maintenir une température intérieure optimale. Il existe différentes formes de toit : • Matbae Jibung : Ce toit, ayant des côtés latéraux triangulaires sans gouttières dans les coins, a une beauté simple ; • Paljak Jibung : Il a la forme d’un toit à pignon placé sur le dessus d’un toit en croupe ; • Ujingak Jibung : Ce toit comporte quatre pentes audessus de chacun des quatre côtés du bâtiment ; • Moim Jibung : Les quatre pentes de ce toit se terminent en pointe. Ces toits peuvent avoir quatre, six ou huit pistes et sont le plus souvent vus dans des pavillons ouverts ou pagodes. 11 Ujingak Jibung Paljak Jibung Matbae Jibung Moim Jibung Des fouilles réalisées sur certains sites révèlent que les toits de tuiles étaient déjà largement répandus à l’époque des Trois Royaumes (57 av. J.-C. au VIIème siècle de notre ère). Composée d’argile et présentant une forme incurvée, la tuile participe à l’esthétique de la couverture. Elle est dite “à encastrement” lorsqu’elle est respectivement de forme convexe ou concave. En règle générale, trois tuiles sont encastrées l’une dans l’autre pour former un tout solidaire de sorte que, même si deux d’entre elles se fendent, l’ensemble continuera d’assurer l’étanchéité du toit. Ses propriétés mécaniques en font un matériau très résistant et pérenne. Les tuiles sont fixées à des liteaux au moyen de clous appelés wajeong et jointes entres elles à l’aide d’un mortier à base de terre glaise. L’artisan couvreur doit veiller à l’épaisseur de la couche de remplissage, car si elle est trop importante la courbure du toit sera moins élégante et si elle s’avère insuffisante, des fêlures sont susceptibles de se produire et de provoquer des infiltrations. Sur les toitures des bâtiments les plus imposants, vous pourrez voir des figurines. Ces dernières représentent des personnages originaires d’un ancien conte coréen et elles sont censées protéger des malheurs, notamment des incendies. Plus il y a de figurines, plus le bâtiment est important. Des têtes de dragon, symbole de l’empereur mais aussi animal protecteur, sont parfois placées aux quatre coins des toitures afin, encore une fois (mieux vaut plusieurs protections qu’une seule!) de protéger les bâtiments du feu. Il faut dire que les divers palais royaux ont une longue histoire en terme d’incendie dû au système de chauffage et aux matériaux de constructions employés. Murs / portes et fenêtres : Une fois l’enveloppe érigée, les murs et les cloisons sont installées. Les murs sont en terre, en briques, en torchis, en bois ou parfois composés en totalité par des portes en bois. La structure des portes et des fenêtres est en bois et les cadres en treillis sont doublés de hanji. Une autre caractéristique unique du hanok, est l’utilisation de papier coréen traditionnel, le hanji que l’on retrouve sur les surfaces planes à l’intérieur de la maison, y compris les 12 murs, les portes, le plafond et même le sol, en raison de son excellente capacité d’isolation et de sa transparence. Il sert non seulement à garder la pièce chaude, mais aussi à laisser entrer la lumière dans celle-ci. Contrairement au verre, le hanji est poreux et permet ainsi la ventilation de l’ensemble de la maison sans avoir à toujours ouvrir les portes. Il joue également un rôle de régulateur d’humidité dans l’habitat, en absorbant l’excès d’humidité dans l’air et en laissant s’évaporer l’air sec et est un véritable piège à particules flottantes de poussières. Des fenêtres basses étaient installées dans les endroits les plus chaud de l’habitat afin de ressentir l’air une fois assis au sol, mais toutefois suffisamment haute pour cacher une personne couchée. Les dimensions et finitions des portes des hanok varient selon les fins prévues, comme par exemple une porte principale utilisée seulement lors d’occasions spéciales, une porte passage d’une zone de la maison à une autre, etc. Sols : Les sols se composent de terre, de pierres et de parquets suivant les espaces et leurs fonctions. Je vous propose, le mois prochain, de partir à la découverte de la conception intérieure des maisons traditionnelles coréennes (matériaux employés, délimitation et usages des espaces, etc.) ainsi que leur rapport avec l’extérieur. ... MC Proche de Geoje : • Village de Naganeupseong (Suncheon) 30, Chungmin-gil, Nagan-myeon, Suncheon-si, Jeollanam-do / www.suncheon.go.kr / Ouvert tous les jours sauf le lundi de 10h à 19h / Entrée : 2 000 ₩ (adultes), 1 000 ₩ (enfants). Le site a été conservé dans sa forme d’autrefois et compte neuf maisons classées patrimoine national. C’est l’un des rares sites historiques ayant conservé des demeures aux toits de paille. • Village folklorique de Seongeup (Jéju) 140, Seongeup-ri, Pyoseon-myeon, Seogwipo-si, Jeju-do Localisé au pied du Mont Hallasan, ce village traditionnel protégé est désigné Village Folklorique grâce à la vaste quantité de biens culturels qui le composent (maisons résidentielles traditionnelles, sanctuaires confucéens, écoles, bureaux, etc.). L’atmosphère du lieu vous replongera dans la vie quotidienne passée. • Village hanok (Jeonju) Pungnam-dong/Gyo-dong, Wonsan-gu, Jeonju-si, Jeollabuk-do (cf article intitulé “Un weekend au cœur du village hanok de Jeonju” édition de Juin 2016). Lieux à visiter À Séoul : • Village hanok de Namsango 28, Toegye-ro 34-gil, Jung-gu, Séoul-si (station de métro de Chungmuro) / Ouvert tous les jours sauf le mardi de 9h à 20h ou 21h suivant la saison / Entrée gratuite. Village traditionnel niché au milieu de bâtiments modernes, qui se compose de cinq maisons coréennes traditionnelles reconstruites d’après le modèle d’habitat de la dynastie Joseon, d’un pavillon et d’un étang, ce qui en fait un endroit très agréable. Les maisons sont représentatives des différentes classes sociales, depuis celles des paysans jusqu’à celles de la classe royale et sont meublées afin de mieux apprécier la vie quotidienne de l’époque. • Bukchon Village 37, Gyedong-gil, Jongno-gu, Séoul (105, Gye-dong) / http://bukchon.seoul.go.kr/eng/index.jsp Niché entre deux palais royaux (Palais de Gyeongbokgung et Palais de Changdeokgung), ce quartier a su conserver son aspect d’origine et continue à perpétuer les traditions par la force de sa présence. Aujourd’hui moins résidentiel, de nombreux hanok ont été transformés en auberges ou en commerces. 13