Prescrire et surveiller une biothérapie de la polyarthrite rhumatoïde

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Prescrire et surveiller une biothérapie
de la polyarthrite rhumatoïde en pratique courante
Biotherapies in RA: prescription and management in clinical practice
● D. Wendling*, B. Combe**
P o i n t s
f o r t s
■ La prescription actuelle des biothérapies dans
la polyarthrite rhumatoïde (PR) doit se conformer aux indications selon les libellés d’AMM
ainsi qu’aux recommandations nationales et
internationales.
■
L’utilisation pratique nécessite la connaissance
des effets indésirables (au 1 er rang desquels, les
infections) et des contre-indications, justifiant
un bilan préalable et des éléments de surveillance.
■ Les modalités actuelles de prescription (initiale
en milieu hospitalier, renouvellement en partique libérale) illustrent l’intérêt de la circulation de l’information et du travail en réseau.
Mots-clés : Polyarthrite rhumatoïde - Traitement
- Biothérapies - Anti-TNF.
Keywords: Rheumatoid arthritis - Treatment Biological agents - TNF blockers.
avènement des biothérapies a apporté une nouvelle
dimension dans la prise en charge thérapeutique de la
polyarthrite rhumatoïde. Ces nouvelles options thérapeutiques ont également conduit à l’émergence de nouveaux
problèmes : coût et accessibilité de ces biothérapies, nécessité
d’une réponse objective à la demande souvent pressante des
patients, besoin impérieux d’un nouveau mode de collaboration entre rhumatologues hospitaliers et rhumatologues libéraux
dû au mode de prescription de certaines de ces biothérapies.
Cela peut déboucher sur la création de réseaux spécifiques.
Ces biothérapies peuvent donc poser des problèmes de prescription en pratique. De façon pragmatique, cette prescription
est encadrée par les libellés des autorisations de mise sur le
marché (AMM), l’existence de recommandations émanant de
sociétés savantes ou de groupes de réflexion, ou par l’existence de directives d’agences nationales.
Une telle prescription met en exergue la nécessité d’information et d’éducation des patients, mais aussi le devoir d’information et de collaboration du médecin prescripteur envers ses
correspondants.
En 2004, quatre agents biologiques sont disponibles dans le cadre
du traitement de la polyarthrite rhumatoïde : infliximab (Remicade®), anticorps monoclonal chimérique anti-TNFα, etanercept
(Enbrel®), récepteur p75 du TNFα, adalimumab (Humira®) anticorps monoclonal de séquence humaine anti-TNFα, et anakinra
(Kineret®), antagoniste du récepteur de l’IL-1.
Ces différents agents biologiques partagent un certain nombre
de points communs dans leurs modalités de prescription et de
surveillance, mais offrent également certaines particularités
dans ces domaines.
Dans la pratique courante, la prescription et la surveillance
d’une biothérapie nécessitent de connaître indications et
contre-indications, les éléments du bilan préalable exigé pour
certaines d’entre elles, les modalités pratiques de prescription
et de délivrance, les éléments de surveillance et la connaissance des effets indésirables potentiels. Enfin, il incombe également au prescripteur d’évaluer la réponse thérapeutique pour
juger de la poursuite du traitement.
L’
INDICATIONS DES BIOTHÉRAPIES DANS LA
POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
* Service de rhumatologie, CHU Minjoz, 25030 Besançon Cedex.
** Service d’immuno-rhumatologie, CHU Lapeyronie, 34295 Montpellier Cedex 5.
Elles sont guidées par les termes des libellés d’AMM.
Ainsi, pour l’infliximab, il s’agit de polyarthrite rhumatoïde
de l’adulte, active, avec une réponse inappropriée au traitement
de fond, dont le méthotrexate, en association à ce dernier.
Pour l’etanercept, il s’agit de polyarthrite rhumatoïde active avec
une réponse inadéquate au traitement de fond, y compris au méthotrexate, mais aussi de polyarthrite rhumatoïde sévère, active, évolutive de l’adulte non précédemment traitée par méthotrexate.
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La Lettre du Rhumatologue - n° 299 - février 2004
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Pour l’adalimumab, il s’agit de polyarthrite rhumatoïde
modérément à sévèrement active de l’adulte, ayant une réponse
inadéquate au traitement de fond, y compris le méthotrexate,
en association à ce dernier, ou en monothérapie en cas d’intolérance ou d’inadaptation à celui-ci.
L’anakinra est un agent biologique indiqué dans le traitement des signes et symptômes de la polyarthrite rhumatoïde,
en association avec le méthotrexate, chez les patients dont
la réponse au méthotrexate n’est pas satisfaisante.
Il existe donc une certaine similitude entre ces différents
agents biologiques, représentée par l’échec total ou partiel
du méthotrexate. Néanmoins, les libellés restent relativement
modulables ; en particulier, la définition d’une réponse insuffisante au méthotrexate et celle d’une polyarthrite rhumatoïde active ne sont pas clairement explicitées (1). Un groupe
de travail hexagonal travaille actuellement sur ce sujet, avec
l’objectif de fournir des recommandations applicables au
quotidien. À titre d’exemple, la société britannique de rhumatologie a proposé comme critères de mise en route d’une
biothérapie au cours de la polyarthrite rhumatoïde l’échec
d’au moins deux traitements de fond, et une activité de la
maladie définie par un DAS (disease activity score) supérieur ou égal à 5,1 lors de deux consultations successives à
un mois d’intervalle.
MODALITÉS DE PRESCRIPTION
ET DE DÉLIVRANCE
L’infliximab est réservé à l’usage hospitalier sur prescription
de spécialistes ou de services spécialisés en rhumatologie,
médecine interne (gastroentérologie et chirurgie digestive
pour l’indication dans la maladie de Crohn), la délivrance est
strictement hospitalière. Délivré en flacon de 100 ml, il est
administré à la posologie de 3 mg/kg par perfusion intraveineuse aux semaines 0, 2, 6 puis toutes les huit semaines (2).
L’etanercept répond à une prescription initiale hospitalière,
valable pour une durée de six mois, réservée aux spécialistes
de rhumatologie, de médecine interne (et de pédiatrie dans
l’indication de l’arthrite chronique juvénile). Un rhumatologue
vacataire dans un établissement hospitalier est habilité à effectuer cette prescription. La prescription doit être rédigée sur
une ordonnance de médicament d’exception (figure 1), le produit est délivré par les officines de ville. La posologie est de
25 mg en injection sous-cutanée deux fois par semaine. Il s’agit
d’une poudre à reconstituer qui atteint un volume d’injection
de 1 ml, la conservation se fait au réfrigérateur ; le produit doit
être injecté dans les six heures après reconstitution. Entre les
renouvellements hospitaliers tous les six mois, la prescription
peut-être renouvelée par le rhumatologue libéral sur le formulaire de médicament d’exception, le patient présentant à la
pharmacie en même temps que cette prescription de renouvellement, la prescription hospitalière initiale (3).
La Lettre du Rhumatologue - n° 299 - février 2004
Figure 1. Formulaire d’ordonnance de produit d’exception.
L’adalimumab répond également à une prescription initiale
hospitalière valable six mois, réservée aux spécialistes de
rhumatologie et de médecine interne. Sa dispensation est
actuellement (à l’heure où cet article est écrit : décembre
2003) assurée par les pharmacies hospitalières, avec une carte
de surveillance pour le patient. Il est probable que la situation évolue vers le modèle de l’etanercept. La posologie est
de 40 mg en injection sous-cutanée toutes les deux semaines,
avec la possibilité, en cas de monothérapie et de réponse
insuffisante, de passer à la posologie de 40 mg par semaine.
Le produit se présente sous forme de seringues préremplies
à conserver au réfrigérateur. De la même manière, le rhumatologue libéral a la possibilité d’effectuer les renouvellements de prescription entre deux ordonnances hospitalières
de six mois (4).
L’anakinra est de prescription initiale hospitalière pour une
durée de six mois, sa dispensation est effectuée par la pharmacie hospitalière. La posologie est de 100 mg par jour en
injection sous-cutanée représentant 0,67 ml. Il s’agit de
seringues préremplies à conserver au réfrigérateur et à l’abri
de la lumière (5).
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EFFETS INDÉSIRABLES
La surveillance, le dépistage et la prise en charge des effets
indésirables potentiels représentent le problème majeur du
suivi des patients sous biothérapie. Cet aspect de la prise en
charge incombe à tous les médecins en charge du patient, tant
au médecin prescripteur initial qu’au rhumatologue libéral,
ainsi qu’au médecin généraliste, qu’il faudra informer. Cela
suppose également une réactivité et une circulation d’information médicale entre ces différents acteurs, situation qui
illustre l’intérêt d’un dossier commun partagé, et du fonctionnement en réseau. Les principaux effets indésirables des
biothérapies doivent être connus de tous, y compris du patient,
d’où l’intérêt de son information. Ces effets indésirables sont
à classer en fonction de leur fréquence et de leur gravité, et du
contexte général : la maladie elle-même (polyarthrite rhumatoïde) pouvant être à l’origine de certains symptômes (lymphome, atteinte pulmonaire...), les traitements antérieurs ou
associés à visée immunosuppressive, susceptibles d’induire
des complications spécifiques, et les comorbidités (âge, diabète, état cardiaque et neurologique...).
Dans ce contexte d’effets indésirables, la connaissance des
demi-vies des différents agents peut être utile : huit à dix jours
pour l’infliximab, treize jours pour l’adalimumab, trois jours
pour l’etanercept et six heures pour l’anakinra.
Infections
Les infections représentent le problème majeur de l’utilisation
des biothérapies au long cours de la polyarthrite rhumatoïde.
Le taux d’incidence d’infections sévères par patients-années
est voisin, pour les différents agents biologiques, de 0,04. Il
peut s’agir d’infections à pyogènes touchant les voies
aériennes supérieures, le poumon, les voies urinaires, mais il
peut également s’agir d’infections opportunistes (histoplasmose, listériose, candidose, aspergillose, pneumocystose) (6).
Tableau I. Tuberculoses sous anti-TNF (FDA alert, ACR Hotline 2003).
✓ Patients traités
✓ Patients-années d’exposition
✓ Tuberculose rapportée
✓ Utilisation des agents
anti-TNF
– États-Unis
– Hors États-Unis
✓ Cas de tuberculose
– États-Unis
– Hors États-Unis
✓ Délai avant apparition
de la tuberculose
✓ Atteinte extrapulmonaire/
miliaire
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Etanercept
Infliximab
Adalimumab
150 000
230 000
38
200 000
230 000
172
2 500
4 900
13
90 %
10 %
64 %
36 %
60 %
40 %
20 (52 %)
55 (32 %)
18 (48 %)
117 (68 %)
1-22 mois
75 % à 6 sem.
(médiane : 11,2) 97 % à 7 mois
50 %
45 %
3 (23 %)
10 (67 %)
3-8 mois
40 %
L’attention a été attirée particulièrement sur le risque de tuberculose, et de réactivation de tuberculose sous agents antiTNFα ; ces tuberculoses sont fréquemment extrapulmonaires
ou miliaires ; le risque semble différent entre anticorps antiTNF, et récepteur soluble, avec également des délais d’apparition différents entre ces deux types d’agents anti-TNF
(tableau I) (7). Ces éléments justifient les recommandations
de bilan préalable.
Insuffisance cardiaque
La décompensation d’une insuffisance cardiaque préexistante
est susceptible de survenir sous anti-TNF, en particulier en cas
d’utilisation d’anticorps, les essais thérapeutiques des antiTNF dans le traitement de l’insuffisance cardiaque ayant été
interrompus en raison d’une augmentation du taux de décès
d’origine cardiaque chez les patients ayant eu de fortes doses
(10 mg/kg) d’infliximab.
Dysimmunité
L’utilisation d’agents anti-TNFα est susceptible d’induire des
phénomènes auto-immuns, et en particulier l’apparition d’anticorps antinucléaires (de 10 à 44 % des cas selon les séries) et
d’anticorps anti-ADN (15 à 17 % des cas). Les syndromes
lupiques cliniques restent rares, et habituellement résolutifs à
l’arrêt du traitement. Il n’y a donc pas d’indication particulière à rechercher sous traitement ces différents auto-anticorps
en l’absence de manifestations cliniques spécifiques.
Immunisation
L’utilisation, en particulier au long cours, d’agents biologiques
est susceptible de générer l’induction d’une immunisation
contre cet agent, cela d’autant plus que sa structure n’est pas
présente à l’état physiologique dans l’organisme. Ainsi, des
anticorps anti-infliximab sont retrouvés dans 8, 5 % des cas à
2 ans (en association au méthotrexate, le chiffre étant plus
élevé en monothérapie), et semblent associés à la survenue de
réactions au décours de la perfusion ; des anticorps antiadalimumab sont notés dans 5,5 % des cas, sans lien avec les
effets indésirables, mais peut-être avec une réponse clinique
moins importante ; l’immunisation anti-etanercept est plus rare
(< 5 %), sans influence sur la réponse clinique ou les effets
indésirables. La recherche d’une telle immunisation n’est pas
réalisée en pratique courante.
Réaction au produit
Il peut s’agir de réactions générales, elles sont surtout observées au décours des perfusions d’infliximab (plus de 10 %),
surtout lors des premières perfusions. Elles sont à type de
fièvre, de frissons, de myalgies, de modification tensionnelle
pouvant survenir dans les heures qui suivent la perfusion (d’où
la nécessité d’une surveillance dans les deux heures après la
fin de la perfusion), avec la possibilité de phénomènes d’hypersensibilité retardée, notamment en cas de réintroduction du
produit après une interruption prolongée de plusieurs mois.
La Lettre du Rhumatologue - n° 299 - février 2004
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De telles réactions générales ont été signalées, mais de façon
rare avec les autres agents biologiques.
Les réactions locales surviennent au point d’injection, dans
environ 20 % des cas avec l’adalimumab, dans 36 % des cas
avec l’etanercept (contre 9 % sous placebo), et dans 71 % avec
l’anakinra (contre 28 % dans le groupe placebo). Ces réactions locales surviennent principalement durant le premier
mois de traitement, elles durent de 3 à 5 jours, et sont habituellement sans conséquence (figure 2).
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lyse est compliquée par l’augmentation connue de risque de
lymphome au cours de la polyarthrite rhumatoïde elle-même.
Dans cette situation, on sait que c’est le potentiel inflammatoire de la maladie qui est le facteur déterminant essentiel dans
la survenue de lymphome, et ce sont précisément ces polyarthrites très inflammatoires qui conduisent au recours aux traitements anti-TNF. Il est donc difficile actuellement de proposer une conclusion définitive, et la poursuite de la surveillance
des cohortes et de l’analyse de la pharmacovigilance sont indispensables (7, ACR hotline).
Divers
Divers effets indésirables ont été signalés ponctuellement ou
à l’occasion de petites séries. On peut citer la possibilité de
cytolyses hépatiques, la survenue de thromboses, de même
que la possibilité d’induction d’anticorps anti-cardiolipine sous
anti-TNF. Des observations de poussée de polyarthrite rhumatoïde, d’efflorescence de nodules, de vascularites ont été
signalées ponctuellement. De même la survenue de troubles
de l’humeur, d’asthénie, de céphalées ou encore de pancytopénies est possible.
Figure 2. Réaction locale au point d’injection.
Démyélinisation
Des cas de survenue de maladies neurologiques démyélinisantes ont été rapportés à l’occasion de traitements de la polyarthrite rhumatoïde par agents anti-TNFα (8). Une revue des
déclarations à la pharmacovigilance avait recensé vingt cas
pour lesquels une relation temporelle était trouvée entre la
mise en route du traitement et la survenue des troubles neurologiques ; il s’agissait parfois d’une réactivation ou d’une
révélation de la maladie neurologique, avec une résolution
complète ou partielle à l’arrêt du traitement. Ces constatations
justifient les précautions d’emploi signalées plus haut.
Néoplasies
Actuellement, avec le recul disponible, il n’a pas été mis en
évidence d’augmentation d’incidence observée par rapport à
l’incidence attendue des tumeurs solides sous anti-TNFα, lors
des études et en pharmacovigilance depuis la commercialisation (7).
Lymphomes
Quelques cas de lymphomes ont été rapportés à l’occasion du
traitement de la polyarthrite rhumatoïde par agents anti-TNFα,
à l’occasion des études contrôlées et par la pharmacovigilance,
avec chacun des agents anti-TNF actuellement utilisés. Ces
études menées aux États-Unis aboutissent à un taux d’incidence plus élevée que dans la population générale, mais l’anaLa Lettre du Rhumatologue - n° 299 - février 2004
CONTRE-INDICATIONS DES BIOTHÉRAPIES
DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE
Elles sont également relativement voisines pour ces différents
agents biologiques (tableau II). Elles offrent cependant
quelques petites variations en fonction des produits.
Tableau II. Contre-indications générales des biothérapies.
✓ Infections évolutives
✓ Infection grave antérieure
✓ Maladie démyélinisante, névrite optique
✓ Maladies hématologiques et lymphomes
✓ Néoplasies récentes (moins de 5 ans)
✓ Insuffisance cardiaque congestive
✓ Maladie favorisant les infections
✓ Hypersensibilité au médicament
✓ Grossesse et allaitement
✓ Insuffisance rénale sévère (anakinra)
Ainsi, pour l’infliximab, les contre-indications sont représentées par une tuberculose active, une infection sévère ou la
notion d’infections opportunistes, une insuffisance cardiaque
modérée ou sévère (classe III ou IV NYHA) (tableau III), la
notion d’une hypersensibilité au produit ou aux protéines
murines. Le traitement n’est pas indiqué en cas de lupus, de
maladie neurologique démyélinisante, de grossesse et d’allaitement (préconisation d’une contraception pendant six mois
après la dernière injection), en cas de lymphome ou de tumeur
maligne datant de moins de cinq ans. Les vaccins vivants sont
contre-indiqués (tableau IV).
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Tableau III. Insuffisance cardiaque : classification NYHA.
✓ Classe I : aucune limitation des activités ; absence de symptômes
au cours des activités ordinaires
✓ Classe II : limitation modérée des activités, sans gêne au repos ou
lors d’un exercice modéré
✓ Classe III : limitation importante de l’activité, absence de gêne
uniquement au repos
✓ Classe IV : patient confiné au lit ou au fauteuil, gêne à la moindre
activité
Tableau IV. Vaccins vivants disponibles en France.
Fièvre jaune ; rougeole, oreillons, rubéole
Polyomyélite (per os) ; BCG
Pour l’etanercept, les contre-indications sont représentées
par une hypersensibilité au produit, les antécédents de septicémie ou d’infections graves, l’administration de vaccins
vivants, la grossesse et l’allaitement. Des précautions particulières doivent être prises en cas d’affection démyélinisante
du système nerveux, d’insuffisance cardiaque congestive,
d’antécédents de lymphome ou de tumeur maligne.
Pour l’adalimumab, les contre-indications consistent dans
l’hypersensibilité au principe actif, l’existence d’une tuberculose évolutive, les infections sévères et opportunistes, l’insuffisance cardiaque. Le produit n’est pas indiqué en cas de
grossesse et d’allaitement (préconisation d’une contraception
durant cinq mois après la dernière injection), d’affection
démyélinisante, d’association à l’anakinra, d’administration
de vaccins vivants.
Pour l’anakinra, l’hypersensibilité au principe actif, aux protéines dérivant d’E. coli, l’insuffisance rénale sévère (définie
par une clairance de la créatinine inférieure à 30 ml/mn) et
l’association à un agent anti-TNF représentent les contre-indications à ce traitement. Celui-ci n’est pas recommandé en cas
d’antécédents d’infections récurrentes et de pathologie prédisposant aux infections, de pathologie maligne préexistante,
chez la femme enceinte et allaitante, et en cas de neutropénie
(neutrophiles inférieurs à 1 500 par ml).
BILAN PRÉALABLE
Certaines mesures sont recommandées, voire indispensables
avant la mise en route de certaines biothérapies. C’est le cas,
en particulier, de la recherche d’une tuberculose latente et
d’une tuberculose active avant l’introduction d’un anticorps
anti-TNFα. Des recommandations précises ont été élaborées
par un groupe d’experts et reprises par l’AFSSAPS ; elles s’imposent, même si elles sont discutées et alors qu’elles feront
certainement l’objet d’une révision (9).
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Une tuberculose latente doit être évoquée en cas de primoinfection (virage ou augmentation de diamètre de l’intradermoréaction à la tuberculine à plus de 10 mm après contact
avec une personne atteinte d’une tuberculose bacillifère) et
chez les sujets à fort risque de réactivation tuberculeuse : tuberculose traitée avant 1970 ou à traitement insuffisant, intradermoréaction supérieure à 10 mm à distance du BCG (plus de
dix ans), sujets ayant des séquelles tuberculeuses importantes
sans que l’on ait la certitude d’un traitement stérilisant. Les
sujets suspects le tuberculose active devront bénéficier d’un
bilan diagnostique, et d’un traitement antituberculeux, l’un et
l’autre complets. Il est donc indispensable, avant d’envisager
un traitement par anticorps anti-TNF, d’effectuer un interrogatoire détaillé dans ce sens, une radiographie pulmonaire et
une intradermoréaction à la tuberculine à dix unités, ces éléments devant être consignés dans le dossier du patient (9).
En cas de tuberculose latente un traitement prophylactique
est indispensable, dont les modalités sont détaillées dans le
texte de la recommandation. Ce traitement prophylactique doit
être mis en route au moins trois semaines avant la première
injection d’anticorps anti-TNF. L’attention a été récemment
attirée sur la toxicité hépatique du pyrazinamide dans cette
situation ; il convient donc de privilégier les schémas thérapeutiques n’utilisant pas cet antituberculeux.
En cas de tuberculose active, le traitement curatif s’impose
avec les durées usuelles (entre 6 et 12 mois selon les formes) ;
là encore, l’unanimité ne semble pas absolue. L’instauration
du traitement anti-TNF doit être discutée de façon pluridisciplinaire, en fonction du rapport bénéfice-risque au cas par cas.
Un hémogramme et une évaluation de la fonction rénale sont
indiqués pour l’anakinra, conseillés pour les agents anti-TNF.
La surveillance des transaminases est également conseillée,
elle fait partie du suivi du traitement par méthotrexate, lorsque
celui-ci est associé à la biothérapie.
En cas d’insuffisance cardiaque préexistante, l’avis du cardiologue peut être utile.
SURVEILLANCE
Certains éléments de surveillance sont préconisés dans les
caractéristiques des produits : on retrouve pour tous ces produits une surveillance vis-à-vis des infections, l’interdiction
d’utilisation de vaccins vivants, la surveillance des réactions
locales au point d’injection pour les administrations sous-cutanées. Pour l’anakinra, seule une surveillance biologique précise est exigée : numération des polynucléaires avant traitement, une fois par mois pendant le premier semestre, puis une
fois par trimestre. Pour les autres agents biologiques, il n’y a
pas de surveillance biologique spécifique explicitée. Cependant, la surveillance régulière de l’hémogramme et des plaquettes reste souhaitable.
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ÉVALUATION
Tableau V. Situations pratiques.
Après la mise en route d’une biothérapie pour la polyarthrite
rhumatoïde, après s’être assuré de la bonne tolérance au traitement et de la compliance du patient, il est de la responsabilité du rhumatologue d’évaluer la réponse clinique. Selon les
recommandations internationales actuelles (1), cette évaluation doit se faire après douze semaines de traitement en utilisant préférentiellement le DAS plutôt que la réponse ACR. En
cas d’amélioration et de réponse clinique, le traitement peut
être poursuivi. En cas de non-réponse, il doit être arrêté. Il n’y
a pas actuellement de données scientifiques permettant de hiérarchiser ces différentes biothérapies entre elles et, en cas d’inefficacité, il a été montré que l’on pouvait passer d’un agent
anti-TNF à un autre, avec un pourcentage de répondeurs
proche de celui observé au cours des études contrôlées. En cas
de réponse incomplète, il peut être proposé une augmentation
des doses, ou une réduction des intervalles, selon le produit.
Symptôme
Diagnostic à évoquer
Fièvre
Infection
Réaction au produit
Lymphome
Bilan - arrêt du traitement
En fonction du bilan : antibiothérapie
Infection grave (septicémie, arthrite
septique) non contrôlée à 30 jours :
arrêt définitif
Infection modérée : reprise possible
après guérison
Dyspnée
Infection
Insuffisance cardiaque
Réaction au produit,
au MTX
Bilan
Arrêt (transitoire ?) du traitement
Adénopathies
Lymphome
Tuberculose, infection
Bilan hospitalier
Arrêt du traitement
Arthrite
Poussée de PR PR en échappement
LED
Infection
Bilan - ponction
Réaction
locale
SITUATIONS PRATIQUES
Ces différentes considérations peuvent être mises en application à l’occasion de différentes situations qui peuvent être rencontrées par le rhumatologue praticien. Elles représentent également, pour certaines, des signaux d’alerte vis-à-vis desquels
le praticien se doit d’être vigilant (tableau V).
Conduite pratique
Varier les sites d’injection,
application locale de froid
Laisser sécher alcool avant injection
Laisser revenir produit à température
ambiante
Topique cortisonique
Leucopénie
Infection virale
Lymphome
Toxicité
Bilan
Arrêt traitement
CONCLUSION
Symptômes
neurologiques
Démyélinisation
Bilan- arrêt traitement
Les biothérapies représentent un progrès considérable dans
l’arsenal thérapeutique contre la polyarthrite rhumatoïde et
nécessitent une connaissance de leur maniement en pratique.
Le rhumatologue est présent à toutes les étapes de cette thérapeutique : information et éducation du patient, vérification
des critères d’inclusion et d’exclusion, réalisation du bilan
préthérapeutique, prescription (initiale par le rhumatologue
hospitalier, renouvellement par le rhumatologue libéral), suivi
et surveillance des effets indésirables, évaluation de la réponse
clinique. La gestion de ces nouvelles thérapeutiques au quotidien souligne l’importance de la qualité des relations entre
ville et hôpital et représente une opportunité de positionnement pour notre discipline.
■
Chirurgie
programmée
Arrêt
Infliximab : 2-4 semaines
Adalimumab : 2 semaines avant
Etanercept : 1 semaine
Anakinra : 1 semaine
Reprise : 2 semaines après
(cicatrisation)
Insuffisance
rénale
Absence de données pour anti-TNF
Anakinra : contre-indication : arrêt
Grossesse
Nécessité de contraception sous biothérapie
En cas de grossesse : pas de données
scientifiques,
Discuter au cas par cas
}
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