Revue Médicale Suisse
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28 mai 2008 0
correctement le premier principe de radioprotection, à
savoir la justification de l’examen, mais aussi pour obtenir
le consentement éclairé du patient.
Le but de cette revue est de rappeler les effets des
radiations ionisantes sur l’organisme. On introduira ensuite
les grandeurs opérationnelles couramment utilisées pour
quantifier ces risques. On terminera en donnant quelques
ordres de grandeurs afin que les praticiens puissent juger
des risques encourus lors d’une investigation radiologique.
Il est en particulier important qu’à l’issue d’une procédure
lourde, le praticien puisse exploiter les informations dosi-
métriques à sa disposition pour vérifier la présence ou
l’absence d’effets secondaires comme l’apparition d’érythè-
mes ou de brûlures.
RISQUE ASSOCIÉ À L’USAGE DES RADIATIONS
IONISANTES
Perception du risque
Chaque examen radiologique ou de médecine nucléaire
implique l’administration de radiations ionisantes et induit
un risque au patient. Cette notion de risque radiologique
mérite d'être placée dans le contexte de la vie de tous les
jours dans lequel il est courant d’ignorer des facteurs de
risque inférieurs ou égaux à un sur un million (10-6). Ceci
est justifié par le fait que chaque jour nous prenons des
risques beaucoup plus élevés. A titreindicatif, le facteur
de risque associé aux déplacements, dans l’Union Euro-
péenne, était, pour l’année 2001-2002, de 6,4 10-8 par kilo-
mètrepour la marche, de 0,7 10-6 pour 100 km en voitureet
de 0,035 10-6 pour 100 km en avion.4En pratique, les faits
objectifs sont souvent entachés par des aspects psycholo-
giques. Nous avons par exemple naturellement tendance
àsous-estimer les grands risques que nous côtoyons régu-
lièrement, comme ceux associés au tabagisme, et à sures-
timer des petits risques à haute composante émotionnelle,
comme celui de mourir en Suisse à la suite d’une morsure
de serpent par exemple. En outre, il semble que l’on soit
davantage disposé à prendre de plus gros risques lorsque
l’on estime avoir le contrôle de la situation, comme con-
duiresa voitureplutôt que de prendrel’avion.
Effets des radiations ionisantes sur l’organisme
Les rayons X ou gamma sont dits indirectement ionisants,
car l’énergie est véritablement libérée dans le tissu par le
biais des électrons, mis en mouvement par les rayons X ou
gamma, qui à leur tour vont effectuer un très grand nombre
d’ionisation. L’énergie que déposent ces électrons par unité
de masse de tissu est appelée dose absorbée et, souvent,
notée D. Il s’agit de la grandeur de base utilisée pour me-
surer les effets biologiques attendus. Elle a la dimension
d’un joule par kilogramme (Jxkg-1)et s’exprime en gray (Gy).
Pour tenir compte du fait que tous les types de rayonne-
ments ne produisent pas le même effet chez l’êtrehumain,
on a introduit la notion de dose équivalente, notée H. C’est
le produit de D et d’un facteur de pondération, wR,qui
dépend du type de radiation et exprime son efficacité.
Bien qu’ayant la même dimension que D (J x kg-1), la dose
équivalente est exprimée en sievert(Sv). Pour les rayons
Xou gamma, wRest égal à l’unité. Ainsi, une dose absor-
bée de 1 Gy équivaut à une dose équivalente de 1 Sv.
Les effets associés à une exposition aux radiations sont
divisés en deux catégories : les effets
stochastiques
et les
effets
déterministes
.
Effets stochastiques
Les risques majeurs associés à une procédure radiolo-
gique utilisant les radiations ionisantes sont les effets sto-
chastiques. Ils induisent un risque génétique minime sur
la descendance et surtout ajoutent un risque supplémen-
taire au risque naturel de développer un cancer. Ils dé-
pendent fortement de l'âge et sont trois à quatre fois plus
importants chez l’enfant que chez l’adulte. L’un des pro-
blèmes liés aux effets stochastiques est le fait qu’ils soient
sans seuil. Il est donc nécessaire de justifier un examen
utilisant les radiations ionisantes et d’êtresûr que le bé-
néfice de cet examen pour le patient dépasse le risque
encouru. En outre, lorsque la procédure est justifiée, la
prise en charge du patient doit être optimisée.
L’estimation des effets stochastiques se fait par le biais
d’une grandeur synthétique, appelée
dose effective
en Suisse,
mais
dose efficace
en France, et notée E. Cette grandeur ne
peut pas être mesurée directement. Elle s’obtient sur la
base de calculs qui simulent toute la procédure d’exposi-
tion pour un patient de 70 kg dont la morphologie a été
standardisée.5,6 Le principe de base de l’estimation de la
dose effective délivrée lors d’une procédureradiologique
consiste à déterminer les doses reçues par un certain
nombred’organes et de tissus puis d’effectuer une somme
pondérée de ces doses en utilisant des facteurs de pon-
dération, wT,qui tiennent compte de la radiosensibilité
individuelle des organes et tissus considérés. La dimen-
sion de E est la même que celle de D et H (J xkg-1);elle
est cependant exprimée en sievert (Sv).
L’intérêt de E est de permettre de comparer la dange-
rosité radiologique de différentes modalités comme la fluo-
roscopie, la tomodensitométrie ou la médecine nucléaire.
Cette grandeur permet aussi de comparer le risque radio-
logique associé à une procédure d’imagerie médicale à
celui associé à d’autres types d’expositions et, en particu-
lier, à l’irradiation naturelle. A titreindicatif, la dose effec-
tive annuelle totale reçue en moyenne par un individu en
Suisse est de 4,1 mSv, alors que la dose effective moyenne
associée à l’exposition médicale est de 1,2 mSv.7
Lorsque l’on évalue E pour les examens médicaux, il est
important de garder à l’esprit que l’incertitude associée
est grande. Elle est de plus ou moins 50% pour un patient
dont l’anatomie est très proche du patient standard de
70 kg utilisé pour estimer la grandeur et peut atteindre plus
ou moins 100% pour un patient quelconque. De ce fait, la
dose effective ne peut pas être déterminée pour un pa-
tient lambda. Elle doit être uniquement utilisée pour dé-
terminer si le risque radiologique stochastique associé à
une procédureest particulièrement élevé par rapport à
une autre procédure.6
Effets déterministes
Les effets déterministes (érythèmes, épilations, brûlures
àdifférents stades selon le degré d’irradiation de la peau…)
ne sont, en général, pas attendus à la suite d’examens car-
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