Investigations radiologiques en cardiologie : quels risques pour le

F. R.Verdun
A.Aroua
F. Bochud
J.-C. Stauffer
INTRODUCTION
La prise en charge des patients souffrant de pathologies car-
diaques nécessite très souvent de recourir à des techniques
d’investigation utilisant les radiations ionisantes (rayons X ou
gamma).
Atitre d’exemple, 3,85 millions de cathétérismes cardiaques et
3millions d’examens de médecine nucléaire (investigations
cardiaques uniquement) ont été effectués aux Etats-Unis en
2002.1En Suisse, la dernière enquête nationale sur l’exposition
de la population par la radiologie médicale a révélé que près
de 37 000 coronarographies et de 17 000 dilatations coronaires ont été effectuées
en 2005.2Ces techniques sont considérées comme invasives puisqu’elles néces-
sitent la ponction d’une artère. En outre, il arrive exceptionnellement que les
doses délivrées à la peau dépassent le seuil d’apparition d’un érythème.
Actuellement, les développements technologiques du CT offrent la possibilité
d’explorer non seulement la fonction cardiaque (mesure de la fraction d’éjection
par exemple) mais aussi l’état des coronaires et des gros vaisseaux de manière
non invasive puisqu’il suffit d’une simple ponction veineuse pour procéder à
l’examen. Les angiographies des coronaires par CT (CTCA) sont à présent relati-
vement bien standardisées et offrent une sensibilité et une spécificité élevées
ainsi qu’une valeur prédictive négative d’environ 95%. De ce fait, le CTCA est
parfois proposé en premièreintention lors de syndromes coronariens aigus
avant même l’obtention des résultats enzymatiques. On estime actuellement
qu’aux Etats-Unis environ 6 millions de CTCA sont effectués chaque année.1,3
L’augmentation des examens radiologiques utilisant les radiations ionisantes
est depuis plusieurs années mentionnée non seulement dans les journaux
médicaux s’adressant aux professionnels mais aussi dans la presse destinée au
grand public. A titred’exemple, dans son édition du 17 juin 2007,
LeNew Y
ork
Times
interpellait l’opinion publique sur la justification et le nombre croissant
d’examens CT.
Dans un tel contexte, il est nécessaireque les praticiens évaluent les risques
radiologiques associés aux investigations cardiaques pour, d’une part, appliquer
Cardiac radiological investigations :
what risks for the patients ?
The volume of diagnostic or therapeutic pro-
cedures in cardiology requiring the use of
ionizing radiation is continuously increasing.
While most examinations involve doses rela-
tively low and thus add a low risk to the pro-
cess itself, there are situations where the
doses exceed the dose where excess risk of
death from cancer has been statistically de-
monstrated. In addition, some complex pro-
cedures can result in the emergence of deter-
ministic effects such as burns to the skin. The
aim of this contribution is to provide general
practitioners with the tools required to exer-
cise the justification of the procedure with
regard to the radiation hazard involved. This
information may also be useful in the frame-
work of the informed consent of the patient.
RevMed Suisse 2008; 4 : 1325-31
Le volume des procédures diagnostiques ou thérapeutiques en
cardiologie nécessitant l’usage des radiations ionisantes ne
cesse d’augmenter. Si la plupart des examens délivrent des
doses relativement faibles et ajoutent ainsi un risque faible à
laprocédure elle-même, il existe des situations où les doses
délivrées dépassent le niveau de dose où un excès de risque
de mort par cancer a pu être démontré. En outre, certaines
procédures complexes peuvent se solder par l’apparition d’ef-
fets déterministes comme une brûlure à la peau. L’objectif de
cette contribution est de donner les outils nécessaires à l’exer-
cice de la justification de l’examen ou de la procédure en
regard du risque radiologique associé. Ce type d’information
peut s’avérer aussi utile dans le cadre de l’obtention du con-
sentement éclairé du patient.
Investigations radiologiques
en cardiologie : quels risques
pour le patient ?
mise au point
0Revue Médicale Suisse
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28 mai 2008
Drs Francis R.Verdun,Abbas Aroua
et François Bochud
Institut universitairede radiophysique
Dr Jean-Christophe Stauffer
Division de cardiologie
CHUV-UNIL, 1011 Lausanne
Francis.Verdun@chuv.ch
Abbas@Aroua.com
Francois.Bochud@chuv.ch
Jean-Christophe.Stauffer@chuv.ch
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correctement le premier principe de radioprotection, à
savoir la justification de l’examen, mais aussi pour obtenir
le consentement éclairé du patient.
Le but de cette revue est de rappeler les effets des
radiations ionisantes sur l’organisme. On introduira ensuite
les grandeurs opérationnelles couramment utilisées pour
quantifier ces risques. On terminera en donnant quelques
ordres de grandeurs afin que les praticiens puissent juger
des risques encourus lors d’une investigation radiologique.
Il est en particulier important qu’à l’issue d’une procédure
lourde, le praticien puisse exploiter les informations dosi-
métriques à sa disposition pour vérifier la présence ou
l’absence d’effets secondaires comme l’apparition d’érythè-
mes ou de brûlures.
RISQUE ASSOCIÉ À LUSAGE DES RADIATIONS
IONISANTES
Perception du risque
Chaque examen radiologique ou de médecine nucléaire
implique l’administration de radiations ionisantes et induit
un risque au patient. Cette notion de risque radiologique
mérite d'être placée dans le contexte de la vie de tous les
jours dans lequel il est courant d’ignorer des facteurs de
risque inférieurs ou égaux à un sur un million (10-6). Ceci
est justifié par le fait que chaque jour nous prenons des
risques beaucoup plus élevés. A titreindicatif, le facteur
de risque associé aux déplacements, dans l’Union Euro-
péenne, était, pour l’année 2001-2002, de 6,4 10-8 par kilo-
mètrepour la marche, de 0,7 10-6 pour 100 km en voitureet
de 0,035 10-6 pour 100 km en avion.4En pratique, les faits
objectifs sont souvent entachés par des aspects psycholo-
giques. Nous avons par exemple naturellement tendance
àsous-estimer les grands risques que nous côtoyons régu-
lièrement, comme ceux associés au tabagisme, et à sures-
timer des petits risques à haute composante émotionnelle,
comme celui de mourir en Suisse à la suite d’une morsure
de serpent par exemple. En outre, il semble que l’on soit
davantage disposé à prendre de plus gros risques lorsque
l’on estime avoir le contrôle de la situation, comme con-
duiresa voitureplutôt que de prendrel’avion.
Effets des radiations ionisantes sur l’organisme
Les rayons X ou gamma sont dits indirectement ionisants,
car l’énergie est véritablement libérée dans le tissu par le
biais des électrons, mis en mouvement par les rayons X ou
gamma, qui à leur tour vont effectuer un très grand nombre
d’ionisation. L’énergie que déposent ces électrons par unité
de masse de tissu est appelée dose absorbée et, souvent,
notée D. Il s’agit de la grandeur de base utilisée pour me-
surer les effets biologiques attendus. Elle a la dimension
d’un joule par kilogramme (Jxkg-1)et s’exprime en gray (Gy).
Pour tenir compte du fait que tous les types de rayonne-
ments ne produisent pas le même effet chez l’êtrehumain,
on a introduit la notion de dose équivalente, notée H. C’est
le produit de D et d’un facteur de pondération, wR,qui
dépend du type de radiation et exprime son efficacité.
Bien qu’ayant la même dimension que D (J x kg-1), la dose
équivalente est exprimée en sievert(Sv). Pour les rayons
Xou gamma, wRest égal à l’unité. Ainsi, une dose absor-
bée de 1 Gy équivaut à une dose équivalente de 1 Sv.
Les effets associés à une exposition aux radiations sont
divisés en deux catégories : les effets
stochastiques
et les
effets
déterministes
.
Effets stochastiques
Les risques majeurs associés à une procédure radiolo-
gique utilisant les radiations ionisantes sont les effets sto-
chastiques. Ils induisent un risque génétique minime sur
la descendance et surtout ajoutent un risque supplémen-
taire au risque naturel de développer un cancer. Ils dé-
pendent fortement de l'âge et sont trois à quatre fois plus
importants chez l’enfant que chez l’adulte. L’un des pro-
blèmes liés aux effets stochastiques est le fait qu’ils soient
sans seuil. Il est donc nécessaire de justifier un examen
utilisant les radiations ionisantes et d’êtresûr que le bé-
néfice de cet examen pour le patient dépasse le risque
encouru. En outre, lorsque la procédure est justifiée, la
prise en charge du patient doit être optimisée.
L’estimation des effets stochastiques se fait par le biais
d’une grandeur synthétique, appelée
dose effective
en Suisse,
mais
dose efficace
en France, et notée E. Cette grandeur ne
peut pas être mesurée directement. Elle s’obtient sur la
base de calculs qui simulent toute la procédure d’exposi-
tion pour un patient de 70 kg dont la morphologie a été
standardisée.5,6 Le principe de base de l’estimation de la
dose effective délivrée lors d’une procédureradiologique
consiste à déterminer les doses reçues par un certain
nombred’organes et de tissus puis d’effectuer une somme
pondérée de ces doses en utilisant des facteurs de pon-
dération, wT,qui tiennent compte de la radiosensibilité
individuelle des organes et tissus considérés. La dimen-
sion de E est la même que celle de D et H (J xkg-1);elle
est cependant exprimée en sievert (Sv).
L’intérêt de E est de permettre de comparer la dange-
rosité radiologique de différentes modalités comme la fluo-
roscopie, la tomodensitométrie ou la médecine nucléaire.
Cette grandeur permet aussi de comparer le risque radio-
logique associé à une procédure d’imagerie médicale à
celui associé à d’autres types d’expositions et, en particu-
lier, à l’irradiation naturelle. A titreindicatif, la dose effec-
tive annuelle totale reçue en moyenne par un individu en
Suisse est de 4,1 mSv, alors que la dose effective moyenne
associée à l’exposition médicale est de 1,2 mSv.7
Lorsque l’on évalue E pour les examens médicaux, il est
important de garder à l’esprit que l’incertitude associée
est grande. Elle est de plus ou moins 50% pour un patient
dont l’anatomie est très proche du patient standard de
70 kg utilisé pour estimer la grandeur et peut atteindre plus
ou moins 100% pour un patient quelconque. De ce fait, la
dose effective ne peut pas être déterminée pour un pa-
tient lambda. Elle doit être uniquement utilisée pour dé-
terminer si le risque radiologique stochastique associé à
une procédureest particulièrement élevé par rapport à
une autre procédure.6
Effets déterministes
Les effets déterministes (érythèmes, épilations, brûlures
àdifférents stades selon le degré d’irradiation de la peau…)
ne sont, en général, pas attendus à la suite d’examens car-
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diologiques purement diagnostiques mais sont quelque-
fois rapportés lors de la prise en charge de cas particuliè-
rement critiques après certaines procédures complexes
comme peuvent l’être certaines dilatations des coronaires
(PTCA), les recanalisations ou encore certaines thermo-
ablations. Il est important de retenir que contrairement aux
effets stochastiques, les effets déterministes présentent
un seuil et n’apparaissent qu’au-delà d’une certaine dose
d’irradiation à la peau. Ils sont certes rares, mais ils exis-
tent.8
Pour estimer les risques déterministes, on doit con-
naître la dose absorbée au niveau de la peau du patient.
Apartir d’une dose absorbée au niveau de la peau de 2,0 Gy,
onpeut s’attendre à voir apparaître un érythème transitoire.
Il faut être attentif au fait que certains effets déterministes
n’apparaissent que quelques jours, voirequelques mois
après l’irradiation et que plus la dose reçue à la peau est
élevée plus les effets déterministes sont graves (tableau 1).
On notera que les effets déterministes ne sont pas attendus
après les examens CT.
Les grandeurs opérationnelles
Détermination de la dose effective
Pour estimer la dose effective associée à un examen
radiologique, on utilise différentes grandeurs opérationnel-
les qui sont facilement mesurables. Elles sont en outre
indiquées à l’issue de l’examen sur la console de l’instal-
lation radiologique.
Pour les examens de radiographie, la grandeur opéra-
tionnelle utilisée est la «dose absorbée en surface à l’en-
trée du faisceau dans le patient» dont l’abréviation est DES
(ESD dans la terminologie anglo-saxonne). La DES est ex-
primée en mGy et est convertie en dose effective, en mSv,
en la multipliant par un facteur qui vaut par exemple 0,2
pour une radiographie thoracique.
Pour les examens de fluoroscopie, on utilise une gran-
deur opérationnelle appelée «produit dose-surface» ou
«produit kerma-surface» dont les abréviations sont respec-
tivement PDS (DAP dans la terminologie anglo-saxonne) et
PKS. L’unité la plus courante utilisée est le Gy.cm2.Certains
constructeurs expriment aussi le PDS en cGy.cm2ou en
encore en µGy.m2.Pour exprimer le PDS dans l’unité la plus
couramment utilisée, on doit se rappeler que 1 Gy.cm2est
égal à 100 cGy.cm2ou à 100 µGy.m2.Afin de passer du PDS
àla dose effective en mSv, dans le cas où la région pulmo-
naire est exposée, on multiple le PDS exprimé en Gy.cm2
par un facteur de conversion qui vaut 0,2.
Pour les examens de tomodensitométrie, la grandeur
opérationnelle que l’on utilise est le «produit dose-lon-
gueur» dont l’abréviation est le PDL (DLP dans la termi-
nologie anglo-saxonne). L’unité de cette grandeur est le
Gy.cm. Pour passer du PDL à la dose effective en mSv, dans
le cas où la région pulmonaire est exposée, on multiple le
PDL exprimé en Gy.cm par un facteur de conversion qui
vaut environ 0,02.
Pour les examens de médecine nucléaire, la grandeur
opérationnelle de choix est l’activité administrée, notée A
et exprimée en MBq. Cette dernière est convertie en dose
effective en la multipliant par un facteur qui vaut par exem-
ple 7x10-3 pour l’exploration du cœur au moyen du techné-
tium (99Tc-MIBI).
Le tableau 2 présente les doses effectives associées à
une série d’examens courants en radiodiagnostic et en mé-
decine nucléaire.
Détermination de la dose à la peau
L’estimation de la dose absorbée en surface de la peau
en fluoroscopie est un exercice difficile puisque l’on con-
duit la procédure en changeant régulièrement l’incidence
du faisceau de rayons X. Il est cependant possible d’avoir
une idée de la dose délivrée à la peau en utilisant une gran-
deur opérationnelle particulière, appelée «dose cumulée».
Cette dose estime la dose qu’aurait reçue la peau si la
géométrie d’irradiation n’avait pas changé tout au long de
la procédure. On peut considérer que la dose cumulée in-
diquée par l’installation en cardiologie surestime la dose à
la peau d’un facteur 2 à 3. Si cette grandeur opérationnelle
n’est pas disponible, on peut aussi estimer la dose à la
peau à partir du PDS sachant que l’on sera beaucoup moins
précis. Pour estimer la dose à la peau en Gy, il suffit de
diviser le PDS exprimé en Gy.cm2par 200 ou 300 (surface
du champ à la peau en cm2).
Dose effective et risque supplémentaire
d’induction de cancer
L’inférence du risque de mortpar cancer à partir de la
dose effective est un exercice périlleux. L’incertitude liée
àcette démarche est de l’ordred’un facteur 2 à 3 selon le
domaine de dose où l’on se trouve pour un patient dont la
morphologie correspond à un patient standard. Pour un
patient moins corpulent ou plus corpulent, cette incertitu-
de atteint un facteur 5. Pour procéder à cette inférence, on
autilisé plusieurs cohortes dont celle de la population
d’Hiroshima-Nagasaki qui est suivie depuis 1957 par diffé-
rentes commissions scientifiques.9Les effets d’induction
de cancer par les radiations ont été largement étudiés mais,
en dépit d’êtrebien documentés, ils font toujours l’objet
de controverses. S’il n'y a maintenant aucun doute qu’une
dose supérieure à 100 mSv peut avoir des conséquences
néfastes telles que l’induction d’un cancer,la situation est
moins claire dans le domaine des faibles doses. L’une des
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Effet Dose de seuil (Gy) Délai d’apparition
Erythème transitoire 2 Quelques heures
Epilation temporaire 3 3semaines
Erythème principal 6 10 jours
Epilation permanente 7 3 semaines
Desquamation sèche 10 4 semaines
Atrophie du derme 11 L14 semaines
Télangiectasie 12 L52 semaines
Desquamation humide 15 4 semaines
Erythème tardif 15 6 à 10 semaines
Nécrose 18 L10 semaines
Tableau 1. Risques déterministes et doses de seuil
àla peau
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principales difficultés dans l’évaluation des risques asso-
ciés à une faible dose d’irradiation est que le risque sup-
plémentaireest très faible en comparaison du risque natu-
rel de mort par cancer qui varie d’environ 1% à l’âge de 40
ans à environ 30% à l’âge de 75 ans. S'il est évident que les
risques associés aux faibles doses de radiation sont infé-
rieurs à ceux à hautes doses, des études épidémiologiques
impliquant une population très importante, mais pratique-
ment irréalisables, seraient nécessaires pour obtenir une
puissance statistique suffisante. A titre d’exemple, il faudrait
une population d’au minimum 10 millions d’individus pour
analyser l’effet de l’exposition à une dose de 10 mSv.
L’état des connaissances actuelles se résume comme suit:
un excès
de risque de mortpar cancer a été démontré à la suite
d’une exposition aiguë à partir de 50 mSv. Cet ordre de
grandeur de dose est délivré lors de l’exécution de cer-
tains examens radiologiques comme le CTCA (en particu-
lier au niveau de la glande mammaire ou du poumon).
Pour les raisons indiquées ci-dessus, les études épidé-
miologiques sont peu susceptibles de quantifier les risques
de la mortalité par cancers solides pour des doses inférieu-
res à 10 mSv. Ainsi, le risque de mortalité reste hypothétique
en dessous de cette valeur. Néanmoins, par application du
principe de précaution, on assure la radioprotection du pa-
tient en postulant que le risque est linéaire sans seuil (LNT).
Ainsi, chaque dose, si minime qu’elle soit, ajoute un risque
supplémentaire.
La figure 1 présente l’évolution de l’excès de mort par
cancer (excès de risque relatif (ERR) défini par l’équation
indiquée ci-dessous) en fonction de la dose où le domaine
du risque hypothétique est mentionné en pointillés.
ERR =λR=λTλN
λNλN
avec λRle facteur de risque absolu de décès par cancer du fait
de l’irradiation, λNle facteur de risque naturel absolu de décès
par cancer et λTle facteur de risque absolu total de décès par
cancer (risque naturel +effet de l’irradiation).
On notera l’importance des barres d’incertitude ainsi
que la faible probabilité de rejet de l’hypothèse nulle dans
le domaine de dose de 5 à 50 mSv (p=0,15). Ceci traduit la
difficulté d'isoler un faible nombre de cancers radioinduits
attendus parmi la grande quantité de cancers observés.
Sur cette figure, on a également présenté les doses déli-
vrées lors d’un examen CT thoraco-abdominal (dose effec-
tive d’environ 15 mSv) ainsi que la dose correspondant à
une série d’examens délivrant au total une dose effective
de 100 mSv. Il pourrait s’agir par exemple d’un examen de
médecine nucléaireau Tl-201 (dose effective 34 mSv pour
une activité injectée d’environ 150 MBq (redistribution sous
stress : 110 MBq – re-injection : 37 MBq)) suivi d’une coro-
narographie, elle-même suivie d’une dilatation de plusieurs
segments de coronaires (30 mSv) puis de deux acquisi-
tions thoraco-abdominales. L’excès relatif de mortpar can-
cer associé à cette série d’examens est d’environ 0,04.
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Tableau 2. Doses effectives et risques stochastiques
Figure1. Excès de risque relatif (ERR) associé aux
examens radiologiques
0,06
0,05
0,04
0,03
0,02
0,01
0
Excès de risque relatif
5-50 mSv
p = 0,15
5-125 mSv
pl0,05 5-500 mSv
pl0,05
une scintigraphie TI-201
une coronarographie
une dilatation de plusieurs
segments (PTCA)
deux CT thoraco-abdominaux
0 20 40 60 80 100 120
CT thoraco-abdominal Dose effective (mSv)
Examen Grandeur Valeur Dose
opérationnelle typique effective
(mSv)
Procédures de radiodiagnostic
Bite-Wing (dent) DES (mGy) 2 0,01
Dentaire panoramique DES (mGy) 0,7 0,06
Thorax PA DES (mGy) 0,1 0,02
Bassin AP DES (mGy) 6 0,7
Abdomen PA DES (mGy) 3 1,2
Coronarographie PDS (Gy.cm2)60 12
PTCA PDS (Gy.cm2) 80 16
RFCA PDS (Gy.cm2)130 26
CTCA(rétrospectif PDL (Gy.cm) 1500 25
sans synchronisation
ECG)
CTCA (rétrospectif PDL (Gy.cm) 750 12,5
avec synchronisation
ECG)
CTCA (prospectif – PDL (Gy.cm) 180 3
«snap shot»)
Examen Produit Activité Dose
radiopharma- administrée effective
ceutique (MBq) (mSv)
Procédures de médecine nucléaire
Cœur (repos) Tc-99m sestimibi 800 7,0
Cœur (stress) Tc-99m sestimibi 800 6,0
Cœur (repos) Tc-99m tetrofosmin 800 5,5
Cœur (stress) Tc-99m tetrofosmin 800 5,5
Stress redistribution Tl-201 800 23
Re-injection Tl-201 800 8,5
Etude PET F-18 FDG 800 14,0
DES : dose absorbée en surface à l’entrée du faisceau dans le patient ;
PDS : produit dose-surface ; PDL : produit dose-longueur ; PTCA: angio-
plastie coronarienne percutanée ; RFCA : ablation par radiofréquence ;
CTCA : angiographie des coronaires par CT.
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Ace stade, et même si on ne doit pas utiliser la dose
effective pour inférer l’ajout de risque absolu (λT)de mort
par cancer au niveau individuel, il est intéressant de faire
l’exercice pour estimer l’impact de ces examens à 75 ans
lorsque les 100 mSv ont été délivrés à l’âge de 40 ans. La
figure 2 présente cette estimation par rapport à l’incidence
naturelle des décès par cancer.Cette figureaété obtenue
en utilisant l’équation exprimant le paramètreERR et les
facteurs de risque absolu λNen fonction de l’âge pour une
valeur de ERR de 0,04. En premier lieu, on notera que cette
série d’examens ajoute un petit risque statistiquement dé-
montré lors de l’analyse des différentes cohortes étudiées
actuellement. On notera aussi que l’incertitude associée est
très importante. Il est intéressant de noter que l’utilisation
d’un excès de risque relatif de 0,04 pour 100 mSv corres-
pond à une situation particulièreen radioprotection où le
domaine des faibles doses est dépassé. En effet, si l’on
considère que le risque absolu de décéder d’un cancer est
d’environ 25%, le risque absolu lié à une exposition de 100
mSv se traduit par un facteur de risque λRde 0,04x0,25 soit
0,1 pour 100 mSv ou encore 10% par Sv. Dans le domaine
des faibles doses, on divise cette valeur par un facteur de
réduction DDREF de deux pour obtenir le facteur de risque
absolu couramment utilisé en radioprotection de 5% Sv-1.
C’est ce facteur qui a été utilisé pour établir les facteurs de
risque indiqués dans le tableau 3.
RISQUE ET INFORMATION AU PATIENT
Il existe des grandeurs opérationnelles qui permettent
de contrôler et d’optimiser la dose délivrée lors des pro-
cédures radiologiques. Ces grandeurs peuvent ensuite être
utilisées pour estimer la dose effective, grandeur très utile
pour comparer différentes situations radiologiques. Cette
dose effective n’est cependant pas la dose qu’a reçue le
patient, mais la dose qu’aurait reçu un patient standardisé
de 70 kg. A partir de cette dose effective, il est possible
d’inférer un excès de risque de mort par cancer. La dé-
marche devient alors périlleuse du fait des larges incerti-
tudes. Ainsi les sociétés savantes préconisent l’utilisation
de catégories de risque plutôt que la dose effective ou les
facteurs de risque pour estimer le risque radiologique. Le
tableau 3 résume les catégories proposées et les met en
perspective avec quelques exemples de la vie de tous les
jours. Ce tableau peut être utilisé par le praticien pour
exercer le principe de justification de l’examen. Il peut
aussi servir à obtenir le consentement éclairé du patient.
Ce tableau indique la dangerosité d’un type de procé-
dure. Dans le cas d’examens de type dépistage, il faut être
très prudent puisque d’une partles risques radiologiques
s’additionnent et que, d’autre part, certains examens comme
le CTCA sans synchronisation ECG peuvent délivrer des
doses absorbées aux poumons ou à la glande mammaire
supérieures à 50 mGy par examen, niveau de dose où les
1330 Revue Médicale Suisse
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Figure 2. Surplus de risque de mort par cancer
Suite à une série de procédures radiologiques délivrant une dose effective cumulée de 100 mSv à l’âge de 40 ans.
45 50 55 60 65 70 75 80 85
Age
30
25
20
15
10
5
0
Probabilité de décès par cancer (%)
23
22
21
73 75 77
incertitude
ERR = 0,04 – DDREF = 1
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