du Rhin. En effet, rappelons la poursuite de la guerre entre la France et la couronne d’Espagne jusqu’en 1659. Ces hostilités se traduisent par la présence de troupes étrangères sur le sol du Saint Empire : les troupes espagnoles et lorraines occupent l’Electorat de Cologne et menacent la forteresse de l’Electeur de Trèves, Ehrenbreitstein, ce qui pousse ce dernier à entrer dans la Ligue du Rhin élaborée par la France (1658). Les troupes françaises pillent et rançonnent Merzig et le Saargau, occupent le château de Montclair. Nous l’avons évoqué plus haut, ce n’est que tardivement que les Espagnols et les Lorrains quittent certaines places fortes d’où ils rançonnent les régions alentour. La France ne restitue d’ailleurs la Lorraine à Charles IV qu’en 1661 (traité de Vincennes), c’est seulement en 1663 que les troupes françaises quittent cette terre. Les querelles entre princes constituent également un frein à la reconstruction. Par exemple, dans sa logique de reconstruction, l’Electeur palatin remet en vigueur un droit féodal, le Wildfang289 : les bâtards et les étrangers des territoires palatins et voisins sont considérés comme serfs et doivent s’acquitter d’un cens s’ils ne sont pas sous la protection d’un seigneur. Depuis 1454, plusieurs contrats ont été signés à ce propos avec les princes voisins et à la veille de la guerre de Trente Ans, le Wildfang est reconnu comme un privilège palatin. Or, la venue de nombreux immigrés de tous horizons dans les territoires voisins, la nécessité de trouver de l’argent pousse l’Electeur Karl Ludwig à exiger ce droit qui touche par exemple 3936 habitants sur 6505 dans l’évêché de Spire, ainsi que de nombreuses autres personnes des évêchés de Strasbourg, Mayence, Worms, Trèves, du margraviat de Bade, des comtés de Nassau et Sponheim, des Rhingraviats ainsi qu’en Lorraine. Les évêques rhénans, associés avec le duc de Lorraine et les rhingraves s’engagèrent dans une guerre contre le Palatinat (« Lothringischen Krieg »), en 1663/1664 lorsque les troupes du Palatin entrent dans le temporel de l’évêché de Worms. Seul l’arbitrage de l’Espagne et de la Suède à partir de 1666 permet de conclure un accord le 17 février 1667 à Heilbronn, mais en faveur du Palatinat, ce que n’accepte pas le duc de Lorraine. Les combats se poursuivent, en particulier autour de Sauer-Schwabenheim, Wörrstadt, Nieder-Saulheim, Selz et Gau-Odernheim290. Au cours de l’été 1668, une défaite pousse Charles IV de Lorraine à accepter la paix par l’intermédiaire de la France et de l’empereur. C’est dans ce contexte que Karl Ludwig se rapproche de la monarchie française, rapprochement qui aboutit en 1671 au mariage de Monsieur, le duc Philippe d’Orléans, avec Elisabeth-Charlotte, fille de l’Electeur. Cette instabilité chronique de la région, soumise aux passages des troupes, représente une gêne certaine pour le repeuplement des Etats, ou au moins de certaines zones. S’il faut rester prudent à l’égard de ces données chiffrées et de ce bilan catastrophique291, il n’en reste pas moins que l’on peut en tirer une conclusion simple : à l’heure des traités, l’ensemble de la région manque de main d’œuvre et de contribuables, d’où la nécessité d’attirer de nouveaux sujets et de faire revenir les fuyards. 289 Winfried DOTZAUER, Der historische Raum des Bundeslandes Rheinland-Pfalz von 1500-1815. Die fürstliche Politik für Reich und Land, ihre Krisen und Zusammenbrüche, Francfort/Main, 1995, p. 140-141 ; Lucien BELY, Relations internationales, op. cit., p. 214. 290 DOTZAUER, ibid., p. 141. 291 Si la dépopulation est importante, il n’en reste pas moins qu’une ville comme Bingen sur le Rhin a vu sa population reculer de seulement 10 % (DROEGE, op. cit., p. 228 et G. FRANZ, op. cit., p. 43). 68